05. janvier 2018 · Commentaires fermés sur Dissertons….Les personnages de roman: des frères de sang ou des étrangers ? · Catégories: Divers · Tags:
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Disserter sur les personnages de romans nécessite d’être un tant soit peu familier avec ces drôles de créatures imaginaires qu’on rencontre en tournant les pages d’un livre. Qui sont au juste les personnages pour le lecteur et que représentent-ils vraiment ? L’objectif de cette dissertation est de vous faire découvrir les différents liens qui peuvent unir un lecteur et des personnages. Les théoriciens de la littérature ont même donné un nom spécial à cette notion: ils l’appellent l’effet-personnage. 

Aristote définissait le personnage comme le simple support d’une action et la plupart des romans jusqu’au seizième siècle semblent présenter des types de personnages idéalisés et interchangeables, aux qualités extraordinaires auxquels un lecteur contemporain  a bien du mal à s’identifier; or, en l’absence d’identification produite par le phénomène d’illusion référentielle, le lecteur ne se sent ni proche ni attiré par ces êtres de papier que sont les personnages des romans. Si de nos jours, en effet, les personnages ont tendance à ressembler à des personnes vivantes, cette tendance n’apparaît vraiment qu’au dix-neuvième siècle avec les héros romantiques et surtout après 1850, avec les héros réalistes des grands ensembles de Zola ou de Balzac.Néanmoins, la précision des détails ne suffit pas pour qu’un lecteur se sente attiré par un personnage, il lui faut bien plus qu ‘un portrait physique ou qu’une généalogie.  Pourquoi s’attache-t-on à certains personnages et qu’est-ce qui fait naître cet attachement ?

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C’est l’une des questions à laquelle vous devrez répondre si vous choisssez de traiter ce sujet. L’un des éléments techniques essentiel pour faciliter une proximité entre le personnage et le lecteur, c’est effectivemennt la voix du narrateur car il sert d’intermédiaire entre l’univers de la fiction et celui de la lecture. Fabriquer un personnage c’est d’abord raconter une histopire dont il fait partie et la manière de montrer les actions du personnage détermine souvent notre degré d’attachement. Il est prouvé que les personnages antipathiques, dotés de nombreux défauts sont souvent des repoussoirs pour les ecteurs qui préfèrent les personnages drôles , et plein de surprises. Un personnage banal comme le héros du roman de George Pérec : Un homme qui dort peut paraître peu intéressant pour un lecteur  qui rêve d’une vie palpitante; Pour celui qui rêve de partir à l’aventure, le héros de l’Or de Cendrars ou les personnages voyageurs de Le Clézio sembleront de proches parents. Ceux qui rêvent d’amours exceptionnels  se sentiront attirés par les héros de romans comme Manon Lescault ou par les héros cyniques des  Liaisons Dangereuses de Laclos. Les héros intrépides de Jules Verne ont pu marquer  autrefois de jeunes lecteurs : attirent-ils encore les adolescents ?  Faut-il être un super héros pour plaire à des lecteurs d’aujourd’hui ? Les filles et les garçons sont-ils fascinés par les mêmes personnages ? 

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roman3.jpg, mar. 2016

Sujet : à partir des personnages de romans que vous avez rencontrés , expliquez ce que peut représenter pour le lecteur, un personnage de roman et quels rôles il peut être amené à jouer dans sa vie ? Un être de papier peut-il être amené à jouer un rôle dans la vraie vie de ses lecteurs ?  Pourquoi certains personnages romanesques ont-ils eu un destin extraordinaire au point de devenir des mythes ? 

Découvrez ce qu ‘en pense Albert Camus qui avec son roman l‘Etranger a inventé un drôle de personnage  Jean Baptiste Meursault auquel il est vraiment difficile de s’attacher car il semble n’avoir aucun sentiment hulain. 

Qu’est-ce que le roman, en effet, sinon cet univers où l’action trouve sa forme, où les mots de la fin sont prononcés, les êtres livrés aux êtres, où toute vie prend le visage du destin. Le monde romanesque n’est que la correction de ce monde-ci, suivant le désir profond de l’homme. Car il s’agit bien du même monde. La souffrance est la même, le mensonge et l’amour. Les héros ont notre langage, nos faiblesses, nos forces. Leur univers n’est ni plus beau ni plus édifiant que le nôtre. Mais eux, du moins, courent jusqu’au bout de leur destin, et il n’est même jamais de si bouleversants héros que ceux qui vont jusqu’à l’extrémité de leur passion. […] C’est ici que nous perdons leur mesure, car ils finissent alors ce que nous n’achevons jamais.

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   Mme de La Fayette a tiré La Princesse de Clèvesde la plus frémissante des expériences. Elle est sans doute Mme de Clèves, et pourtant elle ne l’est point. Où est la différence? La différence est que Mme de La Fayette n’est pas entrée au couvent et que personne autour d’elle ne s’est éteint de désespoir. Nul doute qu’elle ait connu au moins les instants déchirants de cet amour sans égal. Mais il n’a pas eu de point final, elle lui a survécu, elle l’a prolongé en cessant de le vivre, et enfin personne, ni elle-même, n’en aurait connu le dessin si elle ne lui avait donné la courbe nue d’un langage sans défaut. I
Albert CAMUS, “Roman et révolte” in L’Homme révolté (1951).

Voir la page originale :

 http://www.site-magister.com/grouptxt4b.htm#ixzz43CBD5CcG
 

Vous consulterez avec profit : les doubles pages de votre manuel 120/121  202/203  274/275  402/403 

Des textes de Sylvie Germain sur les personnages , le site magistère sur le personnage de roman, le site copie double et sa dissertation sur le lien lecteur :personnage, la page révisions du bac du Monde.fr sur le roman et la vision du monde . 

08. décembre 2017 · Commentaires fermés sur La Pérouse dans Les Faux Monnayeurs · Catégories: Divers · Tags:
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Saisir un personnage mineur dans un roman nécessite d’abord et c’est la difficulté principale de se souvenir des passages où il apparait et de se montrer précis dans les références à l’oeuvre; Si Gide ne mentionne qu’une seule fois le personnage de La Pérouse dans son Journal ,  il insère cet pensée dans le cadre d’une réflexion sur les personnages ; En date du 23 février , dans le second Cahier, il se livre à une analyse de ses caractères , commençant par Bernard : “son caractère encore incertain; Au début , parfaitement insubordonné. Se motive , précise et se limite tout le long du livre à la faveur de ses amours….Olivier : son caractère peu à peu se déforme. Il commet des actions profondément contraires à sa nature et à se goûts – par dépit et par violence Un abominable dégoût de lui-même s’en suit. Vincent se laisse lentement pénétrer par l’esprit diabolique. Il se croit devenir le diable et c’est quand tout lui réussit le plus qu’il se croit le plus perdu. ” 

Quant à La Pérouse , Gide se désole d’avoir raté son portrait ; Dix mois plus tard, dans son Journal cette fois en date du 3 novembre , il écrit : “les meilleures parties de mon livre sont celles d’invention pure . Si j’ai raté le portrait du vieux Lapérouse, ce fut pour l’avoir trop rapproché de la réalité;je n’ai pas su, pas pu perdre de vue mon modèle. Le récit de cette première visite est à reprendre. La Pérouse ne vivra et je ne le verrai vraiment que quand il aura complètement pris la place de l’autre. Rien encore ne m’a donné tant de mal;Le difficile c’est d’inventer là ou le souvenir vous retient.”  

Le sujet retenu pour cette dissertation était double : tout d’abord il faisait référence à ce sentiment de ratage exprimé par l’écrivain; Il fallait donc se demander dans un premier temps pourquoi Gide avait le sentiment d’avoir raté ce personnage et ensuite établir un lien avec le fait que ce vieux Lapérouse peut être considéré d’un certain point de vue comme un raté . 

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La seconde difficulté du sujet consistait donc à relier les deux éléments qui forment la problématique et de les associer dans une réflexion autour de la notion de ratage ; beaucoup d’entre vous ont eu accès à un travail publié sur digischool qui porte sur la construction du personnage de La Pérouse (ce document intégral  en trois volets est reproduit et  commenté par mes soins ) ; ce travail extrêmement complet ne permettait de répondre qu’à une dimension de la question: celle des ratés de la vie du personnage; mais attention , un personnage n’est pas une véritable personne et vous devez donc vous demander non pas pourquoi a-t-il raté sa vie mais pourquoi l’écrivain a choisi de construire ce personnage et quel rôle joue-t-il dans le roman ?  Un roman est une sorte d’édifice dont vous ne percevez parfois qu’une façade ou un pan: tentez d’enlever le personnage de Lapéroues des Faux-Monnayeurs et vous constaterez que l’économie du récit est profondément altérée : plus d’intrigue avec Boris , plus de départ à Saas-Fée , plus de diatribe contre Dieu te Diable qui trompent tout le monde , plus de modèle de couple au stade terminal , plus de victime à la pension Vedel du gang des FM… ce qui vous le voyez bien, modifie les lignes narratives du roman et même son architecture. 

Comment pouvait -on s’en sortir ? 

Reprenons les élements donnés par les recherches sur internet et essayons de les exploiter en les mettant en relation avec le sujet proposé..

Je vous reproduis ici les documents …que j’annote en rouge pour pouvoir exploiter leurs informations en lien avec le sujet de dissertation 

Le personnage de La Pérouse n’apparaît pas, a priori, comme l’un des personnages les plus importants des Faux-Monnayeurs d’André Gide… En effet, il apparaît moins  à six reprises seulement et nous ne le rencontrons que par l’intermédiaire de la narration d’ Edouard extraite de son Journal, parfois même lue par Bernard . Pourtant, ce protagoniste du vieux professeur de piano joue un rôle crucial dans le roman.Quelle est l’importance du personnage de La Pérouse ? Comment ce personnage est-il construit ?

Le premier document répond  uniquement à la question : Qui est La Pérouse ?. Il est donc incomplet pour répondre à la  question posée dans la dissertation 

Le personnage de La Pérouse

La Pérouse est le vieux professeur de piano d’Edouard. Il réside à Paris, dans un petit appartement près du boulevard Haussmann, en compagnie de son épouse, Madame de La Pérouse, avec qui il entretient des relations très tendues. Le vieil homme vit dans le dénuement.La Pérouse souffre de solitude, étant donné qu’il ne s’entend plus avec sa femme ; il souffre également de la perte de son frère et de son fils, ainsi que de l’absence de son petit-fils, Boris, qu’il n’a jamais vu : il demandera à Edouard de lui ramener Boris. Dans la troisième partie du livre, La Pérouse a retrouvé Boris, mais ne semble pas s’entendre avec son petit-fils : il assistera d’ailleurs, impuissant, à son suicide. ( à retenir : un vieillard, ami d’Edouard triste, se sent seul et inutile , pauvre et dont la vie paraît ratée ; les traits du personnage valident vraiment  l’idée du raté) 

Présence du personnage de La Pérouse dans le roman

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Le personnage de La Pérouse est présent dans deux chapitres de la première partie du roman, et dans quatre chapitres de la troisième partie du roman.

Partie I, chapitre 13, page 118 à 125

Citation en exergue du chapitre : “On tire peu service des vieillards” – Vauvenargues. ( à exploiter dans la dimension symbolique du personnage ) Le récit de la rencontre d’Edouard avec La Pérouse est raconté dans le journal d’Edouard, et lu par l’intermédiaire de Bernard, qui lit indiscrètement le journal du romancier, trouvé dans la valise qu’il a récupérée à la consigne. Cette rencontre entre Edouard et La Pérouse est datée du 8 novembre.Edouard se rend pour la première fois dans le nouvel appartement du couple La Pérouse, un appartement en entresol, plutôt dénué. Le vieux professeur vit dans le dénuement, il confesse ne plus avoir beaucoup d’élèves, et ne pas se faire payer par les élèves avec qui il aime travailler, comme cette élève qu’il prépare au conservatoire. Il sous-entend qu’il mettra fin à ses jours prochainement.La Pérouse avoue ne plus s’entendre avec son épouse, et confie à Edouard l’existence de son petit-fils, Boris, fils de son fils et d’une de ses élèves russes, qu’il ne connaît pas.Edouard part après lui avoir promis de revenir le voir souvent.

Partie I, chapitre 18, page 156 à 163

La rencontre entre Edouard et La Pérouse est relatée dans son nouveau journal, en date du jeudi, 7 heures.Le conflit entre les époux La Pérouse est étalé au grand jour : Madame de La Pérouse ouvre la porte à Edouard, et se plaint de son époux, qui mange à toute heure du jour et de la nuit, et se relève la nuit pour lire en pleurant des lettres de feu son frère. Monsieur de La Pérouse les interrompt et se plaint de son épouse : elle ouvre toujours les fenêtres, elle mange trop, elle a séparé les meubles entre eux.La Pérouse parle à nouveau de son suicide prochain, et remet à Edouard un titre de rente qu’il veut voir remettre à son petit-fils Boris.Edouard promet d’aller à Saas-Fée, en Suisse, où réside le petit Boris, pour l’amener à La Pérouse avant sa mort.L’ancien élève et le vieux professeur se quittent après une conversation sur l’art : La Pérouse a détesté assister à une représentation d’Hernani de Victor Hugo il y a peu, il décrie également la musique moderne, dissonante, à laquelle il préférerait un accord parfait continu : “Un accord parfait continu ; oui, c’est cela : un accord parfait continu… Mais tout notre univers est en proie à la discordance” (p. 162)

Troisième partie, chapitre 1, pages 221 et 222

Dans le journal d’Edouard en date du 22 septembre : Edouard raconte avoir laissé le petit Boris chez son grand-père ; lorsque Madame Sophroniska est revenue le chercher une heure plus tard, l’enfant boudait seul dans un coin. Edouard note que c’était une erreur de les laisser seuls. (peu utile ) 

Troisième partie, chapitre 3, pages 240 – 247

Journal d’Edouard en date du 29 septembre. Visite d’Edouard à La Pérouse, qui paraît très abattu. Il révèle qu’il a tenté de se suicider le mercredi dernier, après avoir vu Boris, mais qu’il n’a pas trouvé le courage d’appuyer sur la gâchette. Madame de La Pérouse est partie en maison de retraite, mais il lui en veut toujours, notamment d’avoir brûlé les lettres de feu son frère. Edouard propose à La Pérouse d’aller vivre à la pension Azaïs, près de Boris, et annonce qu’il reviendra le chercher le lendemain.

Troisième partie, chapitre 15, pages 342 à 346

Narration extérieure, puis récit d’une visite d’Edouard à La Pérouse, à la pension Vedel, extrait du Journal d’Edouard.La narration extérieure nous informe que La Pérouse, à présent devenu surveillant d’étude à la pension Vedel, est moqué par les élèves de la pension.Edouard trouve que le vieux professeur de piano est affaibli. Il se plaint d’entendre, la nuit, un bruit dans le mur de sa chambre, et de ne pas avoir réussi à lier de véritable relation avec Boris. Il semble craindre les élèves. (dégradation du personnage pour mimer la dégradation de la vieillesse ?

