25. septembre 2017 · Commentaires fermés sur Un résumé très résumé d’Antigone d’Anouilh · Catégories: Première · Tags:

Tragédie en prose , en un acte. 

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l’auteur 

Le personnage baptisé le Prologue présente les différents protagonistes et résume la légende de Thèbes ( Anouilh reprend cette tradition grecque qui consiste à confier à un personnage particulier un monologue permettant aux spectateurs de se rafraîchir la mémoire. Le Prologue replace la pièce dans son contexte mythique). Toute la troupe des comédiens est en scène. Si certains personnages semblent ignorer le drame qui se noue, d’autres songent déjà au désastre annoncé. Antigone est présentée de manière plutôt péjorative comme une petit fille noiraude maigre est frêle; En face d’elle, le roi Créon est décrit comme robuste et travailleur. Il n’hésite pas à se retrousser les manches  

 

Antigone rentre chez elle , à l’aube, après une sortie nocturne. Elle est surprise par sa nourrice qui lui adresse des reproches. L’héroïne doit affronter les questions de sa nounou. Le dialogue donne lieu à un quiproquo . La nourrice prodigue des conseils domestiques ( ” il va falloir te laver les pieds avant de te remettre au lit”) tandis qu’Antigone évoque son escapade avec beaucoup de mystère ( ” oui j’avais un rendez-vous”) . Mais elle n’en dira pas plus.

La nourrice sort et Ismène, la sœur d’Antigone, dissuade cette dernière d’enfreindre l’ordre de Créon et d’ensevelir le corps de Polynice. Ismène exhorte sa sœur à la prudence (“Il est plus fort que nous, Antigone, il est le roi”) . Antigone refuse ces conseils de sagesse . Elle n’entend pas devenir raisonnable.

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La découverte du corps “honoré”

Antigone se retrouve à nouveau seule avec sa nourrice. Elle cherche à surmonter ses doutes et demande à sa nourrice de la rassurer. Elle tient aussi des propos ambigus pour ceux ( et c’est le cas de la nourrice) qui ne connaissent pas son dessein . Elle semble décidée à mourir et évoque sa disparition à mots couverts ” Si, moi , pour une raison ou pour une autre, je ne pouvais plus lui parler…”.

Antigone souhaite également s’expliquer avec son fiancé Hémon. Elle lui demande de le pardonner pour leur dispute de la veille. Les deux amoureux rêvent alors d’un bonheur improbable. Sûre d’être aimée , Antigone est rassurée. Elle demande cependant à Hémon de garder le silence et lui annonce qu’elle ne pourra jamais l’épouser. Là encore , la scène prête au quiproquo : le spectateur comprend qu’Antigone pense à sa mort prochaine, tandis qu’Hémon , qui lui n’a pas percé le dessein d’Antigone, est attristé de ce qu’il prend pour un refus. 

Ismène revient en scène et conjure sa sœur de renoncer à son projet. Elle affirme même que Polynice, le “frère banni”, n’aimait pas cette sœur qui aujourd’hui, est prête à se sacrifier pour lui et à lui donner sa vie alors même qu’il est mort.

Antigone avoue alors avec un sentiment de triomphe, qu’il est trop tard, car elle a déjà , dans la nuit, bravé l’ordre de Créon et accompli son geste ” C’est trop tard. Ce matin , quand tu m’as rencontrée , j’en venais.”

Jonas, un des gardes chargés de surveiller le corps de Polynice, vient révéler à Créon, qu’on a transgressé ses ordres et recouvert le corps de terre. Le roi veut d’abord croire à un complot dirigé contre lui et fait prendre des mesures pour renforcer la surveillance du corps de Polynice. Il semble également vouloir garder le secret sur cet incident : ” Va vite. Si personne ne sait, tu vivras.”

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Le chœur s’adresse directement au public et vient clore la première partie de la pièce. Il commente les événements en exposant sa conception de la tragédie qu’il oppose au genre littéraire du drame. Le chœur affiche également une certaine ironie et dévoile les secrets du dramaturge : “c’est cela qui est commode dans la tragédie. On donne un petit coup de pouce pour que cela démarre… C’est tout. Après on n’a plus qu’à laisser faire. On est tranquille. Cela roule tout seul.”

Antigone est traînée sur scène par les gardes qui l’ont trouvée près du cadavre de son frère. Ils ne veulent pas croire qu’elle est la nièce du roi , et  ils la traitent avec brutalité. Ils se réjouissent de cette capture et des récompenses et distinctions qu’elle leur vaudra.

Créon les rejoint. Les gardes font leur rapport . Le roi ne veut pas les croire. Il interroge sa nièce qui avoue aussitôt. Il fait alors mettre les gardes au secret, avant que le scandale ne s’ébruite.

Créon et Antigone restent seuls sur scène. C’est la grande confrontation entre le roi et Antigone. Le roi souhaite étouffer le scandale et ramener la jeune fille à la raison. Dans un premier temps , Antigone affronte Créon qui tente de la dominer de son autorité.

Les deux protagonistes dévoilent leur personnalité et leurs motivations inconciliables. Créon justifie les obligations liées à son rôle d’homme d’état . Antigone semble sourde à ses arguments : (Créon : Est ce que tu le comprends cela ? Antigone : ” Je ne veux pas le comprendre.”) . A court d’arguments Créon révèle les véritables visages de Polynice et d’Etéocle et les raisons de leur ignoble conflit. Cet éclairage révolte Antigone qui semble prête à renoncer et à se soumettre. Mais c’est en lui promettant un bonheur ordinaire avec Hémon, que Créon ravive  son amour-propre  et provoque chez elle un ultime sursaut. Elle rejette ce futur fade et se rebelle à nouveau. Elle choisit une nouvelle fois la révolte et la mort.

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Ismène , la sœur d’Antigone entre en scène alors que cette dernière s’apprêtait à sortir et à se dénoncer publiquement , ce qui aurait obligé le roi à l’emprisonner. Ismène se range aux côtés d’Antigone et est prête à mettre elle aussi sa vie en jeu. Mais Antigone refuse , prétextant qu’il est trop facile de jouer les héroïnes maintenant que les dés ont été jetés. Créon appelle la garde , Antigone clôt la scène en appelant la mort de ses cris et en avouant son soulagement ( Enfin Créon !)

Le chœur entre en scène. Les personnages semblent avoir perdu la raison, ils se bousculent. Le chœur essaye d’intercéder en faveur d’Antigone et tente de convaincre Créon d’empêcher la condamnation à mort d’Antigone. Mais le roi refuse , prétextant qu’Antigone a choisi elle-même son destin, et qu’il ne peut la forcer à vivre malgré elle.

Hémon vient lui aussi, ivre de douleur, supplier son père d’épargner Antigone, puis il s’enfuit. 

Antigone reste seule avec un garde. Elle rencontre là le “dernier visage d’homme”. Il se révèle bien mesquin, et ne sait parler que de grade et de promotion. Il est incapable d’offrir le moindre réconfort à Antigone. Cette scène contraste, par son calme, avec le violent tumulte des scènes précédentes. Apprenant qu’elle va être enterrée vivante, éprouvant de profonds doutes ( ” Et Créon avait raison, c’est terrible maintenant, à côté de cet homme, je ne sais plus pourquoi je meurs.” , Antigone souhaite dicter au garde une lettre pour Hémon dans laquelle elle exprime ses dernières pensées. Puis elle se reprend et corrige ce dernier message ( “Il vaut mieux que jamais personne ne sache”). C’est la dernière apparition d’Antigone.

Le messager entre en scène et annonce à Créon et au public la mort d’Antigone et la mort de son fils Hémon. Tous les efforts de Créon pour le sauver ont été vains. C’est alors le chœur qui annonce le suicide d’Eurydice, la femme de Créon : elle n’a pas supporté la mort de ce fils qu’elle aimait tant. Créon garde un calme étonnant . Il indique son désir de poursuivre ” la sale besogne ” et sort en compagnie de son page.

 Le chœur entre en scène et s’adresse au public : Il constate avec une certaine ironie la mort de nombreux personnages de cette tragédie : “Morts pareils, tous, bien raides, bien inutiles, bien pourris.”  . Il ne reste plus que Créon dans son palais vide . Les gardes , eux continuent de jouer aux cartes , comme ils l’avaient fait lors du Prologue. Ils semblent les seuls épargnés par la tragédie. 

12. septembre 2017 · Commentaires fermés sur Le poète selon Victor Hugo · Catégories: Première
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Hugo à 40 ans ..

Hugo ne fut pas seulement poète : romancier avec des romans réalistes  comme Les Misérables , dramaturge avec Ruy Blas ou Lucrèce Borgia  : on lui doit l’invention du drame romantique en 1827;  Il a été  également considéré comme le chef de file de ce mouvement romantique qui apparaît en France vers 1820. Poète lyrique qui célèbre la Nature et les saisons , poète engagé contre Napoléon III avec son recueil qui lui coûtera l’exil : Les Châtiments: il écrira également des poèmes épiques . En 1840, dans Les Rayons et les Ombres, il s’efforce de préciser quelles sont, selon lui, les fonctions d’un poète . Doit-il être un artiste détaché des contingent,ces matérielles  ou au contraire un homme de combat? Doit -il chanter les beautés du monde ou faire naître la révolte ? Tout dépend , en fait du contexte dans lequel s’inscrit l ‘oeuvre;: Voyons d’un peu plus près comment Hugo définit le poète idéal …

La première strophe donne le modèle des 5 autres ; ce sont des dizains d’octosyllabes aux rimes soit croisées, soit plates soit embrassées. Une versification classique mais un rythme bouleversé par l’usage des enjambements pour apporter une touche d’originalité à la prosodie; D’emblée , la première strophe dépeint une situation catastrophique:le champ lexical du malheur est fortement présent avec “temps contraires ” v 1 “malheur” deux fois en anaphore vers 3 et 5 , haine , scandale et le verbe tourmentent qui garde à cette époque un sens très fort de “faire  énormément souffrir,” presque torturer. Le poète doit donc affronter une situation marquée par le malheur et du coup, son rôle va changer ; Hugo pense, une effet, que lorsque le pays souffre, le poète ne peut se contenter d’être un simple chanteur , spectateur des malheurs de sa patrie: il doit donner toute sa mesure et devenir un penseur à part entière. On voit donc ici que l’engagement du poète est , selon Hugo, nécessaire, particulièrement en temps de crise.

