01. juin 2020 · Commentaires fermés sur Un dialogue constructif entre un colon et un brésilien : le témoignage de Jean de Léry · Catégories: Commentaires littéraires, Spécialité : HLP Première · Tags:

Jean de Léry  est un ouvrier  et explorateur français  protestant qui s’est exilé à cause des guerres de religion qui ont eu lieu en France et durant lesquelles de nombreux protestants appelés huguenots , furent massacrés sur ordre du roi.   L’auteur  a publié, après son retour en France un livre de souvenirs de voyage dans lequel il  relate sa rencontre avec les indigènes brésiliens.  Il emploie les techniques de la maieutique pour faire prendre conscience aux Français de ce que pensent les Indiens de leurs pratiques commerciales.

Lorsqu’il relate son voyage en terre du Brésil et sa relation avec les Indiens de la tribu Toupinambas, Jean de Léry peint un portrait élogieux des Sauvages et les présente comme des hommes sages qui tirent de leur saine constitution physique et   de leurs vertus  morales, leur exceptionnelle longévité. Dans le texte précédent, il oppose leur absence de vices à la corruption qui , à la manière d’un poison, détruit la santé des Français. Le dialogue qu’il met en scène retrace les interrogations d’un vieillard à propos des exportations massives de bois”arabotan” ; ce dernier, grâce à de multiples questions orientées parvient à faire dire à l’auteur que les Français sont fous de vouloir enrichir leur descendance après leur mort. Quelle stratégie argumentative pouvons-nous repérer à travers ce dialogue ? Dans un premier temps, nous étudierons la construction du dialogue avant d’évoquer l‘utilisation du regard de  l’étranger et pour terminer, nous montrerons comment l‘auteur intervient dans son propre récit pour nous persuader de la justesse des propos du vieillard . Plus »

06. avril 2020 · Commentaires fermés sur Tableau récapitulatif bac français · Catégories: Première · Tags:

La nouvelle version du bac 2020 se propose de décliner l’année autour de 4 parcours: 

  • 4 oeuvres intégrales, une sur chaque objet d’étude : roman, théâtre, poésie et argumentation 
  •  4 lectures cursives qui complètent les parcours : imagination et pensée, passion et tragédie, individu, morale et société et alchimie poétique
  • 20 à 24 lectures linéaires pour l’oral : soit  tirées des oeuvres intégrales  et associées à chaque parcours
  • Fait avec Padlet
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04. avril 2020 · Commentaires fermés sur L’ennemi de Baudelaire : la défaite de l’homme contre le Temps · Catégories: Première

bau17.jpgBaudelaire reprend avec l’Ennemi  la forme classique du sonnet au sein de laquelle il introduit des variations .

 

Cette structure formelle qu’il maitrise si bien, lui permet de donner libre cours à l’expression de son Spleen. A l’intérieur des Fleurs du Mal, plusieurs pièces font référence à la fuite du temps et peuvent constituer une sorte de cycle; Ainsi Chant d’automne, l’Horloge et l‘Ennemi ont en commun leur thème principal et partagent une tonalité élégiaque . Cependant chaque poème envisage une représentation différente du temps qui passe et de l’angoisse de l’homme, confronté à la certitude de sa mort prochaine .

Pour comprendre ce poème…… Plus »

04. avril 2020 · Commentaires fermés sur Baudelaire face au Temps : La représentation du temps dans l’Ennemi, Chant d’Automne et L’horloge. · Catégories: Première · Tags:
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Ces trois poèmes extraits de la même section des Fleurs du Mal, Spleen et Idéal, nous renvoient justement à cette notion de Spleen qui hante la poésie baudelairienne. Le poète y décrit le Temps comme un ennemi que l’homme affronte continuellement dans un combat sans merci . Nous verrons que les poèmes nous présentent souvent symboliquement une forme de combat  de l’homme contre le temps avant d’analyser la présence de la souffrance et les représentations personnifiées du Temps. 

En effet, l’homme affronte un ennemi puissant et ce combat peut revêtir différents aspects. Dans l’Horloge , le poète se sent menacé et il devient la cible du temps qui lui “plante ” ses aiguilles dans son “coeur plein d’effroi” . Dans L’ ennemi le combat semble déjà avoir eu lieu et s’être soldé par la défaite du poète  car il a été ravagé et il reste en son jardin “bien peu de fruits vermeils” ; Enfin dans Chant d’Automne , le poète sent son esprit “pareil à la tour qui succombe” signe d’une défaite imminente ; Le temps est assimilé à une arme redoutable: “un bélier infatigable et lourd”  . Les dégâts apparaissent sous plusieurs formes : le jardin endommagé est déformé car “l’eau creuse des trous grands comme des tombeaux” dans L’Ennemi et dans l’horloge l’homme est dévoré et font par mourir au dernier vers .

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Salvador Dali 

La présence du champ lexical de la mort atteste le point culminant de cette souffrance : l’homme est d’abord effrayé; on retrouve le mot “effrayant ” et “effroi” dans L’Horloge; on voit le poète frémir dans Chant d’Automne et être gagné par le froid qui annonce “la tombe avide” mais il semble avoir un sursis et pouvoir goûter un peu de douceur avec la consolation de l’amour qui n’est pas aussi présent dans les autres poèmes, plus sombres. Enfin dans L’Ennemi, la souffrance prend la forme d’un orage dévastateur et s’exprime surtout dans le dernier tercet avec la répétions de Douleur précède d’un O lyrique . Baudelaire y décrit le Temps comme un Vampire qui “nous ronge le coeur et du sang que nous perdons croit et se fortifie” .

