Le roman de Mauriac, du nom de son héroïne éponyme, Thérèse Desqueyroux, nous plonge dans les pensées torturées d’une jeune femme qui cherche sa place , dans la société , au sein de la famille et aux côtés d’un époux; Ce mariage qu’elle accepte avec le fils des voisins permet aux deux familles d’unir leurs terres ; Néanmoins, Thérèse est consciente que le fils Desqueyroux n’est pas un mauvais parti ; Le jour des noces , l’auteur sème , à travers la description , les indices du drame qui couve, comme le feu sous la cendre . Dans une première partie, nous étudierons l’importance du cadre avant de nous attarder sur le portrait de la jeune mariée .
” Le jour étouffant des noces, dans l’étroite église de Saint-Clair où le caquetage des dames couvrait l’harmonium à bout de souffle et où leurs odeurs triomphaient de l’encens, ce fut ce jour-là que Thérèse se sentit perdue. Elle était entrée somnambule dans la cage et, au fracas de la lourde porte refermée, soudain la misérable enfant se réveillait. Rien de changé, mais elle avait le sentiment de ne plus pouvoir désormais se perdre seule. Au plus épais d’une famille, elle allait couver, pareille à un feu sournois qui rampe sous la brande, embrase un pin, puis l’autre, puis de proche en proche crée une forêt de torches. Aucun visage sur qui reposer ses yeux, dans cette foule, hors celui d’Anne ; mais la joie enfantine de la jeune fille l’isolait de Thérèse : sa joie ! Comme si elle eût ignoré qu’elles allaient être séparées le soir même, et non seulement dans l’espace ; à cause aussi de ce que Thérèse était au moment de souffrir de ce que son corps innocent allait subir d’irrémédiable. Anne demeurait sur la rive où attendent les êtres intacts ; Thérèse allait se confondre avec le troupeau de celles qui ont servi. Elle se rappelle qu’à la sacristie, comme elle se penchait pour baiser ce petit visage hilare levé vers le sien, elle perçut soudain ce néant autour de quoi elle avait créé un univers de douleurs vagues et de vagues joies ; elle découvrit, l’espace de quelques secondes, une disproportion infinie entre ces forces obscures de son cœur et la gentille figure barbouillée de poudre.
Etudions d’abord le cadre : ce jour d’été, la chaleur est étouffante ce qui provoque un sentiment de malaise ; L’Eglise est bruyante et les bavardages des dames sont comparés à des caquetages de volailles : cette comparaison les rabaisse et souligne leur côté vulgaire , animal; De plus , l’odorat est sollicité avec les odeurs désagréables des corps en sueur que le parfum portant fort de l’encens , ne parvient pas à masquer; Les sensations sont donc particulièrement désagréables. Les connotations péjoratives sont nombreuses et disqualifient la musique avec un “harmonium à bout de souffle” ; la personnification ici trahit la piètre qualité de l’instrument; cette sensation d’oppression et d’étouffement est renforcée par l’étroitesse de l’Eglise ; rien d’étonnant donc à ce que l’héroïne se sente prise au piège, enfermée dans une cage . D’ailleurs la porte de l’Eglise est apparentée à celle d’une cage: l’image renvoie à une incarcération et annonce la future séquestration de la jeune femme, après son procès . Pour Mauriac, la famille représente une prison à laquelle certains individus cherchent à échapper pour se sentir plus libres; C’est le cas du personnage de Thérèse qui ne demande rien d’autre que de pouvoir s’éloigner de ce milieu qui l’oppresse.
En effet, le jour des noces représente une étape importante pour le destin du personnage et son évolution. Le démonstratif : ce jour– là , marque le caractère singulier de cet événement ;alors qu’elle aborde sa vie de femme, l’écrivain la qualifie justement de misérable enfant ; Les connotations de misérable sont ambivalentes ; c’est soit quelqu’un que l’on plaint, soit quelqu’un qui a fait du mal et que l’on déteste . Alors qu’on dit du mariage que c’est l’un des plus beaux jours d’une vie, pour Thérèse , c’est loin d’être le cas; Elle se sent , au contraire “ perdue “; Là encore, on peut se demander quel est ici le sens exact du mot; On dit de quelqu’un qu’il est perdu lorsqu’on sait qu’il est condamné ou bien il s’agit de désigner celui qui a perdu son chemin , qui s’est égaré ou fait fausse route et se sent désorienté; Quelque soit le sens retenu, le participe perdue a une connotation négative. On dirait, à la fois que Thèrèse réalise ce qui est en train de lui arriver mais trop tard ; L’adjectif somnambule apparent ce mariage à une sorte de cauchemar pour elle . De plus, la comparaison qui l’identifie à un feu sournois est l’annonce de la pente fatale qu’elle va suivre . L’ idée d’une dissimulation est ici indiquée et c’est exactement ce qui va arriver à la jeune fille : elle va d’abord taire ce qu’elle a vu avant d’avoir un geste criminel .