Troisième partie, chapitre 18

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Poussé par ses camarades, Boris se suicide en pleine étude, avec le pistolet de son grand-père que les autres élèves lui ont fourni, et alors que La Pérouse surveille l’étude. Edouard raconte alors sa rencontre suivante avec le vieil homme : La Pérouse ne lui a pas parlé du suicide de Boris ; mais il vivait une crise mystique, se demandant qui, de Dieu ou du Diable, parle, est le moins cruel.Cet épisode clôt quasiment le livre : c’est dire l’importance du personnage dans l’économie du roman (remarque fondamentale ) 

Les modèles du personnage de La Pérouse

Qui a inspiré André Gide pour la création du personnage de La Pérouse ?( ces informations sont importantes pour évoquer les ressemblances avec des modèles qui existent mais elles en sont pas indispensables pour traiter le sujet : il suffit de mentionner les difficultés de Gide à créer ce personnage ) 

Pas Saint-Simon : Gide réfute cette hypothèse (passez assez vite sur ce point peu d’intérêt d’encombrer votre mémoire )

Tout d’abord, notons que dans deux lettres présentées en appendice du Journal des Faux-Monnayeurs, André Gide rejette une source possible du personnage de La Pérouse : le modèle qu’aurait été Monsieur le Prince, tel qu’il est décrit par Saint-Simon dans ses Mémoires. (un premier modèle littéraire En effet, une lectrice, Suzanne-Paul Hertz, écrit à Gide dans ces termes : “L’analogie frappante qui existe entre le mal dont est atteint La Pérouse dans les dernières années de sa vie, et celui dont souffrait Saint-Simon dans ses Mémoires, prouve que Saint-Simon vous a fourni la matière du chapitre III de la troisième partie de votre livre Les Faux-Monnayeurs” (JFM p. 109)Gide reproduit également la réponse qu’il donne à cette lettre, en niant l’influence de Saint-Simon sur la construction du personnage de La Pérouse, et en affirmant que ce personnage a été forgé sur le modèle de son professeur de piano : “Le cas de Monsieur le Prince offre en effet une saisissante analogie avec celui de mon vieux La Pérouse, mais c’est la réalité qui m’en avait fourni le modèle. La Pérouse a été inspiré, et jusque dans son suicide manqué, par un vieux professeur de piano, dont je parle longuement dans Si le grain ne meurt (…)” (JFM pp. 111 – 112)

L’image de Marc de Lanux, le professeur de piano (à citer , modèle plus intéressant) 

Ce “vieux professeur de piano, dont [Gide] parle longuement dans Si le grain ne meurt” (JFM, p. 112), c’est Marc de Lanux. Plusieurs traits de La Pérouse sont inspirés directement de l’ancien professeur de piano de Gide : le “suicide manqué” du personnage, qui ne trouve pas le courage d’appuyer sur la gâchette ; mais aussi son trouble, lorsqu’il vit à la pension Vedel, et qu’il croit entendre un bruit dans le mur.Un autre épisode semble être en partie inspiré par l’histoire de Marc de Lanux : il s’agit de l’épisode des lettres brûlées par Madame de La Pérouse. En effet, La Pérouse se relève la nuit pour lire les lettres de feu son frère, et Madame de La Pérouse, exaspérée, décide un jour de brûler cette correspondance : “Savez-vous ce qu’elle a fait, avant de partir ? Elle a forcé mon tiroir et brûlé toutes les lettres de feu mon frère. Elle a toujours été jalouse de mon frère ; surtout depuis qu’il est mort. Elle me faisait des scènes quand elle me surprenait, la nuit, en train de relire ses lettres (…) On l’aurait dite pleine d’attentions ; mais je la connais : c’était de la jalousie. Elle n’a pas voulu me laisser seul avec lui.” (p. 245)Cet épisode est inspiré de deux événements :Une expérience de Marc de Lanux : dans son Journal, Gide raconte que son professeur de piano aimait relire la correspondance qu’il entretenait avec son frère ; un jour, en trouvant les lettres en désordre, il se rendit compte que sa femme avait lu la correspondance, et il résolut de la brûler.Une expérience de Gide lui-même : au retour d’un voyage en Angleterre avec son amant Marc Allégret, Gide réalisa que son épouse, Madeleine, jalouse, avait brûlé toute leur correspondance ; il vécut cette révélation comme un drame.Le personnage de La Pérouse s’inspire donc du professeur de piano d’André Gide... Mais aussi d’André Gide lui-même ! En fait l’écrivain s’est servi d’anecdotes personnelles et a fondu en un personnages à la  fois des éléments de sa biographie et des souvenirs ” Il a l’impression que c’est un portrait raté peut être parce que ce portrait reste trop marqué justement par les souvenirs mais pour le lecteur qui ignore les détails de le vie de l’écrivain, cet effet n’est pas du tout le même ; On pouvait donc construire une partie de la dissertation sur l’existence de ses ouvenirs personnels (le point de vue de Gide ) et ensuite le point de vue du lecteur 

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La Pérouse, héritier de Gide ? (les ressemblances entre le personnage et l’écrivain sont intéressantes à citer  mais on pourrait presque faire ce travail sur n’importe lequel des personnages du roman  en partant du principe simple qu’un auteur met toujours un peu de lui dans ses personnages ; Cette enquête a donc un intérêt limité ) 

En effet, le personnage de La Pérouse pourrait s’inspirer, au moins en partie, de l’auteur lui-même.Tout d’abord, rappelons l’épisode des lettres brûlées, qui, nous l’avons vu, est inspiré autant de Marc de Lanux que de Gide lui-même.De plus, comme le note Pierre Masson dans Lire les Faux-Monnayeurs, “La Pérouse (…) rêve que la vie soit “un accord parfait continu”, un peu comme Gide qui, dépossédé de ses lettres, s’écriait : “Mon oeuvre ne sera plus jamais que comme une symphonie où manque l’accord le plus tendre”” (Masson, P. ; Lire les Faux-Monnayeurs, p. 19) : ainsi, chez Gide comme chez La Pérouse, on retrouve non seulement l’intérêt pour la musique, mais aussi l’adéquation entre le thème de la musique et celui de la vie.Enfin, comme le rappelle encore Pierre Masson, le mysticisme de La Pérouse à la fin du roman “pourrait rappeler celui que Gide ressentit pendant la guerre.” ; On pourrait retirer cette partie : les ressemblances enter Gide et Lapérouse. 

La difficulté de créer un personnage nouveau= un leitmotiv dans le Journal 

Malgré les modèles du personnage de La Pérouse, Gide a également taché de créer un personnage indépendant ; en témoigne ce passage du JFM où il explique devoir réécrire le portrait de La Pérouse, pour le séparer davantage de ses modèles : “Si j’ai raté le portrait du vieux Lapérouse (sic), ce fut pour l’avoir trop rapproché de la réalité ; je n’ai pas su, pas pu perdre de vue mon modèle. Le récit de cette première visite est à reprendre. Lapérouse ne vivra et je ne le verrai que quand il aura complètement pris la place de l’autre. Rien encore ne m’a donné tant de mal. Le difficile c’est d’inventer, là où le souvenir vous retient.” (JFM pp. 75 – 76) (ce travail finit donc sur la citation alors que votre dissertation prenait justement appui sur cette dernière ) 

La Pérouse second volet: ils abordent dans cette seconde fiche les échecs du personnage et ses liens avec les thème principaux du roman ...

La critique de la famille d’André Gide

Le thème de l’échec du modèle familial est très présent dans l’œuvre d’André Gide. Ainsi, il écrivait dans les Nourritures terrestres (1897) : “Familles ! Je vous hais ! Foyers clos ; portes refermées ; possessions jalouses du bonheur.” Cette thématique est aussi présente dans les Faux-Monnayeurs : ainsi, Edouard envisage d’intituler l’un des chapitres de son roman “Le régime cellulaire”, et se propose pour épigraphe : “La famille… cette cellule sociale” de Paul Bourget.Pour Gide, la famille est un endroit clos, dans lequel le bonheur ne peut s’accomplir. Ceci s’illustre chez nombre de personnages du roman, mais particulièrement, peut-être, dans le personnage de La Pérouse, qui échoue en tant que mari, en tant que père, et en tant que grand-père.

La Pérouse : l’échec d’un mari

Le couple La Pérouse

La Pérouse dit avoir aimé sa femme, dans les premiers temps de leur mariage : “Les premiers temps de notre ménage avaient été charmants. J’étais très pur quand j’avais épousé madame de La Pérouse. Je l’aimais avec innocence… oui, c’est le meilleur mot, et je ne consentais à lui reconnaître aucun défaut. Mais nos idées n’étaient pas les mêmes sur l’éducation des enfants.” (p. 123)C’est donc l’éducation de leur fils qui sépara les époux La Pérouse. Il est fait par La Pérouse un portrait très dur de son épouse : “Elle devient complètement folle. Elle ne sait plus quoi inventer” (p. 122). Le vieil homme fait à Edouard le récit de leurs disputes : Madame de La Pérouse espionnerait Monsieur de La Pérouse, lui reprochant de manger de nuit, tandis qu’il lui reproche de trop manger ; elle aurait partagé les meubles de l’appartement ; elle ouvre toujours les fenêtres en prétendant étouffer… et elle finira par brûler les lettres du défunt frère de La Pérouse. La rupture du couple est consommée dans la troisième partie du roman : Madame de La Pérouse part en maison de retraite, tout en pensant que son mari l’a faite enfermer dans un asile d’aliénés. Le portrait de Madame de La Pérouse est donc extrêmement péjoratif, d’autant qu’Edouard commente également : “Ses traits m’ont paru plus durs, son regard plus aigre, son sourire plus faux que jamais” (p. 156) (on note ici qu’Edouard prend le parti de son professeur de piano mise lecteur peut s’interroger sur son objectivité car la scène est toujours vue à travers son Journal ) 

La critique du modèle conjugal

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L’échec du couple participe à la critique du modèle conjugal, comme le commente Edouard : “Il reste que voici deux êtres, attachés l’un à l’autre pour la vie, et qui se font abominablement souffrir. J’ai souvent, remarqué chez des conjoints, quelle intolérable irritation entretient chez l’un la plus petite protubérance du caractère de l’autre, parce que la “vie commune” fait frotter celle-ci toujours au même endroit. Et si le frottement est réciproque, la vie conjugale n’est plus qu’un enfer” (FM, p. 157)Cette critique participe bien sûr du thème de la décristallisation de l’amour, présent dans le Journal des Faux-Monnayeurs : “Si la “cristallisation” dont parle Stendhal est subite, c’est le lent travail contraire de décristallisation, le pathétique ; à étudier. Quand le temps, l’âge, dérobe à l’amour, un à un, tous ses points d’appui (…)” (JFM, p. 35)

La Pérouse : l’échec d’un père

La Pérouse a échoué en tant que père. Son fils est absent du roman : il est déjà mort quand on parle de lui, un mystère semble entourer son existence, son prénom n’est pas mentionné, Edouard lui-même ignorait que son vieux professeur de piano ait eu un fils : “Je fis un geste d’étonnement, car je croyais le ménage La Pérouse sans enfants. Il releva son front, qu’il avait gardé dans ses mains, et, sur un ton plus calme : “Je ne vous ai jamais parlé de mon fils ? … Ecoutez, je veux tout vous dire. Il faut aujourd’hui que vous sachiez tout. Ce que je vais vous raconter, je ne puis le dire à personne…” (FM, p. 123)Le fils de La Pérouse aurait conspiré contre lui, avec son épouse : “C’est maintenant seulement que je comprends que toute ma vie j’ai été dupe. Madame de La Pérouse m’a roulé ; mon fils m’a roulé ; tout le monde m’a roulé (…)” (p. 120) ; “Ils se concertaient contre moi. Elle lui apprenait à mentir…” (p. 123).Le fils de La Pérouse a entretenu une liaison avec l’une des élèves du professeur, une jeune Russe ; et le couple illégitime est parti en Pologne et a vécu avec elle plusieurs années, avant de mourir. 

La Pérouse : l’échec d’un grand-père

L’absence de Boris

La Pérouse est aussi un grand-père : de l’union entre son fils et son élève est né le jeune Boris, alors âgé de treize ans. Dans la première partie du roman, le vieil homme ne connaît pas son petit-fils, et il en souffre : “Ses yeux s’étaient de nouveau remplis de larmes ; il tendait la main vers la photographie, comme désireux de la reprendre vite” (p. 124)Aussi à la fin de la première partie du roman Edouard promet-il à La Pérouse de lui amener son petit-fils, dont il avait appris le lieu de résidence : à Saas-Fée, en Suisse.

Une rencontre stérile :  mais une fausse piste réussie 

Cependant, la rencontre entre le vieil homme et Boris se passe mal, ce qui est d’autant plus tragique que le vieil homme a attendu de nombreuses années ces retrouvailles, et a même reculé la date de son suicide, afin de pouvoir rencontrer l’enfant.Ainsi, Edouard a laissé seul le petit Boris avec son grand-père pendant une heure, pour leur première rencontre : “Sophroniska a trouvé le vieux assis devant une paire de dames ; l’enfant, dans un coin, à l’autre bout de la pièce, boudait. “C’est curieux, a dit La Pérouse tout déconfit ; il avait l’air de s’amuser ; mais il en a eu assez tout à coup. Je crains qu’il ne manque un peu de patience…” C’était une erreur de les laisser seuls trop longtemps.” (p. 222) La distance entre Boris et La Pérouse ne cesse de croître, même lorsqu’ils habitent sous le même toit, puisque La Pérouse surveille l’étude de la pension Azaïs, où Boris étudie : “(…) Vous savez, il ne me parle pas beaucoup. Il est très renfermé… Je crains que cet enfant n’ait le cœur un peu sec” (p. 345). La Pérouse raconte encore comment son petit-fils ne se retourne pas pour lui dire au revoir, quand il part au lycée.L’échec de cette rencontre est d’autant plus tragique que La Pérouse semble n’être retenu à la vie que par Boris : ainsi, au chapitre III de la partie III, il prétend ne plus vivre, avoir voulu se suicider le jour de sa rencontre avec Boris, et seule cette évocation lui rend le sourire : “”Depuis mercredi soir, Monsieur de La Pérouse a cessé de vivre” (…) “N’est-ce pas précisément mercredi que le petit Boris est venu vous voir ?” Il tourna la tête vers moi ; un sourire, comme l’ombre de celui d’autrefois, au nom de Boris, éclaira ses traits (…)” (p. 241).