Ce paradoxe final annonce une personnification courante du temps en monstre dévorateur et particulièrement sous l’aspect d’une créature vampirique. Ce vampirisme est mêlé à la figure du dieu cruel dans L’Horloge, un dieu dévorateur qui ressemble à un insecte qui “pompe ta vie avec ma trompe immonde” ; vampire et monstre également dans L’Ennemi comme nous l’avons vu avec “le temps mange la vie.”  Seul Chant d’Automne dénote sur ce point avec des images plutôt de pétrification “mon coeur ne sera plus qu’un bloc rouge et glacé” et le symbolisme des saisons y est peut être plus utilisé que dans les autres poèmes avec les froides ténèbres qui symbolisent l’approche de l’hiver et de la mort et cette lumière disparue de l’été qui marque la fin de la jeunesse ou du bonheur . 

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Pour représenter la fuite du Temps et le combat de l’homme confronté à son vieillissement et à la peur de la mort, Charles Baudelaire a eu recours à des symboles classiques comme les Saisons ou la personnification du Temps en monstre dévorateur et chacun de ces trois poèmes illustre bien une facette de son Spleen et de sa souffrance existentielle. Chant d’Automne est le plus mélancolique et le registre élégiaque s’y entend de manière feutrée alors qu’on ressent une dimension plus tragique dans l’Ennemi et dans l’Horloge.

 

04. avril 2020 · Commentaires fermés sur L’Horloge de Baudelaire : l’image du Temps · Catégories: Commentaires littéraires, Lectures linéaires, Première · Tags:
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Lorsque Baudelaire publie son recueil Les Fleurs Du Mal en 1857, il se situe encore au carrefour de trois influences majeures pour la poésie  au dix-neuvième siècle : le romantisme qui privilégie l’expression personnelle des sentiments, le symbolisme qui s’efforce de révéler le sens caché des choses au moyen des symboles ; l’expression des sentiments devient alors indirecte; et le Parnasse qui accorde une attention particulière à la forme et refuse l’engagement de l’Art ainsi que le préconise Théophile Gautier, son chef de file, dans une formule originale : “il n’y a de vraiment beau que ce qui ne peut servir à rien” 

L’Horloge clôt la section du recueil intitulée “Spleen et Idéal” et il a pour thème principal le Temps . Comment le poète a-t-il choisi de représenter le Temps  qui passe ?   Plus »

04. avril 2020 · Commentaires fermés sur Le poète doit-il sortir de sa tour d’ivoire et ouvrir la fenêtre sur le monde pour descendre dans la rue ? · Catégories: Dissertations sur oeuvre, Divers · Tags:
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 Voilà la question qui va servir de support à une dissertation sur le sujet du rôle du poète dans la société . Qu’est-ce que la poésie et qui sont le poètes au fil des siècles ? Comment conçoivent-ils leurs rapports avec la société, l’art , la politique? pas facile de répondre à ces questions d’une seule voix car les poètes ne sont pas tous d’accord entre deux sur les réponses à apporter. La connaissance de l’histoire de la poésie ainsi que la connaissance de ce qu’ont dit les poètes à propos de leur art , sont deux réservoirs d’idées à partir desquels vous pourrez articuler votre réflexion personnelle qui servir are base à la démarche de la dissertation. A partir du document ci -dessous, vous allez pouvoir résumer les positions de quelques poètes du dix-neuvième siècle comme Baudelaire, Rimbaud, Gautier, Mallarmé. Lisez le document et effectuez des regroupements qui finiront par composer un plan de dissertation 

Au cours du XIXe siècle, certains écrivains récusent l’engagement politique et social de leurs prédécesseurs, les « prophètes » romantiques, pour se replier sur des valeurs esthétiques et formelles. Cette « dépolitisation de la littérature »  réagit à l’avènement au pouvoir, dès 1830, de la bourgeoisie conservatrice. Charles X restaure la censure et la liberté d’expression est menacée.Théophile Gautier est le fondateur de la doctrine de l’art pour l’art. Dans la préface de Mademoiselle de Maupin (1835), il oppose le beau, valeur esthétique de l’artiste, à l’utile, valeur bourgeoise par excellence : « Il n’y a de vraiment beau que ce qui ne peut servir à rien ». Ce rejet de l’utilitarisme et cette revendication d’une autonomie de l’art récusent d’une part la morale dans la littérature, d’autre part l’action sociale et les partisans d’un art social, souvent proches de l’opposition au pouvoir.

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Gautier 

L’image de la fenêtre symbolise cette dissociation de l’art et de la politique. Elle apparaît déjà, sous la plume de Gautier, dans la préface d’Albertus (1832) : « L’auteur du présent livre n’a vu du monde que ce que l’on en voit par la fenêtre, et il n’a pas envie d’en voir davantage. Il n’a aucune couleur politique ; il n’est ni rouge, ni blanc, ni même tricolore ; il n’est rien, il ne s’aperçoit des révolutions que lorsque les balles cassent les vitres ». En 1852, au moment où l’hégémonie bourgeoise culmine avec l’effondrement sanglant des espoirs républicains et l’instauration du Second Empire, Gautier reprend le thème du poète travaillant toutes « vitres fermées » sur les désordres politiques de la rue  C’est tout particulièrement le poème intitulé « L’art » (1957), repris dans l’édition définitive d’Emaux et Camées (1872), qui sert de manifeste littéraire à la doctrine de l’art pour l’art. Le travail poétique y est réhabilité, par opposition à l’immédiateté de l’épanchement lyrique, mais aussi au travail utilitaire visant à la production des marchandises.  Gautier revendique une poésie plastique, sculptée comme un marbre antique . Les matériaux précieux de l’onyx ou de l’agate auxquels est comparé le vers poétique supposent une nature  traitée comme ornement et extraite de tout contexte d’expérience, au contraire de la profondeur du paysage romantique. Le vers est bref, lapidaire et tranché, contrastant avec l’ampleur de l’alexandrin. Le poète devient artisan, orfèvre et sculpteur de mots.

