28. novembre 2020 · Commentaires fermés sur L’angoisse , atroce despotique, sur mon crâne incliné, plante son drapeau noir…: une version du Spleen baudelairien · Catégories: Terminale spécialité HLP · Tags: , ,

Ce vers  de Baudelaire tiré d’un poème de son recueil Les  Fleurs du Mal, paru en 1857 et  intitulé Spleen , décrit, avec les mots du poète, sa sensibilité et notamment sa vision de l’Angoisse et de son cortège de sensations . Pour travailler sur cette partie du programme de HLP qui touche à la fois, à l’expression de notre sensibilité, aux manifestations de notre vie intérieure, à la constitution et aux variations de notre Moi et également à l’influence des lieux et des paysages sur notre sensibilité , nous verrons tout d’abord quelques notions théoriques  autour des définitions de l’Angoisse avant d’aborder un corpus de textes poétiques .

Commençons tout d’abord par une présentation des attentes de la spécialité. A l’aide du lien suivant, prenez connaissance des méthodes des deux questions qui vous seront proposées

https://lewebpedagogique.com/philoperrin/files/2020/09/Expressions-sensibilit%C3%A9-S2.pdf

I Qu’est-ce que l’Angoisse et dans quelle mesure l’Art est-il l’expression d’une sensibilité ?

Comment définir tout d’abord notre sensibilité ? On pourrait illustrer cette notion en expliquant que ce que nous transmettent nos sens et notamment nos sensations , sont transformées par noter conscience , en images, en souvenirs et parfois même en sentiments ; Ainsi, pour prendre un exemple  la simple vue de la maison de mon enfance, fait ressurgir les images de mes jeunes années et ressuscite la temporalité de cette époque ; Je revois ainsi mon père devant la porte, ma mère qui me fait un signe de la main quand je pars à l’école. Je peux alors éprouver de la tristesse à la pensée qu’ils ont disparu , de la nostalgie pour ces années d’enfance. Une simple odeur peut faire également ressurgir ce que Pessoa nomme “mon coeur d’enfant ” : “je passe dans une rue , écrit-il ” me voilà bouleversé à l’improviste ” ; Par ce mot bouleversé, il traduit l’effet que produit le surgissement de la sensation sur mon Moi.

Un cliché attribue aux artistes une sensibilité exacerbée , plus importante que celle des autres hommes . A l’époque romantique , des écrivains et des poètes ont tenté de définir les tourments de leur être ,en lien avec leur sensibilité ; A l’écoute des chants mélancoliques de la Nature , au milieu des vents et des nuages, Chateaubriand, dans son roman autobiographique, René, paru en 1802,  tente de décrire les sensations qui naissent dans son coeur à l’occasion de ses promenades automnales ; Il constate cependant qu’il lui est difficile de bien les exprimer  “notre coeur est un instrument incomplet, écrit -il, une lyre où il manque des cordes ” L’âme romantique apparaît comme la quête d’un idéal inatteignable et la recherche d’un impossible accord entre l’homme et le monde qui l’entoure ; L’expression d’un mal-être devient un topos de la période romantique et s’exprime , notamment , à travers la poésie amoureuse qui célèbre la passion dévastatrice et les tourments amoureux; Pour exprimer ce désordre du Moi amoureux, Goethe , fait parler son héros Werther, après sa rencontre avec Charlotte dont il est tombé fou amoureux : “ Je ne sais ce que je suis quand je suis auprès d’elle; C’est comme si mon âme se versait et coulait dans tous mes nerfs ” écrit le héros à son ami dans une lettre qui forme la trame du roman  épistolaire” Les souffrances du jeune Werther ” paru en 1774.

Comment nommer ce mal-être , cette sensation de ne plus se sentir exister ou de vouloir quitter ce monde cruel ? Nous avons choisi de nommer  cette sensibilité douloureuse : Angoisse  et notre corpus est constitué de textes qui évoquent ce nom:L’angoisse est d’abord un mot  apparu au XIIe siècle dont l’étymologie renvoie à un mot latin, angustia, utilisé surtout au pluriel et qui a un sens topographique : étroitesse, lieu resserré. On notera que la gorge serrée reste une manifestation physique  répertoriée par les définitions que les dictionnaires donnent de la crise d’angoisse : « malaise psychique et physique né du sentiment de l’imminence d’un danger, caractérisé par une crainte diffuse pouvant aller de l’inquiétude à la panique et par des sensations pénibles de constriction épigastrique ou laryngée » (Petit Robert). L’angoisse, de simple inquiétude, peut donc aller jusqu’à la panique. Elle se distinguerait de la peur, de la crainte à la fois par son caractère diffus (l’objet n’en serait pas clairement délimité) et par l’accompagnement de manifestations somatiques . Pour beaucoup,  l’angoisse est très proche de  l’anxiété et aussi de l’ anglicisme  récent « stress »  :  On retrouve au sens d’angoisse le mot Angst,  dans les  textes de Freud quand il décrit le phénomène psychique et ses origines . Le stress partage notamment avec l’angoisse l’idée qu’il s’agit d’une réponse du sujet aux agents agressifs, d’ordre physiologique ou psychologique, ainsi qu’aux affects  ; dans le domaine psychologique,  tout comme la douleur est le signal d’un dysfonctionnement physique, l’angoisse serait l’avertissement d’un dysfonctionnement psychique  lié à une souffrance. 

