25. mai 2019 · Commentaires fermés sur Une famille d’irlandais : fiche personnage autour de Killybegs ; Seanna le grand frère. · Catégories: Première · Tags:
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En écrivant Retour à Killybegs après la mort de son ami Dennis Donaldson, assassiné par une faction isolée de l’IRA , Sorj Chalandon, a souhaité évoqué l’histoire et l’évolution du conflit qui oppose les habitants catholiques d’Irlande du Nord (la famille Meehan ) à leurs voisins pro- anglais et souvent  protestants qu’on surnomme les loyalistes .  Un seul personnage ne pouvait suffire à exprimer les différentes étapes du conflit alors l’auteur a choisi de construire une famille pour pouvoir comparer les positions du père, du frère du héros ainsi que du fils de ce dernier . Patraig, Seanna, Tyrone, Jake, quatre prénoms typiquement irlandais vont représenter quatre manières de vivre son patriotisme en  Irlande du Nord.

L’extrait étudié se situe au moment où Tyrone est emprisonné pour la seconde fois : il effectué un premier séjour en prison à l’âge de 18 ans durant lequel il a prêté serment de servir l’IRA et l’écrivain évoque la dureté des conditions de détention de ces hommes , le plus souvent enfermés sans procès et sans jugement . Comment le personnage de Seanna est-il construit ?  Que représente-t-il ? Nous verrons tout d’abord quelles analyses le personnage donne de la situation politique et historique de son pays avant de voir quels sont ses arguments pour justifier sa décision de s’exiler et en quoi son discours peut avoir un impact sur   la relation  des deux frères à travers cet échange. En effet, chaque membre de la famille Meehan est porteur d’une vision du monde et de l’Histoire de l’Irlande .

Quel point de vue est incarné par Seanna ? Le personnage est présenté comme courageux “il n’avait pas peur ‘ ( l 1 ) mais “fatigué  “L’irlande m’a épuisé “  ajout-t-il , à plusieurs reprises  “je ne veux plus m’éreinter ..je renonce ” . Cette usure et cet abandon du personnage sont manifestés par différents symboles : “ il déposait les armes ” ; sur le plan militaire, cela signifie qu’il cesse le combat au sens propre . Soutenir la cause républicaine lui apparaît alors comme un bien grand poids : le mot fardeau à la ligne 5 traduit cet épuisement du personnage qu’on retrouve également ligne 52 <strong>; Elle m'a trop demandé.” ;  Le personnage , ainsi cesse de lutter et abandonne la défense de la cause irlandaise  pour pouvoir respirer et vivre normalement , garder la “tête haute ” quand il va à l’Eglise .  On peut comprendre ici que Seanna ne veut plus vivre avec du sang sur les mains .Néanmoins il garde  une forme de révolte contre l’ennemi ;  Il s’agit donc de faire le portrait d’un homme à bout mais qui conserve une haine farouche des anglais  “ il crachait au visage de nos gardiens ” et ne “leur offrait pas un cri lorsqu’il était battu .”  L’auteur montre ainsi que ce n’est pas un manque de courage et de détermination mais un choix  guidé par des circonstances historiques : celui d’abandonner une cause qu’il estime perdue : ” Ce n’est pas une bataille que nous venons de perdre. C’est la guerre! La guerre de notre père; C’est fini petit soldat. Fini tu entends  ” ( l 44 ) Le renoncement est , selonn le personnage, rendu nécessaire en fonction du contexte historique. 

Le rappel de l’histoire des générations précédentes vient inscrire ici, la fiction dans un contexte historique connu : la mort du grand père en 1896 est l’occasion de rappeler l’ancienneté des combats dans cette région du pays et la mort du père est mentionnée au moyen d’un paradoxe : “mort d’avoir survécu à la défaite “; L’écrivain suggère ici que la honte de ne pas avoir obtenu l’indépendance totale de l’Irlande suite à l’insurrection de 1916 serait responsable, en grande partie, du destin brisé du personnage du père . Il est bien sorti vivant de cette bataille mais il s’est mis à boire et finira par se donner la mort .

La situation de l’irlande du Nord est également rappelée à travers les événements de la seconde guerre mondiale: son gouvernement a décidé de soutenir Hitler car l’Angleterre le combattait ; Ce choix a été violemment critiqué et on retrouve, par la voix de Seanna, une des principales critiques de cette politique qui est qualifiée , à la ligne  42  de “danse avec le diable

Seanna fait également référence à l’avenir de leur patrie et souhaite éviter de nouveaux morts; Le registre pathétique ici est employé pour sensibiliser le lecteur aux arguments du personnage et les rendre plus persuasifs: “qui demain? pourquoi ne pas offrir bébé Sara à leurs coups “ ( l 15 ) ; Assurer un meilleur avenir aux descendants de la famille: c’est le but de Seanna et c’est un argument qui justifie son désir de quitter son pays afin d’épargner aux générations futures de subir le même sort que leurs ancêtres. En agissant ainsi ils pourraient être sauvés ( l 19 ) et ne pas finir “au bout de leurs fusils ) l 12 ou dans une prison anglaise où ils iraient rejoindre tous leurs compatriotes décrits comme du bétail qui “gave ” les prisons . ( l 11 ) 

Le discours de Seanna repose sur un autre argument important : il pense que leur guerre est perdue et qu’ils doivent changer leur vision du monde “Tu regardes le monde depuis le bas de ta rue ” reproche-t-il à son frère; l’écrivain, par la voix de Seanna, dénonce ainsi une vision étroite et partisane de la cause irlandaise ; Le personnage constate que le reste du monde ne soutient pas leur cause : " Nous sommes des milliers d’encerclés entourés par des milliards de sourds ” ( l 45 )  cette citation montre , à la fois l’infériorité numérique des insurgés : milliers s’oppose à milliards et un double emprisonnement géographique figuré par l’association, dans la phrase, seulement séparés par une virgule,  d’encerclés et d‘entourés.  

Seanna associe son départ à l’impossibilité de changer la situation actuelle au sein de son pays qui, majoritairement , a choisi, de soutenir le rattachement à l’Angleterre . En effet, la population catholique encore installée en Irlande du Nord est très minoritaire et subit continuellement des attaques de la part des groupuscules loyalistes.  . Il décrit alors les souffrances de ces populations  de son pays avec des termes imagés qui traduisent leur faiblesse  : ” ghettos lépreux à Derry ( l 31 ) , “lambeaux de villages ” “deux cents rues à Belfast” ce qui ne représente qu’une faible partie de la ville . Selon Seanna, les Irlandais installés en Ulster ne peuvent pas compter sur le soutien de la république irlandaise : “Dublin nous tourne le dos ” affirme-t-il ligne 35 .

C’est pour toutes ces raisons que le personnage du grand frère renonce à poursuivre le combat et souhaite s’exiler avec une partie de la famille: ce qui déclenche la colère de Tyrone qu’il s’efforce pourtant  de convaincre que c’est la meilleure solution.

Les raisons historiques et les raisons personnelles se mêlent : Seanna désire vivre autrement et mieux ; “je veux des rires, des visages neufs, des rues sans soldat” explique-t-il ligne 50 .  Et pour cela , il est prêt à changer d’identité “je ne veux plus de ce que nous sommes ” s’écrie-t-il  ligne 51. Son renoncement va même plus loin jusqu’à prendre la forme d’un reniement à des symboles  : ” J’en ai marre de notre drapeau, de nos héros et de nos martyrs ” ( l 54 )

Ce dernier, dans un premier  l’insulte :  “j’ai eu des mots de trop. des mots de mort ” ( l 20 )  et ne semble pas sensible à son argumentation. Cependant , au fil du texte, Tyrone change d’attitude  et se met à pleurer de “détresse et de rage ” comme si les mots de son frère l’atteignaient directement . Comme dans la suite du roman, Tyrone finira par trahir la cause de l’IRA, on peut se demander s’il ne l’a pas fait en partie parce qu’il s’est rangé à l’avis de son frère : il a renoncé lui aussi au combat mais au lieu de s’exiler , il s’efforce de mettre un terme aux attentats meurtriers en donnant des renseignements aux services secrets anglais.

Seanna lui,  va devenir, à sa sortie de prison  un héros aux yeux de la famille comme le montre la bénédiction de sa mère : il décide de partir vivre aux Etats- Unis et emmène avec lui , ses deux petits frères : Brian et Niall; Quant à Tyrone, il se rangera aux arguments de son frère mais son renoncement prendra une autre forme : celle de la trahison.

L’auteur construit donc les deux frères avec des trajectoires à la fois  parallèles et divergentes : ils ont connu les mêmes malheurs dans l’enfance, ont vécu la violence et connu la prison . l’un trahit sa patrie en la quittant et ne renonçant à se battre pour elle car il juge sa cause perdue; l’autre trahit son pays en donnant des renseignements aux anglais mais demeure fidèle à son sol ; Il ne peut es résoudre à quitter sa terre et retourne même mourir dans la maison de son père , sur le sol foulé par ses ancêtres.

19. mai 2019 · Commentaires fermés sur Beckett : un théâtre surprenant qui montre le tragique de la condition humaine ; Eléments de présentation générale: En attendant Godot · Catégories: Première · Tags:

Il est difficile de définir le théâtre de l’absurde et en particulier les pièces de Beckett ; Passons en revue quelques critères : certains ont affirmé qu’il s’agit de mettre en scène le néant : le néant de l’homme et le néant de l’existence. Mais comment cette idée peut-elle prendre forme sur une scène de théâtre ? Que va-t-on montrer au public pour qu’il comprenne cette intention ?  A propos de En attendant Godot, Sartre , déclare en 1960,  que c’est « la pièce qu’[il] trouve la meilleure depuis 1945 » mais ajoute que c’est une pièce « expressionniste ». Il signifie par là qu’elle repose sur un conflit entre l’homme et le monde.   Mais de quel conflit s’agit-il au juste ? Beckett a glissé dans ses dialogues des références à l’Histoire mais également à sa propre vie. Cet auteur considère  le théâtre comme un langage où on utilise des symboles pour renvoyer à une réalité concrète, triviale et douloureuse.  Nous verrons ainsi comment Beckett se sert du réel pour en créer une représentation.

 

Un thème fondamental : montrer  la violence dans l’histoire.

La première expérience à laquelle fait allusion le dramaturge est celle de la seconde guerre mondiale  dont les horreurs ont bouleversé nos représentations du monde. Aussi En attendant Godot se présente d’abord comme un témoignage douloureux de cette faillite existentielle illustrée à la fois dans les dialogues mais également dans la mise en scène.

Une expérience tirée d’éléments  personnels .

En effet en parlant de la seconde guerre mondiale, Beckett renvoie à son histoire. Au moment où la guerre éclate, il se trouve en Irlande,  mais plutôt que d’ accepter la neutralité  de ce pays qui lui assure confort et sécurité, il décide de s’engager dans la résistance et s’installe à Paris. Il échappe in extremis à la gestapo grâce à la femme d’un ami, au moment où celui-ci est fait prisonnier et est interné au camp de Mauthausen où il mourra  en 1945. Beckett se réfugie alors immédiatement  en zone libre dans le Vaucluse, à Roussillon d’Apt où il restera de 1942 à 1945. C’est cet espace qu’évoque Vladimir lorsque ce dernier tente de rappeler à Estragon le souvenir d’un passé heureux : « Pourtant nous avons été ensemble dans le Vaucluse […]. Nous avons fait les vendanges, tiens, chez un nommé Bonnelly, à Roussillon.» Ce passage est inspiré de  l’existence de Beckett. Ce dernier nomme notamment la personne qui l’a accueilli et  lui a donné du travail . Le spectacle ici  se nourrit de la réalité.

Un univers à l’image de l’univers concentrationnaire.

Dans les répliques des personnages, les mots se dérobent souvent à la situation de communication sur le plateau  pour  renvoyer à une autre situation connue du public:celle des camps de concentration et des exodes de population. Les « ossements », les « charniers », les histoires de « carottes », de « radis » et de « navets », les préoccupations d’Estragon relatives à ses  chaussures n trouées ou qui le font souffrir  sont des allusions à l’extermination, la famine et les conditions de vie dans les zones occupées. On sait d’ailleurs que le dramaturge désirait dans un premier temps donner à Estragon le nom juif de Lévy : le personnage aurait ainsi fait penser immédiatement aux victimes juives du nazisme . Cette réplique d’Estragon, « Je ne sais pas. Ailleurs. Dans un autre compartiment. Ce n’est pas le vide qui manque. »,  renvoie  ainsi indirectement aux trains de la mort mais également, par double sens, à la vacuité de l’existence. Derrière ce propos  en apparence banal se cachent des considérations philosophiques: il s’agit de dire combien l’homme est prisonnier de sa condition : il vit dans un univers clos, hermétique, sans transcendance possible (où les Dieux sont attendus en vain et ne sont plus d’aucun secours )  ;  il ne peut  échapper  à son existence et progresse inexorablement vers sa mort. Cette pièce, tout en rappelant l’Histoire tragique  la dépasse pour montrer, à travers ces deux vagabonds , la condition tragique de l’homme.

 Un univers de fin du monde

Ces références à l’histoire sont en fait utilisées pour créer une représentation du monde qui correspond à celle d’une génération qui a vécu le traumatisme de cette seconde guerre mondiale.Le monde apparaît comme un enfer. Il s’agit d’un « enfer dans les nuées », celui d’Hiroshima et de Nagasaki, mais également celui des ruines de notre humanité où les rapports humains sont autant de supplices, où l’échange verbal  peut s’apparenter parfois à des séances de torture,  « Voilà encore une journée de tirée » dit Estragon, « Pas encore » lui répond Vladimir. Cette évocation de l’enfer sur terre  ressort également dans la mise en scène. : un lieu vide  en ruines comme après la fin du monde. Le thème du jugement dernier est suggéré par la représentation de l’arbre seul décor sur scène  ; il s’agit là sans doute de l’arbre du purgatoire condamné à la stérilité par la faute du premier homme.

Les personnages.

En perte d’identité.

