13. novembre 2017 · Commentaires fermés sur Histoire des débats télévisés · Catégories: Divers
Les émissions de débat télévisés sont de plus en plus nombreuse et attirent des publics variés; A l’origine, ce sont souvent des émissions de débats politiques qui peu à peu abordent des sujets de société . Elles sont animées par des journalistes qui accueillent sur le plateau différents invités choisis à l’avance pour leurs avis divergents . Certaines se spécialisent dans les polémiques et cherchent à faire de l’audimat en créant des scandales; d’autres s’efforcent simplement de présenter au téléspectateurs des points de vue différents sur des sujets d’actualité . Plusieurs critères sont à prendre en considération pour fabriquer une émission de ce type.
Comment organiser un débat télévisé ?
– Débat spectacle ou débat réflexion ?
– Trouver un titre à l’émission, au débat
– Organiser le plateau :
o Dispositif scénique, mobilier, décor
o Emplacements (présentateur, public, invités)
– Le présentateur- journaliste :
Qui ? un ou deux ? Apparition, vêtements, gestuelle, voix, documents, déplacement, debout, assis, rôle…
Distribue la parole :
Choisit les intervenants
Réagit à des demandes d’intervention
Relance le débat :
Réagit à ce qui est dit
Exprime des opinions
Introduit de nouvelles idées
o Gère le temps de parole
– Le public : quel rôle, où est-il ?
– Les invités : qui ? où ? comment interviennent-ils ?
– Le lancement :
o musique ?
o écrire le texte de présentation du sujet
o présenter les invités : prénom et nom, fonction (justifier leur présence sur le plateau)
Quelques émissions célèbres :
Droit de réponse était une émission de débats télévisés polémiques en direct, de Michel Polac réalisée par Maurice Dugowson et diffusée sur TF1 entre le 12 décembre 1981 et le 19 septembre 1987, de manière hebdomadaire le samedi à 20 h 30.
C dans l’air est une émission télévisée française de débat consacrée à l’actualité. Crée en 2001 par Jérôme Bellay et Yves Calvi, elle s’impose rapidement en tant qu’émission phare de la chaîne France 5.
On n’est pas couché est une émission française de débat télévisé diffusée depuis le 16 septembre 2006 sur France 2, chaque samedi soir en deuxième partie de soirée vers 23 h, présentée .
18. octobre 2017 · Commentaires fermés sur Journal et roman : thématiques associées · Catégories: Divers
Associer les deux oeuvres revient en fait à chercher ce qu’elles ont en commun, notamment dans les thèmes qu’elles abordent sous des angles différents; Le journal ,en effet, décrit les réflexions et les nécessaires interrogations d’un auteur face à la création littéraire Le roman met en pratique les choix effectués par l’auteur et permet de vérifier s’il applique à sa propre fiction les principes intellectuels de la création . Entre la théorie et la mise en pratique , la réflexion de Gide peut avoir évolué et nous chercherons à repérer dans le roman s’il applique les principes qu’il énonce.
Les personnages :parmi les problèmes récurrents revient la question de la création des personnages : hostile à la description, Gide fait vivre les personnages par l’intermédiaire des dialogues et imagine des relations entre eux essentiellement sous la forme de liens familiaux et de rencontres. Les rôles que doivent jouer les personnages, leur lien avec l’auteur mais également avec le lecteur font l’objet de nombreuses réflexions à la fois dans le Journal de Gide ( p 33,37,58,66 ) mais également dans le Journal d’ Edouard (fin de la seconde partie ) et à travers les discussions littéraires des personnages d’écrivains notamment (Edouard, Robert, Lucien, Armand, Strouvilhou )
Le cadre: lieux définis mais non décrits, déplacements à travers l’espace et lieux de rencontre ou de rassemblements , l’auteur réfléchit à la localisation des scènes ; Paris, Saas-Fée, la Corse et les voyages des personnages définissent des espaces symboliques .
L’intrigue : Gide semble se refuser à agréger des éléments épars afin de les unifier ; Il multiplie à la fois les récits secondaires, les intrigues connexes et les changements de points de vue; Si certaines scènes font avancer l’action du roman, au final il ne se passe pas grand chose; Bavards, Les personnages parlent beaucoup plus qu’ils n’agissent.L’introduction du Journal d’ Edouard à l’intérieur d’une fiction constitue une mise en abyme et permet d’insérer les difficultés du romancier dans l’univers de la fiction ; Gide semble en fait hésiter sur ce qui fait le sujet même de l’intrigue et de son roman : la piste des faux-monnayeurs ne constitue pas l’intrigue principale et le départ de Bernard même s’il est un élément déclencheur , ne permet pas de résumer le roman . Gide pensait d’ailleurs dans son Journal qu’il y matière à deux livres comme s’il se révélait incapable de choisir une trame événementielle (p 14 du Journal )
La narration : elle est complexe ; le statut même du narrateur est à définir ; régisseur , il intervient pour guider le lecteur ; la présence d’ Edouard en tant que narrateur de son propre journal introduit une première difficulté car le roman est composé à partir des notes du Journal. De plus, les nombreuses lettres écrites ou lues par les personnages introduisent à chaque fois un nouveau narrateur. La multiplication des points de vues et la même scène éclairée différemment (comme par exemple le geste de Boris ou la liaison Laura-Vincent ) font du lecteur une sorte de voyeur autorisé ou une sorte d’écrivain bis.A plusieurs reprises, En effet, le lecteur possède des informations qu’un personnage ne possède pas .Pour décrire l’art du roman, Gide utilise dans son Journal, la métaphore musicale de l’art de la fugue qui consiste à laisser une oeuvre inachevée; La ligne mélodique principale est prolongée par des contrepoints qui forment des lignes secondaires, un peu comme des intrigues secondaires . La métaphore musicale se prête à différentes interprétations pour l’art du roman; elle peut désigner , à la fois, la multiplication des intrigues, des modes de narration, les personnages en écho , la mise en abyme.
Une réflexion en mouvement : l’écrivain s’interroge en fait sur la plupart des domaines de la création littéraire; où et comment débuter (l’incipit ) , comment finir (l’excipit ou l’absence d’excipit ) , comment raconter , quel genre de roman inventer, quels thèmes privilégier ?
Roman et morale : le roman aborde des thèmes importants comme l’amour, l’amitié, les relations familiales , la bâtardise, l’existence de Dieu et du Diable, la place de l’individu au sein d’un groupe , le mensonge et la sincérité, le couple. En cela , il est une vision du monde
05. septembre 2017 · Commentaires fermés sur Qu’est-ce qu’un anti -héros et qu’est-ce qu’un anti-roman ? L’exemple des Faux-Monnayeurs · Catégories: Divers
La question mérite réflexion car le sens même d’anti est très difficile à définir . Si on part de la notion d‘anti-héros que beaucoup ont rencontrée l’an dernier, on peut d’ores et déjà établir plusieurs typologies ; le premier sens d’anti -héros pourrait consister à dire qu’un antihéros est un personnage qui ne présente pas les caractéristiques habituelles ou convenues de ce qu’on nomme héros ; Soit il est lâche par opposition aux héros courageux (Bardamu dans Voyage au bout de la nuit) , soit il est banal par opposition aux héros charismatiques et extraordinaires ( le héros de Un homme qui dort de G Pérec, qui passe ses journées à ne rien faire ), soit il est antipathique et cynique par opposition aux héros auxquels on a envie de s’identifier; on peut penser à Dom Juan, ou bien au vicomte de Valmont dans les Liaisons dangereuses ; il peut aussi être juste naïf et maladroit comme le héros stendhalien mais on peut songer également au héros étranger au monde et qui semble n'éprouver aucun sentiment tel qu'on va le renconter dans les romans comme celui d'Albert Camus : l’Etranger . Tous ses personnages qu’on peut qualifier de anti-héros forment un ensemble hétéroclite et pour chacun d’eux, le préfixe anti ne désigne pas la même chose.
Poursuivons la démonstration pour les personnages gidiens du roman: Bernard est-il un antihéros ?
A première vue, on serait plutôt tenté de voir en lui un véritable héros au sens romantique : batard par ses origines, cette découverte le met sur le chemin de la révolte et en quête de sa véritable identité; Il passe par des épreuves et des étapes successives (notamment la fuite hors de l’espace familial, la découverte de l’amour sous ses différentes formes et le combat avec l’ange ) et finit par se réaliser partiellement en trouvant sa voie , ou plutôt en refusant deux directions qui sont la politique et la religion . Il a du héros traditionnel le goût de l’aventure et même parfois un côté mauvais garçon (vol du ticket de consigne, aventure avec Sarah ) ; A la fin du récit, il retrouve le chemin de la famille; Il a gardé des valeurs chevaleresques telles que le secours aux plus faibles (avec Laura son amour ressemble à celui d’un chevalier servant pour la dame de son seigneur ) et le désir d’être lui-même et de demeurer
authentique ; Pourtant, ce personnage n’agit que très peu : il demeure passif et pensif : couché sur un banc il médite et se décide à suivre Edouard à la gare ; il renonce à des engagements qui le dénatureraient mais son retour final demeure ambigu..rentre-t-il parce qu’il ne sait pas où aller ou pour s’occuper de son “père” qui ne va pas très bien ? Gide laisse planer des doutes sur le destin final de Bernard . Et il ne s’est pas vraiment réalisé durant le roman: il a juste évolué sans pour autant être parvenu à un point d’aboutissement comme les héros conquérants .