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La deuxième strophe précise la nature de la mission du poète grâce à des séries d‘antithèses : en des jours impies, il apporte des jours meilleurs ; le poète semble résolument porteur d'espoirs; le mot utopie désigne habituellement quelque chose qui ne se réalise pas, qui est plutôt de l’ordre du rêve; Or ici, le poète est associé au vers 13 à cet espoir naissant comme l’indique le complément de nom qui le définit: il est l’homme des utopies “; Nous retrouvons l’idée d’un apport de lumière avec l’image de la torche enflammée au vers 19 qui va servir à faire flamboyer l’avenir; La connotation  ici du verbe flamboyer est clairement méliorative : on pense notamment au flamboiement de l’automne ou d’une chevelure; Il ne s’agit pas d’un feu dévastateur mais d’une flamme éclairante et réconfortante. Au vers 13, nous retrouvons l’idée que le poète appartient à la fois au monde terrestre et au monde céleste; en effet, il  a bien les pieds sur terre et se doit d’être un homme d’actions, pas un simple contemplatif; mais il lève les yeux au ciel et voit ainsi plus loin que la plupart des hommes ; on retrouve encore dans l’imagerie romantique l’idée d’un lien entre le céleste et l’artiste; Son pouvoir est marqué par l’image de la main  comme celle de Dieu dans laquelle tout tient; Hugo utilise les références au corps humain pour définir la nature du poète: il domine les autres hommes car sa tête est au-dessus des autres : ce qui lui permet d’avoir une meilleure vue notamment sur l’avenir . Rimbaud développera encore davantage cette idée de regard qui porte plus loin avec l’image du poète Voyant. Le mot prophète au vers 15 fait référence à la dimension sacrée du poète considéré par certains hommes comme un envoyé des dieux et celui qui apporte la bonne nouvelle, un message d’espoir et de délivrance pour les peuples opprimés. Le vers 18 fait mention de la position du poète au sein de la société : objet d’admiration il peut parfois être complimenté pour son talent et ce qu’il dit ; mais ses idées peuvent également ne pas être acceptées et il est alors marginalisé, critiqué par les autres hommes d’où la construction binaire de la phrase qui présente une alternative : qu’on l’insulte ou qu’on le loue .

La troisième strophe met en évidence ses différents pouvoirs et s’ouvre sur le verbe voir qui définit ses capacités visionnaires ; le poète selon Hugo est capable d’entrevoir l’avenir et ainsi de conseiller les peuples ; Le verbe végéter qui s’emploie au sens propre pour des plantes dont la croissance est ralentie ou rendue difficile par la mauvaise terre ou l’absence de lumière, nous ramène aux malheurs des temps présents qu’évoquait Hugo dans la première strophe; le poète est ainsi celui qui ramène l’espoir grâce à ses rêves ; il entrevoit , à la manière d’un voyant , des bribes d’avenir grâce aux contacts qu’il peut créer avec les esprits ; ce sont ,en effet, les ombres des choses qui seront un jour qui peuplent ses rêves ; cette idée de communication possible entre les esprits de différentes époques était familière à Hugo qui pratiquait avec ses amis le spiritisme : réunis autour d’une table sur laquelle ils apposaient leurs mains , ils convoquaient les âmes des défunts qui leur transmettaient parfois des messages “codés “.  Les insultes qui pleuvaient sur le poète au vers 18 prennent au vers 25 la forme de railleries c’est à dire de moqueries méchantes ;  La connotation est ainsi nettement péjorative. Cependant  le poète n’en tient pas compte; La construction du vers 25 en trois temps montre sa détermination: On le raille; Qu’importe; Il pense . Penser apparaît alors comme un acte fort, un acte de résistance face à l’opinion publique; Le poète est souvent seul contre tous lorsqu’il évoque l’avenir. Son âme s’oppose aux opinions de la foule présentée ici comme un ensemble de faux sages; Le poète pour Hugo se range toujours du côté de la Vérité et doit ainsi combattre les mensonges et les faux -semblants. Il garde néanmoins de l'amour et de la compassion pour ceux qui ne l'écoutent pas : il les plaint et leur garde son amour  .

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La strophe 4 début sur une apostrophe : le poète s’adresse directement aux peuples et leur lance un appel sous forme d‘impératif qui prend ici plutôt la valeur d’une prière ; cet appel insistant est repris au vers suivant en position forte : à l'attaque du vers.  La périphrase “rêveur sacré” associée au contraste entre l’ombre et la lumière redéfinit les liens entre le poète et la divinité; choisi par Dieu pour être son interprète et son envoyé terrestre, le poète se pare ainsi de différents attributs plus ou moins divins; son front, à la manière des saints, devient éclairé par la lumière qui émane de dieu et le contact se crée également par la voix: en effet, au vers 39 Hugo mentionne les contacts entre le poète et l’esprit divin sous la forme de chuchotements : “Dieu parle à voix basse à son âme ” ; ce lien spirituel donne de la force au poète et des pouvoirs; Il lui permet notamment d’éclairer les zones d’ombre ; Ce contraste entre l‘ombre et la lumière symbolise à toutes les époques  la lutte entre le Bien et le Mal, l’ignorance et la connaissance, ce qui est mauvais et ce qui est bon. Le poète se range toujours du côté de la lumière et son pouvoir le rend unique : lui seul est repris à l’anaphore des vers 34 et 36 et au vers 33, Hugo précise que sans lui , le peuple serait dans une nuit complète; Il réaffirme ici que la société a besoin des poètes : ils lui sont vraiment utiles grâce à leurs capacités visionnaires et leur faculté de dire la Vérité. Le poète est un homme différent des autres et il possède notamment une douceur qui le rapproche du monde féminin : cette idée est présentée sous la forme d’un paradoxe au vers 38 : “Homme ,il est doux comme une femme. ” 

La strophe 5 fait du poète une sort d’image du Christ: comme lui, il est fils de Dieu et comme lui il souffre pour sauver les hommes ; le poète se peint comme une victime de la société et décrit ses souffrances sous la forme d’une énumération : épines, envie et dérision . On retrouve ainsi l’idée qu’il est la cible des moqueries de la foule qui ne le comprend pas ; Les épines font référence à la couronne d’épines dont on avait recouvert le front du Christ pour se moquer de lui et on l’avait affublé du titre de roi des juifs ; L’image du poète en Christ est un topos (cliché )  du romantisme : en effet, les poètes de cette époque ont recours à de nombreuses références religieuses pour dépeindre leur rejet  . Aux vers 43 à 45 apparaît l’image du poète en moissonneur : tel le paysan qui  se penche pour récolter le blé ou ensemencer la terre , il apparait courbé; là encore il s'agit d'un cliché du romantisme qui se fonde sur la métaphore de la culture. Le poète fait naître l'avenir grâce au passé: cette idée est reprise sous différentes formes à l'intérieur du poème; d'abord sous la forme de la fécondation au vers 44 et 45 ; en se servant de la tradition ; c’est à dire de ce qui nous vient du passé, le poète est capable de devenir un trait d’union entre les époques et il n’est pas en rupture avec le passé, il ne lui tourne pas le dos dans un désir de modernité; au contraire, il utilise le passé pour qu’il serve de support à l’avenir; le verbe féconder qui s’emploie également pour tous les êtres vivants ainsi que pour les végétaux  signifie faire naitre la vie : il est associé à des connotations laudatives ( = positives = mélioratives ) ; La même idée d’un lien entre les époques est développée à travers la métaphore de l’arbre : le passé constitue nos racines et le feuillage l’avenir; Hugo refuse ainsi d’apparaître comme un révolutionnaire qui tournerait le dos au passé ; il se pose davantage en continuateur d’une certaine tradition qu’il entend juste moderniser .Poésie de continuité et non pas poésie de rupture : Hugo tente ici de rassurer ceux qui ne verraient en lui qu’un “révolutionnaire ” . Sur le plan de l’ oeuvre poétique, il se montre moins attaché au renouvellement formel que sur scène par exemple avec sa pratique du drame romantique et du mélange des genres . 

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La dernière strophe figure l’apothéose du poète rayonnant de lumière. Le verbe rayonner indique l’intensité de la lumière qui émane de lui et qui irradie son entourage ; Hugo associe la lumière de la flamme, qui est aussi classiquement la métaphore du sentiment amoureux , à la notion de Vérité;  Le poète est comparé à une sorte de vainqueur dans son habit de lumière ; Les hyperboles des vers 54 et 55 : “merveilleuse clarté”inonde de sa lumière ” traduisent bien les pouvoirs du poète; Ces derniers s’étendent partout comme le montre le double parallélisme : “ville et désert, Louvre et chaumière “ ; Ces deux derniers mots désignent la demeure des rois et celle des paysans; Le poète n'est pas seulement un homme de cour qui vit et agit parmi les grands, et uniquement au service des Puissants, c'est également un artiste qui se préoccupe des petites gens, de ceux que Hugo nomme le Peuple . L’idée d’un poète qui prête sa voix et fait entendre la parole des plus démunis fera son chemin au siècle suivant et on la retrouvera avec certains surréalistes comme René Daumal. Elle  se traduira par la notion d’engagement mais ici un engagement pour la cause des plus démunis dans cette société inégalitaire du dix-neuvième siècle.  Ainsi le poète est partout et son pouvoir paraît illimité ; le pluriel du vers 57 les plaines et les hauteurs  a pour effet d’accroître la dimension “extraordinaire ” du poète qui se transforme en une sorte de Dieu qui règne sur le monde; D’ailleurs il est placé en haut (vers 57) d’où il peut surplomber l’humanité , comme une divinité; La dernière image du quatrain assimile la poésie à l’étoile du berger; On retrouve ici l’idée de quelque chose qui brûle, un astre lumineux, placé dans le ciel à la manière d’un être divin et qui sert de guide aux bergers; Grâce à cette image, le poète parvient à unir les trois dimensions du pouvoir poétique : une force divine associée à un guide pour le peuple et quelque chose d’utile . Il rappelle enfin que la poésie  est faite pour tous , pour les rois comme pour les pasteurs; Les connotations du mot pasteurs rappellent  le contexte sacré car dans la Bible l’étoile guide les rois mages vers le Christ et Dieu a choisi de simples bergers pour entourer Jésus; On retrouve ainsi en filigrane l’image du poète associé au chemin qui mène vers le Christ. Pour les romantiques,le poète incompris figure très souvent en Christ pour traduire les souffrances qu’il peut endurer et son désir de sauver les hommes. 