Les personnages de Beckett sont à la fois particuliers et universels. Ils ont des noms propres : Vladimir, Estragon, Pozzo, Lucky, Godot, et les deux premiers semblent bénéficier de noms affectifs qu’ils se donnent l’un l’autre : Didi, Albert ; Gogo.  Par ailleurs leur identité n’est pas assurée comme le révèle Estragon lorsque Vladimir l’interpelle : « Alors te revoilà, toi »/ « Tu crois ». Estragon semble  mettre en doute l’affirmation même  de son existence Cela est d’autant plus problématique que les personnages paraissent parfois amnésiques: ce qui les condamne à répéter sans cesse la même vie, sans évoluer,. Le temps les empêche de se penser, « . Le temps fuit sans laisser d’empreinte dans la mémoire et dans leur être friable « de sable » (p. 81). Polo déclare : « Un jour nous sommes nés, un our nous mourrons, le même jour, le même instant, ça ne vous suffit pas ? »

Cette perte d’identité produit plusieurs résultats. D’abord les personnages peuvent figurer divers couples : ils peuvent être amis,  frères, parents . Ensuite leur amitié semble impossible puisque cette relation nécessite à la fois une durée et une mémoire ce qui n’est pas le cas. Le semis partagent des souvenirs et leur relation évolue.

L’impossible amitié

Les personnages principaux semblent  tout d’abord se connaître et éprouver une certaine affection l’un pour l’autre. Ils se donnent des surnoms comme pour en témoigner. Cependant très rapidement nous voyons que leur relation est plus complexe. Elle est faite à la fois de haine et d’amitié. Dès la scène d’exposition, nous  le constatons  : « V.- Je suis content de te revoir. Je te croyais parti. / E.- Moi aussi. ». Il ne s’agit que de formules de politesse insignifiantes, si bien qu’on ne sait si Estragon est heureux de revoir V. ou s’il se croyait lui-même parti. Tout de suite après, le même Estragon refuse à Vladimir de l’embrasser et s’irrite.  La relation entre les personnages oscille ainsi entre douceur et agressivité.

La même relation de politesse et d’indifférence intervient entre ces deux personnages et Pozzo et Lucky. D’abord d’une extrême politesse avec Pozzo, lorsqu’il tombe, ils hésitent à le ramasser et à lui demander de l’argent en échange de leur aide. Quant à Lucky, alors qu’il suscite, dans un premier temps, des sentiments de compassion chez Vladimir et Estragon, les deux compères deviennent ensuite agressifs  pour se venger des coups qu’il a donnés à Estragon. Enfin, ils peuvent être tout à fait indifférents à son sort au point de le considérer comme une bête de foire.

Leur solitude impose à Estragon et Vladimir deux solutions, soit de se séparer ; soit de se suicider en se pendant. Ils ne peuvent se résoudre ni à l’une ni à l’autre. D’une part, ils sont irréductiblement attirés l’un par l’autre, d’autre part ils tiennent trop à leur vie pour se pendre,  Ainsi, ils semblent obligés de vivre ensemble que cela leur soit agréable ou non. Cette situation apparaît comme un miroir de l’existence humaine qui permet à Beckett de dénoncer la précarité de la vie en société . De plus, ces hommes ne peuvent pas même se tourner vers Dieu.    

Dieu ne viendra finalement pas

La venue de Dieu est est également remise en question dans En attendant Godot. La relation entre Dieu et ses fidèles devrait être une relation de confiance; or Vladimir et Estragon ont beau attendre leur salut  de son apparition, celui-ci ne vient pas pour les sortir de leur prison alors qu’il avait promis de venir et qu’ils passent leur temps à l’attendre.  Dès lors l’idée de paradis ne peut être qu’une carotte pour le croyant , un mensonge qu’on lui fournit pour qu’il continue à avancer. La véritable relation entre Dieu et les hommes est sans doute symbolisée par le couple Pozzo-Lucky. « Pozzo paraît », sa voix est « terrible » et il se dit être « d’origine divine ». Ce personnage incarne ainsi  un aspect de la figure divine, une figure profondément injuste et hautaine à l’égard de Lucky qu’il maltraite. Dans ce contexte, la corde attachée au cou de Lucky indique que le lien qui les relie de sujétion. Enfin, cet abandon de l’homme par Dieu apparaît encore avec le jeu du personnage du jeune garçon. En effet celui-ci est normalement censé annoncer la venue de Godot, mais à chaque fois il disparaît aussi vite qu’il était apparu, apeuré par Vladimir et Estragon. Or en grec « celui qui annonce » est dit angelos et ce jeune garçon révèle combien l’humanité fait fuir les anges, combien les cieux ont déserté la terre.

La représentation et le public.

Depuis Aristote et sa Poétique, la tradition théâtrale établit un lien  avec les spectateurs. Il s’agit à la fois de plaire et de toucher, c’est-à-dire de divertir et de ne pas ennuyer. Beckett semble aller à l’encontre de ces recommandation.

Les personnages refusent le spectacle.

Les personnages refusent de sourire aux spectateurs. Leur présence sur scène ne leur procure aucun plaisir. Il se déclarent malheureux, qu’on pense à Luky, esclave de Pozzo, réduit à une bête de foire ; ou qu’on songe aux autres personnages qui sont « sur un plateau », « servis sur un plateau ». Cette réplique de Vladimir a plusieurs sens : un sens  géographique ou sténographique : ils sont sur un plateau de théâtre /  et un sens gastronomique : les personnages sont soumis à l’avidité des regards du public comme de la nourriture servie sur un plateau . Par ailleurs, le premier sens exprime l’enfermement tragique ; les personnages ne peuvent échapper à cet espace. x.Ils ont une attitude défiante à l’égard de ce qui les entoure. Mécontents de leur situation, ils agressent le public. Nous pouvons tout d’abord évoquer les insultes dont sont victimes les spectateurs, ces « gens sont des cons » (p.15), ils constituent cette « tourbière » dont parle ensuite Vladimir en « se tournant vers le public ». pas décomposée, d’origine végétale ».  Cette idée est développée lorsque les personnages regardent vers le public et voient des « cadavres ».

Ces insultes se poursuivent dans ce qui est offert à entendre et à voir, dans les dialogues et dans la représentation. Les personnages provoquent le public en usant de gros effets qui ressortissent au bas corporel : il s’agit des mictions de Vladimir (qui fait pipi), des pets de Pozzo, du jeu équivoque de succion , lorsqu’Estragon suce ses carottes. De façon générale, les personnages se moquent du public en le frustrant du spectacle qu’il est venu voir au théâtre et la représentation peut déclencher un malaise chez certains.

    

    1. Beckett déçoit les spectateurs

 

C’est d’abord la tradition théâtrale du rire que nient les personnages. Alors que certaines situations peuvent prêter à rire, les personnages l’interdisent aux spectateurs. C’est Vladimir qui impose cette attitude sérieuse en affirmant qu’ « on n’ose même plus rire ». Le tragique contamine le comique.

Les épisodes comiques se présentent alors comme des mouvements à réprimer. V. « part d’un bon rire qu’il réprime aussitôt en portant sa main à son pubis, le visage crispé ». Ces didascalies expriment cette même idée que notre condition de mortels,   nous écarte toujours de la spontanéité du rire ; mais elles révèlent encore le projet du dramaturge de présenter au lecteur/spectateur des objets de distraction qu’il lui retire aussitôt. Il en va ainsi de la blague inachevée des Anglais. La représentation renvoie ainsi le public à sa position de voyeur

A la place du spectacle que le public attend , l’auteur propose une représentation de l’ennui. Cet ennui est annoncé dès le silence initial, qui n’est pas ce qu’est venu entendre l’auditoire, illustré par l’exclamation d’Estragon « rien à faire ». La pièce se refuse une fois de plus aux ressorts habituels de la représentation théâtrale : il n’y a pas d’action ni d’intrigue. Les personnages, privés de fonction dramatique, sont alors condamnés à répéter les mêmes propos et les mêmes gestes, dans une organisation scénique elle-même répétitive (chaque acte est divisé de cette façon : V. et E/ arrivée de P. et L./ le messager). Enfin, c’est l’écriture qui achève de frustrer l’auditeur et le lecteur.      

Le théâtre de l’absurde n’est pas un théâtre divertissant .

La pièce offre toutefois une dimension visuelle puisque Beckett parlait d’un côté « ballet » de son œuvre. Le jeu des personnages apparaît comme une chorégraphie avec des objets du quotidien : chaussures, chapeau . L’entrée en scène surprenante de Pozzi et Lucky a une dimension spectaculaire et certains metteurs en scène ont imaginé des décors de fin du monde (ruines, terrain vague, maisons éventrées ) et des costumes qui suggèrent que Vladimir et Pozzo vivent dans la rue comme des sans -abri.

Une pièce surprenante donc qui évoque le tragique de la condition humaine et la difficulté d’établir des relations de confiance et d’amitié . Elle montre également la violence des rapports humains .

 

 

 

09. mai 2019 · Commentaires fermés sur Je vous salue ma France : Aragon tente de redonner de l’espoir à la Résistance · Catégories: Première

Version 1  :  Lorsqu’on envisage la notion d’engagement en poésie , ou plus généralement , en littérature, on fait souvent référence à un engagement politique pour défendre une cause, notamment en cas de conflit.; La poésie de la Résistance est née de la volonté de certains poètes d’utiliser leurs mots comme une arme de résistance mais il fallait le faire de manière allusive afin que les Allemands ne censurent pas les textes ou ne fassent pas emprisonner leurs auteurs . En août-septembre 1943, Aragon, sous le pseudonyme de François la Colère, fait imprimer clandestinement, pour courir moins de risques , Le Musée Grévin. Le poème est ensuite distribué à Paris sous forme de tract. Les six  strophes, des quatrains d’alexandrins aux rimes croisées, sont les dernières du poème. Le poète, imaginant que la guerre est achevée, fait le tableau d’une France victorieuse afin de galvaniser l’esprit de Résistance des Français victimes de l’occupation .  Comment dépeint-il la France ? Nous étudierons d’abord les images de la Guerre et des souffrances endurées  avant de montrer la France victorieuse et l’hommage que lui rend le poète . 

 

 Version 2  : Contrairement à Benjamin Perret  et à d’autres auteurs , qui refusent par principe toutes poésies de circonstances, Aragon fait partie de ces poètes comme Desnos ou Eluard  , qui choisissent de s’engager dans leur poème. Ainsi, dans «  Le Musée Grévin  », paru clandestinement pendant la seconde  guerre mondiale alors qu ‘une partie de la France était occupée par les Allemands , Aragon exprime son patriotisme et sa foi dans l’avenir. Dans une partie de ce long poème de facture traditionnelle, composé de six  quatrains d’alexandrins aux rimes croisées, il imagine le pays libéré des ombres de son passé et il fait un portrait de la France qu’il aime. Nous verrons comment l’Histoire vient s’inscrire dans ce texte qui, à bien des égards, ressemble à un hymne ou à une prière. Enfin, en analysant l’éloge qu’il fait de la France, nous tenterons de préciser l’ « idée » que le poète se fait de son pays. 

Les paragraphes ci-dessous permettent de répondre à différentes problématiques: à vous de les organiser en fonction de la question qui vous sera posée …

 I  Images de la France 

Les souffrances de la France 

Dès le  premier vers , les années d’occupation sont rappelées par l’expression “arrachées aux fantômes “ : le verbe arracher connote la violence de cette période et l’image du fantôme évoque , à la fois la peur qu’on pouvait ressentir devant les nazis mais également l’idée qu’ils font maintenant partie du passé et qu’il ne faut plus les redouter. La Guerre prend la forme symbolique d’une tempête avec notamment les images du Déluge au dernier vers, déluge qui rappelle la catastrophe biblique qui a failli détruite l’humanité car seuls quelques hommes , choisis par Dieu, ont été épargnés et ont pu sortir du navire échoué au sommet du mont Ararat , au bout de 40 jours de pluies diluviennes qui ont recouvert le monde; En utilisant ce mythe de l’Arche de Noé , le poète rappelle l’ampleur de la catastrophe et incite les hommes à la combattre. Au vers 9 , on trouve l’image de l’accalmie avec les vents qui représentent les assauts violents des ennemis . L’avant dernière strophe fait des allusions plus précise à l’Occupation avec l’image de Paris et des exécutions des résidants : “Paris, mon coeur , trois ans vainement fusillé ” : avec la périphrase en incite, mon coeur, Aragon montre son attachement à sa ville qu’il a été contraint d’abandonner justement en 1943 par peur d’être arrêté comme le fut son ami Robert Desnos qui était demeuré dans la Capitale et que la gestapo est venue chercher chez lui pour le déporter à Auchwitz et qui décéda, fortement affaibli, peu après la libération des camps de concentration. 

Une France victorieuse 

 Pour faire échec à ce désastre, Le poète imagine alors un Pays victorieux qui se reconstruit alors que la réalité historique est très sombre parce que les alliés commencent à peine à obtenir quelques victoires militaires . C’est ce que les historiens nommeront le tournant de la guerre. La France dont rêve  le poète est une France en paix et un pays qui  chante : on peut ici penser à la fois aux chants de victoire qui retentiront à la libération et qui sont des témoignages de joie mais également aux hymnes que les combattants entonnent pour se donner du courage avant la grande  bataille ou simplement dans les moments difficiles . Et cette France , le poète en fait l’éloge : il vante le soleil de sa diversité , au vers 16 : peut être une allusion aux populations française des colonies ou aux divergences d’opinions des français entrés en résistance qui réussiront à surmonter leurs clivages politiques pour faire cause commune contre l’ennemi; cette union sacrée de la résistance est rappelée par le drapeau arc-en ciel, qui rappelle les écharpes des maires et les couleurs du drapeau français ; Cette France est personnifiée mai ile poète n’oublie pas de saleur le courage de ses habitants : “ma France où le peuple est habile / à ces travaux qui font les jours émerveillés ” . Il s’agit ici d’évoquer les beautés du patrimoine mais également les exploits de la Résistance qui à son échelle, accomplit chaque jour des miracles en cachant des juifs, en donnant de faux papiers à ceux qui ont en besoin, en s’affublant de fausses identités ou en vivant clandestinement . 

