15. février 2021 · Commentaires fermés sur Neige ..le parcours de Yuko , un apprenti-poète · Catégories: Le livre du mois · Tags:

Ce récit retrace le parcours de Yuko, un jeune homme idéaliste qui rêve de devenir poète pour regarder passer le temps. Dans sa famille, on naît soldat ou prêtre mais il décide de choisir un autre destin et de devenir à 17 ans , un messager du Ciel . Rien que du blanc à songer .. c’est sur cette citation empruntée à Rimbaud que débute le roman; Nous sommes au Japon, en 1884 ; Yuko est alors âgé de 17 ans et il a deux passionx dans la vie : le haïku et la neige .
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03. janvier 2021 · Commentaires fermés sur Bilqiss, une héroïne libre ? · Catégories: Le livre du mois · Tags:

Saphia Azzedine

Le roman s’ouvre sur un procès en cours  : une jeune femme comparait dans une salle d’audiences . Les juges sont comparés à des “gredins en robe blanche” qui débagoulent avec “l’énergie de la haine de ceux qui abominent les femmes  parce qu’elles ne sont pas des hommes ” Dès sa naissance, Bilqiss a le sentiment d’être déjà accusée par son sexe . Elle s’apprête à être lapidée et considère que dans le pays où elle vit, sa vie vaut moins que celle d’un volatile. Dans sa cellule, chaque nuit pour retarder le moment des cauchemars, elle imagine son arrivée au paradis . Les charges retenues contre elle sont multiples et peuvent paraître dérisoires: détention de maquillage, de chaussures à talons et de sous-vêtements, pince à épiler, musique, livres et même une bougie parfumée.  Un soir , après une audience particulièrement mouvementée, le juge , un ancien charpentier dont la femme s’est suicidée , vient trouver la prisonnière dans sa cellule pour la prier de demander pardon . Plus »

01. janvier 2019 · Commentaires fermés sur Retour à Killybegs de Sorj Chalandon · Catégories: Le livre du mois · Tags: ,
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Cela démarre très fort avec la mention : “à ceux qui ont aimé un traître” et il est vrai qu’il est difficile de ne pas s’attacher à ce personnage de Tyrone Meehan.Sur fond de conflit fratricide, Sorj Chalandon sou suivre une version de plus de ses réflexions sur la guerre qui dévore les hommes . Belfast sert de cadre à ces événements tragiques tant sur le plan historique que sur le plan humain; Loin de tout manichéisme, le romancier brosse des portraits de personnages avec leurs petites fêlures et leurs grandes failles et même les seconds rôles ne vous laisseront pas indifférents. C’est une Irlande de patriotes et de buveurs de bières , de vent mauvais et d’ânes qui s’appellent Georges comme le roi d’Angleterre  , de prisonniers politiques et de haines ancestrales, de famines et de grèves de la faim. Emboîtons le pas aux héros de ce livre …

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Une maison de Killybegs

La porte opaque du Mullin’s s’ouvre sur un monde où chacun connaît les chants gaéliques , la guerre  perdue et l’honneur blessé. La bière brune, mélange de terre et de sang était leur eau de vie et leur eau de mort ,celle mêlée de larmes amères dans laquelle ils noyaient leurs chagrins durant les longues nuit brumeuses. Le père de Tyrone a servi dans l’armée républicaine irlandaise et a refusé en 1921 l’édification de la frontière qui scellait le déchirement de la nation irlandaise. Torturé par les anglais , il le fut tout autant par les irlandais  désormais “libres” qui poursuivaient les derniers membres de l’IRA. premier destin tragique de ce père surnommé “bastard “par les habitants de Killybegs et qui décidera de se suicider en 1940 laissant une famille dans la misère la plus noire . Sauvée d’une mort certaine  par un oncle providentiel, la famille s’installe à Belfast , dans un ghetto catholique cerné par les loyalistes protestants ; lorsque les premières bombes frappent la ville, Tyrone qui n’a que 16 ans, décide qu’il n’est plus un enfant et regarde la mort en face .