Voilà une lecture expliquée de ce poème mais elle ne constitue pas un commentaire littéraire; Pour l’oral du bac, vous devrez y ajouter

  • une introduction qui rappellera la problématique (il est d’ailleurs d’usage de  la lire  sous cette forme …Pour répondre à la question que vous m’avez posée, nous allons tout d’abord voir comment Hugo montre que le poète est un être atemporel ; nous verrons ensuite que l’auteur assimile le poète à un être divin et ensuite nous montrerons la nécessité pour le poète de servir les hommes et qu’il risque d’en souffrir. 
  • vous rangerez vos remarques et interprétations à l’intérieur d’un plan détaillé
  • une conclusion qui ouvrir sur le thème et qui mentionnera d’autres textes du corpus ou d’autres oeuvres 

Rappel du plan vu en cours qu’il est important de bien mémoriser …

I  Poète à 3 dimensions : relie passé présent et futur 

1/ passé qui sert à construire l’avenir

2/ présent temps de malheurs 

​​​​​​​3/ poète prépare des jours meilleurs 

II Poète être sacré 

1/ sa lumière 

​​​​​​​2/ un rêveur sacré: l’homme des utopies 

3/ un prophète, un guide 

III Poète au service de la Cité toute entière 

​​​​​​​1/ Un homme qui sert 

2/ un penseur utile porteur de la vérité

3/ un homme incompris et qui peut souffrir 

 

Un lien à consulter pour compléter vos notes ou comparer d’autres interprétations ….

Fonction du poète, Victor Hugo : commentaire

10. mai 2017 · Commentaires fermés sur Le personnage de Marianne dans Réparer les vivants : mater dolorosa · Catégories: Première · Tags:
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Marianne et Sean 

Marianne Limbres est interprétée dans le film par l’actrice française Emmanuelle Seigner qui avoue qu’elle a d’abord refusé le rôle car personne n’a envie d’intrepréter ça, cette douleur de perdre un enfant te de devoir faire le choix de donner ses organes  alors même qu’il paraît encore vivant . Marianne c’est avant tout la mère, figure maternelle qui doit affronter un drame qui vient bouleverser l’ordre des choses : un parent qui enterre son enfant . Comment l’auteure a -t-elle construit ce personnage de mère ? 

La présence maternelle est rappelée dès les premières lignes du roman par la mention de la naissance de Simon, ce moment où son coeur a subitement accéléré sous la pression de l’expulsion du corps maternel . Les trois adolescents subissent également les “sommations maternelles ” pour les tirer du lit ; on retrouve ici l’idée d’une mère qui veille. Marianne fait son apparition dans le récit à l page 47 lors de son arrivée à l’hôpital . L’appel de la gendarmerie a eu lieu vers 11h et le chapitre va alors s’organiser sous la forme d’un retour en arrière . On assiste d’abord à l’arrivée de Marianne paniquée : elle doit se rendre aux urgences et une infirmière lui indique la route à suivre.  La page 48 détaille la réaction de Marianne lorsque le téléphone a sonné ; sa première réaction fut la peur. Notre premier extrait montre le regard de la petite Lou sur sa mère qui “enfile ses vêtements à la hâte” et peu à peu se défigure sous l’effet de la terreur . L’écrivain utilise alors la métaphore filée de l’éboulement pour rendre plus concret cet effondrement intérieur et le passage se termine par la pétrification de Marianne. Après avoir déposé Lou, elle prend sa voiture et au volant, concentre sur le trajet à parcourir, elle ressent peu à peu un changement d’atmosphère; Tout autour d’elle devient menaçant comme si une force de destruction inouïe ( p 52) se préparait. Marianne s’emploie à “conjurer l’intuition qui sédimentaire en elle depuis l’appel téléphonique”  comme si elle ressentait intuitivement la mort de Simon ou du moins, son départ . arrivée sur le parking de l;hoîtal qui est comparé à une forêt immobile, close, Marianne tente de joindre à nouveau le père de Simon. Son parcours jusqu’au service de réanimation lui parait interminable et dès qu’il croies son regard, Pierre Révolu sait qu’elle est la mère de Simon : “regard vrillé, joue mordues de l’intérieur” Marianne  attend la phrase par la quelle le malheur va s’engouffrer et elle voudrait s’enfuir, disparaitre ; Le médecin sait qu’elle sait ( 62) ; L’auteure nous présente cette intuition maternelle comme si les mots n’allaient que confirmer ce qu’elle a déjà compris et ressenti dans sa chair; Marianne est désormais  une statue de pierre .

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Maylis de Kerangal 

Elle n’a pas l’autorisation de voir Simon et les souvenirs de son enfance se mettent à lui revenir en mémoire par bribes : d’abord les maladies infantiles et ensuite un souvenir de séjour en classe de neige; elle quitte l’hôpital toujours sans nouvelles de Sean et se dirige vers un café: elle cherche un lieu pour attendre, un lieu pour épuiser le temps . Dans la rue, l’univers semble transformé sous l’effet de sa douleur : “la catastrophe s’est propagée sur les éléments , les lieux, les choses, un fléau  comme si tout se conformait à ce qui avait eu lieu ce matin .” (87) . Rien ne vient injurier la détresse de Marianne qui avance tel un automate, la démarche mécanique et l’allure floue. Elle se met à prier à voix haute et entre dans un café où elle commande un gin. elle ne se reconnaît pas dans le miroir et tente de faire barrage aux images de Simon qui  se fomcent à tout allure et foncent sur elle par vagues successives .( 89) . Sa douleur fait écho à une chanson d’Alain Bashung qu’on entend ; “Les bouffées mémorielles survenues alors qu’elle évoquait Simon dans le cagibi de révolu ont logé dans sa poitrine une douleur qu’elle est impuissante à contrôler, à réduire. ” L’auteure décrit la chimie de la douleur et ses pleurs au téléphone quand elle entend la voix de Sean : “elle pleure traversée par l’émotion que l’on ressent parfois devant, ce qui, dans  le temps, a survécu d’indemne et déclenche la douleur des impossibles retours en arrière.” (91) 

Les parents unis dans la douleur sont présentés comme des naufragés; Au chevet de leur fils, Marianne a bien du mal à ne pas s’évanouir : “elle chancelle, jambe molles, s’agrippe au lit à roulettes.” (99) A l’annonce par le médecin de l’état de mort cérébrale deSimon, les parents accusent le coup. Marianne pense qu’il peut se réveiller du coma mais révolu affirme que c’est impossible. accablés les parents ne réalisent pas “comme si ces deux-là lentement se dissociaient du reste de l’humanité, migraient vers les confins de la croûte terrestre, quittaient un temps et un territoire pour amorcer une dérive sidérale. ” (108) A la fois coupés d’eux-mêmes et coupés du monde qui les entoure . Marlis de Kerangal observe ici les effet sue la douleur et le fait qu’elle nous retranche du monde réel . 

Sean et Marianne apparaissent comme frappés par un météore noir qui venait de les percuter de plein fouet et ils suivent Thomas Rémige l’infirmier , dans le dédale des couloirs de l’hôpital. Pris dans une onde de choc, ils concentrent dans leur tête à cet instant, la pleine tragédie du monde . (125) A l’annonce de la possibilité du don d’organes, Marianne et Sean sont assomés: “Bouches bées, regard flottant au ras de la table basse, mains qui se tordent, et ce silence qui s’écoule, épais, noir, vertigineux, mélange l’affolement à la confusion. ” ( 127)  Thomas Rémige fait son travail pour tenter d’arracher le consentement des parents mais il est conscient des vagues de douleur que cela provoque sur “leurs visages torchonnés de souffrance”. Marianne pleure mais désormais parle de Simon à l’imparfait ce qui est le signe qu’elle parvient à réaliser sa mort . Thomas pense qu’elle pourrait accepter les prélèvements mais pas le père. 

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Sean et Marianne vont faire un tour en voiture et Sean a alors un accès de violence contre lui-même ; Marianne tente de l’arrêter et sent la folie les menacer ; Ils se sentent responsables d’avoir donné à leur fils ce goût du surf et de ne pas avoir su le protéger . ” Marianne songe, c’est trop, on va crever.” ( 157) Leurs visages finissent par se caresser au bord du fleuve et les mots de Marianne forment une empreinte dans l’air statique. ” ils ne lui feront pas mal, ils ne lui feront aucun mal”  Elle réussit avec ces mots à obtenir le consentement du père pour les dons d’organes. Ils se retrouvent alors une dernière fois autour de Simon , corps contre corps. Au moment de sortir de la chambre, Marianne se retourne une dernière fois vers le lit et ce qui la fige sur place est la solitude qui émane  de Simon, désormais aussi seul qu’un objet , comme s’il était délesté de sa part humaine . ( 175) 

L’auteure montre dans ce roman un lien très fort entre la mère et le fils et une conscience près que physique de la mort de Simon éprouvée dans sa chair avant même que l’idée fasse son chemin dans son esprit.Ce personnage est rendu patéhtqioue car sa conscience est saisie à la fois au moyen d’une narration anonyme et de plongées dans ses pensées souvent sous la forme de bribes de monologues ou même de dialogues;  De retour chez eux , Marianne et Sean récupèrent Lou et doivent ensuite prévenir leurs proches . La mère pense ensuite à Juliette : “que deviendra l’amour de Juliette une fois que le coeur de Simon recommencera de battre dans un corps inconnu, que deviendra tout ce qui emplissait ce coeur ? “

Au moment où les équipes prélèvent les organes sur le corps de Simon, Marianne imagine le voyage fantastique de ce coeur dans l’espace : il est 23 h 50 et “la douleur la défonce ” : après avoir visualisé l’envol du coeur de son fils dans la nuit polaire, à l manière d’un objet merveilleux, elle trouve enfin le sommeil : “elle ressent un calme profond ” . Le roman se ferme sur le corps de Claire qui reçoit son nouveau coeur et le corps de Simon sera rendu ad integrum à sa famille le lendemain matin . 

02. mai 2017 · Commentaires fermés sur Portraits de mères · Catégories: Première · Tags:
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Folcoche

La question de corpus se proposait d’étudier quatre portraits de mère dans des romans du XX et XXI siècle . Daniel Picouly, Hervé Bazin et Philip Roth ont créé des récits autobiographiques qui relatent des souvenirs d’enfance marquants  centrés autour de la figure maternelle alors que Maylis de Kerangal a construit une fiction qui interroge l’évolution de la figure maternelle à l’annonce de la mort du fils. Il s’agira d’abord de montrer que le point de vue est celui d’un enfant avant de nous interroger sur les pouvoirs de cette figure maternelle.

