10. octobre 2020 · Commentaires fermés sur Perrette et le pot au lait : lecture linéaire · Catégories: Lectures linéaires, Première · Tags: ,

Jean de La Fontaine est un     auteur et  poète  français du courant classique  dont l’histoire littéraire retient essentiellement les Fables, dont certaines  sont inspirées d’Esope   une . La plupart de ses fables, en nous donnant des leçons de sagesse , confirment son ambition de   moraliste. Proche de Fouquet, son premier mécène mais également son ami  , Jean de La Fontaine restera longtemps  à l’écart de la cour royale après sa disgrâce .  Il fut, en effet, écarté de la Cour pour avoir pris la défense du surintendant des finances contre le roi en écrivant un poème satirique : Elégie aux nymphes de Vaux ( Vaux le Vicomte était la demeure de Fouquet). De retour à la Cour, il fréquente alors les  salons et les cercles  littéraires   comme celui de Madame de La Sablière qui deviendra l’une de ses protectrices.
Composé à partir de 1878, le second recueil de fables, dédié à Madame de Montespan  comporte 4 livres  et plus de 70 fables. La laitière et le pot au lait : appartient au Livre VII des Fables. L’animal n’est plus ici le personnage central du récit : le fabuliste met en scène une jeune paysanne entreprenante qui se rend à la ville et rêve de fortune.  Son imagination va la mener très loin Comment l’auteur met-il en scène le bonheur et ensuite le malheur de Perrette  et quelle leçon devons-nous retenir ? 
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02. mars 2020 · Commentaires fermés sur Imagination et pensée dans les Fables : Le Curé et le mort · Catégories: Lectures linéaires, Première · Tags: ,

Le parcours de lecture associé à l’étude des fables propose de réfléchir aux relations entre l’imagination et la pensée; Autrement dit : comment se servir , par exemple de l'imagination pour permettre la pensée . Grâce à l'utilisation des animaux  et de la satire, comme dans La Cour du lion ou Les animaux malades de la peste ,  le fabuliste nous plonge dans un univers imaginaire et fabrique des ressemblances humoristiques avec le monde contemporain; La fable  permet ainsi  de divertir le lecteur et de le faire réfléchir , grâce notamment à la morale ;  Avoir recours à l’imaginaire , c’est   d’ailleurs le principe utilisé par la fiction lorsque qu’elle se donne comme objectif d’apporter un regard qui éclaire le monde .Mais on peut également envisager la relation entre pensée et imagination sur un autre mode en se demandant comment l’imagination  peut-elle être parfois un obstacle à la création “d’une pensée raisonnable” ; C’est un peu ce qui est à l’oeuvre dans Perrette et le pot au lait : la jeune fermière, emportée par les délices de son imagination, perd le sens des réalités et renverse son lait . Or, c’est la vente de ce lait qui devait lui permettre d’acheter tout ce dont elle a rêvé. Le retour à la réalité est brutal dans son cas . Voyons un peu comment La Fontaine reprend ce schéma dans Le Curé et le mort qui est la fable suivante du livre VII.

Les figures de clercs apparaissent souvent dans la littérature comme cible privilégiée sur laquelle les auteurs exercent leurs moqueries parfois acerbes. Avec « Le Curé et le Mort » tiré de ses Fables, La Fontaine ne déroge pas à cette satire anticléricale .  Cet apologue découpé en deux parties, le récit et la morale, présente en effet un curé accompagnant un mort à sa dernière demeure ; la cérémonie est alors l’occasion pour le clerc de se réjouir des bonnes choses qu’il pourra se procurer avec les dons et autres salaires qu’il tirera de l’enterrement.
Aussi pouvons-nous nous intéresser à la manière dont ce décalage entre la situation macabre et les rêveries agréables du curé permet au fabuliste de montrer le rôle de l’imagination qui révèle ici les véritables pensées du curé, dissimulées derrière son apparente piété; La satire démasque ici les faux -semblants .
 

La fable  débute  en créant une atmosphère macabre attendue d’après le sujet choisi  mais quelque peu déroutante “ un mort s’en allait tristement ”  On remarque que le fabuliste donne vie au défunt en le rendant sujet d’un verbe : on imagine ainsi le cercueil se déplacer ; L ‘utilisation de l’ euphémisme « dernier gîte », peut être interprétée comme une forme de  pudeur à évoquer la mort qui témoigne  soit d’une certaine tristesse soit d’une volonté de la nier.  Toutefois le verbe s’emparer dénote dans ce cadre car on l’associe plus souvent à l’avarice et à la volonté de prédation . La Fontaine rend donc ce mort étrangement vivant et le  présente comme le  premier personnage de l’histoire. Mais  le récit lui-même , vient rompre ensuite la monotonie et la tristesse attendues. .  Ces deux premiers vers contrastent , en effet , avec l’apparition  joyeuse du prêtre  “un curé s’en allait gaiement ” Tristement et gaiement sont deux opposés: le Curé semble es réjouir pour une raison inconnue  ;  Tout ceci paraît bien mystérieux. On retrouve également  des indices qui montrent que ce curé est pressé : “au plus vite” : ces détails aiguisent la curiosité du lecteur . Qu’est-ce qui presse ce curé ? Eh bien la réponse ne va pas tarder : il se réjouit de l’argent qu’il va toucher grâce à la cérémonie d’inhumation. La fable décrit ensuite les conditions de transport du défunt, très vite comparé à une marchandise dont on va tirer profit; Il est “bien et dûment empaqueté ” et autre détail qui va devenir crucial, il voyage sur le toit d’un carrosse; On a fixé son cercueil  sur le toit  du charriot pour pouvoir le transporter au cimetière. On rapatrie son corps en quelque sorte et La Fontaine continue à en faire un personnage à part entière en décrivant sa “robe “ . Le terme bière désigne le cercueil dans lequel on dépose les défunts qu’on a auparavant revêtus d’un linceul . Ces allusions, au vers 9, à la robe “que les morts ne dépouillent guère ” peut être une référence aux robes que le curé va acheter pour les jeunes femmes dans l’espoir qu’elles les enlèvent  . On pense aux cotillons du vers 28 qui sont des “jupons de paysanne” . Le vers 10 nous donne un premier aperçu de ce qui est attendu dans ce genre de situation : le pasteur doit cheminer à côté du défunt et “récitait à l’ordinaire maintes dévotes oraisons et des psaumes et des leçons et des versets et des répons. ” L’accumulation ici alourdie par les 5 répétitions du et donne une impression d’accélération comique ; Un peu comme un dessin animé qui passerait les images en accéléré , on imagine ce prêtre en train de réciter des prières à toute vitesse; Et on se souvient qu'au début de la fable, il voulait justement "enterrer ce mort au plus vite ” La Fontaine dénonce ici l’appât du gain, du profit qui pousse le curé à bâcler son travail ; Pire, on peut penser qu’il récite mécaniquement des prières sans véritablement être concentré sur sa foi. Au vers 15, le fabuliste traduit la pensée du curé avec trois vers au style direct qui pourraient révéler justement ses pensées secrètes .  Au vers 17, le mot salaire est à double sens car d’une part, il désigne les prières comme la récompense offerte aux défunts  par les vivants: on dit des prières en leur honneur, pour eux. Mais ce mot désigne aussi l’argent que les prêtres touchent pour célébrer une cérémonie  religieuse destinée à  une famille; A l’occasion d’un décès, les parents du défunt doivent, en effet, donner de l’argent au curé afin qu’il célèbre une messe d’enterrement; A l’époque de La Fontaine, la plupart des messes étaient payantes; De nos jours encore, certaines familles font dire des messes pour certaines occasions comme l’anniversaire d’une disparition, et elles rémunèrent le prêtre .

Au vers 18 la satire pressentie devient cette fois explicite avec l’expression “couvait des yeux son mort ” ; Le Curé considère ce défunt comme sa propriété et il y tient dans la mesure où il va lui permettre de gagner de l’argent; C’est pourquoi , au vers suivant, le mort est qualifié de “trésor “; On retrouve forme de  satire fréquente dans les fables: celle de la vénalité: les gens qui ne pensent qu'à l'argent ; Le curé est ainsi assimilé à un vulgaire marchand qui prend soin de sa marchandise et craint qu'on la lui vole comme l'indique le vers 19 "lui ravir ce trésor ” . La Fontaine fait à nouveau parler le prêtre en réutilisant le discours direct. Il s’adresse cérémonieusement au mort en l’appelant, avec déférence , Monsieur , au vers 21 ,mais il le considère surtout comme une source de revenus et imagine ce qu’il va lui rapporter en argent ( le salaire versé par la famille ) et en cire ( l’argent qu’on met dans les troncs des églises pour payer les cierges qu’on achète )  Cette opposition entre le contexte de la cérémonie mortuaire et le ton joyeux sur lequel est fait le récit crée alors une distorsion à l’effet comique. Cette distorsion est repérable également entre l’air affiché par le Curé et ses véritables pensées, dévoilées par le style direct qui ,rappelons le ne correspond, dans le récit , qu’à de simples “regards” comme au vers 20.

  Le travail de l’imagination du Curé débute au vers 24 par le verbe “fondait là-dessus”  qui fait référence aux bénéfices escomptés. La désinvolture du curé accentue ainsi le comique de cette fable. La Fontaine , en effet, nous prépare à certaines allusions grivoises qui rappellent l’univers de la farce. D’une part  le nom  qui sera précisé au vers 31 « Messire Jean Chouart réfère au personnage de Rabelais qui lui aussi, critique vertement l’ Eglise pour la dépravation de ses prêtres.  ». D’autre part, les  centres d’intérêt du curé sont pour le moins étonnnants pour un religieux ; Il imagine d’abord une grande quantité de vin ; Cette précision du vers 25 montre quel sera son premier achat avec l’argent de la cérémonie; Et son second centre d’intérêt  est défini  avec  “une certaine nièce assez proprette” qui a tout l’air d’une maîtresse  qu’il entretient et sa chambrière Pâquette; Ce prénom est surtout donné à des prostituées;  Noter curé n'est donc pas un philanthrope mais plutôt un bon vivant qui aime le vin et les plaisirs de la chair.  En effet, le mot « cotillons » situe l’intérêt du curé un peu en dessous des réflexions sur la condition humaine auxquelles nous nous attendrions lorsqu'un religieux accompagne un convoi mortuaire; On s'attendait à ce qu'il réfléchisse à la vanité de la condition humaine .  Loin de faire preuve de la gravité attendue dans de telles circonstances , ce curé est plongé dans une "agréable pensée”
 
 Mais son bonheur imaginaire sera de courte durée car, en bon moraliste, La Fontaine, met fin à son existence , et par là même à ses pensées.  On peut comparer l’accident du convoi au saut de Perette , sur le chemin qui la mène au marché  ; L’action est très rapide : “Au vers 31, c’en est fini du Curé “Voilà Messire Jean Chouart qui du choc de son mort a la tête cassée ” La chute est brutale dans tous les sens du terme.   Le comique de la scène transparaît également avec ce que l’on pourrait appeler l’ironie du sort puisque la fin de la fable nous propose un renversement de situation pour le moins inattendu. Alorsque nous avions « un mort » et « un curé », qui marche « à [ses] côté[s] », bien dissociés par l’article indéfini et le point-virgule du deuxième vers,  on constate qu’ils partagent désormais le même sort « Tous deux s’en vont de compagnie » à la fin du récit. Le curé meurt et rejoint le mort dans l’au-delà. Le fabuliste montre , de manière comique, que le mort est responsable de la mort du curé : “le paroissien en plomb ”  est une périphrase comique qui désigne le défunt  et il entraîne son pasteur , dans sa chute justement.L’ironie se fait encore ressentir de façon grinçante avec l’évocation du nom « Chouart » qui rappelle  le verbe choir qui signifie tomber en ancien français ; On pense aussi, dès le début, d’ailleurs, à la chute de la laitière au Pot au lait et surtout, à la chute du curé dans la mort. Le comique de la fable permet de rendre plus acceptable la satire du clergé. La morale qui clôt le récit tient en trois vers et nous fait réfléchir aux dangers de l’imagination lorsqu’elle semble nous déborder . La dimension tragique n’est pas absente du dénouement  avec l’idée énoncée par La Fontaine, au vers 36 et 37  que notre vie ressemble à ce personnage : nous nous réjouissions, parfois à tort et dissimulons nos véritables pensées aux autres ; Peut être veut-il nous avertir qu’il n’est pas prudent de se réjouir du malheur des autres et de se lancer dans des “projets imaginaires”  ! Mieux vaut garder les yeux grand ouverts , les deux pieds sur terre et l’esprit clair !

