11. septembre 2022 · Commentaires fermés sur Ce qu’éduquer veut dire : à la recherche de soi.. petit aperçu historique · Catégories: Terminale spécialité HLP · Tags: ,

Lorsqu’on cherche à découvrir l’histoire de notre personnalité et  de ce qui nous constitue en tant qu’être pensant , il parait logique de se tourner vers les origines, l’enfance et l’éducation reçue. En effet, ce qui a fait de nous ce que nous sommes aujourd’hui remonte à nos premiers pas, parfois même avant notre conception; Certains parents rêvent d’enfants imaginaires et projettent , avant même qu’ils soient nés, leurs désirs, à propos de leur éducation et leurs espoirs. Ainsi lorsque l’enfant vient au monde, il entre dans des schémas qui  lui préexistent et auxquels “l’enfant réel ” va devoir se confronter .

En grandissant, l’enfant a besoin d’être soutenu dans ses apprentissages, aimé dans son cercle familial afin de pouvoir se socialiser et interagir ; Peu à peu, sa personnalité va se former et certaines caractéristiques vont se dessiner ; certains enfants sont souriants  et intrépides, d’autres plus méditatifs et réservés; certains peuvent paraître maladroits ou distraits ,  plus lents que leurs frères et soeurs, plus joueurs ou plus rêveurs. Chaque enfant est unique et ne ressemble à aucun autre .

Pendant des siècles, l’enfant était considéré comme une sorte d’argile, de pâte malléable qu’il suffisait de modeler et à laquelle on donnait une certaine forme; Les théories de l’éducation se basaient essentiellement sur l’acte de transmission sans envisager les difficultés parfois inhérentes au processus lui-même  et sans prendre en compte les émotions qui parfois bloquent l’apprentissage .  L’idée du cours est d’amener les élèves à évoquer librement le concept d’éducation en répondant à cette question ” diriez- vous que vous êtes bien élevés ? . Cette question doit leur permettre  de mieux comprendre quelles sont leurs représentations de l’éducation, sous cet angle personnel . 

Spontanément , ils citent les bonnes manières, la politesse , la capacité de s’adapter aux usages en cours et font référence à certaines valeurs morales comme l’amour de son prochain, l’altruisme ou la distinction entre le Bien et le Mal . Ils établissent donc un lien entre le savoir -être et l’éducation reçue:  qu’elle émane soit de la sphère parentale, soit de l’école , soit de la sphère sociale au sens large. ( autrui, nos rencontres ,  nos expériences)   

Dans un second temps, lorsqu’on les questionne sur leurs souvenirs d’école , ils distinguent souvent les apprentissages et le vivre- ensemble; Si quelques uns avouent avoir été heureux de leurs performances scolaires ( résultat brillant à un examen ou acquisition d’une compétence ) , beaucoup font référence à des souvenirs de sorties ou de camaraderies , de découverte d’autrui lorsqu’ils changent d’établissement scolaire , par exemple. Là où les enseignants ne voient souvent que des élèves, eux pensent l’école comme un lieu de vie  et d’expériences et pas seulement un lieu réservé aux apprentissages  et à la transmission des connaissances . 

Le champ des questions dans ce domaine de l’éducation  est riche ; voilà quelques pistes développées notamment par les manuels et que vous êtes libres d’explorer , en vue notamment de la présentation de votre grand oral .

Comment éduque-t-on ? quel espace et quelles pratiques pour l’éducation des enfants ? quel est le but de l’éducation : former des êtres autonomes ou produire des esprits normés prêts à suivre des modèles imposés ?  Citoyens libres ou moutons conservateurs ? L’école permet -elle de s’affranchir des préjugés et de former l’esprit critique de ses futurs citoyens ou n’est-elle qu’une machine à reproduire les inégalités et les schémas de classe ? Existe-il une “école vertueuse ” , une école idéale qui serait profitable à tous ? Doit- on simplement  instruire  à l’école ou contribuer à  éduquer ? Tout le monde peut- il ( doit -il )  avoir accès à la même éducation ? L’école ne doit-elle enseigner que ce qui est utile ? Compétences et savoir-faire sont- ils indissociables du Savoir-être ? Quel sont les principaux débats en sciences de l’éducation ? Qu’est-ce qu’un bon professeur ? Qu’est-ce que la pédagogie ? Comment peut- on apprendre à apprendre ? Sur quels éléments se fonde la relation maître/ élève ? La notion de disciple et de discipline ? Quelle autorité à l’école ? Peut-on éduquer aux émotions et apprendre à les réguler ?