 

Bazin est celui qui dresse le portrait le plus critique de sa mère surnommée Folcoche, contraction de folle et cochonne. Ce portrait se démarque des autres dans la mesure où il est nettement critique. On ressent de la haine et de souffrance également à travers ce  bilan de la relation entre le fils et sa mère : la comparaison avec la

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vipère d’abord et son venin, mais également le “jus de pieuvre” et les paroles blessantes et dévalorisantes pour ce fils auquel elle prédit un avenir sinistre attestent d’une relation marquée par l’incompréhension et la colère.  Cependant, à l’approche sans doute de la mort de cette dernière, on note une certaine ambivalence du narrateur , devenu adulte avec la mention l 30    “ toi qui as déjà tant souffert pour nous faire souffrir .” Sans accorder le pardon à cette mauvaise mère, il montre quel horrible héritage il a reçu. C’est également une question d’héritage dans l’admiration que voue le narrateur de 5 ans  à sa mère qu’il redoute autant qu’il l’adore mais qui en revanche semble beaucoup moins aimer sa fille qu’elle dévalorise  “cette petite n’est pas un génie” alors qu’elle considère son fils comme un “ Albert Einstein II ” Le petit garçon voue une admiration sans borne à cette figure maternelle qui se caractérise par la toute puissance et l’a conduit , par peur, sur le chemin de l’honnêteté.

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Picouly et de Kerangal ont choisi de montrer deux moments importants où la figure maternelle se transforme sous les yeux de l’enfant : dans le premier cas, le petit garçon découvre une cicatrice sur le dos de son père et la mère surprend ce regard et das le second cas, la petite fille est témoin de la transformation de sa mère sous l’effet du coup de fil qui annonce l’accident mortel de son grand frère. Dans les deux cas,  on vit l’événement à travers les yeux de l’enfant qui remarque, par exemple, que sa mère “enfile ses vêtements à la hâte” ( l 15 )  : la petite a “le regard fixé sur sa mère qui ne la voit pas ” (10 ) et elle est attentive aux changements de son comportement “elle halète comme un chien, gestes précipités et visage tordu ” ( ‘l 11) sous l’effet de la peur . Ensuite, le lecteur , grâce au changement de point de vue, pénétrera dans l’intimité du personnage qui sera alors décrit de l’intérieur.  La m’am de Picouly, elle, a surpris le regard de l’enfant  et elle se “fige comme si elle avait déjà compris ce qui allait se passer ” ; Le narrateur raconte des souvenirs de l’époque où il mesurait un mètre vingt et il avoue son impossibilité de “retrouver le même angle ” pour décrire notamment ce que fut la relation mère / fils.

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Dans les quatre portraits, les mères sont présentées, en partie ,  à travers les yeux des enfants et elles sont dotées de nombreux pouvoirs ; Roth et Bazin sont ceux qui accordent le plus d’importance à la domination de la figure maternelle qu’on pourrait presque qualifier de toute -puissante . Pour le petit garçon de cinq ans, il a l’impression de vivre sous la surveillance constante de sa mère qui peut changer de forme à volonté ou devenir invisible; elle l’accompagne partout et c’est avec humour qu’il raconte qu’elle lui apparaissait déguisée sous les traits de chacun de ses professeurs. Il ne parvient pas à se détacher de la figure maternelle et lui accorde le don d’ubiquité . Bazin reconnait également que Folcoche possède de nombreux pouvoirs ; elle aussi a un don de seconde vue ( l 24 ) par moments et surtout elle a le pouvoir de moduler son avenir car il ne peut se détacher des valeurs qu’elle lui a transmises et de cette haine tenace : “haïr c’est s’affirmer ” écrit -il et on mesure à quel point il est demeuré prisonnier de son éducation. La mère est dotée de pouvoirs quasi divins où on retrouve encore l’ambivalence : “ange ou démon “. En effet, dans la pensée des enfants, leurs mères sont toujours omnipotentes et Picouly choisit l’image de la déesse Shiva dans la religion hindoue , qui possède des dizaines de paires de bras afin d’illustrer ainsi l’efficacité de cette mère de famille très nombreuse. Seule la mère de Simon paraît au contraire  totalement en perdition: pétrifiée par la douleur et on mesure à quel point elle est terrorisée à la pensée de perdre son fils ;  Le    lecteur  a ainsi conscience de la force de l’amour maternel mais du point de vue cette fois de la mère.

Pour conclure, la mère est souvent décrite par son enfant comme un être fascinant et auquel il demeure profondément rattaché, bien au delà de l’enfance, parfois même en dépit des mauvais traitements subis.Ce lien mère/enfant fait l’objet de nombreux romans .

20. avril 2017 · Commentaires fermés sur Clémenceau : Un discours contre la colonisation · Catégories: Première · Tags: ,

Parlons d’abord de l’auteur de ce discours … Qui est Clémenceau ?

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Georges Clémenceau

Médecin , il commence sa carrière politique par une fonction de maire  d’un arrondissement de Paris  , ensuite élu  député en 1871 ;il rejoint le parti républicain. Il défend l’idée d’une séparation entre l’Eglise et l’Etat et surtout  s’oppose à la politique de colonisation faisant tomber le gouvernement sur cette question. Il rejoindra également les rangs des dreyfusards et se battra pour que les Communards de 1871 soient amnistiés.Élu en 1902 sénateur  il est nommé ministre de l’Intérieur  en 1906. Se désignant lui-même comme le « premier flic de France »,  ,il est surnommé « le Tigre » et va réformer durablement la police ,  À la fin de l’année 1906, il devient président du conseil, l’équivalent du poste de premier ministre .

 

 

  Quel est ensuite le contexte  ?

 Georges Clémenceau s’exprime devant la Chambre des députés le 30 juillet 1885. Il répond au discours prononcé par l’ancien président du Conseil Jules Ferry, deux jours auparavant, au cours d’un débat sur la politique d’expansion coloniale de la France. Chef du gouvernement à deux reprises (1880-1881, 1883-1885), mais renversé par la Chambre le 30 mars précédent, Jules Ferry défend sa politique. Clemenceau entend la dénoncer. Nous sommes donc face à un débat idéologique .

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Le discours à l’assemblée

Le discours de Clémenceau : lecture analytique n° 4 

 

Points de méthode : tout discours suppose qu’on accore une attention particulière à l’éloquence de l’orateur c’est à  dire aux marques son élocution ; les plus fréquentes sont : les adresses aux auditeurs qui peuvent être soit des apostrophes soit des verbes à l’impératif ; les questions rhétoriques ; la présence des indices de subjectivité  du locuteur (je, moi, pour ma part ) . On cherchera également les figures de construction comme les antithèses, les répétitions et les parallélismes de construction. 

 

A noter que ce discours constitue une réponse à des arguments évoqués par Jules Ferry : il faudra donc repérer les arguments de la partie adverse dénoncés par l’orateur ainsi que les concessions faites aux thèses adverses. L’ironie peut également être une arme utilisée par le locuteur et on sera attentif à la rhétorique de l’éloge (les compliments ) et du blâme (les critiques ) 

 

Quelle est la thèse de Clémenceau ? les colons  français dissimulent la violence qu’il infligent aux populations colonisées sous le nom de devoir rendu aux races inférieures par la race supérieure; ils sont hypocrites et cruels. Il va également démontrer qu’il n’y  pas de race inférieure.  `

Quelle est la thèse combattue ? Ferry défend l’idée que la colonisation est un devoir des races supérieures envers les races inférieures . Il va donc s’efforcer de démontrer que ces arguments ne sont pas justifiés  en combattant l’idée d’inégalité des races notamment et en donnantt des illustrations concrètes (les chinois, les Hindous et l’exemple allemand qui fait référence à la désastreuse défaite française de 1871 face à l’Allemagne. ) 

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Quel est son sentiment dominant ?  l’indignation 

Quels sont ses arguments ? il emploie des arguments variés et s’efforce de réfuter les arguments adverses ;

argument 1 de Ferry : la colonisation rapporte des profits même si elle entraîne des dépenses. (de luxe ) 

réponse  : dépenser cet argent pour les Français serait utile et fructueux ; Clémenceau oppose le luxe à l’utilité (convaincre ) et il reprend cet argument dans la péroraison de son discours : “mon patriotisme est en France “ : ce qui signifie qu’il faut faire porter les efforts du gouvernement sur les citoyens français de métropole avant de penser aux colonies.

argument 2 de Ferry : les races supérieures auraient un droit sur les races inférieures  qu’elles exercent et pour justifier la colonisation, Jules ferry emploie le terme de devoir qui est son contraire; il souligne ainsi par cette formulation adroite la contradiction de la thèse de son opposant ; l’expression transformation particulière est particulièrement ironique . 

il détaille ensuite l’expression exercer son droit en utilisant une expression imagée : allant guerroyer et le convertissant de force ; on voit bien ici qu’il oppose encore une fois la notion de droit à la notion de force ; un droit qu’on exerce par la violence est-il encore un droit ? 

il remet en cause ensuite l’existence même d’inégalité des races en arguant du fait que cette différence n’a pas été scientifiquement prouvée mais résulte d’un jugement hâtif : c’est bientôt dit signifie c’est vite dit ( l 8 ) et donc pas forcément vrai. Cette formulation remet en cause la validité même de l’affirmation de Ferry. Il discrédite ainsi la thèse adverse.

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première illustration : pour étayer son argument sur les erreurs de jugement , Clémenceau reprend l’exemple récent (1871 ) de la défaite française face à l’ Allemagne que d’aucuns prétendent liée à l’infériorité de la race française ; il provoque ainsi la fibre patriotique de son public

en même temps l’orateur adopte une attitude de modestie : pour ma part, j’en rabats singulièrement ( l 8) et j’y regarde à deux fois ( l 11) . Il montre ainsi de manière fort adroite qu’il faut se méfier des jugements hâtifs et de cet argument de race inférieure . Il permet ainsi au public de reconnaître ses erreurs .

Il prend ensuite l’exemple des Hindous dont il vante en termes élogieux la “grande civilisation raffinée “  l 13 et la civilisation Chinoise avec “cette grande efflorescence d’art “ et ses “magnifiques vestiges “ Il fait donc ici clairement l’éloge de ces deux civilisations anciennes sur le plan artistique et intellectuel en citant notamment le vénérable Confucius, modèle de sagesse universellement reconnu. 

De plus, cet argument est aussitôt relayé par un second argument politique qui fait clairement allusion à des négociations diplomatiques gagnées par les asiatiques; de plus, Clémenceau reprend l’idée de jugement hâtif évoqué dès le début de son discours avec la phrase : “ceux qui se hâtent trop de proclamer leur suprématie “  

Ce paragraphe mêle donc habilement illustrations historiques, allusions à des événements politiques et critiques des partisans de la théorie des races supérieures. 