Le philosophe Bergon a réfléchi justement à ce qui pouvait définir l’intensité de certains “états de l’âme “. Une passion, selon lui, va peu à peu déteindre dans notre esprit et colorer la perception de ce qui nous entoure; Nous ne verrons plus ainsi les choses de la même façon  et l’image de cette passion ” a modifié la nuance de mille perceptions ou souvenirs ” On dit ainsi voir la vie en rose ou en noir , dans le cas de l’Angoisse pour  montrer cette nouvelle coloration de nos perceptions. Car nos états psychiques et nos états physiques sont inséparables et interdépendants.  Ne dit-on pas, par exemple, qu’on a une sensibilité “à fleur de peau ” Si l’on en croit Hegel, la mission de l’Art serait notamment de “rendre accessible à l’intuition ce qui existe dans l’esprit humain , la vérité que l’homme abrite dans son esprit , ce qui remue la poitrine humaine et agite l’esprit humain. ” Pour le philosophe, l’art  remuerait dans leur profondeur tous les sentiments qui s’agitent dans l’âme humaine; Ainsi la représentation de la beauté ou de l’amour  nous toucherait tout autant que la perception que nous pourrions en avoir directement par notre propre expérience . Ainsi le romantisme privilégie l’expression artistique de la sensibilité et s’attache à la peinture des passions qui bouleversent notre subjectivité. La sensibilité de l’artiste constitue son approche personnelle au monde et à l’autre ; de nombreux artistes contemporains, inspirés par les découvertes des sciences humaines  vont se pencher sur le “flot de conscience “de personnages et nous révéler ainsi leurs sensations et leurs sentiments , à travers leurs pensées. L’Art peut être un moyen de sublimer la sensibilité de l’Artiste  comme le suggère Rimbaud qui invite le Poète à se faire voyant, à chercher de l’Inconnu;

II: Musset et l’âme romantique : l’expression d’une sensibilité douloureuse

Dans cet extrait des Nuits,  recueil emblématique d’ Alfred de Musset , la Muse s’adresse au poète pour lui enseigner comment elle lui fournit sa matière première, son inspiration .  ( Le poème a été retranscrit sans respecter la versification  ) Nous pouvons ainsi en analyser les éléments à partir de la formation des 3  paragraphes )

Crois-tu donc que je sois comme le vent d’automne, Qui se nourrit de pleurs jusque sur un tombeau, Et pour qui la douleur n’est qu’une goutte d’eau ? Ô poète ! un baiser, c’est moi qui te le donne. L’herbe que je voulais arracher de ce lieu, C’est ton oisiveté ; ta douleur est à Dieu. Quel que soit le souci que ta jeunesse endure, Laisse-la s’élargir, cette sainte blessure Que les noirs séraphins t’ont faite au fond du coeur :Rien ne nous rend si grands qu’une grande douleur. Mais, pour en être atteint, ne crois pas, ô poète, Que ta voix ici-bas doive rester muette. Les plus désespérés sont les chants les plus beaux, Et j’en sais d’immortels qui sont de purs sanglots.

Lorsque le pélican, lassé d’un long voyage, Dans les brouillards du soir retourne à ses roseaux, Ses petits affamés courent sur le rivage
En le voyant au loin s’abattre sur les eaux. Déjà, croyant saisir et partager leur proie, Ils courent à leur père avec des cris de joie En secouant leurs becs sur leurs goitres hideux. Lui, gagnant à pas lents une roche élevée, De son aile pendante abritant sa couvée, Pêcheur mélancolique, il regarde les cieux. Le sang coule à longs flots de sa poitrine ouverte ; En vain il a des mers fouillé la profondeur ; L’Océan était vide et la plage déserte ; Pour toute nourriture il apporte son coeur. Sombre et silencieux, étendu sur la pierre Partageant à ses fils ses entrailles de père, Dans son amour sublime il berce sa douleur, Et, regardant couler sa sanglante mamelle, Sur son festin de mort il s’affaisse et chancelle, Ivre de volupté, de tendresse et d’horreur.Mais parfois, au milieu du divin sacrifice, Fatigué de mourir dans un trop long supplice, Il craint que ses enfants ne le laissent vivant ; Alors il se soulève, ouvre son aile au vent, Et, se frappant le coeur avec un cri sauvage, Il pousse dans la nuit un si funèbre adieu, Que les oiseaux des mers désertent le rivage, Et que le voyageur attardé sur la plage, Sentant passer la mort, se recommande à Dieu.
Poète, c’est ainsi que font les grands poètes. Ils laissent s’égayer ceux qui vivent un temps ; Mais les festins humains qu’ils servent à leurs fêtes Ressemblent la plupart à ceux des pélicans. Quand ils parlent ainsi d’espérances trompées, De tristesse et d’oubli, d’amour et de malheur, Ce n’est pas un concert à dilater le coeur Leurs déclamations sont comme des épées Elles tracent dans l’air un cercle éblouissant, Mais il y pend toujours quelque goutte de sang.

