En philosophie, on peut réfléchir à différentes questions soulevées par l’usage et l’existence de la langue : on peut se demander notamment si le langage est le propre de l’homme , si nos mots permettent exactement d’exprimer ce que nous pensons, si les mots nous rendent maîtres des choses et nous poser la question de la relation entre les mots et les choses . On peut aussi se demander si les mots et le langage peuvent devenir un instrument de domination . C’est ce point qui retient notre attention durant ce chapitre .
Le mot langue désigne à la fois l’instrument , l’organe qui nous sert à parler mais également l’élément d’expression commun à un groupe . Au sens large, tout est langage : on peut parler de langage du corps, de langage des fleurs pour évoquer ses sentiments et même de langage entre les animaux. Cependant , au sens restreint, la langue va désigner l’aptitude des êtres humains à échanger des pensées à l’aide de signes . On parlera alors de langue écrite et de langue orale. Le phénomène de la parole ne désigne en fait qu’une mise en action de la langue oralement.
La majorité des faits de langue ont pour but d’instaurer une communication entre les personnes : la langue sera alors un medium qui permet la transmission par le moyen de signes écrits ou oraux . Or cette communication est complexe : d’une part parce que la langue comporte un nombre limité de signes ( qui permettent toutefois de multiples associations ou combinaisons) et d’autre part parce que chacun de ces signes ne renvoie qu’imparfaitement à la chose qu’on veut nommer. Nommer les choses suffit-il alors pour les connaître ? Demandons- nous alors si le langage peut devenir un instrument de contrôle sur autrui. ?
En se rendant maître de la langue et de la communication, le pouvoir politique est-il capable d’empêcher la formation de pensées individuelles ? Dans une dystopie écrite en 1948 et intitulée 1984, le romancier George Orwell a imaginé un monde dominé par un régime totalitaire ; La conscience centrale, Big Brother a placé des caméras dans tous les coins de toutes les maisons et impose à tous ses citoyens d’utiliser une nouvelle langue ” la novlangue” . Cet instrument a pour but d’interdire toute pensée divergente et de réformer l’Histoire rendant impossible la conservation de certains faits en mémoire parce qu’il n’existe plus de mot pour les désigner . Ils n’ont ainsi plus de nom dans la nouvelle langue . Le pouvoir central espère que toute forme d’opposition sera rendue impossible car intraduisible et une expression par exemple comme la déclaration des droits de l’homme se traduira par l’expression crime-pensée. C’est sans compter bien sûr sur la détermination et le sens du sacrifice de certains résistants .
Le langage nous rendrait -il maître des choses ? Si nous partons de l’hypothèse que parler c’est dire quelque chose à quelqu’un et sur quelque chose, quelle est la véritable nature du lien entre les mots et les choses que la langue désigne? Le mot chat m’apprend -t-il ce qu’est réellement un chat ? . Dans les récits qui relatent la genèse du Monde, Dieu aurait procédé à une dénomination rigoureuse de toutes les choses vivantes? Dans un dialogue de Platon, le personnage d’Hermogène soutient qu’on peut donner n’importe quel nom , celui de son choix, à un objet; Toutefois, cet usage rendrait la communication difficile car personne ne se comprendrait. Cratyle,le second personnage soutient, quant à lui ,l’existence d’un rapport de similitude entre les objets et le nom qu’on leur donne ; On appelle cette propriété le cratylisme. Platon lui soutient que les mots sont l’image des Idées . Notre relation aux choses s’opère souvent par le moyen de mots ; ainsi les Lapons, Les Inuits et les Scandinaves possèdent plus de 20 mots différents pour désigner les nuances de la neige.