II Hommage à la France 

Un hommage à une  France éternelle 

L’anaphore “je vous salue ma France ” peut se lire à la fois comme un hommage appuyé au courage d’un pays mais également comme une sorte de prière , d’hymne qui rappelle l’invocation du “je vous salue Marie “chrétien . Saluer, au sens étymologique, c’est avant tout  s’incliner devant celui qu’on respecte et lui rendre hommage. Le ô lyrique du vers 2 et les formules exclamatives accompagner ce témoignage de dévotion et la France d’Aragon, est une France éternelle, victorieuse d’autres combats ; En effet, la mention au vers 3, d’anciennes batailles: Orléans, Beaugency, Vendôme remportées par les Français contre les Anglais  : en effet, durant la guerre de cent ans, Jean d’Arc réussit à sauver Orléans ; Vendôme fut le théâtre de violents affrontements entre le roi de France et Richard coeur de Lion et ensuite entre armée anglaise et armée française commandée par Charles VII  ; et Beaugency marque une éclatante victoire militaire de Jeanne d’Arc. Le poème d’Aragon prend ainsi  des allures de ballade médiévale avec son refrain, les références historiques et le souvenir de la chanson du troubadour Charles d’ Orléans qui s’intitule en regardant le doux pays de France et qui évoque le bonheur de la paix retrouvée et l’amour du prince-poète pour son pays. Cette France de toujours c’est celle qui a déjà réussi à triompher des périls du passé ; En rappelant l’histoire de France; Aragon présente une image d’une France  “heureuse et forte ” ; 

Un vibrant éloge 

L’hommage est appuyé par des procédés rhétoriques comme l’anaphore , le ô lyrique, l’utilisations d’ images, la musicalité des nombreuses allitérations et assonances  comme aux vers 2 “vaisseau sauvé des eaux ” ou au vers 24 en “d’au-delà le déluge salut ” ; on notera aussi l’utilisation du chiasme au vers 6 “jamais trop mon tourment, mon amour jamais trop ” qui oppose en les rapprochant, amour et tourment c’est à dire la peine du poète lorsqu’il pense aux malheurs de sa patrie. Tourment est ici employé au sens originel de ce qui peut causer la mort de quelqu’un, ce qui le fait souffrir profondément physiquement et moralement . Les sentiments du poète te le lien qui l’unit à son pays apparait à travers  les images choisies. Tout d’abord ces cloches de la victoire qui sont associées à l’angélus des oiseaux peuvent faire penser à une sorte de musique céleste et on peut les associer au paradoxal “silence des harpes ” que la Liberté fait frémir ; C’est à dire que la Liberté retrouvée va permettre d’entendre à nouveau la musique divine de ces instruments à corde comme si elle apportait le souffle capable de les faire vibrer .Le verbe frémir est utilisé ici au sens de début d’un mouvement comme une eau qui commence à frémir sou l’effet de la chaleur, les harpes commencent à bouger et ce sera le Paradis retrouvé Ainsi la poésie elle même est , par sa musique, une ode à la France et à la liberté. 

III Poème engagé 

Un poème engagé : une poésie de circonstances 

Poème de circonstances écrit à faveur du départ d’Aragon de Paris pour se réfugier en zone libre , le Musée Grévin exalte le patriotisme de son auteur mais , à la différence de son poème, j’écris dans un pays dévasté par la peste , Aragon se montre beaucoup plus allusif et ne cite aucun nom précis ; En fait il s’intéresse surtout au futur de la France et occulte volontairement les souffrances du passé pour se consacrer à la peinture d’un avenir radieux. En ces temps troublés,  en effet, les français ont surtout besoin  d’avoir confiance en l’avenir et de croire qu’une victoire est encore possible . Donc l’occupation est suggérée à travers les fantômes et les oiseaux symbolisent des messages d’espoir . Le poète est lui-même un messager porteur de bonnes nouvelles  comm eues sort d’hirondelle. Les yeux de tourterelle de la France en font une femme triste et les passereaux dans le ciel peuvent faire référence à tous ceux qui sont partis ou ont du quitter la France  : soldats, prisonniers, déportés , déplacés , exilés volontaires ; Quant à l’oiseau du large, au vers 12, qui désigne-t-il au juste ? On peut penser au message poétique, à une sorte d’esprit francophone comme un souffle sacré ou éventuellement à l’action du général De Gaulle et des forces française libres passées en Angleterre juste après l’appel du 18 juin 1940. La colombe et l’aigle représentent tous deux deux facettes de la France : celle qui lutte pour la paix car la colombe est le symbole de lapais mai c’est également l’oiseau qui annonce que les hommes sont sauvés car elle aperçoit la terre après le Déluge ; l’aigle est un oiseau de combat qui est certes l’emblème de l’armée allemande mais aussi celui des légions romaines et napoléoniennes. Donc on peut plutôt aux deux facettes de la France : l’audace pour les résistants et le chant pour donner des forces à ceux qui ont peur .

Un lien patriotique très fort 

Tout au long du poème Aragon chante son amour pour la France et cet amour prend différentes formes ; D’abord il personnifie le Pays sou else traits d’une femme aimée avec le possessif “Ma farce ” qui affirme leur proximité et le vouvoiement qui traduit une forme de respect . Le poète compare son pays à  un amour et avoue son très grand attachement avec des adverbes comme toujours et jamais qui confèrent un caractère absolu au sentiment amoureux ” mon amour jamais trop ”  au vers 6  et “mon coeur ” pour traduire son affection pour Paris, sa ville . Au vers 7 “Ma France mon ancienne et nouvelle querelle ” , Aragon tente justement de dépasser le cadre d’un simple poème de circonstances en indiquant le caractère éternel de son amour pour un pays dont il rappelle justement les origines avec les allusions aux événements historiques du passé  médiéval; Ce n'(est pas seulement à la France de 1943 qu’in pense mais à la France de Charles X le prince poète et soldat ; Il célèbre également la mémoire et le souvenir de tous les héros mort pour la patrie avec cette image du  “sol semé de héros ” comme si chaque homme tué devenait une graine qui donne de la force à la terre elle-même pour résister à de nouveaux assauts .

 Conclusion :  Ecrit à l’origine pour redonner de l’espoir à toutes les familles dont l’un des membres a été déporté, les premières strophes du poème font allusion au retour des prisonniers dans leur pays et à la joie  des retrouvailles avec leur famille . Sur la même lignée utopique, le poète imagine alors une France radieuse, belle et libre , débarrassée de ses envahisseurs et prête à célébrer une éclatante victoire . Cette création imaginaire contraste avec les tonalités pathétiques des poèmes d’occupation dans lesquels les poètes chantent leur colère , leurs douleurs et invitent au combat et à la résistance contre l’oppression ; Aragon a trouvé ici une manière originale , en puisant dans la tradition de la balade médiévale, de regonfler le moral des Français . On peut alors se demander , en temps de guerre , quelle est l’arme la plus efficace pour chanter son amour pour son pays et le faire partager ?

08. avril 2019 · Commentaires fermés sur Les Tragiques : la France en mère déchirée · Catégories: Première

aubi.jpg  Théodore Agrippa d’Aubigné vécut aux XVIème et XVIIème siècles. Né d’une famille protestante, il reçut une éducation humaniste, dans les principes de la Réforme. Voué à la défense de la cause protestante, il prit rapidement les armes et s’engagea au coté d’Henry de Navarre. Déçu par l’abjuration de ce dernier qui es convertit au catholicisme pour mettre un terme aux guerres de religion qui divisaient le pays,   c’est par l’écriture qu’il décida de poursuivre son combat : Les Tragiques, dont est extrait le texte qui suit, est une œuvre poétique engagée , liée aux persécutions  du parti protestant au cours des guerres de religion. 
    Le premier chant  intitulé Misères présente la tragédie de la France à travers une grande allégorie:pour peindre les misères du pays , le poète utilise une allégorie de la France en mère nourricière déchirée par la lutte fratricide de ses deux enfants. Examinons comment le poète rend compte de son attachement à sa patrie .   
 

Quelles questions peut -on vous poser à propos de ce poème ?  

a) Comment le poète dépeint-il les misères de son pays? 

b ) De quelle manière le poète décrit -il la violence des guerres qui déchirent la France ?

c) en quoi ce poème fait-il partie de la littérature engagée ? 

d) Comment ce poème traduit-il l’engagement de l’écrivain pour le camp protestant ? 

A partir des éléments suivants, composez des plans détaillé qui permettent de répondre aux questions posées . aubi2.jpg

L’utilisation de l’allégorie de la France sous la forme d’une  mère qui tente d’allaiter ses deux jumeaux  est le procédé d’écriture central du poème : cette allégorie  permet de traduire de manière imagée et saisissante les malheurs de la France en montrant d’une part les souffrances de la mère nourricière à travers le registre de la violence physique ; chaque camp est représenté sous l'image d'un bébé qui tente de tuer son rival en le privant de nourriture; en engageant ce combat , il blesse au passage sa mère et encourt sa malédiction. La mère est présentée comme la principale victime de ce combat mortel qui l’atteint et la menace durement. Le poète traduit ainsi l‘affaiblissement du pays à cause des guerres de religion qui divisent les Français et à terme provoqueront l’exil de milliers de protestants  Pour convaincre ses lecteurs , le poète va employer un certain nombre de procédés d’écriture comme l’hyperbole , les anaphores et les effets oratoires . L’engagement de l’écrivain se marque notamment par le recours aux figures bibliques .

 Dès le premier vers en alexandrin, le poète annonce clairement et solennellement son intention : “Je veux peindre la France une mère affligée” :
– Le terme “peindre” suppose bien une description  à la manière d’un tableau.- L’expression “mère affligée” met bien en valeur les deux axes d’étude : la France est à la fois “mère” avec la faillite notamment de son aspect protecteur et nourricier- et  également “affligée”  qui à cette époque signifie : qui est mortellement blessée , dont la peine est immense : Ce participe passé  annonce  le thème de la peine et de la violence avec le combat des enfants.
La mère est montrée dans le rôle d’une mère qui allaite ses deux enfants : ils sont entre ses bras ( v 2 ) et elle en porte la responsabilité, le poids comme le suggère le participe passé chargée; cette mère doit veiller sur ses petits et dans le poème , elle s’en montre incapable ;Les “tétins nourriciers” sont rejetés en début du vers 4 et sont ainsi mis en valeur par leur position en tête de vers .Le sein est ici une métonymie de la mère nourricière. La mère ne peut distribuer équitablement “le doux lait ” à ses enfants à cause du jumeau le plus querelleur qui est à l’origine du “dégât” ; ce terme a un sens plus fort à cette époque et désigne une action aux conséquences désastreuses ; la peine de la mère apparait notamment à travers les expressions du vers 15  et 16 ; “soupirs ardents, pitoyables cris et pleurs réchauffés ” ; l’énumération qui occupe deux vers peut être considérée comme une gradation ; la souffrance morale ici est doublée d'une véritable souffrance physique qui apparaît elle aussi grandissante avec notamment une augmentation marquée au vers 21  “en sa douleur plus forte ”  . La mort de la mère est envisagée avec le verbe “succombe ” au vers 22 et l’expression ” mi vivante à mi morte” semble marquer une étape décisive dans le conflit , une sorte d’état intermédiaire qui peut basculer d’un moment à l’autre vers la catastrophe; Le poète marque ainsi , par différents procédés d’amplification, un paroxysme qui transforme la France en une sorte de gibier dans une montée inexorable de la violence ; “Aux derniers abois de sa prochaine ruine ” marque l’approche de la défaite qui se solde par une mort douloureuse ; le terme ruine peut s’employer à cette époque au physique comme au moral ; On parle de la ruine d’un pays et la ruine peut désigner le fait qu’un individu soit dévasté par le chagrin ou le malheur.

Le poète donne à voir le combat et ses conséquences à travers des verbes de vision  comme “elle voit ” au vers 23 et la mère finit par s’adresser directement à ses entants meurtriers ; ce passage au style direct introduit une sorte de solennité  dans le poème car les paroles de la mère meurtrie sont des imprécations, des malédictions ; elle traite ses entants de “félons “, terme injurieux aux connotations péjoratives qui peut peut- être faire référence aux nombreux traités de paix non respectés durant les 8 guerres de religions qui ensanglantèrent la France entre 1562 et 1598 ; les sièges de La Rchelle, ville où se réfugièrent de nombreux soldats protestants ainsi que le massacre de la Saint Barthélémy durant lequel fut assassiné l’amiral Coligny qui dirigeait l’armée protestante furent empreints d’une grande violence et marquèrent les esprits .  
Le registre de la violence physique est  donc omniprésent dans le poème et les sonorités contribuent  à en marquer les effets sur le lecteur par des phénomènes d’harmonie imitative –  Ainsi au vers 8 , l’allitération en d associée à la douceur crée un contraste saisissant : “Fait dégât ddoux lait qui doit nourrir les deux” ; Au moyen d'une opposition entre les dentales dures [d] et des voyelles douces [u]) ainsi que par le choix des mots opposés dans leurs connotations  doux et dégâts, l'auteur introduit une sorte de réflexion sur l'aberration de cette situation . Au vers 12 : "Ayant dompté longtemps en son cœur son ennui”, on retrouve une alternance  entre les d et les s , deux consonnes qui par leurs allitérations marquent la dureté et la sècheresse ; de même , le vers 18 : “si bien que leur courroux par leurs coups se redoublent”  nous fait quasiment entendre le bruit des coups échangés par  les assonances en [u] et les allitérations en c et en d . L’harmonie imitative est en effet un procédé poétique qui consiste à utiliser des sonorités qui traduisent des sentiments : d pour dureté ici et c pour coups, colère, combat.