Le poète développe l’idée selon laquelle la création poétique se nourrit de la douleur du poète qu’elle transforme , par une sorte d’alchimie ; cette douleur mortelle devient un chant et l’intensité de la sensation est ainsi proportionnelle à la beauté du poème . Cette théorie établit ainsi une correspondance entre la sensibilité  douloureuse et la possibilité d’une création artistique , sorte de prolongement de notre Moi douloureux. Elle pose cependant un certain nombre de problèmes . Passons- les en revue .

Musset met en évidence le lien entre la sensibilité et la création mais il sous- entend que seule la douleur pourrait nourrir l’art . L‘allégorie du pélican établit également l’idée que l’artiste se donne en pâture littéralement à son oeuvre ; le corps et le coeur  de l’artiste supplicié deviennent la matière des poèmes ; De plus le pélican est le symbole du sacrifice christique et on trouve chez l’auteur des Nuits l’angoisse d’un épuisement dans la création; le poète, comme le Christ, se sacrifie pour donner le poème, l’offrir à ses lecteurs, encore éclaboussé de son propre sang ; On retrouvera chez Baudelaire l’idée que l’oeuvre dévore l’artiste et ce dernier utilisera , dans Les Fleurs du Mal ,l’image du vampire ; Les  poètes , les écrivains traduisent de cette manière une forme d’épuisement face aux exigences de la création , qui pour certains d’entre eux, se transforme en peur ; On retrouve ainsi l’angoisse de la page blanche, de l’impuissance créatrice, qui est reprise , le plus souvent , par les métaphores de la stérilité : paysage désertique, où rien ne pousse, désert gelé chez Mallarmé, enfants morts-nés chez Juliet au XX. Cette peur face aux exigences de la création est fréquemment associée à l’angoisse du temps qui passe , angoisse qui aggrave la nécessité de se mettre à fabriquer un poème, antidote à l’angoisse existentielle . L’omniprésence du champ lexical de la douleur, de la souffrance et de la blessure montre à quel point , pour le poète romantique , son Moi blessé , la somme de ses douleurs , devient l’aliment qui permet le “chant ” ; Cette conception de l’ Art est quelque peu exagérée car un artiste,certes, nourrit son oeuvre de tous les événements de sa vie intérieure mais il peut également imaginer, inventer  et pas simplement traduire ce qu’il ressent. L’Art est bien une passerelle entre la sensibilité d’un individu qui tente de faire partager ses émotions à un inconnu qui le lit  mais sans la sensibilité  du lecteur , le texte demeure lettre morte. La création  s’affranchit de son créateur pour vivre de sa vie propre et de sa rencontre avec d’autres individus, d’autres époques et d’autres horizons.; le poème , le tableau, la sculpture, le film  échappent aux artistes qui les ont fait naître  et rejoignent, grâce à d’autres hommes , une forme d’universalité : Ce faisant, l’oeuvre appartient  désormais aux lecteurs qui , à leur tour, contribueront à la faire revivre en y insufflant leur propre sensibilité ; C’est ce dialogue éternel, transhistorique  qui permet aux romans et aux poèmes de nous toucher ; Peu importe ce que l’artiste a voulu ou a cru transformer, le lecteur , le spectateur  y découvriront , à leur tour, les échos de leur propre sensibilité . Musset révèle , avec l’allégorie du pélican, à quel point son inspiration dépend de sa sensibilité mais toutes les cordes ne vibrent pas de la même manière et on peut imaginer une création qui soit moins “un cri du coeur”  ou un long sanglot mais plutôt une douce mélodie , une petite musique qui peut avoir beaucoup de charme.

III Baudelaire et le Spleen

Charles Baudelaire est un poète français du 19ème siècle. En 1857 il publie son premier recueil Les Fleurs du Mal dans lequel plusieurs poèmes expriment sa mélancolie, son mal de vivre.  L’architecture du recueil fait apparaître une séparation entre le Spleen et l’idéal ; Ce Spleen baudelairien qui peut s’apparenter au Mal de vivre romantique s’exprime sur le plan artistique à l’aide d’images et de métaphores .Comment rendre compte poétiquement de l’angoisse ? L ‘angoisse, comme nous l’avons vu  peut prendre différentes formes selon les personnes et selon les événements. Cela peut se manifester par des sentiments, des sensations  Certains poètes préféreront des formes libres comme Rimbaud mais Baudelaire décide d’utiliser une forme classique en poésie : le sonnet est majoritaire dans son recueil  . Spleen est composé de cinq quatrains d’alexandrins aux rimes croisées.