La mort de Boris

La mort du petit Boris est, en quelque sorte, le point d’orgue de l’échelle des valeurs familiales, incarnées dans le personnage de La Pérouse.

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Les circonstances de la mort de Boris : une responsabilité de La Pérouse ?

Tout d’abord, rappelons les circonstances de la mort du petit Boris : celui-ci se donne la mort, en pleine étude, poussé par ses camarades de la “confrérie des hommes forts.”Si La Pérouse n’est pas directement responsable de cette mort tragique, mi-suicide, mi-meurtre, les circonstances accentuent une impression de culpabilité :Tout d’abord, La Pérouse surveillait l’étude lors de la mort de son petit-fils, et lui adressa les dernières paroles qu’il entendit : “La Pérouse se pencha. Et d’abord il ne comprit pas ce que faisait son petit-fils, encore que l’étrange solennité de ses gestes fût de nature à l’inquiéter. De sa voix la plus forte, et qu’il tâchait de faire autoritaire, il commença : “Monsieur Boris, je vous prie de retourner immédiatement à votre…” (p. 374)De plus, Boris met fin à ses jours avec son pistolet, le pistolet qu’il réservait à son propre suicide : “Mais soudain il reconnut le pistolet ; Boris venait de le porter à sa tempe.” (p. 374)La Pérouse demeure immobile : “La Pérouse comprit et sentit aussitôt un grand froid, comme si le sang se figeait dans ses veines. Il voulut se lever, courir à Boris, le retenir, crier… Une sorte de râle rauque sortit de ses lèvres ; il resta figé, paralytique, secoué d’un grand tremblement” (p. 374)Enfin, rappelons que l’échec des relations entre La Pérouse et son petit-fils est également une des raisons du drame : si la communication avait été possible, peut-être le grand-père aurait-il réalisé les circonstances dans lesquelles Boris se trouvait (désespoir après la mort de Bronja, influence néfaste des camarades de classe).

L’ironie tragique de la mort de Boris

La mort de Boris pourrait relever de l’ironie tragique, c’est-à-dire qu’elle aurait pu être précipitée par La Pérouse… alors même que ses intentions étaient absolument contraires !La Pérouse voulait une véritable relation familiale avec Boris, mais l’échec de leur rencontre a renforcé la solitude et la vulnérabilité de Boris…… et surtout, La Pérouse a été incapable de mettre fin à ses jours alors qu’il le désirait (“Et je n’ai pas tiré. Je n’ai pas pu… Au dernier moment, c’est honteux à dire… je n’ai pas eu le courage de tirer” p. 243), et c’est finalement son petit-fils qui meurt, par l’arme qui devait être l’instrument de la mort de La Pérouse, alors même qu’il voulait préserver sa vie.(on peut y voir une réussite du diable et également de l’écrivain avec cette ironie tragique ) 

La Pérouse, anéanti par la mort de Boris

La mort de Boris sacre l’échec des valeurs familiales pour La Pérouse : il est anéanti par la mort de son petit-fils, non pas anéanti de douleur, mais bien anéanti en tant qu’homme.Ainsi, lorsqu’Edouard lui rend visite, La Pérouse ne lui parle pas du suicide de son petit-fils, alors même qu’il s’est produit sous ses yeux : il évoque la fin du bruit qu’il entendait dans le mur, et la lutte entre le divin et le démon.La Pérouse, personnage qui se définit régulièrement par ses relations familiales, est réduit à néant par leur échec. Le roman se clôture sur l’image du vieil homme détruit, soulignant ainsi son importance dans le roman.

Le personnage de La Pérouse représente donc l’échec des valeurs familiales traditionnelles : il s’agit donc bien volontairement de faire le portrait d’un homme quia raté sa vie familiale notamment et qui s’est montré incapable de nouer ou de conserver des relations avec son fils et son petit-fils ; l’échec de sa relation avec Boris redouble l’échec qu’il a essuyé avec son fils. La tentative de réparation avec la génération suivante  se solde à nouveau par un cuisant échec. De plus l’élement féminin dans le roman apparaît ici de manière presque caricaturale comme un facteur de séparation entre les hommes de la famille . Madeleine, la femme de Gide lui a fait plusieurs scènes terribles quand il l’a quittée pour vivre avec Marc Allégret. 

La troisième partie de cette étude aborde la dimension symbolique du personnage . 

La Pérouse, seul protagoniste d’homme âgé des Faux-Monnayeurs de Gide, est l’incarnation, dans le roman, de la vieillesse.

Le portrait de la vieillesse 

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La Pérouse est le seul personnage de vieillard du roman : il est caractérisé par son âge, et ce dès la première description dont il fait l’objet, dans le récit du mariage de Laura, où il joue de l’orgue : “Le vieux La Pérouse à l’harmonium ; son visage vieilli, plus beau, plus noble que jamais, mais son œil sans plus cette flamme admirable qui me communiquait sa ferveur, du temps de ses leçons de piano” (FM, p.101). La vieillesse de La Pérouse est rattachée à la noblesse, mais aussi à la perte de l’élan, du personnage. Dans son Journal, Gide caractérise également toujours La Pérouse par son âge : il l’appelle ainsi le “vieux Lapérouse” (JFM, p. 75), ou encore, plus affectueusement, “mon vieux” (JFM, p. 111). Enfin, la vieillesse de La Pérouse est soulignée par la citation mise en exergue au début du chapitre XIII de la première partie : “On tire peu de service des vieillards” (Vauvenargues, FM p. 118) ; une citation qui rappelle l’inutilité des vieillards dans la société ; ce que rappelle La Pérouse lui-même.Le personnage de La Pérouse souligne l’originalité qu’est la présence d’un personnage de vieux dans un roman, et explique cela par le désintérêt des jeunes, et donc des écrivains, envers la vieillesse : “Pourquoi est-il si rarement question des vieillards dans les livres ?… Cela vient, je crois, de ce que les vieux ne sont plus capables d’en écrire et que, lorsqu’on est jeune, on ne s’occupe pas d’eux. Un vieillard ça n’intéresse plus personne…” (FM, p. 120) En outre, La Pérouse met en scène cette vieillesse, en s’illustrant comme quelqu’un de véritablement conformiste : il raconte ainsi à Edouard avoir été scandalisé par l’immoralité d’une pièce de Victor Hugo à laquelle il a assisté, Hernani, une pièce qui avait été jugée immorale et choquante lors de sa première représentation en…1838. Ce personnage incarne donc également  un monde révolu et des valeurs désuètes qui appartiennent aux générations précédentes ; on peut souligner son originalité dans la mesure où les romans ne donnent généralement que très peu de place au vieillards ; Sur ce point on pourrait parler de réussite ; Gide a réussi à se montrer original en faisant  le choix de ce portrait de vieillard.

La déchéance physique Cette déchéance physique est marquée dès la première visite d’Edouard à son ancien professeur : la tenue de La Pérouse est très négligée : “Il était en bras de chemise et portait sur la tête une sorte de bonnet blanc jaunâtre, où j’ai fini par reconnaître un vieux bas (de madame de La Pérouse sans doute) dont le pied noué ballottait comme le gland d’une toque contre sa joue” (FM, p. 118). Cette déchéance se ressent, plus généralement, dans l’attitude du vieillard : il “trott[e] à petits pas” (p. 119).

La déchéance sociale Cette déchéance physique est à liée à une déchéance sociale : plus personne ne vient voir les époux La Pérouse. Ainsi, voici l’échange qu’il a avec Edouard, lorsque celui-ci le croise au mariage de Laura : “Il m’a dit un peu tristement, mais sur un ton où n’entrait nul reproche : “Vous m’oubliez un peu, je crois.” Prétexté ne sait quelles occupations pour m’excuser d’être resté si longtemps sans le voir ; promis pour après-demain ma visite” (FM, p. 103)Edouard se rend compte de la solitude du couple La Pérouse : “C’est madame de La Pérouse qui est venue m’ouvrir. Il y avait plus de deux ans que je ne l’avais revue ; elle m’a pourtant aussitôt reconnu. (Je ne pense pas qu’ils reçoivent beaucoup de visites)” (FM, p. 156).

La déchéance professionnelleLa Pérouse n’a plus besoin de s’habiller ou de bien se tenir, car il n’a plus d’occupation professionnelle. Le professeur de piano a perdu ses élèves, ses méthodes d’enseignement sont démodées : “C’est comme pour les leçons que je donne : les élèves trouvent que mon enseignement les retarde ; elles veulent aller plus vite que moi. Elles me lâchent… (…)” Il ajouta à voix si basse que je l’entendis à peine : “Je n’en ai presque plus…”” (FM, p. 119) Cette déchance professionnelle amène La Pérouse à reconsidérer son utilité dans la société, et par conséquent à envisager le suicide : “Je sais qu’il sera temps bientôt. Je commence à gagner moins que je ne coûte ; et cela m’est insupportable. Il est un certain point que je me suis promis de ne pas dépasser” (FM p. 121)Effectivement, La Pérouse apparaît comme un homme profondément désespéré, voire dépressif – une situation à relier à sa vieillesse.

Un homme dépressif

La tristesse

Dans les Faux-Monnayeurs, La Pérouse est d’emblée qualifié de triste : “j’ai senti, dans le sourire qu’il m’adressait, tant de tristesse (…)” (p. 101), “il m’a dit un peu tristement (…)” (p. 103). La Pérouse est effectivement un homme profondément malheureux : lorsqu’Edouard lui rend finalement visite, il ne peut que constater son profond désespoir : “Le soir tombait. Je ne distinguais déjà presque plus les traits de mon vieux maître ; mais soudain a jailli la lueur du réverbère voisin, qui m’a montré sa joue luisante de larmes” (FM, p. 120).Cette tristesse est à rapprocher de la grande solitude de La Pérouse : il ne s’entend plus avec sa femme, il a perdu son fils, il n’a jamais connu son petit-fils Boris, dont on lui a longtemps caché l’existence… Après les retrouvailles avec Boris, la tristesse du vieil homme naîtra de leur impossibilité à s’entendre.

La méfiance envers les autres

Si La Pérouse est un homme seul, cette solitude est encore accentuée par la méfiance qu’il entretient envers les autres : ainsi, il est persuadé d’une conspiration générale envers lui. “C’est seulement maintenant que je comprends que toute ma vie j’ai été dupe. Madame de La Pérouse m’a roulé ; mon fils m’a roulé ; tout le monde m’a roulé ; le Bon Dieu m’a roulé…” (FM, p. 120). Il sombre alors dans une paranoïa qui es rapproche de la folie et qui motivera les hallucinations auditives dans la pension. 

Un comportement caricatural

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La Pérouse met en scène son mal-être avec un comportement pour le moins caricatural, qui s’illustre à plusieurs reprises dans le roman. Ainsi, lorsqu’Edouard lui rend visite après lui avoir amené le petit Boris, La Pérouse s’obstine à parler de lui-même à la troisième personne, comme s’il était quelqu’un d’autre, et en prétendant être mort – à tel point qu’Edouard doit “entrer dans son jeu”, comme s’il était un enfant, pour communiquer avec lui : “”Monsieur de La Pérouse n’a pas de fièvre. Il n’a plus rien. Depuis mercredi soir, Monsieur de La Pérouse a cessé de vivre.” J’hésitais si le mieux n’était pas d’entrer dans son jeu” (p. 241).Cette mise en scène caricaturale de son mal-être ne fait que s’accentuer dans la troisième partie du roman : par exemple, lorsqu’Edouard lui rend visite au chapitre XV, il montre son mal-être physique en assurant aller très bien :“Il s’est replié sur un des bancs, tout de biais, après de vains efforts pour introduire sous le pupitre ses jambes trop longues. “Non, non. Je suis très bien, je vous assure.” Et le ton de sa voix, l’expression de son visage, disaient : “Je suis affreusement mal et j’espère que cela saute aux yeux ; mais il me plaît d’être ainsi ; et plus je serai mal, moins vous entendrez ma plainte.”” (p. 343 ) Il continue à se comporter ainsi avec Edouard : “J’ai taché de plaisanter, mais n’ai pu l’amener à sourire. Il affectait une manière cérémonieuse et comme gourmée, propre à maintenir entre nous de la distance (…)” (p. 343). Ce comportement caricatural ne cessera de s’accentuer jusqu’à la crise mystique de La Pérouse, dans le dernier chapitre du roman.Gide a réussi à construire la dégradation du personnage pour aboutir à cette crise mystique essentielle dans le roman . 

Le désir de la mort : un thème essentiel 

En outre, le mal être profond du personnage s’illustre également dans son désir de mettre fin à ses jours.

La volonté de se suicider

Le thème du suicide parcourt les Faux-Monnayeurs, mais c’est La Pérouse qui l’introduit. Ce désir de mort est la conséquence du sentiment dépressif du personnage.Ainsi, dès qu’Edouard lui rend visite pour la première fois dans les FM, La Pérouse évoque son suicide prochain, en s’interrogeant également sur sa moralité : “Est-ce que vous trouvez, vous aussi, que c’est mal ? Je n’ai jamais pu comprendre pourquoi la religion nous interdisait cela” (FM p. 121).Dans la troisième partie du roman, La Pérouse raconte à Edouard ne pas avoir eu le courage de se suicider, alors même qu’il avait arrêté la date de sa mort ; suite à cela, Edouard demande à ce qu’il lui remette ses pistolets, mais La Pérouse s’y refuse, prétextant le souvenir de son frère : “Vous n’avez plus de crainte à avoir. Ce que je n’ai pas fait ce jour-là, je sais que je ne pourrai jamais le faire. Mais ils sont le seul souvenir qu’il me reste à présent de mon frère, et j’ai besoin qu’ils me rappellent également que je ne suis qu’un jouet entre les mains de Dieu” (FM p. 246) Ces paroles rappellent l’ironie tragique du dénouement du roman, puisque c’est finalement Boris, le petit-fils bien-aimé de La Pérouse, qui mettra fin à ses jours devant son grand-père, avec ces mêmes pistolets. Des trois personnages ayant un lien avec le suicide dans le roman, La Pérouse est le seul qui ne met pas en acte ses pensées suicidaires – Olivier fait une tentative de suicide ratée, Boris meurt d’un suicide qui est aussi un meurtre – et pourtant, c’est bien lui le plus malheureux.

L’étrange maladie

Dans le Journal des Faux-Monnayeurs, André Gide rapproche la tentative de suicide de La Pérouse du mal dont il souffre à la fin du roman – en rappelant que les deux éléments, qui rappellent la déchéance du vieil homme, viennent du personnage de Marc de Lanux. En effet, La Pérouse entend un bruit dans le mur, près de son lit, qui reste inaudible à Edouard : “On dirait un grignotement. J’ai tout essayé pour ne plus l’entendre” (FM, p. 345)Ce n’est qu’après la mort du petit Boris que La Pérouse cessera d’entendre ce bruit.

