La Guerre de Troie revue et corrigée
Quelques années avant la seconde guerre mondiale, alors que l’Europe traverse een période de montée des nationalismes, le dramaturge et romancier français, germanophile, Jean Giraudoux, écrit une pièce de théâtre qu’il intitule La Guerre de Troie n’aura pas lieu; L’action de sa pièce se situe à l’époque où le jeune prince troyen Paris enlève Hélène, femme du roi grec Ménélas pour la ramener à Troie; De nombreux anachronismes dans la pièce nous font cependant penser à la situation de l’Europe à la veille du déclenchement de la guerre. Hector, le prince troyen veut renvoyer Hélène à son mari mais les vieillards de Troie , ainsi que le roi Priam , sont partisans de la garder car ils admirent sa beauté . Les femmes troyennes pensent qu’il faut à tour prix éviter la guerre et Andromaque, la femme d’ Hector s’emploie à faire triompher la Paix en démontrant à quel point la guerre est meurtrière et prives le enfants de leurs parents; elle pense attendrir son mari car elle est enceinte de leur premier enfant. Les arguments des femmes semblent l’avoir emporté et une solution diplomatique est envisagée : l’émissaire Ulysse est reçu afin de négocier le retour d’Hélène en tentant d’épargner l’honneur de son mari. Ulysse rejoint alors son bateau pour prendre une décision mais les coups de théâtre s’enchainent .
Le spectateur peut alors se dire qu’Hector a évité la guerre en devant un meurtrier et que l’assassinat de Démokos sert une noble cause : empêcher des centaines de morts ; Le dramaturge indique alors même qu’un dénouement vient d’avoir lieu que “le rideau qui avait commencé à tomber se lève peu à peu” Que va t-il encore se passer ? 
Comment galvaniser les troupes avant l’assaut ? Blessé deux fois lors de la première guerre mondiale, Giraudoux se souvient avec effroi des instants qui précèdent les assauts : les hommes tremblent de peur et ils ont alors besoin d’insulter leurs adversaires pour se donner du courage: Avant de se lancer leurs javelots, les guerriers grecs se lancent des épithètes… Cousin de crapaud, se crient-ils ! Fils de bœuf… Ils s’insultent, quoi ! Et ils ont raison. Ils savent que le corps est plus vulnérable quand l’amour-propre est à vif. Des guerriers connus pour leur sang-froid le perdent illico quand on les traite de verrues ou de corps thyroïdes. Nous autres Troyens manquons terriblement d’épithètes.
Le personnage du géomètre démontre, dans un autre extrait que la guerre est avant tout une affaire de militaires : Les armées doivent partager les haines des civils. Tu les connais, sur ce point, elles sont décevantes. Quand on les laisse à elles-mêmes, elles passent leur temps à s’estimer. Leurs lignes déployées deviennent bientôt les seules lignes de vraie fraternité dans le monde, et du fond du champ de bataille, où règne une considération mutuelle, la haine est refoulée sur les écoles, les salons ou le petit commerce. Si nos soldats ne sont pas au moins à égalité dans le combat d’épithètes, ils perdront tout goût à l’insulte, à la calomnie, et par suite immanquablement à la guerre.Dans la pièce, l’Etat Troyen, représenté par Hector, faitt appel à Busiris qui est un expert en droit des peuples : voilà ce qu’il prétend ” Mon avis, Princes, après constat de visu et enquête subséquente, est que les Grecs se sont rendus vis-à-vis de Troie coupables de trois manquements aux règles internationales. Leur permettre de débarquer serait vous retirer cette qualité d’offensé qui vous vaudra, dans le conflit, la sympathie universelle. Premièrement ils ont hissé leur pavillon au ramat et non à l’écoutière. Un navire de guerre, princes et chers collègues, hisse sa flamme au ramat dans le seul cas de réponse au salut d’un bateau chargé de bœufs. Devant une ville et sa population, c’est donc le type même de l’insulte. Nous avons d’ailleurs un précédent. Les Grecs ont hissé l’année dernière leur pavillon au ramat en entrant dans le port d’Ophéa. La riposte a été cinglante. Ophéa a déclaré la guerre.

Hector tente une dernière fois de conjurer le sort et se tient face à Ulysse : “Nos peuples nous ont délégués tous deux ici pour la conjurer. Notre seule réunion signifie que rien n’est perdu…” Ce dernier lui répond sagement : Vous êtes jeune, Hector !… À la veille de toute guerre, il est courant que deux chefs des peuples en conflit se rencontrent seuls dans quelque innocent village, sur la terrasse au bord d’un lac, dans l’angle d’un jardin. Et ils conviennent que la guerre est le pire fléau du monde, et tous deux, à suivre du regard ces reflets et ces rides sur les eaux, à recevoir sur l’épaule ces pétales de magnolias, ils sont pacifiques, modestes, loyaux. Et ils s’étudient. Ils se regardent. Et, tiédis par le soleil, attendris par un vin clairet, ils ne trouvent dans le visage d’en face aucun trait qui justifie la haine, aucun trait qui n’appelle l’amour humain, et rien d’incompatible non plus dans leurs langages, dans leur façon de se gratter le nez ou de boire. Et ils sont vraiment combles de paix, de désir de paix. Ils se quittent en se serrant les mains, en se sentant des frères. Et ils se retournent de leur calèche pour se sourire… Et le lendemain pourtant éclate la guerre… Ainsi nous sommes tous deux maintenant… Nos peuples autour de l’entretien se taisent et s’écartent, mais ce n’est pas qu’ils attendent de nous une victoire sur l’inéluctable. C’est seulement qu’ils nous ont donné pleins pouvoirs, qu’ils nous ont isolés, pour que nous goûtions mieux, au dessus de la catastrophe, notre fraternité d’ennemis. Goûtons-la. C’est un plat de riche. Savourons-la… Mais c’est tout. Le privilège des grands, c’est de voir les catastrophes d’une terrasse. “
Activité à présenter oralement : à toi de choisir un conflit auquel tu t’intéresses et de rechercher quelles en furent les causes, lointaines et immédiates . Expose avec précision et éloquence les enjeux du conflit , les forces en présences, les arguments idéologiques des deux camps: des tentatives de médiation ont-elles eu lieu ? Menées par qui ? Quelles ont été les conséquences du conflit et pour terminer, selon toi, était-il évitable ? Qu’aurait -il fallu pour que cette guerre ne puisse pas avoir lieu ?