 

Le poème est parcouru par cet affrontement violent dont il détaille l’évolution et les étapes : on retrouve notamment  le déclenchement du conflit au vers 3 : le plus fort empoigne ..d’Aubigné désigne ici le camp catholique majoritaire en France et dont l’existence est antérieure à l’émergence de la Réforme ; les Protestants sont en effet des catholiques qui veulent réformer l’Eglise en supprimant ce qu’ils considèrent comme des abus et en proposant une nouvelle lecture des Evangiles; le protestantisme nait en Allemagne avec Luther et Calvin et sera introduit en France au seizième siècle . Les protestants sont vus comme une  grave menace pour l’autorité du roi  dont ils contestent le rôle divin et surtout  contre le pouvoir  du pape qu’il ne considèrent pas comme le chef de l’Eglise.   En résumé, les conflits vont se succéder entre 1560 et 1598 date à laquelle Henri IV se convertit au catholicisme et impose l’Edit de Nantes qui accorde la liberté religieuse aux protestants français ainsi que la nomination de juges protestants garants de leurs droits civiques. Ce premier enfant qui représente le camp catholique  est traité de “voleur acharné” et il tente de tuer son frère en le frappant à “coups d’ongles de poings et de pieds ” La gradation ascendante marque ici une violence grandissante qui est présentée comme une véritable injustice dans la mesure où ses conséquences sont désastreuses ; en effet, ce combat “brise le partage ” c’est à dire rompt l’équilibre harmonieux entre les jumeaux qui devraient bénéficier d’un allaitement équivalent . Le combat redouble ensuite d’intensité avec les représailles du jumeau attaqué qui rend les coups ( vers 14 ) ; les deux camps sont décrits comme enragés, aveuglés par  leur colère au sen propre et au sens figuré ; ils deviennent furieux, terme qui désigne un homme emporté par la folie de sa colère et qui perd tout  contrôle sur lui-même , qui n’a plus sa raison ; au vers 20, ils finissent par se crever les yeux ; cette blessure symbolique peut rappeler les châtiments mythologiques ; Oedipe se crève les yeux pour ne pas voir littéralement son malheur et sa condamnation ; les deux combattants sont alors mis sur le même plan et leurs blessures sont présentées comm réciproques, d'une égale intensité . Le terme mutin désigne ceux qui se révoltent contre leurs maîtres, ceux qui prônent la rébellion et sèment ainsi le désordre dans le royaume; en effet, les guerres de religion menacent l’équilibre du pays en plus de le fragiliser par les pertes humaines et les destructions qu’elles engendrent. Le poème rappelle bien cet aspect du conflit à travers l’image des jumeaux qui s’entretuent et blessent leur mère; cette dernière cherche à protéger le plus faible, Jacob qui al droit pour lui mais elle s’en montre incapable et l’autre “viole l’asile de ses bras ” ; on voit ici qu’il s’agit bien d’une guerre civile et que les catholiques ne respectent pas les accords de paix en continuant à attaquer les protestants à cause de leur religion ; Au vers 29 , la nourriture devient un suc , qui rappelle les nourritures sacrées dans la mythologie et les textes antiques ; le suc est une sorte de subsistance vitale  et un présent qu’on offre aux Dieux avec le lait et le miel .
Les deux thèmes du poème ; le combat et la mère nourricière  se rejoignent dans une horrible union formulée dans les paroles de la France à la fin du poème (vers 31 à 34) : l’union du sang et du lait :- ce mélange est marqué  au vers  31 notamment avec “Vous avez (…) ensanglanté / le sein qui vous nourrit” :l’ association des deux éléments  est marquée  par l’enjambement. Et le vers final  traduit lui aussi les conséquences dévastatrices de cette guerre : – “Je n’ai plus que du sang pour votre nourriture” v. 34; la mère décrite comme une femme “éplorée ” au vers 21 ne parvient pas à faire cesser ces affrontement qui la tue en même temps qu’il tue ses deux enfants. En effet, le poète marque à plusieurs reprises l’impuissance de la mère face à  la folie meurtrière de ses enfants .
Comment le poème marque t-il l’engagement  de d’Aubigné en faveur d’un camp? 
On peut mesurer cet engagement dans l’ utilisation des figures bibliques : la mère a, en effet, deux enfants jumeaux (Esaü et Jacob). Ces deux enfants représentent respectivement les catholiques et les protestants. Jacob est persécuté par Esaü, comme le sont les protestants par les catholiques. Dans la Bible (Genèse, verset XXV), Jacob, le cadet, le préféré du père, a racheté le droit d’aînesse à Esaü (pour un plat de lentilles), ainsi dépossédé de son héritage. – “Esaü” est  présenté comme “le plus fort, orgueilleux” v. 3 : il symbolise l’Eglise catholique, l’aîné qui agit d’abord sans rencontrer la résistance. Le lexique  utilisé pour le dépeindre est dévalorisant : il est par exemple qualifié de  “ce voleur acharné…” v. 7. Au vers 11 le conflit s’aggrave avec la révolte de l’opprimé  qui refuse de se laisser “arracher la vie ” ; On peut peut être ici lire une allusion aux nombreuses persécutions des protestants  mais surtout ce parti pris permet de voir que ,dans le poème,  la cause  de Jacob est présentée comme légitime : victime des assauts meurtriers de son frère , le jumeau malmené a d’abord pris sur lui  comme le révèle ce vers  “ayant dompté longtemps en son cœur son ennui”; il a finalement cédé et a laissé éclater  “sa juste colère” v. 12-13; l’adjectif juste dans ce vers est synonyme de “légitime ” ; un peu plus loin, le jumeau protestant est présenté comme  “celui qui a le droit et la juste querelle” v. 26.D”Aubigné se situe donc clairement dans le camp des Protestants et demeure fidèle en cela à la cause qu’il défend. 
Mais, en réalité, la position du protestant d’Aubigné n’est pas aussi tranchée : si la balance penche en faveur du plus jeune présenté comme en état de légitime défense, le tableau final condamne, à part égale, les deux frères qui sont associés dans l’expression  : “sanglante géniture”  au vers. 33. C’est ainsi  une image de la France en mère blessée qui devient stérile et s’empoisonne de ce combat fratricide :-  Le mot ” venin” traduit de manière imagée cet empoisonnement dont le pays est victime.  Ravagé par les guerres, il ne peut plus assurer la subsistance de la population .  “Je n’ai plus que du sang pour votre nourriture” v. 34-35 sont les dernières paroles de la mère victime de la folie de ses enfants. 

D’Aubigné montre en ces termes la condamnation de ces guerres auxquelles il a pourtant pris part, aux côtés des troupes protestantes ; fatigué de ces combats fratricides , il utilise la poésie pour en révéler l’horreur et faire ainsi prendre conscience à ses contemporains que ces guerres font courir un risque important  au pays ; Dans le camp opposé, le poète Pierre de Ronsard dénoncera lui aussi les misères de la guerre ; la poésie se fait à la fois l’instrument d’une critique , d’une protestation et retrace la réflexion d’un citoyen qui craint les conséquences de ces violents conflits . 
En conclusion , on peut voir que l’allégorie de la mère affligée frappe l’imagination par la violence des images du combat entre  les 2 frères. Si l’on ressent autant cette violence, c’est que l’auteur a multiplié les effets oratoires pour convaincre et persuader les lecteurs. On retrouvera à toutes les époques ces mêmes procédés dans les poèmes engagés qui dénoncent les tyrans et les oppressions comme les Châtiments de Victor Hugo écrits contre Napoléon III , les poèmes de la Résistance contre l’Allemagne en 39/45 et les poèmes qui dénoncent la violence de la colonisation notamment. 

En résumé, il faut adapter le contenu de vos rubriques  de plans détaillés à la question posée ;

Comment le poète décrit -il la violence de la guerre ? 

1. Par la peinture d’un combat sans merci avec une  allégorie des jumeaux bibliques 

a) les deux combattants représentent les deux camps 

b) le déclenchement du conflit : l’un agresse l’autre qui est alors obligé de se défendre 

c) la montée de la violence : les coups, la folie furieuse 

2. En montrant les conséquences désastreuses de ce combat par l’ allégorie de la France en Mère dépassée et blessée

a) le poète montre la grande souffrance de la mère 

b) le poète montre la mise à mort de la mère 

c) la géniture sanglante : d’Aubigné peint un spectacle de désolation 

ccl : le poète dépasse le simple point de vue partisan pour nous convaincre de la folie de tels affrontements qui sont un supplice pour le pays ; le système allégorique a une valeur saisissante pour le lecteur qui visualise de cette manière les dégâts causés par les guerres de religion   

En quoi ce poème est-il engagé ? 

 I Un engagement qui se lit par la présentation du combat fratricide 

a) le  jumeau qui représente les catholiques est décrit de manière négative

b) le bébé agressé est présenté comme une victime qui finit par es défendre pour ne pas mourir 

c) un poème qui rappelle les propres combats du poète et reflète la violence des affrontements 

Mais un point de vue “humaniste ” et une même condamnation des deux camps 

a) d’Aubigné prend la défense de la  Mère dont il montre la souffrance 

b) la Mère victime de la folie de ses enfants est menacée d’une mort imminente 

c)  on peut lire une condamnation des guerres de religion qui affaiblissent le pays avec la malédiction finale 

 

25. mars 2019 · Commentaires fermés sur Heureux qui comme Ulysse a fait un beau voyage …l’attachement au pays natal . · Catégories: Première

Le premiers vers du sonnet pourrait nous entraîner sur une fausse piste: en effet, l poète ne célèbre pas la joie de voyager mais au contraire, la joie de revenir parmi les siens goûter le véritable bonheur . Parti accompagner le voyage à Rome de son cousin, Du Bellay mesure à quel point la France lui manque. 

Le poète se compare ainsi au célèbre héros grec et souhaiterait retrouver le village angevin qu’il a quitté pour accompagner son oncle à Rome à l’occasion de la nomination de ce dernier au poste de cardinal. Voyons comment le sonnet marque à la fois les regrets du départ  et l’attachement au pays natal .

En fonction des 4 questions posées à l’oral, essayez de détailler, de  combiner et de recomposer les plans suivants afin qu’ils répondent le mieux possible aux attentes de l’examinateur . 

a) en quoi ce poème est-il lyrique ?

b) en quoi ce poème évoque-t-il la mélancolie ?

 c) comment sont exprimés les regrets du poète et de quelle nature sont -il s?

 d) en quoi ce poème peut il être qualifié d’humaniste ?

Examinons tout d’abord deux plans de commentaire littéraire issus de deux sites différents afin de comprendre comment il est possible de les réutiliser pour répondre à la question posée . Sur commentairecompose.fr, voilà le plan proposé ..

 I. Un sonnet pour exprimer la douleur de l’exil

a) lyrisme et complainte

b)un exil douloureux

II La comparaison entre Rome et le village natal

a) une opposition rythmée

b) le contraste entre froideur romaine et douceur angevine

III Un poème qui témoigne d’un projet poétique humaniste

a) valeurs et références humanistes

b) défense de la patrie et de la langue française

Deuxième possibilité : sur le site de l’académie de Versailles : un travail très complet autour de ce poème

 

 

 

 

 

 I  Le poète voyageur

a) le leitmotiv du voyage

b) la figure d’Ulysse

c) une lecture autobiographique

 II Voyage et mélancolie 

a) les procédés de la nostalgie

b) l’évocation des lieux

c) la tonalité élégiaque

III La signification du regret

a) le mythe du voyage

b) un regard Humaniste sur l’Histoire

c) du singulier à l’universel

Quelques éléments qui pourront être utilisés dans l’introduction :

Des éléments biographiques en relation avec le poème :1550-1557 : Du Bellay està Rome pouraccompagnerson cousin, le cardinal Jean du Bellay, à Rome et lui servir de secrétaire. En1553, ilécrit Les Antiquités de Rome, des vers latins et des poèmes d’amour dédiés à une jeune romaine .

Circonstances de la composition des Regrets: on y litl’amertume d’un homme déçu quirêvait de débuter une carrière diplomatique et se retrouve chargé de l’intendance : “Je suis né pour la Muse, on me fait messager.” (sonnet 39). Ilsouffre du mal du pays, regrette l’indépendance et l’inspiration de jadis, la cour et la faveur du roi, les amis notammentRonsard, le foyer, la France, sa province natale. Ildécouvre les “vrais” romains, les distractions, l’hypocrisie, l’ambition, les turpitudes de la ville des cardinaux, leur vie futile et médiocre.

L’oeuvre : Le recueil des Regrets est composé de 191 sonnets publiés en 1558 ; la plupart ont été écrits en Italie . On y retrouve des imitationsde poètes grecs et latins, mais égalementl’expression d’une poésie personnelle ; c’est une sorte de journal de voyage d’une âme douloureuse et sincère, tantôt élégiaque et tantôt satirique. 

Construction du poème :sonnet

1er quatrain : l’aspiration au voyage contraste avec aspiration au retour vers la terre natale (généralité)

2ème quatrain : expression de la nostalgie du poète exilé (cas personnel)

1er et 2ème tercets : comparaison et opposition entre le pays d’exil et le pays natal

Analyse linéaire :Heureux qui !(en latin “Félix qui !”…) exclamation à la manière antique. Du Bellay a d’abord écrit ce sonnet en latin .Son inspiration est antique car l’ humanisme est une période où on redécouvre les oeuvres  des Latins et des Grecs. Le modèle et la source d’inspiration possible seraient les poèmes “Les Tristes”  d’Ovide, écrits à bord du bateau qui l’emmenait vers l’exil sur les bords de la Mer Noire . Le poète y exprime sa nostalgie  et son souhait de revenir.

Ulysse :référence mythologiqueà un voyage de retour long et douloureux en raison de la vengeance de certains Dieux de l’olympe qui avaient soutenu les Troyens contre les Grecs. 

Cestuy-là”: celui-là qui conquit la toison = Jason. C’est la seconde référence à un mythe antique:Jason est un navigateur qui a réussi à rapporter la fabuleuse  toison d’or . Jason vient prolonger la référence aux héros antiques avec Ulysse au premier vers. Le poète rêvait de leur ressembler . 