En conclusion, La Fontaine parvient à  critiquer le clergé dans cette fable en dévalorisant le curé, en pointant son attachement aux biens et aux plaisirs terrestres, puis  il introduit la dimension morale lui en faisant payer le prix fort de son inconscience.     Si cette fable constitue un diptyque avec « Perette et le Pot au lait » car elle présente des similitudes de construction , elle évoque en plus de la précédente, une satire anticléricale très répandue dans la littérature  d’idées du XVIe siècle et qui perdure au siècle suivant . Cependant, La Fontaine se met en partie à l’abri des critiques ,en proposant une morale qui s’adresse au commun des mortels et non pas seulement aux hommes d’église. L’imagination du curé révèle sa véritable nature et démasque son hypocrisie .
          

29. janvier 2020 · Commentaires fermés sur La fable et la vérité : Florian, fabuliste du dix-huitième siècle · Catégories: Lectures linéaires, Première · Tags: ,

Les Anciens et notamment Esope , utilisaient la fable comme le préconisait Horace, à la fois , pour plaire et instruire . A l’époque classique, La Fontaine s’en servit lui aussi, comme d’une alliance entre la dimension plaisante d’un récit varié et la nécessité d’une finalité morale . Pour autant, toutes les fables ne délivrent pas le même type d’enseignement et certaines paraissent plus sérieuses que d’autres; L’univers des fables est varié :  on y rencontre des animaux qui parlent, des  personnages issus de contes orientaux et qui font place au  merveilleux et des allégories qui représentent des  observations philosophiques qui nous montrent la voie de la sagesse. Au siècle des Lumières, l’apologue  emprunte, le plus souvent, la forme du conte philosophique, mise au point par Voltaire . Néanmoins, quelques écrivains comme Jean-Pierre-Claris de Florian, continuent à écrire des fables . Ce dernier garde un esprit proche de celui du moraliste du siècle précédent avec  toutefois, une touche de cynisme en plus. Voyons comment se présente la rencontre entre la fable et la vérité .

La fable de Florian se présente clairement sous la forme d’une rencontre entre deux femmes : l’une est l’allégorie de la fable et l’autre représente la Vérité .
L’allégorie est double ici : elle se présente sous la forme d’une double personnification de la fable et de la vérité, c’est-à-dire d’un genre et d’une valeur en apparence opposés. Toutes deux sont représentées, en effet, avec l’apparence de deux femmes diamétralement opposées par l’âge et la tenue.  Le récit débute par la présentation de la vérité qui est d’emblée qualifiée par sa nudité. Les deux premiers vers réactivent un proverbe ancien . « la vérité sort du puits »,. Ce surgissement de la vérité semble tout d’abord surprendre comme on le voit avec le passé simple qui illustre la rapidité de l’action de surgir , et  l’indication de temps « un jour » . La personnification montre la faiblesse de la vérité qui a une apparence repoussante ” ses attraits par le temps étaient un peu détruits” . On a l’idée ici , au vers 3, qu’elle est  encore reconnaissable mais abîmée , dégradée. Le lecteur est ému par l’état de faiblesse de cette  allégorie qui semble avoir du mal à faire face aux “outrages du temps ” comme on nomme la vieillesse.  Le fabuliste rajeunit une formule courante en la prenant au pied de la lettre et en imaginant une forme humaine pour une idée abstraite.

Le dénuement de la vérité est symbolisé par la brièveté du vers impair de 7 syllabes, qui inaugure l’apologue ; l’auteur joue  également sur le double sens du qualificatif « pauvre » (au v. 5). Ici antéposé , c’est à dire placé avant le nom auquel il se rapporte, il a le sens de “à plaindre, qui attire la pitié, la compassion” . Les effets produits par l’apparition de cette vieille femme nue  corroborent cette interprétation : elle provoque la fuite de toute la population “jeune et vieux” dès qu’elle montre le bout de son nez. On peut noter un aspect comique des réactions décrites et une forme d’exagération mais cette formulation traduit bien l’idée que la vérité effraie vraiment les gens. La vieille dame est alors présentée comme une mendiante qui est “sans asile” puisqu’elle ne peut retourner se terrer dans son puits, sous terre. Elle se trouve exposée à la vue de tous et éprouve un sentiment de tristesse et de désolation qu’indique l’adjectif “morfondue” . C’est alors qu’intervient le second personnage : la fable, qui fait elle, son entrée en scène, sous les traits d’une très belle dame “richement vêtue.” Le contraste est alors saisissant entre les deux représentations. Le costume rutilant de cette dernière est composé de “plumes ” et de diamants ” On retrouve ainsi au vers 9 , à la fois une idée de luxe car le diamant est une pierre précieuse mais également de chaleur et  de légèreté avec les plumes qui étaient des décorations très prisées à cette époque; On les utilisait pour agrémenter un vêtement ou un chapeau, par exemple mais aussi pour transformer un vêtement ordinaire en vêtement d’apparat.  Le vers suivant introduit l’idée de l’artifice et du faux semblant avec la mention du caractère “faux ” des diamants. Le spectateur sera avant tout frappé par leur brillance et risque d’oublier que ce ne sont pas d’authentiques pierres précieuses. Florian met ici en opposition le dénuement de la vérité et le bel habillage de la fable tout en soulignant le mensonge de la fiction .

C’est la fable qui prend la parole la première : elle semblait être à la recherche de la Vérité et la salue poliment : “bon jour “dit-elle ; Elle ne semble pas rebutée par l’apparence de la vieille femme mais elle s’étonne de la trouver seule et lui demande la raison de cet isolement au vers 12.  La réponse ne tarde pas à venir et prend le tour d’un constat, quelque peu désabusé . En fait, Florian a construit son anecdote à partir des différences et des contrastes entre les deux femmes jusqu’à la proposition d’alliance du vers 25 , L’absence de vêtement explique la réplique  de la vérité au vers 13, « je gèle ». À l’inverse, la fable est « vêtue » : à la pauvreté de la première répondent le « richement vêtu » du vers 8, les ornements et les bijoux (v. 9), l’éclat (« brillants », v. 10), le « manteau »  protecteur du vers 25. La mention  du vers 10 (« la plupart faux ») rappelle  adroitement et de manière imagée, le caractère hybride de la fable, mixte de vérité et de mensonge. Alors que la vérité est seule et rejetée de tous (vers 4, 6, 14, 16),  on apprend que la fable est  partout « fort bien reçue » (v. 20)  La vérité prend alors la parole pour expliquer sa situation et sa mise à l’écart : ses demandes d’abri sont des échecs comme le montre l’adverbe “en vain “ au vers 14 . Consciente que son apparence rebute les gens , elle impute cette situation à sa vieillesse avec une tournure proverbiale qui prend l’allure d’une vérité générale  “ vieille femme n’obtient plus rien ” . Cette impression est remise en cause par les paroles de la fable qui insiste  volontairement, avec une question rhétorique, sur la nudité de la vérité et lui propose de se cacher, en partie, sous son manteau au vers 25 . Toutes  deux sont alors présentées comme marchant de concert et leur union, leur sera à toutes deux, bénéfique. C’est ce que démontre Florian dans les 8 derniers vers de l’apologue.

En effet, leur alliance va leur permettre à toutes deux, de toucher tout le monde : le sage ne refusera plus la fable sous prétexte qu’elle est mensongère et fausse ; le fou, lui, ne maltraitera plus la vérité; A elles deux, elles sont complémentaires et tissent des liens entre raison et folie ; Ce qui les amène à servir chacun “selon son goût” ( v 30 )  Le récit es termine sur leur duo; elles forment une compagnie , qui va leur ouvrir toutes les portes. Cependant, on a bien l’impression que c’est la fable qui l’emporte .
La fable  est celle qui mène le jeu et le dialogue dans cet apologue :  c’est elle qui prend la parole au vers 18 et la conserve jusqu’à la fin de la fable. La vérité se tait désormais  comme si elle n’avait plus droit à prendre la parole. Bien que la fable manifeste du respect à son égard, à la différence des passants, en la qualifiant de « dame » (v. 21), elle propose ensuite une solution, un pacte intéressé (v. 24), un échange de bons procédés : la fable a besoin de la vérité pour entrer chez les sages et la vérité  a besoin de la fable pour convaincre les fous. Elle tire ainsi sa malheureuse compagne de la misère et de la solitude, et lui promet des jours meilleurs :  la fable semble posséder une certaine expérience  et rappelle qu’elle est plus âgée que la vérité; On peut peut être y lire une allusion à la préexistence des mythes par rapport aux récits explicatifs et sérieux. La fable paraît assez sûre d’elle  et sa fausse modestie “sans vanité ” est aussi une marque de son orgueil. Elle affirme connaître les hommes et exprime sa certitude  de la réussite de leur entreprise  commune à l’aide du futur « vous verrez » (v. 32). Au vers 23, la fable n’hésite pas à se montrer critique envers la vérité et lui reproche, notamment , sa maladresse : “cela n’est pas adroit.” Elle prétend savoir mieux y faire pour être accueillie par les hommes.
 En conclusion , Florian a  choisi astucieusement deux représentations imagées de la vérité et de l’imagination.Les hommes fuient la vérité , soit par ce qu’ils la redoutent  soit parce qu’ils ne veulent pas la voir; elle est même « maltraitée » par les « fous » . L’allégorie est claire : les hommes n’aiment pas « la vérité toute nue », illustration de l’adage « toute vérité n’est pas bonne à dire », la vérité n’est pas toujours belle à voir, sa laideur dérange, l’humanité préfère les enjolivements de la fable. Si les hommes préfèrent les fables, c’est parce qu’elles enrobent, elles habillent et masquent , en partie,  l’âpreté du vrai.  La fable  ménage l’orgueil humain. Mais sans la vérité, la fable n’est plus qu’un mensonge , un récit imaginaire – elle a donc besoin de s’allier à cette dernière pour se justifier. Florian se livre à un éloge de la fable, du pouvoir de celle-ci qui lui paraît supérieur à celui de la vérité.  Comme le rappelle d’ailleurs dame fable ,la vérité commet une erreur en se présentant « toute nue » : ce n’est pas le meilleur moyen de parvenir à ses fins. La leçon est moins pessimiste que lucide, il faut prendre l’homme tel qu’il est et non tel qu’il devrait être, pour reprendre La Bruyère. On rattachera cette morale implicite à la préface des Fables de La Fontaine.

 

 

12. janvier 2020 · Commentaires fermés sur Plaire et instruire : quel équilibre dans les Fables ? · Catégories: Dissertations sur oeuvre, Première · Tags: ,

Les fables représentent  une alliance entre le désir de plaire aux lecteurs et la volonté de leur inculquer un  véritable enseignement moral . A travers des situations qui posent problème ,  des dialogues animés et argumentés  ,des  récits pittoresques et parfois merveilleux , des personnages humains ou animaux   et  bien sûr des morales, comment  l’auteur parvient-il à articuler ces deux exigences qui peuvent parfois sembler complémentaires ou antagonistes ; En effet, peut-on réellement apprendre  quelque chose de la vie par le biais  de fictions qui présentent des animaux qui parlent ou des lutins chargés d’ exaucer les souhaits de leurs maîtres ? Comment concilier plaisirs de la fiction et goût pour la vérité ?

 

Voici un plan détaillé à partir duquel vous pourrez fabriquer une fiche sur ce sujet de dissertation : complétez ces plans avec des exemples tirés des fables et apprenez ces citations par coeur

I : Comment plaire aux lecteurs ?

1 En fabriquant des histoires drôles , des anecdotes amusantes , des récits variés

2. En utilisant souvent des animaux et leurs ressemblances avec les humains pour dresser un portrait satirique de la société

3 En adoptant un ton humoristique, un regard amusé et en jouant avec les mots; la satire apparaît ainsi comme un moyen utile pour combiner les deux dimensions car la satire permet de développer une critique ( donc une réflexion morale ) en divertissant le lecteur grâce aux exemples ou au ton employé .

II Comment instruire des lecteurs ?

