Commençons par des éléments biographiques : Olympe de Gouges fut une femme engagée, révolutionnaire et militante des droits des femmes ; Son combat pour l’égalité des droits s’est poursuivi au siècle suivant et la femme que nous allons présenter, Louise Michel, qui sera surnommée la Vierge Rouge , a bien des points communs avec l’autrice de la DDFC . Tout d’abord Louise Michel est une enfant naturelle : sa mère était servante pour un couple de châtelains et à la naissance de Louise, leur fils quitte le château. L’enfant sera élevée par ses parents comme leur fille mais à la mort de ces derniers, sa mère et elle se retrouvent à la rue; Elles viennent vivre à Paris où Louise devient institutrice ; Très vite elle se fait remarquer par Clémenceau et entretient une correspondance avec Victor Hugo qui lui consacrera , bien des années plus tard ,un poème intitulé “Viro major” Plus grande que l’homme , poème dans lequel il fait d’elle un mythe de la Révolte et loue son courage face à la menace de son exécution en 1871, quand elle sera arrêtée parmi les communards.
……Cette femme écoutait la vie aux bruits confus,
D’en haut, dans l’attitude austère du refus
Elle n’avait pas l’air de comprendre autre chose
Qu’un pilori dressé pour une apothéose,
Et trouvant l’affront noble et le supplice beau,
Sinistre, elle hâtait le pas vers le tombeau………...
Louise Michel s’occupe des plus démunis, et milite pour le droit à une éducation laïque et gratuite. Engagée dans le mouvement ouvrier insurrectionnel de la Commune , en 1871, elle n’hésite pas à prendre part aux combats de rue sur les barricades; Après une terrible semaine sanglante en mai , les insurgés doivent se rendre et sont , pour la plupart, fusillés; elle échappe à la condamnation à mort qu’elle réclame pourtant, et sera déportée en Nouvelle-Calédonie; Sur place, elle crée une école pour les enfants de déportés et soutient en 1879, les révoltes des canaques; De retour à Paris, elle devient une femme politique anarchiste et militante; Visée par un royaliste, elle est touchée à la tête lors d’un meeting politique mais survit avec une balle dans le crâne. Femme de lettres, elle s’est toujours passionnée pour l’écriture et rédige ses Mémoires en 1886 quelques années avant sa mort en 1905. Son courage , ses prises de position en faveur des plus démunis, ont fait d’elle une figure de la résistance du peuple.
Lecture linéaire d’un extrait des Mémoires ; chapitre 9,
En guise d’introduction : rappeler le contexte ( la période insurrectionnelle de la Commune , un siècle après la Révolution française ) ; Donner des éléments pertinents en lien avec la biographie de l’autrice : née enfant naturelle, Louise Michel ne fut pas seulement une militante féministe : son métier d’institutrice fit de l’éducation le principal de ses combats ; Elle milita pour l’insertion des handicapés et le droit à l’éducation pour les filles et les pauvres; Elle a l’intime conviction que c’est grâce au Savoir que le sort des femmes s’améliorera. Situer l’extrait et le résumer brièvement : il s’agit d’un extrait des Mémoires, récit émaillé de réflexions personnelles qu’elle rédigea à la fin de sa vie. Le ton est polémique : elle y montre les souffrances des femmes et la nécessité de réformer leur éducation L’extrait que nous étudions a pour sujet l’inégalité entre les hommes et les femmes: le premier mouvement l 1 à 13 est un violent réquisitoire contre les hommes . Le second mouvement est consacré aux souffrances des jeunes filles ( 13 à 20 ) ; Le dernier mouvement évoque l’espoir des changements futurs ( l21 à 29 )