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Théodore de Banville 

Cette tendance esthétique est présente chez de nombreux  d’auteurs, comme Baudelaire qui dédie à Gautier ses Fleurs du Mal, mais aussi Flaubert et son idéal d’un « livre sur rien », d’un livre « qui se tiendrait lui-même par la force interne de son style ». L’éducation sentimentale raille d’ailleurs l’engagement brouillon du poète Lamartine dans la révolution de 1848, en ironisant sur son impuissance politique. Surtout, la doctrine de l’art pour l’art aboutit à la création du mouvement parnassien, avec la publication en 1866 d’un recueil collectif intitulé Le Parnasse contemporain. « L’art » de Gautier devient l’art poétique des parnassiens, qui radicalisent la minéralisation néoclassique du langage poétique . Le fameux « Vase brisé » de Sully Prudhomme désigne la cristallisation glacée du sentiment, le vase étant une figure du coeur transi, mais aussi du poème lui-même en tant qu’objet esthétique. Si la brisure du vase est sentimentale, elle indique toutefois une tension constitutive de l’idéal parnassien, entre un absolu de la perfection formelle et les innovations modernes. Le Parnasse se fige dans un conservatisme académique et dans une logique d’exclusion, rejetant des poètes qui ont participé à ses débuts, comme Mallarmé ou Verlaine, et qui seront au coeur de l’émergence symboliste. Quant à Rimbaud, dont Le Parnasse contemporain a refusé trois de ses premiers poèmes, il parodie la préciosité idéaliste dans « Ce qu’on dit au poète à propos de fleurs », un poème qu’il adresse à Théodore de Banville avec une lettre toutefois fort admirative. Contrairement au désengagement politique des tenants de l’art pour l’art, Rimbaud prend parti pour les insurgés de la Commune (1871) et rédige des poèmes communards.

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Jean Moréas

1886 est l’année du tournant du Parnasse au symbolisme, avec la création de la revue La Vogue, où paraissent la plupart des Illuminations de Rimbaud, et la publication, dans Le Figaro du 18 septembre, du manifeste symboliste de Jean Moréas : « la poésie symbolique cherche  à vêtir l’Idée d’une forme sensible ». Moréas prône une conception analogique de la réalité matérielle, qui serait en continuité avec une essence idéale : « Tous les phénomènes concrets ne sauraient se manifester eux-mêmes : ce sont là des apparences sensibles destinées à représenter leurs affinités ésotériques avec les Idées primordiales ». Toutefois, cet idéalisme absolu de la pensée symboliste est parcouru de paradoxes. Par certains aspects, il engage un matérialisme absolu qui tient à la conception du symbole comme « forme sensible » de l’idée.  Le poète symboliste se pose ainsi en récepteur d’un rythme universel, dont il traduit passivement les « vibrations » en symboles expressifs. Dans le Traité du verbe (1886), René Ghil instaure un système de synesthésies verbales fondé à la fois sur la physique ondulatoire et sur une métaphysique de la pensée. « Le Son peut être traduit en couleur, la Couleur peut se traduire en Son », parce qu’une totalité cosmique, unissant la matière et l’esprit, vibre d’une même pulsation universelle.

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Stéphane Mallarmé

Cette idée  symboliste de la continuité, Mallarmé la met en évidence en relevant dans Crise de vers l’émergence du vers libre . Il s’agit de la plus importante innovation formelle du symbolisme avec le monologue intérieur . Rompant avec la mesure syllabique du mètre, le vers libre vise à restituer une « unité de pensée » ou de « signification » , c’est-à-dire une unité rythmique – . Mallarmé lui-même « touche » peu au vers, restant attaché aux potentialités structurales de l’alexandrin ;  D’une manière générale, la trajectoire de Mallarmé va du Parnasse au symbolisme.

Dans le texte encore parnassien des « Fenêtres », Mallarmé reprend le poème-vitre de l’art pour l’art, tout en révélant sa matérialité formelle. Le poème met en scène un moribond à sa fenêtre d’hôpital, figure du poète en quête de « l’azur ». Le poète pour Mallarmé est séparé du monde par une vitre .

Dans Crise de vers (1886-1996), manifeste de la poésie pure, Mallarmé associe un idéalisme du signifié poétique  à une matérialité du signifiant poétique, dans ses dimensions visuelles et sonores. Le signe absente la chose, révélant sa propre identité sensible. « Je dis : une fleur ! et […] musicalement se lève, idée même et suave, l’absente de tout bouquets. »  La poésie devient  Aboli bibelot d’inanité sonore .