1. En fabriquant des morales

La plupart des fables comportent des morales explicites: séparées du récit, souvent placées à la fin de l’histoire, elles apportent un éclairage moral à l’anecdote narrée ; elles contiennent des conseils, des recommandations, et parfois des mises en garde facilement identifiables . elles sont porteuses de bon sens et s’apparentent à des vérités générales; elles ressemblent à des dictons, émanations de la sagesse populaire transmise de générations en générations

2. En condamnant certains comportements : satire nette et répétée des courtisas, des colères du Roi, de l’égoïsme de certains religieux , des incessantes querelles entre les Grands: c’est à ce titre qu’on peut dire que Les Fables sont un miroir de la Société dans la mesure où la variété des situations reflète la diversité de la Vie ( ou III )

3. En montrant les valeurs morales à défendre et à transmettre comme le Respect de l’Autre et de la parole donnée , l’humilité et la condamnation de l’Orgueil des Puissants , l’amitié, parfois sous forme de question posée aux lecteurs

III L’importance de la satire

1 satire des défauts des hommes ( plan individuel ) : dénoncer les vices = but des moralistes

2. satire des défauts de la société : montrer les dysfonctionnements et les abus  : la cour un milieu cruel, la loi du plus fort , satire des nobles et de l’orgueil dse Grands

La Fontaine s’efforce, en fait, de respecter un équilibre entre la dimension plaisante de ces récits et leur valeur didactique : il importera, pour chaque fable, de poser la question de cet équilibre . “le conte fait passer le précepte avec lui

Qu’apprend-t-on  au juste dans Les deux amis ? La fable passe en examen un cas moral et philosophique de manière légère, à travers une anecdote amusante

Comment plaire tout en instruisant ? en combinant , pour chaque fable , un récit amusant et un enseignement sérieux.

 Attention : L’absence de morale claire ne signifie pas l’absence de leçon mais la difficulté de l’identifier clairement

  • soit parce que c’est l’Histoire elle-même qui sert de morale et donc d’enseignement
  • soit parce que la leçon retenue est problématique , à double sens, ou contraire, en apparence aux valeurs morales communément admises

En conclusion, dans le Pouvoir des Fables, La Fontaine rappelle qu’il est, de son point de vue, non seulement possible d’enseigner en utilisant des contes mais que seules ces histoires “pour enfants ” parviennent à retenir l’attention du public;  l’apologue réussit  à susciter l’attention de l’assemblée là où le sermon , le discours sérieux avait échoué: le public  devient ainsi prêt à entendre ce que veut dire l’orateur mais ce dernier reprend sa mise en garde initiale et ne continue pas son conte : ce qui pourrait signifier que la fable n’est que l’enrobage, le moyen de délivrer une mise en garde très sérieuse; Cette idée d’habillement de la vérité comme fonction principale de la fable sera développée par Florian au siècle suivant, notamment dans sa Fable : La fable et la vérité.

12. janvier 2020 · Commentaires fermés sur Diversité des morales : réfléchir sur les relations entre la morale et l’oeuvre littéraire · Catégories: Dissertations sur oeuvre, Première · Tags: ,

 Un livre n’a pas pour principal objectif d’être lu comme un traité de morale mais la tentation est grande d’y chercher des valeurs morales; C’est pourquoi il importe de bien définir le mot morale dans son usage appliqué à l’oeuvre littéraire .  On peut d’abord distinguer  , un premier plan, l’observation des moeurs : comment un récit montre-t-il  des manières de penser ou d’agir  , par l’intermédiaire de ses personnages ou parrfois  directement  par des jugements ou des des pensées de l’auteur dans les Essais , par exemple. . Ensuite, on parle de morale prescriptive quand l’oeuvre littéraire contient une forme de jugement , de critique de ce qui est décrit ; cette critique peut être implicite ou explicite  ; C’est le cas par exemple lorsqu’un narrateur commente les actions d’un personnage ou ses manières de faire . Enfin, on peut également penser  qu’une oeuvre se fait l’écho de valeurs morales dans le choix des thèmes abordés et la construction des personnages ainsi que  par son appartenance à un genre littéraire . ( roman, apologue, fable, tragédie, poésie ) Très souvent il s’agit de déterminer quelles valeurs morales sont diffusées par une oeuvre ?  Il faut alors différencier les idées de l’auteur , ce qu’on sait de lui te de se prise de positions publiques et son projet littéraire ; essayons de clarifier ces notions en prenant quelques exemples ..

Par exemple,  lorsque Molière, au dix-septième siècle,  met en scène le destin d’un séducteur ,cela ne signifie pas que l’auteur défend le libertinage mais qu’il en montre plutôt les dangers : Don Juan, son héros, “grand seigneur mais méchant homme ” rend les femmes malheureuses et meurt foudroyé par une punition du Ciel ! C’est à travers le dénouement tragique de la pièce, qu’on peut comprendre la position  morale que défend le dramaturge ; dans cette oeuvre jugée scandaleuse parce qu’elle donne le premier rôle à un séducteur impie , Molière n’approuve pas les agissements de son personnage car il le condamne en le faisant mourir . Montrer le mal ne signifie pas s’en rendre complice mais la pièce a été interdite à cause des positions anti-religieuses du personnage de Don Juan.

 

Quand on pense aux Fables de La Fontaine, on évoque souvent la morale finale  des récits qu’on juge, parfois,  immorale . Mais comment lire au juste les morales des fables? Le récit pourrait-il transmettre une réflexion sans  morale ou serait-il moins aisé d’en déchiffrer l’enseignement ? Faire triompher le mensonge est-il moral ? Non bien sûr ! Mais montrer que les puissants dominent la société et que le mensonge devient la seule arme efficace pour leurs victimes  , c’est écrire en moraliste soucieux de faire réfléchir ses contemporains. Le spectacle de Perrette qui perd en quelques secondes, à cause de son imagination, le produit d’un dur labeur, n’est pas fait pour nous réjouir ni pour nous désoler mais pour illustrer la puissance de l’imagination et peut -être, aussi,  les dangers de perdre de vue la réalité; Toute l’habileté de La Fontaine consiste à ne pas faire entendre  directement sa voix mais il s’arrange pour nous montrer ce qu’il souhaite que nous ne perdions pas de vue . C’est un moraliste qui ne s’appesantit pas sur les défauts des hommes même s’il leur accorde une place importante au sein de son recueil qui se veut quand même didactique ; le choix de la fable comme forme littéraire   et celui de l’humour comme tonalité, rendent les leçons et les prescriptions plus digestes et moins lourdes pour le lecteur.

Madame de La Fayette, durant la même période, adopte une autre position de moraliste : elle dépeint un monde corrompu , gangrené par l’ambition et dans lequel la galanterie, loin d’être simplement un art d’aimer, s’apparente davantage à un art de la tromperie; Ses personnages souffrent tous de passions malheureuses et l’amour , en dehors du mariage, loin d’épanouir les individus, semble les condamner irrémédiablement , à se perdre.

Deux personnages , a priori, paraissent différents : Madame de Chartres qui  a fait le choix d’éduquer elle-même sa fille et de la mettre en garde contre les séductions mais aussi contre les dangers de l’amour , et la princesse, héroïne du roman , qui se livre à un combat intérieur dont sa vertu finit par triompher , au détriment de son bonheur personnel . Que doit -on comprendre des agissements des personnages  de ce roman qui se termine de manière tragique ? Quelles sont leurs valeurs morales  déployées dans le récit et quelles sont celles de l’auteure ? Que nous apprend le destin tragique de l’héroïne ? qu’il faut renoncer à ce que notre coeur nous dicte ou qu’il ne faut pas écouter ce que nous dicte notre coeur car c’est une puissance trompeuse? Est-ce une condamnation de la Cour, de ses faux-semblants , de l’ambition permamente qui semble motiver chaque action . La sincérité des aveux de la Princesse a des conséquences terribles ! Et si chacun se fixait comme objectif d’aimer son mari et d’en être aimé, en irait-il autrement ? Autant de questions morales qui demeurent en suspens dans ce récit écrit par une femme qui paraît savoir ce dont elle parle ; sans doute pour l’avoir, en partie, vécu.

 Toujours à la même époque, un autre écrivain poursuit, à sa manière ,  des ambitions de moraliste , en mettant en scène des spectacles tragiques qui effraient et tentent d’émouvoir les spectateurs. Pour pouvoir évoquer la dimension  morale dans la tragédie de Racine, Phèdre, on doit, là encore, établir une différence entre les agissements des personnages et les pensées du dramaturge . Racine cherche à incarner sur scène  des effets tragiques à travers notamment le choix des caractères : il justifie dans ses nombreuses Préfaces, le choix de  “monstres gentils ” ; Il a besoin que Phèdre se rende coupable mais qu’elle puisse , sur certains points, paraître innocente , ou tout au moins victime d’une fatalité qui la dépasse; En articulant la malédiction divine et  une passion humaine, le poète nous permet de ressentir de la pitié pour cette femme condamnée à l’avance par les Dieux; Nous sommes ainsi d’autant plus sensibles à sa souffrance qui ne semble pas feinte même si l’objet de son amour peut paraître immoral . On peut ,d’ailleurs, se demander si la référence à la fatalité ne constitue pas une sorte d’alibi pour cette amante qui ne peut pas être considérée comme entièrement responsable de son choix . Les souffrances de Phèdre, malheureuse dans son mariage avec Thésée, sont une preuve de la condamnation de la passion mais également une preuve de sa puissance; dans le combat que l’homme doit mener quotidiennement afin de faire triompher la Raison de l’emportement de ses passions, la victoire est lojn d’être assurée, constate Racine . Convaincu de la justesse de certains aspects du jansénisme, Racine ne semble pas se montrer plus confiant que la Fontaine, son ami, dans la capacité de l’Homme à effectuer les bons choix et à prendre les bonnes décisions, Madame de La Fayette est-elle aussi pessimiste ?

11. janvier 2020 · Commentaires fermés sur La Fontaine : le roi des animaux ? · Catégories: Dissertations sur oeuvre, Première · Tags: ,

Très souvent, lorsqu’on évoque l’univers des Fables, on pense tout naturellement aux animaux humanisés : le loup et sa cruauté, le renard qui déploie mille ruses,  et le lion qui entend régner sans partage sur ses courtisans; on va parfois jusqu’à oublier qu’un tiers des fables environ, ne contient pas de figures animales. Bêtes de la ferme ou animaux plus sauvages, on trouve un bestiaire varié dans les Fables ;  Les bêtes y sont les seules héroïnes ou partagent la vedette, parfois,  avec des humains . Nous pouvons donc nous interroger sur les rôles que jouent les animaux dans la fable : sont-ils des éléments indispensables  pour nous faire réfléchir ou de simples amusements pour charmer les enfants ? Pour répondre à cette question, nous montrerons tout d’abord la variété du monde animal et les caractéristiques de leurs portraits . Ensuite nous étudierons le fonctionnement de l’anthropomorphisme . Enfin nous nous pencherons sur la société formée par la gent animale .

Même si la plupart des animaux (une soixantaine ) sont connus des lecteurs, la présence de certains peut nous surprendre . En tant que maître des eaux et forets, La Fontaine a pu observer le comportement de nombreux animaux et ses remarques sont souvent conformes à ce qu’on imagine : ainsi le coq est orgueilleux et monte sur les toits pour chanter sa victoire ( Poule et 2 coqs ) ; le chien tente de rester fidèle à son maître et joue soit les gardiens comme dans Le loup et le chien soit le serviteur du maitre  ,  par exemple comme  dans le chien qui porte à son cou le diner de son maitre ; Il se laisse aussi guider sa conduite par la faim, celle qui pousse presque tous les animaux à s’affronter .

Si certains animaux sont des figurants épisodiques et font une ou deux apparitions dans les fables, comme le milan, la souris, les petits poissons, la perdrix, l’araignée , le serpent, l’huître, le léopard , certains semblent jouer un rôle plus important  et deviennent des acteurs à part entière. On pense au lion et à ses courtisans :  ours et tigres qui incarnent les puissants comme dans Les Animaux malades de la peste ; loups et renards sont comme des frères ennemis, le plus souvent en concurrence  et remplissent chacun, aux côtés du roi, des rôles parallèles comme dans le lion, le loup et le renard ; Souvent le fabuliste se sert de différents membres d'une même espèce et il leur prête des caractéristiques semblables comme , par exemple, les oiseaux prédateurs avec le milan, le vautour, qui peut aussi devenir un faucon ou un héron  ou un chat-huant ( variante du hibou ) à la recherche de son déjeuner : petits poissons , goujon ou limaçon pour le premier et souris ou belette  ou petits lapins pour le second ; ces volatiles s'opposent aux poules, perdrix, canards et autres chapon le plus souvent condamnés à finir mangés .

Les petites bêtes ne sont pas oubliées avec une araignée, une mouche et quelques rats qui vivent en ermite  ou même des souris qui subissent des métamorphoses et finissent par épouser des rats ; la Fontaine construit donc un univers animal  vraisemblable en respectant le plus souvent la place des animaux cités dans la chaîne alimentaire : certains y sont d’ailleurs, tour à tour, prédateurs et victimes .