Premier mouvement : un violent réquisitoire
Le raisonnement hypothétique est souvent une arme redoutable dans l’argumentation . La subordonnée pose l’égalité entre les hommes et les femmes comme une éventualité ( action non réalisée ) et souligne quelles en seraient les conséquences avec ce conditionnel qui marque l’irréel du présent “ce serait une fameuse brèche dans la bêtise humaine “ . Le terme brèche signifie une ouverture importante et l’adjectif fameuse lui attribue à la fois une valeur positive et marque aussi un ordre de grandeur ; Cela signifierait un grand progrès mais malheureusement l’autrice a l’air de penser que c’est encore la bêtise qui l’emporte . Elle attribue ainsi l’origine des inégalités entre les sexes à cette bêtise . En attendant désigne la situation actuelle par opposition à l’espoir d’une amélioration ; Louise Michel cite une formule de Molière qui date du dix septième siècle , extraite d’une comédie intitulée L’ école des Femmes ; On y voit deux soeurs comparer leur vision de l’avenir ; l’une veut un mari et des enfants alors que l’autre préférerait étudier et ne pas avoir de comptes à rendre à un mari et à des marmots. Ce dialogue dans la pièce évoque la jalousie des hommes quand leur femme est convoitée par un autre homme. La femme est en effet le potage de l’homme ;Et quand un homme voit d’autres hommes parfois Qui veulent dans sa soupe aller tremper leurs doigts,Il en montre aussitôt une colère extrême.”L’Ecole des femmes, II, 4
La comparaison est ici peu flatteuse pour la femme réduite à n’être qu’un bien de consommation . L’autrice souligne avec cette métaphore que la femme est encore considérée, deux siècles après Molière, comme la propriété de l’homme . Louise Michel se moque ensuite de la dénomination “ sexe fort “ pour désigner les hommes et “beau sexe “ pour qualifier les femmes . Elle y voit une flatterie et un moyen également de s’attirer les bonnes grâces des femmes en les complimentant. Elle accuse les hommes d’exploiter volontairement la vanité des femmes pour continuer à les dominer. Son ton polémique avec notamment l’emploi de l’interjection “fichtre l 3” traduit sa colère et son indignation . Elle emploie un champ lexical de la guerre pour désigner le rapport de forces entre les hommes et les femmes qui doivent se défendre ” prenant tout simplement notre place à la lutte “ ; La locution adverbiale “tout simplement “présente cet état de fait comme logique et naturel. De plus , elle montre la force des femmes qui réside dans leur nombre lorsqu’elle écrit ” pas mal de révoltées ” Ainsi elle pose les revendications des femmes comme un combat juste et possible à remporter. La phrase se termine par une précision importante ” sans la demander ” qui indique qu’en agissant de leur plein gré, les femmes s’affranchissent de la domination masculine . Le tiret introduit une adresse aux hommes , qui est également une critique et imite ainsi l’oralité du style de la harangue , ce discours véhément qui cherche à obtenir l’approbation des auditeurs. Le verbe parlementer renvoie à l’inutilité des discussions masculines alors que les femmes,elles, ont préféré passer à l’action ; elles sont ainsi présentées comme pragmatiques là où les hommes se seraient peut-être , selon elle, contenté de parler. L’expression hyperbolique “jusqu’à la fin du monde “ est un trait humoristique qui fait allusion à leur incapacité à agir. C’est encore une fois une critique directe.