Un second aspect de ce mariage du point de vue du personnage féminin , c’est l’appréhension de la nuit de noces. L’acte sexuel ici est considéré comme une atteinte “irrémédiable ” qui signifie que rien ne peut plus l’effacer : la perte de la pureté et surtout l’emploi du verbe souffrir montre bien que la jeune femme redoute cette épreuve. Les femmes mariées d’ailleurs sont comparées à un troupeau et si virginité rime avec pureté et innocence, alors mariage signifie souillure et salissure . Le romancier prépare ici l’idée selon laquelle Thérèse a cherché à tuer son mari parce qu’elle ne supportait plus qu’il la touche. Ce mariage marque donc, pour elle, une véritable séparation , une rupture avec son existence et son passé.
Cette rupture est ressentie douloureusement par l’héroïne et se manifeste par une prise de distance avec Anne ; La perte de repères de Thérèse est figurée par le mot néant : elle ne distingue plus très bien où elle se situe et au beau milieu de la cérémonie religieuse, on peut également y deviner l’idée d’une absence de foi; Thérèse souhaiterait pouvoir trouver du réconfort dans la foi et elle songe même, à un moment , à assister à l’office lorsqu’un nouveau prêtre est nommé dans la paroisse mais elle ne suivra pas cette voie et ne trouvera pas le salut . Son cœur est alors décrit comme le siège de “forces obscures ” et cet adjectif est lui aussi inquiétant car il laisse entrevoir une forme de violence larvée du personnage. Le chiasme ” douleurs vagues et vagues joies ” marque un point d’équilibre entre le bonheur et le malheur , point qui basculera le jour du grand incendie de Mano.
Ce passage des noces contient donc les indices du drame qui est en train de se préparer : en décrivant le malaise du personnage le jour-même de son mariage, l’écrivain fabrique le cadre propice à la naissance de cette idée de meurtre ; Pour se libérer , elle sera prête à tuer avant de découvrir que la prison, quelque part, est en elle ; A la fin du roman, lorsqu’elle est interrogée sur les raisons qui l’ont poussé à devenir une criminelle, elle ne donne pas de réponse comme pour justifier que tous nos actes ne sont pas forcément prémédités ni même conscients ; Bien que le romancier s’efforce de nous faire remonter aux sources du personnage en retraçant son passé , il abandonne finalement sa créature sur un trottoir parisien , sans nous dire ce qu’elle devient .
Thérèse se marie et devient Thérèse Desqueyroux : le commentaire littéraire du récit du jour des noces.
Le roman de Mauriac, du nom de son héroïne éponyme, Thérèse Desqueyroux, nous plonge dans les pensées torturées d’une jeune femme qui cherche sa place , dans la société , au sein de la famille et aux côtés d’un époux; Ce mariage qu’elle accepte avec le fils des voisins permet aux deux familles d’unir leurs terres ; Néanmoins, Thérèse est consciente que le fils Desqueyroux n’est pas un mauvais parti ; Le jour des noces , l’auteur sème , à travers la description , les indices du drame qui couve, comme le feu sous la cendre . Dans une première partie, nous étudierons l’importance du cadre avant de nous attarder sur le portrait de la jeune mariée .
” Le jour étouffant des noces, dans l’étroite église de Saint-Clair où le caquetage des dames couvrait l’harmonium à bout de souffle et où leurs odeurs triomphaient de l’encens, ce fut ce jour-là que Thérèse se sentit perdue. Elle était entrée somnambule dans la cage et, au fracas de la lourde porte refermée, soudain la misérable enfant se réveillait. Rien de changé, mais elle avait le sentiment de ne plus pouvoir désormais se perdre seule. Au plus épais d’une famille, elle allait couver, pareille à un feu sournois qui rampe sous la brande, embrase un pin, puis l’autre, puis de proche en proche crée une forêt de torches. Aucun visage sur qui reposer ses yeux, dans cette foule, hors celui d’Anne ; mais la joie enfantine de la jeune fille l’isolait de Thérèse : sa joie ! Comme si elle eût ignoré qu’elles allaient être séparées le soir même, et non seulement dans l’espace ; à cause aussi de ce que Thérèse était au moment de souffrir de ce que son corps innocent allait subir d’irrémédiable. Anne demeurait sur la rive où attendent les êtres intacts ; Thérèse allait se confondre avec le troupeau de celles qui ont servi. Elle se rappelle qu’à la sacristie, comme elle se penchait pour baiser ce petit visage hilare levé vers le sien, elle perçut soudain ce néant autour de quoi elle avait créé un univers de douleurs vagues et de vagues joies ; elle découvrit, l’espace de quelques secondes, une disproportion infinie entre ces forces obscures de son cœur et la gentille figure barbouillée de poudre.