Pour Robert de Passavant , la démonstration est plus facile : il s’agit d’un anti-héros au sens où les modèles qu’il propose sont contraires aux valeurs héroïques traditionnellement admises : sincérité, courage, altruisme. Le Comte est un faux -monnayeur qui , sous les apparences d’un romancier à succès, cache un manipulateur cynique et dangereux pour les âmes simples qu’il entraîne vers leur perte. Il détruit l’existence de Vincent, il corrompt Olivier et s’attaque à Edouard sans pour autant en venir à bout car ce dernier lui reprend Olivier au terme d’un combat de mots. A peine touché par la mort de son père, il se croit au- dessus des autres hommes à cause de sa fortune , de son rang et de sa notoriété. Il est décrit par lady Griffith comme vaniteux, hypocrite, ambitieux, versatile et égoïste. C’est donc le personnage qui ressemble le plus à un héros en négatif: d’ailleurs il est à plusieurs reprises comparé à un démon . Détesté parEdouard; il représente une sorte de repoussoir et figure aussi, en partie, le côté sombre d’Edouard ou les dangers qui guettent un artiste grisé par le succès.
Edouard serait peut être le personnage pour lequel la notion de anti- héros ne peut pas vraiment s’appliquer mais tous les personnages gidiens, nous allons le voir, possèdent des caractéristiques qui les rendent parfois étranges aux yeux des lecteurs.
Essayons d’appliquer ce raisonnement au roman en entier et de voir quels aspect font de cet ouvrage un anti-roman : la définition la plus fréquente consiste à dire qu’un anti-roman est un texte qui ne présente pas les caractéristiques attendues dans un roman sauf que ..un roman au seizième siècle et un roman quatre siècles plus tard n’ont pas grand chose en commun ; Il faut donc traiter cette notion d’anti- roman en partant de l’état du roman juste dans les années qui précdèent la publication de l’oeuvre qui fait polémique . Une première idée consiste à partir de l’existence dans le préfixe anti d’une forme d’opposition, de refus ou de rejet ; A ce titre, le roman gidien présente beaucoup d’aspects anticar Gide s’y dresse à la fois contre la morale bourgeoise, contre l’art de raconter des histoires à la manière des romanciers réalistes et contre l’idée même de personnage de roman . Un roman , en effet, peut être décomposé en trois principes essentiels: la narration (manière de raconter, choix du point de vue, thèmes choisis) , l’intrigue (l’histoire, ) et les personnages . Pour votre dissertation, il faudra donc passer en revue ces trois domaines.
Deuxième question à régler : le terme anti-roman ne désigne- t-il que des aspects formels de l’oeuvre ? A ce titre, un anti- roman serait un texte qui ne ressemble pas à un roman traditionnel car il utilise de nouvelles techniques de narration : on peut penser à la suppression des personnages, de l’intrigue, de l’ordre chronologique, à la multiplicité des points de vue et surtout à leur non concordance (un même personnage est vu sous différents aspects et obtient ainsi une identité problématique ou conserve des contradictions internes ) , au mélange des formes narratives avec les insertions de lettres , de paroles rapportées, de pensées des narrateurs et d’extraits du journal d’Edouard; On pourrait ainsi définir en quelque sorte l’anti roman comme ce qui se présente comme un tentative de renouveler la manière de composer un roman . Pour reprendre l’histoire du roman: le roman comique fut considéré comme un anti- roman par les tenants du roman précieux; le roman réaliste fut taxé d’antiroman par les adeptes du roman sentimental ou romantique ; Les réalistes se mirent eux-aussi, quelques années après qu’ils eurent été traités d’anti romanciers eux-mêmes ,à considérer les oeuvres du Nouveau -Roman comme des antiromans; Il serait peut être simplificateur de dire que chaque nouveau mouvement littéraire paraît anti pour le précédent mais il est nécessaire de rappeler que les mouvements littéraires se font et se défont par réaction et par désir d'innover, de rompre avec la tradition et avec ce qui existe déjà.
Revenons donc aux Faux-Monnayeurs et voyons sur quels points le roman gidien peut être assimilé à un anti- roman : on distinguera les aspects formels comme le rejet des principales conventions romanesques avant d’évoquer les thèmes introduits par Gide dans cet univers fictif . Sans perdre de vue la modernité de Gide qui s’amuse à dérouter en permanence ses lecteurs.
Plan proposé : (NE PAS OUBLIER DE SE SERVIR DU JOURNAL DES FM )
Anti roman parce que …
1. des conventions remises en questions (partie la plus facile et la plus longue qu’il faut développer avec des illustrations précises )
a) refus de l’intrigue unique : Gide construit un roman à partir de plusieurs intrigues qui se mêlent et se recoupent sans qu’on puisse vraiment distinguer lesquelles sont plus importantes que d’autres; Le gang des Faux- Monnayeurs , par exemple, ne joue qu’un rôle mineur au final dans la totalité des 3 parties et l’histoire de Bernard est parfois mise de côté au profit d’autres aventures ; Le Journal D’Edouard vient interrompre sans cesse les fils de la narration . Des intrigues connexes vient s’ajouter aux intrigues principales (histoires d’Armand, de Gontran, de Boris) qu’elle ne complètent pas nécessairement . D’où une impression de confusion ; Gide emploie l’adjectif “touffu ” dans son Journal pour désigner cette manière de composer en étoile.
b) un récit déconstruit
les différentes intrigues créent une impression de confusion et l’impression que les histoires cohabitent sans vraiment interférer ; Quel rapport entre Edouard et ses visites à la Pérouse (longues discussions sur le rôle de Dieu ou les difficultés conjugales du vieux couple et le couple formé par Olivier et le Comte de Passavant (lien avec l’homosexualité affirmée de Gide) . Qu’ont en commun ces deux fragments du récit ? Pourquoi Georges est-il le héros d’un passage (celui où il est démasqué comme voleur par Edouard dans la librairie) et Caloub le héros mystérieux de la fin ? Des personnages sont juste ébauchés et ensuite disparaissent ou repassent au second plan . Ce qui laisse le lecteur insatisfait ..Gide veut en fait imiter la vie au plus près , sans les artifices du roman réaliste qui reconstruisent des destins entiers et explique chaque vagissement du personnage qui est un être compact. Gide explique dans son Journal qu’il veut tout faire entrer dans un seul roman: à la fois tous les sujets et toute la vie : “ ‘est-ce une folie de grouper dans un seul roman tout ce que me présente et m’enseigne la vie ? ” . Il note donc le caractère compliqué d’un tel projet .
c) les points de vue multiples
Un autre travail important pour le romancier consiste à démultiplier les points de vue , détruisant ainsi le narrateur omniscient qui se prenait pour Dieu dans les romans précédents et qui assurait la cohésion de l’intrigue et du sens.Les personnages assument parfois des fonctions de narrateur avant de redevenir des personnages vus par un autre narrateur ; les lettres servent de relais de narration ainsi que le Journal ; le lecteur ne sait plus d’où est racontée l’histoire ni même parfois de quelle histoire il s’agit ;l’auteur instaure une sorte de jeu avec l’ignorance de son prétendu narrateur omniscient et le narrateur prétend quitter les personnages là où ils se trouvent sans plus savoir ce qui va leur arriver, brisant ainsi les codes de la narration . Gide note également dans son Journal : “Peut être est-ce folie de vouloir éviter à tout prix le simple récit impersonnel ? “, Ses questions de point de vue sont donc au centre de ses préoccupations de créateur.