Les portraits des animaux sont, eux aussi, conformes à certains éléments naturels qui les rendent reconnaissables : l’éléphant est particulièrement lent et lourd : il est décrit comme une  “pesante masse ” , le héron possède “un long bec emmanché d’un long cou” et le coq porte une crête ; le loup est “quelque peu clerc ” (Animaux malades ) ; le rat vit  retiré dans un “fromage de Hollande ” ; le lion , en bon prince ” à ses sujets étalait sa puissance ” ; le peuple vautour a un bec retors et une tranchante serre ; la mouche fait entendre son bourdonnement et le jeune lapin passe sa matinée à brouter et à trotter parmi le thym et la rosée ( chat, belette et petit lapin ) ; en quelques adjectifs, le fabuliste construit un portrait en actions de l’animal et ce dernier s’anime sous nos yeux .

Mais l’une des caractéristiques les plus intéressantes, c’est l’ utilisation de l’anthropomorphisme . Les animaux parlent comme dans les modèles antiques des fables  et ont des caractéristiques humaines et c’est ce qui contribue au plaisir que nous avons de  les découvrir dans  les fables : à qui vont-ils ressembler ? à quels types de personnages vont-ils être associés ? Certains sont savants et deviennent professeurs comme le singe qui est qualifié de “maître es arts” dans  Le lion Le singe et les deux ânes ,  et qui va donner une leçon de gouvernement à son monarque ; le lion,  lui aussi dans son rôle de monarque justement , écrit des lettres à ses vassaux  ; il fait envoyer “une circulaire écriture avec son sceau ” pour informer les animaux qu’il tient cour plénière   ; certains tiennent de longs discours et se montrent fort convaincants comme le cochon dans la charrette qui l’emmène au marché pour y être vendu et mangé . ( Chèvre cochon mouton )  D’autres se montrent obséquieux comme de véritables courtisans à l’image, une fois de plus du singe dans La Cour du lion. En définitive, seuls leur habitat et leur nourriture les distinguent vraiment des humains que nous rencontrons dans les fables . Lorsqu’ils sont d’ailleurs associés aux hommes, comme par exemple dans Le loup et le chasseur ou dans la fable Le héron la fille , il leur arrive les mêmes mésaventures et la leçon à en tirer, pour les lecteurs, est identique : l’animal et l’humain se comportent de la même manière, commettent les mêmes erreurs . En effet, le fabuliste , non seulement les dote de caractéristiques humaines qu’il mélange avec les caractéristiques animales attendues et il les fait correspondre, ainsi, à des types humains facilement  identifiables par le lecteur . L’ours se bouche la narine de dégoût ce qui est une attitude humaine; la lionne rugit de douleur à la perte de son lionceau comme une mère éplorée dans La lionne et l’ourse ; des coqs dans la basse-cour se montrent "incivils et peu galants ” comme de jeunes hommes mal polis et mal éduqués  dans La perdrix et les coqs. Le fabuliste montre ici avec humour , le jugement d’une princesse étrangère à la Cour qui s’étonne de voir ce peuple cependant fort souvent en furie . Le détour par l’animal permet ici à la satire politique d’être adoucie : on peut ainsi sourire ce ce qui paraît pourtant grave ; en effet, cette perdrix reçoit “d’horribles coups de becs ” avant de réaliser que ces ennemis se battent également continuellement entre eux comme “une troupe enragée” ; le terme enragé s’applique, à la fois, à la dimension animale mais en même temps il désigne les humains ; le fabuliste joue ainsi avec la polyvalence de certains qualificatifs qu’il choisit avec soin . Ce procédé d’écriture contribue à renforcer les liens entre la dimension animale et le plan humain.

Ainsi , chaque animal  ou chaque représentant d’une espèce animale sera plus ou moins associé au type humain dont le fabuliste dresse un portrait satirique dans les fables; Les courtisans, par exemple, apparaissent sous différents aspects: si les ours et les tigres reflètent simplement les grands seigneurs, puissants pour les uns grâce à leur force physique et pour les autres , grâce à leurs titres, les flatteurs sont représentés par, au moins,  trois animaux différents : le renard bien sûr est le courtisan rusé et conscient des dangers de la Cour : il est  celui qui se méfie et connaît les usages  ; Il manie , pour sa survie, l’art du langage ou l’art du silence selon les cas et triomphe, le,plus souvent, de ses rivaux et de la plupart des animaux qu’il parvient à piéger ; Le loup symbolise l’arriviste prêt à écraser les autres pour se rapprocher du monarque: délateur , il maîtrise également l’éloquence mais son discours est, le plus  souvent trompeur et haineux ; Dans Les Animaux malades, il est celui qui anime la foule contre l’âne et contribue à sa pendaison. Le singe est parfois plus habile mais lorsqu’il en fait trop, il subit lui aussi la colère du roi comme dans la Cour du lion. Le léopard représente l’arrogance des seigneurs qui se parent et s’enorgueillissent de leurs titres de noblesse mais ne songent pas à briller par leur esprit. Enfin on pourrait évoquer , également , le fonctionnement de  l’ensemble de cette société animale, qui par bien des points, nous tend un miroir de nos sociétés humaines.

Si l’on raisonne maintenant à l’échelle collective, on se rend compte que La Fontaine fabrique un véritable monde animal avec ses forts et ses faibles, ses puissants et ses victimes ; Cette société  animale nous permet de mieux comprendre celle des hommes et son fonctionnement ; Tout d’abord, le fabuliste montre l’importance de la nourriture chez les animaux , et de de l’intérêt en général  : que ce soit pour avoir la meilleure part ou obtenir une proie que convoitent d’autres prédateurs ,certains animaux déploient toute leur habileté et mettent au point des stratégies , plus ou moins efficaces .  Le vieux cormoran au ventre vide qui ne peut plus pêcher car il est devenu aveugle  devient un grand démagogue et tient un discours  trompeur aux poissons en prétendant “sauver leur République ” ( cormoran et poissons )  . Il leur tend un piège pour pouvoir manger : où est le Mal ?  Choisir des animaux permet également de nous faire réfléchir à la manière dont nous nous comportons face aux plus faibles.  Lorsqu’on évoque les injustices, on pense aussi à la manière d’exercer la Justice dans cette société animale.

Il est fréquent, en effet, que la notion de justice ou de jugement soit convoquée : incapables de résoudre leurs conflits, certains animaux font appel à des juges pour les mettre d’accord . L’âne est sacrifié au terme d’une parodie de procès ; le lapin qui s’est fait voler son terrier se fait manger par le juge , un chat ; le loup qui voudrait être aimé fait le procès de la cruauté des bergers et la couleuvre qui risque d’être tuée par l’homme lui montre à quel point son espèce est cruelle ; A travers tous ces exemples, on mesure l’importance du thème de la justice, à la fois parce que La Fontaine veut dévoiler les injustices constitutives de son époque mais également parce qu’il fait le procès des hommes dont il souligne d’ailleurs, à plusieurs reprises, la cruauté, face au monde animal . L’homme parait , au final, comme la plus cruelle des espèces .

De plus, La Fontaine se sert des animaux, à la fois sur le plan individuel  comme nous l’avons montré ,  mais également sur le plan collectif et philosophique comme d’un instrument puissant au service de son projet satirique d’une part, mais aussi au service de la morale ; Par le biais de l'animal, il dénonce plus facilement ce qu'il entend combattre ou simplement , mettre en lumière et notamment l'impuissance des plus faibles . Petits poissons mangés parce que c'est leur sort, espèces à la merci de leurs prédateurs naturels, comme l'araignée face à l'hirondelle ou la souris face au chat, ils craignent l'homme par dessus-tout; Et surtout, ils ne s'embarrassent pas de morale; En effet, choisir des animaux, c’est montrer la loi de l’instinct : manger ou être mangé ; aucune place pour la gratitude, les cas de conscience, les hésitations; L’animal semble, habituellement, au-dessus de la morale et des scrupules ; Il doit se nourrir et ne porte pas de jugement sur ce qu’il accomplit à l’exception justement du loup devenu philosophe dans Le loup et les bergers :Un loup rempli d’humanité /(s’il en est de tels dans le monde )/ Fit un jour sur sa cruauté /quoiqu’il ne l’exerçat que par nécessité/, une réflexion profonde ” On mesure ici l’écart qui sépare le monde animal du monde des hommes : et le fabuliste utilise justement cet écart pour nous permettre de réfléchir à la manière dont nous nous serions comportés , à la place des animaux  ou si nous étions des animaux . Dans Les deux perroquets , le roi et son fils, il joue avec cette fausse ressemblance entre l’animal et l’humain : un roi tue le fils de son perroquet car ce dernier au cours d’un jeu, a blessé l’autre oiseau préféré du  fils  du monarque, un moineau; Pour venger la mort de son enfant, le père perroquet va crever les yeux du jeune prince provoquant le désespoir de son père, le Roi ; La notion de vengeance est totalement étrangère aux animaux et on voit pourtant ici que le poète  l’utilise pour créer une situation d’enseignement moral ; Le vieux perroquet se réfugie alors  dans un arbre et "goûte sa vengeance” Lorsque le roi tente de le faire revenir en prétendant oublier “la haine la vengeance et le deuil “, le perroquet se méfie de ce profane langage  qui selon lui, sert d’appât et demeure perché dans son arbre car il sait que “la vengeance est un morceau de roi ” et il ne croit pas à la sincérité des paroles du monarque.

 Pour conclure , l’animal joue un rôle important dans les fables car il nous fait sourire de nos travers et le fabuliste joue beaucoup à nous rapprocher ou parfois à montrer ce qui peut nous séparer ;  L’animal, au sein de la fable,  est une sorte de médiateur pour que nous comprenions  les  différences entre  nos deux mondes et que nous soyons en mesure de cerner notre humanité..En rendant les animaux humains , le fabuliste nous tend notre image et suscite le jugement moral : ce qui est excusable chez un fauve l’est-il également chez un monarque ? la cruauté est -elle une caractéristique spécifiquement humaine ? le monde des hommes est-il, tout simplement, gouverné par la loi du plus fort ? que peuvent les lois humaines face à nos instincts de prédateur ?  et surtout comment se fait entendre la Voix de la Raison à travers ces ces deux mondes ?

Si vous voulez vous préparer efficacement pour l’épreuve de dissertation ou la présentation de l’oeuvre durant l’entretien oral, réalisez une fiche sur laquelle vous notez le plan détaillé de cette dissertation avec le titre des parties, des sous-parties et surtout les fables utilisées en guise d’illustrations; Vous pouvez d’ailleurs vous exercer à en trouver d’autres et à en ajouter à l’intérieur du plan. Pour l’introduction et la conclusion, ne notez que les mots-clés… vous pouvez aussi retenir la liste des animaux présents dans les fables étudiées et les classez en familles selon leurs emplois.

07. janvier 2020 · Commentaires fermés sur Quel moraliste est La Fontaine ? Auour des morales des fables et de sa position de moraliste · Catégories: Dissertations sur oeuvre, Première · Tags: , ,

Si vous choisissez de disserter sur une oeuvre du programme, vous aurez probablement à fabriquer un plan à partir de l’analyse d’un sujet; Aidez-vous des mots clés et prenez le temps de bien comprendre la citation parfois, ou la phrase qui va servir de point de départ à votre réflexion sur les Fables . Voici quelques  exemples de constructions de plans de dissertations .

La Fontaine prétend faire oeuvre de moraliste mais que nous enseigne-t-il ? un monde où triomphent le mensonge et la cruauté? Est-ce ce que nous voulons enseigner à nos enfants ? Etes vous d’accord avec cette citation ?

Disserter va d’abord consister à analyser les mots clés de la phrase afin de bien comprendre comment utiliser notre connaissance des fables ; cela revient à se demander sous quel angle aborder l’oeuvre . Le jugement paraît sévère avec le terme “prétend faire ” qui invite le lecteur à penser que La Fontaine n’est pas un “bon moraliste ” ; Autrement dit qu’il ne faut pas suivre son enseignement ou que ses idées sont dangereuses pour la morale . Il importe donc, de donner une définition du terme moraliste tel qu’il est employé à cette époque; “écrivain qui souhaite qu’on tire une enseignement de son travail” ;  Si on suit cette définition, alors La Fontaine est incontestablement un moraliste On aurait pu formuler la citation autrement ” La Fontaine est-il un moraliste ? ” La réflexion aurait porté sur le même aspect des fables mais dans notre citation, nous disposons d’un élément supplémentaire ; la critique de la manière dont il dispense son enseignement : l’auteur critique , en effet, son usage constant du mensonge et de la cruauté. Il va donc falloir démontrer, dans noter dissertation si oui ou non les fables contiennent beaucoup de mensonges et si elles reflètent bien une forme de cruauté. Cela pourrait être notre thèse : elle donnerait ainsi, en partie raison, à l’auteur de notre citation.  Un point important va consister , ensuite , à examiner la nature de cette cruauté; s'agit-il pour le fabuliste de constater que le monde est cruel et de nous mettre en garde ou de fabriquer des morales où triomphe la cruauté ; Même raisonnement pour le mensonge : effectivement beaucoup de fables exploitent ce thème du mensonge mais pour montrer quoi et peut-on différencier la nature des mensonges : ceux qui sont des mensonges de défense par exemple pour tenter d’atténuer la cruauté des plus forts ou des plus puissants . On va ainsi articuler les deux notions de mensonge et de cruauté pour prouver qu’elles sont étroitement liées par des liens de causalité. C’est parce que le monde  que peint le fabuliste est désespérement cruel que , souvent,les plus faibles sont amenés à mentir pour échapper à leurs prédateurs ; L’intelligence et la ruse suppléent, en partie, à ces inégalités constitutives de la société de l’ancien Régime.