Elle relance son argumentaire par une boutade qui fait, une fois de plus , référence à la bêtise des hommes lorsqu’il prétendent refuser aux femmes une véritable éducation; elle les accuse de chercher à atrophier l’intelligence de ces dernières. C’est un terme médical très imagé qui renvoie à une blessure profonde, à quelque choes dont on entrave le développement naturel; la femme est ainsi comparée à un être vivant dont on empêche le développement . Et ce sexe qui opprime l’autre , il s’agit bien évidemment des êtres masculins, qu’elle ne nomme pas directement mais l’allusion est explicite . En agissant ainsi contre les femmes, les hommes se privent d’une partie des ressources de l’humanité ; Elle démontre que c’est une attitude non seulement stupide mais également préjudiciable à l’ensemble de leur race commune , celle des humains qui rassemble les deux sexes. Elle accuse les hommes d’agir contre le bien commun en privant les femmes d’une éducation digne de ce nom .Elle aborde la question de l’éducation des filles . Le terme niaiseries est péjoratif; Il est synonyme de bêtises, d’idioties . L’idée de Louise Michel est qu’on maintient volontairement la naïveté des jeunes femmes dans le but de pouvoir mieux les tromper comme l’indique la subordonnées de but de la ligne 9. Ainsi, à cause des manques de leur éducation, elles ne disposeront pas de suffisamment d’esprit critique pour éveiller leur conscience et résister à l’emprise que les hommes tenteront d’exercer sur elles; Comme elle le constate , les jeunes filles “sont désarmées tout exprès” l10 ; On retrouve le champ lexical de la lutte et l’image des femmes victimes. Il s’agit d’une grave accusation et elle est portée contre les hommes car ce programme éducatif défaillant est l‘affirmation de leur volonté ; L’autrice utilise le pronom personnel “on ” pour ne pas nommer direcetemnt les hommes. La volonté de nuire est réaffirmée au moyen d’une comparaison avec une tentative d’assassinat et son absurdité apparaît clairement : ” comme si on vous jetait à l’eau après vous avoir défendu d’apprendre à nager ” ; Mais elle va plus loin encore lorsqu’elle ajoute ” ou même lié les membres” ; On mesure bien que les jeunes femmes sont des proies absolument sans défense et n’ont aucune chance de s’en sortir . Cela peut même être assimilé à une forme de torture . Louise Michel porte ainsi des accusations d’un rare violence contre l’éducation donnée aux jeunes femmes .
Elle n’hésite pas à citer les arguments fallacieux de ses adversaires pour en démontrer la fausseté ; En effet, certains hommes évoquent le désir de “conserver l’innocence d’une jeune fille ” en lui dissimulant des choses importantes . En agissant ainsi, on laissera jeune fille “rêver ” et se fabriquer une fausse image de la réalité au lieu de l’instruire en employant les sciences telles que la “botanique ” ou “l’histoire naturelle” ancêtre des sciences de la vie et de la terre . De nos jours, les cours en SVT sur la reproduction et ses mécanismes sont obligatoires dans le cursus scolaire , par exemple. En étant instruites, les jeunes filles seraient d’autant moins impressionnables et sauraient ce qu’est le désir ou la sexualité . Selon Louise Michel, l “‘ignorance profonde” crée ainsi des troubles qui pourraient être aisément dissipés grâce à l’instruction , notamment scientifique . Les jeunes filles sauraient ainsi que cela fait partie de la nature et qu’il n’y pas lieu d’en avoir peur .
Le second mouvement détaille avec précisions les souffrances des femmes : Louise Michel compare ce que les individus des deux sexes endurent dans “la société maudite ” ; On retrouve ici une dimension de contestation sociale car Louise Michel est une révolutionnaire qui critique le fonctionnement de la société qui écrase l’homme , surtout le travailleur pauvre . Mais ses malheurs seront toujours inférieurs à ceux endurés par les femmes à cause notamment de cette ignorance dans laquelles on la laisse grandir et qui , selon elle, favorise sa soumission. “nulle douleur n’est comparable à celel de la femme ” : on retrouve ligne 15 une hyperbole qui traduit l’ampluer de cette souffrance et l’émotion de l’autrice. . Louies Michel va successivemment nommer lse souffrances de la femme , “dans la rue ” “dans les couvents et ” dans le monde ” par une sorte d’élargissement de la perspective. D’abord , au quotidien , elle est comparée à un objet : “une marchandise” l 16 quelque chose qu’on peut acheter . Dans les couvents où elle reçoit une éducation religieuse, elle demeure justement, dans l’ignorance et cet endroit est comparé à une “tombe “ . On retrouve une fois encore l’idée de torture avec notamment le verbe broyer associé à “son coeur et son cerveau “. La jeune femme est présentée comme une victime de la société et du mode éducatif répressif, présenté comme une véritable machine à détruire . Une fois sortie du couvent, elle entre alors dans le monde et c’est un nouvel esclavage qui commence : elle ploie sous le dégoût et dans son ménage, le fardeau l’écrase “ ; Elle n’a donc aucun espace de liberté pour se sentir bien ; tout autor d’elel l’opprime et ici, son sort est comparé à celui d’un animal, d’une bête de somme. Louies Michel évoque, une foi sde plus, la volonté de l’homme de maintenir son épouse dans la servitude. Il considère qu’elle ne pourra pas ainsi rivaliser avec lui . Mais pourquoi serait-elle une menace ? Parce qu’elle pourrait chercher à “empiéter ” sur le domaine réservé au masculin et cherche à briguer ses fonctions ou ses titres ( l 19 et 20 ) .