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Les symbolistes

 

 

20. mars 2020 · Commentaires fermés sur Le poète en oiseau : l’Albatros de Baudelaire · Catégories: Commentaires littéraires, Lectures linéaires, Première · Tags:
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  Le dix-neuvième siècle est  marqué par la succession de différents mouvements littéraires : le romantisme est contesté par les fondateurs du Parnasse et après eux, les Symbolistes définiront un nouvel art poétique. Charles Baudelaire se trouve  précisément au carrefour de ces trois courants . Son recueil Les Fleurs du Mal qui paraît  1857  fit scandale et lui vaudra un procès retentissant ; Le poète sera contraint de censurer des pièces jugées scandaleuses et de livrer ainsi , au public, une version expurgée de son recueil . Dans la continuité du mouvement romantique, on retrouve  des thématiques communes et notamment l‘expression du  mal de vivre, qui chez Baudelaire, s’amplifie et devient le Spleen . Nous verrons comment Baudelaire, dans « l’Albatros », propose une image du poète en oiseau; Il   oppose l’Idéal au Spleen,  et met en scène une vision pessimiste de la société, dans laquelle le poète ne trouve pas sa place. Plus »

19. mars 2020 · Commentaires fermés sur Un dénouement tragique et une passion tragique : la mort de Ruy Blas · Catégories: Lectures linéaires, Première · Tags: ,

Le drame romantique, inventé par Victor Hugo , est un type de spectacle qui  tente d’effectuer la synthèse entre des éléments issus de la tragédie  , et d’autres  issus de la comédie. En 1827 Hugo dans la Préface d’une de ses pièces , définit ce théâtre comme un mélange de sublime te de grotesque. Avec son drame  Ruy Blas ,  en 1838 il mêle une intrigue amoureuse et une trame politique; Un valet, manipulé par son ancien maître chassé de la cour, va révéler  progressivement son amour à la reine d’Espagne mais il cache un terrible secret: son identité véritable. Lorsque Don Salluste revient à la Cour et fait éclater la supercherie, il le tue sous les yeux de la reine. Cette dernière est atterrée par ce qu’elle vient d’apprendre et demeure sans voix “immobile te glacée” ; Quel dénouement Hugo a -t-il choisi ? la passion va-t-elle triompher ? On peut en douter . Commençons la lecture linéaire …

Ruy Blas reste à distance comme l’indique la didascalie interne du vers 2 : “je n’approcherai pas “ . Cet aspect solennel est celui de la tragédie classique dans laquelle les personnages s’expriment avec solennité. Le personnage de Ruy Blas tente de se faire pardonner ce qui peut être qualifié de “trahison ” comme on le lit au vers 6 . Il a, en effet, accepté de se faire passer pour un noble alors qu’il est d’origine modeste et a menti sur sa véritable identité, allant même jusqu’à accepter les fonctions de premier ministre en l’absence du roi . On remarque que les alexandrins sont “disloqués ” ainsi que le voulait Hugo qui a tenté de créer ainsi un langage théâtral plus naturel . L’agitation du personnage se traduit également par un bouleversement de la syntaxe et de nombreux enjambements comme aux vers 5 et 6 . Le champ lexical de la faute est très présent au début du passage avec le terme trahison déjà mentionné au vers 6. Ruy Blas se sent fautif mais il tente de se justifier et on le remarque notamment l’atténuation de sa culpabilité avec la négation partielle je ne suis point coupable autant que vous croyez ” au vers 3. L’aveu  explicite de la faute apparaît au vers 9, à la fin de la première tirade et la cause est précisée : “cet amour m’a perdu ” ; On retrouve un thème important dans la tragédie classique: les dangers de la passion qui mène les hommes à leur perte; Il n’est plus question ici de fatalité ou de malédiction divine comme dans Phèdre mais le personnage, sous l’effet de sa passion amoureuse pour la reine, est devenu malhonnête et a renoncé à des valeurs comme la droiture, la sincérité. Il a, malgré lui, accepté de participer à la tentative de disgrâce de la reine; Il est devenu complice d’un criminel et criminel à son tour, en devenant le meurtrier de Don Salluste.

A genoux, dans une attitude de supplication , devant la reine, il ne la laisse pas s’exprimer et poursuit, au vers 11 , ses aveux , qu’il diffère pourtant à plusieurs reprises je vais de point en point tout dire ” lit-on aux vers 13 et 14 avec un nouvel  enjambement qui marque une sorte d’étirement de la révélation. Le personnage répète, comme pour mieux nous en convaincre qu’il n’a pas l’âme vile ; l'adjectif vil rappelle qu'il est de basse extraction (c'est un valet au départ, un serviteur ) ; Hugo veut montrer dans ce drame que les qualités morales et intellectuelles  d'un homme ne sont pas liées à sa condition sociale et qu'on peut devenir un dirigeant politique même lorsqu'on n'est pas de haute naissance. Les idéaux révolutionnaires ont fait leur chemin et au moment où la France est redevenue provisoirement une royauté, Hugo marque ici son engagement pour le peuple qu'il souhaite associer au pouvoir. Le personnage de Ruy Blas se transforme , à ce moment , en une sorte de figure christique et le dramaturge utilise des symboles pour accentuer la ressemblance entre son héros et le Christ; Ainsi, “une femme du peuple “ au vers 18 est venue essuyer la sueur de son front; Ce geste symbolique rappelle celui de la Passion . Dans  ce récit religieux qui décrit le parcours du Christ qui a du porter sa croix jusqu’au mont Golgotha , on distingue 13 étapes qui sont les 13 stations du chemin de croix; A l’étape 6, une femme prénommée Véronique  s’approche et brave l’hostilité de la foule pour essuyer le visage du Christ souffrant sous le poids de son fardeau; A l’époque romantique, les auteurs se servent des images de la passion du Christ pour décrire leurs héros. Ici, Hugo cherche à faire naître la pitié du spectateur et applique ainsi le principe  que recommande Aristote pour réussir une tragédie . La tirade d’ailleurs se termine avec un vers pathétique : “Ayez pitié de moi, Mon Dieu, mon coeur se rompt ” La métonymie finale illustre à la fois la douleur du personnage mais préfigure également sa mort et la rend imminente.