Le spleen est  tout d’abord évoqué par la description visuelle d’un paysage sombre La strophe 1 démarre comme les deux suivantes par l’anaphore « Quand » qui instaure la description d’un paysage désolant. Il évoque à la strophe 1, « le ciel », puis à la strophe 2, la « terre », et enfin à la strophe 3 « la pluie » : trois  éléments  dont le philosophe Bachelard a étudié le symbolisme.
Dans la première strophe, l’impression oppressante est rendue palpable grâce à la comparaison du vers 1 ; l’impression de lourdeur est traduite par l’adjectif « lourd » et reprise par le verbe « peser ». Au vers 2, le poète fait le lien entre le paysage sombre et son spleen grâce à la métonymie de « l’esprit gémissant ». Les deux vers suivants fonctionnent de la même manière avec un vers 3 qui décrit le paysage et un vers 4 qui exprime le spleen du poète. Au vers 3, le verbe « embrasser » laisse supposer que tout le ciel est noir. Au vers 4 la personnification du « ciel » avec « verse » donne une image visuelle de la nuit qui prend le dessus sur le jour. . L’oxymore « jour noir » est à ce niveau très parlante. La personnification du « jour » « triste » met en relation la paysage et le spleen du poète. On obtient ici un procédé qui va devenir  fort courant en poésie et qui porte le nom de paysage état d’âme . Il sera développé par Verlaine et le courant symboliste . La métaphore de la prison avec « cachot humide » poursuit cette description sombre du paysage. Au vers 5, l’allégorie de « l’Espérance » est comparée à un animal piégé, ici la « chauve-souris », un animal nocturne. Les verbes d’enfermement se succèdent et contribuent à cette sensation d’oppression physique  La posture difficile du poète est traduite par le zeugme « aile timide ». L’humidité est perceptible à la fois grâce à l’adjectif « pourris » à la fin de la strophe mais aussi grâce à celui du vers 5 « humide ». Cette invasion du milieu liquide renforce la dimension déliquescente du paysage . La même image est reprise à la strophe suivante  avec « vaste prison imite les barreaux » pour parler de la pluie incessante. Le spleen est également repris à travers l’image des « araignées  infâmes ». L’idée d’enfermement est reprise avec le terme « filets ». La désolation morale termine ce premier mouvement en évoquant le « cerveau »  assiégé du poète; L’oppression, l’angoisse qui au départ était extérieure, confondue avec les éléments du paysage, s’est désormais intériorisée et  a pénétré l’âme du poète, le fond de son cerveau plus exactement.

 Les sensations  auditives viennent animer  ce paysage désolant et le rendent infernal, cauchemardesque.Face à ce spectacle sombre et oppressant, des sons se font entendre : ce sont « les cloches ». Une impression de dynamisme est donnée par la locution adverbiale de temps « tout à coup »,et  la précision « avec furie ». Au vers 14, ces cloches sont même personnifiées avec « un affreux hurlement », et « lancent ». Elles sont comparées à des fantômes au vers 15 « ainsi que des esprits errants et sans patrie » ; cette comparaison évoque le désespoir des ombres antiques condamnées à vampiriser les vivants  pour retrouver un peu de vie. Le verbe « geindre » fait entendre la souffrance du poète .  Le désespoir est maintenant total.
L’intervention d’une scène d’enterrement silencieuse vient clore ce poème du désespoir, avec l’image de « corbillards, sans tambours ni musique »  Le silence, à son tour, semble pesant après la cacophonie. C’est le paroxysme de la crise d’angoisse.  Cette image d’enterrement est reliée au spleen du poète qui évoque, alors, plus directement la mort.  C’est donc son état d’âme qu’il décrit plus qu’une scène réelle. Le spleen est visible dans le contre-rejet de « L’Espoir » au vers 18 suivi de l’adjectif « vaincu ». L’allégorie montre l’échec de l’espoir et la victoire du spleen. Avec « pleure » la tristesse se manifeste enfin. Tandis que l’allégorie de l’ «Angoisse » montre sa victoire en «plantant son drapeau ». L’image redoutable de l’angoisse est traduite par les termes « atroce », « despotique » et « noir ».

Ici , le poètes a choisi  de décrire les sensations liées à l’Angoisse .Spleen montre bien une forme d’oppression qui peut enserrer le coeur de l’individu en proie à une crise d’angoisse  « Le ciel bas et lourd pèse » comme s’il se sentait aplati, écrasé par le monde qui l’entoure. Cette angoisse va comme étrangler son  “âme”  et générer de la souffrance « pèse comme un couvercle sur l’esprit gémissant ». L’esprit est ici personnifié . Le cadre reflète cet état d’âme à l’image de la tristesse et de la noirceur des journées. On pourrait utiliser l’expression « broyer du noir », Ce poème montre également que l’Esprit ne parvient pas  à se  sortir de  ce mal être . C’est donc une bonne manière de rendre compte de l’angoisse poétiquement, en donnant des émotions au lecteur à travers des mots. Nous compatissons avec la souffrance du poète .

