Parlons d’abord de l’auteur de ce discours … Qui est Clémenceau ?
Médecin , il commence sa carrière politique par une fonction de maire d’un arrondissement de Paris , ensuite élu député en 1871 ;il rejoint le parti républicain. Il défend l’idée d’une séparation entre l’Eglise et l’Etat et surtout s’oppose à la politique de colonisation faisant tomber le gouvernement sur cette question. Il rejoindra également les rangs des dreyfusards et se battra pour que les Communards de 1871 soient amnistiés.Élu en 1902 sénateur il est nommé ministre de l’Intérieur en 1906. Se désignant lui-même comme le « premier flic de France », ,il est surnommé « le Tigre » et va réformer durablement la police , À la fin de l’année 1906, il devient président du conseil, l’équivalent du poste de premier ministre .
Quel est ensuite le contexte ?
Georges Clémenceau s’exprime devant la Chambre des députés le 30 juillet 1885. Il répond au discours prononcé par l’ancien président du Conseil Jules Ferry, deux jours auparavant, au cours d’un débat sur la politique d’expansion coloniale de la France. Chef du gouvernement à deux reprises (1880-1881, 1883-1885), mais renversé par la Chambre le 30 mars précédent, Jules Ferry défend sa politique. Clemenceau entend la dénoncer. Nous sommes donc face à un débat idéologique .
Le discours de Clémenceau : lecture analytique n° 4
Points de méthode : tout discours suppose qu’on accore une attention particulière à l’éloquence de l’orateur c’est à dire aux marques son élocution ; les plus fréquentes sont : les adresses aux auditeurs qui peuvent être soit des apostrophes soit des verbes à l’impératif ; les questions rhétoriques ; la présence des indices de subjectivité du locuteur (je, moi, pour ma part ) . On cherchera également les figures de construction comme les antithèses, les répétitions et les parallélismes de construction.
A noter que ce discours constitue une réponse à des arguments évoqués par Jules Ferry : il faudra donc repérer les arguments de la partie adverse dénoncés par l’orateur ainsi que les concessions faites aux thèses adverses. L’ironie peut également être une arme utilisée par le locuteur et on sera attentif à la rhétorique de l’éloge (les compliments ) et du blâme (les critiques )
Quelle est la thèse de Clémenceau ? les colons français dissimulent la violence qu’il infligent aux populations colonisées sous le nom de devoir rendu aux races inférieures par la race supérieure; ils sont hypocrites et cruels. Il va également démontrer qu’il n’y pas de race inférieure. `
Quelle est la thèse combattue ? Ferry défend l’idée que la colonisation est un devoir des races supérieures envers les races inférieures . Il va donc s’efforcer de démontrer que ces arguments ne sont pas justifiés en combattant l’idée d’inégalité des races notamment et en donnantt des illustrations concrètes (les chinois, les Hindous et l’exemple allemand qui fait référence à la désastreuse défaite française de 1871 face à l’Allemagne. )
Quel est son sentiment dominant ? l’indignation
Quels sont ses arguments ? il emploie des arguments variés et s’efforce de réfuter les arguments adverses ;
argument 1 de Ferry : la colonisation rapporte des profits même si elle entraîne des dépenses. (de luxe )
réponse : dépenser cet argent pour les Français serait utile et fructueux ; Clémenceau oppose le luxe à l’utilité (convaincre ) et il reprend cet argument dans la péroraison de son discours : “mon patriotisme est en France “ : ce qui signifie qu’il faut faire porter les efforts du gouvernement sur les citoyens français de métropole avant de penser aux colonies.
argument 2 de Ferry : les races supérieures auraient un droit sur les races inférieures qu’elles exercent et pour justifier la colonisation, Jules ferry emploie le terme de devoir qui est son contraire; il souligne ainsi par cette formulation adroite la contradiction de la thèse de son opposant ; l’expression transformation particulière est particulièrement ironique .
il détaille ensuite l’expression exercer son droit en utilisant une expression imagée : allant guerroyer et le convertissant de force ; on voit bien ici qu’il oppose encore une fois la notion de droit à la notion de force ; un droit qu’on exerce par la violence est-il encore un droit ?
il remet en cause ensuite l’existence même d’inégalité des races en arguant du fait que cette différence n’a pas été scientifiquement prouvée mais résulte d’un jugement hâtif : c’est bientôt dit signifie c’est vite dit ( l 8 ) et donc pas forcément vrai. Cette formulation remet en cause la validité même de l’affirmation de Ferry. Il discrédite ainsi la thèse adverse.
première illustration : pour étayer son argument sur les erreurs de jugement , Clémenceau reprend l’exemple récent (1871 ) de la défaite française face à l’ Allemagne que d’aucuns prétendent liée à l’infériorité de la race française ; il provoque ainsi la fibre patriotique de son public
en même temps l’orateur adopte une attitude de modestie : pour ma part, j’en rabats singulièrement ( l 8) et j’y regarde à deux fois ( l 11) . Il montre ainsi de manière fort adroite qu’il faut se méfier des jugements hâtifs et de cet argument de race inférieure . Il permet ainsi au public de reconnaître ses erreurs .