Les échanges vont alors devenir plus intenses et plus resserrés comme une sorte de duo final . Au mots vont bientôt succéder les gestes tragiques car au théâtre , la parole se fait geste et devient action. Les didascalies externes qui précèdent les vers 25 et 27 montrent le héros qui se lève et avale un liquide ; Hugo s’est ici fortement inspiré de la  tragédie  classique et notamment de Phèdre qui offre un dénouement du même genre ; La coupable s’empoisonne de remords et sa mort purifie le jour qui se lève ; Ruy Blas se comporte donc comme un personnage de tragédie : il met fin à ses jours pour expier sa faute  et demande le pardon de ses offenses.  Alors que Phèdre se punit par sa mort , d’avoir provoqué celle d’un innocent, Ruy Blas se punit d’avoir menti, sur son identité et  trahi celle qu’il aimait ; D’autant qu’il risque de provoquer sa perte car si leur liaison est découverte, elle sera déshonorée et  contrainte d’abdiquer ainsi que l’avait prévu Don Salluste.

Le suicide dans le drame romantique était préparé et il apparaît comme la conséquence directe du refus du pardon de la reine qui, par deux fois ,affirme qu’elle ne pardonnera “jamais ” vers 23 et 26. C’est pourquoi le revirement de situation qui suit a pu paraître un peu étrange aux spectateurs de l’époque qui étaient habitués aux dénouements tragiques plus classiques. Lorsque  Ruy Blas s’écrie ” Triste flamme , Eteins -toi ” , on pourrait penser que ce sont ses dernières paroles .  Il indique qu’il meurt d’amour ; La construction ici associe la métaphore amoureuse à l’image d’une vie qui s’arrête; En effet, la flamme désigne à la fois le sentiment amoureux mais également la vie du personnage: ils ne font plus qu’un .La fin de l’amour marque donc irrémédiablement la fin de la vie.

A partir de ce moment, la tragédie devient un drame et offre aux spectateurs des moments déconcertants . Tout d’abord le changement d’attitude de la reine peut surprendre : elle se précipite vers le héros mourant pour l’entourer de ses bras et d’ailleurs , il donnera d’abord l’impression de mourir dans ses bras : “ l’entourant de ses bras”,  tenant la reine embrassée  “la reine le soutient dans ses bras ” au vers 45; Hugo reprend ici l’image du Christ avec plusieurs allusions comme l’obtention du pardon qui évoque les dernière paroles du Christ adressées à son père . La reine qui jusque là , était demeurée stoïque, se met alors à vibrer d’une passion qui a pu surprendre ; Elle lui dit qu’elle l’aime et l’appelle dans un premier temps , César, qui était son faux nom avant de lui donner , au dernier vers, sa véritable identité. Mais ce pardon arrive trop tard ! Et c’est aussi ce qui rend ce dénouement particulièrement tragique !

Qu’a t-on reproché encore au dramaturge dans ce dénouement inédit ? En plus du revirement de la reine, on a également  reproché au dramaturge d’avoir “allongé “la mort du personnage sur scène avec une agonie spectaculaire et surtout un dernier merci qui a été critiqué de nombreuses fois, pour son caractère invraisemblable. On se souvient en effet qu’une des règles du théâtre classique insistait sur le caractère vraisemblable des actions qui devaient être montrées au public; Ici, ce n’est pas du tout vraisemblable et les gens ont trouvé que Victor Hugo en faisait trop avec le risque que cela devienne ridicule. Il faudra, en effet, attendre des dizaines d’années, pour que ce drame obtienne un certain succès. En accentuant la dimension spectaculaire, le dramaturge prive le public d’une partie de ses repères ; Jusque là habitué à voir dans les tragédies des personnages exprimer des souffrances “dignement ” et en se touchant à peine,  le public a réagi assez mal à cette fin : Hugo  livre ici sa version théâtrale de la mort passionnelle .

Le héros , au moment de mourir, se retrouve lui-même : “je m’appelle Ruy Blas ” et semble ne plus réagir aux marques d’amour de la reine ; Il ne la regarde pas mais se tourne , comme l’indique la didascalie externe vers Dieu “levant les yeux au Ciel ” qu’il implore . La dimension christique du héros est réaffirmée avec la mention de son “coeur crucifié ” au vers 48 . La construction  du vers 49 précise les enjeux du drame et reflète les contradictions . ” vivant par son amour ,mourant par sa pitié “; Il faut comprendre ici que  l’amour de la reine a réjoui le coeur du héros quand il était vivant et que maintenant la pitié de  la reine réjouit son coeur au moment où il est mourant . Le caractère inexorable de la mort du héros est reprécisé sur scène dans les répliques finales; Alors que la reine se sent, à son tour , coupable et se demande ce qui se serait passé si elle avait pardonné plus tôt, Ruy Blas rappelle d’une manière claire que cela n’aurait rien changé . L’avant dernière réplique “ je ne pouvais plus vivre ” souligne cette idée . On remarque que si les personnages se tenaient à distance respectueuse l’un de l’autre au début de cette scène , ils se sont très vite rapprochés pour s’étreindre et l’ une des  dernières didascalies montre la reine “ se jetant sur son corps ” ; On peut retrouver dans ce choix l’influence d’un dramaturge comme Shakespeare que Hugo admirait particulièrement.