Ces questions nous amènent à réfléchir aux fondements de l’éducation qu’on s’apprête à donner et à celle qu’on a reçue; A mi -chemin de l’enfant que vous étiez encore hier  et de l’adulte que vous deviendrez  demain, il vous appartient de savoir où vous situer et comment vous définir en tant qu’éducateur et en tant que personne . 

Quelques repères chronologiques et quelques références pour commencer à réfléchir ( vous pouvez vous reporter à la synthèse de vos manuels édition Hachette p 36 et 37 ) 

Montaigne , philosophe humaniste, réfléchit dans Les Essais en 1580 à la pertinence de quelques modèles éducatifs; Dans le chapitre intitulé ” De l’institution des enfants “, il évoque les qualités d’un bon précepteur . L’éducateur ne doit pas se contenter de déverser le savoir comme si l’ esprit était un entonnoir ; il a la charge de “mettre l’esprit sur la piste , lui faisant apprécier, choisir et discerner les choses de lui-même” . Il doit permettre à l’élève d’interagir, de dialoguer dans le cadre du cours comme les philosophes de l’Antiquité , notamment Socrate et Platon; qui favorisaient le dialogue comme mode d’enseignement. De plus, le maître doit s’abaisser au niveau de l’élève pour le faire marcher “en montant” ; d’où l’idée d’élever les esprits et de procéder par étapes .

Les Humanistes comme le romancier François Rabelais, ont beaucoup insisté sur la nécessité de réformer l’éducation ; Dans son roman Gargantua qui raconte les aventures d’un jeune roi géant, il démontre la nécessité d’une éducation qui ne comporte pas seulement des lettres mais également des sciences comme l’astronomie, et des activités physiques comme le sport, l’équitation , l’escrime; A table, son précepteur Ponocratès se sert des mets qui lui sont présentés pour le faire ‘deviser joyeusement  de l’efficacité et de la nature des aliments et des plantes” ; Cette initiation aux sciences et vie de la terre se fonde sur la pratique et sera ensuite approfondie par l’étude des textes des Anciens . La méthode utilisée ici est basée sur l’expérimentation : de la pratique , on passe à la théorie et non l’inverse. Lorsqu’une éducation se base essentiellement sur des ouvrages théoriques ( livres, manuels, traités ) , on dit qu’elle est livresque. C’est souvent une critique.

Au siècle suivant, à l’époque classique , on envisage surtout l’éducation par le modèle : il s’agit avant tout , en art notamment, d’imiter la beauté du style des Anciens. C’est par l’imitation des modèles qu’on se figure la perfection ; Il s’agit de refaire en l’améliorant, ce qui se fait déjà. La querelle des Classiques et des Modernes met, ainsi , face à face deux conceptions de l’art . 

Les philosophes des Lumières vont combattre cette théorie  de l’imitation car ils se focalisent sur la dimension émancipatrice de l’éducation qui doit aider les individus à gagner leur Liberté au sein d’une société qui les opprime . Rousseau se lance, en 1762  dans la rédaction d’un Traité sur l’éducation plus connu sous le nom de  l’ Emile; Il y définit certains principes comme le fait que l’éducation ne provient pas seulement des hommes mais également de la nature et des choses . Il pense que “l’enfant ne doit pas recevoir les savoirs mais être amené à s’instruire lui-même ” car il lui faut apprendre à raisonner ; Toute connaissance devrait passer par l’observation et les maîtres doivent choisir un langage “clair simple est froid ” pour parler aux enfants  et leur prodiguer un enseignement qui soit compréhensible; Rousseau pense également que la propriété principale qui distingue l’homme de l’animal est la perfectibilité . L’être humain  n’aurait pas reçu comme les animaux, des facultés grâce à son   instinct; de faible constitution au départ , il doit acquérir tout au long de sa vie, ce qu’il n’a pas reçu à la naissance et il doit tendre à se perfectionner .

Le philosophe Emmanuel Kant accorde une grande importance à l’éducation , pas seulement des individus, mais de l’espèce humaine toute entière ; Selon lui, chaque génération , grâce aux connaissances acquise par les générations précédentes, peut mieux conduire l’espèce humaine à sa destination; On entend par destination une sorte d’accomplissement suprême grâce au développement des facultés de l’être humain. Voilà une partie des idées de son Traité de pédagogie paru en 1803. Ainsi, les bienfaits ( ou les méfaits ) de l’éducation peuvent être abordés sur le plan de l’individu, mais également sur le plan plus large  de la société formée par l’ensemble des citoyens.

