12. mai 2016 · Commentaires fermés sur Des séjours en prison qui se transforment en poésie : comment évoquer poétiquement l’univers carcéral ? · Catégories: Première

L’évocation de la prison et des conditions de détention peut faire l’objet de descriptions qui semblent puiser dans un fonds commun

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d’images et de sensations; en effet, la plupart des prisonniers partagent des sentiments analogues et évoquent l’ennui, la solitude, le regret de leur liberté perdue, la monotonie des journées qui se ressemblent toutes , la perte de leur famille, de leurs repères , parfois même de leur identité avec le danger de la déshumanisation. 

Certains prisonniers qui ont souffert de conditions de détention particulièrement éprouvantes durant la guerrre notamment ,  vont faire référence à la promiscuité, à la violence , à la torture qui va parfois accompagner la privation de liberté. Les sensations seront traduites par un monde sonore (bruits de l’extérieur qui attisent la nostalgie ou bruits subis qui provient souvent de leurs codétenus; Certains bruits semblent symboliques (trousseaux de clés des gardiens qui renvoient à la fois à l’emprisonnement mais connotent aussi la liberté avec l’ouverture des portes, bruits du quotidien (voitures qui passent et qui indiquent que la vie continue dehors, cris d’enfants qui sortent de l’école , indice là encore de la vie qui s’écoule sans eux ) . Certains bruits  reviennent fréquemment ; On pense notamment aux bruits des chaines , des portes des cellules, les cris .

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Cet univers est également visuel et le regard des prisonnier semble d’abord faire le tour de leur cellule : si la laideur est le sentiment dominant (couleurs sales, grisaille, délabrement, vétusté ) , on retrouve aussi une sensation de dénuement et de vide; L’attention de certains prisonniers va es focaliser sur un objet extérieur qui assure le lien avec le dehors, comme le ciel, un arbre, un horizon.La vue qu’il ont de leur cellule est souvent limitée et forme un cadre étroit découpé par des limites strictes (fenêtres, grillages, barreaux, soupirail, judas) 

L’oppression sera souvent traduite par des figures géométriques notamment celle du cercle qui matérialise cet enfermement et le fait de tourner en rond comme un animal en cage (ours chez Apollinaire, tournons tournons tournons, v 23 ronde pour Verlaine avec tourner en rond, la meule, le cirque, cage chez Voiries ) Le ralentissement du temps accompagné par les références à l’ennui peut prendre la forme poétique d’un étirement des vers ( que lentement passe les heures avec Apollinaire et la comparaison avec un enterrement ) mais il peut aussi être traduit par des répétitions de mots ou de sons  (les anaphores de Baudelaire, les  rimes , les allitérations et les assonances, les rimes intérieures  ) La forme du poème est également un paramètre important car elle est modulable (vers longs, vers courts, alternance des rythmes et des mètres pour assurer des variations rythmiques, des cadences différentes, des ralentissements et des accélérations) 

Le champ lexical de la mort peut se faire discret ou plus présent : notations éparses chez Verlaine (on croit mourir,v 24 supplice) , références directes ou métonymiques avec Baudelaire (corbillards, drapeau noir ) ; La plupart du temps, l’ambiance est morbide et inspire un sentiment de désolation qui peut s’exprimer au moyen du lyrisme ou avec une certaine distanciation comme chez Verlaine et Apollinaire. 

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Au delà des thématiques communes, les poètes adaptent la forme de leur écriture pour traduire des sensations qui vont du simple ennui au désespoir le plus profond. Les notations réalistes qui évoquant leurs conditions de détention cèdent parfois la place à des notations oniriques  (hallucinations chez Voiries, images des bonheurs disparus) qui traduisent un désir d’évasion et l’espoir d’une libération. L’écriture poétique leur permet de s’évader le temps de l’écriture et de faire ressentir la souffrance de l’emprisonnement .