Mais aussi anti roman parce que
<p style="text-align: justify;">2 ; destruction du réalisme et jeu sur l'illusion romanesque
a) Gide revendique la fabrication du roman
il donne un rôle important au hasard et multilplie les coïncidences , allant ainsi à l’encontre des méthodes réalistes qui motivent toujours les rencontres et les actions des personnages; Il montre et raconte qu’il est en train d’écrire un roman et exhibe les interventions de son narrateur mais tout en travaillant , Gide perçoit les difficultés pour le lecteur et note dans son Journal qu’il éprouve le “besoin d’établir une relation continue entre les éléments épars” . Il justifie ses choix de narration par des motivations
b) un roman bavard où il ne se passe rien : le contraire d’un roman d’apprentissage ou d’aventures
Les faux -Monnayeurs ne racontent pas vraiment des faits qui se déroulent: le roman se présente plutôt comme une série de discussions sur tout ..Gide reprend et détourne des conversations et ainsi, le roman se fonde surtout sur des paroles échangées , des secrets dévoilés, des conversations rapportées ; A l’origine, Aristote définit les personnages comme les supports des actions et on note que le roman est arrivé ici à un point où les actions n’occupent une place que très subalterne; Le roman devient une matière de paroles ce qui peut indisposer certains lecteurs habitués à suivre des personnages en actions.
c) le personnage du lecteur et de l’écrivain
L’un des points les plus novateurs qui est sans cesse revendiqué par l’écrivain dans son Journal consiste à intégrer le personnage du lecteur dans la fabrication même du roman; En effet, Gide affirme dans son Journal que “l’histoire requiert sa collaboration pour se bien dessiner” Il laisse ainsi les actions inachevées, les personnages en plan et annonce quitter telle scène pour en rejoindre une autre, négligeant ainsi de terminer ce qu’il a ébauché. Il faut ainsi au lecteur ,dit -il dans son Journal, “admettre qu’un personnage qui s’en va ne puisse être vu que de dos ” Si Gide n’a pas inventé ses techniques déstabilisantes pour le lecteur (Diderot les utilisait déjà dans Jacques le Fataliste, son roman philosophique paru au dix-huitième siècle ) ; il contribue à en faire un principe
d’écriture . Ainsi Gide affirme qu’il ne fait pas parler ses personnages pour le lecteur mais simplement pour eux-mêmes . De plus, il place au ceux de la création des personnages d’écrivains ce qui contribue à mettre en abîme l travail de créations la matière romanesque . Il rejoint ainsi la devise du Nouveau -Roman qui dira qu ace que compte désormais, ce n’est plus tellement l’écriture d’une aventure mais l’aventure de l’écriture; Gide innove et deviendra un pionnier qui sera bientôt rejoint par de nombreux autres écrivains qui feront partie du Nouvea-Roman.
3 mais pourtant un roman qui reprend des thèmes traditionnels et qui s’inspire d’une anecdote réelle : ce gang des Faux Monnayeurs ..Gide en réalité reprend à sa manière les thèmes essentiels des romans..l’amour la famille et la quête de soi .
a) l’amour : la préoccupation centrale du récit , c’est la quête de l’amour véritable et de l’authenticité des sentiments qui est masquée ou dénaturée par le jeu des conventions sociales et l’hypocrisie ; La grande nouveauté apportée par Gide, c’est la place de premier plan dans un roman pour des histoires d’amour homosexuelles mais il n’est pas le premier romancier à l’évoquer (Marcel Proust avait ouvert la voie avec A la recherche du Temps perdu ); Bernard cherche l'amour et trouve sa voie entre une amitié avec Olivier qui aurait pu devenir une histoire d'amour et un amour platonique avec Laura qui tient plus de l'adoration que de l'amour véritable; Gide s'efforce de dépeindre les différents sentiments amoureux à travers les aventures des personnages (Lilan et Vincent : leur passion va devenir destructrice), Laure et Félix , couple qui représente un mariage sans amour et elle le trompe avec Vincent ) Les FM peuvent apparaître, à plus d'un titre comme une réflexion sur l'amour : sa cristallisation et sa décristallisation, le poids des conventions, le regard de la société qui condamne l'adultère et l'homosexualité; Gide a toujours éprouvé ses brûlures de la chair et évoque dans son roman les tourments des personnages déchirés entre différentes aspirations
b) la famille
Les FM ont conservé une dimension roman des origines : la famille joue, en effet, un rôle vraiment central dans Les faux Monnayeurs; D'abord le roman est construit autour de la rencontre entre trois cercles de famille; Les Profitendieu, les Molinier et les Vedel . Le romancier montre des familles en décomposition, des familles et des couples qui sont en tensions, les rêves brisées des épouses (Pauline et Marguerite ) et les ambitions déçues des maris trompés ou mal aimés . La pension Vedel retrace une ambiance familiale sur trois générations avec ses moments heureux et malheureux; ses rivalités entre frères et soeurs et les antagonismes entre générations. On se souvient du cri de colère de Gide : "famille je vous hais ” et le roman interroge justement les relations familiales de tous ordres. La place de l’individu au sein de la famille est, une effet, sans cesse remise en question dans le roman: qui est Bernard? enfant naturel ou enfant qui a sa place dans la famille ? Edouard et Pauline sont apparentés et Edouard tombe amoureux de son neveu. Gide note d’ailleurs que parmi les bases de son roman, il va explorer des considérations morales et notamment “l’insubordination de l’enfant” et il s’interroge même pour savoir si ce n’est pas par là que “le livre doit s’ouvrir ” C’est le choix final qu’il conservera avec cette révolte de Bernard qui fait démarrer l’une des intrigues principales.
c) la quête de soi : échec et réussite
Autre thème traditionnel : les personnages sont tous en quête de quelque chose qui leur permettrait de se réaliser . A la différence des grands romans flaubertiens qui marquent l’échec des aspirations des personnages , que ce soit dans leur quête identitaire ou amoureuse (Pensons par exemple à l‘Education Sentimentale qui est une sorte d’anti roman d’apprentissage où le héros va d’échec en échec) Edouard accède à l’amour véritable et tente d’écrire ; Olivier sait davantage ce qu’il cherche dans la vie ; Bernard après avoir surmonté la tentation de la révolte s’inscrit dans une démarche d’acceptation et rentre finalement dans le rang, transformé mais de retour au bercail . La lutte contre le faux peut également s’apparenter à se désir d’être soi -même et pas celui qu’on voudrait que nous soyons, d’oser affirmer sa véritable identité. Les Faux-Monnayeurs sont tous ces gens qui dénaturent les véritables sentiments et vendent du faux à la place du vrai.
Au final, un roman innovant sur de nombreux points qui peuvent être considérés comme des rejets des conventions romanesques dominantes (reprendre la liste des sous-parties des parties 1 et 2 ) mais qui sera bientôt rejoint par la création du Nouveau-Roman . En dépit de ces caractéristiques, ce roman étrange conserve les thème esssentielles de chaque tentative d’écriture : parler de soi, de sa place dans une famille et évoquer les multiples visages de l’amour .
La classe de Première Littéraire a pu participer à un atelier d’écriture au mois de décembre à la suite de la représentation de la pièce Les Optimistes à l’Orange Bleue ; en présence de Christine Ollic, directrice du festival de théâtre du Val d’Oise et d’un journaliste spécialisé dans la critique théâtrale, les élèves ont fabriqué des compte-rendus du spectacle auquel ils ont assisté. Le résultat de leurs travaux est désormais visible en ligne et en version papier à l’intérieur du magasine Critiques en herbe . Vous pouvez lire ci-dessous un résumé de leurs articles …
13. mai 2017 · Commentaires fermés sur Le couple à l’épreuve de la fausse monnaie · Catégories: Divers
Lorsqu’il rédige son Journal, Gide a bien conscience que penser le système de ses personnages dans le roman qu’il est en train d’écrire Les faux-Monnayeurs, lui pose un certain nombre de problèmes . S’il envisage leurs rapports en terme de symétrie ou d’oppositions, le procédé de composition lui paraît artificiel et renvoie alors au romantisme , un courant qu’il juge dépassé et qu’il entend bien ne pas reproduire. Mais il av pourtant présent à l’esprit en permanence l’idée de devoir justifier (motiver ) l’évolution de ses personnages (le réalisme est passé par là ) et il est prisonnier de certains principes hérité des romanciers réalistes comme par exemple de caractériser chaque personnage par une voix qui lui serait propre te qui reflèterait sa “personnalité” qui le rendrait reconnaissable pour le lecteur . Avec le couple, Gide peut saisir à la fois le personnage dans son unicité et dans sa relation à l’autre ce qui lui offre deux points de vue qui se complètent ou qui, dans certains cas, s’opposent.
. Le couple, en effet, commence devenir dans cette première moitié du XX sème siècle, la cellule de base autour de laquelle la famille va peu à peu se créer, s’agglomérer. L’exode rural a exilé les jeunes loin de leurs groupes familiaux et dans les villes, les liens vont se reformer autour des couples à une époque où le divorce est extrêmement marginal. Que représente le couple dans Les faux -Monnayeurs et comment expliquer les formes qu’il prend, ses nombreuse variations ?
Pour pouvoir répondre à cette question, il fait tout d’abord faire l’inventaire de tous les couples du roman (étape des recherches) et chercher à dessiner leurs transformations ainsi que leur évolution. Le premier couple est formé de Bernard et Olivier ; ce sont des amis ; Les parents de Bernard forment un couple désuni et peu aimant,gangrené par les regrets et corseté par la morale: Marguerite a eu un enfant hors mariage et le juge Albéric Profitendieu a élevé cet enfant comme le sien. Les parents d’Olivier ne forment pas non plus un couple très uni:Pauline est au courant des liaisons de son mari et finira par le quitter. L’arrivée d’ Edouard va faire apparaître de nouveaux couples : Ce dernier a formé un couple amoureux platonique avec Laura qui , par dépit a épousé Félix; ce dernier souffre du désamour de sa femme qui se retrouve amoureuse de Vincent Molinier; enceinte de lui , elle inspirera pourtant à Bernard, lors de leur séjour à Saas-Fée un amour dévorant mais qui n’aura pas de concrétisation charnelle. On constate dans le roman que certains couples n’ont pas de relations charnelles et on peut penser que Gide fait revivre en quelque sorte, son couple avec sa cousine Madeleine teinté de platonisme. Laura finira par revivre avec son mari. Est-ce le signe d’un échec ou d’une victoire du couple? Félix paraît un mari aimant et supplie sa femme de revenir mais l’ombre de l’adultère pèse sur leur avenir de couple et le destin de cet enfant ressemble fort à celui de Bernard, comme une sorte d’écho dans le roman.
