Le passage à étudier se situe au début du roman p 88 : Marianne , la mère de Simon a reçu un coup de téléphone des pompiers et s’est rendue immédiatement à l’hôpital où Simon vient d’être admis aux urgences dans le coma après un accident de voiture . Le médecin qui la reçoit lui précise que Simon est en état de mort cérébrale et que plus rien ne peut le sauver ; Marianne quitte alors l’hôpital pour attendre le père de Simon auquel elle a laissé plusieurs messages : elle entre, après avoir déambulé dans les rues vides comme une somnambule , un automate, dans un café du Havre ouvert le dimanche; Il est 6 h du matin ; Comment la romancière nous présente-t-elle le personnage de la mère ici ?
I Un cadre réaliste : à la manière des écrivains réalistes, l’auteure dépeint avec beaucoup de précisions le cadre dans lequel évolue ce personnage car il est en symbiose avec ses pensées;
a) les petit détails vrais: impressions et sensations
le lecteur est frappé par l’obscurité : “c’est sombre à l’intérieur ” et les marques des souvenirs de la nuit ” empreintes de dérives nocturnes ” ; Un petit détail comme “émanations de cendre refroidie ” a pour objectif de rendre ce cadre réaliste et de créer une atmosphère dans laquelle le personnage va évoluer . Ainsi l’auteure détaille l’allure du propriétaire comme s’il s”agissait du point de vue de Marianne, d’un point de vue externe; son om n’est pas précisé ; “un type ” demeure très vague et les détails vestimentaires ajoutent une dimension réaliste : “tignasse froissée du saut du lit ” car il est très tôt ce dimanche matin et Marianne est sans doute la première cliente. Le barman est montré en action; il rince un verre tout en zieutant cette femme qu’il sait déjà avoir vue ici ; on notera ici la concordance des informations qui construisent le caractère réaliste du roman; en effet, marraine avait affirmé qu’elle connaissait ce café ce qui corrobore les propos de l’employé; d’autre part, le verbe zyeuter , issu du registre familier , témoigne de l’utilisation d’un procédé réaliste qui consiste à introduire dans le langage des personnages des mots ou expressions qui renvoient à leur condition sociale; l’originalité ici c’est que le vocabulaire qui constitue la parlure des personnages, leur voix caractéristique, est en fait intégré dans le récit ; ainsi la différence entre le style direct et le style indirect libre ou même le style indirect s’estompe; les changements sont fondus à l’intérieur des phrases .
b)le rôle de la musique : à plusieurs reprises, la romancière glisse en italique à l’intérieur de son récit des citations qui sont les paroles d’une chanson d’Alain Bashung ; quatre insertions qui forment comme un refrain à l’intérieur même du roman : “Voleur d’amphores au fond des criques ” “où subsiste encore ton écho” et “j’ai fait la saison dans cette boîte crânienne” enfin “dresseur de loulous dynamiteur d’aqueducs” ; cette chanson mélancolique a pour titre La nuit je mens et raconte l’histoire d’un personnage étrange , un sorte d’aventurier qui aime beaucoup la mer, comme Simon ; le choix des citations peut s’apparenter à une sorte de ligne mélodique qui s’entrecroise avec le récit et fait écho à ce que vit le personnage de Marianne; on peut relever , par exemple la mention de l’écho comme si la vie de Simon était encore imprimée en elle ; la troisième citation qui évoque la boîte crânienne peut également nous faire penser à ce qui se passe à l’intérieur du cerveau du personnage de Marianne; Le refrain cette chanson évoque le fait de faire l’amour ou le mort dans uns sorte de jeu de mots ; De plus, la mention, d’une chanson connue dans ce café contribue à rendre elle récit encore plus réaliste .
II Un personnage saisi sous un double regard
a) les changements de points de vue : ils se fondent à l’intérieur de spharses et nous font passer de l’extérieur à l’intérieur sans que nous y prenions garde.