La critique, comme on est maintenant en mesure de le voir, porte davantage sur les aspects que La Fontaine a choisi de mettre en lumière . On lui reproche souvent de montrer le côté sombre de l’humanité et son pessimisme parfois peut avoir un effet négatif sur de jeunes enfants auxquels on aimerait faire croire que l’homme est une créature bonne et généreuse et qu’il faut faire confiance à son prochain.

Si on y regarde d’un peu plus près, on s’aperçoit que La Fontaine ne fait pas toujours l’éloge du mensonge ; au contraire il condamne celui des courtisans par exemple et celui des commères ; On remarque également qu'il montre le monde sans fard et qu'il présente , non sans les critiquer, les abus des puissants ou des forts; certes, nous voyons leurs victimes parfois innocentes, périr sous leurs griffes   , ce qui peut nous sembler cruel; Il nous enseigne ainsi à voir le monde tel qu'il est et pas tel que nous voudrions qu'il soit. De plus, il faut noter que La Fontaine condamne toujours le mensonge quand il est utilisé pour nuire aux autres et l’animal qui ment est puni à la fin de la fable, le plus souvent .

On pourra néanmoins réfléchir , dans une dernière partie,à certaines fables qui pourraient heurter des valeurs morales et sembleraient faire triompher le Mal ; On citera sans doute Les Animaux malades de la Peste, L’araignée et l’hirondelle, Les poissons et le berger qui joue de la  flûte ; Dans cette dernière, l'enseignement parait , en effet, ambigu car le berger a tenté d'abord de pêcher les poissons en les charmant avec un doux chant ; face à son échec, il a alors employé la force en lançant son filet ; Sa morale s'adresse aux Rois et le fabuliste leur conseille d'utiliser la force mais dans un cas bien précis " Rois qui croyez gagner par raison les esprits d’une multitude étrangère, servez-vous de vos rets la puissance fait tout ; Eloge de la force certes mais également constat d'une impuissance de la raison dans certaines situations ; Est-ce immoral ? Ce constat  de la faiblesse de la raison est fait par de nombreux autres moralistes comme Pascal par exemple, qui montre à quel point elle est fragile face à l'imagination .

On prouvera, également, dans ce travail de dissertation que La Fontaine cherche à nous inculquer des valeurs morales essentielles et positives comme la valeur de la Sagesse, la valeur et l’importance de l’amitié , la nécessité d’agir avec mesure en toutes choses : il condamne notamment le désir lorsqu’il nous pousse à commettre des folies ( on peut penser à la Tortue qui veut voler ou aux chiens qui boivent l’eau de la rivière pour manger l’animal qui y flotte ) . On pourrait également utiliser la morale du loup et du chasseur qui apparaît ici comme une double condamnation des attitudes extrêmes “la convoitise perdit l’un / l’autre périt par avarice ”

  Pour conclure , si certains reprochent au fabuliste de noircir la réalité et de faire la part belle aux bas instincts et à la cruauté ambiante, il se contente peut- être simplement de montrer le monde tel qu’il le voit et s’il en exagère la noirceur, c’est pour mieux nous en révéler les dangers permaments; Mais il le fait avec le sourire: pas dans l’espoir de nous voir  faillir mais en nous assurant que nous sommes à l’avance pardonnés,  toujours avec le sourire, car la tâche est ardue et nous ne sommes que des hommes …

Les plans pourraient s’articuler autour de ces notions :

Les fables sont le reflet du monde , un miroir fidèle donc elles comportent beaucoup de cruauté et de mensonges ( qui peuvent triompher )

Mais le but du fabuliste est de nous mettre en garde et de nous enseigner la prudence ainsi que certaines vertus (un “vrai moraliste chrétien)

Néanmoins son regard diffère parfois de celui de la morale traditionnelle (libre-penseur, parfois libertin et surtout philosophe partagé entre épicurisme et stoïcisme; prêt à nous pardonner nos fautes ..)

Si vous voulez vous exercer et prolonger la réflexion , cherchez quelles fables et quelles morales vous pourriez insérer dans cette ébauche de dissertation ; Constituez -vous une fiche: La Fontaine moraliste  avec des titres , des morales et des thèmes communs.

02. janvier 2020 · Commentaires fermés sur La Fontaine : les fables sont-elles les fragments d’une pensée éparpillée ou forment-elles un système global ? · Catégories: Dissertations sur oeuvre, Première · Tags: ,

Disserter à partir d’une citation consiste tout d’abord à analyser cette dernière avant d’en présenter une reformulation la plus précise possible. En effet,de la qualité de cette analyse préalable dépendra souvent la qualité du plan élaboré pour présenter la réflexion  et donc, la qualité  du traitement du sujet . Revenons sur la citation : Pour définir la fable, la Fontaine la compare à une abeille : ” Je suis chose légère et vole à tout sujet : je vais de fleur en fleur et d’objet en objet” . Comment comprendre le mot légèreté : par opposition sans doute au mot gravité , au sérieux de certaines entreprise littéraires  ; la fable adopterait ainsi un style léger, celui de la plaisanterie et de la satire.Le burlesque des situations, l’anthropomorphisme des personnages , la présence de nombreux   jeux de mots contribuent à créer cet  esprit  “léger ” par contraste avec le style sérieux et le ton solennel des moralistes et des essayistes . Voyons maintenant les autres éléments qui composent la citation…

On note la présence d’une comparaison  avec l’abeille qui pourra être réutilisée dans le cadre de la dissertation. Le second mot qui retient notre attention est celui de sujet . Il pourrait indiquer que les fables ne respectent pas une  véritable organisation et qu’une fable succède à une autre de manière aléatoire, sans véritable projet d’architecture. Il est indéniable que la succession des fables présente un caractère désordonné et il peut sembler facile  de le démontrer. On a ainsi l’impression que le fabuliste, comme l’insecte , passe d’un sujet à l’autre et d’une fleur à l’autre au gré de ses envies . Ainsi, on pourra choisir d’évoquer la diversité  des thèmes lorsqu’on passe d’une fable à l’autre  : satire de la cour, l’amitié, le mariage, le voyage, la loi du plus fort. La difficulté ici réside dans la connaissances de la localisation des thèmes ; toutefois , sous une diversité de surface, on constate assez rapidement que les fables offrent une vision du monde assez homogène de leur auteur ; Il sera possible de le démontrer en se basant sur les thèmes récurrents comme la satire de l’orgueil , l’incitation à la prudence , à la mesure et à la sagesse dans tous les domaines ; Ainsi, que ce soit dans le domaine social, politique ou même lorsqu’il s’agit d’évoquer la religion, les fables condamnent les excès . 

La seconde difficulté dans la conception de cette rédaction consiste sans doute à bien choisir les fables qui vont servir d’illustrations et surtout de se contenter d’en citer un résumé sans trop entrer dans les détails du récit .

On peut donc proposer le plan suivant :

I Oui les fables proposent  , à première vue , des fragments de pensée

a) le choix de la forme courte et l’absence de continuité

b) diversité des thèmes abordés

c) diversité des tons et des registres  (burlesque , satirique )

II Mais sous cette diversité , on retrouve des récurrences et une pensée globale

a) les valeurs fondamentales à travers les morales

b) critiquer pour amuser mais surtout pour instruire

c) une unité de sens : la vision du monde homogène ?

Quelques exemples de démonstrations sous forme de paragraphes  plus ou moins rédigés:

I a) Le choix de la forme de la fable condamne le poète à des développements brefs et parfois, à esquisser simplement le traitement d’un sujet : comment, en  effet, évoquer la peur de la mort en quelques vers ? C’est pourquoi le fabuliste reprendra à plusieurs reprises ,  à travers des anecdotes différentes , des questions autour de la relation entre l’homme et la mort ; On a alors l’impression de passer d’un sujet à l’autre mais peut être s’agit-il, tout simplement, de différents aspects d’un même sujet ; On peut citer, comme exemple, la mort des courtisans dans la Cour du lion, punition de leur flagornerie qui contraste avec celle de l’âne dans Les animaux malades de la Peste ,  animal sacrifié qui est désigné comme une victime par les puissants , heureux de sauver leur propre vie ; au delà de leur différence , ces  morts posent le problème de l’injustice et soulignent les dangers de la vie à la Cour; Une fable comme La Mort et le mourant aborde, cette fois, sur un plan plus philosophique, la préparation à la mort . On peut alors penser qu’il s’agit d’un autre sujet car il est abordé , sans le truchement des animaux, par un autre biais : celui d’une personnification et d’un dialogue entre la mort sous la forme d’une allégorie et un Vieillard qui se plaint de devoir quitter la vie. La mort tente alors de le raisonner et de lui faire accepter son sort. Ce sont bien ici dse fragments de pensée rassemblés autour de l’idée de la Mort.

I b)  Dans le livre VII, on passe respectivement avec Les Animaux maladeés de la Peste, d’une dénonciation de la loi du plus fort et des injustices qui règnent à la Cour, à une réflexion sur les difficultés du mariage avec Le Mal Marié ; ensuite et sans transition, La Fontaine critique l'égoïsme de certains ordres religieux avec Le Rat qui s’est retiré du monde; Dans le Héron et la fille, quatrième fable du livre, il dénonce cette fois, l’insatisfaction chronique qui mène à la déception , en prenant d’abord le cas d’un animal qui dédaigne ses proies et ensuite celui d’une jeune fille qui cherche le mari parfait. Enfin la cinquième fable intitulée Les Souhaits nous introduit dans un univers merveilleux avec un follet qui accorde trois voeux à une famille . Cette dernière finit par choisir la sagesse. La fable suivante ressemble à la première avec une nouvelle critique des abus de pouvoir du monarque et les difficutés rencontrées par les courtisans dans l’usage,notamment de la flatterie. On voit bien ici que le poète comme l’abeille, passe de fleur en fleur, c’est à dire change de sujet quasiment à chaque fable .

I b) Il est bien difficile de dire quel est le sujet principal  des fables car La Fontaine aborde de nombreux thèmes dans ses recueils : la dimension politique s’efface de temps à autre au profit d’une approche philosophique de la nature humaine ; questions de société et références à certains événements contemporains  alternent avec des questionnements plus généraux sur les défauts de la Nature humaine .

II c) Certes , La Fontaine emploie très souvent le registre satirique mais il l’utilise essentiellement comme un instrument au service d’un objectif pédagogique, celui d’enseigner aux hommes comment échapper aux dangers de leur condition. Ainsi , ce qui pouvait apparaître comme une forme de légéreté, aide à faire passer l’enseignement sans la lourdeur du sermon ou de l’essai. On peut le voir, par exemple, dans Perrette et le pot au lait ou Le Curé et le mort : le portrait des personnages , leur mésaventure plaisante et triste à la fois, aide à nous faire comprendre les dangers de l’imagination. Perrette perd son lait pour avoir trop rêvé à ce qu’elle en tirerait comme profit alors que le Curé perd la vie pour avoir voulu se servir, à des fins égoïstes , de celle de ses ouailles;  Au delà des différences de traitement du sujet ,  les deux rêveurs sont punis et la leçon est identique pour le lecteur : il ne faut pas parier sur l’avenir, toujours incertain.

Pour conclure, le fatras apparent des fables peut paraître , à première vue, un obstacle pour y déceler une vision du monde cohérente mais néanmoins, au terme de notre lecture du second livre des fables , nous avons le sentiment de percevoir l’unicité et la singularité d’une pensée :celle d’un poète qui a choisi de ne pas s’appesantir  sur la gravité du monde mais de voyager léger avec ces fables comparables à des fleurs des champs éparses qui forment un bouquet coloré . Il passe certes de sujet en sujet et il lui arrive même de se montrer quelque peu contradictoire mais il construit une vision du monde personnelle qui parvient, le plus souvent ,  à unifier les dissonances .

25. novembre 2019 · Commentaires fermés sur Le thème du mensonge dans Les Fables : dissertation .. · Catégories: Dissertations sur oeuvre, Première · Tags: ,

Vérité et mensonges dans les Fables .