Si pendant longtemps, on distinguait le type d’éducation à fournir en fonction de la classe sociale des élèves, c’est au dix-huitième siècle qu’on commence à penser à diffuser plus largement les connaissances; Ainsi l’Encyclopédie poursuit ce but de vulgarisation des Savoirs afin de les rendre accessibles au plus grand nombre . Le succès de cette entreprise contribuera largement à répandre, en Europe, les idées des Lumières; Aujourd’hui, pour décrire les systèmes éducatifs en Europe , on parle d’éducation de masse car on scolarise la quasi-totalité d’une classe d’âge 

Condorcet, mathématicien de formation et philosophe ,  a milité activement  pour que l’éducation des masses soit prise en charge par l’Etat et devienne un instrument au service des valeurs de la République. Il croit en la vertu libératrice du Savoir et selon lui, l’instruction permet le progrès de l’Humanité. L’ignorance asservit et maintient toute forme de domination possible alors que le Savoir permet d’être libre de ses propres choix.  En 1791, deux ans après le début de la Révolution, Condorcet rédige “Cinq mémoires sur l’instruction publique” : ces textes sont la base de notre système éducatif républicain. Rappelons en quelques principes ” Le devoir de la société, relativement à l’obligation d’étendre dans le fait, autant qu’il est possible, l’égalité des droits, consiste donc à procurer à chaque homme l’instruction nécessaire pour exercer les fonctions communes d’homme , de père de famille et de citoyen, pour en sentir, pour en connaître, tous les devoirs .”  

Au dix-neuvième siècle, l’effort de réflexion en matière d’éducation se poursuit et on entrevoit des points de clivage entre partisans d’une éducation “ferme et dirigiste ” et ceux qui souhaitent laisser les enfants plus libres pour développer leur autonomie. Entre autoritarisme et laxisme, quelle est la bonne mesure ? Les partisans d’une école autoritaire cèdent peu à peu du terrain aux partisans des pédagogies alternatives qui prennent davantage en compte les apports des sciences cognitives et les émotions des enfants. 

Le philosophe Nietzche tend à  faire sienne la devise de Pindare, un philosophe du cinquième siècle avant Jesus-Christ : “deviens ce que tu es “ Nietzche réfléchit aux causes du déclin de certaines valeurs  dans son Essai paru en 1889 :  Le crépuscule des Idoles ; Il critique notamment ce qu’il nomme le “dressage brutal ” que l’Allemagne met en oeuvre pour obtenir,  rapidement , grâce à son système éducatif, des individus “utilisables , exploitables”  pour le service de l’Etat”. Le déclin de la culture allemande est, selon lui, lié à la massification de l’enseignement , qui fournit une culture au rabais, destinée au plus grand nombre ; L’éducation est alors gouvernée par l’urgence de former les individus à des professions, à des rôles , au lieu de leur laisser exprimer leur vocation, de comprendre  leur cheminement intérieur. Deux temporalité sont ici opposées . Ce reproche est parfois adressé au système scolaire français qu’on accuse de former des individus conservateurs et disciplinés , prompts à reproduire ce qu’ils connaissent .

La France a connu de nombreuses réformes de son système éducatif : les hussards noirs de la République, selon l’expression inventée par l’écrivain Charles Péguy,  sont devenus des pédagogues et pour certains , des adeptes des  sciences cognitives ou neuro-sciences; L’Université enseigne désormais les Sciences de l’Education ; De nombreux enseignants ont tenté de modifier l’école en inventant d’autres modèles : Célestin Freinet, Maria Montessori et plus récemment Philippe Meirieu , ont étudié le comportement des enfants et réfléchi aux finalités de l’éducation. Si les souffrances de certains enfants sont réelles à l’école, on tente de nos jours de favoriser l’épanouissement individuel grâce à des parcours diversifiés et à des pédagogies différenciées . Mais la communauté éducative est divisée sur des sujets tels que l’inclusion , la prise en compte des “DYS”, le choix des programmes , les relations entre entreprise et école, les modalités des évaluations , locales ou nationales, examen ou contrôle continu. 

Aujourd’hui encore, de nombreux débats agitent les acteurs du système éducatif . L’école idéale existe-t-elle ?  Quel doit être le véritable but de l’instruction ? Comment concevoir cette école idéale , la mettre en oeuvre, en mesurer l’efficacité et la développer ? Doit- on y enseigner l’obéissance ou la liberté ? Une culture populaire ou une culture élitiste ? Les professeurs ont -ils un rôle éducatif à jouer ? Bienveillance au risque de la démagogie ou pression de la sélection et de la performance ? A quoi doit réellement servir l’école ? 

Le chapitre suivant nous conduira sur les voies de notre sensibilité et sur le rôle que jouent les émotions dans la construction du Moi .