21. septembre 2020 · Commentaires fermés sur Le héros selon Zola: le forgeron magnifique · Catégories: Seconde · Tags:

Dans L’Assomoir, Zola retrace le destin d’une héroine  Gervaise, dont la vie ressemble à une tragédie : abandonnée par son mari, seule avec deux enfants, elle se met en ménage avec un ouvrier qui devient invalide et alcoolique ; Pour pouvoir acheter un fonds de commerce , une  blanchisserie,  située dans le quartier de la Goutte d’Or à Paris, et s’établir à son compte , elle accepte l’argent de Gouget un voisin, amoureux d’elle en secret . Ce personnage exerce le métier de forgeron et Zola dépeint le travail de l’ouvrier , à la fois de manière réaliste en utilisant un vocabulaire précis mais il transforme cet ouvrier au physique imposant , en un Dieu grec, fortement inspiré d’Hercule . Le portrait du héros dépasse donc le cadre du réalisme et emprunte de nombreux traits aux modèles antiques . Vovons quels éléments composent cette description ?

Tout d’abord , le forgeron est présenté en action et son travail le rend beau; Zola note son habileté avec l’expression ” jeu classique, correct, balancé et souple “: quatre adjectifs tous mélioratifs qui démontrent le savoir-faire du forgeron. Il agit avec “une science réfléchie” et se montre précis; “ Un homme magnifique au travail ce gaillard là ” La phrase exclamative traduit ici l’admiration qu’il suscite dans la foule et l’utilisation du style indirect libre , avec l’emploi d’un mot familier gaillard ” montre bien qu’il s’agit du regard des spectateurs. Admirable , en effet, le héros l’est à plus d’un titre. Pour décrire la qualité de son travail, Zola emploie la métaphore de la danse classique et personnifie son outil : le marteau devient ainsi une “dame noble” . L’ouvrier ne fait qu’un avec son outil et les rythme cadencé de la masse qui frappe le métal est en accord avec le bruit de son coeur ; On entend son sang pur qui” battait puissamment jusque dans son marteau” ; Il s’agit donc bien d’un portrait en actions et c’est le travail de Goujet qui est l’objet de l’admiration des spectateurs; Il est en train de  relever un défi et de ciseler un boulon .

Son portrait physique le met en valeur  également avec notamment un mélange de force et de tendresse; Sa force physique est mentionnée , à plusieurs reprises , avec  de nombreuses références à sa musculature imposante.  ” des épaules et des bras sculptés qui paraissaient copiés sur ceux d’un géant dans un musée” ; On voit bien ici que Zola s’inspire des statues des Dieux grecs qu’on peut admirer dans les musées . La métaphore “des montagnes de chair roulant et durcissant sous la peau ” donne une impression de puissance colossale et c’est l’image du colosse qui nous vient à l’esprit. Mais pour montrer qu’il n’est pas une brute , qu’il possède de la délicatesse, l’écrivain insère des détails comme à la ligne 1 “un regard plein de tendresse confiante ” ou à la ligne 14, “un cou blanc comme un cou d’enfant ” ; En effet, Goujet plaît aux femmes qu’il rassure et avec lesquelles il se montre protecteur; Cette idée est évoquée avec une nouvelle précision à la ligne 15 : “une poitrine vaste, large à y coucher une femme en travers ” . L‘hyperbole reflète , à la fois des proportions impressionnantes mais également cette capacité protectrice. C’est un géant rassurant et doux.

Zola transforme, à la fin du passage, son personnage en Dieu : il décrit une sorte de lumière qui émane de lui , à la ligne 18 “ il faisait de la clarté autour de lui, il devenait beau, tout-puissant, comme un bon Dieu. -” La gradation élève ici le forgeron au rang de divinité de l’Olympe;  l’écrivain emploie , une fois de plus, un registre familier qui imite la façon de parler des ouvriers , comme s’il s’agissait du regard de Gervaise . Cette technique rend le portrait réaliste alors même qu’il s’agit d’une transfiguration. Le forgeron, avec sa barbe blonde devient une figure mythologique, celle du Dieu Vulcain qui forge les armes des Dieux de l’Olympe. A la ligne 10 , Zola indique que sa figure devient “une vraie figure d’or “ .  On y retrouve des éléments réalistes car la “grande flamme de la forge” est mentionnée à la ligne 12  mais  le héros es transforme partiellement en divinité.De plus, le sang qui coule dans ses veines est  qualifié de  “sang pur ” ; C’est une allusion, à la fois ,  au fait que l’ouvrier ne boit pas d’alcool mais ce détail nous fait également penser aux origines divines et aristocratiques des héros.Le sang pur désigne ainsi la valeur aristocratique, la haute-naissance. Zola ici , joue sur la polysémie de l’expression “sang pur”

En transformant un héros ouvrier en Dieu, l’auteur met en valeur son travail et démontre que l’héroïsme n’est pas lié à l’origine sociale d’un personnage . Les ouvriers deviennent les héros de cette époque  qui précède l’industrialisation. Le forgeron effectue un travail d’orfèvre : il excelle dans son art. C’est à la fois un portrait réaliste mais également  un portrait symbolique. Le réalisme , en effet, est un courant littéraire qui apparaît dans la seconde moitié du dix-neuvième siècle et  qui fait la part belle à des personnages jusque là absents de la littérature comme les ouvriers, les marginaux, les pauvres, les exclus de la société .

Pour en savoir plus sur l’Assomoir et sur Zola, vous pouvez consulter le site Mediaclass et lire la vidéo consacrée au roman   https://youtu.be/2c7iBqOUcUc