Le site de l’Assemblée nationale regroupe les discours qui ont fait date dans l’histoire de notre pays ; on peut donc y retracer l’histoire de l‘éloquence politique des siècles passés . Comment apprécier l’éloquence d’une allocution politique ? Plusieurs critères doivent être examinés
Il faut noter tout d’abord que lorsqu’il est question d’analyser une prise de parole publique, et notamment un discours officiel d’un parlementaire ou d’un homme politique ( chef d’Etat par exemple, général, ministre ), les circonstances de la prise de parole sont souvent déterminantes. L’encadré ci-dessous vous donne une première indication avec deux mots importants ; le mot loi indique que nous nous plaçons dans le domaine de l’éloquence judiciaire et la notion d’assistance publique nous prépare à entendre des arguments éthiques qui se fondent sur des valeurs telles que le bien et le mal, le devoir, la morale, la solidarité .
Le discours de Victor Hugo appuie la proposition d’Armand de Melun visant à constituer un comité destiné à « préparer les lois relatives à la prévoyance et à l’assistance publique ». |
Une autre circonstance historique vous était présentée : une émeute ( plusieurs milliers de manifestants ) a eu lieu à Paris afin de renverser le président Louis Napoléon Bonaparte et de restaurer la République : cette émeute était dirigée par des députés du parti de La Montagne , proche de l’extrême gauche . Ces émeutes menacent la paix sociale mais elles révèlent l’inquiétude grandissante de certains français contre notamment l’augmentation de la pauvreté et les conditions de travail misérables des ouvriers .
Je ne suis pas, messieurs, de ceux qui croient qu’on peut supprimer la souffrance en ce monde ; la souffrance est une loi divine ; mais je suis de ceux qui pensent et qui affirment qu’on peut détruire la misère.
Remarquez-le bien, messieurs, je ne dis pas diminuer, amoindrir, limiter, circonscrire, je dis détruire. Les législateurs et les gouvernants doivent y songer sans cesse ; car, en pareille matière, tant que le possible n’est pas fait, le devoir n’est pas rempli.
La misère, messieurs, j’aborde ici le vif de la question, voulez-vous savoir jusqu’où elle est, la misère ? Voulez-vous savoir jusqu’où elle peut aller, jusqu’où elle va, je ne dis pas en Irlande, je ne dis pas au Moyen Âge, je dis en France, je dis à Paris, et au temps où nous vivons ? Voulez-vous des faits ?
Il y a dans Paris, dans ces faubourgs de Paris que le vent de l’émeute soulevait naguère si aisément, il y a des rues, des maisons, des cloaques, où des familles, des familles entières, vivent pêle-mêle, hommes, femmes, jeunes filles, enfants, n’ayant pour lits, n’ayant pour couvertures, j’ai presque dit pour vêtement, que des monceaux infects de chiffons en fermentation, ramassés dans la fange du coin des bornes, espèce de fumier des villes, où des créatures s’enfouissent toutes vivantes pour échapper au froid de l’hiver.
Voilà un fait. En voulez-vous d’autres ? Ces jours-ci, un homme, mon Dieu, un malheureux homme de lettres, car la misère n’épargne pas plus les professions libérales que les professions manuelles, un malheureux homme est mort de faim, mort de faim à la lettre, et l’on a constaté, après sa mort, qu’il n’avait pas mangé depuis six jours.
Voulez-vous quelque chose de plus douloureux encore ? Le mois passé, pendant la recrudescence du choléra, on a trouvé une mère et ses quatre enfants qui cherchaient leur nourriture dans les débris immondes et pestilentiels des charniers de Montfaucon !
Eh bien, messieurs, je dis que ce sont là des choses qui ne doivent pas être ; je dis que la société doit dépenser toute sa force, toute sa sollicitude, toute son intelligence, toute sa volonté, pour que de telles choses ne soient pas ! Je dis que de tels faits, dans un pays civilisé, engagent la conscience de la société tout entière ; que je m’en sens, moi qui parle, complice et solidaire, et que de tels faits ne sont pas seulement des torts envers l’homme, que ce sont des crimes envers Dieu !
Vous n’avez rien fait, j’insiste sur ce point, tant que l’ordre matériel raffermi n’a point pour base l’ordre moral consolidé !
Comment utiliser des connaissances théoriques ( le cours ) pour construire la réponse à la question de réflexion en HLP ? Cette question générale nécessite de mobiliser des connaissances sur le thème étudié : les pouvoirs de la parole en relation avec les questions de chaque chapitre : comment la parole judiciaire ou politique parvient -elle à être efficace ? comment la parole politique incite -elle à l’action ? qu’est ce qui donne de l’autorité à une parole ? Qu’est ce qui caractérise l’efficacité de la parole publique ? comment un discours peut il se montrer convaincant ou persuasif ? ce qui revient à chaque fois à se poser la question des effets de la parole et des instruments utiles pour mesurer son pouvoir, son efficacité , son impact .