Cette dissertation consiste à examiner la place des mensonges dans les Fables au programme cette année afin d’ en déterminer à la fois l’importance et la variété. La première étape du travail de la dissertation consiste donc à faire l’inventaire des différents mensonges rencontrés dans les récits; Ensuite, il convient de se demander quel rôle joue le mensonge, qui ment et quelles sont les conséquences des mensonges pour les forces en présence; On peut également classer les mensonges : on séparera, par exemple, les mensonges bénéfiques et ceux qui nuisent à autrui ou qui ont des conséquences graves .  Une fois ce travail effectué, on pourra commencer à réfléchir à une organisation qui deviendra un plan :  I Mensonge de la fiction: la fable est un mensonge au service des vérités  II Mensonges dans les fables: une arme redoutable  III Existe-t-il des mensonges positifs ? C’est une idée d’organisation mais ce n’est pas le seul plan possible … voyons d’abord notre stock de mensonges prêts à être utilisés comme illustrations dans une dissertation ….

Vérité et mensonges dans les Fables

Liste des mensonges dans Les fables ( 19 fables soit une sur quatre environ comportent au moins  une référence explicite au mensonge ) 

Les Animaux ..: le renard ment en atténuant la gravité des actions du roi (flatterie du courtisan , mensonge pour plaire aux puissants )

La cour du lion : le renard ment en feignant ne plus avoir d’odorat, mensonge pour sauver sa vie, situation du courtisan habile qui est hypocrite sans trop en faire ( singe trop menteur ) : « ne soyez… ni parleur trop sincère »

Le chat la belette et le petit lapin : le chat appelé pour départager les deux animaux qui se battent pour la possession du terrier les croque ; il les attire à lui par un mensonge; il prétend être sourd pour qu’ils soient à portée de griffe ( mensonge pour nuire à autrui, le plus fort ment au plus faible pour le croquer, synonyme de ruse ?  )

Un animal dans la lune : le fabuliste y lance un débat philosophique ; l’homme doit -il se fier à se sens «  mes yeux ne me trompent jamais en me mentant toujours » ..réflexion sur le phénomène d’illusion optique

Le lion, le loup et le renard : le loup médit de l’absence du renard  à la cour ; ce dernier prétexte un pèlerinage ( souvent la religion sert de prétexte ) et ment en prétendant qu’une peau de loup est un remède à la vieillesse ; il a menti pour tuer son adversaire ; Mensonge à des fins politiques : légitime défense ?

Les femmes et le secret : un époux ment pour révéler la véritable nature de son épouse, incapable de garder un secret : un mensonge pour enseigner ou pour faire découvrir une vérité

Dans Le  rieur et les poissons, un convive réussit à se faire servir un très gros poisson  à table en inventant un habile mensonge: il fait semblant d’interroger les poissons sur le sort d’un de ses mais disparu en mer et on le croit. On lui apporte un plus gros poisson qui , selon lui, en saura forcément plus : mensonge dans le but d’obtenir ce qu’on désire, mensonge qui rétablit une sorte d’équilibre entreponts et faibles .

Les obsèques de la lionne : le cerf ment habilement pour sauver sa peu et son mensonge, qui ressemble à un songe miraculeux, lui vaut même les faveurs du roi (mentir par nécessité, pas de conséquences négatives sur autrui )

Le faucon et le chapon : un chapon se méfie des hommes qui cherchent à l’attraper pour le manger  et lui mentent en prétendant le nourrir ; il explique au faucon qu’il n’obéit pas à l’appel de son maître car il ne veut pas finir à la broche ; l’homme lui tient ici un langage mensonger .

Le chat et le rat : le rongeur a accepté de délivrer son ennemi le chat d’un piège mais il se méfie des paroles mensongères du chat qui cherche à l’attirer pour le manger : on ne doit pas croire son ennemi . Le mensonge ici nous donne une leçon .

Le dépositaire infidèle :  le fabuliste déclare avoir mis dans ses fables « des légions de menteurs » « Tout homme ment, dit le Sage. »  Tous tant que nous sommes , nous mentions, grands et petits .Qui mentirait comme Esope comme Homère un vrai menteur ne serait . Le doux charme de maint songe /par leur bel art inventé/ sous les habits du mensonge/ nous  offre la vérité. Trompé par un marchand qui ment ne disant que des rats ont mangé le fer , un trafiquant enlève le fils de ce dernier et invente un mensonge : un hibou l’a emporté. Le trafiquant qui a compris la ruse , rend alors l’argent dérobé.

Le loup et le chien maigre : le chien, pour sauver sa peau, ment au loup qui l’épargne en pensant venir le rechercher quand il aura grossi . La Fontaine souligne la sottise du loup qui a cru sa proie et l’ a laissée filer par appât du gain.

Discours à Madame de la Sablière : dans cette longue fable, La Fontaine démontre que les animaux ont des sentiments et qu’il sont bien loin de n’être que des machines; par ironie, il évoque un roi polonais et prétend  que « jamais un roi ne ment »

Les poissons et le cormoran : le vieil oiseau ment par nécessité;Son mensonge est cru et la morale proposée est de ne pas se fier «  en ceux qui sont mangeurs de gens » . Un menteur qu’on ne parvient pas totalement à détester car il est présenté comme un pauvre animal qui souffre de disette.

L’Enfouisseur et son compère : un homme réussit grâce à un habile mensonge à confondre celui qui lui vole son argent et à récupérer ce qui lui appartient ; L’autre s’est laissé tenté par l’appât du gain. Ce mensonge doit lui servir de leçon . ‘l’autre fut sage , il retint tout chez lui «  et au lieu de se montrer avare et d’entasser son argent, il décide alors de le dépenser.

Le berger et le roi;  Un berger est nommé , grâce à son bon sens, Juge souverain mais les courtisans , jaloux, complotent contre lui  et l’ accusent faussement de posséder un trésor . La Fontaine les qualifie «  de machineurs d’impostures »    Leurs mensonges sont des calomnies et visent à nuire à celui qu’il considèrent comme un rival.

Dans Les poissons et le berger qui joue de la flûte comme dans Les deux perroquets le roi et son fils, le fabuliste dénonce le langage trompeur: douces paroles miellées du berger qui veut attraper les poissons et «  le leurre de l’appât d’un profane langage » Un leurre est un mensonge qui va piéger sa victime .

Le loup et le renard : le fabuliste montre que le renard bien qu’expert en « tours pleins de matoiserie »  n’a pas toujours l’avantage . Piégé par le reflet de la lune qu’il prend  pour un fromage, il est obligé de piéger le loup pour se sortir du puits dans lequel il est tombé ? Ce dernier  est qualifié de sot .

Quelques exemples maintenant d’insertion des illustrations au sein d’un raisonnement argumentatif. 

Après avoir démontré que sous une enveloppe mensongère , celle de la fiction, la fable donne parfois accès à certaines vérités , voyons maintenant comment la fable parvient elle à exprimer des vérités sur le plan politique .

L’une des illustrations la plus claire nous est fournie par Le Pouvoir des fables; En effet, dan cet apologue, un orateur qui ne parvient pas à se faire entendre de son public , décide d’inventer une fable pour attirer leur attention et ainsi, les alerter d’un danger imminent pour la cité; Le mensonge de la fiction  a facilité la parole politique, celle de l’orateur , et a permis , de déguiser , sous le masque d’une histoire , une véritable menace pour l’ambassadeur de France .

En effet, certaines fables sont politiquement engagées . Par le biais des animaux, le fabuliste  lance  même , souvent ,des accusations contre les hommes . Ainsi, dans Les animaux malades de la Peste, il nous fait assister à une parodie de justice ; L’âne, animal faible, avoue une peccadille qui lui vaut d’être pendu alors que le lion, qui a avoué des crimes répétés, n’est pas jugé coupable . La morale de la fable «  Selon que vous serez puissant ou misérable / les jugements de cour vous rendront blancs ou noirs » critique explicitement l’injustice qui règne à la cour de louis XIV

Dans Le Singe et le Léopard, le fabuliste nous  donne un autre avis politique sous la forme d’un avis  personnel : il préfère les gens d’esprit aux gens qui se contentent d’être bien nés et se vantent de leurs titres; Ces courtisans orgueilleux sont dépeints sous les traits d’un léopard fier de sa peau tachetée . La vérité apparait alors : «  ils n’ont que l’habit pour tous talents “; La fable nous a permis d’y voir plus clair et de démasquer la vérité cachée sous des apparences mensongères.

Si la plupart des fables n’ affichent pas clairement une lecture politique, on peut toutefois lire certaines situations comme une réflexion sur l’art de gouverner; Ainsi dans Le lion, le singe et les deux ânes, La Fontaine reprend l’un des rôles du singe chez Esope, celui qui donne des conseils au roi . Derrière la situation mensongère de la fable, on devine aisément que le fabuliste adresse une forme d’avertissement à Louis XIV en le montrant sous le masque d’un «  terrible sire »; Il lui conseille de se méfier de son orgueil , qui fait prendre de mauvaises décisions aux souverains .

La présence d’un mensonge , à l’intérieur de  la Fable, peut  se lire , de temps à autre,  comme un instrument de perfectionnement . Il permet souvent de se sortir d’un mauvais pas . De ce point de vue, il peut être assimilé à la métis des grecs , cette ruse qui permet de vaincre ses ennemis et de sauver sa vie ou, tout simplement ,  de faire triompher ses intérêts . C’est le cas du cerf, dans Les obsèques de la lionne. Ce dernier, dénoncé par des courtisans malveillants , risque de mourir pour avoir été sincère et ne pas  avoir fait semblant d’être triste  à la mort de la lionne. Grâce à un fabuleux mensonge où il prétend que la reine lui est apparue en songe  ,il sauve sa vie et obtient  même une récompense  . On remarque d’ailleurs que songe , au sens où l’entendent les moralistes du siècle classique,  est souvent synonyme de mensonges ; Le rêve, en effet, fait partie de l’imaginaire et éloigne l’homme du chemin de la Vérité sur lequel sa raison doit le guider.

Le mensonge peut même avoir un statut formateur et servir d’enseignement ; Ainsi dans Les femmes et le secret, c’est au moyen d’un mensonge qu’un mari met en évidence l’incapacité de as femme à garder un secret; Il a mis son épouse à l’épreuve et  son stratagème a permis de révéler ce qui est présenté comme une sorte de vérité générale: nous avons beaucoup de mal à garder un secret quelqu’il soit.

Dans Le dépositaire infidèle , un premier mensonge déclenche des conséquences terribles qui vont servir de leçon au menteur; ce dernier dissimulé le vol de l”argent derrière une cause mensongère , en expliquant qu’un rat a dévoré l’argent ; Pour lui rendre la monnaie de sa pièce, ce dernier enlève son fils et raconte un mensonge aussi énorme : il aurait été enlevé par un hibou; le voleur ne peut que comprendre ici, la leçon donnée à ses dépens.

Les mensonges des fables ont également pour but de révéler des vérités cachées sous des apparences trompeuses . Le mensonge  des hypocrites est parfois démasqué comme celui du singe dans La Cour du lion</b> ; sa sotte flatterie causera sa perte ; le fabuliste démontre ainsi que la la Cour est un milieu impitoyable où chacun doit dissimuler ses véritables sentiments sans tomber dans une flagornerie trop facilement décelable.

Les mensonges permettent , de temps à autre ,de démasquer la cruauté de l’homme et de révéler qu’il est un véritable prédateur pour tous les autres animaux auxquels il se juge supérieur . Avec L’homme et la couleuvre, le fabuliste montre clairement l’ingratitude de l’espèce humaine qui exploite, à son profit, les espèces animales.

Le mensonge a donc un statut ambivalent dans les fables : instrument de tromperie au service des méchants, il est aussi une arme pour les victimes ; Ainsi dans Le loup, le lion et le renard, le loup l’emploie pour se débarrasser de son rival le renard, et ce dernier l’emploie à son tour pour lui rendre la monnaie de sa pièce . Le renard  prétend qu’il connaît un remède miraculeux contre la vieillesse : une peau de loup écorché vif et le vieux roi l s’empresse alors de faire exécuter le loup afin de prendre sa peau . Le renard est d’ailleurs expert en mensonges de toutes sortes: sa parole flatte les puissants ; Maître dans l’art de la démagogie, il sait aussi se taire et ne pas répondre ; Ainsi dans La cour du Lion, il préfère mentir en prétextant en rhume qui le prive d’odorat, plutôt que de devoir se prononcer sur l’odeur qui règne au palais.