Quant à Bernard justement , après avoir hésité sur la nature de sa relation avec Olivier , il aura finalement une aventure sensuelle avec Sarah, la soeur de Laura . On retrouve une fois de plus cette dissociation entre les plaisirs de la chair et l’assouvissement du désir d’une part et l’affection, les affinités intellectuelles d’autre part Le roman est-il le reflet de cette dissociation que Gide a opéré entre ses relations avec ses compagnons homme et son affection pour son épouse?
Vincent Molinier quant à lui représente l’homme qui se perd par amour pour une femme; son idylle avec Laura a failli lui coûter sa carrière de médecin car il a perdu beaucoup d’argent au jeu pour en donner à Laura; ensuite il a abandonné Laura pour partir à l’aventure avec lady Lilian Griffith et ils formeront un couple d’amant maudits qui s’entredéchireront jusqu’à la folie et la mort . L’échec de leur couple marque le caractère tragique de l’évolution de leur relation basée au départ sur une entente charnelle; Lilian et Robert forment un couple bine particulier dans le roman; ils ne sont pas amants mais représentent plutôt les deux versants de la tentation qui mène à la perdition : le versant masculin avec un personnage séducteur et manipulateur, cynique qui est un peu le reflet inversé d’ Edouard ; l’un est romancier à succès alors que l’autre a un cercle de lecteurs plus restreint parce qu’il a aussi une conception plus exigeante du roman: tous deux aiment les hommes et sont amoureux d’Olivier et forment un couple non amoureux avec Laura pour Edouard et Lilian pour Robert ; Nouvel effet de symétrie dans la composition du roman.
Une autre image frappante du couple en crise est formée par les disputes et les scènes entre Monsieur et Madame de La Pérouse : images terribles de ces reproches permanents et cette aigreur qui caractérise désormais la vie en commun ; Le lecteur soupçonne d’ailleurs chez le vieux professeur une forte attirance pour les hommes longtemps réprimée mais que l’écrivain et en scène à travers son affection pour Edouard. Quelques années avant Gide, Marcel Proust a défrayé la chronique avec son cycle romanesque A La recherche du temps perdu qui évoque, encore à demi-mots, les ambiguïtés de ce qu’on nomme à cette époque l’inversion c’est à dire le fait pour un homme de se sentir féminin et de n’envisager des relations sexuelles qu’avec des hommes. En effet, la thématique homosexuelle imprègne le roman de Gide et propose une perception du couple qui diffère sans doute de celle d’un écrivain hétérosexuel : le lecteur est marqué par ce principe de dissociation déjà évoqué et relayé dans le Journal des FM entre les exigences du corps et celles de l’esprit mais il peut également être sensible à l’échec massif des couples constitués. Il faut donc s’interroger sur ce que traduit cet échec ?
N’est-il que le reflet de la lassitude lié au quotidien partagé ? aux mauvais appariements de départ ? à l’impossibilité d’envisager un avenir
de couple heureux dans la version homosexuelle ? au rejet du mariage ? du conformisme ? Le couple apparaît au croisement de ces perspectives . Il permet d’étudier les relations hommes /femmes , la composition familiale, le sentiment amoureux , la vision morale avec l’adultère te l’homosexualité: il est donc au centre d’une réflexion sur la vision de l’homme et du monde portée par l’oeuvre romanesque .
Quelques idées de plans :
A / Pour un sujet qui porterait sur la présence de nombreux couples composés et recomposés
Omniprésence du couple justifiée par
a) une cellule familiale en crise : les disputes et les couples mal assortis ou les adultères démontrent que la famille n’est pas une valeur stable au sein de laquelle l’individu s’épanouit mais une valeur en crise ” famille je vous hais ” : une forme d’hypocrisie (fausse monnaie de l’harmonie familiale ) et la difficulté des relations parents/enfants
b) les normes sociales : la société rejette ou bannit l’homosexualté , les enfants hors mariage , les unions libres , la sexualité en dehors du mariage : l’individu étouffé par des principes moraux mais hypocrisie dénoncée par le roman car ceux qui condamnent ces turpitudes (les juges Profitendieu et Moilinier ) sont également les principaux pourvoyeurs (Georges impliqué , Vincent dévoyé )
c) un individu en quête de lui-même : les évolutions au sein des couples et les changements de partenaires reflètent l’évolution soit des préférences sexuelles , le passage à la sexualité ou la révélation de sentiments amoureux. L’individu formera différents couples dans sa vie car il n’est pas permanent mais en constante évolution. La fausse monnaie consisterait alors à se mentir à soi-même sur ses véritables inclinations
Autres plans possibles qui relient les deux notions :
Idée de départ : Faux couples et vrais couples ? on construit un plan progressif de type thèse , antithèse, synthèse
I Les Faux-Monnayeurs du couple
Sauver les apparences : respect des convenances
Masquer l’adultère
Mensonge du bonheur conjugal
II Prendre le risque de la vérité des sentiments
Le choix difficile de l’homosexualité
L’impasse de l’amour non partagé
Corps ou esprit : impossible conciliation ?
III La mise en échec programmée du couple
Echec de la cellule familiale
Dénonciation des contraintes morales
Quand l’amour devient de la haine…
A vous d’illustrer chacune de ces sous-parties au moyen d’exemples tirés du roman et de citations du Journal .
Pour conclure ,le roman consisterait en un dévoilement progressif de la vérité dans tous les domaines comme Gide l’annonce dans son journal; Ainsi Les Faux Monnayeurs du roman ne sont pas seulement ces jeunes désoeuvrés , assemblés autour de Strouvilhou et qui se livrent à des malversations , tentent d’écouler des faux -billets et ont des relations avec des prostituées alors qu’ils sont mineurs.Les véritables Faux-Monnayeurs , ce sont tous ceux qui font preuve de faux sentiments ; Et ils sont bien plus nombreux . La construction du roman vise à dévoiler l’ampleur de cette fausseté dans les échanges et le couple est le vecteur privilégié de cette quête de la vérité des sentiments. L’individu doit faire face à sa propre évolution et ne doit pas se laisser imposer sa conduite amoureuse au nom d’une morale qui condamne globalement la sexualité libre , hors mariage, l’épanouissement de l’individu et les orientations sexuelles jugées non conformes . La fausse monnaie consiste alors à donner le change, à faire semblant d’être heureux alors que tout en nous prétend le contraire et que nos aspirations profondes nécessitent de briser le couple formé . Quelque part, on peut penser que Gide n’envisage pas l’individu en dehors du couple quand bien même ce dernier ne serait que faux-semblant.
16. avril 2017 · Commentaires fermés sur Diableries et bondieuseries : anges et démons dans les Faux-Monnayeurs · Catégories: Divers · Tags: Gide
Lorsque Gide entreprend d’écrire le Journal des Faux-Monnayeurs, il nous fait part de ses interrogations et des pistes qu’il envisage de suivre pour rédiger et composer son roman Les Faux-monnayeurs; A plusieurs reprises , dans son Journal, il mentionne un personnage particulier : le démon et décrit sa manière d’agir en restant dans l’ombre des personnages ; Comment a t-il intégré cet élément dans son roman et doit-on y voir la marque du diable ou une sorte d’intervention divine proche de l’ange ? Dans une première partie, nous montrerons en quoi consiste cet esprit diabolique qui observe et parfois même pousse des personnages à agir; Ensuite nous verrons qu’il s’agit d’une sorte d’alibi pour le narrateur et enfin nous examinerons les interventions de l’ange dans la troisième partie du roman.
Le démon au sens grec de daimon, d’esprit, se manifeste dès les premières lignes du récit comme la figure de la tentation ; Gide évoque le démon de la curiosité qui pousse Bernard Profitendieu à trouver la cachette des lettres d’amour de sa mère Marguerite, prénom aux consonances diaboliques car il est celui de la femme pour laquelle le docteur Faustus se damne, poussé par le pacte que lui propose un démon appelé Méphistophélès ; Peu après , dans le chapitre suivant, Bernard sera à nouveau tenté par un démon et volera la valise d’Edouard en dérobant au préalable le ticket de consigne que ce dernier a jeté par erreur; le narrateur souligne habilement ce trait en mentionnant le geste du personnage qui retrouve une pièce de 10 sous oubliée au fond d’une poche : “le démon ne permettra pas qu’il se perde ” et peu après “il n’est pas un voleur que diable ”
Vincent Molinier , le frère d’Olivier est également une des victimes du démon : la culture positive de Vincent le retenait de croire au surnaturel; ce qui donnait au démon de grands avantages; le diable va , en effet, s’acharner sur ce personnage et ruiner son destin; d’abord en le faisant tomber amoureux de Lilian; il délaisse Laura qu’il a pourtant mois enceinte, dépense l’argent de sa famille et va devenir un meurtrier; Mais le diable procède par étapes et le narrateur monter comment il agit de manière progressive; Simple observateur au départ, il se contente de l’observer comme le note le narrateur :” laissons le , tandis que le diable amusé le regarde glisser sans bruit la petit clé dans la serrure ” ( p 60) ; Ensuite le démon va s’attaquer à lui de manière retorse ne lui faisant fléchir ses parents pour obtenir la permission qu’olivier parte avec le Comt edu Passavant en vacances avant de, finalement , le transformer en meurtrier : le démon de l’ennui va le pousser, dans la troisième partie vers la folie et le meurtre de Lilian . C’est par un lettre d’Alexandre, le grand frère d’Armand , que nous retrouvons Vincent Molinier , fou qui se croit possédé par le diable .