Les sensations psychiques  ont aussi tendance à se transformer en sensations corporelles. Comme de nombreuses personnes Baudelaire semble avoir des sueurs froides « Quand la terre est changée en cachot humide ». l’Espérance, comme une chauve-souris, S’en va en battant les murs de son aile timide ». C’est une des grandes caractéristiques de la crise d’angoisse, cette impression de succomber à ses émotions . En effet la victime vient à oublier la racine de son angoisse et c’est l’angoisse elle même qui devient source d’une angoisse encore plus grande.. Baudelaire  dans son poème montre bien ce paradoxe : il a beau lutter et tenter de s’échapper, à l’image de cette chauve-souris prise au piège, plus il lutte  et plus sa prison se renforce .Dans le troisième quatrain on pourrait penser qu’il pleure « Quand la pluie étalant ses immenses traînées ». Il est de plus en plus perdu et de plus en plus enfermé. Il ne peut pas sortir de son mal être :  il n’arrive pas à s’en défaire c’est comme une « prison » où les larmes seraient les barreaux.
L’Angoisse apparaît également comme une lutte permanente: un combat épuisant . Le corps de Baudelaire est vaincu et se soumet, accepte sa défaite: l’Angoisse a pris possession de tout son être, de toute sa conscience.On peut donc rendre compte de l’angoisse de différentes manières: au moyen d’images , de métaphores, d’allégories, d’analogies entre le spleen et un paysage triste, de vocabulaire des sensations.

IV L’ angoisse de Verlaine

Paul Verlaine s’éloigne des modalités d’expression du Moi romantique pour choisir des tons plus doux : la douceur de la chanson grise telle que la définit son Art Poétique :  la musique de ses mots cherche à créer un air léger  “où rien ne pèse  “mais qui, lorsqu’ on tend l’oreille,  exprime  une infinie tristesse, une mélancolie tenace et fait souvent entendre de lourds regrets. Cette tonalité mélancolique est traduite par les titres de ses recueils de Paysages tristes à Poèmes saturniens. Saturne est la planète fauve aux couleurs de l’automne et qui symbolise la mélancolie. Voyons comment Verlaine exprime une forme de sensibilité dans ce poème intitulé Angoisse

Nature, rien de toi ne m’émeut, ni les champs
Nourriciers, ni l’écho vermeil des pastorales
Siciliennes, ni les pompes aurorales,
Ni la solennité dolente des couchants.

Je ris de l’Art, je ris de l’Homme aussi, des chants,
Des vers, des temples grecs et des tours en spirales
Qu’étirent dans le ciel vide les cathédrales,
Et je vois du même œil les bons et les méchants.

Je ne crois pas en Dieu, j’abjure et je renie
Toute pensée, et quant à la vieille ironie,
L’Amour, je voudrais bien qu’on ne m’en parlât plus.

Lasse de vivre, ayant peur de mourir, pareille
Au brick perdu jouet du flux et du reflux,
Mon âme pour d’affreux naufrages appareille.

Ce poème clôt la première section des Poèmes saturniens appelée “Melancholia” : le souvenir  de son premier amour Elisa, celle qui n’a pas voulu de lui, est encore tenace et ce chagrin amoureux fait traverser au poète des périodes de tristesse vague qu’il s’efforce ici de resituer à travers ce Je poétique . L’homme , dans le premier quatrain, adopte une attitude de refus de la beauté du monde qui l’entoure. La Nature toute entière  et les merveilles qu’elle offre, semble rejetée et laisse le poète indifférent . Verlaine reprend les clichés développés par la poésie de la Renaissance et le symbolisme des âges de la vie ; La beauté des paysages italiens , les souvenirs de Virgile et de la poésie antique  sont impuissants à le sortir de son marasme; La  Nature et ses Beautés ne sont d’aucun secours  et ne peuvent changer  la coloration de son âme; L’image de la succession de l’aube et du coucher de soleil  présente la vie du poète comme un cercle sans fin et sans changement . Le second quatrain manifeste une attitude de rejet et de mépris pour l’Art et les créations de l’homme ; Le poète y fait à nouveau état de son insensibilité, teintée de cynisme et les symboles architecturaux comme les temples grecs, la tour biblique de Babel et les cathédrales, métonymies de la foi chrétienne  depuis l’époque médiévale, renvoient à la religion et à ses merveilles ; Le glissement s’opère donc dans le premier tercet vers le rejet de Dieu ; Cet athéisme s’accompagne d’un rejet de l’Amour ; L’angoisse existentielle ici se manifeste de manière véhémente et agressive et consiste à nier tout ce qui peut donner un sens à la vie ;