Ce final comporte donc de nombreux éléments tragiques : certains sont habituels et d’autres le sont un peu moins pour le public. La mort du héros est , à la fois prévisible et attendue ; elle vient sceller une passion impossible entre deux personnages qui s’aimaient sincèrement mais qui n’ont pas d’avenir ensemble; Si le dramaturge montre, sur scène, et pour la première fois,  la possibilité d’un amour entre un “ver de terre “et une “étoile ” il ne permet pas à ces deux personnages d’être heureux; la mort demeure l’unique issue pour un homme qui a menti sur ce qu’il est et cette femme pourra toujours se reprocher de ne pas avoir choisi l’amour à temps; Le drame romantique tente une synthèse entre un héritage tragique et des préoccupations contemporaines et il est parfois difficile de comprendre ce nouveau genre. La passion amène toujours l’homme à effectuer des choix souvent irréversibles et qui le condamnent à se perdre .

 

16. mars 2020 · Commentaires fermés sur Ruy Blas un drame romantique et une remise en question politique ? · Catégories: Première
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Film de Jacques Weber 

 Ruy Blas peut se lire comme un drame romantique avec en son coeur, une histoire d’amour tragique entre un valet et une reine, mais cette pièce apparait également comme un drame historique qui soulève une interrogation politique.  Le nom du héros éponyme nous donne deux indications importantes : Ruy , diminutif de Rodrigue, le héros du Cid, connote la noblesse et la vaillance  alors que Blas rappelle les origines sociales modestes de ce valet au service d’un maître machiavélique. Ainsi Hugo a choisi de montrer, à l’intérieur même du nom de son personnage central ,son caractère mêlé, à la fois noble par son comportement et vil par son appartenance à la classe sociale des serviteurs. Et c’est là le centre de ce drame historique , sa force mais aussi son caractère quelque peu invraisemblable qui sera d’ailleurs souligné par les spectateurs de la pièce en 1838.

 Les faits : Manipulé par Don Salluste pour séduire la reine d’Espagne et assouvir ainsi , sans le savoir, la soif de vengeance de son maître , contraint à l’exil après avoir séduit une suivante du la reine, ce valet  amoureux en secret de cette “étoile” , la reine, va prendre, peu à peu , l’allure d’un grand seigneur, sous son déguisement de ministre et va devenir le porte-paroles des critiques  politiques de l’auteur. En effet, même si l’intrigue a pour cadre l’Espagne et la cour de Madrid vers 1690, il faut bien comprendre que bon nombre de critiques du gouvernement visent , en réalité, la France de 1838.

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Pour Hugo, auteur engagé, il s’agit de montrer et de faire prendre conscience au spectateur de la lente agonie d’un régime politique: autrefois forte et puissante, l’Espagne, dans la pièce , est ruinée ; Plusieurs causes sont mentionnées dans le drame : les luttes internes, les guerres et , le déclin commercial ; Hugo met en scène un roi absent et incompétent qui ne pense qu’à chasser (acte II) et des ministres qui  ne pensent qu’à s’enrichir en pillant les coffres de l’ Etat (acte III, scène 1 ) ; Ainsi , le député Hugo s’attaque indirectement à la monarchie de juillet et aux régimes qui ont succédé à l’Empire car il admirait tout particulièrement Napoléon et ses victoires militaires  ; Charles X est un roi extrêmement critiqué et il va devoir céder sa place, quelques années après la parution de la pièce. 

Hugo met au premier plan de la tirade de Ruy Blas ,des interrogations politiques qui lui sont personnelles: le rôle de la naissance , le rôle du peuple sur le plan politique, la notion de mérite individuel et des compétences ; l’idée selon laquelle le pouvoir devrait être exercé par des gens doués et pas nécessairement bien nés, fait son chemin depuis les Lumières ; de plus, la révolution française a contribué à partir de  1789, à diffuser l’idée d’une égalité des droits entre les citoyens ; pour en faire la démonstration, le dramaturge métamorphose le personnage de Ruy Blas en duc d’Olmedo et révèle aux spectateurs, que sous ses habits de courtisan, il a l’étoffe d’un véritable dirigeant alors qu’il est né valet; il confirme ainsi que la valeur d’un dirigeant n’est pas liée à sa naissance; Cependant, cette situation peut paraître invraisemblable . La mort du héros marque le pessimisme d’une génération désenchantée qui a vu échouer les révolutions de 1830 et 1831.

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Les critiques seront nombreuses à la sortie de la pièce en 1838 et il faudra attendre la version mise en scène à la Comédie Française de 1872 pour que le succès soit au rendez-vous. La mort du héros marque sa défaite en tant que force individuelle  .

09. mars 2020 · Commentaires fermés sur Phèdre : la passion est-elle une faiblesse de l’individu ? · Catégories: Dissertations sur oeuvre, Première · Tags: ,

Par définition, et depuis l’Antiquité qui met en scène des héros mythiques ,  le personnage tragique se confronte à des forces supérieures  et  lutte contre un destin imposé . Est-ce ce refus de la fatalité qui lui donne sa dimension héroïque ? En effet, on peut se demander ce qui caractérise le héros tragique et d’où lui vient sa force ou ,au  contraire, sa faiblesse ? Si l’on choisit les héros des pièces de Corneille, on constate qu’ils possèdent tous une force, un éclat, une forme de grandeur dans leurs actions; à l’exception du personnage de   Médée, qui est une meurtrière, Rodrigue dans Le Cid,  ou Auguste dans Cinna sont des modèles de bravoure et de courage; Ils possèdent également une grande force morale. Les héros de Racine paraissent davantage emprisonnés dans leurs passions et cette passion destructrice peut alors apparaître comme une faiblesse. Le tragique provient désormais davantage de la faute de ces héros imparfaits “ni tout à fait bons, ni tout à fait méchants ” comme le dit Racine dans la Préface d’Andromaque. Voyons si la passion peut être considérée comme une faiblesse de l’individu , dans Phèdre et dans La Princesse de Clèves .