Le Comte Robert de Passavant est lui aussi une âme damnée et un suppôt de Satan: le prénom même de Robert fait peut être référence au diable amoureux , le roman de Cazotte. Il manipule Vincent , se montre cynique avec son père et avec son jeune frère Gontran et parait sans cesse en représentation en public; Il verse du poison et de la perfidie sur le bonheur des autres . Le romancier mentionne ses interventions divines comme pour se dédouaner d’agir avec ses personnages à sa guise ; Les interventions du diable pourraient ainsi se lire comme des tentatives de justifier, de manière en quelque sorte surnaturelle, les agissements des personnages et l’enchainement des événements au sein de la trame narrative du roman. Au lieu de se nommer comme le créateur de cette fiction, Gide désignerait ainsi le surnaturel comme un principe actif du récit. Toutefois, on distingue des interventions diaboliques qui jouent un rôle dans l’action mais aussi des discussions où il est question de religion de manière plus générale.
Le personnage de La Pérouse, par exemple, est celui qui nous permet de bien saisir cette ambivalence entre le démon et l’ange, tous deux au service de dieu apparemment : en effet, lorsqu’il évoque la religion, Monsieur de La Pérouse décrit Dieu comme une sorte de démon qui lui a menti et lui a fait prendre pour de la vertu son orgueil: “dieu s’est moqué de moi”, s’écrie t-il: il nous envoie des tentations auxquelles il sait que nous ne pourrons pas résister , et quand nous résistons, il se venge de nous encore plus ” explique -t-il à Edouard; dans le dernier chapitre du roman, La Pérouse se désole du silence de Dieu et déclare : ce n’est jamais que le diable que nous parvenons à entendre . “Nous n’avons pas d’oreille pour écouter la voix de Dieu ” ( 377) et il pense que désormais le bruit du diable couvre la voix de Dieu ; Il fait par avouer en sanglots que “le diable te le bon dieu ne font qu’un ; ils s’entendent. Nous nous efforçons de croire que tout ce qui est mauvais sur la terre vient du diable; mai c’est parce qu’autrement nous ne trouverions pas en nous la force de pardonner à Dieu . Il s’amuse avec nous comme un chat avec la souris qu’il tourmente . ” La cruauté , dit -il , voilà le premier des attributs de Dieu .
Dans la troisième partie du roman, un ange se fait voir à Bernard et le guide pour choisir son chemin : cette intervention est très importante et s’étend sur un chapitre entier . (le chapitre XIII) Etymologiquement,nous retrouvons le sens d’envoyé de Dieu, de messager . Bernard médite pour savoir quelle route il doit suivre quand l’ange fait son apparition dans le jardin du Luxembourg. ” ( p 332) il le suit docilement : il n’était pas plus étonné qu’il ne l’eût été dans un rêve ” L’ange le guide vers l’église de la Sorbonne et es met à prier; Bernard sent alors son coeur envahi d’un besoin de don et l’ange lui rappelle qu’il ressentait la même chose pour Laura; A la sortie du l’église l’ange a disparu et Bernard se retrouve au restaurant ; à la fin du repas l’ange lui dit : “le temps est venu de faire tes comptes ” Il l’entraine alors vers une estrade sur laquelle défilent des orateurs qui défendent l’engagement patriotique .Bernard renonce à signer un engagement et l’ange l’entraine dans des quartiers miséreux où il s’émeut; L’ange pleure et le soir venu, il rentre avec Bernard dans sa chambre où il luttèrent toute la nuit. “sans qu’aucun des deux ne fut vainqueur”; mais le lendemain, sa lutte avec l’ange l’a mûri et il trouve refuge auprès d’Edouard qu’il interroge sur le sens à donner à sa vie .Il raconte alors à ce dernier les événements de la veille et avoue qu’ alors poussé par un démon, il avait failli signer un engagement mais que quelque secret instinct l’a dissuadé; Edouard ne peut répondre aux interrogations de ce dernier lais lui conseille de “suivre sa pente pourvu que ce soit en montant ” (340)
Pensant ce temps là, chez les Vedel, Sarah décide de repartir en Angleterre et crie à sa soeur Rachel : “je ne peux pas croire à ton ciel. Je ne veux pas être sauvée.” comme si elle acceptait son destin
Dieu apparaît dans le roman comme une possibilité évoquée par certains personnages, les plus purs comme Boris ou Rachel ou les plus vieux comme La Pérouse de trouver un sens à leur existence et à leurs malheurs mais le romancier semble leur répondre en évoquant, comme contrepoids la part du diable; il n’hésite pas à transformer dieu en un être cruel qui joue avec les hommes comme un chat joue avec les souris qu’il s’apprête à tuer; face à ce Dieu trompeur mais inaccessible, Gide construit la figure d’un démon partout présent et dissimulé dans les moindres gestes du quotidien ; à la fois observateur caché et parfois instigateur sous la forme d’un personnage retors, il serait une sorte de voix de la conscience qui rappellerait au lecteur les limites vacillantes entre le Bien et le mal . Ange ou démon, parfois les deux , le principe spirituel chez Gide n’est pas un guide mais plutôt un garde-fou. L’ange ne répond pas aux questions de Bernard mais l’invite à chercher seul le sens de son existence et le démon ne peut être pris comme une excuse pour justifier l’existence du mal car la plupart de ceux qui ruinent leurs vies ne croient pas au diable. Au sein du roman, anges et démons s’agitent autour des personnages et remplacent la toute-puissance de l’écrivain ou l’ironie du sort qui semble ainsi ne pas émaner de l’auteur mai d’un principe éthique indépendant .
27. mars 2017 · Commentaires fermés sur Les personnages gidiens : Edouard en maître de cérémonie ? · Catégories: Divers · Tags: Gide
Notons tout d’abord que Gide refuse les descriptions physiques et caractérise ses personnages par leur langage: ce sont des êtres de parole . Le romancier déclarer chercher l’expression directe “révélatrice de son état intérieur ” ( journal p 82 ) Ensuite , il entend leur faire jouer un rôle dans l’intrigue et les classe en catégories : le jeune héros qui découvre le monde (Olivier , Bernard) , les maîtres à penser (, les garants de l’ordre (les pères Molinier et Profitendieu et Vedel) , les rebelles ou faux rebelles comme Bernard , le suppôt de Satan (Robert et sa comparse Lilian ) , la jeune femme éplorée (Laura) . Comme beaucoup de romanciers, il fabrique ensuite un système des personnages avec des doublons, des opposés et des variations; Quel rôle joue Edouard au sein de ce sytème ? Est-il vraiment un personnage comme les autres ?
Edouard semble avoir une place bien particulière dans l’édifice du roman car se carbets constituent une sort edu récit dans le récit qui li donner du relief et nous permettent , à la fois, d’avoir de nouvelles informations et une sorte de conscience centrale différente de celle du narrateur. Edouard serait-il l’incarnation du pédagogue, maître à penser qui formerait les esprits ; Il exerce en effet une influence considérable sur Olivier et Bernard ; il es montre attentif et encourage leurs progrès; A bernard qu’il a accepté d’engager et qu’il conseille, il dira : “il est bon de suivre sa pente pourvu que ce soit en montant ” : leçon de morale destinée à l’engager dans la voie du Bien et du Naturel; Il représente l’opposé du comte Robert de Passavant, lui aussi écrivain mais homme d’artifice , manipulateur et à travers lequel Gide critique la futilité de certains hommes de lettres .
Edouard reçoit dans la dernière partie la visite de plusieurs personnages dans son atelier de Passy : ils viennent lui demander conseil ; C’est surtout avec Olivier qu’il va donner la pleine mesure de son art d’éduquer : leur relation commence par une série de malentendus; chacun se méprend sur les intentions de l’autre et décode à l’envers les signaux émis par son vis à vis; C’est la scène de leur rencontre à la gare Saint-Lazare; Le départ d’Edouard en Suisse où il va “sauver “Laura et transmettre la lettre de La Pérouse à son petit-fils Boris (il sert alors d’intermédiaire, de messager ) nous permet de mieux le découvrir et à son retour, il rat encore Olivier qui le cherche chez lui alors qu’il est auprès de al mère de ce dernier . D’où le commentaire ironique du narrateur : “Pauvre Olivier ! Au lieu de se cacher de ses parents , que ne retournait-il chez eux simplement , Il eût trouvé son oncle Edouard prés de sa mère “
Cette relation d’ oncle-neveu , mêlée à une histoire d’amour homosexuelle , a pu choquer les lecteurs de l’époque d’autant qu’elle faisait écho à une autre publication scandaleuse de Gide Corydon, dans laquelle il vantait les mérites de la relation grecque. Olivier tente alors de se suicider “par excès de bonheur ” et le couple après avoir affronté leur démon en la personne de Robert de Passavant, le débaucher, semble s’installer dans une relation harmonieuse. Un amour respectueux mais qui prend les traits d’un amour paternel : “ je le berçais sans rien dire comme un enfant” note Edouard dans son carnet à propos d’Olivier .Cependant la dernière ligne du roman est terriblement ambigüe; Invité à dîner chez les Molinier, Edouard se réjouit de rencontrer le petit Caloub; Le romancier a-t-il voulu créer une dernière ouverture ou souligner le risque d’infidélité d’Edouard qui serait juste attiré par les jeunes adolescents ?