En effet ,la Nature apparaît souvent comme une possible consolation pour les chagrins de l’âme mais elle sert également d’écho à leur expression . Quant à la Foi, elle apaise les tensions et les craintes de l’homme face à la mort en lui faisant miroiter les promesses d’une vie meilleure auprès de son Créateur . A noter d’ailleurs que Verlaine retrouvera la foi durant son séjour en prison et ses prochains poèmes s’inspireront d’images chrétiennes. Le dernier tercet précise la nature de cette angoisse profonde avec l’expression ” ayant peur de mourir ” L’âme est désormais le sujet du verbe appareille, qui s’emploie pour les navires qui partent en mer et larguent leurs amarres; Transformé en frêle esquif , ce “brick” , petit bateau fragile, la vie du poète est littéralement ballotée au gré des courants , symbolisés ici par “le flux et le reflux ” qui indique le mouvement des marées ; cette image d’une âme maritime sera reprise par Rimbaud dans son poème Le Bateau Ivre où lui aussi décrira un voyage mouvementé de son âme perdue dans l’immensité des océans et qui doit affronter des tourbillons géants et des tempêtes ; La métaphore maritime qui assimile la vie à une course en mer est utilisée depuis l’Antiquité ; En effet, la Mer apparaît comme un élément hostile et incontrôlable dont on ne connaît pas les limites , qui peut nous engloutir et qui contient de nombreux dangers ; le port d’attache est vu comme une forme de sécurité mais lorsqu’on part à l’aventure, qu’on jette l’ancre ou qu’on largue les amarres , on se lance alors dans la vie et on risque le naufrage , la noyade.  Verlaine sert donc ici des métaphores marines pour décrire sa lassitude de vivre et à la fois son désir de mourir mais , paradoxalement, la peur qu’il éprouve face à cette mort qui apparaît comme une menace ; L’impuissance de l’homme est traduite par l’image de l’âme- bateau perdu , jouet des éléments .

Dans l’univers de Verlaine, l’image de l’homme jouet de forces qui le dépassent , revient très souvent et sous différentes formes ; ce sont par exemple les feuilles mortes poussées par le vent , l’âme qui ballotte au gré des courants et le vent mauvais qui dit la bonne aventure ; Un destin donc marqué par la présence de forces hostiles et qu’on ne peut contrôler . 

Les Complaintes de Jules Laforgue : l’angoisse version Pierrot lunaire

Dans un très long poème composé de 15 quatrains, le poète symboliste Jules Laforgue lance une de ses complaintes : celle de l’angoisse sincère. Le sentiment se marque d’abord par une intense solitude ” tout est seul” et on retrouve des images de monde lugubre ; Il est question de noirceur, de néant et les sensations auditives , comme chez Baudelaire, font place à des cris de douleurs et d’incompréhension ; Laforgue emploie de nombreuses références à la religion catholique et à ses mystères; L’homme s’adresse à Dieu pour lui faire entendre ses plaintes mais il doute de sa présence même et redoute plus particulièrement le Vide, l’absence de ce Regard dans l’azur. Alors que Verlaine rejetait la foi et se proclamait athée, Laforgue met en question, de manière angoissée, l’existence de Dieu et ce doute ontologique l’effraie; Si Dieu n’est pas ,alors rien n’a de sens “tant de sanglots perdus vers le Beau, vers le Bien ” explique le poète . Pour expliquer le cycle même de la vie , de son origine  avec la métaphore  du “  blé qui sort de la Terre ” à la mort, sous la forme de l’euphémismeéternel sommeil” , l’Esprit a besoin de croire en l’existence d’un principe Vital, un Soleil ; Si l’homme pense le Ciel vide alors il peut croire que  “Tout n’est plus qu’un enfer sans issue ” : plus rien n’ a de sens  et il ne reste alors qu’un souffle de  terreur venu du fond des Temps ” ce sentiment que nous  pouvons parfois éprouver à la pensée de notre mort prochaine ; Le poème se termine sur des images d’apocalypses qualifiés de “grandes débâcles “ ; C’est une vision assez proche du nihilisme au sens philosophique qui dit que rien n’a d’existence absolue . Ce sentiment d’inquiétude, doublé d’une forme de pessimisme radical,  débouche le plus souvent sur une remise en cause du sens de l’existence humaine : les trois derniers quatrains développent cette idée que les hommes ne sont plus que des “troupeaux affolés” perdus dans l’immensité du Vide ; Le poète conclut donc à la légitimité de l’angoisse de ses nuits et le poème tout entier peut se lier comme un cri de désespoir . mais la musique des poèmes de Laforgue fait entendre justement des complaintes , ces gémissements tristes et beaux . Dans La complainte de l’ange incurable, Laforgue commence par expirer “mes coeurs bien barbouillés de cendres ” : on trouve , avec cette image originale ,les références à un malaise avec ces haut-le- coeur qui font penser au sentiment de se sentir “barbouillé “ c’est à dire avoir envie de rendre. Le paysage à lui seul exprime la tristesse et le malaise avec ” ce vent esquinté des paysages tendres ” et “l‘âme des hérons fous sanglote sur l’étang”. Comme dans la poésie de Verlaine, on retrouve cette idée d’une correspondance entre un paysage naturel et l’âme du poète . Chaque élément du paysage devient un moyen symbolique d’exprimer une sensation , un sentiment . La sensibilité du poète se déploie à travers les symboles du paysage : on croise alors , pour exprimer l’angoisse, “des moulins décharnés, des coteaux maigres “. On parcourt un cimetière et on aperçoit même un mystérieux Chevalier -Errant et  le fossoyeur qui creuse une tombe; Au milieu de ces ruines, le poète finit par considérer que ” vivre est encore le meilleur parti ici-bas ” . Le poème fait une sorte de pied de nez à la mort  et la pirouette finale est sa signature; Laforgue est comparable à un Pierrot : ce clown triste qui réussit à nous faire sourire à travers ses larmes . Dans son univers, l’angoisse est inséparable d’une sorte de dénigrement de sa propre sensibilité comme s’il se moquait de ses propres complaintes jugées dérisoires.

