Comment s’y prendre pour analyser tous les aspects d’un personnage dans un roman ?
Un personnage romanesque est un être de papier qu’on ne doit pas confondre avec une véritable personne mais l’objectif des romanciers dits réalistes consiste justement à donner l’illusion la plus parfaite possible que ce personnage imaginaire ressemble à une personne réelle . Construit au fil de la narration, il possède un certain nombre d’attributs que le lecteur doit mémoriser et combiner , en tenant compte des différents points de vue c’est à dire des changements de voix narratives. Le personnage , dans l’esprit du lecteur, est comme une construction faites de milliers de pièces qui s’ajoutent ou disparaissent brutalement. Chaque personnage ne serait en fait “qu’une reconstruction du lecteur autant qu’une construction du texte”, selon Philippe Hamon, un spécialiste de l’étude du personnage. Pour imaginer le personnage, le lecteur s’appuie sur les indices du roman mais également sur sa propre sensibilité et sa capacité à s’attacher, à s’identifier à certains personnages plutôt qu’à d’autres.
Le personnage dans le roman réaliste se veut donc le reflet d’une personne, d’un être vivant et le romancier le dote d’abord d’un nom: ce nom détermine le milieu auquel il appartient et qui va motiver ses actions, le déterminer. L’onomastique donne déjà une indication important sur la manière de concevoir un personnage. Certains personnages n’ont qu’un prénom (Justin, Félicité, Anastasie), d’autres ont juste un nom (Homais,Heureux, Binet) et les plu complexes ont des dénominations variables. Outre le nom qui les désigne, les personnages incarnent un statut social qui est comme une caractéristique permanente. Certains représentent ainsi des types comme le curé, le maire, le médecin, le commerçant cupide et machiavélique. Mais l’auteur travaille souvent la cohérence de son caractère en superposant une part invariable (le type) et une part variable (l’évolution par exemple de l’amour de Charles ). Plus l’importance narrative d’un personnage est marquée, plus sa partie variable augmente. Les figurants sont souvent nombreux et leur simple mention donne une épaisseur de réalité à l’intrigue; Le choix des figurants participe engament au pittoresque, la couleur locale du roman : les noms normands,la paysanne Catherine Leroux, le maître d’école de Charles Bovary, Heloïse Dubuc. Le portrait physique est un élément important mais à la différence du cinéma où l’acteur apparaît dans sa globalité dès la première apparition, les écrivains composent leurs personnages par petites touches successives et ajoutent des détails tout au long de l’intrigue. Le jeu des points de vue contribue à accentuer le caractère malléable des personnages principaux.
Le portrait physique est complété par un portrait moral ou psychologique qui, lui aussi, se construit et se reconstitue à la manière d’un puzzle.
Enfin, un personnage se définit aussi par ses actions: on parle alors de narratologie et de rôle actantiel;
Le schéma narratif de la plupart des oeuvres se résume selon le modèle d’un quête à accomplir et le héros dans sa mission est aidé ou au contraire gêné par des personnages qui sont alors appelés adjuvants et opposants. Dans Madame Bovary, Emma ne rencontre cependant que des opposants ou d faux adjuvants qui la leurrent : seul le temps avant la désillusion est variable mais cette dernière finit par se produire tôt ou tard; La notion même de héros est sujette à caution car si Emma est bien au premier plan, le récit s’ouvre sur Charles et se clôt sur Homais. Aucun personnage n’est héroïque au sens de “réaliser des actions exceptionnelles” ; On pourrait même dire que les personnages de ce roman sont tous des êtres médiocres dont la vie est marquée par la banalité et l’ennui. Pour terminer les études de personnages, il faut élargir les repérages aux réseaux formés par ces derniers au sein d’une oeuvre. Le lecteur, au fil du récit, établit ainsi des rapprochements et des différences significatives entre les amants d’Emma, les membres de la société Yonvilloise, les médecins compétent ou incompétents. Le personnage peut même devenir un modèle comme le bovarysme, formé à partir du personnage d’Emma et qui pourrait es définir par “le pouvoir départi à l’homme de se concevoir autre qu’il n’est” ou l’impuissance de l’homme à se réaliser tel qu’in voudrait être; La conscience de cette différence, de cet écart, le rend alors malheureux. Emma incarne plusieurs facettes du bovarysme mais d’autre personnages pourraient représenter cette sort de loi psychologique.