Olivier Adam a composé une histoire touchante autour de 22 personnages et chacun des chapitres de son dernier roman a comme titre un prénom. Au lecteur de recomposer le kaléidoscope de ces 22 morceaux de vies le plus souvent brisées par des vents contraires. Antoine, Marion, Jeff, Louise et Sarah ont grandi ensemble dans ce petit coin de paradis au bord des calanques mais leur vie leur file entre les doigts.
La construction du roman est particulièrement originale car les 22 personnages participent chacun à leur manière au déroulement de cette intrigue; Un soir, un fort coup de vent va bouleverser l’existence des ces êtres déboussolés , que la vie a déjà tellement malmenés; Antoine est un jeune footballeur qui vit de petits boulots et qu’une rage intérieure précipite vers la violence; sa jeune femme Marion l’a quitté pour un autre et leur fils Nino est la seule chose qui le rattache désormais à la vie. Son meilleur ami Jeff qui se défonce tellement qu’il en perd la mémoire va l’entraîner vers des eaux troubles : lorsqu’il découvre qu’il cache une arme sous son lit , Antoine pense : “certains ont la chance d’être assez forts pour être sûrs qu’ils n’en feraient rien. Lui n’en est pas convaincu. parfois il vaut mieux savoir ce dont on est capable ou pas.” Un soir, Antoine est laissé pour mort dans le camping où il vit, le crâne fracassé à coups de batte de base ball. Le lendemain matin, Nino attend son papa qui lui avait promis de l’emmener voir les dauphins et Marion s’inquiète : elle repense au temps om ils étaient heureux, avant le chômage et le manque d’argent, avant les reproches et la rancœur ; “ Ces images qui reviennent, ces petits bouts d’eux qui se sont évaporés mais qui étaient comme de la lumière brute, c’est des morceaux de verre en plein cœur.”
En arrivant à l’hôtel où elle est femme de manage, Marion croise Coralie dont le mari est partie avec une autre , la laissant avec deux boulots à mi-temps pour régler les factures et une ado qui ne lui adresse plus la parole. Elle rêvait de devenir une star de la chanson mai selle n’a pas réussi son audition face au jury de la Nouvelle Star, quelques années plus tôt. Coralie va prévenir Marion qu’Antoine est à l’hôpital et elle découvre que durant la tempête un couple de personnes âgées a tenté de se suicider; Hélène est morte noyée et son mari qui s’en est sorti, n’a qu’une envie : la rejoindre. Sa fille va venir le rechercher. Pendant ce temps , Sarah nettoie les dégâts du coup de mer de la nuit et fait défiler se souvenirs leurs 17 ans : “un monde de sel et de résine. De peau; De danse. d’herbe et d’alcool. Une vie tendue. Une vie magnétique.” Ils ne s’intéressaient pas à l’école “elle ne connaît personne de ce temps-là qui ait même songé un jour à devenir un bon élève” et n’imaginaient pas vivre ailleurs ni différemment. Delphine, elle , exerce le métier d’assistante sociale et elle prend son travail un peu trop à cœur : jeune couples avec enfants, ex taulardes junkies en réinsertion, elle tente de réconforter des existences fragiles mais c’est bien souvent peine perdue. Et tous les autres :ces jeunes sans avenir qui sombrent dans la délinquance et font honte à leurs parents, ces hommes et ces femmes brisés par les deuils, les séparations, les trahisons, le vague à l’âme; la sensation d’être passés à côté de leur vie. Et au delà de cette ambiance triste et sombre, les dernières lueurs d’espoir: un beau-père qui chante une berceuse à son beau-fils, une adolescente en rupture qui accepte de se poser aux côtés d’une vieille dame, un homme qui fait un choix douloureux . Des bribes d’humanité comme autant de lueurs dans la nuit ..et tant d’autres destins entrelacés : frères et sœurs, parents et enfants, amants et amours se croisent , les liens se tissent et se dénouent, aussi fragiles que le fil de nos existences; Au final, qui a voulu tuer Antoine ? Léa va -t-elle s’en sortir ? Clémence réussira-t-elle à sauver son père du chagrin ? Eric fera-t-il le bon choix ? Tony trouvera-t-il sa place ? Au final, c’est peut-être ce que réussit le mieux à nous faire partager ce romancier : la fragilité de nos existences et, paradoxalement, la force de surmonter le pire comme le fait au quotidien Louise dans sa maison de retraite : ” Presque tous les patients sont seuls quasi abandonnés. Ils souffrent. Vont mourir dans quelques mois, semaines , jours, heures. Elle est là pour les soigner. Les écouter. Les accompagner. C’est son rôle. Sa place. Et d’une certaine manière, elle mesure sa chance. Elle sait quel est son rôle. Où est sa place.”