VI  Cortège d’Apolinaire :  un renouvellement des images poétiques

Cortège est un poème sans ponctuation, en vers libres qui révèle l’Esprit nouveau des débuts du surréalisme; la poésie devient un moyen de recherche de soi  et le poète tente de s’y définir. Après sa rupture avec Annie Playden, Apollinaire a éprouvé pendant un temps des difficultés à écrire mais il décidé de surmonter cet échec amoureux . Le thème du phœnix apparait alors dans son inspiration comme un témoignage qu’on renaît de ses cendres en devenant un “oiseau tranquille “; Ce vol inverse pourrait désigner le retour vers soi, c’est à dire le mouvement introspectif. « Cortège » a été publié en 1912 .

La quête de soi du poète commence avant tout par la quête de son corps. Ainsi voit-on peu à peu dans le texte le corps du poète être reconstitué par ceux qui en amènent les différents éléments « les morceaux . De près il est “sombre et terne” mais il finira par s’illuminer “au milieu d’ombres ” comme une sorte de révélation, d’éclat qui prendrait la forme d’une surbrillance. Son unité est peu à peu constituée par sa réunification “je m’attendais moi-même ” et ses perceptions lui confèrent une véritable existence ” je les connais par les cinq sens et quelques autres ” ; D’abord il voit , ensuite il sent; ensuite il goûte et il finit par toucher , Il peut alors entendre “le bruit de leur pas ” et cela lui suffit pour les ressusciter; On retrouve l’idée d’un poète extralucide, voyant , aux pouvoirs de divination dont les sens permettent de faire renaître le monde et d’en prévoir la direction, l’évolution.  C’est une idée assez proche que celle développée par Rimbaud dans La lettre du voyant : le poète doit se faire voyant par un long, intense, et raisonné, dérèglement de tous les sens ”  Pourtant le poète demeure en quête avant tout de lui-même et il se cherche littéralement dans la foule de ceux qui s’avancent vers lui” : ce long cortège des peuples. Je me disais Guillaume il est temps que tu viennes et d’un lyrique pas avançaient ceux que j’aime parmi lesquels je n’étais pas ” Pour se trouver, il a besoin de se recomposer . Comment retrouver son unité perdue ? La mer devient le « sang de ses veines » et chacun amène “un à un les morceaux de moi-même . Au final, c’est le poète qui apparaît : je parus moi-même »  construit par tous les hommes qui forment un cortège ;On retrouve l’idée chère à Montaigne selon laquelle chaque homme porte en lui la forme entière de l’humaine condition et peut ainsi connaître, en partie, autrui.

Les modalités de cette quête de soi peuvent paraître étranges et ne sont pas sans rappeler certains mythes orphiques. .  On peut établir un lien entre une forme d’inversion des mondes : les villes sont sous-marines par un curieux renversement, sortes d’Atlantides englouties  et lorsqu ‘on remonte à la surface, qu’on quitte “les clartés des profondeurs “arrive le langage que le poète apprend de la bouche des hommes .L’idée des alchimistes est bien présente ici :  une régénération s’effectue d’abord au plus profond de soi, dans le plus sombre avant de paraître au grand jour. Chez les alchimistes, cette opération s’appelle l’oeuvre au rouge : c’est celle qui demande de chauffer « au rouge » le métal sombre, comme le soleil rouge doit succéder à l’obscurité. C’est également l’idée contenue dans le mythe du phœnix qui renaît du feu purificateur : la vie, la clarté sort de l’obscurité des cendres. Le symbole de la rose blanche est lié lui aussi à l’alchimie. Apollinaire associe le plus souvent cette fleur à la lumière  mais c’est aussi le symbole du monde et de la naissance. L’être nouveau du poète vient littéralement au monde dans ce mouvement de nidification “en l’air ” ; Poète oiseau, poète tour ou poète île, il accède à la connaissance de lui-même. Mais le poète montre aussi le contact nécessaire avec le monde dont il fait partie . Certains critiques littéraires ont rapproché les idées d’Apollinaire de celles de l’ unanimisme , une théorie littéraire et philosophique dont Jules Romains est l’initiateur. ll s’agit de la notion de conscience collective. Un soir, en se promenant, Jules Romains eut une sorte d’illumination :  il eut l’intuition qu’il existait une relation de nécessité dans tout ce qu’il voyait et cette relation était la conscience que lui avait du tout. Au delà de l’individu, il existerait donc des groupes plus ou moins complexes, des âmes collectives. Par exemple, la ville serait l’une d’elles. Cela correspondrait donc à un dépassement de la vie individuelle