Le premier quatrain montre  les aspirations  de l’enfant qui rêvait d’être héros et  l’ambition de l’homme jeune  qui voulait faire une carrière diplomatique . Mais la réalité de la situation du poète est différente et cela justifie la présence de deux tons différents 

“Plein d’usage et raison: usage = expérience, mais le mot connoteaussi l’idée d’usure. Ulysse est un homme “plein d’usage et raison”, mais qui a perdu ses illusions ; son expérience a été acquise au prix de souffrances et d’épreuves comme Du Bellay qui se compareà lui (comme..)

Quand reverrai-je, hélas...” : soupir, cri du cœur. L’interjectionhélas!” est le maître mot de l’élégie.Elle se caractérise par une nostalgie douloureuse et révèle lebonheur perdu.”Reverrai-je” : le verbe est au futur pour montrer l’espoir du retour et les incertitudes qui l’accompagnent.

Fumer la cheminée”:Icicheminée est une métonymiepour désigner la maison ; Les mots mis en rejets (“Fumer”, “Reverrai-je”) prennent un relief particulier.

Leclos désigne le jardin, l’enclos ; noter l’opposition entre “ma pauvre maison” et “qui m’est une province (c’est-à-dire un royaume), ainsi quel’hyperbolebeaucoup davantage“. Le mot “clos” est peut-être la “clé” de ce poème fondé sur l’opposition entre l’ouverture(la jeunesse, le voyage, la mer, Rome…) et la clôture(l’âge mûr, les parents, la maison…), opposition que l’on retrouveexpriméedans la pointe du sonnetEt plus que l’air marin la douceur angevine.

La” cheminéeest égalementun mot qui renvoie allusivementà la notion de   foyer , defamille,  les parents.Le foyer est étymologiquementle lieu où brûle un feu et particulièrement l’âtre de la cheminée. Le foyer ou “feu” était l’unité dans le décompte de la population des villages tenu par le clergé, à partir des cheminées des bâtisses ( on estimait environ 10 personnes par foyer).La cheminée qui fume est lamétaphoredubonheur perdu ;la fumée étant signe de présence vivante ; La vision de “la” cheminée qui fume est l’anticipation du moment magique  qui précède les retrouvailles, riche de tous les souvenirs familiers.

Vivre entre ses parents le reste de son âge” :  Ils’agit ici d’une projection d’un nouveau bonheur à venir qui découlerait des retrouvailles avec les siens. 

2ème quatrain : comme le veut la tradition ,le poète aborde ici une dimension plus personnelle.

Plus me plaît”.”Plus que le marbre”…”Plus mon Loire gaulois...” (prononcer “Loi-re” :(en latin le nom de fleuve est masculin et ici le poète a conservé cet usage)”Plus mon petit Liré…””Et plusque l’air marin…”L’anaphore de “plus” au début desvers permet de créer une série d’oppositions  avec un effet rhétorique de répétition et de symétrie.Remarquer que dans le deuxième et le dernier vers, qui constitue la “pointe” du sonnet,  la structure symétrique est inversée, ce qui rompt la monotonie du procédé.

 La périphrasele séjour qu’ont bâti mes aïeux n’est pas une simple reprise analogique, de “pauvremaison” ; elle importe une information supplémentaire, l’idée de patrie et peut-être aussi la revendication orgueilleuse de l’appartenance à une “lignée” ; la “maison” de du Bellay était prestigieuse ;Il est en effet issu d’une noble lignée mais appauvrie par des revers de fortune.

Noter le caractère majestueux de ce vers de “Que des palais romains le front audacieux,” avec l’inversionsyntaxique : le complément de détermination est antéposé au groupe nominal et ladiérèse (dissociation des éléments d’une diphtongue) : “au-da-ci-eux” = 4 syllabes)

“Tibre latin”, “mont Palatin” : ces lieux sont en ruines au XVIème siècle, mais demeurent des noms prestigieux liés à des souvenirs antiques.Les adjectifs possessifs “mon” Loire, “mon” petit Liré  sont opposés aux déterminants définis “le” Tibre,  le Mont palatin. Ils ont une valeur “hypocoristiques”qui expriment la tendresse, l’affection et personnalisent les choses. Le poète évoque les lieux de son enfance comme des personnes aimées.

Et plus que l’air marin…” : Rome est située à 20 kilomètres de la mer, et le vers renvoie ainsi au premier quatrain, aux périples d’Ulysse et de Jason, qui sont tous deux des marins célèbres : le premier pour avoir su résister aux sirènes et le second pour avoir ramené l’équipage de l’Argos.

L’adjectif “marin”qui évoque l’air iodé et salé, au goût désagréable est opposé à “douceur”


 

Ledernier vers Et plus que l’air marin la douceur angevine”renvoie au premier : “Heureux quicomme Ulysse a fait un beau voyage” ; on peut parler de “bouclage”(fermeture) ; il s’agit aussi d’une “clausule” (dernier vers d’une strophe, d’un poème). Techniquement la clausule est définie dans l’artoratoire comme une  une structure rythmique dont la nature est d’arrêter l’élan de la phrase .Ce dernier vers contient également des images ;on imagine l’Anjou avecses maisons de craie, ses toits d’ardoise, ses étangs, les beaux arbres, un paysage légèrement vallonné, couvert de champs et de vignes (le vin d’Anjou), une nature paisible. De nos jours d’ailleurs, l’expression douceur angevine”reste associée à une atmosphère douce et vaporeuse, une certaine qualité de lumière.C‘est la “pointe” du sonnet qui se termine par un tableau qui lance l’imagination vers l’infini.

En conclusion , loin de condamner l’idée même de voyage, le poète illustre plutôt l’idée toujours actuelle que les voyages forment la jeunesse et nous permettent de mieux apprécier ce que nous avions sous les yeux sans parfois nous en rendre compte. Le poète a pu mesurer, grâce au déracinement, la valeur de son attachement à son foyer : il lui tarde de retrouver les siens et le sol qui l’ a vu naître.

 

 

24. mars 2019 · Commentaires fermés sur Poésie et Irlande: bref aperçu de la poésie gaélique · Catégories: Première

L’Irlande est très fière de ses poètes et te de son histoire littéraire et aujourd’hui encore , la parole et l’écriture poétique demeurent présentes. Les documents d’accompagnement de votre séquence consacrée au roman Retour à Killybegs sont extraits d’un recueil de poésies intitulé ” voix irlandaises ” . Des femmes poètes y écrivent leur relation avec leur pays . Elles se nomment Breda Sullivan, Maureen Martella, Linda Anderson  ou écrivent parfois anonymement . Chacune à sa manière , elles célèbrent l’Irlande , ses beautés et ses drames . Avant d’évoquer ces poèmes , un petit aperçu de l’ histoire de la poésie en Irlande ..

Voyage dans un fauteuil composé de 5 tercets de vers irréguliers évoque avec tendresse, dans un registre intimiste , une aïeule qui n’a jamais vu la mer ; le poème, avec des mots simples , souligne ainsi la ruralité de ce pays et l’amour de ces petits entants pour leur Grand-Mère qui déposent l’océan à ses pieds comme un  dernier cadeau . Le poème de Maureen Sullivan évoque la condition féminine avec humour et s’efforce de briser des stéréotypes ; l'auteur y fait parler une jeune femme qui brosse un portrait idéalisé de l'épouse parfaite "traditionnelle"  du point de vue d'un homme irlandais : bonne ménagère, docile, , qui rend hommage à son homme , le valorise; lui lave les pieds et lui cire se chaussures  et se tient toujours à sa disposition, offerte avec un grand sourire .  La chute comique du poème vient détruire cette image et nous révèle que la poétesse ne partage pas du tout cette vision de la condition féminine; elle dénonce ainsi de manière plaisante le machisme de certains irlandais. Le poème est construit avec 5 quatrains et les vers varient entre l’octosyllabe et le décasyllabe.L’absence de rime est liée à la traduction

Le long poème intitulé Motif brode l’histoire d’une relation mère/fille en revenant sur des souvenirs d’enfance; Le lyrisme personnel dessine le portrait d’une mère irlandaise qui a connu la pauvreté et sa fille lui rend hommage à travers cette poésie de forme libre où on aperçoit néanmoins quelques quatrains . Ce poème peut également être considéré comme une sorte d’éloge funèbre car la mère y est célébrée à titre posthume (  elle est morte ) ; On y décèle également un ton nostalgique : la poétesse exprime des regrets car leur relation était devenue difficile . A travers le souvenir de la confection d’une robe et des tâches ménagères que sa mère effectuait inlassablement, elle brosse le portrait de toutes les mères irlandaises que “l ‘histoire a mise(s) à genoux ” : élèves une famille nombreuse (nichée ) avec peu d’argent (recoudre les anciens habits ) ; elle choisit le tissu d’une de se anciennes robes pour fabriquer à sa fille qui retourne à l’école  sa tenue du rentrée et pour cette dernière ce vêtement symbolise sa pauvreté Pour moi elle signifiait pauvreté, “stigmate des vieux habits ” .  

Dans un registre dramatique, Linda Anderson nous fait partager une autre image de l’Irlande : celle de la violence d’un viol commise sur une femme dont le cadavre est découvert par une ronde policière ” visage contre terre, inerte dans un fossé, ” La poétesse évoqué des détails réalistes de l’Irlande du Nord avec des noms comme Belfast ou Long Kesh, la prison où sont détenus les membres de l’IRA et souligne l’indifférence des passants avec leurs “ visages de pierre ” confrontés à ces scènes . La violence entre les deux communautés catholiques et protestantes,  est suggérée notamment à travers des images comme “ barrée par des barbelés, voisins meurtriers “. La ville de Belfast est personnifiée et semble elle aussi souffrir de ces exactions qui la défigurent ; La poétesse montre ainsi que cette violence est pour beaucoup de gens attachée à l’image qu’on peut se faire de ce pays endeuillé par de longues années de guerres .Le modèle métrique du poème combine les  différents types de strophes : huitain, neuvain, deux sizains et un quintil; 

Ile reprend la forme traditionnelle du blason héritée de l’Antiquité et modernisée au Moyen-Age ; Le pays s’y confond avec le corps de l’ être aimé dans un système d’analogies qui débute dès le premier vers avec la parataxe: ton corps , une île; Le corps de l'être aimé est ainsi le lieu où l'on se réfugie  et où l'on se sent à l'abri , le lieu idéal, le locus amoenus des Anciens qui reproduit sur terre l’image du Paradis, du jardin d’Eden.   ; Les beautés et les bienfaits de la nature sont ainsi directement associés à des parties du corps : les tempes deviennent des puits d’eau fraîche, les yeux des lacs de montagne; Le poète rend ainsi un double hommage , à la fois à la beauté de l’aimée et à la beauté du pays ; L’amour pour l’Irlande et ses beautés naturelles se confond ici avec le désir amoureux ; La dernière strophe évoque un embarquement pour cette île magique qui peut se lire comme une union avec le corps aimé rejoint  ”  : dans tes champs verts, comme une île ” . 

La vierge de Granard parle est formé de strophes irrégulières aux vers libres et se fonde sur les contemplations et les observations, teintées de regrets  d’une statue de pierre qui désire s’incarner en femme véritable et se faire renverser sur un “lit de miel ” . La poétesse déplore l’existence de ce conflit meurtrier en Irlande qui oppose catholiques et protestants  et le champ lexical de la guerre contamine la Nature elle-même où les arbres gambadent à l’agonie : le cycle symbolique des saisons est utilisé pour matérialiser les transformations du pays : le froid glacial de novembre balaie la frontière mais lorsque les conflits s’apaisent, la Nature redevient bienfaitrice avec les odeurs des arbustes en fleurs et l’été qui appelle à l’amour : les cérémonies du calendrier religieux rythment le temps  qui paraît immuable ; la communion, le mariage et l’enterrement en automne ; la vie humaine semble dérisoire et “la mort n’est qu’une récolte de plus dans le théâtre des saisons ” ; Nous retrouvons deux grands thèmes de la poésie universelle  : la fuite du temps , l’impossibilité d’échapper à sa finitude ainsi que l’idée que le monde est un théâtre au sein duquel l’homme est en représentation un court instant ; Ces topoi sont connus sous le nom latin  de tempus fugit  ( Rossard le matérialise par la devise Carpe Diem ..profitons du jours présent  ) et de theatrum lundi (mouvement baroque ) . 

Chacun de ses poèmes évoque donc un aspect de l’Irlande et des Irlandais : la tendresse maternelle , l’image de la femme , l ‘attachement aux beautés de cette île  et les conflits  meurtriers entre catholiques et protestants qui endeuillent cette terre . Le poètes peuvent célébrer leur attachement à leur terre natale avec le registre du lyrisme personnel ( des souvenirs d’enfance teintés de nostalgie, la maison natale, les plaintes de l‘exilé volontaire ou contraint comme Hugo dans Les Châtiments , Du Bellay dans Les Regrets  ou adopter , dans des poèmes engagés la position d’un porte-paroles d’une collectivité ou d’un peuple pour déclarer leur amour à leur pays attaqué ou à leur Patrie en danger . ( Aragon dans Je vous salue Ma France

04. mars 2019 · Commentaires fermés sur Tyrone Meehan : un héros et un traître · Catégories: Première

Inspiré de faits réels, le roman de Sorj Chalandon retrace  l’histoire douloureuse d’une trahison ;  Tyrone Meehan activiste irlandais, membre de l’ IRA dès l’âge de 18 ans, va peu à peu accepter de livrer des renseignements aux services de contre-espionnage britannique en échange de leur silence dans sa participation à un crime. Installé à la place  du personnage principal de ce récit à la première personne  , le lecteur est emporté malgré lui, dans les tourments du héros et découvre le traître de l’intérieur. Néanmoins, l’auteur ménage, çà et   là ,des zones d’ombre et diffère la révélation de la cause principale de la trahison   comme pour nous signifier qu’on ne sait jamais vraiment pourquoi on peut être amené à trahir les siens, son pays et ses idéaux. L’écrivain permet ainsi au lecteur de se mettre, provisoirement , dans la peau d’un traître , au demeurant fort sympathique . Découvrons ensemble qui est vraiment Tyrone Meehan et comment il est construit …

 Le prologue  rédigé la veille de Noël 2006 , quelques mois avant l’assassinat du héros dans son cottage de Killybegs , parait une tentative de justification ; Le personnage a l'intention de “dire la vérité ” et le premier chapitre s’ouvre sur une plongée dans ses souvenirs d’enfance . Enfant battu et rudoyé par un père au double visage : à la fois  patriote et conteur d’histoires mais également alcoolique violent et rongé par l’amertume te le sentiment de défaite ; Soldat du Donegal, volunteer de l’IRA, Patraig Meehan, le père de Tyrone est sur le point d’abandonner sa famille pour aller combattre en Espagne en 1936 contre les troupes du général Franco, dans les rangs des Brigades internationales . Mais il restera pour subvenir aux besoins de sa famille; Homme brisé,  rapidement surnommé “bastard” par les habitants du village de Killybegs , il représente pour son fils, le modèle de l’homme qui a sacrifié sa vie pour son pays. Sa mort “lesté de sa terre ”  , plonge la famille Meehan dans la misère et les oblige à déménager.