Le renard n’est pas le seul animal à savoir mentir : le chemin ment parfois pour sauver sa peau comme par exemple dans l loup te le chien maigre : pour échapper au oui, il lui fait croire que c’est préférable de le laisser engraisser avant de revenir le chercher ; Le loup le croit et lorsqu’il se présente pour réclamer sa proie, le chien lui envoie un dogue féroce qui le fait fuir . Le loup a été berné et  ici, la sympathie du lecteur va plutôt au menteur ; Ce qui peut sembler immoral mais il s’agit d’un mensonge « pour une bonne cause » ;

Le mensonge du cormoran dans Les poissons et le cormoran s’apparente-t- il à celui du chien ? Vieux, mal voyant et affamé , « lorsque le long âge eût glacé le pauvre animal » , l’oiseau qui ne peut plus pêcher , doit se résoudre à mentir et à tromper les poissons pour pouvoir se nourrir . Le fabuliste précise que « le besoin (est ) docteur en stratagème » ; Ce vers nous indique qu’il ment iniquement par nécessité et que c’est la situation critique dans laquelle il se trouve , une « disette extrême »  qui l’ a obligé à inventer une ruse mensongère pour attirer les poissons dans un endroit où ils seront à sa portée . Le mensonge a été une leçon pour les poissons: il ne faut pas croire leur prédateur ; La Fontaine enseigne ainsi , grâce au mensonge , plusieurs choses et notamment de ne pas nous fier à nos ennemis.

Dans Le chat et le rat , nous voyons que le rat a fait alliance avec son ennemi, le chat par nécessité car il était menacé par deux autres de ses prédateurs ; Une fois qu’il a libéré le chat de son piège, il ne se fie pas aux paroles trompeuses de ce dernier qui cherche sans doute à l’attirer pour le manger et il garde soigneusement ses distances . Les mensonges du chat sont rendus ici inopérants grâce à la prudence et à la sagesse du rat. Donc le mensonge ne triomphe pas toujours et c’est plutôt porteur d’espoir.

Et voici maintenant un exemple de conclusion avec deux ouvertures littéraires ..

En conclusion , choisir la forme mensongère de la fable, permet à La Fontaine de révéler de nombreuses vérités à ses contemporains . De plus, il n’hésite pas à introduire de nombreux mensonges au sein des histoires . On note ainsi la fréquence, la diversité et la variété des utilisations du mensonge dans les Fables ; Le mensonge n’est pas seulement réservé aux plus faibles ou aux victimes , il peut également être employé par ceux qui veulent donner une leçon à leurs pairs. Les fables nous enseignent , en outre, que l’art de la dissimulation , est parfois très utile . Le mensonge s’apparente parfois à la parole trompeuse et en cela, il rejoint la flatterie des courtisans .  Dans un monde où triomphent hypocrisie et la loi du plus fort, les mensonges habiles , redistribuent les cartes et compensent, en partie, pour certains, les inégalités de la société ou les injustices dont ils sont victimes. Mais pour d’autres, le mensonge est le piège dans lequel ils s’apprêtent à tomber ; parfois, il sert d’alibi  ou de substitut  à la force brutale.  Les prédateurs cachent  alors sous leurs paroles mensongères leur désir de rendre plus facile la capture d’une proie que tout désigne. Les moralistes classiques comme Pascal et La Rochefoucauld nous enseignent à nous défier des attraits du mensonge , parole flatteuse qui nous dit ce que nous voulons entendre . L’amour-propre devient alors un guide trompeur pour l’homme.Mais un roman comme La Princesse de Clèves nous révèle également  que la dissimulation règne au sein de la Cour : on se ment à soi-même en même temps qu’on cache ses véritables sentiments aux autres .  Il semblerait que le mensonge fasse partie du la nature humaine .

30. octobre 2019 · Commentaires fermés sur La Cour du lion · Catégories: Lectures linéaires, Première · Tags: ,
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La dimension  satirique est l’une des dimensions les plus commentées des fables mais elles ne comportent pas toutes le même degré de satire et surtout , ne font pas la satire des mêmes objets; tantôt le fabuliste se moque des défauts des hommes , soit sur le plan individuel (l’appât du gain, l’avarice, le manque de générosité ) , soit sur un plan plus collectif ( la flatterie  des courtisans, les femmes incapables de garder un secret , la vénalité des juges  ) tantôt il met en évidence une anecdote qui débouche sur une philosophie de l’existence (leçon de sagesse , de prudence ou de modestie ) ; La fable est alors davantage un enseignement et le trait satirique se  fait plus discret . Dans la Cour du lion, la satire occupe une place importante : les animaux sont utilisés pour reproduire et dénoncer  le fonctionnement  féroce de la Cour . Vous trouverez dans l’article ci-dessous la lecture linéaire de la Cour du ion et quelques réflexions sur le fonctionnement de la satire ainsi que le poème de La Fontaine qui a déclenché la colère de Louis XIV.

Au moment de la parution de son second recueil de fables en 1678 , le poète Jean de La fontaine, qui s’inspire des auteurs antiques en remettant le genre de la fable à la mode, souffre encore d’une forme de disgrâce royale ; le roi lui tient rancune d’avoir soutenu publiquement Nicolas Fouquet qu’il a  pourtant condamné injustement. La Cour du lion , sixième apologue du livre VII, peut ainsi se parcourir comme une satire, à peine dissimulée,  de la cour . Voyons comment le récit fait voir cette dimension satirique .

D’emblée le personnage du lion, est présenté avec son titre de noblesse : Sa Majesté, au vers 1, et les détails choisis par le conteur , évoquent la monarchie absolue de son époque : le lion règne grâce au Ciel qui l’avait fait maître</b> ; on note ici la référence à l’exercice du pouvoir de droit divin et le caractère absolu de la monarchie, est traduit grâce à l’expression “fait maître “</b>; la domination naturelle du roi sur ses vassaux est donc une donnée du récit.La nature féodale du pouvoir est rappelée ici, au vers 4, par l’emploi du terme vassaux qui illustre la réalité de l’exercice du pouvoir à cette époque. Le roi est, de fait , le suzerain de tous les seigneurs du royaume de France  ; Ainsi, de toute nature, peut faire référence à la diversité des sujets du roi car il gouverne aussi bien les princes, les ducs, les comtes , les clercs, les paysans qu’il soient fermiers ou métayers. De toute nature en parallèle avec de tous les côtés est également une indication de l’ampleur du pouvoir royal et le détail du vers suivant “circulaire écriture “ corrobore cette idée d’une domination qui s’étend sur l’ensemble du peuple ainsi que sur l’ensemble du territoire. Le sceau rappelle  les armes du roi, son titre et son pouvoir ; Il est la métonymie du pouvoir .

La situation initiale est, dès lors, mise en place avec la mention des réjouissances offertes</b> ; Le conditionnel “tiendrait cour plénière”  ici a la valeur d’un futur proche et le détail de la cour plénière reprend l’idée d’un pouvoir illimité , qui s’étend à tous. Le roi veut donc faire étalage de sa puissance  et rendre la cérémonie attractive en offrant à ses sujets un  fort grand festin, au vers 10   et des spectacles  extraordinaires. L’hyperbole “fort grand festin “ marque le caractère quelque peu excessif de ce qui est promis et il est plaisant de constater que l’attraction qui sera donnée à voir est un spectacle d’un singe savant . On peut d’ores et déjà , y deviner une satire des courtisans à travers ce singe dressé, Fagotin ,au vers 11, qui imite les gestes des humains , à la manière dont un courtisan s’efforce d’imiter les moindres gestes du roi et de copier son attitude . Le conteur mentionne alors, de manière fort malicieuse, les intentions du monarque-lion que les lecteurs avaient déjà devinées : “par ce trait de magnificence /le prince à ses sujets étalait sa puissance”. On observe d’une part , l’emploi du terme magnificence pour désigner un festin et des tours de foire : à la rime avec puissance , on peut peut être y lire l’idée que la puissance d’un souverain se mesure à l’éclat de ses fêtes . Du moins, c’est ici  ce que  comprend le lecteur avisé : le roi souhaite que ses vassaux admirent le faste de la Cour; le surnom du roi Louis XIV, le roi Soleil , peut ainsi se lire , à la fois comme un symbole de puissance mais également d’éclat ; Il voulait impressionner son peuple et les puissances voisines en organisant notamment de somptueuses fêtes à Versailles . Le vers 14 précise que le roi reçoit chez lui, dans son palais  : son Louvre . A cette occasion, La Fontaine, en profite pour rappeler que contrairement à tous ses prédécesseurs, le roi a choisi de ne pas continuer à exercer le pouvoir au Louvre mais a préféré  se faire construire un château digne de lui, à Versailles .La phrase nominale exclamative   “Quel Louvre “ peut , dès lors , traduire différents sentiments . Si elle imite l’admiration, alors la suite du vers, nous révèle qu’ il s’agit d’ironie car la  demeure princière est décrite comme nauséabonde.  La transformation de la demeure royale en charnier peut se lire , sur le plan satirique, comme une critique de la politique meurtrière du roi qui ,  élimine de manière violente et sans procès, certains de ses opposants . La Fontaine fait sans doute allusion aux répressions qu’encourent , par exemple, les protestants, à la Cour, faussement accusés et qui , pour certains choisiront l’exil plutôt que la prison ou qui,pour d’autres, furent  sauvagement assassinés. L’utilisation, ici , du caractère anthropomorphique du personnage du lion, permet ainsi de faire passer la satire de manière plaisante, en ayant recours à un animal .

La suite du récit décrit les conséquences  dramatiques des maladresses des courtisans : l’ours est d’abord choisi , au vers 16 , pour incarner les Puissants , les Grands de la Cour, c’est à dire les courtisans du premier cercle du roi: il désigne les aristocrates redoutés, eux aussi , en raison de leur position dans la société animale; L’ours, en effet, est craint ; Dans d’autres fables, il est associé à des prédateurs aussi dangereux que le tigre, le côté exotique en moins, et les mâtins qui sont des chiens féroces ( cf Animaux malades ) . Paradoxalement, l’ours ici a fait preuve de délicatesse parce qu’il “ boucha sa narine “ C’est vraiment un trait humoristique de choisir , pour un ours, ce caractère anthropomorphe, qui souligne une forme de délicatesse car cet animal est plutôt associé à une forme de balourdise et de brutalité .  Ce geste esquissé  pour se protéger des odeurs pestilentielles de la Cour, va causer sa perte  . Au vers 17, le conteur présente d’ailleurs ce réflexe de protection comme une “grimace “ ; le roi a ainsi jugé qu’il s’était moqué de lui , que quelque chose lui déplaisait et il le fait tuer , pour une simple moue; On notera, à la fois, le caractère dérisoire de la cause de sa mise à mort (tué pour une grimace ! cf animaux malades ) et la cruauté expéditive du monarque soulignée par différents procédés. Tout d’abord, le fabuliste précise, au vers 18, que le monarque est irrité  : ce participe passé, à valeur d’adjectif ici, est l’une des principales critiques de la seconde partie du règne personnel de Louis XIV . Les colères du roi étaient particulièrement redoutées à la Cour et de nombreux personnages , notamment l’ami  et le mécène de La Fontaine, Nicolas Fouquet, en ont fait les frais . D’autre part, le conteur note également que son principal crime est de déplaire au roi . Il donne ainsi l’image d’un pouvoir royal capricieux qui ne prend pas en compte les mérites de ses sujet ou les véritables fautes de ses vassaux, mais simplement leur capacité à lui plaire . La cruauté du roi est également illustrée par le recours à l’euphémisme du vers 18 l’envoya chez Pluton pour désigner la décision de le faire exécuter. Le fait également de rappeler la grimace de dégoût qui est à l’origine de sa condamnation est également humoristique . Le recours ici à la mythologie donne un côté burlesque à la situation . Les références à l’Antiquité sont , en effet, omniprésentes dans les Fables mais elles sont parfois associées à des réalités triviales et ce singulier mélange a des effets comiques . De plus, La Fontaine, en campant ensuite le personnage du singe , fait la satire des courtisans zélés .

