LeIla Slimani débute de manière abrupte son roman en plaçant le lecteur devant le fait accompli : une nounou à “l’âme pourrissante ” assassine les deux enfants dont elle avait la garde au domicile des parents . Abasourdis nous pensons déjà à fermer le livre après avoir été témoins des cris sortis des profondeurs, ces cris de louve blessée de la mère, “cris qui font trembler les murs ” mais nous allons lire jusqu’au boit, jusqu’à la reconstitution du crime , cette terrible histoire d’amours désaccordés . Tout débute par une banale histoire de recrutement : Myriam décide de reprendre son métier d’avocate à la naissance de leur deuxième enfant et ils se mettent en quête de la nounou idéale ; elle se présente à eux sous la forme d’un fée du logis en la personne de Louise.”quand elle raconte ce premier entretien, Myriam adore dire que ce fut comme une évidence; Un coup de foudre amoureux .” (p 28) Ils ne savent pas encore qu’il ont introduit le loup dans la bergerie …
Les deux enfants, Mila et Adam l’adorent et les parents se reposent entièrement sur elle ; Elle leur devient très vite totalement indispensable . “Elle a le regard d’une femme qui peut tout entendre et tout pardonner. “Son visage est comme une mer paisible dont personne ne pourrait soupçonner les abysses. ” Pourtant sa vie est pleine de ténèbres ; et la fée va se transformer en une sorcière impitoyable . elle apprivoise les enfants et leur raconte sans cesse des histoires qui émane d’elle en flots continus, histoires de lacs noirs et de forêt profondes, conte cruels où les gentils meurent à la fin…le lecteur attend , au fil des pages, de saisir la métamorphose, le déclic qui va donner naissance au drame absolu. durant l’absence des parents, la nounou organise de terribles parties de cache-cache dont elle fixe les règles : même lorsque les enfants hurlent de panique en pensant qu’elle les a abandonnés, elle demeure terrée dans sa cachette et savoure sa toute-puissance.
Plus les semaines passent et plus Louise excelle à devenir à la fois invisible et indispensable: elle est devenue une silhouette noire en coulisses, une sort d’ombre qui sagrandit. Myriam commence à accepter de se faire elle aussi materner par la nounou et le fragile édifice de leur vie est déplacé surs les épaules de cette dernière, créature chétive mais néanmoins douée d’une force herculéenne. Elle se met à leur organiser des dîners toute les semaines et leurs amis ne tarissent pas d’éloges sur la cuisine de Louise. Ils vont même l’emmener en vacances en Grèce avec eux et ce est pour elle un moment ensoleillé qui la rend encore plus triste de retrouver sa vie: un taudis dans une banlieue insalubre, des dettes qu’un mari brutal lui a laissé en mourant et une fille avec laquelle elle n’a plus aucun contact; pourtant chaque lundi matin, elle se rend à son travail car “Louise est un soldat. elle avance coûte que coûte, comme une bête, comme un chien à qui de maclants enfants auraient brisé les pattes.” (p 91)
Paul commence à se méfier de la nounou, à avoir peur d’elle et il ne la supporte plus .
Cependant Myriam a du mal à envisager de se séparer de Louise même quand elle découvre les traces de morsure dans le cou d’Adam: la nounou accuse Mila; En leur absence, Louise vient s’installer chez eux : elle a peur de se retrouver expulsée et c’est ce qui finit par arriver . Un soir alors elle devient cette mère qui abandonne ses enfants aux ténèbres d’une forêt..Poupée vieillissante et maléfique . Un roman captivant qui dérange et nous entraîne très loin dans les profondeurs d’une âme pourrissante..