.  (2-) A la suite d’une agression contre Kevin, le petit frère de Tyrone, la famille accepte l’hospitalité de l’oncle maternel et part vivre à Belfast dans le ghetto catholique de Cliftonville. Tyrone est alors âgé de 16 ans et il fait   rapidement la connaissance de sa voisine Sheila Costello qui deviendra sa femme et qui, dès leur premier rencontre, le surnomme affectueusement “weeman”. (petit homme – ) parce qu’elle est un peu plus grande  que lui.   Après un bombardement allemand, Tyrone contemple son premier mort et ce jour là , le 16 avril 1941,  il décide qu’il n’est plus un enfant et qu’il est , à son tour , prêt à se battre.

<p style="text-align: justify;">3 ; Le roman oscille entre récit de la vie de Tyrone et écriture de ses souvenirs à Killybegs , une ville de l’Irlande du Sud ; Tyrone a décidé de ne pas se cacher car il sait qu’ils viendront un jour le tuer . Il évoque ses souvenirs tout en caressant le sliotar usé, cadeau de Tom Williams 60 ans plus tôt .

4. A Belfast, la vie est devenue difficile pour la famille de Tyrone : le drame vécu par son oncle Lawrence l’a rendu silencieux mais en avril 42, quand la maison est incendiée par des loyalistes , il décide de mettre sa famille à l’abri dans Dholpur Lane, un ghetto protégé par l’IRA. Tyrone rencontre alors Tom Williams âgé de 19 ans et déjà lieutenant ; Pour Tyrone et les siens, l’IRA représente une protection et il rejoint quatre jours tard les Na Fianna, les scouts de l’armée républicaine. Il es lie d’amitié avec Danny Finley dont le frère jumeau Declan a été battu à mort par des jeunes protestants à Short Strand. Leur insulte préférée contre les catholiques  est Taig :  “saleté de papiste ” . Tyrone participe à sa première opération de guet en février 1942 et c’est à cette occasion que Tom Williams lui donne le sliotar qu’il gardera précieusement toutes ces années . Au cours d’une  autre opération , alors qu’il porte sur lui une arme chargée , il se surprend à sourire à une jeune soldat anglais et a honte de ce qu’il ressent alors ” cette preuve d’humanité m’a longtemps poursuivi . Et dérangé longtemps. Sous ce casque de guerre, il ne pouvait pas y avoir un homme mais seulement un barbare. Penser le contraire, c’était faiblir, trahir. Mon père me l’avait enseigné. Tom me le répétait.“( p 71) A

A Killybegs, , Tyrone tente de survivre ; Il rencontre le père Gibney qui l’informe de la visite prochaine de Joshe, Joseph Byrne, devenu franciscain et qui a combattu avec Tyrone . 

Après la mort de son oncle , tué par sa chute d’un toit en mars 1942, Tyrone poursuit son engagement au sein de l’IRA et participe à la marge des Fianna en avril 42 pour commémorer l’insurrection de Pâques 1916. Mais ce jour là, Tom Williams est arrêté pour avoir ouvert le feu sur une patrouille de police et tué un policier catholique qui portait l’uniforme anglais . Il est exécuté par pendaison en septembre 42 ; Il a 19 ans . Très vite, le quartier s’enflamme ; Sean et Tyrone sont arrêtés par les B Specials et emprisonnés à Crumlin. Tyrone réalise alors que sa vie “suffoquerait entre ces murs captifs et sa rue barbelée. “J’entrerais, je sortirais jusqu’à mon dernier souffle. Mains libres,entravées, libérées de nouveau pour porter un fusil en attendant les chaînes .” (p 105) . Le jour de ses 18 ans, il prête serment en prison à l’IRA. Il sera libéré en 1945 seulement. Et il constate alors que leur guerre à eux n’est pas finie. ” enfants de ce désastre; Pas vaincus mais désemparés. Les seuls en Europe à ne pas avoir de drapeau vainqueur à accrocher à nos fenêtres. ” (110) 

Après l’attaque d’un poste de police sur la   frontière, Tyrone est arrêté et emprisonné pour la seconde fois :  il a 32 ans et retrouve son frère Seanna en prison. Ce dernier souhaite émigrer et ne veut pas sacrifier sa vie pour son pays (texte 2 ) . Tyrone sera libéré en 1960 et à sa sortie du prison, il épouse Sheila qui lui donnera un fils unique: Jack.  En 1969, au cours d’une attaque de police contre des manifestants qui revendiquent l’égalité des droits civiques entre catholiques et protestants , Tyrone tue accidentellement Danny Finley ( p 134 ) La famille de Tyrone quitte Dholpur Lane pour aller vivre à Drogheda. Tyrone lors de l’enterrement de Danny est célébré comme un héros . Un an plus tard, il est hanté par le souvenir de la mort de Danny. En 1979, Jake est emprisonné pour la mort d’un policier et passera 20 ans en prison . 

Deux visites douloureuses sont racontées en marge de la reconstitution de la vie du Tyrone : celle du père Joseph Byrbe ( chapitre 9 ) et celle de son fils à Killybegs ( (chap 11) ; 

En 1979, dénoncé par un habitant du quartier pour avoir frappé un dealer , Tyrone retourne en prison pour 15 mois ; Il a alors 54 ans et découvre que 300 irlandais vivent nus dans leurs excréments car on leur refuse le statut de prisonnier de guerre. Il est libéré le 7 janvier 1981 au moment où Bobby Sands commence sa grève de la faim . Le lendemain l’armée vient l’arrêter et il est emmené dans les locaux du contre-espionnage où on lui montre les douilles qui ont été retrouvées le jour où Danny Finley a été tué. Tyrone est soumis à un chantage : soit il collabore, soit la vérité est révélée. Il choisit alors de trahir l’rlande et de demeurer un héros aux yeux de tous.  Trahit-il pour sauver sa réputation ? C’est en partie ce que suggère le roman. 

Lors de leur voyage à Paris en avril 1981, Sheila et Tyrone sont accompagnés de deux agents du Mi 5 et, comme pour vaincre ses dernières réticences, ils lui font la promesse que sa trahison “n’entraînera ni arrestation ni victime. Tes informations serviront à sauver des vies pas à en gâcher d’autres”. ( 196 ) Les noms de code des agents sont issus de l’opéra Arabella ; Tyrone est Ténor et Walder son interlocuteur, un policier assisté de Dominik . A Paris, Tyrone rencontrera Honoré.  

Le chapitre 15 raconte repassage d’un journaliste qui réussit à dérober quelques images de Tyrone devant son cottage: désormais on lui refuse l’accès au pub et sa solitude est complète. Sheila vient le rejoindre pour le réveillon et lui avoue son désarroi. 

En 1981 , Tyrone participe aux préparatifs de l’assassinat de Popeye, un gardien de la prison de Long Kesh. Il s’assure tout d’abord que ce dernier avait bien donné aux parents de Aidan , son codétenu , la lettre de leur fils.  Il décide alors d’aller avertir le gardien en personne. ( 226) et il se fait sermonner par le MI 5 qui réussit à lui faire avouer que Devlin a pour nom de code Mickey; En partant , ils lui donnent de l’argent pour le taxi , sa rémunération dérisoire de traître. ( p 232 ) Il décide immédiatemment de dépenser les 30 livres dans les bars de la ville en tournées . (texte 3 ) 

L’ivresse devient pour le héros un moyen d’oublier qu’il trahit ; A la fois salaud et chic type selon Walder, il donne des renseignements sans intérêt aux anglais afin de sauver Mickey mais découvre que Walder en sait déjà bien plus que  ce qu’il pensait . Mickey alias Franck Devlin est arrêté , torturé parce qu’il a été dénoncé par un violeur que l’IRA a corrigé publiquement . Les parents de  ce dernier ont porté plainte à la police royale . En août 81, Tyrone se rend à Paris où il rencontre Honoré un jeune analyste politique de 35 ans, qui travaille sur le Sinn Fein . ” c‘était un chapardeur de moutons qui profite de la barrière ouverte. Il allait passer après les autres, me presser comme un fruit. Lui avait la pâleur du fonctionnaire d’ambassade. Il avait de l’encre sur les mains. pas du sang.”  Il pense qu’il va réussir à lui faire détester Paris.

Le chapitre 18 relate la visite d’Antoine le jeune luthier français héros de Mon Traitre , à Killybegs. Une dernière étreinte unit les deux hommes et le chapitre suivant relate le parcours de leur amitié : de leur rencontre en 1977 à ce geste d’adieu en janvier  2007. La relation entre Tyrone et Honoré évolue peu à peu ( 266)  : ils se rencontrent d’abord dans des cafés ou des sites touristiques avant de prendre eleusr habitudes à la faculté de Jussieu où ils déjeunent de sandwichs et de sodas. Tyrone prend goût à ces échanges . En 1991, ils se rencontrent dans les bus de touristes ; Ils montent à l’étage et conversent à l’abri des regards et des oreilles indiscrètes . Paris me donnait le courage d’affronter Belfast. Il y’a fait du respect dans le regard d’Honoré. En 1994, Tyrone sent même le regard admiratif d’Honoré à l’annonce de la décision de la cessation totale des hostilités de l’IRA; Et l’agent anglais nomme alors Tyrone par son  véritable prénom et pas par son nom d’agent Ténor.(272) 

Douze ans plus tard, lors d’un mariage , Tyrone , en surprenant certains regards de se anciens amis, se sent découvert . Dominik, le policier anglais lui demande de le retrouver au cimetière , sur la tombe de Henry Joy Mac Cracken, leur ancien lieu de rendez-vous . Il lui avoue que son nom a été donné à l’IRA  lui propose de l’exfiltrer ; Tyrone refuse , persuadé que l’IRA ne le fera pas exécuter pour respecter le processus de paix . Le 14 décembre des soldats de l’IRA, ses anciens compagnons d’armes, viennent le chercher à son domicile mais il refuse de les suivre. Le bruit  de la trahison de Meehan se répand dans le quartier et leurs bouteilles de lait sont cassées, leurs journaux ne leur sont plus livrés . Un soir Tyrone décide de se livrer à l’ IRA ( p 309 ) Aprè des aveux publics, ils le gardent quatre jours . Il part ensuite es réfugier à Killybegs dans sa maison natale . ( 319 )  Il y trouvera la mort moins de quatre mois plus tard, à l’âge de 80 ans,  le 05 avril 2007.  Il est ivre en permanence, parle avec les rats, a des amis cloportes .   Juste avant de mourir, il se remémore une de ses trahisons les plus terribles ; Il a  indiqué à Walder en 1981 que l’ IRA  préparait un attentat pour la cérémonie du 11 novembre; Trois bombes allaient exploser durant la commémoration.   Et le MI5 a actionné , à distance, le sytème de mise à feu, tuant ainsi les trois artificiers .  Tyrone est alors devenu un assassin. Son  assassinant sauvage sera perpétré le 05 avril 2007 : il a été nié par l’IRA. Sera revendiqué par un groupuscule opposé au processus de paix autre ans plus tard, en 2011. (331) 

01. mars 2019 · Commentaires fermés sur Ultima Verba : Hugo dénonce le tyran et déplore son exil forcé.. une poésie de combat ! · Catégories: Première · Tags:

Avant de pouvoir rédiger le commentaire, partons de quelques observations concrètes .

De quel type de texte s’agit -il ? 

  • Poème en vers formé de quatrains d’alexandrins en rimes croisées 

  • Poème engagé, qui dénonce la tyrannie de Napoléon III : une dimension satirique 

  • Appel à la lutte et à la résistance contre le tyran 

  • Registre lyrique pour l’expression de la plainte (tonalité élégiaque de l’exil forcé ) 

  • Le titre indique une forme de gravité et désigne les derniers mots avant la mort ou ici, le départ . 

Les axes d’étude : on peut observer un mélange des genres entre l’expression du combat et celui de la douleur de l’exil ; le poète comme porte-parole de la dénonciation de l’oppression et l’appel au collectif (le Je face aux autres ) 

Exemple de titres possibles pour des parties : la dénonciation de la tyrannie , une parole épique, une parole poétique politique , un portrait satirique de l’Empereur , la lâcheté des courtisans , le courage des proscrits, l’élégie de l’exil, la souffrance du banni, la solitude du poète , la force de la parole poétique, la solennité de l’engagement .

  • Entrainez-vous à recomposer le plan de cette version du commentaire et à retrouver des titres possibles pour chaque sous-partie ..
  • Entrainez-vous également à rédiger l’introduction …

Exemple de développement …

Hugo s’adresse d’abord directement à Napoléon III et lui exprime son mépris : il le tutoie (indices personnels de la 2e personne du singulier : « te, ton »). Le nom de « César » (v. 8) dont il l’affuble prend alors une valeur d’antiphrase ironique et contraste avec le croquis burlesque d’un bien piètre « César » dans son misérable « cabanon ». Par l’antithèse ironique – d’autant plus visible que les deux mots sont à la rime – entre ce « cabanon », qu’il mériterait vraiment, et le « Louvre », qu’il occupe indûment, le poète dénonce la folie, mais aussi la mégalomanie et l’usurpation de l’empereur.