La recherche de la faute :  des personnages tous  coupables ? L’amour comme principale faiblesse ?

Lorsqu’on explore la matière tragique, on cherche souvent la faute des personnages afin de comprendre quel sens donner à la punition divine. Thésée, par exemple, est d’emblée qualifié de héros et son fils, admiratif sur ce point  rappelle ses nombreux exploits mais Hippolyte critique ouvertement ses conquêtes qui lui font horreur; Phèdre elle même le dépeint comme  “volage adorateur de mille objets divers ” : ( acte II, scène 5 ) Son fils fera mention de ses nombreuses conquêtes féminines dès le début de la pièce : “sa foi partout offerte , et reçue en cent lieux… trop crédules esprits que sa flamme a trompés. ( I, 1) On peut donc mesurer ici une part de responsabilité de Thésée qui justifie, en partie, les agissements de son épouse délaissée ; De plus, Hippolyte a une très mauvaise opinion de son père : ce qui ne facilitera pas leurs échanges. En étant séducteur, Thésée participe activement au malheur qui va le frapper et qui peut, sous un certain angle, apparaître comme une sorte de punition en rapport avec ses agissements passés. 

Le personnage de Phèdre incarne, à elle seule,  plusieurs facettes de la tragédie: d’une certaine manière, on peut penser que son point faible, c’est sa généalogie, cette famille  semi-divine qui lui  a, pourtant, transmis une hérédité monstrueuse. Petite fille du Soleil , qui a trahi le secret des amours de Mars et de Vénus, elle est également la fille d’une mère condamnée à s’accoupler avec un taureau .  La faute originelle semble incomber à son ancêtre  mais l’héroïne en subit les conséquences. Elle pourrait, de plus, à cause de son ascendance, partager ainsi une forme de fureur , sorte de rage animale, avec son demi-frère . Sa mort à la fin de la pièce rendrait au monde une forme de clarté, de pureté et servirait à effacer ses fautes .  Mais de quoi est-elle coupable au juste ? De se livrer à une passion incestueuse et immorale .  Dans sa préface, Racine précise qu’elle” est engagée, par sa destinée et par la colère des dieux, dans une passion illégitime dont elle a horreur la première;" Et il ajoute qu'elle" fait tous ses efforts pour la surmonter“. Enfin, il admet qu’à ses yeux , “son crime est plutôt une punition des dieux qu’une manifestation de sa volonté “ ; Il va même jusqu'à adapter la tragédie d'Euripide dans laquelle le personnage de Phèdre accusait elle-même Hippolyte ; Ainsi le dramaturge la rend moins coupable mais la rend-t-il plus forte ? Sa volonté est vaincue en permanence par la force de sa passion; néanmoins, elle paraît, au début de la pièce, prête à mourir plutôt que d'avouer son amour odieux.Et elle finit par mourir après avoir révélé la vérité. Sa mort est- elle une forme de défaite ou marque-t elle le caractère inexorable de sa destinée ?

Oenone , dans la tragédie, incarne, elle aussi, une forme d’excès: celui de l’amour maternel passionné. Sa faiblesse : c’est son attachement pour Phèdre qu’elle a élevée et sur laquelle elle veille. Cet amour va la pousser à mentir et elle finira par être rejetée par Phèdre : ce qui causera sa mort; Voilà ce dont l’accuse la reine avant de la chasser : ” Et puisse ton supplice à jamais effrayer/ Ceux qui , comme toi, par de lâches adresses,/ Des princes malheureux nourrissent les faiblesses.”  Oenone est ici accusée d’avoir encouragé Phèdre à commettre une mauvaise action en laissant accuser un innocent  Le mot faiblesse  revient à plusieurs reprises  et désignerait,à la fois une forme de lâcheté morale et le fait de se laisser aller à cette passion criminelle. Oenone est donc accusée d’avoir encouragé la passion de sa maîtresse “les poussent au penchant où leur coeur est enclin ” Phèdre la renvoie en  la traitant de perfide et en l’accusant d’avoir abusé de sa faiblesse extrême .

Racine, par rapport aux versions antiques, a également modifié le personnage d’Hippolyte; Il a voulu en faire un jeune homme fier, qui s’est longtemps méfié du sentiment amoureux avant de rencontrer Aricie. Dans la pièce, Hippolyte est accusé d’avoir voulu abuser de sa belle-mère mais il aurait été repoussé à temps;  Cependant Racine avoue lui avoir donné” quelque faiblesse qui le rendrait un peu coupable aux yeux de son père , sans pourtant rien lui ôter de la grandeur d’âme avec laquelle il épargne l’honneur de Phèdre et se laisse opprimer sans l’accuser”; Voilà ce qu'ajoute Racine dans sa Préface :  ” j’appelle faiblesse la passion qu’il ressent malgré lui pour Aricie, qui est la fille et la soeur des ennemis mortels de son père ” On voit donc que la passion constitue bien , dans ce cas précis, une faiblesse de l’individu , que le dramaturge a choisie d’ajouter au caractère du personnage antique. Aux yeux du jeune homme, l’amour s’apparente donc à une tromperie et peut paraître comme une faiblesse ; Il va s’empresser de fuir Aricie lorsqu’il  se découvre un sentiment pour elle. “Et moi-même , à mon tour, je me verrais lié “ s’exclame – t-il en découvrant qu’il est amoureux

L’individu plus faible que les Dieux : l’homme écrasé par la fatalité

Deux dieux principaux sont à l’oeuvre dans la tragédie : Vénus qui  joue un rôle très important et Neptune , qui est à la fois , le père putatif de Thésée et celui qui va accomplir la vengeance de ce dernier en tuant son fils; En 1934, Cocteau définit ainsi la tragédie au théâtre : “une des plus parfaites machines construites par les dieux infernaux pour l’anéantissement mathématique d’un simple mortel ” On mesure à quel point l’homme paraît une faible créature dans ce contexte d’oppression divine.