Il prend ensuite l’exemple des Hindous dont il vante en termes élogieux la “grande civilisation raffinée “ l 13 et la civilisation Chinoise avec “cette grande efflorescence d’art “ et ses “magnifiques vestiges “ Il fait donc ici clairement l’éloge de ces deux civilisations anciennes sur le plan artistique et intellectuel en citant notamment le vénérable Confucius, modèle de sagesse universellement reconnu.
De plus, cet argument est aussitôt relayé par un second argument politique qui fait clairement allusion à des négociations diplomatiques gagnées par les asiatiques; de plus, Clémenceau reprend l’idée de jugement hâtif évoqué dès le début de son discours avec la phrase : “ceux qui se hâtent trop de proclamer leur suprématie “
Ce paragraphe mêle donc habilement illustrations historiques, allusions à des événements politiques et critiques des partisans de la théorie des races supérieures.
Le paragraphe suivant critique directement les défauts des colons : le mot vices ainsi que les références à l’alcool et à l’opium sont des accusations directes de l’attitude des colons français; On peut d’ailleurs comparer cette stratégie argumentative à celle qu’emploie Diderot dans son Supplément au voyage de Bougainville.
L’orateur met le public de son côté avec les allusions historiques et politiques dans un premier temps et passe
ensuite au blâme avec des critiques des pratiques coloniales ; il peut alors réfuter la notion de droit et la remplacer par la notion de violence ; Il fustige ainsi l’hypocrisie des colons et il remplace , au final (l 30) l’opposition entre race inférieure et race supérieure par une différence entre civilisation scientifique et civilisation rudimentaire ; les mots abus et tortures désignent les actes des colonisateurs dont la mission civilisatrice est carrément remise en cause : prétendu civilisateur peut on lire à la ligne 31, ce qui est une critique directe des alibis des colons.
Clémenceau dénonce ainsi de manière polémique les pratiques coloniales qui dissimulent une violence sous couvert d’une mission humaniste. Point par point, il réfute les thèses de son adversaire politique et parvient à la conclusion que ces façons d’agir nient les droits des populations indigènes :” ce n’est pas le droit (l 32) : c’en est la négation.” Une formule finale très efficace et frappante .
Exemple d’introduction (vous ajouterez des éléments biographiques donnés au début de cet article )
En 1885, l’Empire colonial français se dessine et certaines voix au gouvernement militent pour son expansion et la multiplication des guerres de conquête; cependant le pays, sorti défait de sa confrontation avec l’Allemagne en 1871, a besoin de clarifier se priorités budgétaires; d’aucuns pensent que la colonisation pourra rapporter de gros profits et y voie t une possibilité pour al France de es reconstruire; Clémenceau n’est pas d’accord avec cette ligne de conduite et il le fait savoir ; (développement biographique sur l’auteur à placer ici ) .… son discours prononcé à la chambre des députés constitue une réponse à celui d’un membre du gouvernement : Monsieur Jules Ferry ; les deux hommes ont une vision différente de l’avenir même s’ils militent tous deux au sein du parti républicain ; il s’agit donc de montrer en quoi ce discours éloquent constitue une attaque contre la politique de colonisation menée par le gouvernement français et reflète donc une confrontation politique et idéologique .
Exemple de plan détaillé pour un commentaire
1 un discours éloquent ou polémique
a) la contestation des thèses adverses : reprise et réfutation
b) les indices de subjectivité :
et la création de liens avec le public : l’absurdité de la thèse de l’infériorité des races avec l’exemple franco-allemand
c) l’utilisation du registre ironique très présent : transition une dénonciation virulente qui reflète l’indignation de Clémenceau
2. Une critique de la politique coloniale
a) des conquêtes onéreuses : le poids économique
b) les vices des colons : leurs abus
c) la violence des conflits : ils n’ont pas de droits sur ces populations
3. La défense des civilisations “rudimentaires “
a) l’éloge des grandes civilisations
b) la création d’une nouvelle distinction qui remplace l’idée d’infériorité
c) du droit à l’abus : contestation des pratiques coloniales désignées comme la négation des droits
en conclusion ( à étoffer ) Une contestation idéologique et une remise en question de la politique coloniale française à cette époque : visée politique et idéologique