Plus avant dans le poème, la désignation implicite de Napoléon III par l’évocation de « Sylla » (v. 26), dictateur romain qui a multiplié les proscriptions et les massacres, dénonce sa cruauté sanguinaire et fait de lui une figure légendaire dont la postérité gardera le souvenir au même titre que les pires tyrans. Le poème se fait satire.

Après l’avoir tutoyé, Hugo prend ses distances par rapport à Napoléon III, comme pour l’annihiler : l’utilisation du pronom « il », pronom de l’absence (« tant qu’il sera là », v. 13), marque son refus de nommer cet ennemi, son désir de lui ôter son identité, de le renvoyer dans le néant.

La critique s’étend à l’entourage de Napoléon III : Hugo dévoile la vérité sous l’apparence officielle et révèle la contagion des vices de l’empereur à tous ses partisans.

La métonymie des « têtes courbées » (v. 9), le terme péjoratif de « valets » (v. 7) pour désigner l’entourage de l’empereur, la lourdeur des sonorités en « on » qui reviennent par six fois dans les vers 6-7 et le rythme régulier que leur imprime la répétition du son « t » (« tandis, tes, te, montreront, ton, te, montrerai, ton ») suggèrent la soumission des courtisans et fustigent leur servilité. Le terme « trahisons » (v. 9) – dont le pluriel indique qu’il s’agit d’une pratique courante – dévoile la vraie noirceur de ce milieu.

Le clergé qui « bénit » (v. 4) l’empereur n’est pas exempt de cet « opprobre » : Hugo le désigne implicitement par l’indéfini « on » (v. 4), désireux d’en rejeter les membres dans l’anonymat et l’oubli, ce qui sera l’un de leurs « châtiments ». Il dénonce ainsi indirectement la complicité coupable de l’Église avec Napoléon  III.

Mais Hugo sait marier satire et lyrisme, et change de ton quand il évoque son sort d’exilé qu’il partage avec ses « nobles compagnons » (v. 1). 

Le poème répond à la rumeur d’amnistie proposée par Napoléon III aux proscrits qui reviendraient en France. Hugo fait ici allusion à ce « piège » qui peut faire vaciller des volontés moins fortes, et peut-être même la sienne…

Le ton religieux, la solennité à l’antique : le thème de l’exil est abordé par le biais de l’apostrophe solennelle à ses pairs en exil, qui rappelle les exhortations à l’antique : le ton est quasi religieux. Ainsi, « culte » (v. 1), terme du vocabulaire religieux, évoque celui des Mânes antiques ; l’apostrophe collective « bannis » (v. 2) semble sortie d’un sermon  ; enfin, la « République » qui « nous unit » (v. 2), personnifiéepar la majuscule, renvoie à une valeur antique essentielle. Ces références au bannissement, qui renvoient à la tradition politique de la République romaine antique, sont reprises par la mention de « Sylla » (v. 26) pour désigner Napoléon qui ne sort pas grandi de cette comparaison .

Le mouvement final de la dernière strophe est préparé par la désignation successive des proscrits dans le poème, la relation de Hugo avec eux étant marquée par un détachement progressif. Hugo part d’une sorte de fusion suggérée par les indices personnels de la 1re personne (« mes compagnons, nous unit, nous tente »), puis, de cette idée collective, il passe à une certaine individualisation (« si quelqu’un a plié », v. 23) et marque la distance instaurée avec ceux qui ont « plié » par le pronom indéfini « on » (v. 25). Si on ne sent de la part de Hugo aucun reproche, l’emploi au vers 26 de « ils », pronom de l’absence, et la formule impersonnelle « s’il en demeure dix » (v. 27) suggèrent cependant la séparation entre lui et ses anciens « compagnons » (v. 1).

Lorsqu’il répète comme un leitmotiv le nom de la « France », Hugo exprime son mal du pays avec des accents nostalgiques  Ainsi, des expressions « ta terre », « ta rive » (v. 15 et 17) se dégage une impression de nostalgie . Le mot nostalgie est à prendre ici dans son sens étymologique de « désir de retour », comme en témoigne la forte opposition du vocabulaire du départ (« reverrai, s’en vont, tente ») et de la fixité (« croiserai les bras, planterai, resterai, rester, demeurer, être »).

Par endroits, le ton et le rythme se font élégiaques : la répétition de certains mots, l’anaphore de « Je ne reverrai pas » (v. 15 et 17) qui met en valeur la négation – et, par là, la souffrance du manque –, l’interjection « hélas » (v. 18) ou le vocabulaire de la douleur (« âpre exil », v. 21) font de ces vers une plainte douloureuse. Les sonorités mêmes contribuent à cet effet : les rimes féminines (v. 13, 15, 17…), les « e » muets (à l’intérieur des vers 14, 15, 17), sonorités douces, et le son « s » (v. 13-14, 15 : « sera, cède, persiste, France » deux fois, « douce, triste ») donnent à ces vers un ton nostalgique.

La  peine toutefois est atténuée par le recours à la prétérition, qui consiste à présenter sa nostalgie par la négation. 

Les sentiments passent par de discrètes allusions personnelles : la référence au « tombeau [de mes aïeux] » (v. 16) suggère implicitement celui de sa fille Léopoldine ; l’évocation du « nid de [s]es amours » (v. 16) est une métaphore qui rappelle son attachement à son pays natal

En contraste avec cette délicatesse affective, le ton se fait parfois poignant et ferme.

La triple apostrophe à la France personnifiée, qui se développe sur un ample groupe ternaire, rythme de l’émotion, et est mise en relief par la coupe et le hiatus (« aimée // et », v. 14), prend des accents épiques.

L’abondance tout au long du poème de verbes, conjugués pour la plupart au futur de certitude, insuffle élan et amplitude à la parole de Hugo.

Enfin, les bras croisés (v. 10), associés au verbe « Je resterai » (v. 20) qui suggère la permanence et la solidité, la solennité du dernier vers font penser à la statue d’un héros car ils évoquent une attitude méditative, mais ferme. La parole du Poète devient une force .

 À travers l’expression de ses sentiments et la force de ses vers, Hugo se pose en figure emblématique du poète engagé dont l’arme est la parole.

La fréquence du pronom « je » (répété treize fois, le plus souvent en tête de vers) ou de sa forme tonique « moi » témoigne d’une forte présence de l’auteur qui se met lui-même en scène pour mieux affirmer son originalité.Hugo se présente dans la posture du héros romantique-type : il est « debout » (v. 20), les bras croisés…Complétant ce portrait physique, de nombreuses comparaisons soulignent son originalité : il apparaît ainsi sous les traits de personnages très divers, tantôt gardien de l’autel du souvenir, sorte de Romain chargé du « culte » de la « République » (v. 1-2) ; tantôt prophète à travers la mention du « sac de cendre qui [le] couvre » (v. 5) ; tantôt héros d’épopée évoquant Achille retiré à l’écart sous « sa tente » (v. 19) ; tantôt statue avec « mon pilier d’airain » (v. 12) ; 

Ces diverses images composent le portrait théâtralisé et impressionnant du poète héroïsé.

Le poème progresse sur le mode de la gradation descendante qui focalise le lecteur sur le personnage du poète mis en scène. Le jeu sur les chiffres, reposant sur une progression qui va s’accélérant de « mille » à « cent », puis « dix », puis « un », crée un mouvement qui semble irrépressible. À cette gradation correspond le jeu sur le rythme des vers : le vers 25 est fragmenté (les troupes sont nombreuses, les rangs instables) ; la relative stabilité du vers 27, coupé à l’hémistiche, soutenue par un parallélisme dans la place de « dix » et « dixième » en fin d’hémistiche, amorce un équilibre qui suggère force et stabilité ; enfin le vers 28 obéit à un équilibre parfait dans son rythme ferme et tonique et l’adéquation entre « un » et « celui-là ».

Hugo joue aussi sur les rimes pour donner plus de force à ce final épique : les rimes masculines sonores en « a » de « Sylla » et « celui-là » qui portent l’accent tonique, s’opposent fermement. Les sonorités orchestrent ce tableau : aux vers 25 et 27, la répétition de la voyelle aiguë « i » (9 occurrences) alliée à des sons forts (« que » répété, « qu’un », « [celui-]là ») met progressivement l’emphase sur le dernier vers, très théâtral.

Cette mise en scène spectaculaire a pour but de montrer que la parole du poète est aussi forte que des actes. Par la répétition du verbe dire (au sens plein de « proclamer », v. 6), Hugo signifie que la parole a un puissant pouvoir sur le monde.

La parole dévoile, perce les apparences, renverse l’échelle des valeurs : ainsi, par la puissance du verbe, l’« insulte » deviendra « gloire » (v. 3), ce qu’on « bénit » sera entaché d’« opprobre » (v. 4) ; la réunion de ces contraires dans un même vers matérialise le pouvoir du poète.

La parole confère aussi l’identité et la suprématie, comme en témoigne l’utilisation des pronoms personnels : ainsi le « je » du poète en début de vers 3 et 4 s’affirme fermement, face à un « on » anonyme, derrière lequel se profile implicitement le tyran, Napoléon III.

Le dire du poète est enfin détenteur du futur, synonyme d’espoir et de sa confiance dans l’efficacité de sa mission : les futurs « Je jetterai l’opprobre » (v. 4), « Je serai […] la voix » (v. 5-6) s’opposent au passé ou au présent des « traîtres » qui se soumettent au tyran, celui qui « a plié » (v. 26), ceux qui « s’en vont » (v. 27). Le ton se fait ici prophétique et rappelle une des missions du poète romantique : il éclaire le peuple et sert de guide pour l’avenir.

 Pour conclure ,le changement de la date de composition du poème (2 décembre au lieu du 14  décembre 1852) est significatif : la date choisie – celle du coup d’État – prend une valeur symbolique et révèle l’importance du poème. De même, son titre latin, très solennel, lui donne l’importance d’une déclaration solennelle placée sous l’autorité de l’Antiquité et des grands orateurs et proscrits. Hugo, le républicain, se bat avec son arme – les mots – et avec force, contre le criminel politique, tout en montrant sa détermination inébranlable, sa destinée unique face à tous. Il s’investit du rôle suprême de modèle : la bouche qui dit « non », par un effet de mise en abyme résonne comme un écho à sa propre voix. Le poème montre l’efficacité de la poésie engagée, pour peu qu’elle ne soit pas trop ancrée dans les événements auxquels elle se réfère et accède à un degré d’universalité qui lui fasse transcender le temps. Le poème de Hugo peut être le chant de tout opposant (Napoléon III n’est pas nommé), de tout exilé insoumis, une leçon de démocratie. Il a son écho au siècle suivant dans les poèmes résistants d’Aragon (« L’Affiche rouge ») ou d’Eluard (« Liberté ») qui dénoncent les atrocités commises par l’occupant allemand .

30. janvier 2019 · Commentaires fermés sur Histoire et évolution du personnage de roman : un individu à part ? · Catégories: Première · Tags:

Le mot « roman » a été utilisé pour la première fois au Moyen Âge, pour désigner des ouvrages littéraires le plus souvent versifiés :  ces ouvrages étaient écrits en langue romane, et non en latin. À son origine, le roman est donc un récit littéraire, généralement écrit en vers, rédigé en « roman », c’est-à-dire en langue « vulgaire ».

C’est cette forme du « roman » que les troubadours et trouvères utilisent pendant tout le Moyen Âge, afin de raconter les exploits des chevaliers qui furent les premiers héros des romans de chevalerie . Ces personnages valeureux, défenseurs de la veuve te de l’orphelin, dévoués à leur roi , seront les premiers modèles héroïques en Occident. Ils sont les héritier des demi-dieux antiques capables d’affronter eux aussi des monstres effrayants. Leur devise est celle du chevalier Bayard”sans peur et sans reproche” . 

Le héros chevaleresque 

L’un des auteurs les plus célèbres de cette période, Chrétien de Troyes, a ainsi su, à travers ses romans (Le Conte du Graal, Le Chevalier à la charrette, Yvain ou Le Chevalier au lion, etc.) : créer un genre narratif, enchaînant des épisodes suivis mais aussi entrelaçant différentes « histoires » , célébrer les exploits d’hommes valeureux et exceptionnels dans un temps légendaire . Ainsi les personnages des romans étaient essentiellement parés des qualités liées à leur condition : courage au combat, loyauté envers ses suzerains et défense des plus faibles 

  Du héros amoureux au héros honnête homme : la noblesse de caractère

Avec la Renaissance, les divertissements de cour, les modes et les comportements se transforment à nouveau : les spectacles et les arts remplacent ainsi peu à peu les tournois et autres jeux où la violence primait. Apparaît alors un nouveau type de romans qui connaîtra un certain succès : le roman pastoral.Honoré d’Urfé, dansL’Astrée, reprend au  ce genre pastoral. Il met en scène, dans un territoire grec préservé des guerres, des personnages en habits de bergers ou de nymphes dont toute la vie est tendue vers l’amour et l’harmonie. Les hommes, loin d’être pourvus de qualités guerrières, se distinguent par leur noblesse d’âme et leur sensibilité, et tous les personnages rivalisent d’éloquence comme de goût. Un peu plus tard,  Madeleine de Scudéry écrit des romans (par exemple Clélie) dans lesquels les lecteurs peuvent découvrir les parcours amoureux des personnages, récits très longs car fondés sur le détail des émotions et des progrès faits par les protagonistes sur la « Carte du Tendre »

Cependant, ce type de romans, malgré son succès, se trouve discrédité. En effet, les personnages semblent d’une perfection peu crédible, l’atmosphère est ressentie comme trop idyllique et trop éloignée des préoccupations du commun des mortels.Une autre direction se dessine, représentée par La Princesse de Clèves, de Mme de La Fayette, chef d’œuvre du classicisme et du « roman d’analyse ». 