Edouard est-il vraiment le double de Gide ? Tout comme lui,il cherche à écrire un roman et ses carnets sont en fait la quasi transposition des questions que Gide note dans son propre journal des Faux-Monnayeurs . seulement Edouard va échouer là où Gide lui réussira comme en témoigne la publication du roman ; Edouard ne parvient pas à choisir entre toute les idées qui le tentent et toute les techniques qu’il souhaiterait expérimenter. Gide représenterait donc le dépassement d’Edouard et le triomphe sur l’indécision et l’incapacité à choisir . Que savons nous d’Edouard ?
Agé de 38 ans, c’est un écrivain et il est amoureux d’Olivier , son neveu; cet amour est décrit comme une saisie de l’âme “j’aisenti que ce regard s’emparait de moi et que je ne disposais plus de ma vie ” Cependant ce qui est troublant, c’est que les termes employés sont les mêmes qu ceux qu’Edouard utilise pour décrire ce qu’il ressent pour Laura : “j’abandonne mon émotion et ne connait plus que la sienne ” Et à propos d’elle encore, Edouard insiste sur son désir de l’instruire, de al convaincre, de la séduire . Elle a 16 ans lorsqu’il la rencontre (lui 28 ) et il la trouve tout naturellement enfantine . Il est troublant de constater cette similitude dans les termes ; Edouard disserte alors sur l’amour dans son carnet et conclut : “par un étrange croisement d’influence amoureuse, nos deux êtres se déformaient .Invonlontairement, inconsciemment, chacun des deux êtres qui s’aiment se façonne à cette idole qu’il contemple dans le coeur de l’autre; Quiconque aime vraiment renonce à la sincérité . ” Nous sommes tous en quelque sorte des faux-monnayeurs de l’amour ou plutôt l’amour est de la fausse monnaie..
Il évoque l’amour en termes chastes mais ne pense qu’à fréquenter les lieux troubles dès son arrivée à Paris car il a été sevré de plaisir en Angleterre, note -il dans son carnet . Lorsque Olivier dort chez lui, il n’ose appeler un médecin de peur d’une enquête: son homosexualité n’est pas totalement assumée et il a parfois des allures qui pourraient évoquer un homme attiré par les jeunes hommes. Il se prétend amoureux de Laura avant de la repousser et de la pousser, désespérée dans les bras de Félix. Avec le comte Robert de Passavant, ils forment un étrange duo : il est jaloux de son succès et le critique : “Passavant prétend éclairer l’opinion; c’est à dire qu’habilement il l’incline. (partie 1 chap 8 ) Il le trouve charmant mais ses livres lui déplaisent et il voit en lui un faiseur donc un faux-monnayeur des sentiments qui trompe ses lecteurs .
Edouard est le personnage clé : il est le lien entre toutes les sphères du roman et ses carnets constituent une voix centrale. 17 chapitres sur les 45 que compte le roman contiennent des extraits des carnets d’Edouard ; Il écrit un journal intime mais ce dernier ne mentionne pas les années ; juste des dates et des notations variées ,essentiellement sur l’art d’écrire . On ne connaît pas le nom de ces livres mais il a , déjà, semble t-il des lecteurs et une certaine réputation même s’il n’a pas très envie de voir son roman publié dans les boutiques des gares . On sait qu’il travaille sur un projet de roman qu’il intitule : Les Faux-Monnayeurs. Il est tentant d’y voir, effectivement, une projection de Gide lui-même car comme l’écrit ce dernier dans son journal : “ je lui prête beaucoup de moi d’ailleurs ” Journal, p 67, 1922 . mais le lecteur sait également qu’il échouera à terminer ce livre ou il peut peut-être imaginer que Les faux-Monnayeurs sont l’aboutissement de son projet initial.
Personnage central car il va liaisonner les différentes intrigues et nous faire découvrir l’intérieur des familles Molinié et Profitendieu . Il va rencontrer fortuitement Bernard l’ami d’Olivier (et son rival au départ dans le coeur du jeune homme ) et va aller trouver Laura qui lui a écrit une lettre où elle l’appelle au secours. Par les parents de Laura il est lié à la pension Vedel où il travaillé durant deux ans et il va y faire admettre le jeune Boris qui va ainsi devenir la victime des jeunes faux-monnayeurs dirigés par Strouvilhou ;nous allons y retrouver Georges qui occupe une place importante au sien de al confrérie des rubans jaunes ..
Edouard n’est donc pas tout à fait un personnage comme les autres : il est à la fois le lien par sa position de médiateur entre les différents personnages , le liant par l’adjonction de son journal dans la trame même des faux-monnayeurs et une sorte de regard qui double celui du narrateur de même que de nombreux traits de son personnage doublent des pensées de Gide . Il constitue un projection de l’auteur à la fois idéalisée et redoutée.
25. mars 2017 · Commentaires fermés sur Les faux-Monnayeurs : principes de composition du roman · Catégories: Divers · Tags: Gide
Un point d’abord sur ce qui existe : En 1925, quelles sont les attentes des lecteurs de roman et qu’est-ce que Gide entend en prétendant vouloir renouveler le genre romanesque ? Avec la naissance du courant surréaliste, le roman est montré du doigt à cause de se artifices et de certains choix esthétiques ; Ainsi André Breton, le fondateur du courant surréaliste affirme que : “le roman avec se descriptions inutiles et sa psychologie rationaliste ne relève que les moments nuls dans la vie. ” On lui reproche d’être un genre facile et de chercher à copier la vie ou au contraire de s’en écarter trop artificiellement. Gide rêve d’un roman pur et il prend modèle sur la littérature étrangère, russe et anglaise qu’il apprécie et sur laquelle il travaille. Certaines de se techniques seront reprises et retravaillées ; 20 ans plus tard par le courant littéraire du Nouveau-Roman qui ira encore plus loin dans la contestation du réalisme.
En effet, Gide va fortement s’inspirer de ses lectures pour imaginer des principes de composition romanesques novateurs en France . Il réfléchit beaucoup dans son Journal des FM à l’élaboration des différentes catégories du récit et notamment aux principes de composition des intrigues.Il cherche à imiter de nombreux éléments empruntés à Dostoïevsky comme :
l’oeuvre naît de la rencontre des idées et des faits
les personnages sont encore informes, en construction et en évolution intérieure
l’auteur doit créer le plus de relations et de réciprocités possibles entre les différents personnages
des personnages restent parfois longtemps dans l’ombre
Gide a cherché dans son roman à imiter certaines de ses techniques romanesques par volonté de se démarquer réalisme et également par désir de réfléchir à ce qu’est le roman . La multiplicité des points de vue et des perceptions nous empêche ainsi de saisir une pensée ou une vérité unique.
Que pouvons-nous dire à propos de l’organisation du roman ? Ce qui frappe au premier abord, c’est l’absence de continuité et l’impression de déséquilibre de l’ensemble.
Gide a utilisé différents modèles comme le roman d’apprentissage mais il y glisse quatre intrigues sentimentales qui vient se greffer sur les aventures de Bernard et Olivier ; et surtout il ajoute le personnage d’Edouard et ses carnets qui permettent de fabriquer une dimension supplémentaire et un regard décentré. Il place également en arrière -plan une intrigue policière avec cette bande de jeunes faussaires mêlés à des affaires de moeurs plus ou moins louches et qui forment une sorte du secte.
Ainsi si l’on suit l’itinéraire séparément de chaque personnage, on perçoit les jonctions avec les différentes formes prises par le roman. Au premier plan dès le chapitre 1 : Bernard ; l’adolescent révolté qui aimera deux femmes et reniera son milieu . Au départ Gide avait souhaité que ce soit ce regard (il appelait ce personnage Lafcadio ) qui découvre la plupart des événements du roman comme une sorte de touriste curieux.On retrouve certains de ses aspects chez Bernard notamment quand il épie Olivier, le suit, vole la valise à la consigne de la gare après avoir dérobé le billet.
Quand Bernard quitte le premier plan, on voit apparaître Edouard qui est secrètement amoureux de son neveu Olivier mais n’ose lui avouer cet amour et le dissimule derrière une fausse indifférence à la limite de la froideur. Edouard va faire le lien avec Laura et Vincent du coup qui est le grand frère d’Olivier; on voit avec cet exemple à quel point Gide s’efforce multiplier les liens entre les différents personnages . Alors qu’il rdv d’avoir Olivier à ses côtés, c’est d’abord Bernard qu’il engage comme secrétaire et emmène avec lui à Saas-Fee : les rôles sont mal distribués de même que le couple Vincent / Lilian et le couple Edouard/ Laura ou Bernard /Laura.