Le rôle de l’idéologie janséniste dans la tragédie racinienne est important  : on peut , en effet,  lier le motif de la faiblesse à une lecture janséniste de la pièce ; Racine  aurait souhaité montrer , les tourments du péché. Dieu aurait abandonné le personnage de Phèdre à la perversité de son coeur en punition de ses fautes passées; Le jansénisme peut être défini comme un courant religieux, proche du catholicisme mais qui insiste sur la notion de faute et de péché originel; Selon ses adeptes, l’homme est une créature imparfaite et faible , par nature pécheresse . Le chrétien ne peut obtenir le salut que par la grâce divine et les élus sont très rares . “ vous aimez , dit Oenone à Phèdre/ On ne peut vaincre sa destinée/ Par un charme fatal, vous fûtes entraînée ( IV, 6 ) . En conclusion, la faiblesse du personnage serait un ingrédient essentiel dans la tragédie car elle permettrait aux spectateurs d’éprouver de la pitié pour les héros; Il faut qu’il puisse les plaindre sans trop les détester donc il faut les doter d’une bonté médiocre ou autrement dit , d’une vertu capable de faiblesse et qu’ils tombent dans le malheur par quelque faute. La notion de faute est bien ici une donnée intrinsèquement liée à l’idée de faiblesse.

L’individu confronté aux troubles de la passion : un combat perdu d’avance

Une lecture contemporaine nourrie des découvertes de la psychanalyse peut montrer Phèdre prisonnière d’un désir qui lui fait horreur mais qui s’impose à elle . Son sens moral et son sens du devoir combattent contre la force qui l’attire vers Hippolyte; cette force ne prend en compte ni les interdits de la société ni les liens familiaux ; On dit ainsi que le désir s’affranchit des loi set dse conventions ; Il n’a d’autre objet que la satisfaction d’une pulsion profonde de l’individu, indépendamment de ce qui l’entoure . La société peut juger Phèdre et parler de transgression ou de tabou, le personnage, animé par son désir , semble au-dessus des lois humaines . Impossible à vivre , cet amour interdit porte en germe la mort du personnage incapable de concilier une vie ne société avec une passion interdite et condamnée moralement. A plusieurs reprises , et notamment au premier acte , scène 3,  l’amour s’exprime donc comme une “fureur ”  “un trouble s’éleva dans mon âme éperdue ” ; A la scène 5 de l’acte II, l’amour est ,cette fois, considéré comme une passion furieuse qu’il faut éradiquer pour purifier le monde ; Phèdre évoque le “feu fatal ” qui coule dans ses veines et les dieux qui s’efforcent de “séduire le coeur d’une faible mortelle” La passion paraît ainsi un instrument d’asservissement de l’individu : ce dernier , soumis tragiquement à cette force anihilante, peut tenter de la combattre mais il part perdant , vaincu d’avance, pourrait-on dire , du moins au sein de l’univers tragique; Il n’en va pas de même dans le roman précieux ou moral de la même époque ; l’être aimé prend les apparences d’un ennemi qu’il faut combattre de toutes ses forces alors qu’on l’idolâtre comme le rappelle Phèdre , à propos d’Hippolyte. La tragédie s’impose comme un tableau des dangers de la passion . Racine le fait dire à Oenone dans le quatrième acte , scène 6 : ” L’amour n’a t-il encore triomphé que de vous ? La faiblesse aux humains n’est que trop naturelle / Mortelle, subissez le sort d’une mortelle. ” Elle semble montrer ici que toute résistance est inutile pour Phèdre, condamnée.

Un combat réussi contre la passion : le cas de La Princesse de Clèves

Contrairement à Phèdre qui n’échappe pas à sa tragique destinée, l’héroïne inventée par Madame de La Fayette démontre qu’il est possible de vaincre sa passion. Si l’amour y demeure un combat violent et une force contre laquelle il est difficile de lutter , l’individu, en se raisonnant , peut lui échapper . La Princesse fuit la présence du Duc de Nemours et si les réactions de son corps trahissent parfois son violent émoi, elle reste fidèle à des principes moraux légués par sa mère ; Dans son cas, son patrimoine familial est un atout pour résister à la passion et la crainte des conséquences l’emportera sur son désir. L’amour est présenté non pas comme un simple sentiment mais plutôt comme un mal physique et il est fréquent depuis l’Antiquité qu’on utilise la peinture des passions comme une menace pour les liens de la famille, de la société ; En somme pour tout ce qui peut figurer l’ordre ; En semant le désordre au sein de l’individu, la passion sème également le désordre dans leur entourage et c’est une des raisons pour laquelle elle doit être vaincue . La victoire de l’ordre signe ainsi la défaite de l’individu qui ne peut donner libre cours à ses sentiments personnels; Madame de Clèves demeure fidèle à son époux , à son mariage, à sa vertu  et à ses devoirs familiaux mais, pour maintenir cet ordre, elle renonce à son épanouissement personnel; L’individu s’efface au profit de la société à laquelle il appartient . La Morale et la vertu triomphent de concert. Le roman accompagne ici une forme de moralisation de la société en adaptant ce thème du danger des passions . Cette héroïne force l’admiration car elle ne succombe pas à sa passion .