Emile Zola , chef de file du réalisme et inventeur du courant naturaliste e, compose son premier roman à l’âge de 26 ans ; Il y raconte la rencontre et le meurtre commis par un couple d’amants qui vont assassiner le mari gênant et seront poursuivis par les remords ; L’extrait se situe au chapitre 7 et relate le premier rendez-vous entre Thérèse et Laurent , qui est un collègue de son époux. Nous assistons à la transformation du personnage de Thérèse sous l’effet de la passion amoureuse. Nous y étudierons tout d’abord la métamorphose de l’héroïne avant d’évoquer la vision de la passion selon Zola.
Afin de montrer les changements qui s’opèrent chez le personnage , l’écrivain met en scène ce premier rendez-vous en créant un cadre intime : la jeune femme s’est préparée pour recevoir son amant ; Elle l’attend en sous-vêtements et lui ouvre la porte de sa chambre en camisole , et en jupon . Elle a également tiré ses cheveux ce qui peut changer son visage et son apparence. De plus, elle semble accompagnée d’une mystérieuse lumière blanche qui la rend “éclatante ” et contribue , elle aussi à la transformer “ on eût dit que sa figure venait de s’éclairer en dedans” . Cet éclat qui peut parfois sembler surnaturel , paraît également émaner de l’intérieur même de la jeune femme. Et le champ lexical de la lumière, très présent dans ce passage, contribue à la rendre étrange. ” sur son visage couraient des lumières ardentes “ : Thérèse semble vivre cet amour avec passion et les modifications de son être surprennent son amant qui ne sait plus quoi penser .
“Laurent étonné trouva sa maitresse belle ” : nous savons qu’au départ, ce collègue de Camille n’est pas amoureux de la jeune femme mais qu’il la séduit par désir de confort afin de venir plus souvent chez les Raquin où il se sent bien. Il ne reconnaît pas la jeune femme qui est devant lui : ce que note Zola sous la forme d’un paradoxe : ” Il n’avait jamais vu cette femme ” : ce qui signifie qu’elle est profondément différente de la jeune femme qu’il avait l’habitude de voir. L’auteur marque ainsi la transformation visible du personnage .
Cette transformation qui s’effectue sou l’effet de la passion change la nature profonde du personnage qui devient une sorte de femme- animale et monstrueuse ; En effet, on note qu’elle se révèle à elle-même dans les profondeurs de son être ; Zola fait référence à son “sang africain qui brûlait ses veines ; Il relie ainsi cette évolution du personnage à une forme d’hérédité. La passion la “tirait du sommeil de la chair ” : la métaphore ici traduit l’importance du changement qui survient chez le personnage grâce à ce désir qui s’allume en elle. Les métamorphoses de son visage la rendent “belle d’une beauté étrange ” qui effraie son amant ; Ce dernier est décrit comme “surpris et “mal à l’aise “
A l’occasion de cette première scène d’amour, l’écrivain naturaliste peint , avec précision les effets de la passion sur l’individu ; Ce phénomène provoque , en effet de nombreux changements physiques ; “ cette face d’amante s’était comme transfigurée “; Zola emploie ici un lexique religieux afin de montrer la dimension symbolique des transformations ; Thérèse est même présentée comme folle “ elle avait un air fou et caressant ” ; On peut presque évoquer la beauté du diable qui est une forme de beauté qui attire fortement les hommes mais qui va vite se révéler dangereuse pour eux; Cette séduction qu’exerce Thérèse sur son amant est , en effet, présentée comme , en partie surnaturelle”; “ des flammes s’échappaient de sa chair “ L’hyperbole traduit le caractère diabolique de la passion.
Ce sentiment déséquilibre le système nerveux et conduit à des manifestations physiques telles que “les sanglots, les crises ” de longs frissons l’agitaient ; cette agitation ce désordre des sens accompagnent souvent l’expression de la passion amoureuse .Zola décrit ici les symptômes de l’hystérie féminine telle que les traités de médecine de son époque la considèrent : un dérèglement nerveux dex sens provoqué par une altération de la sensibilité; Sous l’effet de la passion , l’individu devient autre et son corps reflète la violence de ce qu’il ressent ; Ainsi, on peut expliquer l’adjectif “ tordue ” Le corps de la jeune femme ploie littéralement sous la passion et elle se transforme en serpent.
Zola reprend l’archétype de la femme fatale ici sous les traits du serpent ; elle fait preuve d’une force physique peu commune qui effraie son amant qu’elle serre comme si elle allait l’étouffer et ses “instincts de femme nerveuse éclatèrent avec une violence inouïe” . La passion, en effet, reflète toujours une forme de violence dans ses manifestations et lorsque cette violence est féminine, elle est souvent qualifiée d’effrayante et de déstabilisante pour l’homme .