Ce principe de mal assortir les couples de personnages permet ainsi au roman de procéder à des réajustements, à des redistributions et permet de faire évoluer les intrigues qui sont toutes entrecroisées. Ainsi tout semble pourtant découler du choix originel d’Edouard : en ne choisissant pas Laura, il la condamne à se marier avec un homme qu’elle n’aime pas Félix Douviers , à ensuite avoir un amant qui la délaisse pour une autre femme Lilian qui, elle, ne l’aime pas … et Laura recueillie par Edouard dont elle est toujours amoureuse, éprouvera l’amour de Bernard sans le partager..poussant ce dernier dans les bras de Sarah , sa soeur ….autant de combinaisons, de substitutions et de redistributions amoureuses toutes imbriquées le unes dans les autres.
Cela pourrait déjà donner le tournis au lecteur mais ce qui contribue encore davantage à lui emmêler l’esprit et qui rend parfois la lecture du roman difficile, voire rebutante, ce sont les choix de Gide de multiplier les points de vue et de relater les mêmes événements sous des angles différents et au moyen de techniques d’insertions de points de vue. Ce principe d’emboîtement des niveaux de narration peut paraître un peu artificiel aujourd’hui mais à l’époque , il imite les techniques des romanciers anglais. Ainsi Bernard a accès à des lettres qui relatent une partie inconnue de son passé et une partie de celui d’Edouard lui est connu grâce à la lettre de Laura; Lilian raconte à Robert de Passavant, au cours d’une conversation avant l’arrivée de Vincent, une anecdote dont elle a été la victime autrefois et Georges et Olivier racontent chacun comment ils ont découvert l’intrigue amoureuse entre Vincent et Laura.
Toutefois Gide complique encore les choses car pour donner l’impression de quelque chose de naturel, il ébauche des intrigues dont il semble ensuite se désintéresser et qui n’aboutiront pas . Ce sentiment d’inachevé peut parfois dérouter le lecteur qui cherche d’instinct à renouer les fils entre tous les récits, à la manière d’une construction intellectuelle. Pour décrire l construction du roman , plusieurs termes peuvent convenir par métaphore.
une composition nébuleuse : un livre qui ne s’achève pas par épuisement du sujet mais par au contraire, son élargissement et son absence de contours: un livre qui doit “s’éparpiller, se défaire ” écrit Gide dans son Journal des FM; à la mort de Boris, tous les liens entre les personnages semblent ainsi se défaire .
une composition symphonique : Gide utilise la comparaison avec l’art de la fugue en musique pour qualifier la composition de son roman. Lorsqu’Edouard affirme qu’il souhaiterait composer un livre qui imiterait l’art de la fugue, il fait référence à un livre qui explique qu’en musique, dans une fugue, les thèmes et leurs imitations successives doivent se fuir et se poursuivre en même temps. Le roman reprendrait donc cette idée en associant les intrigues amoureuse qui renvoient les unes aux autres et en entrelaçant les différents sujets . Trois suicides, deux duels, trois adultères et deux naufrages : ces motifs sont orchestrés à travers les différentes intrigues et les différentes parties du roman. “je suis comme un musicien qui cherche à juxtaposer et imbriquer un motif d’andante et un motif d’allegro.” (journal des FM juin 1919 )
une composition symétrique : en plus des références musicales , l’écrivain construit ses personnages et leurs intrigues autour de principes de ressemblances et d’oppositions; On pourrait presque parler de glissements ou de variations autour de certains principes. On peut aussi évoquer un désir de décentrement car Gide a longtemps explique qu’il avait tenté d’associer la matière de deux livres différents : “il n’y a pas à proprement parler un seul centre à ce livre, autour de quoi vient converger mes efforts.c’est autour de deux foyers, à la manière des ellipses , que ces efforts es polarisent. ” (Journal des FM août 1921 )
une technique de contrepoint : le journal d’Edouard peut être considéré comme un élément majeur de la composition du récit car il introduit une ligne différente qui converge avec l’intrigue pris en charge par la voix narrative centrale. Cette présence duelle ainsi que l’introduction de différents points de vue au moyen des lettres par exemple crée une composition tournoyante et complexe.
24. mars 2017 · Commentaires fermés sur Les faux -Monnayeurs : Un film de Benoit Jacquot · Catégories: Divers · Tags: Gide
Le réalisateur français Benoit Jacquot a déjà adapté au cinéma de nombreuses oeuvres littéraires et notamment le roman très
romantique de Benjamin Constant : Adolphe; Ici il se lance dans l’adaptation du roman de Gide écrit en 1925: Les Faux–Monnayeurs. Gide écrivait de son roman qu’il était composé comme une fugue de Bach. Le livre raconte l’histoire de deux jeunes lycéens (Bernard et Olivier) et celle d’un écrivain (Edouard) durant les quelques mois d’un été et d’un automne des années 20. Gide adopte une forme romanesque (l’histoire est en partie racontée dans le journal intime d’un des personnages) qui, à l’époque, bouleversa les lois du genre. Pour la critique de télérama, le film respecte dans l’esprit et souvent à la lettre le roman. “Benoît Jacquot n’oublie pas non plus de conserver la beauté sulfureuse du livre. , les acteurs y sont pour beaucoup. Melvil Poupaud, Patrick Mille, Jules Angelo Bigarnet, Maxime Berger, Laurence Cordier sont beaux, excellents mais aussi d’une troublante sensualité. ” Regardez la bande annonce …
24. mars 2017 · Commentaires fermés sur Le diable à l’oeuvre : rôles et fonctions du démon dans les FM · Catégories: Divers · Tags: Gide
Dans son Journal des FM , Gide évoque à plusieurs reprises son désir de faire du démon un personnage à part entière . D’ailleurs , ” Il n’y a pas d’oeuvre d’art sans collaboration du démon ” écrit -il en 1923 dans un essai sur un romancier russe. Ce projet a partie liée avec son désir de fabriquer un roman métaphysique dans lequel, à l’image des romans de Dostoievsky, les drames que vit chacun de personnages peuvent avoir des significations philosophiques . En 1921, Gide écrit dans son Journal que “le traité de non existence du diable ” devait devenir le sujet central de tout le livre; mais de peur sans doute que cela paraisse trop abstrait ou trop choquant , il a simplement inséré une vague figure de démon à l’intérieur même de son roman et de son intention première de faire du diable le sujet principal du roman, il est resté au final , assez peu de choses. Certes le diable est bien présent dans le roman mais il apparait le plus souvent subrepticement et il demeure attaché à de nombreux protagonistes sans avoir de continuité . Quels rôles joue-t-il vraiment dans la composition du roman ?
Le 2 janvier 1921, Gide écrit dans son Jornal des FM : “Le traité de la non -existence du diable.Plus on le nie, plus on lui donne de rélaité. Le diable s’affirme dans notre négation. Ecrit hier soir quelque pages de dialogue à ce sujet – qui pourrait biendevenir le sujet central tout le livre – c’est à dire le point invisible autour de quoi tout graviterait.. et il précise ce à quoi il pense : “réussite dans le pire et détérioration des qualités les plus exquises ” Quelques jours plus tard, il ajoute à propos de la construction des personnages : “j’en voudrais un (le diable ) qui circule incognito à travers tout le livre et dont la réalité s’affirmerait d’autant plus qu’on croirait moins en lui. c’est là le propre du diable dont le motif d’introduction est : pourquoi me craindrais-tu ?tu sais bien que je n’existe pas . ” ( p 37)
On peut donc se demander pourquoi le romancier a introduit un tel personnage à l’intérieur de son roman et quelles fonctions il occupe au juste ?
Péché, monstre, éducation puritaine et préférences homosexuelles apparues très tôt , autant de raisons pour que le diable surgisse dans l’oeuvre de Gide ; cet esprit diabolique incarnerait le versant de la chair et de la sexualité que Gide n’assume que partiellement et qui semble le dédoubler; En effet, à propos de son amour pour sa cousine Madeleine qui deviendra son épouse mais avec laquelle il n’aura pas de relations sexuelles, il constate qu’elle représente pour lui le Ciel “que mon insatiable enfer épousait ” ; Le romancier aurait donc pu fabriquer un personnage sans corps, une sorte de démon qui pousse les personnages du roman vers leur instincts les plus vils, qui les incite à faire le mal, à mentir, voler, tricher et tromper.
Dans les dernières pages de son Journal, Gide semble même obsédé par le thème du démon et il a notamment écrit quelque pages très étranges qui forment une sorte de chapitre intitulé “identification du démon ” ( p123 du Journal des FM ) Il s’y interroge sur son attirance pour le péché et après avoir évoqué son éducation puritaine et religieuse comme principale cause de sa croyance au diable, il mentionne ensuite son attirance pour la dramatisation à la manière des romantiques notamment de lord Byron, fasciné par la figure diabolique; En effet, à l’époque romantique, le diable est vu souvent comme un rebelle un ange déchu et un héros maudit qui cherche à se dresser contre Dieu et qui meurt en révolté. Les romantiques vont alors plus ou moins s’identifier à cet archétype de l’ange maudit .