La Pérouse incarne, également  dans le roman, le thème de la vieillesse ; vieil homme triste et solitaire, il sombre dans la dépression tout au long du roman. Pourtant, si la tristesse montrée par La Pérouse touche parfois à la caricature, le vieux professeur de piano n’accomplira pas son désir de suicide : c’est Boris, la seule lumière dans la vie du vieil homme, qui, ironiquement, se suicidera sous ses yeux. André Gide clôt le roman les Faux-Monnayeurs sur une description de La Pérouse, qui semble avoir perdu tout sens de la réalité, puisqu’il n’évoque même pas la mort terrible de Boris, et qu’il paraît être en proie à un délire mystique. La déchéance du vieil homme s’est donc poursuivie tout au long du roman. Le portrait ne semble pas du tout raté pour le lecteur; Au contraire, il a pu entrevoir à travers le personnage les thèmes essentiels du roman et un certain nombre de réflexions philosophique sur la relation de l’homme avec sa mort et les conséquences du très grand âge, la décristallisation amoureuse , la difficulté des relations familiales ; C’est un portrait particulièrement réussi pour le lecteur car il concentre véritablement la plupart des thèmes du roman qu’il montre à leur paroxysme.   Le vieux Lapérouse illustre à la fois L’homme face à sa famille, l’homme face à l’amour et l’homme face à Dieu là où justement la plupart des personages gidiens n’incarnent qu’un de ces trois aspects;, en 6 apparitions et  à lui seul, il réunit les trois dimensions . 

Voilà un plan détaillé possible 
 I Le personnage La Pérouse peut sembler à Gide un portrait raté ...car (recherche des causes ..) 

1, Il n’ apas totalement réussi à s’affranchir des modèles 

s’est inspiré de son prof de piano et de certains de se souvenirs (citer ce que vosu pouvez )  : n’a pas réussi à se détacher, à innover suffisamment 

2. il n’a pas réussi à créer un personnage indépendant : n’est qu’un liant avec Edouard 

Les rencontres ne sont vues que par Edouard , dans son Journal et le personnage n’a pas d’existence autonome ; il est juste imbriqué dans une narration qui  ne relate que des bribes éparses de son existence ( narration de la visite d’Edouard , crise mystique ) ; il ne laisse pas vraiment de souvenir marquant pour certains lecteurs qui le détestent 

3. Il n’a pas réussi à créer un personnage auquel on s’attache (discutable ) 

personnage agaçant, pathétique mais dépressif et geignard : mésentente conjugale sordide, a des côtés d’enfant capricieux ; la dimension pathétique est parfois concurrencée par une forme de comportement caricatural qui laisse peu de place à l’émotion 

 II En fait c’est vraiment le portrait total  d’un immense ratage , un véritable naufrage voulu par Gide pour les besoins de sa démonstration 

1. Une vie entièrement marquée par les échecs ; 

(citer tous les échecs )  

le domaine professionnel, (n’a plus d’élèves et ensuite en sera pas respecté mais moquée il  est devenu manifestement impropre à ce qu’on attendait de lui (phrase très dure à la fin du roman quand les parents retirent leurs élèves de la pension ) 

  le domaine familial : mari aigri, couple qui traduit la décristallisation , père et grand-père qui échoue à nouer le lien 

2. un homme dégradé par sa vieillesse 

Gide a surtout réussi le portrait d’un homme rongé par la vieillesse : c’est une longue dégradation pour le personnage et une réflexion sur la place des vieux dans la société; un portrait original car rare dans les romans (citation de Vauvenargues) 

3. un homme tenté par le désir d’en finir 

il rate son suicide (encore un échec peut être mai peut- être pas ) car cela peut aussi  être le signe que la vie le retient pourtant en dépit de ses malheurs ; Gide très préoccupé par cette question qui es reflète dans le roman .

III Et c’est pour cela que c’est une véritable réussite d’avoir concentré autant de choses importantes dans un seul personnage mineur 

1. Lapérouse est un concentré des thèmes essentiels du roman : 

on le voit peu mais il véhicule des idées essentielles au yeux de l’auteur notamment l’ironie du sort avec la scène du suicide de Boris sous ses yeux : il réunit à leur paroxysme des interrogations sur la famille et la difficulté des relations intergénérationnelles; le thème du batârd est également convoqué avec les circonstances de la naissance de Boris  

2. C’est un instrument déterminant pour la construction du récit : 

la visite d’Edouard génère le départ à Saas-fée  et le changement de cadre, l’arrivée de nouveaux personnages et le retour à Paris avec le passage obligé par la pension Vedel qui devient alors centrale dans l’intrigue   : il éclaire le personnage d”Edouard d’un jour nouveau et sera l’instrument du destin ; son rôle dans l'architecture narrative est primordial ; 

<p>3; c’est le personnage de clôture qui rappelle le rôle  central du démon 

la crise mystique qui marque le dénouement nous rappelle que l’auteur l’a choisi lui  pour le final : il  a donc le mot de la fin alors que Bernard et même Edouard passent au second plan ; il considère que son petit-fils a été plus courageux que lui ..il est devenu manifestement impropre à ce qu’on attendait de lui mais il sourit quand Edouard vient le retrouver à la pension après la mort de Boris (Edouard s’attendait à des larmes ) ; là encore Gide a réussi à éviter l’évolution prévisible du personnage (thème de la fausse piste ) ; Lapérouse semble apaisé dans le silence : il s’exprime comme un musicien “Nous n’avons pas d’oreilles pour écouter la voix de Dieu ..le diable et le bon Dieu ne font qu’un ..il s’amuse avec nous comme un chat avec la souris qu’il tourmente.La cruauté voilà le premier des attributs de Dieu .. Edouard y voit “une indirecte expression de sa douleur, trop étonnante pour pouvoir être contemplée fixement ” Cette dernière phrase à elle seule atteste de l’importance du personnage 

 

 

 

 

 

05. décembre 2017 · Commentaires fermés sur Gide : un roman où on se perd ? · Catégories: Divers
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La dissertation de la semaine se base sur une citation quelque peu ironique d’un critique littéraire contemporain : dans son Journal, Gide se plaint à plusieurs reprises d’avoir accumulé trop de matière pour un seul roman et prétend qu’il pourrait en écrire plusieurs car il cherche , en fait , à faire entrer la totalité de la vie dans son écriture ; Ainsi on pourrait penser qu’à force de vouloir faire entrer trop de choses dans ce roman, on finit par n’y plus rien retrouver.  Si le propos peut paraître paradoxal, il repose en réalité sur une distinction entre le point de vue de l’auteur et celui du lecteur. L’écrivain lui , en dépit de quelques difficultés évoquées dans le Journal, tente de dompter la matière et surtout de l’organiser pour servir son projet narratif de roman pur , Quant au lecteur, il peut à juste titre se trouver quelque peu déstabilisé par les innovations de Gide et se sentir désorienté parfois , à la  fois à cause des techniques employées mais également par manque d’habitude de ce type d’écriture. 

On pouvait donc tout à fait commencer par examiner soit les arguments de la thèse ou de l’antithèse en spécifiant qu’il s’agit soit  de difficultés involontaires ou liées à la complexité de  l’organisation narrative . 

Reprenons par exemple les éléments du Journal qui pourraient servir d’illustrations : les multiples hésitations de Gide à propos de la répartition des voix narratives peuvent témoigner de ce qu’il cherche à mettre en place : uns sorte de labyrinthe de  voix ” j’hésite depuis deux jours si je ne ferai pas Lafcadio raconter mon roman ” ; quelques mois  plus tard, il envisage plutôt un “simple récit impersonnel ” ; après plusieurs années de travail, il finit par avouer qu’il lui semble avoir perdu prise et qu’il regrette de ne pas être intervenu dans son roman pour , intervenir, commenter (81)

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Gide a conscience que “c’est une folie sans doute de grouper dans un seul roman tout ce que me présente et m’enseigne la vie ”  et on peut donc évoquer une forme d’ambition déraisonnable comparable d’ailleurs à l’ambition des écrivains réalistes comme Balzac de faire concurrence à l’Etat Civil; l’ambition est la même mais les procédés ont évolué ; L’illusion de la vie ne prend plus les mêmes formes ; là où Balzac tente d’épuiser le réel en décrivant les moindres détails (vêtements, portraits physiques, détails de l’ameublement des demeures des personnages ) Gide lui, se contente de noter les moindres conversations,les moindres faits et gestes de ses protagonistes sans jamais les décrire ni même s’attarder sur le décor dans lequel les événements se déroulent. 

Dans le journal, les métaphores se multiplient pour désigner cette abondance de matériaux : le livre sera donc nécessairement touffu mais l’écrivain ressent une difficulté dans l’assimilation des  divers éléments qui le composent;  il évoque des tonalités différentes et cherche un équivalent musical pour traduire cette résistance ou plutôt ces deux voix parallèles ; il choisit l’art de la fugue , l’impossible alliage entre l’andante et l’allegro. A plusieurs reprises, il souligne  qu’il cherche à “enrouler les fils divers de l’intrigue et la complexité de mes pensées autour de ces petites bobines vivantes que sont chacun de mes personnages. ” (27 ) Cette situation nous livre un plan qui  répond assez aisément à la question posée par le sujet : une complexité narrative, une complexité dans le choix des multiples thèmes et la complexité de la construction et de l’organisation des personnages. (veillez à ne pas oublier l’un de ces trois domaines : narration, sources d’inspiration , thèmes abordés et personnages ) 

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Dès le début de sa réflexion, Gide note également la présence de plusieurs intrigues concurrentes et il avoue avoir bien du mal à les départager; c’est pourquoi il en retiendra finalement plusieurs car il n’a pas réussi à choisir une intrigue vraiment  centrale . Longtemps préoccupé par la conversation d’ordre général à partir de laquelle il veut “ouvrir le livre ” , il s’efforce de ne retenir que des éléments utiles car “tout ce qui ne peut servir alourdit “écrit-il p 20. 

On remarque donc deux mouvements contraires dans la création du roman: d’une part l’auteur cherche à démêler l’écheveau de ses idées et il s’efforce d’effectuer un tri entre les différents éléments; et d’autre part, il cherche à “fondre ” et à “rattacher ” des éléments d’origines variées comme un article de journal qui relate un fait divers à propos d’un gang de faux monnayeurs et des discussions  sur la littérature tenus par différents personnages du roman qui dressent des portraits contrastés d’écrivains . 

De la fausse monnaie, Gide passe progressivement aux sentiments forcés et contrefaits, motif récurrent du roman et établit un lien avec le rigorisme religieux : la  haine semble encore tenace  dans le récit contre  une “morale qui opprima toute  sa jeunesse”(23 ) ; ce désir de faire entrer la vie toute entière dans un seul récit risque de faire perdre pied à Gide etc qu’il souligne dans son Journal “je risque de perdre pied ” ; C’est pourquoi dans un souci de clarté de l’ensemble, il revient à son idée de “livre en deux parties ” qui seraient séparées par la guerre; Le résultat final montre que Gide a volontairement épuré cette dimension de son travail d’écriture et que le motif historique de la guerre a bel et bien disparu du roman, remplacé par la coupure naturelle que représentent les vacances. De même c’est durant les dernières pages de son Journal qu’il décide d’opter finalement pour une division du roman en 3 parties autour de Paris et Saas-Fée (p 97) 

Au fur et à mesure que son travail de réflexion se poursuit, l’écrivain constate que même s’il prétend rapprocher ce qu’il écrit du type convenu du roman, il doit se résoudre à accepter son étrangeté et que c’est justement son propre refus de ne pas envisager clairement sa création comme étrange qui le retient d’avancer ; Il pose des questions essentielles : “pourquoi tant rechercher une motivation, une suite, le groupement autour d’une intrigue centrale ? Peut-être justement parce que ces critères définissent le genre romanesque traditionnel: le lecteur y cherche une histoire racontée par un narrateur et qui fait se rencontrer des personnages dont certains jouent un rôle central . En allant volontairement contre ces critères convenus, Gide pressent que ses lecteurs seront déstabilisés et qu’il créée une nouvelle forme de roman. Il écrit un roman qui irait justement à l’encontre de ces codes romanesques qu’il juge usés :c’est ce geste créatif  et son aboutissement que l’on nomme anti-roman. Ce n’est pas vraiment par goût de la provocation que Gide s’est lancé dans cette nouvelle aventure de l’écriture qu’on appellera bientôt le Nouveau-Roman, mais c’est tout simplement parce que son imagination le poussait dans un sens nouveau “il y  aurait des personnages inutiles,des gestes inefficaces, des propos inopérants,et l’action ne s’engagerait pas. ” p 30 

De plus, Gide entend faire jouer au lecteur un rôle nouveau: “l’histoire requiert sa collaboration pour se bien dessiner ” : un rôle actif qui peut au départ le rebuter ou lui sembler épuisant .Au mois de juillet 21, soit plus de deux an après avoir débuté son cahier, Gide note qu’il lui faut “établir le champ d’action et aplanir l’aire sur laquelle édifier le livre ” ; ce qui laisse entendre qu’il n’a pas encore vraiment réussi à démêler l’écheveau de ses idées, ce qu’il nomme poser des bases artistiques, intellectuelles et morales. il emploie pour cette opération le terme baratter en expliquant qu’il s’agit de retourner le sujet dans sa tête pour qu’il finisse par se solidifier et former des grumeaux ( 46 ) 

Second cahier : Gide doute de plus en plus du bien fondé de son projet et mentionne l’existence de deux foyers : le cahier serait versé dans le livre et Edouard deviendrait une sorte de porte -paroles de certaines idées autrement dit Gide insère un personnage de romancier en train d’écrire un roman  à l’intérieur du roman qu’il est lui-même en train d’écrire : c’est ce qu’on nomme une mise en abîme. Ce procédé de diffraction rend la lecture plus complexe. De même Gide ne peut s’empêcher de constater que son roman se construit à l’envers : “les chapitres s’ajoutent  non point les uns après les autres mais repoussant toujours plus loin  celui que je pensais d’abord devoir être le premier.”

La construction des personnages est l’objet de son attention: Gide avoue les faire attendre, ne pas vouloir les amener trop vite au premier plan  et forcer le lecteur à devoir les imaginer .  C’est ce qu’il va nommer le roman pur “purger le roman de tous les éléments qui n’appartiennent pas spécifiquement au roman”  On en revient  ainsi à poser le problème des limites du genre romanesque et à ce qu’on attend d’un récit appelé roman quand on le lit ou pour reprendre le point de vue du Gide, quand on le fabrique. 