Ainsi, le roman au xviie siècle est varié dans ses formes comme dans ses codes. Cependant se dégagent certains points communs : la narration d’épisodes centrés autour de personnages que le lecteur suit dans son parcours, et une prose au service de l’action et de la peinture des sentiments.

Le héros libertin et les héros du roman épistolaire

Dans la seconde moitié du xviie siècle et tout au long du xviiie siècle, le roman par lettres se développe et connaît un grand succès. Ces ouvrages se présentent sous la forme de lettres croisées, envoyées et reçues par les différents personnages. Plusieurs particularités propres à cetre forme sont à relever : Tout d’abord, la forme épistolaire permet à l’auteur de jouer sur les frontières entre réalité et fiction. Plusieurs de ces romans se présentent ainsi (grâce à une préface ou un avertissement) comme un échange réel de lettres, et l’auteur affirme alors n’être que le découvreur et l’éditeur de ces textes. Cela permet bien sûr de contourner la censure ou la condamnation (pour immoralité, ou irréligion), mais cela offre aussi la possibilité de faire entrer plus facilement le lecteur dans un univers dont il pense qu’il est « vrai ».En outre, le fait que le récit soit formé de lettres engendre une conséquence importante : le changement de narrateur. En effet, le roman a autant de narrateurs qu’il y a de personnages écrivant les lettres. De ce fait, des points de vue divergents sur un même épisode se confrontent, et le lecteur a le plaisir de saisir les incompréhensions, de comparer les perceptions de chacun, comme s’il observait les faits selon une multiplicité d’angles.On retiendra  La Nouvelle Héloïse, de Rousseau (correspondance amoureuse entre deux amants) et Les Liaisons dangereuses, de Choderlos de Laclos (les aventures libertines de deux héros scandaleux) et Les lettres Persanes de Montesquieu 

Les héros réalistes : ambition et désir de conquête 

À la suite des Lumières, mais aussi avec le développement industriel et l’essor de la bourgeoisie, le roman connaît au xixe siècle un grand succès, et s’oriente majoritairement vers une représentation fidèle de la réalité sociale– sans se limiter à la classe dirigeante. Le héros romantique paraît en révolte contre l’ordre établi et cherche à accomplir un destin d’exception ; Les obstacles qu’il doit surmonter pour réussir en amour ou socialement  le plongent dans une profonde mélancolie

Le mouvement littéraire du réalisme s’attache ensuite à décrire scrupuleusement les faits et gestes de personnages issus du « peuple » ou du « grand monde ». Balzac  utilise  un titre révélateur pour rassembler ses ouvrages : La Comédie humaine. Il signifie la volonté de saisir les masques et les diverses conditions ou états des hommes. Flaubert (L’Éducation sentimentale), Maupassant (Une Vie, Pierre et Jean) cherchent également à montrer aux lecteurs les parcours de personnages parfois très humbles, en privilégiant une narration objective. Les héros affrontent leurs échecs et renoncent à certaines qualités pour atteindre leurs objectifs : Bel- Ami se sert des femmes pour réussir une ascension sociale. Les lecteurs  apprécient toujours les ouvrages relatant des histoires d’amour « romanesques » – ce que Flaubert met précisément en scène dans Madame Bovary, roman dans lequel le personnage éponyme se nourrit de rêves sans jamais pouvoir se satisfaire de la réalité.

Un peu plus tard, le naturalisme poursuit cette ambition, avec un aspect scientifique plus marqué. Pour Zola, le roman doit être une sorte de « laboratoire » grâce auquel on peut étudier les comportements humains, et les révéler (voire les dénoncer). S’appuyant sur des notes précises, des romans comme Nana, Germinal, La Bête humaine, évoquent  des conflits sociaux  ou des problèmes de société à travers la fiction.

Du héros exceptionnel au héros ordinaire 

Aux xxe et au xxie siècles, le roman est toujours un genre particulièrement prisé par les auteurs comme par le public, mais la variété qui l’a toujours caractérisé s’accroît encore :Certains romanciers  s’attachent à la description du réel – tout en apportant des innovations de style ou de construction. Parmi eux, de nombreux auteurs, marqués par la violence de la première moitié du xxe siècle, prennent position par rapport à l’insupportable (la guerre, le nazisme, toutes les formes de totalitarisme) dans des romans engagés : ainsi Céline, avec Voyage au bout de la nuit ; son héros est à la fois un  un soldat couard, un révolté contre l’injustice et un homme ordinaire , Malraux, dans L’Espoir, Camus avec La Peste invente des personnages qui ne sont ni bons ni mauvais, juste humains. Dans les années 1950, le « nouveau roman » refuse la psychologie et toute subjectivité ; les auteurs de ce courant (Robbe-Grillet, Duras, Sarraute) ne livrent que l’extérieur des choses et des êtres, laissant au lecteur le soin de « construire » un personnage et un univers ; ils veulent la mort des personnages et refusent de présenter des personnages romanesques qui ressembleraient à de vraies personnes. Ils n’ont ni passé, ni famille, ni portrait , ni identité . On voit même apparaître un nouveau modèle de personnage qualifié de antihéros.  A l’inverse des personnages héroïques des origines, ces personnages de la fin du vingtième siècle sont des anonymes ou des héros négatifs auxquels il est difficile de s’identifier comme le personnage de Meursault de l’Etranger de Camus.

Le roman ne se réduit pas aux simples  parcours des personnages qui le composent mais ces derniers , souvent  individualisés forment pour les lecteurs le pivot de cet univers; on s’attache, en effet, à certains héros ou parfois on les déteste mais on croit en leur existence le temps de la lecture . Les formes, extrêmement diverses et les nombreux personnages des romans en font ainsi un outil privilégié pour interroger notre monde comme nous-mêmes : notre « condition humaine » Chaque personnage nous renvoie à une possibilité d’être au monde.

En savoir plus sur http://www.lemonde.fr/revision-du-bac/annales-bac/francais-premiere/

05. janvier 2019 · Commentaires fermés sur Les degrés de la trahison : véritables traitres et traîtres occasionnels ..essai de synthèse textes et documents · Catégories: Première · Tags:

Notre corpus comportait une dizaine de traîtres et l’objectif consistait à les classer en fonction de leur degré de trahison : il fallait donc examiner avec attention le ou les  motifs de leurs trahison, en envisager les conséquences, examiner leur place et leur rôle au sein de l’oeuvre . L’observation de ces différents critères permet de fabriquer une sort d’échelle des traitres et d’y situer chaque personnage ; Les femmes : Médée, Phèdre,  La Princesse de Clèves ,Roxane et Milady. Et les hommes : Hippolyte le seul innocent pris pour un traitre,  le Vicomte de Valmont, Fernand Mondego, Paul Dounat et Tyroen Meehan que nous retrouverons dans Retour à Killybegs.  

Si  le personage de Milady d’Alexandre Dumas arrive en  tête de tous les classements , c’est sans doute, pour différentes raisons : tout d’abord, elle est celle qui renouvelle sans cesse  la trahison ; la liste est longue de tous ceux qu'elle a trahis avant même d'agir à la solde du cardinal de  Richelieu et de devenir une espionne pour affaiblir la monarchie française.   Elle a voulu nuire à ses fiancés, ses maris et ses amants  dont elle a tenté de se débarrasser . Elle va même jusqu'à empoisonner une de ses rivales et son exécution à la fin du roman est décrite certes dans un registre pathétique mais semble être l’aboutissement logique du destin de cette femme perfide qui  est l’incarnation de la trahison . Le second roman de Dumas, Le Comte de Monte-Cristo comporte également  plusieurs personnages de traitres redoutables; L’auteur a choisi de peindre deux figures de traîtres qui agissent pour deux motifs différents : Fernand Mondego est amoureux de la même femme que Dantès et l’emprisonnement de ce dernier, accusé à tort d’avoir conspiré contre le gouvernement, lui permettra d’obtenir enfin l’amour de la femme convoitée en éliminant ce rival. Le second traître agit lui, par ambition et jalousie car il convoite le poste qui semble avoir été promis à Dantés; Tous deux, Danglars et Mondego  unissent leur désir de nuire au héros et les conséquences seront tragiques pour le personnage qui effectuera 18 ans de cachot avant de pouvoir s’évader pour accomplir sa vengeance. Milady et Mondego  jouent un rôle identique dans le roman : ce sont des opposants au héros et tous deux connaissent le même sort tragique. Dans le roman d’aventures , les rôles sont souvent assez manichéens : les bons contre les méchants . 

Les romans philosophiques du siècle des Lumières présentent plus de nuances et le courant libertin s’efforce d’éclairer les méandres du coeur humain. Laclos a choisi un couple manipulateur et cynique, défiant tout morale , pour en faire les héros noirs de son roman épistolaire. Ils sèment la trahison autour d’eux et séduisent leurs victimes en utilisant des stratégies dignes d’une guerre . Conquérir est leur but  avoué et ils ne reculent devant aucune hypocrisie, brisant les coeurs  pour satisfaire leur ego démesuré. Valmont va provoquer le désespoir des femmes qui tomberont amoureuses de lui et il peut même être considéré comme le principal acteur de la mort de la Présidente de Tourvel. Expert en mensonges de toutes sortes, il finit cependant par se laisser tuer comme une forme de rédemption pour ses nombreux péchés; à noter qu’il disparaît après avoir trahi sa complice la Marquise de Merteuil comme un ultime hommage à la trahison ! Particulièrement détestable, ce personnage parfois peut pourtant séduire les lectrices qui admirent sa rouerie. C’est en quelque sorte un prolongement du mythe de Don Juan, le séducteur éternel.

Dans la tragédie classique, les traîtres ne manquent pas et ils sont souvent associés aux origines de la tragédie : ainsi c’est à partir d’une trahison, celle de Jason,  que débute le conflit tragique dans Médée; cette princesse-sorcière fait passer son désir de vengeance au -dessus de son amour maternel et sacrifie ses propres enfants afin d'atteindre leur père . Le recours à la vengeance est un moteur de la tragédie et ce schéma réapparait chez Racine avec l’histoire de Phèdre presque aussi coupable , à vos yeux que Médée. Certes, Phèdre ne tue pas ses enfants ; D’ailleurs elle ne tue  directement personne mais elle est à l’origine de plusieurs catastrophes : en effet, elle provoque, par son mensonge , la mort de son beau-fils Hippolyte que son père a cru coupable et qu’il a maudit. A noter que Phèdre se termine par le suicide par empoisonnement de l’héroïne alors que dans Médée, l’une des versions de la tragédie , montre la fuite de l’héroïne. L’une comme l’autre sont les victimes de leur folie amoureuse et paraissent des femmes dénaturées, parfois monstrueuses. Ces deux tragédies illustrent avant tout les dangers de la passion et mettent en garde les spectateurs contre les débordements du coeur.

A un niveau inférieur, vous avez classé les personnages de Paul Dounat qui trahit son camp en temps de guerre mais auquel on peut trouver quelques circonstances atténuantes : à noter que ce personnage trouve la mort de manière assez affreuse et c’est aussi ce qui peut le rendre moins détestable aux yeux du lecteur. L’écrivain, à travers son cas , a souhaité  surtout montrer à quel point la guerre rendait les hommes capables de commettre l’irréparable ; Les résistants présentent son exécution comme nécessaire et obligatoire pour ne pas mettre d’autres vies en danger. En le tuant, on l’empêche de nuire. Il n’a même pas droit à un procès et subit son sort sans résister et sans protester comme s’il acceptait sa mort . 

La trahison de Roxane dans Les Lettres Persanes vous a paru , elle aussi, mériter des circonstances atténuantes, car cette jeune femme s’est révoltée contre un sytème inique: celui des harems où l’on emprisonnait les femmes . Elle a menti et trahi  un maître despotique et le lecteur ne peut que prendre son parti ; De plus, elle se punit elle-même en se donnant la mort comme le personnage de Phèdre  dans la tragédie de Racine . 

Quant à La Princesse de Clèves, elle fait preuve d’une très grande sincérité en dévoilant ses pensées les plus secrètes à son époux et si elle avoue ses sentiments pour le Duc de Nemours, elle restera  toujours fidèle à son mari, Le Prince de Clèves .  Cette trahison, d’ordre spirituel et sentimental, vous a semblé la moins grave de toutes en dépit du fait qu’elle cause la mort de son époux, chagriné de ne pas être autant aimé qu’il le souhaiterait. 

Un seul personnage est totalement innocent, il s’agit d’Hippolyte dans Phèdre; La Princesse de Clèves est très légèrement coupable comme Roxane . Phèdre a été emportée par une passion funeste. Quant à Médée et Milady ce sont des criminelles : l’une par amour directement et son crime atroce la rend odieuse, en dépit de sa souffrance pour les spectateurs  et l’autre par essence, véritable serpent qui sème la mort autour d’elle et que les lecteurs détestent . Entre les deux, des traitres de circonstances mus par leurs intérêts comme Mondego, Valmont qui tire du plaisir de ses impostures sentimentales et Dounat dans le roman de Kessel qui, d’un homme admirable , s’est transformé en traître presque sans le vouloir, par faiblesse désespoir

. Quant à notre dernier traitre , Tyrone Meehan , sa trahison demeure  vraiment  une énigme pour le lecteur; il a trahi un pays qu’il aime par- dessus tout en pensant sans doute le servir et faire cesser les morts autour de lui. Au final, le lecteur ne saura vraiment jamais pourquoi ni ce qu’il a fait au juste.  Il est le héros du roman Un traitre et celui de Retour à Killybegs où cette fois, c’est son point de vue qui domine. Tous  ces personnages paient leur trahison d’un prix important : la mort pour presque tous ; mais elle peut être  choisie par eux-même ou orchestrée par leurs victimes qui ainsi se vengent  .

Face au châtiment d’un traître, le lecteur peut ressentir soit une forme de justice soit un certain malaise dans la mesure où cela l’oblige à considérer le personnage comme une victime désormais. Souvent