Cependant Gide s’efforce de se démarquer de cette sorte de fascination pour tout ce qui a trait aux diableries et à leur folklore car il affecte de mépriser ces croyances un peu naïves; Il prétend que le diable l’attire parce “qu’on ne le sert jamais si bien qu’en l’ignorant” . trait d’esprit sans doute mais on note une volonté de ne pas donner un visage au diable, le considérer comme quelque chose d’impalpable mais cependant un principe actif qui justifierait a posteriori certaines des actions humaines. Est-ce une manière pour Gide de suggérer que nous agissons en suivant des pulsions inconscientes et inexplicables qu’après coup, nous qualifions de diaboliques afin de les justifier ?
Le diable qui a ” intérêt à ne pas se laisser connaître ” ( p 125 ) prendrait ainsi la forme de l’inconscient . Gide affirme même , de manière réitérée qu’il ne croit pas au démon mais qu’il demeure intrigué par le fait qu’il “sait bien comment faire pour s’insinuer dans nos coeurs et qu’il n’y peut entrer d’abord qu’inaperçu ” ( p 125) “Satan ou l’hypothèse gratuite ” ajoute-t-il dans son Journal et si on transpose cette notation sur le plan de la composition de l’ouvre romanesque, alors on peut peut être penser que Gide a utilisé le diable comme pour marquer la dimension totalement gratuite en apparence des actions de certains personnages dont le lecteur chercherait à comprendre la logique ; ce serait ainsi une manière pour le romancier d’aller à l’encontre des principes d’écriture réalistes qui s’efforcent de motiver la moindre action de chaque personnage au sein de la construction de l’édifice romanesque .
Gide se défie des explications simplistes comme il l’écrit dans son journal mais il doit reconnaître que dès qu’il admet l’existence du diable alors des zone d’ombre entières s’éclairent et il a l’impression que “tout à coup jedécouvre l’explication de ma vie ” . La référence au diable pourrait , vue sous cet angle, constituer une sorte de principe explicatif quand rien d’autre ne semble justifier une action mais les souvenirs littéraires déforment quelque peu cette idée car Gide cite Goethe qui en écrivant Faust a incarné le Diable comme esprit tentateur et puissance de séduction. En suivant ce raisonnement et cet aspect du diable , Gide conclut que ce que nous portons en nous de démoniaque serait à l’origine d’une sorte de puissance intérieure; Tout comme Dieu, le Diable ou son essence pourrait être en nous et nous sentirions alors parfois les poussée de ce que Gide nomme “l’envahissement du mal ” qu’il faudrait distinguer de notre enfer intérieur .
Dans son travail de traducteur, Gide a côtoyé les démons des autres romanciers notamment celui inventé par le poète anglais William Blake : ce dernier procède à une forme de renversement des valeurs communément admises en disant que cet ange devenu démon est désormais son ami . Gide noir pas jusque là mais il établit un une bien particulier , d’intimité presque, avec le démon qui va hanter les pages des FM et venir en “perturber” le bon déroulement .
Gide ne sait donc pas très bien comment se situer par rapport cet esprit diabolique qui s’incarnerait dans beaucoup d’entre nous mais il compte utiliser dans son roman le démon comme principe actif d’explication de l’inexplicable. Alors que le romancier montre que la plupart de ses personnages ne savent pas vraiment qui il sont, ce qu’ils font et pourquoi ils agissent de la sorte, ils ont lechoix de se tourner vers le Ciel, Dieu la religion ou justement un principe alternatif : le démon. Plus Dieu paraît inhumain et cruel, trompeur parfois dans le roman , plus le diable paraît un refuge.
Etudions maintenant les apparitions du démon dans le roman. Elles sont situées essentiellement dans la première partie.
Le diable rôde dès les premières lignes du roman autour de Bernard : ce dernier révise trois semaines avant son bac et sa famille respect sa solitude . “le démon pas “, précise le narrateur ; le ton est donné : le diable va épier les personnages et leur tendre des pièges à leur insu , les tenter et les voir tomber. Bernard ainsi va lire la correspondance secrète de sa mère te découvrir qu’il est le fils qu’elle a eu avec son amant. Juste ensuite , il prend la forme des mauvais instincts des jeunes à travers la conversation des deux pères ; celui d’Olivier et celui de Bernard; Les deux hommes se vantent d’avoir bien élevés leurs fils mais déplorent que la meilleure éducation du monde ne puisse le protéger contre les mauvais instincts, les mauvaises lectures, les mauvaises fréquentations. ( 45) Le diable est ainsi un peu partout dans ces références aux tentations de sortir du droit chemin.
Le démon accompagne également, à plusieurs reprises, Vincent, le grand frère d’Olivier ; Quand il rend l’argent à Lady Griffith chez Passavant et qu’il s’apprête à succomber aux charmes de cette dernière alors qu’il avait l’intention de s’occuper de Laura , voilà ce qui est noté dans le roman : ” C‘était l’heure douteuse où s’achève la nuit et où le diable fait ses comptes” et peu après , à la fin du chapitreV, le narrateur souligne l’égarement de Vincent : “laissons-le tandis que le diable amusé le regarde glisser sans bruit la petite clé dans la serrure. ( 60) Il va donc devenir l’amant de Lilian . La présence du diable est bien manifeste mais son action se laisse deviner implicitement; il peut être défini comme une sorte de principe tentateur ou de geste inattendu et inexplicable.
Le personnage de Robert de Passavant pourrait d’ailleurs être considéré comme une sorte de tentateur pour Vincent d’abord et d’une autre manière, pour Olivier qu’il va initier à l’homosexualité. Son double féminin Lilian Griffith corrompt Vincent et lui fait oublier ses devoirs envers Laura. Ses deux personnages sont des incarnations de certains principes diaboliques comme la séduction.
Le diable dans le roman peut se trouver un peu partout et symboliser la voix de la mauvaise conscience des personnages ; artifice d’écrivain, il permet au narrateur de prendre également une distance par rapport au personnage et de demeurer cette voix énigmatique; Toujours à l’affût , le démon suit particulièrement Vincent : “la culture positive de Vincent le retenait de croire au surnaturel; ce qui donnait au démon de grands avantages. Le démon n’attaquait pas vincent de front; il s’en prenait à lui d’une manière retorse et furtive. une de ses habiletés consiste à nous bailler pour triomphantes nos défaites.” Gide applique ici ce qu’il écrit dans son Journal: la force du diable est inversement proportionnelle à la croyance qu’on a en lui; ce sont ceux qui ne croient pas qui en sont les principales victimes.<font face="Times New Roman">; En notant l’évolution du caractère de Vincent, le narrateur note que le démon a partie gagnée au stade 5 qu’il nomme la griserie du gagnant . “ le démon n’aura donc de cesse que Vincent ait livré son frère à ce suppôt damné qu’est Passavant” ( 143 ) . Cette fois le caractère diabolique du Comte de Passavant est nettement précisé. Le narrateur ajoute ensuite que le diable, avant de s’attaquer à une vertu prive l’âme de points d’appui en la dépaysant et pour illustrer son propos, il explique que Lilian est un dépaysement pour Vincent. “Parfois telle vertu résisterait que le diable avant d’attaquer, dépayse.”
C’est ce que nous constatons également avec le personnage de Bernard qui est dupe du diable qui le fait agir par dépit alors qu’il n’identifie pas lui-même ce sentiment : “cela peut mener loin ce dépit là et faire faire bien des sottises” Cela rappelle la remarque où le narrateur précisait que Bernard suivait un mauvais chemin: “sur quel chemin t’engages-tu ? ” quelle pensée t’effleure ? ( 86 ) ; et c’est encore une intervention du démon qui lui fait retrouver une pièce perdue dans sa poche pour payer la consigne de la valise d’Edouard. On peut mettre cette analyse en rapport avec ces mauvais instincts évoqués par les pères au cours de leur conversation au chapitre 2.
Le diable peut même parfois dans le roman s’apparenter à Dieu : par exemple, lorsque Edouard rend visite à La Pérouse , son ancien professeur, ce dernier évoque Dieu en des termes qui pourraient être employés pour désigner le diable : “ Dieu m’a roulé “ dit -il “je crois qu’il joue avec nous comme un chat avec une souris” “Il nous envoie des tentations auxquelles il sait que nous ne pourrons pas résister “ ( p 121)
Dans la seconde partie du roman, on retrouve quelques allusions au diable mais beaucoup plus discrètes : Vincent se croit réellement possédé, Boris a peur de l’enfer et La Pérores confond Dieu et Diable . Comment expliquer cette diminution du rôle du diable ? sans doute parce désormais les personnages sont campés et que le romancier cherche moins à motiver leurs actions qu’à observer leurs interactions.
Idées de plans pour traiter un sujet sur le diable dans le roman :
1un principe actif de composition :
un rôle déterminé dans la genèse de l’oeuvre : citer le journal