Intelligences Artificielles & Arts plastiques (Références artistiques et Compétences disciplinaires)
Gregory Chatonsky, Terre seconde, 2018, Exposition/Installation, Dimensions Variables, collection de l’artiste
Document : https://www.youtube.com/watch?v=JRBkwQwy6n0&
Si les interactions à caractère pédagogique entre élèves et intelligences artificielles dans le cadre du cours d’arts plastiques mobilisent à l’évidence le recours « à des outils numériques de captation et de réalisation à des fins de création artistique », les concepts soulevés par ces collaborations créatives et culturelles prennent une résonance particulière au regard du champ de références artistiques qui soutiennent de telles séquences pédagogiques permettant ainsi une actualisation fulgurante de notions traitées au quotidien dans la discipline.
Ainsi Gregory Chatonsky, Terre seconde, 2018, Installation, Dimensions Variables, collection de l’artiste (Document) que les 4èmes de la CHAAP du Collège Font-Belle de Segonzac auront étudié dans le cadre de la séquence « Inattendu Artificiel » (Séquence). Un ensemble de séances pendant lequel les collégiens auront produit un court-métrage, produit d’un échange étroitement collaboratif avec plusieurs IA ( Chat GPT, Plazmapunk, replicate et genmo) afin de se questionner sur la place de la délégation et de la maîtrise dans un processus créatif.
Initié à la suite d’expérimentations sur des logiciels de « deep learning », le projet de Grégory Chatonsky a émergé de la constatation que « la machine devenait capable de produire automatiquement une quantité phénoménale d’images réalistes à partir de l’accumulation des données sur le Web. Bien que ce réalisme évoque le monde que nous connaissons, il ne s’agit pas d’une reproduction à l’identique. » Ainsi, cette Seconde Terre, une réinterprétation de notre réalité, est générée par une machine qui interroge la nature de sa propre création. En utilisant une vaste base de données composée de millions d’images, la machine crée sa propre vision de la planète. Grégory Chatonsky, en employant le même processus d’accumulation de données et d’analyse statistique, lui confère ensuite des éléments tels que les fluides, les plantes, le son, la parole et des organismes pour peupler sa surface. Ce monde peut être « visité » au sein d’une exposition conçue par l’artiste pour être évolutive : une structure modulaire accueille chaque jour de nouvelles sculptures aux formes organiques étranges imaginées par la machine.
Usant d’un mode de réflexion assimilable à de la paréidolie, l’intelligence artificielle se nourrit de banque de données, les digère via un processus de récurrence, puis les régurgite en fonction des commandes de l’artiste. Elle boucle ainsi un cycle de datas produisant des datas qui mettront en avant, pour les élèves, la question de la ressemblance et de l’écart dans la représentation. L’œuvre ventile ainsi la stéréotypie qui provient de l’utilisation des banques de données utilisées et l’originalité du processus imparfait de production de l’ia permettant à l’élève de « porter un regard curieux et avisé sur son environnement artistique et culturel, proche et lointain, notamment sur la diversité des images fixes et animées, analogiques et numériques »
L’immaturité temporaire du fonctionnement des IA qui produisent encore de nombreux artefacts inattendus, révèle les traces d’un mode de fonctionnement qui comporte, y compris aux yeux de leurs concepteurs, une « boîte noire ». Pour les premières IA mises à disposition du grand public comme Goggle Deep Dream, ces erreurs était qualifiées de rêves ou d’hallucinations étant donnée le caractère psychédélique que l’on pouvait y déceler. Grégory Chatonsky voit dans ses erreurs les hallucinations d’une machine (chiasme introduisant la question de la conscience) qui pourront être une source d’inattendu à l’origine de l’écart artistique attendu. Pour le collégien, la question de l’erreur (à la différence de la faute) ainsi que celle de la sérendipité, qui sont toutes deux sources de singularité dans l’œuvre et dans son propre processus créatif lui permettront de « choisir, mobiliser et adapter des langages et des moyens plastiques variés en fonction de leurs effets dans une intention artistique en restant attentif à l’inattendu. »
En articulant des données d’origine naturelle à un processus artificiel dans l’objectif de produire une œuvre culturelle mimant la nature, Second Earth crée une mise en abîme de sa démarche de création à l’intérieur de la thématique abordée, poussant ainsi le rapport Nature/Culture vers un potentiel questionnement sur la naissance d’une imagination de l’IA issu d’un potentiel embryon de volonté artificielle voir de conscience. « Prendre part au débat suscité par le fait artistique » permettra au collégien de se questionner sur les IA hissées au rang de créatrices voir d’artistes. Leur évolution et leur image perçue par le grand public entre 2018 et aujourd’hui permettra aux élèves de se forger un avis critique sur le statut dans la fiction (cinéma apocalyptique) puis dans la société (marché de l’emploi) d’une intelligence artificielle souvent présentée entre fascination et répulsion dans les médias.
Grâce à ces références issues d’artistes et d’intelligences artificielles, les élèves auront l’opportunité de revisiter les compétences classiques propres à la discipline en les actualisant. Cela leur permettra de s’engager dans la pratique, de réévaluer le statut de cette discipline, et d’adopter une perspective critique vis-à-vis des défis posés par cette technologie tant dans le domaine culturel que dans le futur monde professionnel