Le paragraphe suivant critique directement les défauts des colons : le mot vices ainsi que les références  à l’alcool et à l’opium sont des accusations directes de l’attitude des colons français; On peut d’ailleurs comparer cette stratégie argumentative à celle qu’emploie Diderot dans son Supplément au voyage de Bougainville. 

L’orateur met le public de son côté avec les allusions historiques et politiques dans un premier temps et passe

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Elu président du conseil 

ensuite au blâme avec des critiques des pratiques coloniales ; il peut alors réfuter la notion de droit et la remplacer par la notion de violence ; Il fustige ainsi l’hypocrisie des colons et il remplace , au final (l 30) l’opposition entre race inférieure et race supérieure par une différence entre civilisation scientifique et civilisation rudimentaire ; les mots abus et tortures désignent les actes des colonisateurs dont la mission civilisatrice est carrément remise en cause : prétendu civilisateur peut on lire à la ligne 31, ce qui est une critique directe des alibis des colons.

Clémenceau dénonce ainsi de manière polémique les pratiques coloniales qui dissimulent une violence sous  couvert d’une mission humaniste. Point par point, il réfute les thèses de son adversaire politique et parvient à la conclusion que ces façons d’agir nient les droits des populations indigènes :” ce n’est pas le droit (l 32) : c’en est la négation.” Une formule finale très efficace et frappante .

 

Exemple d’introduction (vous ajouterez des éléments biographiques donnés au début de cet article )

En 1885, l’Empire colonial français se dessine et  certaines voix au gouvernement militent pour son expansion et la multiplication des guerres de conquête; cependant le pays, sorti défait de sa confrontation avec l’Allemagne en 1871, a besoin de clarifier se priorités budgétaires; d’aucuns pensent que la colonisation pourra rapporter de gros profits et y voie t une possibilité pour al France de es reconstruire; Clémenceau n’est pas d’accord avec cette ligne de conduite et il le fait savoir ; (développement biographique sur l’auteur à placer ici ) .… son discours prononcé à la chambre des députés constitue une réponse à celui d’un  membre du gouvernement : Monsieur Jules Ferry ;  les deux hommes ont une vision différente de l’avenir même s’ils militent tous deux  au sein du parti républicain ; il s’agit donc de montrer en quoi ce discours éloquent constitue  une attaque contre la politique de colonisation menée par le gouvernement français  et reflète donc une confrontation politique et idéologique .

Exemple de plan détaillé pour un commentaire 

1 un discours éloquent ou polémique 

a) la contestation des thèses adverses : reprise et réfutation 

b) les indices de subjectivité :

et la création de  liens avec le public : l’absurdité de la thèse de l’infériorité des races avec l’exemple franco-allemand

  c)   l’utilisation du registre ironique très présent : transition une dénonciation virulente qui reflète l’indignation de Clémenceau

2. Une critique de la politique coloniale 

a) des conquêtes onéreuses : le poids économique 

b) les vices des colons : leurs abus

c) la violence des conflits : ils n’ont pas de droits sur ces populations 

3. La défense des civilisations  “rudimentaires “

a) l’éloge des grandes civilisations

b) la création d’une nouvelle distinction qui remplace l’idée d’infériorité

c) du droit à l’abus : contestation des pratiques coloniales désignées comme la négation des droits 

en conclusion ( à étoffer ) Une contestation idéologique et une remise en question de la politique coloniale française à cette époque : visée politique et idéologique  

20. mars 2017 · Commentaires fermés sur Humanisme et Renaissance : les points essentiels · Catégories: Première · Tags:
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François Premier 

Il est difficile de caractériser les conséquences de ce mouvement de pensée qui fit son apparition en Europe au seizième siècle tant ses ramifications sont importantes mais nous pouvons tenter de saisir les différents domaines dans lesquels se sont illustrés les Humanistes, ces hommes nouveaux. Il faut aussi comprendre qu’à la fin de la seconde guerre mondiale, le mot humanisme était alors à la mode et on l’utilisait pour caractériser des mouvements de pensée qui semblent refaire confiance aux capacités de l’homme de construire un avenir meilleur . On doit donc distinguer les deux sens du mot : le sens historique  et littéraire et le sens courant . 

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La chapelle sixtine par Michel Ange: 

 Qui sont les Humanistes à la Renaissance  et d’où viennent-ils ? Le domaine artistique a été l’un des premiers à refléter l’évolution de la pensée humaniste et la plupart des historiens s’accordent à penser que ce courant trouve son origine en Italie.Les dates symboliques en revanche les divisent : certains voient la prise de Constantinople comme la marque de la désunion entre deux chrétientés : l’occidentale et l’orientale (1517) ; d’autres pensent que c’est Luther et la réforme protestante qui donne en Europe le coup d’envoi des bouleversements majeurs , à l’intérieur cette fois du christianime occidental ; Il faut sans doute penser à la conjonction de ces deux phénomènes et y ajouter les grandes découvertes des voyages maritimes. 

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L’humanisme de la Renaissance est donc à la fois un mouvement historiquement daté qui donne naissance à une idéologie qui elle va perdurer . Un des aspects essentiels de cette idéologie de la Renaissance est contenue dans le discours de Pic de la Mirandole en 1486 : ” J’ai lu, dans les livres des  Arabes , qu’on ne peut rien voir de plus admirable dans le monde que l’homme.”  Les auteurs vont alors désigner par le terme humanitas ou studia humanitatis, l’ensemble des domaines de la pensée dans lesquels l’homme va trouver l’accomplissement de lui-même et tendre vers un modèle de perfection . 

 

La pédagogie ou science de l’enseignement va peu à peu être au centre des débats car de la qualité de l’éducation des enfants va dépendre leur capacité à es conformer aux modèles hérités de la culture gréco-latine qu’on redécouvre ; Montaigne, ainsi dans ses Essais, va consacrer un chapitre à l’éducation et Rabelais dans ses romans va lui aussi , ériger en modèle, l’éducation reçue par son géant Gargantua.  Erasme développe la théorie selon laquelle l’enfant doit être formé par un maître qualifié et ainsi quitter l’état sauvage pour rejoindre le monde de la culture. Les pédagogues valorisent les activités du corps et de l’esprit ainsi que les aptitudes au dialogue .

Il est possible que les humaniste aient entrevu des différences ou mêmes des incompatibilités entre les sources antiques auxquelles il s’ abreuvent et les enseignements de la religion catholique mais  ils ont privilégié l’esprit de synthèse entre la tradition judéo-chrétienne et le paganisme , à l’image de Saint Augustin et de Saint Jérôme . Peu soucieux de révolutions, ils croient avant tout à la réforme de l’esprit . les conséquences de ce courant e pensée sont nombreuse et touchent des domaines variés.

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Sur le plan artistique, la représentation de l’homme change : il n’est plus seulement une créature de Dieu comme au Moyen-Age ou un citoyen de l’Empire comme dans l’Antiquité, il est désormais une créature vivante et pensante , qui s’efforce d’obéir à la raison et qui va oser s’affirmer en tant que volonté indépendante et oser  dire “Je” comme dans les Essais de Montaigne . Alors que jusque là seul Dieu méritait qu’on lui construise des demeures somptueuses ou qu’on représente des peintures liées aux Ecritures Saintes, désormais, on va ériger des palais en l’honneur des Grands de ce monde et on va es mettre à représenter les familles royales. Le roi François Premier en France accompagne et encourage les artistes qui révolutionnent les techniques artistiques en adoptant notamment des modèles vivants ou en respectant les lois de la perspective.

Les débats traversent les frontières et le dialogue se poursuit entre Budé le français, Erasme le hollandais et Thomas More l’anglais (qui sera décapité par le tribunal religieux pour pensées subversives ) ; En même temps qu’elle découvre sa diversité , l’Europe fait également l’expérience de l’altérité avec la découverte de l’Amérique . Montaigne dira d’ailleurs que chaque homme appelle barbarie ce qui ne correspond pas à son usage ; on découvre également que la terre tourne autour du soleil alors qu’on pensait qu’elle était el centre de l’univers: les liste sud monde connu ne cessent de s’élargir donnantt  lieu à de nombreuses fantasmagories dont témoignent certains écrits qui évoquent des univers mystérieux peuplés de créatures fantastiques.

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Les explorateurs : de Colomb à Vasco de Gama en oassant par Jacques Cartier et Marco Polo , chaque navigateur contribue à éloigner l’inconnu et à faire naître de nouveaux horizons; Mais les explorations se succèdent également dans le domaine des sciences avec Galilée ou Copernic les astronomes ou même Ambroise Paré le chirurgien qui va percer les énigmes du corps et donner accès aux sciences du vivant . 

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Sur le plan politique , les humanistes voient les guerres de religion ravager leurs pays et la royauté devenir de plus en plus centralisée : le pouvoir féodal semble céder du terrain et l’unification de la France par exemple, passe notamment par l’adoption du français comme langue officielle ainsi que le constate le poète Joachim Du Bellay en écrivant en 1549 son manifeste: Défense et illustration de la langue française; Quant au poète Pierre de Rossard, son condisciple de la Pléiade, il voue un culte à la famille royale dont il devient le poète officiel. La poésie va célébrer François Premier et les rimants comme celui de Madame de Lafayette vont refléter le faste de la cour du roi Henri II. 

Quelques pensées célèbres : 

Rabelais : science sans conscience n’est que ruine de l’âme 

Montaigne : il se tire une merveilleuse clarté pour le jugement humain, de la fréquentation du monde. 

Thomas More décrit un pays imaginaire: Utopie où règne la liberté : “Utopus laissa à chacun liberté entière de conscience et de foi (pour éviter le guerres et le querelles ) 

 

17. mars 2017 · Commentaires fermés sur Montaigne et l’humanisme : des cannibales. · Catégories: Première · Tags:
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Montaigne

Michel Eyquem de Montaigne est un auteur du seizième siècle qui entreprit de rédiger des Essais pour exprimer ses pensées ; il  représente le courant humaniste qui s’efforce de repenser la juste place de l’homme dans le monde.  Les Essais forment un ensemble de réflexions sur des thèmes , un peu comme des discussions ou des conversations entre lettrés. Montaigne y mêle des propos sur sa vie (ce qu’il a mangé, son état de santé ) et des propos plus généraux sur la Vie en général: de l’amitié, des ennuis, de la mélancolie, de la guerre.. Les Essais appartiennent au genre argumentait: l’auteur tente d’y saisir sa pensée en mouvement . 