Le choix des personnages -narrateurs, c’est à dire de la volontaire multiplicité des champs de vision  peut s’expliquer en partie parce que cela permet à l’auteur de se sentir plus à l’aise , plus libre dans ses paroles car il avoue ainsi s’oublier lui-même pour devenir l’autre et pouvoir parler de la sorte au nom de quelqu’un d’autre ; C’est ainsi qu’il se définit “ceci est la clef de mon caractère et de mon oeuvre ” (p 77) . après se premiers essais de lecture , il souhaite modifier de nombreux éléments et repartir à neuf à chaque chapitre  “ne jamais profiter de l’élan acquis: telle est la règle de mon jeu.” Ce choix a également des conséquences sur la réception du roman car le lecteur peut se sentir en permanence frustré de ne pouvoir prévoir ce qui risque de se passer ; La métaphore de la plante qui se développe lui vient alors pour définir la matière de son roman. (79) Gide s’impose des difficultés avec ces règles qu’il se fixe et à partir desquelles il entend révolutionner l’art d’écrire un roman : “chaque nouveau chapitre doit poser un nouveau problème, être une ouverture, une direction,une impulsion, une jetée en avant -de l’esprit du lecteur – “(83)

Et c’est en cela qu Gide prétend imiter la vie : en reproduisant simplement des amorces de drame sans que ces derniers se poursuivent et se dessinent comme a coutume de les filer un romancier; (90) Lorsqu’il s’agit de mettre un point final à son travail, Gide prétend qu’il ne doit pas se boucler, mais s’éparpiller, se défaire . Et c’est au lecteur de procéder à l’inventaire et de fair les comptes; Le romancier lui a juste tiré le rideau du livre et refuse de faire les comptes ; “Tant pis pour le lecteur paresseux ” ajoute-t-il car “Inquiéter, tel est mon rôle ” (96) 

En relisant  attentivement le Journal, nous pouvons donc mieux comprendre à la fois les difficultés réelles de l’écrivain et ses projets d’écriture qui sont susceptibles de créer des difficultés aux lecteurs.  Gide n’a pas envie d’offrir au public un roman convenu dont il a l’habitude mais une nouvelle manière d’écrire un roman qui pourrait bien le déstabiliser et le désorienter quelque peu . 

 

 

25. novembre 2017 · Commentaires fermés sur La notion de héros pour Gide dans Les Faux-Monnayeurs · Catégories: Divers · Tags: ,
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Pour interroger la notion de héros, encore faut-il la définir et définir ses variations . L’un des moyens les plus simples consiste à revenir sur l’histoire littéraire et notamment sur l’histoire de l’évolution des personnages de roman; Alors qu’au Moyen-Age le héros épique se définit par son courage et sa capacité à surmonter les obstacles , dès l’âge classique, la notion d’héroïsme est inséparable de la possession de valeurs morales comme l’honnêteté et l’esprit . Les Philosophes des Lumières définissent le héros comme un homme qui cherche à s’élever dans la société par différents moyens ; Cet idéal se poursuit au siècle suivant: Le courant réaliste multiplie les modèles de héros qui désormais pourront provenir de toutes les couches sociales et ne se limitent plus à un type unique et uniforme; Il faudra attendre le début du siècle suivant pour voir apparaître la notion de anti-héros; Il désigne les personnages qui ne se démarquent plus par leurs actions hors du commun mais qui , au contraire,  se fondent dans la masse des anonymes .

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 Quelques idées et réflexions variées Le roman gidien représente un tournant dans l’évolution du genre ; Les personnages y sont multiples et peu caractérisés par leurs actions et il est bien difficile de déterminer leur héroïsme si l’on se base sur la définition historique du mot; On adoptera donc pour simplifier les analyses la distinction entre le premier sens d’héroïque qui tend à se confondre avec la valeur d’un personnage et le second sens de protagoniste plus ou moins central au sein d’une intrigue.

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Examiner la valeur du héros gidien revient en fait à sonder le statut du personnage. Il était possible de partir des différentes réflexions de Gide dans son Journal autour de la notion même de héros; Lafcadio pouvait représenter l’état initial de la pensée de l’écrivain autour de cette notion. Il considérait ce personnage comme le héros idéal : ” orphelin, fils unique, célibataire et sans enfant ” . Pourtant , ce personnage s’est dédoublé dans le roman et s’est en quelque sorte subdivisé en s’incarnant à la fois en Bernard, le bâtard révolté et en Edouard l’écrivain ; Cette segmentation de Lafcadio témoigne de la volonté de l’auteur de fragmenter et de déconstruire  l’image du héros initial ; cette idée nous conduit à réfléchir à un éparpillement de l’image du héros à travers une multiplicité de personnages : chacun d’eux contiendrait un micro- héros au sein d’une des intrigues secondaires . Cette tendance va de pair avec la fragmentation de la notion même de personnage et la disparition de la notion de héros dans le Nouveau-Roman . Ainsi cet éparpillement nous conduirait à voir de l’héroïsme dans l’attitude de Boris, dans le sacrifice de Rachel et pourquoi pas dans la mort de Bronja, figure de martyre et victime innocente dans le roman; Cependant ces personnages ne sont que des comparse et jouent des rôles restreints dans la trame événementielle : de là à penser que les véritables héros sont souvent des perdants et que le monde moderne condamné l’héroïsme d’autrefois; Pour tenir une place de haut rang, désormais, il faut être cynique comme Robert de Passavant que tout le monde admire alors que c’est le diable incarné, manipulatrice comme lilial Griffith dont la victoire sera de courte durée et que le romancier finit par condamner, victime du démon qui s’est emparé de l’âme du Vincent dès le début du roman; D’ailleurs, dans son Journal, Gide reprend l’idée de donner au démon un rôle de premier plan, voir le premier rôle du récit; On pourrait donc d’une certaine manière dire que le véritable héros du livre, c’est l’esprit diabolique: celui qui pousse Bernard à voler, Vincent à trahir, Edouard à se taire et Olivier à faire les mauvais choix. 

Une possibilité d’organisation 

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 I Un roman où on retrouve des héros aux 3 premières places : 3 héros au lieu d’un ? 

<p style="text-align: justify;">1; Bernard le héros initial du roman d'apprentissage

 le récit débute avec lui, suit son parcours, montre ses épreuves , ses victoires et ses défaites 

2, Edouard le héros central , l’axe principal du roman

il est un lien avec toutes les intrigues et tous les personnages, une sorte de ciment de l’oeuvre, son Journal en fait un personnage à part 

3, Olivier : le héros idéal, une projection de l’auteur à travers la fiction 

il est tenu à distance mais finit toujours par revenir sur le devant de la scène, il est le lien enter Bernard et Edouard, c’est un coeur pur 

mais aucun ne correspond vraiment aux critères définis par soit l’histoire du roman soit Gide lui-même (Edouard agaçant, Olivier mou et faible, Bernard voleur et menteur) 

II En fait le roman est construit sur a volonté de ne pas placer de héros dans le roman : un roman sans aucun héros 

1. La règle des personnages de céder la place aux autres 

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gide63.jpg, nov. 2017

Gide tient à ce qu’aucun des personnages ne soit au premier plan et il organise leurs apparitions et leurs disparitions : une sorte d’équilibre nouveau du roman kaléidoscope de visions 

2. La construction par micro récits donc micro- héros de certaines séquences (La Pérouse, Armand, Madame Molinier ) 

chaque personnage devient le héros de certaines séquences , d’anecdotes qui tournent autour de lui et de ses aventures : Georges héros du récit de son vol, Armand un héros cynique qui cache un homme blessé…) 

3. le refus des règles du réalisme : pas de description et pas de connaissance complète des personnages : une sorte de héros collectif l’image du gang 

III En fait, des touches d’héroïsme éparpillées dans les différents personnages : l’individualisme cède la place à la déconstruction 

1. les victimes du monde “faux ” : les véritables héros au sens d’autrefois ?

2. des héros négatifs ou des anti-héros peu admirables : la part des noms au profit de l’anonymat des forces collectives (identités masquées et faux -semblants ) 

3. Le diable= le modèle d’organisation ; le seul qui finit toujours par triompher de tout .? 

CCL :  Un roman qui signe l’échec des modèles traditionnel des héros car le monde a changé et le roman se doit d’enregistrer les changements liés à la modernité et au triomphe des fausses valeurs . Dans un monde dévoyé où règne la fausse monnaie et les faux sentiments, les véritables héros disparaissent au profit d’esprits pervers ou diaboliques qui perdent leur humanité mais triomphent justement là où règne l’hypocrisie.  

 

21. novembre 2017 · Commentaires fermés sur Les sujets de dissertation sur les Faux-Monnayeurs : à quoi s’attendre ? · Catégories: Divers
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Edouard et Georges 

Lorsque le programme comporte deux œuvres comme c’est le cas pour Gide, le Journal des Faux-Monnayeurs et le roman du même nom, les sujets nécessiteront que vous maitrisiez ces deux supports et leurs caractéristiques principales ; Pour le Journal, il faut connaître les grandes questions que se pose l’écrivain , la liste de ses difficultés et ses principaux sujets de réflexion autour de l’oeuvre littéraire : sa création notamment ; A partir de quel sujet construit -on un roman, quels points  de vue offrent la vision la plus large, comment écrire de manière réaliste et qu’est-ce qu ‘on appelle  désormais le réalisme après  Balzac et Zola…..l’écriture doit-elle puiser dans le réel ? doit -elle offrir au lecteurs une leçon ? doit -on y aborder tous les sujets ? 

Quelles relations un écrivain entretient-il avec se personnages ? qu’est-ce que le roman pur ? comment s’adresser au lecteurs des générations futures ? 

Le Journal présente donc  une liste importante de ces questions et le roman propose les choix opérés par Gide à ce moment de sa carrière littéraire ; Il est donc important de pouvoir comparer ses théories et ses aspirations au sein de son Journal avec l’utilisation qu’il en fait à l’intérieur même de la fiction ; c’est pourquoi, pour tous les types de sujets, il faudra avoir bien présent à l’esprit les deux états de l’oeuvre gidienne : son laboratoire et l’expérimentation qu constitue la publication du roman Les Faux -Monnayeurs. 

Quelques idées de regroupements 

Les principaux ouvrages critiques qui sont destinés aux élèves de TL présentent des organisations différentes : Profl Bac (couverture rouge et jaune ) dégage des problématiques essentielles telles que : la genèse, les deux journaux (Gide et Edouard) la construction des intrigues, la publication, la réception, Edouard personnage clé , Bernard ou la quête d’authenticité, Olivier à la conquête du bonheur, le Comte de Passavant , les vies brisées des femmes , les faux-Monnayeurs , un roman d’apprentissage, un anti-roman, la mise en abîme, le refus du réalisme, la diversité des formes narratives ,le rôle du lecteur. En gras,  vous trouverez les chapitres qui sont les plus importants ou susceptibles de donner lieu à des questions de dissertation; faire un résumé des chapitres les plus importants peut être une aide pour vous fournir des connaissances  mais cet ouvrage ne permet pas de travailler la problématisation car il ne propose pas d’exemples de sujets de dissertation te il n’explique pas la méthode de l’exercice . 

Le livre de la collection Ellipses (couverture bleu clair et bleu foncé ) : épreuve de littérature bac L a un contenu un peu plus varié ; Il comporte des éléments biographiques, la genèse de l’oeuvre , sa réception ainsi que ses sources; Dan sien deuxième partie, cet ouvrage recense lui aussi des thèmes importants comme l’art de la fugue (composition musicale et mise en abîme, complexité de la construction ) / le refus du réalisme /le roman pur / les aspects didactiques du roman (dénoncer, la fabrique des personnages, les faux rebelles et la conclusion-ouverture ) Il comporte aussi et c’est très important des sujets; 

Voici une liste non exhaustive de propositions de sujets :

Le Journal des Faux-Monnayeurs est-il un simple journal ? un journal intime ? un journal littéraire ? un journal de bord? quel est le rôle du journal dans les deux oeuvres? Du journal de Gide au journal d’Edouard: quelles transformations ? 

Les interventions du narrateur : qui intervient en tant que narrateur ? quel narrateur dans les deux oeuvres ? quelles relations entre auteur, narrateur et personnages ? 

Chaque personnage ou presque peut donner lieu à un sujet : Edouard est-il le maitre de cérémonie? le chef d’orchestre? Bernard est-il le véritable héros du roman ? quel est le statut d’olivier dans le roman ? Bernard Edouard et Lafacadio : comment Gide a -t-il modifié les relations au sein de ce triangle ? les victimes du diable ? les âmes damnées ? N’oubliez pas les personnages collectifs : la visions des femmes, couples ratés et destins brisés, l’institution du mariage remise en cause ? amours faussées et faux sentiments, la famille Vedel: un modèle de famille à déconstruire ; parents et enfants : luttes et désaccords ; le conflit des générations dans l’oeuvre.

 Certains épisodes peuvent également vous être proposés comme sujets de réflexion  notamment pour les candidats qui passeront l’oral de rattrapage : la lutte de Bernard avec l’Ange , le naufrage de Lilian Griffith, le suicide raté d’Olivier , l’incipit du roman, son absence de dénouement, la rencontre Laura /Bernard, le suicide de Boris, l’enquête judiciaire est-elle le véritable sujet du roman. 

La plupart des sujets aborderont les thèmes essentiels évoqués par Gide dans son Journal : un roman touffu ? le rôle du hasard dans la construction du roman, justifiez le titre, invention pure et mise en forme de souvenirs: comment le roman opère-t-il la distinction? disparition de l’auteur ? transformation du narrateur ? éclatement des oints de vue ? lieux et décors dans les FM : espace réel ou espace symbolique ? 

Enfin un dernier nombre de  dissertations vous proposeront comme point de départ l’analyse de citations : ” Ecrire c’est se livrer ” Gide partage-t-il cette conception de la création littéraire affirmée par Mauriac en 1929 ? “les FM ne sont pas le roman de la femme” : souscrivez-vous à ce jugement ? 

Le troisième ouvrage que vous pourrez utiliser avec profit est signé Ellipses Bac 2017 (couverture orange et rouge ) il traite la totalité du programme ; C’est le plus volumineux et aussi le plus complet ; Il est utile pour travailler seul car il contient beaucoup plus d’éléments de méthodologie ; il débute par un résumé chapitre par chapitre , des tableaux récapitulatifs (distribués en cours en début d’année ) et surtout ce qui est précieux pour vous, des planss de dissertation soit juste sous forme de notes et ensuite, intégralement rédigés; Vous suivez ainsi , en travaillant ces sujets, les différentes étapes de l’élaboration de la dissertation. Vous y retrouverez sans surprise les thèmes principaux communes aux deux oeuvres  (journal et roman) et toute une série de sujets traités. 