En effet, le singe qui symbolise le plus souvent l’imitation servile , paraît ici tout indiqué , pour représenter les courtisans , eux aussi serviles , qui ne cherchent qu’à plaire au roi , dont ils redoutent les réactions et l’emportement . Ainsi le singe commence tout naturellement par  approuver et louer les actions du lion. On note ici la gradation : approuver signifie simplement être d’accord alors que louer a le sens plus précis de faire un compliment , vanter les mérites de quelqu’un ou de quelque chose . Le singe se comporte en flatteur excessif et c’est d’ailleurs cette qualification qui le désigne dès son apparition au vers 21. Le conteur , une fois de plus, emploie un euphémisme pour désigner la cruauté sanguinaire du monarque qui est présentée par le singe, comme de la simple sévérité. Au sens antique, le terme désigne l’exercice de la justice sans concession et on l’associe  assez souvent avec l’adjectif juste ; Les empereurs devaient être sévères mais ils n’en étaient pas moins justes; Rien de semblable dans la fable où le roi-lion  vient de tuer un courtisan pour une simple grimace : il n’a pas supporté que ce dernier puise oser critiquer l’odeur de son palais. L’habileté de La Fontaine consiste à passer sans cesse du domaine animal au domaine humain et de montrer , par l’anthropomorphisme de ses personnages, à quel point justement, certains hommes se comportent sauvagement. Si le terme colère apparaît au vers 21 pour désigner le comportement “humanisé” du souverain-animal, il est aussitôt associé à deux caractéristiques purement  animales : sa griffe , métonymie de sa force ou plutôt ici de sa violence , et son antre , qui renvoie à son animalité car le mot antre désigne la tanière d’un animal sauvage .

La flagornerie du singe est traduite par une accumulation aux vers 23 et 24 : l’odeur affreuse est tour à tour comparée à des senteurs délicieuses comme l’ambre, une matière précieuse et odorante et la fleur . D’ailleurs  dans le langage populaire, l’expression “ne pas sentir la fleur” restera associée à des odeurs désagréables . Au moyen-âge, le verbe fleurer déformation de flairer , était utilisé pour désigner des odeurs particulières marquantes ; Le dernier terme qui introduit la comparaison, qui ne fut ail au prix au vers 24 , marque , une fois de plus, de manière comique, la parole excessive du singe qui semble ne pas avoir de mots assez forts pour désigner la suavité des odeurs qui émanent du palais.  Le conteur met alors en parallèle les deux sanctions en employant un paradoxe : sa sotte flatterie eut un mauvais succès

L e second hémistiche du vers « et fut encore punie » renforce le caractère féroce du monarque qui passe ainsi pour un tyran étant donné qu’il punit ,à la fois, ceux qui le contrarient et ceux qui le flattent excessivement . La référence à Caligula est ainsi préparée : le roi est assimilé à cet empereur dont la cruauté et les caprices sont légendaires et qui n’hésitait pas faire exécuter ses opposants . Le vers 26 comporte une dimension humoristique avec la mention de « ce Monseigneur du lion -là. » Le fabuliste présente le roi lion comme un roi parmi d’autres et sous- entend ainsi que seul ce dernier désigné par le démonstratif ce -là fait preuve de cruauté. C’est une manière plaisante de souligner les ressemblances avec la figure historique de Louis XIV tout en réaffirmant le caractère fictif de la satire dans la fable . Le dernier acte de la fable est préparé avec l’entrée en scène du renard : l’adjectif proche peut avoir ici un double sens; Il indique, à la fois une proximité géographique et sans doute un degré d’intimité ( un proche désigne encore aujourd’hui un parent ou un ami cher ) . La Fontaine fait alors parler le roi : des phrases courtes et des questions directes qui appellent des réponse immédiates : « Que sens-tu ? » On notera également l’effet comique de l’injonction « parle sans déguiser »  au vers 29 qui peut paraître ironique ; En effet, exiger la sincérité dans un univers où chacun utilise la parole pour tenter de tromper l’autre et  mentir sur ses véritables sentiments, peut sembler drôle. Le renard invente alors un mensonge qui le tire d’affaire : le verbe alléguer signifie qu’il ment et privé odorat,  il se trouve ainsi privé de la possibilité de s’exprimer donc privé de parole . On peut même affirmer que c’est son silence qui lui sauve la vie et le conteur joue sur les mots en expliquant comment il s’en tire (vers 32 ) sans pouvoir  sentir ( au sens propre ) . On retrouve au vers 32 un lien important dans les Fables entre le fait de parler, d’ouvrir la bouche et le fait de subir une sanction, juste ou injuste. Les quatre derniers vers contiennent la morale explicite de l’histoire racontée ; Le vers 33 a la forme d’une maxime et rappelle la dimension didactique de la fable : sa fonction première en quelque sorte . Le second vers du quatrain énonce un conseil sous la forme d’une leçon de prudence ; dans l’univers de la Cour, il est préférable de ne pas avoir d’avis trop tranché . Le Courtisan qui veut « plaire » doit apprendre à garder ses véritables sentiments cachés et se contenter d’une parole publique mesurée . Avec humour le fabuliste souligne le caractère impossible d’en telle entreprise en associant « fade »  à « adulateur » et « parleur » à l’adjectif « sincère » ; Ce deux couples d’oxymores nous montrent à quel point il est difficile de plaire au roi car pour cela, il faut être capable , justement , de concilier les contraires; En effet, un adulateur est quelqu’un qui va louer celui qu’il admire de manière tout à fait excessive : cela correspond vraiment à une flatterie, un panégyrique et ce type de discours n’est jamais fade ; bien au contraire, il s’efforce de mettre en évidence le caractère exceptionnel de la personne dont on vante les qualités.   De la même manière , le terme « parleur » désigne souvent une personne qui cherche à tromper en enjolivant la vérité ; Un beau parleur est celui qui se sert de la parole pour tromper les autres donc il n’est jamais sincère. L’auteur montre ainsi à quel point il est périlleux de s’exprimer à la Cour et qu’il est préférable de taire son avis ; Le dernier vers poursuit la leçon et rappelle un exemple de sagesse populaire : il faut faire comme les  Normands qui ont la réputation de ne jamais dire ni oui ni non et de différer ainsi  la réponse et par là-même la prise de décision.

Cette anecdote  comme le titre l’indique La Cour du lion, éclaire certains aspects du fonctionnement du pouvoir royal et engage les courtisans, et les lecteurs, à la plus grande prudence dans leurs propos s’ils ne veulent pas faire les frais de la colère du Prince ; Le roi y apparait sous les traits d’un tyran capricieux et très difficile à contenter . La Fontaine garde sans doute en mémoire le fait d’avoir été évincé de la Cour pour avoir osé prendre publiquement la défense de son ami Fouquet condamné à la prison par une  décision de Louis XIV ; La Fontaine avait alors écrit une lettre au roi dans laquelle il s’attristait de cette décision .

 

Le fabuliste utilise ici les animaux dans le but de dresser un portrait satirique de la Cour .

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– Le lion. Sa puissance, son orgueil démesuré, son attitude rappellent le comportement de Louis XIV. A l’image de l’animal qui le symbolise, le roi règne en maître sur sa Cour. Jaloux de son pouvoir, méfiant d’une Noblesse remuante de nature, il convoque régulièrement auprès de lui les princes de sang pour mieux les surveiller. Une invitation à Versailles ne se décline pas. Il faut s’y soumettre, quitter sur l’heure sa résidence provinciale et accourir au plus vite. La violence que le lion déploie quand un courtisan commet l’erreur de lui déplaire (L’Ours grimace de dégoût lorsque lui parviennent les relents du charnier) souligne avec quelle facilité le souverain peut briser la réputation, la renommée de celui qui ne satisfait pas ses exigences.  Si le lion n’est pas dupe des courbettes du singe ce qui signifie que Louis XIV n’apprécie pas davantage les hypocrisies trop marquées d’un courtisan empressé et soucieux d’obtenir sa faveur.

– Le singe, l’ours et le renard évoquent les attitudes possibles des nobles de la Cour. Le bonheur qu’éprouve le singe quand l’ours endure la colère léonine n’est pas sans rappeler que de profondes tensions animent les couloirs de Versailles : la déchéance de l’un fait le bonheur de l’autre, la disgrâce du malheureux arrange les affaires de l’ambitieux.

– La morale de la fable résonne comme un avertissement. Le Renard est le plus malin de ses compères. Il a compris qu’au palais de son maître, il n’est jamais bon de dévoiler trop haut ses opinions.

– Enfin, la comparaison que l’auteur utilise quand il évoque la Cour dévoile des sentiments sans concession à l’égard d’un univers où il ne s’est jamais senti à son aise. Le message est clair : par delà les dorures des tableaux et l’éclat brillant de la Galerie des Glaces, les corridors du palais ne sont guère plus avenants qu’un affreux charnier. Comportements écœurants, attitudes répugnantes découragent l’honnête homme de pénétrer à Versailles…où règne la férocité des moeurs.

 

 

 

Beaucoup de critiques ont mis en relation le lien entre la disgrâce personnelle de La Fontaine et sa peinture féroce des moeurs de la Cour.

Vous trouverez ci-dessous le texte intégral du poème que La Fontaine a composé pour prendre la défense de Fouquet lorsqu’il a été condamné par le roi sous prétexte qu’il avait organisé une fête trop somptueuse dans son château de Vaux le Vicomte ; On prétend que le roi était jaloux de sa réussite et de sa gloire.

 

Élégie aux Nymphes de Vaux

Pour M. Fouquet

 

Remplissez l’air de cris en vos grottes profondes ;

Pleurez, Nymphes de Vaux, faites croître vos ondes,

Et que l’Anqueuil enflé ravage les trésors

Dont les regards de Flore ont embelli ses bords

On ne blâmera point vos larmes innocentes ;

Vous pouvez donner cours à vos douleurs pressantes :

Chacun attend de vous ce devoir généreux ;

Les Destins sont contents : Oronte est malheureux.

Vous l’avez vu naguère au bord de vos fontaines,

Qui, sans craindre du Sort les faveurs incertaines,

Plein d’éclat, plein de gloire, adoré des mortels,

Recevait des honneurs qu’on ne doit qu’aux autels.

Hélas ! qu’il est déchu de ce bonheur suprême !

Que vous le trouveriez différent de lui-même !

Pour lui les plus beaux jours sont de secondes nuits

Les soucis dévorants, les regrets, les ennuis,

Hôtes infortunés de sa triste demeure,

En des gouffres de maux le plongent à toute heure.

Voici le précipice où l’ont enfin jeté

Les attraits enchanteurs de la prospérité !

Dans les palais des rois cette plainte est commune,

On n’y connaît que trop les jeux de la Fortune,

Ses trompeuses faveurs, ses appâts inconstants ;

Mais on ne les connaît que quand il n’est plus temps.

Lorsque sur cette mer on vogue à pleines voiles,

Qu’on croit avoir pour soi les vents et les étoiles,

Il est bien malaisé de régler ses désirs ;

Le plus sage s’endort sur la foi des Zéphyrs.

Jamais un favori ne borne sa carrière ;

Il ne regarde pas ce qu’il laisse en arrière ;

Et tout ce vain amour des grandeurs et du bruit

Ne le saurait quitter qu’après l’avoir détruit.

Tant d’exemples fameux que l’histoire en raconte

Ne suffisaient-ils pas, sans la perte d’Oronte ?

Ah ! si ce faux éclat n’eût point fait ses plaisirs,

Si le séjour de Vaux eût borné ses désirs,

Qu’il pouvait doucement laisser couler son âge !

Vous n’avez pas chez vous ce brillant équipage,

Cette foule de gens qui s’en vont chaque jour

Saluer à longs flots le soleil de la Cour :

Mais la faveur du Ciel vous donne en récompense

Du repos, du loisir, de l’ombre, et du silence,

Un tranquille sommeil, d’innocents entretiens ;

Et jamais à la Cour on ne trouve ces biens.

Mais quittons ces pensers : Oronte nous appelle.

Vous, dont il a rendu la demeure si belle,

Nymphes, qui lui devez vos plus charmants appâts,

Si le long de vos bords Louis porte ses pas,

Tâchez de l’adoucir, fléchissez son courage.

Il aime ses sujets, il est juste, il est sage ;

Du titre de clément rendez-le ambitieux :

C’est par là que les rois sont semblables aux dieux.

Du magnanime Henri qu’il contemple la vie :

Dès qu’il put se venger il en perdit l’envie.

Inspirez à Louis cette même douceur :

La plus belle victoire est de vaincre son coeur.

Oronte est à présent un objet de clémence ;

S’il a cru les conseils d’une aveugle puissance,

Il est assez puni par son sort rigoureux ;

Et c’est être innocent que d’être malheureux.

 

Dans cette élégie (poème antique lyrique qui exprime la plaine et les regrets ) , il peint Fouquet sous les traits d’Oronte  (un vieillard personnage d’une pièce de Molière amoureux d’une jeune femme  ) et imagine les nymphes (statues de pierre qui représente des sirènes ou des jeunes femmes )  de son château de Vaux le Vicomte pleurer en pensant à son triste sort (emprisonné, accusé à tort et démis de ses fonctions ). Il engage alors le roi Louis à faire preuve de clémence et à se montrer juste.  Louis XIV avait très peu apprécié ce poème dans lequel il apparaissait  directement sous les traits de Louis .