Confronté à la douleur extrême, le personnage doit rassembler ses forces mais semble très vite impuissant comme l’atteste l’adjectif employé “une douleur qu’elle est impuissante à contrôler à réduire ” ; le narrateur alors omniscient revient sur le passé du personnage et sur son refus de parler de quelque chose d'”irréversible ” ; cette technique qui consiste pour un romancier à montrer que le personnage finalement,avait tort, est assez réaliste ; les romanciers aujourd’hui jouent avec leurs personnages et leur ajoutent des morceaux de passé mais qu’ils laissent parfois en suspens : ” peut être qu’elle se met à danser ” précise le narrateur qui refuse ainsi d’endosser le statut traditionnel du narrateur totalement omniscient car il feint de ne pas vraiment savoir ce qu’a fait le personnage de Marianne. Parfois un je apparaît qui est lui aussi fondu dans l’ensemble : ” ça va Miss? Marianne détourne les yeux,je vais ma’sseoir ” On devrait avoir ici des guillemets pour encadrer la parole du barman et celle de Marianne avec entre les deux passages qui devraient être au style direct, une phrase de transition assumée par un point de vue omniscient.
La fiction se donne ainsi comme fiction tout en maintenant des liens étroit avec la vraisemblance . Par les plongées successives das la tête des personnages, le lecteur ne sait plus très bien où se situe le narrateur et de quel point de vue est assumée la description. Sans s’adresser directement au lecteur comme ont tendance à le faire certains romanciers, l’écrivaine brouille les repères traditionnels des points de vue et passe de l’un à l’autre très rapidement : ce qui a comme effet de nous faire demeurer très proche des personnages qui ainsi s’apparentent à de vraies personnes . Marianne est ici au centre du récit et elle est utilisée pour décrire la lutte de l’homme pour résister à la tristesse d’avoir perdu un proche; La relation mère/fils été choisie car elle rend compte de manière particulièrement saisissante les vagues de douleur qui assaillent le personnage.
Dans ce passage, la douleur de Marianne se traduit de différentes manières : le personnage semble d’abord transformé physiquement
b) Gros plan sur Marianne
Marianne est comparée à un chien : elle halète et sa voix est inaudible; la douleur la prive de paroles c’est pourquoi nous suivons ses pensées et pénétrons dans son esprit ; L’auteure montre également, d’un autre point de vue cette fois, de nombreux petit détails anatomiques : elle déglutit La romancière emploie des phrases qui contient des infinitifs comme si le personnage se parlait à lui-même ” ne pas fermer les yeux, écouter la chanson ” ; d’ailleurs Marianne tente de réorganiser ses pensées comme le révèlent les connecteurs logiques: “Primo, deuxio, Tertio ; Nous sommes à la fois face à elle et en elle et nous enregistrons sa transformation finale : "le grand miroir piqué au fond de la salle lui renvoie un visage qu'elle ne reconnait pas ,elle détourne la tête " ; Il s'agit bien ici d'un regard porté par un narrateur sur le personnage de Marianne et non plus du point de vue de Marianne ; la douleur la transforme même physiquement mais elle décide de se battre ..
c) le combat contre la douleur
Pour décrire la douleur qui est une abstraction, les écrivains ont souvent retour à des images qui ont pour but de la rendre davantage concrète; Ici on retrouve des métaphores qui détaillent une attaque ” foncent sur elle par vagues successives” ; Marianne doit donc combattre l'irruption des souvenirs pour ne pas sombrer: elle rassemble sa volonté et fait un effort de contrôle de ses pensées ;
Les images des attaques de la douleur évoquent des animaux féroces : “les éloigner à grands coups de latte si possible ” comme on le ferait
violemment en cas d’agression; la familiarité et la crudité de l’expression “à grands coups de latte ” renforcent la dimension réaliste ; on trouve également l’expression “tenir tout cela à bout de gaffe ” La gaffe est une perche qui sert pour les marins à éloigner les bateaux qui passent trop près d’un rocher ou qui se rapprochent du bord ou qui vont heurter un obstacle en mer. On retrouve cette omniprésence de la mer au sein du roman et ce thème de la douleur qui donnera lieu à d’autre images menaçantes comme celles du serpent dans le bureau du médecin ; L’idée est bien de “créer des leurres, détourner la violence et faire barrage aux images ” Deux de ces trois expressions pourraient caractériser la lutte contre un cours d’eau menaçant ; Le cliché de la douleur qui déferle ou qui arrive par vagues successives balayant tout sur son pasasge est souvent repris dans le roman. Il est associé à des images plus originales car l’auteure cherche à dégager la chimie de la douleur .
En conclusion ……