15. novembre 2017 · Commentaires fermés sur Gide face à la critique · Catégories: Divers · Tags:
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fauxm7.jpg, nov. 2017

Lors de sa parution, le roman de Gide Les faux -Monnayeurs souleva des réactions diverses et fut d’ailleurs diversement apprécié par la critique littéraire; Que pouvait-on au juste reprocher à Gide ? Plusieurs aspects de la composition littéraire ont été abordés et ont fait l’objet d’avis circonstanciés.

Le plan moral peut tout d’abord être abordé : on se souvient qu’en 1857 Flaubert, romancier réaliste et Baudelaire, poète précurseur du symbolisme, furent tous deux victimes d’un procès retentissant où on leur reprochait, pour l’un de peindre avec complaisance une femme adultère Madame Bovary, qui conduit son mari à la mort  et pour l’autre, de composer des sonnets où il est questions d’amours scandaleusement sapphiques.  A t-on raison de juger de la qualité littéraire d’une oeuvre au nom de la morale qui y est exprimée par des personnages fictifs ? Baudelaire a du publier une version expurgée de son recueil Les Fleurs du Mal et Flaubert a gagné son procès contre Maitre Pinard : ce parfum de scandale au passage, lui a permis de vendre davantage de roman car les lecteurs étaient curieux de lire les amours interdites de cette femme de médecin de campagne. 

 

On n’a pas oublié non plus que Molière fut censuré et ses pièces interdites parce que des personnages tels que  Tartuffe ou Don Juan y tenaient des propos que l’on pourrait qualifier de diffamatoires envers la religion . En résumé, littérature et morale doivent-elles  être jugées sur un pied d’égalité ?

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Zola accusé

L’auteur de cette critique condamne donc , dans un premier temps, les atteintes à la morale avec une verve ironique : “on regrettera qu’Edouard, à qui la pure seule importe, en mette si peu dans ses moeurs ” ; Après avoir habilement présenté l’idéal gidien de roman pur :  “un roman qui voudrait “dépouiller le roman de tous les éléments qui n’appartient pas spécifiquement au roman” , le journaliste établit la confusion entre les moeurs d’un personnage fictif et celles de l’auteur dont il réprouve fortement l’homosexualité ; De plus, il conteste le bien- fondé de la tentative de Gide en objectant que la pureté du roman, selon lui, ne “paraît compromise ni par les dialogues, ni par les événements extérieurs, ni même par la description des personnages dont il se dispense, mais il a peut être tort;” Autrement dit, le journaliste déplore ici l’absence de description des personnages qui est justement un des traits majeurs de l’innovation de l’écriture romanesque gidienne. L’auteur associe cette absence de descriptions, de détails sur les personnages à un manque de concret; Le lecteur paraît frustré de ne pouvoir imaginer la “figure” des personnages et selon l’auteur de l’article, la précision des détails  n’st nullement réductrice pour l’imaginaire et ne bride pas l’imagination du lecteur  ; elle “laisse le champ libre à l’imagination ” ; En effet, on peut penser qu’à la différence des images qui fixent les traits des personnages, au cinéma,notamment quand nous allons voir une adaptation d’une oeuvre littéraire, les descriptions romanesques ne sont pas aussi contraignantes pour noter imaginaire; Simplement, Gide les juge inutiles car selon lui, elles alourdissent le propos du roman .

Le journaliste paraît néanmoins séduit par les objectifs de Gide de concevoir et “réaliser le roman à l’état pur ” Mais ce sont les moyens employés pour atteindre cet objectif qu’il conteste : il préconise l’emploi d’un certain réalisme qu’il définit par un “souci de vérité directe ”  : il semble en effet, reconnaissant à Gide d’avoir su exclure les  “interventions fantaisistes “, d’avoir introduit “un grand nombre de personnages ” et une “complexité de l’action” ou plutôt des actions ; Il souligne toutefois le risque de paraître embrouillé mais ce danger est en partie, évité, selon lui, par le fait que divers épisodes du roman tournent court . Il reproche également au personnage d’ Edouard-l’écrivain ,son goût pour la provocation gratuite et le considère à la fois comme un esprit chimérique et dévoyé ; toujours cette condamnation morale qui s’applique à un personnage fictif et qui vient rompre la barrière entre l’art et la réalité . 

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Marcel Proust 

Lorsqu’il critique directement l’homosexualité de certains personnages, il fait allusion à un autre écrivain , Marcel Proust avec lequel il établit une comparaison ; en effet, son personnage elle baron de Charlus s’affiche clairement comme un homosexuel honteux de son inversion (c’était le mot qui était employé à l’époque pour désigner ce qui paraissait à beaucoup comme une forme de corruption des moeurs sexuelles ) ; A noter que Marcel Proust obtint la récompense la plus prestigieuse pour un écrivain, le prix Goncourt pour le premier volet de son oeuvre magistrale: A la recherche du Temps perdu en 7 volumes . La valeur littéraire d’une oeuvre ne doit  donc pas se confondre avec sa capacité à respecter la morale dominante . Circonstance aggravante pour le critique: cette homosexualité  semble feutrée “point ici de crudité dans les termes” admet-il mais “cela devient insupportable surtout avec ce sérieux et cette fade sentimentalité”; On a presque l’impression qu’il reproche à Gide d’inclure des sentiments dans un amour “dévoyé” et c’est ce mélange qui irrite le critique . On peut également rappeler que les auteurs réalistes du siècle précédent furent également taxés d’immoralité et Zola , en premier lieu, fut taxé d’obscénité et d’outrage aux bonnes moeurs; On jugeait son langage et ses propos orduriers alors qu’il tentait justement de dépeindre la crudité de la misère ; Confondrait -on les moyens et les fins?

 

Le journaliste reproche également à Gide de faire un portrait sévère des adolescents , d’avoir glissé des injures dans la lettre de Bernard à son père adoptif , d’avoir construit un personnage “immoraliste ” avec Edouard et surtout d’avoir critiqué l’institution familiale qui est pour beaucoup l’un des piliers de la société ; En, effet, Gide dépeint la famille comme un “régime cellulaire ” ; et le journaliste souligne alors les risques encourus par les jeunes gen qui seraient tentés d’imiter le modèle proposé par Bernard: devenir des voleurs : s’évader certes mais avec “effraction “ .  Il déplore que Gide, avec son personnage de La Pérouse “vieillard à moitié gâteaux et plus ennuyeux encore “  se soit montré un peu léger en tentant d’évoquer le mystère de la rédemption ; Autrement dit, pour ce journaliste, il ne faut ni toucher à la morale bourgeoise , ni à l’institution familiale respectable et encore moins aux dogmes religieux ; Lorsque Gide tente de démontrer, dans son roman, en utilisant notamment le personnage d’Armand, les ravages qu’une éducation rigoriste et puritaine peut provoquer chez un individu, la plupart des critiques n’y voient que des atteintes à la religion là où il est question des bienfaits d’une éducation bienveillante et tolérante;

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Le tableau paraît donc fort sévère et pourtant le critique accorde à Gide le statut d’ écrivain majeur de son époque en dépit de  “quelques erreurs et de quelques négligences ” !! Il reconnaît avoir pris plaisir et un  intérêt soutenu  à lire ce gros roman et conclut sur l’absence de sujet véritable : il reprend alors une définition donnée par Edouard pour répondre à ceux qui l’interrogent sur la nature du sujet de son dernier  roman  :  “la lutte entre les faits proposés par la réalité ,et la réalité idéale ” ou entre la matière brute de la réalité et l’effort pour la styliser ; Pour le romancier, la tension créatrice repose sur l’écart entre “ce que la réailté lui offre,et ce qu lui, prétend en faire ” ou pour le formuler autrement: le véritable sujet du roman serait “la rivalité du monde réel et de la représentation que nous nous en faisons”  Au moins sur ce point, le journaliste a retenu le plus important et ne s’est pas fourvoyé dans des interprétations psychologisantes qui reposent sur la confusion entre auteur et personnage, réalité  des intentions et moyens mis en oeuvre par la  fiction  pour y parvenir. 

 

13. novembre 2017 · Commentaires fermés sur Histoire des débats télévisés · Catégories: Divers

Les émissions de débat télévisés sont de plus en plus nombreuse et attirent des publics variés; A l’origine, ce sont souvent des émissions de débats politiques qui peu à peu abordent des sujets de société . Elles sont animées par des journalistes qui accueillent sur le plateau différents invités choisis à l’avance pour leurs avis divergents . Certaines se spécialisent dans les polémiques et cherchent à faire de l’audimat en créant des scandales; d’autres s’efforcent simplement de présenter au téléspectateurs des points de vue différents sur des sujets d’actualité . Plusieurs critères sont à prendre en considération pour fabriquer une émission de ce type. 

 Comment organiser un débat télévisé ? 

  • –  Débat spectacle ou débat réflexion ?

  • –  Trouver un titre à l’émission, au débat

  • –  Organiser le plateau :

o Dispositif scénique, mobilier, décor
o Emplacements (présentateur, public, invités)

– Le présentateur- journaliste :
 Qui ? un ou deux ? Apparition, vêtements, gestuelle, voix, documents, déplacement, debout, assis, rôle…

Distribue la parole :

 Choisit les intervenants

 Réagit à des demandes d’intervention

 Relance le débat :

 Réagit à ce qui est dit
 Exprime des opinions
 Introduit de nouvelles idées

o Gère le temps de parole

  • –  Le public : quel rôle, où est-il ?

  • –  Les invités : qui ? où ? comment interviennent-ils ?

  • –  Le lancement :

o musique ?
o écrire le texte de présentation du sujet
o présenter les invités : prénom et nom, fonction (justifier leur présence sur le plateau) 

Quelques émissions célèbres : 

Droit de réponse était une émission de débats télévisés polémiques en direct, de Michel Polac réalisée par Maurice Dugowson et diffusée sur TF1 entre le 12 décembre 1981 et le 19 septembre 1987, de manière hebdomadaire le samedi à 20 h 30.

C dans l’air est une émission télévisée française de débat consacrée à l’actualité. Crée en 2001 par Jérôme Bellay et Yves Calvi, elle s’impose rapidement en tant qu’émission phare de la chaîne France 5. 

On n’est pas couché est une émission française de débat télévisé diffusée depuis le 16 septembre 2006 sur France 2, chaque samedi soir en deuxième partie de soirée vers 23 h, présentée .

 

 

18. octobre 2017 · Commentaires fermés sur Journal et roman : thématiques associées · Catégories: Divers
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Associer les deux oeuvres revient en fait à chercher ce qu’elles ont en commun, notamment dans les thèmes qu’elles abordent sous des angles différents; Le journal ,en effet, décrit les réflexions et les nécessaires interrogations d’un auteur face à la création littéraire Le roman met en pratique les choix effectués par l’auteur et permet de vérifier s’il applique à sa propre fiction les principes intellectuels de la création . Entre la théorie et la mise en pratique , la réflexion de Gide peut avoir évolué et nous chercherons à repérer dans le roman s’il applique les principes qu’il énonce.

 Les personnages :parmi les problèmes récurrents revient la question de la création des personnages : hostile à la description, Gide fait vivre les personnages par l’intermédiaire des dialogues et imagine des relations entre eux essentiellement sous la forme de liens familiaux et de rencontres. Les rôles que doivent jouer les personnages, leur lien avec l’auteur mais également avec le lecteur font l’objet de nombreuses réflexions à la fois dans le Journal de Gide  ( p 33,37,58,66 ) mais également dans le Journal d’ Edouard (fin de la seconde partie ) et à travers les discussions littéraires des personnages d’écrivains notamment (Edouard, Robert, Lucien, Armand, Strouvilhou )

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 Le cadre:  lieux définis mais non décrits, déplacements  à travers l’espace et lieux de rencontre ou de rassemblements , l’auteur réfléchit à la localisation des scènes ; Paris, Saas-Fée, la Corse et les voyages des personnages définissent des espaces symboliques .

L’intrigue : Gide semble se refuser à agréger des éléments épars afin de les unifier ; Il multiplie à la fois les récits secondaires, les intrigues connexes et les changements de points de vue; Si certaines scènes font avancer l’action du roman, au final il ne se passe pas grand chose; Bavards, Les personnages parlent beaucoup plus qu’ils n’agissent.L’introduction du Journal d’ Edouard à l’intérieur d’une fiction constitue une mise en abyme et permet d’insérer les difficultés du romancier dans l’univers de la fiction ; Gide semble en fait hésiter sur ce qui fait le sujet même de l’intrigue et de son roman : la piste des faux-monnayeurs ne constitue pas l’intrigue principale et le départ de Bernard même s’il est un élément déclencheur , ne permet pas de résumer le roman . Gide pensait d’ailleurs dans son Journal qu’il y matière à deux livres comme s’il se révélait incapable de choisir une trame événementielle (p 14 du Journal )

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La narration : elle est complexe ; le statut même du narrateur est à définir ; régisseur , il intervient pour guider le lecteur ; la présence d’ Edouard en tant que narrateur de son propre journal introduit une première difficulté car le roman est composé à partir des notes du Journal. De plus, les nombreuses lettres écrites ou lues par les personnages introduisent à chaque fois un nouveau narrateur. La multiplication des points de vues et la même scène éclairée différemment (comme par exemple le geste de Boris ou la liaison Laura-Vincent ) font du lecteur une sorte de voyeur autorisé ou une sorte d’écrivain bis.A plusieurs reprises, En effet, le lecteur possède des informations qu’un personnage ne possède pas .Pour décrire l’art du roman, Gide utilise dans son Journal, la métaphore musicale de l’art de la fugue qui consiste à laisser une oeuvre inachevée; La ligne mélodique principale est prolongée par des contrepoints qui forment des lignes secondaires, un peu comme des intrigues secondaires  . La métaphore musicale se prête à différentes interprétations pour l’art du roman; elle peut désigner , à la fois, la multiplication des intrigues, des modes de narration, les personnages en écho , la mise en abyme.

Une réflexion en mouvement : l’écrivain s’interroge en fait sur la plupart des domaines de la création littéraire; où et comment débuter (l’incipit ) , comment finir (l’excipit ou l’absence d’excipit ) , comment raconter , quel genre de roman inventer, quels thèmes privilégier ?

Roman et morale : le roman aborde des thèmes importants comme l’amour, l’amitié, les relations familiales , la bâtardise, l’existence de Dieu et du Diable, la place de l’individu au sein d’un groupe , le mensonge et la sincérité, le couple. En cela , il  est une vision du monde

 

 

 

17. octobre 2017 · Commentaires fermés sur Les faux-Monnayeurs : le résumé du résumé · Catégories: Divers · Tags:
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Composé de 3 parties chacune située soit à Paris soit à Saas-Fée , la trame du roman gidien laisse au final peu de place au fil conducteur d’une intrigue ; on a plutôt l’impression de suivre différentes intrigues qui se mêlent tel un écheveau de fils ; Résumons les principales étapes du cadre événementiel et suivons ainsi les évolutions croisées des personnages qui, selon un principe cher à l’auteur, occupent le devant de la scène par intermittences. Soyez attentifs à leurs allées et venues et aux relations entre eux car l’intrigue est le meilleur moyen trouvé par l’auteur pour rassembler ses personnages, les faire se rencontrer, voire les confronter.