Le poème marque le conscience d’un lien entre intérieur et extérieur. Cette interdépendance doit conduire à  sorte  d’ universalité du poète : l’image signifie peut-être que ce sont les autres qui nous donnent la vie par la regard qu’ils portent sur nous. En fait, nous n’existons que dans la mesure où les autres nous font exister dans leur conscience. Cela signifie aussi que pour que le poète existe en tant que tel, il doit prendre les éléments de la vie des autres, dans un mouvement continu d’échange. Le langage que parle le poète lui est comme donné par  les peuples qui défilent et lui donnent vie, par ce don des mots. . 
 Cortège relève d’une thématique complexe . On peut  y voir entreprise orphique du poète c’est a dire une tentative de définition de la poésie comme une opération mystique de reconstruction du passé et de soi. Le but est alors de remplacer le discontinu du temps par du continu, la mort par l’éternité. Le moi prophétique d’Apollinaire finit par contenir le
monde entier qui parle ainsi par la bouche du poète -tour de Babel. L’idée de prêter sa voix , d’être l’interprète d’un langage universel existe déjà depuis l’Antiquité mais avec le souffle de l’Esprit Nouveau, les poètes ne délivrent plus les messages des Dieux; Ils se font les interprètes du Monde et des voix du Passé  qui parlent à travers eux.
VII :  Charles Juliet face à la page blanche dans Lambeaux
Le romancier Charles Juliet tente dans Lambeaux de recomposer son moi en associant la figure de sa mère biologique qu’il fait renaître du passé et sa propre enfance; cette quête de soi passe par l’écriture et l’auteur revient dans ce passage sur les difficultés de la genèse du livre  et particulièrement sa peur de ne pas être à la hauteur .  Il est, en effet profondément angoissé par l’idée qu’il ne va pas trouver les mots . Il énumère les raisons qui rendent la création douloureuse ; Les métaphores utilisées sont celles de la sécheresse, du désert et de l’aridité; L’écriture se nourrit , dans une première phase du dialogue qu’il entretient avec lui même mais ” ce que tu voudrais exprimer , tu ne parviens pas à le tirer hors de ta nuit” ; la nuit exprime ici les profondeurs de l’esprit, ce qui n’a pas encore de nom ni de mots, ni de forme. La violence des émotions pourrait constituer un premier obstacle car la force de ce qu’il ressent “désarticule le langage”  “les mots eux-même restent enlisés dans la gangue où ils dorment , te c’est comme une main qui se ferme sur ta gorge ” . Juliet assimile ici les mots à des pépites qu’il faudrait extraire d’un magma de roche;  On retrouve ici l’idée d’un flux continu de langage intérieur , celui de nos pensées dont les mots, sur la feuille , ne seraient qu’une sorte d’arrangement , de mise en notes à la manière d’une partition musicale. Les textes lui paraissent “mort-nés “ comme des enfants qui meurent sans voir le jour; L’écriture met en lumière une partie des ombres de l’écrivain mais quand il doute de lui, il sent que sa “voix est écrasée” et son impuissance l’angoisse encore plus . Ici l’angoisse se nourrit d’elle-même et lui fait vivre une “situation infernale” ; L’écrivain se sent broyé comme le traduit la métaphore qui clôt l’extrait “ les lentes et sombres années à espérer que les mâchoires de la tenaille finiront un jour par se desserrer” ; La  sensation de douleur accompagne cette angoisse créatrice qui, par bien des aspects, rejoint l’angoisse existentielle .
Pour conclure l’étude du sentiment d’angoisse d’après ce corpus ( Musset, Baudelaire, Verlaine, Laforgue, Apollinaire, Juliet )  les écrivains, les poètes , chacun à leur façon, tentent d’exprimer les sensations liées à une forme d’angoisse existentielle où leur Moi leur échappe; Les images sont le plus souvent empruntées à la Nature et au Cosmos pour dire la peur de la Vie, de la mort,d’un monde sans Dieu;  du temps qui passe et de l’incapacité à créer ; Le poète chante son désespoir, gémit en rythme et en cadence, lance des cris de détresse et des appels qui montent vers les Cieux ; Le romancier tente de saisir les lambeaux de son Moi qui s’éparpille et de reconstituer son unité perdue ; L’écriture devient à la fois le véhicule et la matière même de leur sensibilité  et si tous puisent dans un fonds commun et universel d’images, à certaines époques qu’on qualifie souvent de modernes, certains clichés poétiques se renouvellent et laissent place à d’autres manières d’exprimer ce sentiment d’angoisse , propre à l’Homme conscient de sa finitude .