  

 En 1492, on découvre, grâce aux voyages maritimes que tous les hommes ne se ressemblent pas forcément et ne vivent pas de la même manière. Ce choc des civilisations et des cultures est raconté par l’auteur dans un chapitre de ses Essais intitulé Des cannibales.

 Il s’y met en scène sous la forme d’un témoin et raconte l’arrivée à la cour des Sauvages, source d’étonnement pour les courtisans occidentaux. L’écrivain nous amène à  réfléchir sur le sens du mot sauvage et raisonne à partir  de différents arguments : il va , par exemple; dans certains chapitres qui évoquent les Cannibales, raisonner du caractère fondé ou pas de leur appellation de Sauvage. Montaigne explique que , dans la nature, des fruits sauvages que l’on trouve  ne sont pas inférieurs aux créations de l’homme : la plante qui pousse à l’état sauvage dans la Nature serait même supérieure à une création artificielle car plus robuste, plus naturelle. Cette argumentation se fonde sur un raisonnement analogique et conduit Montaigne à affirmer paradoxalement la supériorité des Sauvages , plus proches de la Nature , adeptes de lois naturelles, sur les Civilisés, corrompus par les vices. Montaigne entend ainsi nous convaincre que la nature humaine est foncièrement bonne et digne de confiance : à l’état de Nature, les rapports humains se passent de lois et de règlements; cette thèse est à l’origine, deux siècles plus tard  du mythe du Bon Sauvage.qui sera repris par les philosophes des Lumières comme Rousseau ou Diderot dans Son Supplément au Voyage de Bougainville notamment. Vous trouverez, à propos de ce mythe, des explications supplémentaires dans le fichier joint ….

08. décembre 2016 · Commentaires fermés sur RUY BLAS m’a tué : le meurtre de Salluste sur scène · Catégories: Première · Tags:
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Le spectateur a vu progressivement la relation se dégrader entre le maître et son valet qui a pris goût à la liberté et qui a également pris de l’assurance grâce à son déguisement de ministre et à l’amour partagé de la reine d’ Espagne ; Il pressent donc que l’issue sera fatale d’autant qu’avec le retour de Salluste, le piège se referme sur les deux amants . Hugo va-t-il aller jusqu’à faire mourir le méchant sur scène , en rupture avec la tradition du théâtre classique ? 

Tout d’abord , précisons le contexte et la situation exacte. Il s’agit de montrer sur scène la vengeance de Salluste comme l’indique le dramaturge : “ma vengeance est assez complète de la sorte” ; Ce point est à mettre en relation avec le début de la pièce; le spectateur assiste à une partie du dénouement qui voit la victoire de Salluste dont le plan a fonctionné. 

Le personnage est présenté sous un jour particulièrement sarcastique et il se moque de la naïveté du héros tout en se montrant irrespectueux envers la souveraine; les anaphores révèlent , à la fois , le passé et les sentiments du personnage qui met en relation ce qu’on a lui a fait avec ce qui s’accomplit sous les yeux du spectateur : “Vous m’avez cassé ! je vous détrône; Vous m’avez banni,  je vous chasse” On note que dans le premier hémistiche, on trouve une action mise en relation avec les agissements de Salluste qui sont ainsi présentés comme les conséquences logiques de ce qu’a fait la reine; Mais la faute initiale a été commise par le marquis de Finlas et les deux vers suivants , construits à la fois sur des antithèses et sur un chiasme, donnent à lire la nature de cette vengeance : “vous m’avez pour femme offert votre suivante /” moi je vous ai donné mon laquais pour amant.”

Ruy Blas a donc été l’instrument de la vengeance de ce grand d’Espagne dont le mépris est affiché ainsi que les préjugés de classe : la didascalie “éclate de rire ” montre que pour Salluste il est inconcevable qu’une telle union entre deux personnes de rang social différent, soit réalisée; l’amour tiendrait donc compte de la position sociale de la personne aimée; le marquis es montre clairement menaçant à la fin de sa réplique et la gradation qu’il emploie traduit sa fureur : “vous m’aviez brisé, flétri, mis sous vos pieds” ; il termine en traitant la reine de folle "vous dormiez en paix, folle que vous étiez ” ; Folle ici est à prendre au sens d’insensée ; Salluste veut dire que la reine ne s’est pas suffisamment méfiée de lui et qu’elle a sous-estimée l’offense qu’elle lui avait faite en lui ordonnant de s’exiler .

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Ruy Blas va réagir violemment après cette insulte qui déclenche sa propre colère; les didascalies nous montrent les préparatifs de ce qui s’apparente à un meurtre prémédité: il a condamné la porte en poussant le verrou et s’avance l’épée à la main “terrible ” ; cette indication fait de lui un héros de tragédie. Sous l’effet de cette colère, on sent le personnage capable de tout: c’est à son tour de se montrer menaçant et de justifier ce qu’il s’apprête à faire; Hugo multiplie les analogies avec le Diable et Salluste devient une incarnation diabolique : ” Satan te protégea, on écrase un serpent ou même “personne n’entrera ni tes gens ni l’enfer.” Le héros doit faire en sorte que le public le soutienne et qu’aux yeux de la reine, il passe pour un protecteur ou un justicier et pas pour un vulgaire assassin.

Ruy Blas se livre alors à un portrait charge de Salluste pour rappeler le danger qu’il représente pour la jeune femme : “c’est un monstre..il n’a point d’âme ” ou bien , “il m’étouffait ” et il m’a broyé le coeur” ; Ici les métaphores renvoient d’une part, à l’image diabolique du serpent ou à une figure surhumaine à la force herculéenne, et d’autre part, à la capacité de destruction du personnage. Mais on sent bien que le valet n’agit pas seulement pour protéger la reine du danger de la calomnie, il agit également pour se venger des offense subies qu’il rappelle, quelques vers plus bas : “il m’a fait fermer une fenêtre et j’étais au martyre. ” Hugo fait ici référence au retour de Salluste à la scène 5 de l’acte III.

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La détermination du valet est marquée par des images telles que “talon de fer”  ou un peu plus loin, il mentionne que le marquis vit ses derniers moments. Pourtant Ruy Blas semble conscient qu’il risque de franchir une frontière déterminante et Hugo rappelle les règles en vigueur par l’intermédiaire du valet qui déclare “je me blâme d’accomplir devant vous ma fonction Madame ” En assimilant le meurtre à une chose à faire de manière obligatoire, Ruy Blas se place en défenseur de la reine outragée. De plus, il affirme qu’il ne discutera pas ni n’argumentera avec Salluste ; Il se contentera de l’exécuter .

Pourtant Hugo débute un plaidoyer en faveur du fait de se rendre justice soi-même et les mots employés donnent une forme de légitimité au meurtre : ” noble ou manant, écrit-il, tout homme a droit..de venir lui cracher sa sentence au visage ” De plus, comme pour mieux se convaincre que le meurtre est nécessaire, il rappelle les méfaits du marquis : vous osez l’outrager ” “Misérable ” L’assassinat découle donc , selon la manière dont il est justifié, des insultes de Salluste envers la reine . Mais Ruy Blas semble déplorer de devoir en arriver à une telle extrémité et c’est sous cet angle qu’on peut lire la sentence suivante : “Pardieu, j’étais laquais! quand je serais bourreau ? On peut y voir en effet, le rapprochement entre le statut d’opprimé et le meurtre qui figure une forme de libération; En effet, Ruy Blas représente symboliquement le personnage du peuple et Salluste incarne l’aristocratie ; La suite de la scène prend des allures de règlement de comptes. 

Le face à face entre le maître et le valet tourne à l’avantage cette fois du second et le motif du meurtre s’apparente plutôt à une vengeance personnelle.

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28. mai 2016 · Commentaires fermés sur Les dernières paroles du poète en prison : René Daumal cherche à avoir le dernier mot.. · Catégories: Première · Tags:
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Ce poème de René Daumal a été composé en 1936 et fait écho à la Guere d’ Espagne qui oppose les républicains (rouges espagnols ) aux troupes commandées par le  général Franco (les franquistes  surnommés les blancs ) .

Il est formé de prose poétique avec quelques retours à la ligne qui pourraient encore faire penser à des vers et sa dimension poétique ne provient pas de la versification mais de la présence d’images fortes et d’un rythme particulier. Daumal y pose le problème des fonctions du poète dans la société , notamment en temps de troubles. Il tente également de mesurer  l’utilité de la poésie comme parole de combat. Nous pourrons nous demander ce qui caractérise la poésie de cet extrait et comment le poète réagit-il dans son cachot  à sa condamnation.

Sous la forme d’un poème en prose, Daumal met en scène les dernières heures d’un poète condamné à mort ; Ce dernier avant de mourir, cherche deséspèrement, les mot justes , les ultime paroles qu'il pourrait délivrer à ses semblables . Nous étudierons la première page des  lignes 1 à 51 de " D'un fruit qu'on laisse pourrir à terre ..jusqu'à je serai pendu."

Le texte s’ouvre sur un système de métaphores  qui vante les vertus du poème ; ce dernier est rapproché d’un fruit pourri à partir duquel la vie va pouvoir se développer à nouveau, renaître sous la forme d’un arbre. On note que la métaphore usuelle pour désigner la mort paraît comme renversée ici avec cette renaissance de la pourriture. De plus, cett nouvelle vie est très prolifique car elle donne elle même naissance à “des fruits nouveaux par centaines ” l 2 Ainsi la poésie a le pouvoir , comme une graine qu’on sème, de donner de nouvelles récoltes ; Sa force est d’emblée mise en évidence. Toutefois pour que le nouvel arbre puisse pousser, une condition est nécessaire : la collaboration des lecteurs. Dans une sorte de préambule, ou d’avertissement au lecteur, avant de commencer son histoire de poète prisonnier, Daumal nous met en garde contre l’oubli ou l’indifférence face à la parole poétique; Le poème est bien le fruit mais pour que la parole du poète soit féconde, il a besoin d’être lu, et ses poèmes diffusés. 

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Après la métaphore de l’arbre et du fruit, Daumal évoque celle du couple parental qui enfante ; le poète est le père, le lecteur la mère et l’échange entre les deux, l’enfant; Le mot semence employé à la ligne 6 découle de ce contexte d’enfantement et rappelle par ses connotations, à la fois l’acte sexuel et plus largement l’idée de mise au monde : semer la graine et récolter le fruit a ainsi une dimension symbolique qui peut être rapprochée des théories qui voient dans les poètes  des messager pour les hommes , des sortes de guides spirituels; des consciences en éveil et qui sont plus clairvoyantes que le commun des mortels. Le lecteur a ainsi un rôle de premier plan à jouer dans la mesure où il est “fécondateur de l’oeuf ” ‘l 7) Le passage se termine avec la référence à l’oeuf pourri qui non seulement ne sera jamais fécondé mais qui , de surcroît, dégage une odeur pestilentielle. De plus l’idée d’ oeuf pourri stérile rappelle la mention du fruit pourri qui a inauguré le poème te qui lui , est source de vie. 

