23. septembre 2016 · Commentaires fermés sur Spleen d’automne · Catégories: Seconde
aut2.jpg
 

Emile Verhaeren, comme de très nombreux poètes , se montre sensible à cette mélancolie inspirée par l’automne ou que la saison automnale sert à traduire .  Poète symboliste, il est l’un des premiers à utiliser le vers libre pour ses compositions souvent intimistes.  A l’approche de l’hiver, le poète se sent plutôt d’humeur sombre et il compose un paysage état d’âme en 21 vers qui comporte à la fois des éléments naturels et des sentiments.

Examinons de plus près les correspondances entre les différents composants de ce texte poétique. Une fois notre inventaire terminé, il vous faudra répondre à quelques questions et en classe, nous tenterons de mettre de l’ordre dans nos idées pour ébaucher un commentaire littéraire. N’hésitez pas à imprimer ce billet si vous le pouvez. 

Voyons tout d’abord la versification : 21 vers irréguliers 

Les plus courts comptent 4 syllabes comme le 3 et le 5 ; beaucoup sont des octosyllabes ( le 2, le 4, l e10 )   ou des décasyllabes (le1 ,le 6 ) et on repère même des alexandrins comme le 7 , le 8 ..) on parle donc de mètre irrégulier ou de vers hétérométriques  

Quelques rimes à retenir : suivies et ensuite embrassées et même croisées ; Le poète ne suit pas un schéma particulier : il utilise différentes possibilités pour combiner les rimes. 

Les couples intéressants : automne et monotone;  pourrir et mourir qui fait un lien entre la Nature et la vie de  l’Homme; ce qui crée une correspondance entre le matériel et le spirituel . Jour et regret sourds qui montre la mélancolie du poème. 

Les éléments naturels : ils forment un paysage triste avec d’abord le ciel ; il pleut et le ciel est gris 

pluie morne : personnification de la pluie qui est vue comme quelqu’un de triste

Filasse , connotation péjorative avec le suffixe asse; signifie débris de fils non encore tissés, tissu effiloché et par extension, cheveux blonds pâles , fins et mal peignés (fin rayons de soleil ? ) 

Suie v1 couleur de la cendre, connote le gris et la saleté.

le vent : plusieurs qualificatifs comme tenace (personnification ) et monotone: on imagine un vent qui souffle en permanence ; ce vent est connoté lui aussi négativement comme la pluie; on l’accuse d’être responsable de la chute des feuilles ; ainsi dénudés par le vent, les arbres perdent leurs couleurs et leur beauté. Le vent est comparé à un rôdeur c’est à dire un voleur qui vient dérober la vie ,accélérer le processus de la mort des feuilles.

aut1.jpg
 

or et pourpre sont deux couleurs qui désignent les feuilles jaunes, dorées et les feuilles rouges de certains feuillus qu’on trouve au mois d’octobre dans les contrées tempérées ;

les feuilles apparaissent  au vers 9 et  sont comparées à des mains ; leur chute symbolise leur mort avec d’une part la couleur noire et ensuite le verbe gésir qui signifie demeurer sans bouger particulièrement quand on est mort (un gisant est une tombe qui reproduit la forme d’un corps allongé) 

Il s’agit d’un paysage de plaine banal de campagne  avec  un chemin bordé d’arbres et on entend la cloche d’une église qui sonne le glas ; il s'agit de la sonnerie aux morts.

Après avoir repéré les différents éléments naturels qui forment ce paysage , on peut passer à l’étude des champs lexicaux dominants ; 

Le champ lexical de la mort est assez développé dans le poème : pourrir au vers 3 et mourir au vers 6, le verbe gésir au vers 10 et surtout le vers 15 “sous un vague tombeau d’ombre et de crépuscule” qui mêle la tombée de la nuit et l’obscurcissement à l’idée de la mort- avec des mots qui peuvent faire penser aux deux domaines , matériel et spirituel comme ombre. (les ombres désignent les morts pour les Anciens ) ; La mort avance et la vie recule , se tasse jusques au fond du sol : cette image d’une vie recroquevillée , à terre , peut nous faire penser à la victoire de la mort dans ce combat sans merci qui l’oppose à la vie . Ainsi la cloche finale annonce de manière symbolique cette mort à l’approche. Le mot mort se retrouve en position forte, dans le dernier vers du poème, associé à sac de bois . La comparaison ici rapproche la fin de l’année à quelque chose qu’on jetterait violemment ; L’image du sac de bois qui rejoint le tas de bûches peut aussi montrer qu’une fois que l’année est terminée, on ne se souvient plus de ce qui s’est passé; on perd la mémoire du temps écoulé et on ne peut plus différencier au milieu du tas de bois, les différents moments passés du temps. 

Les sentiments présents dans le poème  : le poème n’exprime que rarement ses sentiments personnels de manière directe  en employant le registre lyrique; il se sert plutôt du symbolisme en associant à un objet concret un sentiment abstrait, le plus souvent sous la forme d’un adjectif qualificatif .  Ainsi la pluie est morne, le vent tenace, et les feuilles frémissantes. Ce frémissement qui est d’abord une sensation traduit le plus souvent soit le froid, soit la peur . Les feuilles sont également tristes alors qu’en fait il faut comprendre que cette tristesse qui émane du paysage, est celle qui imprègne l’esprit du poète, son état d’âme. Le verbe s’épuiser qui est associé à l’heure nous fait songer à une sorte d’épuisement moral du poète lui-même qui se sent abattu et la présence  de regrets dans le poème indiqué une tonalité élégiaque.  le poète s’adresse même au lecteur avec cette question rhétorique du vers 16 à 18 qui dramatise encore l’arrivée de la mort et la présente comme une fatalité avec cette “vieille et morne destinée ” . La reprise de l’adjectif morne qu’on trouvait déjà au vers 2 assure une forme d’écho entre les différentes parties du poème ; De plus, morne et mort n’ont qu’un seul  son qui diffère et le poète se sert ici de la paronomase : procédé qui consiste à choisir des mots parce qu’ils sont des sonorités très proches. 

aut3.jpg
 

La poésie de Verhaeren crée donc des correspondances, des échos sonores et musicaux à l’intérieur de ce paysage état d’âme qui caractérise , à travers l’évocation d’une plainte automnale venteuse et pluvieuse , la peur de la mort et du temps qui passe inexorablement . On retrouve dans de nombreux paysages tristes les mêmes caractéristiques .

Maintenant que tu as lu le cours, réponds sur ton cahier à ces quelques questions : 

1. Quelles caractéristiques communes retrouve-t-on entre nos trois paysages ? 

2. Quels sentiments y sont exprimés ?

3. Comment les poètes mettent-ils en correspondance les objets, les sensations et les sentiments ? 

4. Quels types de paysage te semblent particulièrement indiqués pour évoquer le Spleen ? 

5.  Le poète évoque les feuilles mortes  : quelles autres  images de la mort tirées de la Nature  peut- on mettre en relation avec un paysage état d’âme. 

6. Imagine maintenant  un paysage idéal qui traduit  le bonheur , la joie de vivre et compose sous forme poétique ce paysage état d’âme : rédaction à rendre le lundi 03 octobre . En cliquant sur le lien ci – dessous,  tu verras un poème de Baudelaire dont tu pourras t’inspirer. Tu peux aussi l’imprimer à partir du fichier joint.

Vers l’nvitation au voyage …