Etudions d’abord le cadre : ce jour d’été, la chaleur est étouffante ce qui provoque un sentiment de malaise ; L’Eglise est bruyante et les bavardages des dames sont comparés à des caquetages de volailles : cette comparaison les rabaisse et souligne leur côté vulgaire , animal; De plus , l’odorat est sollicité avec les odeurs désagréables des corps en sueur que le parfum portant fort de l’encens , ne parvient pas à masquer; Les sensations sont donc particulièrement désagréables. Les connotations péjoratives sont nombreuses et disqualifient la musique avec un “harmonium à bout de souffle” ; la personnification ici trahit la piètre qualité de l’instrument; cette sensation d’oppression et d’étouffement est renforcée par l’étroitesse de l’Eglise ; rien d’étonnant donc à ce que l’héroïne se sente prise au piège, enfermée dans une cage . D’ailleurs la porte de l’Eglise est apparentée à celle d’une cage: l’image renvoie à une incarcération et annonce la future séquestration de la jeune femme, après son procès . Pour Mauriac, la famille représente une prison à laquelle certains individus cherchent à échapper pour se sentir plus libres; C’est le cas du personnage de Thérèse qui ne demande rien d’autre que de pouvoir s’éloigner de ce milieu qui l’oppresse.
En effet, le jour des noces représente une étape importante pour le destin du personnage et son évolution. Le démonstratif : ce jour– là , marque le caractère singulier de cet événement ;alors qu’elle aborde sa vie de femme, l’écrivain la qualifie justement de misérable enfant ; Les connotations de misérable sont ambivalentes ; c’est soit quelqu’un que l’on plaint, soit quelqu’un qui a fait du mal et que l’on déteste . Alors qu’on dit du mariage que c’est l’un des plus beaux jours d’une vie, pour Thérèse , c’est loin d’être le cas; Elle se sent , au contraire “ perdue “; Là encore, on peut se demander quel est ici le sens exact du mot; On dit de quelqu’un qu’il est perdu lorsqu’on sait qu’il est condamné ou bien il s’agit de désigner celui qui a perdu son chemin , qui s’est égaré ou fait fausse route et se sent désorienté; Quelque soit le sens retenu, le participe perdue a une connotation négative. On dirait, à la fois que Thèrèse réalise ce qui est en train de lui arriver mais trop tard ; L’adjectif somnambule apparent ce mariage à une sorte de cauchemar pour elle . De plus, la comparaison qui l’identifie à un feu sournois est l’annonce de la pente fatale qu’elle va suivre . L’ idée d’une dissimulation est ici indiquée et c’est exactement ce qui va arriver à la jeune fille : elle va d’abord taire ce qu’elle a vu avant d’avoir un geste criminel .
Un second aspect de ce mariage du point de vue du personnage féminin , c’est l’appréhension de la nuit de noces. L’acte sexuel ici est considéré comme une atteinte “irrémédiable ” qui signifie que rien ne peut plus l’effacer : la perte de la pureté et surtout l’emploi du verbe souffrir montre bien que la jeune femme redoute cette épreuve. Les femmes mariées d’ailleurs sont comparées à un troupeau et si virginité rime avec pureté et innocence, alors mariage signifie souillure et salissure . Le romancier prépare ici l’idée selon laquelle Thérèse a cherché à tuer son mari parce qu’elle ne supportait plus qu’il la touche. Ce mariage marque donc, pour elle, une véritable séparation , une rupture avec son existence et son passé.
Cette rupture est ressentie douloureusement par l’héroïne et se manifeste par une prise de distance avec Anne ; La perte de repères de Thérèse est figurée par le mot néant : elle ne distingue plus très bien où elle se situe et au beau milieu de la cérémonie religieuse, on peut également y deviner l’idée d’une absence de foi; Thérèse souhaiterait pouvoir trouver du réconfort dans la foi et elle songe même, à un moment , à assister à l’office lorsqu’un nouveau prêtre est nommé dans la paroisse mais elle ne suivra pas cette voie et ne trouvera pas le salut . Son cœur est alors décrit comme le siège de “forces obscures ” et cet adjectif est lui aussi inquiétant car il laisse entrevoir une forme de violence larvée du personnage. Le chiasme ” douleurs vagues et vagues joies ” marque un point d’équilibre entre le bonheur et le malheur , point qui basculera le jour du grand incendie de Mano.
Ce passage des noces contient donc les indices du drame qui est en train de se préparer : en décrivant le malaise du personnage le jour-même de son mariage, l’écrivain fabrique le cadre propice à la naissance de cette idée de meurtre ; Pour se libérer , elle sera prête à tuer avant de découvrir que la prison, quelque part, est en elle ; A la fin du roman, lorsqu’elle est interrogée sur les raisons qui l’ont poussé à devenir une criminelle, elle ne donne pas de réponse comme pour justifier que tous nos actes ne sont pas forcément prémédités ni même conscients ; Bien que le romancier s’efforce de nous faire remonter aux sources du personnage en retraçant son passé , il abandonne finalement sa créature sur un trottoir parisien , sans nous dire ce qu’elle devient .