 

Le roman s’ouvre sur la découverte de la bâtardise de Bernard (1) qui quitte le domicile parental après avoir écrit une lettre insultante pour son père adoptif (2) ce dernier rentre du tribunal en compagnie du père d’Olivier et tous deux évoquent l’affaire des faux-monnayeurs dans laquelle sont impliqués Georges, le petit frère d’Olivier  et ses amis; Drame familial chez les Profitendoieu .(3) Nous suivons Bernard qui dort chez son ami Olivier  : dans la conversation surgissent Vincent et sa maîtresse (Laura ) et Edouard ; comme au théâtre les personnages sont d’abord décrits par d’autres avant de faire leur entrée ( 4) Il est déjà  question du rdv Edouard /Olivier à la gare Saint Lazare qui sera raconté au chapitre 9. Georges le petit frère d’Olivier asssite à la conversation des deux amis.

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Nous suivons alors Vincent chez Passavant et sommes informés de la liaison Vincent/ Laura et de la manière dont Vincent dépense l’argent qui devait servir à ses études : il s’encanaille au jeu pour pouvoir verser de l’argent à sa maîtresse enceinte et qui a quitté son mari.(5) Lilian et Robert évoquent Vincent et  cette dernière raconte les circonstances de sa rencontre avec Laura Douviers : Vincent devient son amant à la fin du chapitre et nous quittons l’appartement pour découvrir Bernard endormi qui se prépare à de grandes aventures (6) ;Au même moment, Vincent est lui aussi endormi   et Lilian fait le récit de sa vie et de son naufrage sur le Bourgogne  qui constitue une première digression dans le roman; Vincent doit choisir entre les 2 femmes (7) ; Edouard le même matin est  lui,assis  dans le train et  lit (8) d’abord le roman de Passavant; ensuite la lettre de Laura qui éclaire sous un nouveau jour son histoire avec Vincent et il prend ensuite son Journal , ébauche du roman qu’il compose ; les dates vont du 18 octobre au 28 octobre; Il y aborde le domaine des sentiments en affirmant qu’il n’y a pas de différence entre le réel et l’imaginaire et entreprend de décrire la décristallisation (c’est à dire la fin de l’amour ) ; Il note ses pensée dans un carnet; (9) La rencontre à la gare  entre l’oncle et le neveu se passe mal ; Bernard qui les a suivis récupère la valise d’Edouard à la consigne grâce au ticket et installé dans une chambre d’hôtel , lit le Journal d’Edouard (10) ; Au 01 novembre, Edouard décrit la rencontre avec un jeune voleur de livre, Georges le petit frère d’Olivier et le chantage que lui fait ce dernier (11) ; Bernard continue sa lecture et le journal en date des 02 et 05 novembre, décrit cette fois  le mariage de Laura, présente Armand, le frère cynique et désabusé de Laura et le cadre de la pension Azais/Vedel; Bernard, toujours lecteur non autorisé, apprend qu’Olivier a pris la main d’Edouard et ressent du dépit (12) ; (13) Le 8 novembre, Edouard relate sa première visite chez son vieux professeur M de La Pérouse qui lui parle de son petit fils Boris; Edouard décide alors de repartir pour Londres déçu par l’indifférence d’Olivier à son égard. (14) Bernard lit alors la lettre de Laura et découvre qu’elle est la maitresse de Vincent: il décide d’aller la retrouver pour l’aider ; Leur rencontre rocambolesque (épisode du tabouret cassé)  est marquée par l’arrivée d’Edouard qui les convie le lendemain à la même heure au même endroit; Bernard veut rejoindre Olivier qui est alors chez Passavant ; ce dernier lui fait des avances et lui propose un poste dans sa revue littéraire; Au moment où Olivier part, Strouvilhou arrive (16) Vincent fait part à Lilian de son choix et Laura lui retourne son argent; Départ pour Monaco du couple pour l’été.(17) Robert en profite pour demander à Vincent de convaincre ses parents de laisser Olivier le rejoindre en Corse pour l’été.  (18) Edouard poursuit son Journal : il y raconte sa découverte de Bernard et sa visite à La Pérouse : il a promis à ce dernier de retrouver Boris en Suisse à Saas-Fée.

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La deuxième partie du roman s’ouvre donc sur un nouveau décor mais poursuit les éléments de l’intrigue amorcée dans la première partie.

Bernard raconte à Olivier dans une lettre pourquoi il a suivi Edouard et Laura en Suisse (1) dan son Journal Edouard raconte les journées passées avec Boris, Bronja et la mère de cette dernière , le médecin  Sophroniska; (3) Laura apprécie la compagnie de cette femme mais elle s’en veut d’être à la charge d’Edouard; Bernard la réconforte et Edouard évoque longuement sa théorie du roman ; il avoue tout noter dans un journal et vouloir choisir pour son récit un romancier comme personnage central; Bernard sort alors une fausse pièce d’or et s’étonne du titre choisi par Edouard qui évoquait plutôt la fausseté des sentiments. (4) Laura laisse Bernard lui déclarer un amour pur et sincère  et ce dernier a désormais honte de la lettre qu’il a laissée en partant, à son père adoptif; Laura lui montre alors la lettre que son mari lui a fait parvenir ; Bernard, à la demande de Laura,  offre à celle- ci  la fausse pièce d’or. Dans son Journal Edouard rapporte les souvenirs de ses conversations avec le docteur à propos des troubles de Boris, de son talisman emporté par Strouvilhou lors de son passage et il est question de ramener Boris à Paris.(6) Bernard et Edouard lisent la lettre d’Olivier qui raconte ses vacances avec Robert ; Le retour à Paris se se décide: Bernard sera surveillant à la pension pour veiller sur Boris et gagner sa vie (7) Le narrateur semble dépassé par ses personnages et avoue que ces derniers lui échappent : il en dresse un bref portrait et termine par ses préférés : Bernard et Olivier. 

La troisième partie comporte 18 chapitres exactement comme la première et se déroule à Paris souvent dans les mêmes endroits. 

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Le journal d’Edouard nous relate le 22  septembre la rencontre entre Boris et son grand-père : déception de part et d’autre; Le père d’Olivier se confie à Edouard  le 27 septembre et avoue sa liaison; retour sur l’affaire du gang des mineurs entrevue au chap 2 de la première partie ; Monsieur Molinier croit que Bernard est impliqué alors qu’il s’agit en réalité de son propre fils, Georges que le juge Profitendieu cherche à protéger.  Edouard est invité à passer à la pension par un mot de Rachel ;(2) cette dernière a besoin d’argent pour sauver la pension qui va accueillir des petits nouveaux: Gondran Passavant, Boris, Georges Molinier et Bernard ; Armand se fait remarquer (3) Le 29 septembre Edouard réussit à convaincre La Pérouse de déménager à la pension: ce dernier avoue ne pas avoir le courage d’en finir avec la  catastrophe qu’est devenue sa vie . (4) Le jour de la rentrée, le lecteur découvre le gang composé de jeunes élèves insolents et débauchés : Léon Ghéridanisol , Philippe Adamantin et Georges Molinier; Boris et Gontran sont isolés et Bernard s’apprête à passer son bac. (5) Olivier et Bernard se retrouvent et ce dernier essaie de fanfaronner devant son ami qui démasque ses pensées superficielles; Léon force Georges à utiliser de la fausse monnaie pour acheter des cigarettes : il est le chef du gang, soutenu par Strouvilhou, son cousin. On apprend que Georges a volé les lettres de son père à sa maîtresse et le soir même, Olivier et Bernard se retrouvent à une soirée littéraire ; Bernard a refusé d’écrire pour la revue de Passavant . (6) Edouard recueille les confidences de Pauline Molinier sa soeur qui sait beaucoup de choses sur son mari et ses fils. (7) Olivier n’a pas trouvé Edouard chez lui et il va retrouver Armand  à la pension qui se confie à lui; Olivier l’invite à la soirée mais il envoie Sarah à sa place.(8) Lors de cette soirée, Bernard rencontre Passavant qui fait également la connaissance d’ Edouard et de Sarah ; c’est une soirée mouvementée car Jarry tire au pistolet sur Lucien Bercail ; Olivier se confie à Edouard et demande à  son frère Georges d’aller  rechercher ses affaires chez le Comte qu’il désire quitter; Sarah et Bernard passent la nuit ensemble. (9) Olivier qui a dormi chez Edouard a tenté de se suicider “de bonheur” et Passavant ne veut pas lui rendre ses affaires; (10) Le lendemain Bernard révise auprès d’Olivier convalescent et lit une lettre de Laura qui annonce la venue de son mari désireux de provoquer Vincent en duel; Edouard dans son Journal raconte la visite de Pauline à son fils; cette dernière accepte la relation entre son demi-frère et Olivier. Ce dernier avoue à Bernard qu’il est heureux.(11) Edouard se rend chez Robert pour reprendre les affaires d’Olivier et ce dernier lui lit une lettre de Lilian qui raconte qu’avec Vincent, ils se détestent désormais; Strouvilhou succède à Edouard chez le Comte et se lance dans un discours où il laisse éclater sa misogynie et sa haine de la littérature. (12) Edouard raconte dans son Journal son entretien avec Félix le mari de Laura qu’il juge sévèrement; il poursuit ses réflexions sur l’évolution des personnages de roman qui se doit d’être surprenante ;  Venu lui parler de ses soupçons concernant la participation de Georges au gang ,le juge Profitendieu laisse éclater sa tristesse d’avoir perdu son fils adoptif; la mère de Bernard l’a quittée et Edouard lui parle de la pièce d’or  de Saas -Fée qui va le mener à Strouvilhou.(13)

Bernard décroche son bac et reçoit la visite d’un ange au jardin du Luxembourg.

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Ce dernier est une sorte de guide qui lui montre différents chemins. Boris est triste car il vient de recevoir une lettre de Bronja qui lui annonce qu’elle va mourir; cette nuit là, Boris croit voir Bernard  en prière alors qu’il lutte avec l’ange. (14) Bernard demande à Edouard la permission d’être son hôte durant quelques jours; surah repart en Angleterre furieuse que Rachel ait demandé à Bernard de quitter la pension. (15) La détresse du personnage de La Pérouse est manifeste; Edouard réussit à prévenir Georges des soupçons que le juge Profitendieu fait peser sur lui et les jeunes décident de mettre un terme à leurs activités de faux-monnayeur. (16) Armand a été engagé par Passavant et avoue qu’il a remplacé Strouvilhou et un voyou du nom de Cob-Lafleur. Il avoue également mépriser le Comte et confie avoir prévenu sa soeur Rachel de la liaison de Sarah et Bernard; Il a reçu une lettre de son frère Alexandre qui raconte une anecdote tragique de femme noyée et d’homme qui évoque des mains coupées; Le lecteur comprend qu’il est question de Vincent  devenu  fou et de Lilian morte. (17 ) Boris apprend la mort de son amie Bronja …les événements vont alors se précipiter sans pour autant qu’on parvienne à un véritable dénouement . Boris se sent de plus en plus seul et devient la victime de la bande des faux-monnayeurs ; le talisman qui le protégeait enfant exhibé par Ghéri va le conduire à chercher désepérèment l’amitié des autres jeunes qui organisent un jeu cruel : lui faire croire qu’il va rallier leur confrérie des hommes forts s’il accepte d’affronter la mort . ( 18 ) Borsi prend le pistolet de La Pérouse chargé par Géhri et se tire une balle en pleine tête ; Georges choqué décide de se repentir et de cesser de fréquenter les faux-monnayeurs. Edouard dans son Journal avoue ne pas comprendre le geste de Boris  . Un dîner chez Profitendieu réunit Bernard, Edouard, les parents d’Olivier et Caloub ,le petit frère d’Olivier auquel Edouard semble s’intéresser.

 

05. septembre 2017 · Commentaires fermés sur Qu’est-ce qu’un anti -héros et qu’est-ce qu’un anti-roman ? L’exemple des Faux-Monnayeurs · Catégories: Divers
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La question mérite réflexion car le sens même d’anti est très difficile  à définir . Si on part de la notion d‘anti-héros que beaucoup ont rencontrée l’an dernier, on peut d’ores et déjà établir plusieurs typologies ; le premier sens d’anti -héros pourrait consister à dire qu’un antihéros est un personnage qui ne présente pas les caractéristiques habituelles ou convenues de ce qu’on nomme héros ; Soit il est lâche par opposition aux héros courageux (Bardamu dans Voyage au bout de la nuit) , soit il est banal par opposition aux héros charismatiques et extraordinaires ( le héros de Un homme qui dort de G Pérec, qui passe ses journées à ne rien faire ), soit il est antipathique et cynique par opposition aux héros auxquels on a envie de s’identifier;  on peut penser à Dom Juan, ou bien au vicomte de Valmont dans les Liaisons dangereuses ; il peut aussi être juste naïf et maladroit comme le héros stendhalien   mais on peut songer également au héros étranger au monde et qui semble n'éprouver aucun sentiment tel qu'on va le renconter dans les romans comme celui d'Albert Camus : l’Etranger . Tous ses personnages qu’on peut qualifier de anti-héros forment un ensemble hétéroclite et pour chacun d’eux, le préfixe anti ne désigne pas la même chose. 

Poursuivons la démonstration pour les personnages gidiens du roman: Bernard est-il un antihéros ?

A première vue, on serait plutôt tenté de voir en lui un véritable héros au sens romantique : batard par ses origines, cette découverte le met sur le chemin de la révolte et en quête de sa véritable identité; Il passe par des épreuves et des étapes successives  (notamment la  fuite hors de l’espace familial, la découverte de l’amour sous ses différentes formes  et le combat avec l’ange ) et finit par se réaliser partiellement en trouvant sa voie , ou plutôt en refusant deux directions qui sont la politique et la religion . Il a du héros traditionnel le goût de l’aventure et même parfois un côté mauvais garçon (vol du ticket de consigne, aventure avec Sarah ) ; A la fin du récit, il retrouve le chemin de la famille; Il a gardé des valeurs chevaleresques telles que le secours aux plus faibles (avec Laura son amour ressemble à celui d’un chevalier servant pour la dame de son seigneur ) et le désir d’être lui-même et de demeurer

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authentique  ; Pourtant, ce personnage n’agit que très peu  : il demeure passif et pensif : couché sur un banc il  médite et se décide à suivre Edouard à la gare ; il renonce à des engagements qui le dénatureraient mais son retour final demeure ambigu..rentre-t-il parce qu’il ne sait pas où aller ou pour s’occuper de son “père” qui ne va pas très bien ? Gide laisse planer des doutes sur le destin final de Bernard . Et il ne s’est pas vraiment réalisé durant le roman: il a  juste évolué sans pour autant être parvenu à un point d’aboutissement comme les héros conquérants . 