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Peu à peu il va écrire sa vie , d’épisodes meurtriers en épisodes guerriers mais il finira par revenir mourir sur le sol irlandais, dans la maison de son père qu’il a quittée en 1941; En 2006, il commence alors son Journal “parce qu’il est le seul à pouvoir dire la Vérité “et qu’après lui, il espère le silence . Suivez le dans ce parcours tragique qui finira par le ramener à ses racines; Un roman âpre est fort où souffle la colère du vent irlandais, de cette terre meurtrie et divisée qui abrite  ces hommes libres et sauvages , indomptables . Vous découvrirez également l’histoire de l’IRA ,cette armée secrète et clandestine qui se bat de toutes ses forces contre l’Empire Britannique en employant parfois des moyens qui ne servent pas sa cause. Mais la guerre se charge de tous les faire marcher au pas, ces hommes qui sont prêts à tout pour la servir elle  “sous ce casque de guerre, il ne pouvait pas y avoir un homme mais seulement un barbare ” . Penser le contraire, c’était faiblir, trahir.” C’est ainsi que leurs instructeurs formaient les jeunes qui rejoignaient les  brigades de l’IRA. On leur parle aussi de la misère ; “De la Grande Famine. des enfants sans chaussure dans la boue;De la lèpre du pain qui suinte au coin des bouches mal nourries. De mon père mort de givre ; Nous avions une colère commune . Et de la haine aussi . ”  Tyrone finira par être tué par cette haine qui irrigue encore en 2007 l’armée secrète appelée IRA.

16. avril 2016 · Commentaires fermés sur Le bruit des Trousseaux · Catégories: Le livre du mois

De nombreux romans évoquent la prison et décrivent l’univers carcéral sous toutes ses formes. Il n’est pas toujours facile de faire comprendre ce monde à ceux qui sont de l’autre côté des barreaux ; c’est pourtant ce qu’a tenté de faire l’autre du récit que vous allez découvrir. Plus qu’un simple témoignage, ces quelques pages nous proposent également une réflexion autour des mots et des images  qui gravitent en prison. 

Ce récit de Philippe Claudel paru en 2002 retrace son expérience de professeur de français en prison, auprès des détenus de la maison d’arrêt Charles III (aujourd’hui démolie), à Nancy, ville où il résidait alors. La page de garde donne une définition de la prison : logis où l’on ferme ceux qu’on veut détenir qui donne à réfléchir sur l’usage de l’emprisonnement dans notre société et sur ses conséquences. L’auteur commence par décrire ce qu’il ressent la première fois où il sort de prison après avoir donné un cours : “la jouissance d’une liberté dont j’ignorais l’étendue” écrit-il p 12. Il évoque elles odeurs de la prison : “une odeur faite de sueurs mijotées, d’haleines de centaines d’hommes, sers les uns contre les autres, qui n’avaient le droit de se doucher qu’une ou deux fois par semaine. Relents de cuisine aussi, où l’ail, le lard frit te le chou dominaient.”  les bruits et les odeurs revient, parfois insupportables comme  “l’absence totale d’hygiène de certains mineurs qui portaient de jour en jour les mêmes vêtements.” p 34 Tout au long du roman, il passe en revue de nombreuses définitions et s’attaque au vocabulaire carcéral; 

gardien d’hommes : un drôle de métier ? p 13

Le livre se compose de sensations et de rencontres, d’émotions et de témoignages.L’auteur  y décrit aussi bien l’état des cellules “vétuste, peinture écaillée ” que l’état d’esprit de certains pensionnaires ; Le pantalon et la veste de jogging étaient le nouvel uniforme du prisonnier. p 17 ; Dans la plupart des cellules, la télé fonctionnait plus de vingt heures par jour.” L’écrivain évoque le quotidien dans toute sa trivialité et s’efforce de ne pas porter de jugement sur les comportements qu’il dépeint. 

Il expose la hiérarchie des différents crimes par ordre de gravité p 27, les gestes qu’on accomplit lorsqu’on arrive en prison ,p 28 , la politesse ou au contraire le mépris de certains gardiens, l’état de délabrement de vétusté des locaux p 29; 

Il évoque aussi la violence parfois gratuite et animale de certains détenus, l’homosexualité consentie ou forcée (les plus forts violent parfois les plus faibles ) ou certains se prostituent pour obtenir des faveurs des caïds;p 36

La prison ressemblait à une usine. Une grande usine qui ne produisait rien, sinon du temps limé, broyé, réduit, des vies étouffées et des mouvements restreints.” p 41

Philippe Claudel construit son récit en faisant alterner des passages descriptifs avec des passages narratifs , centrés sur un fait ou sur la situation d’un détenu.

Ce récit nous fait réfléchir et nous transmet l’expérience d’un homme qui découvre l’univers carcéral et sa dureté, ses souffrances, ses préjugés également.  “on pouvait trouver de tout en prison si on y mettait le prix : cannabis, alcool, permis de conduire.” p 50. Parfois je sentais une  odeur d’herbe dans les couloirs.