Le poète condamné à mort apparait à la ligne 9 et il est introduit par ses songes : le verbe songeait  peut signifier tout simplement penser mais il connote également la dimension onirique avec le songe qui est synonyme de rêve . Beaucoup de poètes voient en l’activité poétique un substitut du rêve  éveillé, notamment avec l’influence du mouvement surréaliste.Le contexte politique et historique est précisé juste après : “un petit pays qui venait d’être envahi par les armées d’un conquérant” . En 1936, on peut évidemment penser à la guerre d’Espagne mais plus généralement à toutes sortes d’épisodes marqués par des guerres de conquêtes sanglantes. La condamnation du poète est mentionnée avant même son motif qui est signalé aux lignes 11 et 12. Ce dernier a d’abord été arrêté à cause d’une chanson qu’il chantait sur les routes. Le mot chanson fait référence  à un type de poésie qui comporte des couplets et des refrains et qui peut s’accompagner de musique . L’idée d’un poète errant qui s’efforce de répandre ses paroles rappelle l’image de l’artiste nomade qui parcourt le monde . Le poème à cause duquel il a été condamné évoquait la douleur liée à cette invasion : Il y est question de tristesse qui ronge jusqu’à l’os la chair mise en relation avec les fumées meurtrières brûlent jusqu’au roc la terre de son village. L’analogie met en évidence des correspondances poétiques entre la chair de l’homme et la terre du village: toute deux souffrent beaucoup ainsi que le suggère l’expression jusqu’à l’os qui fait écho, par le jeu des sonorités , à jusqu’au roc. La profondeur de la tristesse est traduite par cette métaphore anatomique et l’adjectif meurtrières appliqué aux fumées montre en personnifiant la fumée, le caractère dévastateur de cette invasion. Le poète a donc été enfermé pour avoir dénoncé les conséquences de la conquête et son arrestation semble bien politique. Durant sa détention, on lui accorde la grâce avant de mourir de s’adresser au peuple une dernière fois. Le fait que le poète s’adresse au peuple, à un collectif, montre que la poésie n’est pas pour Daumal l’expression d’un sentiment individuel mais qu’elle doit se doter idéalement d’une ambition collective. Le poète se fait ainsi une sorte d’interprète (selon la définition de Supervielle )  qui met des maux en mots et tente de provoquer du changement. 

Ce condamné à mort va donc devoir réfléchir à ce dernier poème, son testament en même temps que ses dernières volontés et il a peur de ne pas savoir quel dernier mot prononcer. Il cherche donc quoi dire et comment ses  dernières paroles pourraient le sauver . La première idée du poète est de s’adresser au peuple  en lui rappelant son rôle de fécondateur : “prenez ces paroles qu’elles ne soient pas une graine perdue” ligne 17; On retrouve ici la métaphore de la semence qui germe : le verbe couvez rappelle lui l’image de l’oeuf fécondé et le verbe croître peut faire référence à la croissance d’un végétal qui rappelle l’arbre et ses fruits. Toutefois le poète semble chercher son inspiration et être à court d’idées ; l’interrogative directe crée un contact entre le poète et ses supposés auditeurs ; S’il n’a droit qu’à un mot, on mesure l’importance de ce dernier : un mot simple comme la foudre; Cette métaphore de la ligne 19 marque le caractère fulgurant de la parole poétique souvent assimilée à une sorte de feu sacré . L’association entre simple et la foudre paraît étonnant car la foudre est l’instrument des Dieux, elle détruit ou rend instantanément amoureux , et brûle tout sur son passage ; elle rappelle aussi peut être la violence des fumées meurtrières laissées par les envahisseurs.

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le poète malade

Ce mot est ensuite associé à différentes émotions : d’abord il gonfle le coeur et ensuite, en suivant une sorte de mouvement d’expulsion, il monte à travers la gorge pour finir non pas sur les lèvres du poète ou sur son papier mais dans sa tête. Le trajet du travail poétique partirait donc du coeur, siège des émotions, avant d’être intellectualisé dans le cerveau qui est lui aussi considéré comme la prison des mots :, “un mot qui tourne dans ma tête comme un lion en cage”  Les mots sont comparés à des fauves qui ne parviennent pas à sortir de leur prison.  A la ligne 20  , l’image du lion laisse deviner une certaine forme de violence dans l’expression poétique telle que peut la concevoir Daumal : il ne s’agit pas d’une parole consensuelle  mais d’une parole sauvage et dangereuse presque. Les deux phrases négatives qui suivent confirment cette idée avec le rejet d’une parole de paix, d’une parole apaisante. Pour Daumal, la poésie n’a pas pour vocation de soigner ou de d’être facile à entendre mais ; paradoxalement, elle doit mener à la paix . Ce paradoxe permet de mesurer les effets  puissants et réparateurs de la parole poétique mais à une condition, énoncée ligne 22 : “pourvu qu’on la prenne comme la terre reçoit la graine et la nourrit en la tuant ” . L‘antithèse marquée ici par le contraste nourrir et tuer peut être dépassée si l’on se réfère au geste du semeur qui enfouit la graine avant de laisser le terreau agir pour que la graine devienne l’arbre. Et cette transformation qui marque le processus créateur est rappelée dans la ligne suivante lorsque le poète mourra et sera enseveli dans la terre :  sa postérité, ses paroles lui survivront et sèmeront, à leur tour, de nouvelles graines. Daumal utilise ici l’image de l’arbre à paroles (ligne 23) pour rendre concrète cette transformation. Baudelaire , lorsqu’il évoquait le processus d’écriture poétique, parlait d’une alchimie qui transforme la boue en or . Mais à la différence de Daumal, il n’attribuait pas un rôle politique à la parole poétique qui devait rester l’expression d’un rapport au monde .  En revanche, tous deux sont d’accord sur l’idée que la poésie peut naître de la boue, de la charogne et pour Daumal , de la pourriture  qui résulte de son corps en décomposition dans la terre. 

Ce mot crucial a pour objectif la vérité et c’est sur cette indication que se termine le paragraphe central du texte , ligne 25. Pour qualifier ce mot déterminant, Daumal  recours à de nouveaux détails anatomiques : ce mot le démange et le dévore . On retrouve  ici l’idée d‘une douleur liée à la création , douleur qui irait en augmentant . Les nombreuses répétitions du mot mot attestent de son caractère central: la poésie est d’abord une affaire de mots et ces paroles pour Daumal sont réelles . La comparaison avec la corde qui le pendra montre bien le risque encouru par le poète : ce ne sont pas des paroles anodines mais des paroles capitales que doivent prononcer les poètes.  La nécessité d’une langue poétique simple est liée au fait que pour pouvoir s’adresser au plus grand nombre, il faut en être compris ; le poète qui veut toucher le peuple doit choisir des mots qu’il comprendra. 

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Daumal croit au caractère définitif de la parole poétique et une fois de plus, il en souligne les effets puissants  en évoquant les miracles qu’elle provoque des lignes  27 à 46 . Sous la forme d’une longue énumération qui introduit quelques vers , Daumal détaille les conséquences de ce dernier mot. Alors que les paroles de Dieu , dans l’Ancien Testament , font ressusciter les justes lors de l’Apocalypse et périr les méchants,  les paroles du poète éradiquent les mauvais esprits : ” on verra rentrer sous terre les fantômes et les vampires et tous les voleurs les tricheurs au jeu de la vie…” Le poète se pose ainsi en justicier pour défendre les valeurs qu’il considère comme importantes. Il incrimine ceux qui se réfugient dans le spiritisme pour correspondre avec les morts, ceux qui préfèrent chercher dans le ciel et dans les étoiles des réponses à leurs préoccupations terrestres : l’anaphore ceux qui semble mêler tous ces spéculateurs de la mort . Le suffixe en eur de rêvasseur  marque ici la désapprobation du poète ; il semble en vouloir à tous ceux qui refusent de vivre ici et maintenant, qui fuient les problèmes du monde dans le passé ou le divertissement; Quand il mentionne "ceux qui cherchent dans les astre des raisons de ne rien faire ” cela sonne comme une accusation contre ceux qui refusent de prendre parti ou de s’engager pour une cause ou une idéologie. Les accusations se font plus précises au fur et à mesure de l’énumération avec la répétition du mot maniaques pour qualifier le comportement des artistes qui refusent que la poésie soit faite pour les temps présents : “maniaques des beaux arts qui ne savent pas pourquoi ils chantent dansent peignent ou bâtissent Loin de défendre comme les poètes du Parnasse ou le partisans de l’Art pour l’Art  un art gratuit, au seul service du Beau, le poète pour Daumal doit être l’homme des circonstances et la poésie ne peut tourner le dos au réel ; Il oppose ainsi l’au-delà , territoire des rêves avec l‘ici-bas, domaine de prédilection du poète; Il refuse ainsi le caractère sacré du poète qui n’est, pour lui, qu’un homme parmi les autres qui s’adresse aux autres hommes avec des mots qu’il doit choisir du mieux qu’il le peut . Contrairement à Hugo et au poètes romantiques  qui pensaient que le poète devait être un rêveur sacré avec les pieds sur terre et les yeux levés au ciel , Daumal désacralise totalement la fonction poétique. 

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La fin du texte s’apparente pourtant à une sorte d’apocalypse avec des références aux textes religieux : comme le verbe de Dieu, le mot du poète va provoquer un véritable séisme: les yeux des survivants se retourneront dans leurs orbites (ligne 40) Les images se succèdent et évoquent une sorte d’avénement fantastique avec une lumière aveuglante : “Abîme de Lumière! lumière centrale, soleil unique, feu d’un soleil unique ” Cette illumination  (du nom d’un recueil de poésies d’Arthur Rimbaud, poète admiré par Daumal) représente en fait la lumière de la vérité. Les yeux de ces hommes “se retourneront vers le monde” et “ils verront que le dehors est à l’image du dedans. ” La poésie est ainsi une vision qui mène à la révélation au sens mystique ; L’être y saisit sa vérité, il est délivré des apparences et des erreurs pour entrer pleinement en communion avec l’esprit du monde. Rimbaud disait déjà que le poète devait se faire voyant mais il doit aussi mettre sa clairvoyance au service des autres ; Pour Daumal, ce n’est pas le poète lui-même qui se transforme mais ce sont ses mots qui sont porteurs de Vérité; Le travail poétique consiste donc à chercher à dire les mots qui pourraient avoir de tels effets . Cependant , la fin de notre extrait est marqué par une sorte de désespoir et de retour à la réalité de son sort : le poète condamné est conscient qu’il est extrêmement difficile d’obtenir ces effets ; il pense qu’il mourra  car on le croit fou et on pensera que ce sont des “paroles de démon” ; souvent incompris, parfois maudits et en marge de leur époque, les poètes qui refusent la poésie de célébration du monde , et qui prennent leurs distances avec l’opinion la plus répandue, peuvent parfois le payer de leur vie.