Pour Robert de Passavant , la démonstration est plus facile : il s’agit d’un anti-héros au sens où les modèles qu’il propose sont contraires aux valeurs héroïques traditionnellement admises : sincérité, courage, altruisme. Le Comte est un faux -monnayeur qui , sous les apparences d’un romancier à succès, cache un manipulateur cynique et dangereux pour les âmes simples qu’il entraîne vers leur perte. Il détruit l’existence de Vincent, il corrompt Olivier et s’attaque à Edouard sans pour autant en venir à bout car ce dernier lui reprend Olivier au terme d’un combat de mots. A peine touché par la mort de son père, il se croit au- dessus des autres hommes à cause de sa fortune , de son rang et de sa notoriété. Il est décrit par lady Griffith comme vaniteux, hypocrite, ambitieux, versatile et égoïste. C’est donc le personnage qui ressemble le plus à un héros en négatif: d’ailleurs il est à plusieurs reprises comparé à un démon . Détesté parEdouard; il représente une sorte de repoussoir et figure aussi, en partie, le côté sombre d’Edouard ou les dangers qui guettent un artiste grisé par le succès. 

Edouard serait peut être le personnage pour lequel la notion de anti- héros ne peut  pas vraiment s’appliquer mais tous les personnages gidiens, nous allons le voir, possèdent des caractéristiques qui les rendent parfois étranges aux yeux des lecteurs. 

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 Essayons d’appliquer ce raisonnement au  roman en  entier et de voir quels aspect font de cet ouvrage un anti-roman  : la définition la plus fréquente consiste à dire qu’un anti-roman est un texte qui ne présente pas les caractéristiques attendues dans un roman sauf que ..un roman au seizième siècle et un roman quatre siècles plus tard n’ont pas  grand chose en commun ; Il faut donc traiter cette notion d’anti- roman en partant de l’état du roman juste dans les années qui précdèent la publication de l’oeuvre qui fait polémique . Une première idée consiste à partir de l’existence dans le préfixe anti d’une forme d’opposition, de refus ou de rejet ; A ce titre, le roman gidien présente beaucoup d’aspects anti car Gide s’y dresse à la fois contre la morale bourgeoise, contre l’art de raconter des histoires à la manière des romanciers réalistes et contre l’idée même de personnage de roman . Un roman , en effet, peut être décomposé en trois principes essentiels: la narration (manière de raconter, choix du point de vue, thèmes choisis) , l’intrigue (l’histoire, )  et les personnages . Pour votre dissertation, il faudra donc passer en revue ces trois domaines.

Deuxième question à régler : le terme anti-roman ne désigne- t-il que des aspects formels de l’oeuvre ? A ce titre, un anti- roman serait un texte qui ne ressemble pas à un roman traditionnel car il utilise de nouvelles techniques de narration : on peut penser à la suppression des personnages, de l’intrigue, de l’ordre chronologique, à la multiplicité des points de vue et surtout à leur non concordance (un même personnage est vu sous différents aspects et obtient ainsi une identité problématique ou conserve des contradictions internes ) , au mélange des formes narratives avec les insertions de lettres , de paroles rapportées, de pensées des narrateurs et d’extraits du journal d’Edouard; On pourrait ainsi définir en quelque sorte l’anti roman  comme ce qui se présente comme un tentative de renouveler la manière de composer un roman . Pour reprendre l’histoire du roman: le roman comique fut considéré comme un anti- roman par les tenants du roman précieux; le roman réaliste fut taxé d’antiroman par les adeptes du roman sentimental ou romantique ; Les réalistes se mirent eux-aussi, quelques années après qu’ils eurent été traités d’anti romanciers eux-mêmes ,à considérer les oeuvres du Nouveau -Roman comme des antiromans; Il serait peut être simplificateur de dire que chaque nouveau mouvement littéraire paraît anti pour le précédent mais il est nécessaire de rappeler que les mouvements littéraires se font et se défont par réaction et par désir d'innover, de rompre avec la tradition et avec ce qui existe déjà. 

Revenons donc aux Faux-Monnayeurs et voyons sur quels points le roman gidien peut être assimilé à un anti- roman : on distinguera les aspects formels  comme le rejet des principales conventions romanesques avant d’évoquer les thèmes introduits par Gide dans cet univers fictif . Sans perdre de vue la modernité de Gide qui s’amuse à dérouter en permanence ses lecteurs.

Plan proposé : (NE PAS OUBLIER DE SE SERVIR DU JOURNAL DES FM )

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gid21.jpg, juin 2017

Anti roman parce que …

1. des conventions remises en questions (partie la plus facile et la plus longue qu’il faut développer avec des illustrations précises ) 

a) refus de l’intrigue unique : Gide construit un roman à partir de plusieurs intrigues qui se mêlent et se recoupent sans qu’on puisse vraiment distinguer lesquelles sont plus importantes que d’autres; Le gang des Faux- Monnayeurs , par exemple, ne joue qu’un rôle mineur au final dans la totalité des 3 parties et l’histoire de Bernard est parfois mise de côté au profit d’autres aventures ; Le Journal D’Edouard vient interrompre sans cesse les fils de la narration . Des intrigues connexes vient s’ajouter aux intrigues principales (histoires d’Armand, de Gontran, de Boris) qu’elle ne complètent pas nécessairement . D’où une impression de confusion ; Gide emploie l’adjectif “touffu ” dans son Journal pour désigner  cette manière de composer en étoile.

b) un récit déconstruit 

les différentes intrigues créent une impression de confusion et l’impression que les histoires cohabitent sans vraiment interférer ; Quel rapport entre Edouard et ses visites à la Pérouse (longues discussions sur le rôle de Dieu ou les difficultés conjugales du vieux couple  et le couple formé par Olivier et le Comte de Passavant (lien avec l’homosexualité affirmée de Gide) . Qu’ont en commun ces deux fragments du récit ? Pourquoi Georges est-il le héros d’un passage (celui où il est démasqué comme voleur par Edouard dans la librairie) et Caloub le héros mystérieux de la fin ? Des personnages sont juste ébauchés et ensuite disparaissent ou repassent au second plan . Ce qui laisse le lecteur insatisfait ..Gide veut en fait imiter la vie au plus près , sans les artifices du roman réaliste qui reconstruisent des destins entiers et explique chaque vagissement du personnage qui est un être compact. Gide explique dans son Journal qu’il veut tout faire entrer dans un seul roman: à la fois tous les sujets et toute la vie : “ ‘est-ce une folie de grouper dans un seul roman tout ce que me présente et m’enseigne la vie ? ” . Il note donc le caractère compliqué d’un tel projet .

c) les points de vue multiples 

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Un autre travail important pour le romancier consiste à démultiplier les points de vue , détruisant ainsi le narrateur omniscient qui se prenait pour Dieu dans les romans précédents et qui assurait la cohésion de l’intrigue et du sens.Les personnages assument parfois des fonctions de narrateur avant de redevenir des personnages vus par un autre narrateur ; les lettres servent de relais de narration ainsi que  le Journal ; le lecteur ne sait plus d’où est racontée l’histoire ni même parfois de quelle histoire il s’agit ;l’auteur instaure une sorte de jeu avec l’ignorance de son prétendu narrateur omniscient et le narrateur prétend quitter les personnages là où ils se trouvent sans plus savoir ce qui va leur arriver, brisant ainsi les codes de la narration . Gide note également dans son Journal : “Peut être est-ce folie de vouloir éviter à tout prix le simple récit impersonnel ? “, Ses questions de point de vue sont donc au centre de ses préoccupations de créateur. 

Mais aussi anti roman parce que 

<p style="text-align: justify;">2 ; destruction du réalisme et jeu sur l'illusion romanesque 

a) Gide revendique la fabrication du roman

il donne un rôle important au hasard et multilplie les coïncidences , allant ainsi à l’encontre des méthodes réalistes qui motivent toujours les rencontres et les actions des personnages; Il montre et raconte qu’il est en train d’écrire un roman et exhibe les interventions de son narrateur  mais tout en travaillant , Gide perçoit les difficultés pour le lecteur et note dans son Journal qu’il  éprouve le  “besoin d’établir une relation continue entre les éléments épars” . Il justifie ses choix de narration par des motivations 

b) un roman bavard où il ne se passe rien : le contraire d’un roman d’apprentissage ou d’aventures

Les faux -Monnayeurs ne racontent pas vraiment des faits qui se déroulent: le roman se présente plutôt comme une série de discussions sur tout ..Gide reprend et détourne des conversations et ainsi, le roman se fonde surtout sur des paroles échangées , des secrets dévoilés, des conversations rapportées ; A l’origine, Aristote définit les personnages comme les supports des actions et on note que le roman est arrivé ici à un point où les actions n’occupent une place que très subalterne; Le roman devient une matière de paroles ce qui peut indisposer certains lecteurs habitués à suivre des personnages en actions. 

c) le personnage du lecteur et de l’écrivain 

L’un des points les  plus novateurs qui est sans cesse revendiqué par l’écrivain dans son Journal consiste à intégrer le personnage du lecteur dans la fabrication même du roman; En effet, Gide affirme dans son Journal  que “l’histoire requiert sa collaboration pour se bien dessiner” Il laisse ainsi les actions inachevées, les personnages en plan et annonce quitter telle scène pour en rejoindre une autre, négligeant ainsi de terminer ce qu’il a ébauché. Il faut ainsi au lecteur ,dit -il dans son Journal, “admettre qu’un personnage qui s’en va ne puisse être vu que de dos ”  Si Gide n’a pas inventé ses techniques déstabilisantes pour le lecteur (Diderot les utilisait déjà dans Jacques le Fataliste, son roman philosophique paru au dix-huitième siècle ) ; il contribue à en faire un principe

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d’écriture . Ainsi Gide affirme qu’il ne fait pas parler ses personnages pour le lecteur mais simplement pour eux-mêmes . De plus, il place au ceux de la création des personnages d’écrivains ce qui contribue à mettre en abîme l travail de créations la matière romanesque . Il rejoint ainsi la devise du Nouveau -Roman qui dira qu ace que compte désormais, ce n’est plus tellement l’écriture d’une aventure mais l’aventure de l’écriture;  Gide innove et deviendra un pionnier qui sera bientôt rejoint par de nombreux autres écrivains qui feront partie du Nouvea-Roman. 

3 mais pourtant un roman qui reprend des thèmes traditionnels et qui s’inspire d’une anecdote réelle : ce gang des Faux Monnayeurs ..Gide en réalité reprend à sa manière les thèmes essentiels des romans..l’amour la famille et la quête de soi .

a) l’amour : la préoccupation centrale du récit , c’est la quête de l’amour véritable et de l’authenticité des sentiments qui est masquée ou dénaturée par le jeu des conventions sociales et l’hypocrisie ; La grande nouveauté apportée par Gide, c’est la place de premier plan dans un roman pour des histoires d’amour homosexuelles mais il n’est pas le premier romancier à l’évoquer (Marcel Proust avait ouvert la voie avec A la recherche du Temps perdu ); Bernard cherche l'amour et trouve sa voie entre une amitié avec Olivier qui aurait pu devenir une histoire d'amour et un amour platonique avec Laura qui tient plus de l'adoration que de l'amour véritable; Gide s'efforce de dépeindre les différents sentiments amoureux à travers les aventures des personnages (Lilan et Vincent : leur passion va devenir destructrice), Laure et Félix , couple qui représente un mariage sans amour et elle le trompe avec Vincent ) Les FM peuvent apparaître, à plus d'un titre comme une réflexion sur l'amour : sa cristallisation et sa décristallisation, le poids des conventions, le regard de la société qui condamne l'adultère et l'homosexualité; Gide a toujours éprouvé ses brûlures de la chair  et évoque dans son roman les tourments des personnages déchirés entre différentes aspirations 

b) la famille 

 Les FM ont conservé une dimension roman des origines : la famille joue, en effet,  un rôle vraiment central dans Les faux Monnayeurs; D'abord le roman est construit autour de la rencontre entre trois cercles de famille; Les Profitendieu, les Molinier et les Vedel . Le romancier montre des familles  en décomposition, des  familles et  des couples qui sont en tensions,  les rêves brisées des épouses (Pauline et Marguerite )  et  les ambitions déçues des maris trompés ou mal aimés . La pension Vedel retrace une ambiance familiale sur trois générations avec ses moments heureux et malheureux; ses rivalités entre frères et soeurs et les antagonismes entre générations.  On se souvient du cri de colère de Gide : "famille je vous hais ” et le roman interroge justement les relations familiales de tous ordres. La place de l’individu au sein de la famille est, une effet, sans cesse remise en question  dans le roman: qui est Bernard? enfant naturel ou enfant qui a sa place dans la famille ? Edouard et Pauline sont apparentés et Edouard tombe amoureux de son neveu. Gide note d’ailleurs que parmi les bases de son roman, il va explorer des considérations morales et notamment “l’insubordination de l’enfant”  et il s’interroge même pour savoir si ce n’est pas par là que “le livre doit s’ouvrir ” C’est le choix final qu’il conservera avec cette révolte de Bernard qui fait démarrer l’une des intrigues principales. 

c) la quête de soi : échec et  réussite

Autre thème traditionnel : les personnages sont tous en quête de quelque chose qui leur permettrait de se réaliser . A la différence des grands romans flaubertiens qui marquent l’échec des aspirations des personnages , que ce soit dans leur quête identitaire ou amoureuse (Pensons par exemple à l‘Education Sentimentale qui est une sorte d’anti roman d’apprentissage où le héros va d’échec en échec)  Edouard accède à l’amour véritable et tente d’écrire ; Olivier sait davantage ce qu’il cherche dans la vie ; Bernard après avoir surmonté la tentation de la révolte s’inscrit dans une démarche d’acceptation et rentre finalement dans le rang, transformé mais de retour au bercail . La lutte contre le faux peut également s’apparenter à se désir d’être soi -même et pas celui qu’on voudrait que nous soyons, d’oser affirmer sa véritable identité. Les Faux-Monnayeurs sont tous ces gens qui dénaturent les véritables sentiments et vendent du faux à la place du vrai.

Au final, un roman innovant sur de nombreux points qui peuvent être considérés comme des rejets des conventions romanesques dominantes  (reprendre la liste des sous-parties des parties 1 et 2 )  mais qui sera bientôt rejoint par la création du Nouveau-Roman . En dépit de ces caractéristiques, ce roman étrange conserve les thème esssentielles de chaque tentative d’écriture : parler de soi, de  sa place dans une famille et évoquer les multiples visages de l’amour .