La définition : qu’appelle -t on une stratégie argumentative ?
Il s’agit de l’ensemble des moyens utilisés par un orateur et des effets produits par son discours Le relevé des procédés d’écriture doit être mis en relation avec les effets produits avec les enjeux du texte ( quel est le but de l’orateur ? ) ; Une stratégie est un ensemble construit pour augmenter l’efficacité d’une démarche : Une stratégie, par exemple, est établie avant une bataille pour optimiser les chances de l’emporter en fonction du terrain, des adversaires, des armes dont on dispose. Dans un discours , une stratégie est un plan , une sorte de feuille de route élaborée pour maximiser la portée des paroles du locuteur selon les auditeurs visés . Pour définir sa stratégie, un orateur doit comprendre ce qu’il souhaite obtenir et comment il met en oeuvre son discours et ses arguments ( ethos / logos / pathos )
La méthode : on peut partir soit du texte ( qui sera à dominante philosophique ) et de son analyse (sans se perdre dans les détails ) et ensuite relier ce qu’on a découvert avec des éléments de connaissances ou seconde solution, partir de ce qu’on sait en théorie ( c’est à dire des éléments du cours ) et voir comment le texte ( ainsi que d’autres textes étudiés qui pourront être cités en exemples ) entre dans une réflexion générale . Que faut il retenir du cours ?
- les 3 genres de la rhétorique : démonstratif ou épidictique, délibéraitf, judiciaire
- les 3 types d’arguments ; ethos/ logos/ pathos
- les mots, la voix , les gestes , l’autorité du locuteur : charisme , émotion, empathie
- les types de discours : réquisitoire / plaidoyer / harangue / blâme / pamphlet / polémique / parabole /apologie/ sermon /oraison/ prêche /allocution
- les figures et leurs effets : allégorie / anaphore , antithèse , apostrophe, emphase, énumération, questions rhétoriques, gradation, hypotypose /métaphores, comparaisons, images , paradoxe , syllogisme…
- la construction du discours: sa structure générale , présence de connecteurs logiques, présence d’illustrations, type d’arguments les plus fréquents progression thématique ou éclatée, présence du ‘je ” , accroche/ paragraphes péroraison, formules , adresses .
- l’autorité des paroles : citations, preuves ,personnalité de l’orateur
- les effets ressentis : émotions indignation , colère , pitié , révolte , enthousiasme, embrigadement, influence , tristesse,
- la distinction entre convaincre / persuader
Dans ce court extrait , les principaux procédés rhétoriques sont mis en évidence ; dans un premier temps, il importe de les noter et de les observer , de voir lesquels sont dominants et d’avoir toujours en tête les 3 catégories de l’argumentation que constituent le logos, l’ethos et le pathos . Ainsi que les principales fonctions du langage .
Exemples de question de réflexion en littérature : une fiction mensongère peut elle dire la vérité ? Un discours qui fait plaisir est -il selon vous un discours qui fait du Bien ? la provocation et la prise de risque sont ils les instruments efficaces dans la parole publique ? le pouvoir de la fiction vous semble-t-il supérieur à celui de l’essai pour persuader son auditoire de soutenir nos idées ? Pensez-vous que toute parole publique se fonde nécessairement sur la nécessité de plaire à son public ? Le but de la parole est -il d’entretenir nos illusions ou de révéler la vérité ? Est- on sincère quand on parle de soi ? L’orateur doit -il tenir compte de la dimension morale de ses arguments ou peut il s’en affranchir ? Pour dénoncer une réalité scandaleuse, un orateur peut il utiliser l’humour ou l’ironie ou cela risque t-il d’être contre productif ? a-t-on le droit de tout dire et de déguiser la vérité pour gagner un débat ? Dans un discours officiel, l’enjeu de la victoire peut il l’emporter sur la nécessité de dire la vérité ? Un exposé de connaissances et des exemples concerts donnent -ils davantage d’autorité à un discours que des paroles sincères et des opinions personnelles ? Un homme de lettres doit il-prendre part aux débats politiques et sa parole a-t-elle plus d’autorité ? Prêter serment est-ce engager sa parole toujours ou peut-on retrouver sa liberté et renoncer à ce qui nous engageait ?
Je vous mets en lien deux analyses littéraires de ce discours célèbre mais ces analyses ne suffisent pas pour répondre avec précision à la question de réflexion : il faut dépasser le cadre de l’extrait donné pour la question d’interprétation qui elle porte sur un texte littéraire et consiste à en produire une analyse synthétique à mi chemin entre la lecture linéaire et le commentaire littéraire . En effet ; la réponse à la question d’interprétation doit être structurée et comporter une courte introduction , un ou deux paragraphes argumentés et une conclusion .
Eléments de corrigé pour le discours de V Hugo : je vous renvoie à l’analyse donnée sur le site commentairecompose.fr