Troisème mouvement : l’espoir d’une révolte
Dans cette dernière partie du texte, Louise Michel montre que l’homme semble considérer la femme comme une menace . A la ligne 21, elle ironise en “rassurant” les hommes . Elle prétend que ces dernières peuvent occuper les fonctions des hommes quand bon leur semble et sans attendre leur autorisation. Ce qui parait pour le moins étonnant et qui relève d’une forme de provocation. Elle revendique plus séreiusement le droit pour les femmes d’obtenir “la science et la liberté” qui sont, pour elle, largement préférables à tous les titres pour lesquels elle affecte l eplus grand mépris .L’ anaphore , au début des lignes 22 et 25 met en évidence leur peu de valeur :elle les compare à des “guenilles ” c’est à dire des vêtements usagés , bons à jeter et même des “défroques ” qui sont des vêtements dont on cherche à se débarrasser comme s’ils étaient les vestifges d’un passé révolu . Son indignation et son mépris sont indiqués au moyen de l’interjection “ah bah !” Le point d’exclamation marque son mépris . Les négations indiquent ce qu’elle refuse “nous n’avons pas besoin, nous n’aimons pas ” qui s’oppose à ce qu’elle veut vraiment , ce qui est vital à ses yeux “ la science et la liberté” ; La première étant l’un des moyens pour obtenir la seconde. Louise Michel envisage donc une évolution sociétale qui irait dans le sens d’une plus grande autonomie des femmes car elles possèdent des droits par nature . Son ton est assuré et categorique même si les faits continunet à lui donner tort “nos droits nous les avons ” Les questions rhétoriques des trois dernières lignes suggèrent une union des intérêts des hommes et des femmes contre l’oppression ; Ce que Louise Michel nomme “le grand combat” à la ligne 31, “le soulèvement suprême ” avant de représenter politiquement le soulèvement anarchique , c’est le combat pour l’égalité dans l’éducation qu’elle poursuivra inlassablement toute sa vie , de bien des manières. Un siècle après Olympe de Gouges, cette féministe convaincue, reprend l’argument selon lequel les femmes luttent aux côtés des hommes pour les droits des “humains ” et méritent donc que ces derniers reconnaissent “les droits des femmes ” . Il y va selon elle de l’avenir de l’Humanité.
Dans ses Mémoires , Louise Michel tient à nous faire partager une partie de ce souffle d’égalité qui l’anime et qui est le fondement, le ferment de toutes ses activités politiques et éducatives; Dans son métier, elle a justement cherché à mettre en pratique son idéologie . Pour elle, « la tâche des instituteurs, ces obscurs soldats de la civilisation, est de donner au peuple les moyens intellectuels de se révolter. . Cette jeune érudite qui lit Voltaire et Rousseau dédiera ainsi une grande partie de sa vie à ce qu’elle considère comme le plus grand des combats : l’égalité dans l’éducation. Les enfants handicapés, les fils et filles du “petit peuple”, les ouvrières ont selon elle , les mêmes droits à l’éducation que les fils de bourgeois et de ministres. Pour Louise Michel, tout le monde doit pouvoir apprendre, s’instruire, s’ouvrir sur le monde. Profondément républicaine, avant-gardiste dans le domaine de l’égalité au sein du peuple, elle ne travaille alors que dans des écoles libres, qui ne prêtent pas allégeance à l’Empereur Napoléon III. Son action politique découle de ses principes et elle est en accord avec ses convictions ce qui est un bon moyen de nous convaincre de leur bien-fondé. Son écriture de combat rythme une vie toute entière faite de combats.
Ouvertures possibles : liens entre défense des droits des femmes et accès à l’éducation / évolution des revendications féministes/ évolution de la place des femmes dans la société .
Ci joint un lien vers un abécédaire Louise Michel publié par la revue ballast https://www.revue-ballast.fr/labecedaire-de-louise-michel/