En refusant de chanter les louanges du vainqueur et en prenant le parti des plus faibles, le poète s’expose à être rejeté par ceux là même qu’il veut défendre et il peine à trouver les mots qui le délivreraient. Dans sa prison, le poète se tape la tête contre les murs “le tam-tam funèbre de sa tête contre le mur fut son avant-dernière chanson” Lorsqu’il est emmené pour être pendu, le mot ne veut toujours pas sortir de son coeur ni de sa gorge et au moment où il sent la corde autour de son cou, il lance un chant de guerre en implorant le peuple de combattre à ses côtés; mais il est trop tard et le peuple le pend; La dernière phrase du poème résonne comme un morale : ” c’est souvent le sort ou le tort des poètes de parler trop tard ou trop tôt.” 

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Ce texte est bien plus qu’une anecdote sur un poète condamné pour avoir osé critiquer le pouvoir politique en place, c’est une sorte de parabole qui contient un enseignement et résume la conception de la poésie pour son auteur. Daumal prend ainsi ses distances avec la position romantique et refuse totalement la position des Parnassiens. Le surréalisme renoue avec une vision politique de la poésie qui est avant tout au service de la Révolution. 

La langue utilisée est proche de la prose avec des mots simples, de nombreuse répétitions et anaphores et des systèmes de métaphores et de correspondances qui permettent de rendre plus abordables des notions philosophiques et métaphysiques. Daumal tente ainsi de se mettre à la portée de tous. 

27. mai 2016 · Commentaires fermés sur L’enfer de la déportation : un poète enfermé dans un wagon qui roule vers les camps de la mort · Catégories: Première
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Wagon souvenir 

Jean-Pierre Voidies a 17 ans lorsqu’il est arrêté et torturé par la Gestapo. Avec quelques camarades de lycée, ils ont monté un petit groupe du résistants et sabotent les véhicules allemands garés dans la ville de Caen . Lorsqu ‘il entreprend ce voyage qui a pour destination un camp de concentration situé près de Hambourg (Neuengamme ) , il ne s’attend pas à ces conditions épouvantables. Ses compagnons d’infortune sont  entassés comme des animaux et souffrent de la promiscuité, et surtout ils meurent de soif. 50  à 60 personnes sont parquées dans des wagons de marchandises pour ce qui sera sans doute leur dernier voyage, car des camps,  de ces usines de la mort échafaudées par les esprit des tortionnaires du Reich , très peu reviendront. 

Pour expliquer ce poème et montrer comment le jeune poète tente de restituer l’horreur de cette incarcération , nous pouvons procéder de différentes manières. Les plans qui permettent de répondre à la problématique doivent être construits à partir des thèmes principaux du texte . La question pourra porter soit sur la manière dont le poème évoque cette incarcération soit sur la dimension poétique du texte ; Par exemple : de quels outils dispose le poète pour traduire la dureté de cet emprisonnement ? 

N’oubliez pas de bien vous concentrer sur la question posée et adaptez votre plan à la problématique proposée par  l’examinateur. 

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 Statue du souvenir de Neuengamme

Le poème se présente sous la forme de 10 strophes irrégulières, avec quelques rimes éparses mais surtout de très nombreuses répétitions et on note la présence d’un refrain ; il est assez proche d’un poème en prose mais le poète a conservé une séparation des strophes et des retours à la ligne qui marquent la présence de versification. Les thèmes à développer sont le sentiment d’emprisonnement avec l’étouffement, les coups, la souffrance, les cris; Cette souffrance est mise en scène avec des jeux d’ombres et de lumière, des déplacements (le wagon roule) , les notations auditives et les sensations. Toute une partie du poème est une image fantasme d’une évasion à partir d’une vasque d’eau qui se remplit et d’un train qui roule vers l’eau : le poète passe d’une situation réelle (il meurt de soif dans sa cellule mobile) à une dimension imaginaire et onirique  (une vasque se remplit d’eau , de champagne ) suivie d’un brutal retour à la réalité (les allemands ont distribué de l’eau aux prisonniers qui es sont bousculés et ont tout renversé) ; Ensuite le train passe sur un pont et le bruit de la rivière déclenche à nouveau des images fantastiques des déportés qui rêvent de sauter dans l’eau . La poésie organise ainsi des transitions entre le rêve et la réalité. 

Voilà un exemple de plan détaillé 

CAGE

Ecrit par un déporté, ce poème évoque les souffrances des prisonniers durant le voyage en train qui les conduit dans les camps .Il est composé en vers libre, proche d’une prose poétique et contient de nombreuses images de violence. Entassés dans des wagons à bestiaux, privés d’eau et de nourriture pendant plusieurs jours, les déportés ont voyagé dans d’atroces conditions et pour beaucoup d’entre eux, ce fut leur dernier voyage . Jean-Pierre Voidies tente ici de restituer , au moyen d’un matériau poétique, la réalité de la condition des prisonniers en nous montrant comment on peut  tenter d’échapper à la dureté de son sort en s’évadant par l’imagination et le rêve.

  1. Des conditions épouvantables : le rappel de la dure réalité

  1. La violence avec les coups, les chocs, les blessures physiques

Morsures, pincer, variété des coups reçus (masse, écrasement), broie : une infinité de coups reçus et donnés 21 choc, mesure

  1. L’importance des cris

Divers et variés : soif, chair, écrasé, hurlement, gémissements, (25 geint  = cri faible)  des cris des cris des cris (15), bcp répétitions ; cris= musique , comme un concert avec 11 et 90  refrain cri de soif, cri de chair qui meurt, cri d’écrasé ..qui revient s’étaient, prend une autre voix, une autre langue , tombe retombe .; on a l’impression d’entendre un soliste , ensuite un chant choral, un concert de cris et des modulations , des cri plus ou mois forts ; 

  1. Etouffement et promiscuité

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les déportés sur le quai 

Les corps sont serrés et les mouvements du train accentuent les souffrances des prisonniers : aiguillages frottent la peau, peau sur le bois, les passages en gare déclenchent des rais de lumière dans les wagons ; 35 ils m’enserrent, ils m’écrasent et je suis serré (36) je suis tout tordu (86) soulevé, bousculé (83/84 ) Des mouvements de panique provoqués par la cohue sont notés aux  mêmes vers (58 vous me piétinez, vous me mordez) : une violence animale qui se traduit par les verbes utilisés. Les prisonnier sont déshumanisé et réduits à n’être que  des morceaux de corps ( têtes qui hurlent, main qui griffe (32)  d‘autres pied qui frappent (85) 

  1. L’agonie apparait de manière  nette et parfois brutale  : mourir de soif , s’affaiblir, ne plus pouvoir se relever sont les principales craintes des déportés ; on les retrouve dans le poème avec la lutte pour la survie (je veux vivre répété), les répétitions des brûlures de la soif, la montée en puissance des cris et de la souffrance (crescendo final); C’est un véritable combat auquel se livrent les prisonniers ; ils luttent de toutes leur force pour rester en vie est parfois ils peuvent tuer pour atteindre leur objectif: rester vivant. Le poème utilise ici les nombreuses répétitions comme au vers 30 je veux vivre répété 3 fois ainsi qu’au vers précédent , les 5 occurrences de je la secoue pour montrer la volonté du poète de se libérer de cette masse qui l’oppresse, ce corps sur le sien .

  2.  

  3. C’est véritablement  un voyage épouvantable dont on cherche à s’échapper par l’évasion dans l’imaginaire et la poésie montre ce passage de la terrible réalité qu’elle exprime à une dimension rêvée, fantasme qui se nourrit d’images du souvenir ou de l’espoir . 

  4. Les images du souvenir : réconfort par la pensée ( des images réconfortantes eau, fruits, argent, rafraîchissement, champagne vers 43 les petite filles, les caniches ); elles sont déclenchées par la pensée (pensons à l’eau mes amis 40 et 43)

  5. Les images du fantasme : le prisonnier voyage par la pensée dans un monde idéal qui contraste avec la dure réalité (il peut boire à volonté, a frais, ne souffre plus, imagine que le train déraille dans la rivière); ces images sont restituées au présent et au futur immédiat (je vais boire 54) 

  6. Le dur retour à la réalité : le poème organise un va et vient entre le fantasme et la réalité : les événements qui rythment le voyage sont transformés par l’imagination ; le passage sur un pont (70 le pont va craquer quelles belles éclaboussures cela va faire ) , l’arrivée à une gare, la distribution d’eau par les allemands à l’occasion d’un arrêt  ( vous avez tout renversé ) deviennent des occasions de rêver 

En conclusion, le wagon forme une terrible prison dont on ne peut s’échapper et qui présente  la mort comme horizon.

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les trains à l’arrêt 

 Dès les premiers mots Cage, cage : les déportés sont pris au piège dans leur wagon et l’espace semble se réduire de +en + au fil du texte ; ce qui accroit les sensations d’écrasement et la dimension pathétique ; De plus, le poète s’adresse à ses compagnons avec les apostrophes 43,53,61) dans des sortes de prières pour conjurer ces assauts de violence animale .Les détenus sont totalement déshumanisés et se battent pour ne pas mourir écrasés : seuls les + forts survivront comme on peut le pressentir .La structure circulaire du poème et La NUIT évoquent un cercle de souffrances infinies avec la mort qui s’approche ;  on retrouve la même idée avec les modulations du poème qui est formé de la musique des cri des détenus . Le poète montre également que la force des images permet momentanément de s’évader en pensée d’un monde terrible. Il montre ainsi le pouvoir de images : conjurer le réel momentanément . On peut donc fabriquer de la poésie à partir de n’importe quelle situation comme le montre ici Voidies qui parvient à restituer à la fois sa peur,  sa douleur , la naissance de l’épouvante et  ses lueurs d’espoir , des lueurs intermittentes (v 3)