Les couleurs de la prison; Les murs étaient repeints assez fréquemment mais on avait toujours l’impression qu’il étaient sales. La prison était vieille , sale, surpeuplée. p76

Le mot cellule: la plus petite unité du vivant; L’espace de l’enfermement. p 63

Le romancier tente de ne rien dissimuler de ce qu’il a pu entrevoir durant les années où il a enseigné en prison: le racisme de certains surveillants, l’inhumanité du sytème carcéral notamment face à l’ accès aux soins; “La prison déjoue toutes les statistiques, les stéréotypes, les colonnes de chiffres rassurants. Elle ne fait que refléter le monde. Elle change avec lui.”  p 92 

A  lire et  à méditer sans restriction 

12. septembre 2015 · Commentaires fermés sur Ce qu’il advint du Sauvage blanc · Catégories: Le livre du mois

Ce roman est basė sur une histoire vraie qui paraît extraordinaire et qui vous fera réfléchir à ce qui fonde notre identité d ‘homme.

Inspiré d’une histoire vraie, ce roman de Français Garde raconte l’histoire de Narcisse Pelletier, un jeune matelot français de 17 ans, abandonné par l’équipage de son navire sur une plage d’Australie. ” Alors seulement il prit conscience de sa situation et eut peur: abandonné sur une côte sans ressources, environné peut-être de bêtes fauves ou de sauvages anthropophages qui n’attendent que la nuit pour le dévorer. Il n’avait rien à voir ni à manger, rien pour faire du feu.” p 16 . 

Sur le point de mourir , il est recueilli par une tribu aborigène qui le soigne et dont il s’efforce , peu à peu, de comprendre les moeurs; “Qu savait-il des Sauvages du Pacifique ? les récits que l’on partageait dans l’entrepont étaient imprécis, contradictoires, parfois incroyables.” (p 63) ” des tribus barbares à la peau noire comme l’enfer, toujours en guerre, défendant pied à pied avec des case-têtes et des sagaies leurs laiderons, leur poulets et leurs légumes.” (p 63) Narcisse va devoir lutter contre ses préjugés et notamment sa hantise du cannibalisme :  “la  terreur de servir de repas dans une grande fête de sauvages l’envahit.”  

Au fil des mois,Narcisse s’intègre à sa nouvelle famille tout en espérant qu’un bateau viendra le rechercher. Il se lie d’abord d’amitié avec un enfant  prénommé Waiakh qui lui sert de guide pour apprendre la langue aborigène et qui l’initie aux coutumes australiennes.Vingt ans plus tard, Narcisse est recueilli par des marins australiens et revient en France; Il doit alors réapprendre à être “blanc” et le parcours de cette réadaptation sera douloureux. ” Au fond de ses yeux , j’avais lu une peur absolue, la terreur d’un animal traqué.“(p 52), dira le jeune explorateur français qui prend la décision de le ramener avec lui à Bordeaux.

L’originalité de ce récit repos sur l’alternance des chapitres qui racontent la vie de Narcisse en Australie, rebaptisé Amglo par les membres de la tribu, et ceux qui, sous forme de lettres écrites par Octave de Vallombrun, le protecteur de Narcisse, témoignent de l’incompréhension des Occidentaux, déconcertés par ce Sauvage Blanc qui refuse de parler leur langue .Les lettres évoquent, de manière chronologique, son  retour en France ainsi que son installation sur l’île de ré, comme gardien du Phare des baleines;Les iliens le prennent pour un fou parce qu’il pêche au harpon et qu’il passe se journées à observer l’horizon. “Là où les autres voyaient un phénomène de foire ou une source de différend, je commençais à le considérer comme un sujet de pitié.”(p 42) Les scientifiques de la société de géographie, ancêtres des ethnologues, aimeraient que Narcisse leur raconte comment il vivait chez les aborigènes mais ce dernier s’y refuse : “Il avait paru souffrir dès que je l’avais interrogé sur ces deux moments où il avait été contre son gré projeté d’un monde vers l’autre – et plus mes questions se rapprochaient de ce basculement ,plus il semblait éprouvé, déchiré anéanti. Sa mémoire, son corps tout entier refusaient ardemment de se souvenir.” (p 349), précise le narrateur qui  a recueilli Narcisse et cherche à comprendre ce qu’il a vécu. Narcisse s’enfuit , Octave meurt en laissant des notes qui attestent qu’il a compris l’âme de Narcisse et le combat intérieur du  Sauvage blanc.

Ce qui a commencé sur une plage déserte d’Australie oblige à penser autrement l’Homme (p 335) ; le risque majeur pour le personnage est celui de “Mourir de ne pas pouvoir  être en même temps  blanc et sauvage.” (p 350) . Un très beau récit qui ne vous laissera pas indifférent et où les Sauvages ne sont pas ceux que l’on pourrait  croire.

ils en parlent ..