04. janvier 2019 · Commentaires fermés sur Mon traître : le cas de Tyrone Meehan dans le roman de Sorj Chalandon · Catégories: Première · Tags:

Ce roman de Sorj Chalandon, paru en 2007 évoque la question de l’Irlande, pays  divisé entre son désir de paix et son envie de  résistance contre l’Angleterre dont elle ne reconnaît pas la souveraineté sur son territoire . Cette nation ou catholiques et protestants sont  déchirés par une guerre civile depuis le début du vingtième siècle, a été endeuillée , à de nombreuses reprises par des attentats de l’IRA, l’armée clandestine irlandaise . Mais, au delà du cadre politique tragique,  ce roman évoque surtout l’amitié entre deux hommes: un luthier français qui est le narrateur du roman; ce dernier au cour d’un voyage , découvre l’Irlande du Nord  et tombe amoureux de ce pays, de son histoire et de ses habitants  ; Il va nouer une relation très forte, avec  un patriote Irlandais qui s’avèrera être un traitre et qui sera exécuté par l’IRA en 2006  . L’action se déroule à Belfast et commence en 1977 lors de la rencontre des deux hommes dans un club réservé au anciens prisonnier irlandais : le Thomas Ashe; Le passage que nous étudions se situe à la fin du roman. Après avoir appris, en décembre 2016, la trahison de Tyrone qui fait la une des journaux, Antoine , bouleversé, se rend à Belfast et cherche à découvrir les raisons qui ont poussé son ami à trahir une cause pour laquelle il était pourtant prêt à mourir  . Il est autorisé à le rencontrer une dernière fois mais Tyrone , réfugié dans la maison de son père, à Killybegs, est incapable d’expliquer pourquoi il a agi ainsi . Déçu , Antoine décide de faire la tournée des bars et revient sur le lieu de leur première rencontre .

Quelles raisons peuvent avoir  poussé le personnage  à devenir un traître ? Comment devient on un traître et pourquoi ? Antoine se lance en quête d’un vérité mais elle se dérobe sans cesse et cette plongée dans les nuits et les pubs de Belfast est surtout l’occasion pour Antoine de sonder l’âme humaine et d’essayer de comprendre comment un homme respecté et respectable, se transforme une traître . Examinons tout d’abord le cadre de ce passage : c’est  tout d’abord une sorte de parcours emblématique dans Belfast.

Sur Falssroad, Antoine erre de bar en bar et chacun lui rappelle des souvenirs: le Thomas Ashe bien sûr où tout a commencé et où Jim lui a fait faire la connaissance de Tyrone Meehan; Le MacDaids ( l 45 ) le bar où le fils de Tyrone travaille en tant que portier ; ce dernier a passé plus de 15 ans en prison et à sa sortie de Long Kesh, il découvre que le monde a changé et qu'il n'est plus considéré comme un héros car l'IRA a déposé les armes . Comme la plupart des anciens prisonniers, il vit de petits boulots . Le parcours du narrateur passe par le Busybee où il se rendait fréquemment avec Jim, son ami , mort en faisant exploser une bombe ( 55 ) ; L’enterrement de Jim est rappelé à la ligne 56 ; A cette occasion,  il est précisé que Tyrone “avait été tenu pour responsable des incidents” ; En effet, le cercueil de Jim n’avait pu quitter son domicile qu’une fois qu’on avait ôté tous les symboles qui prouvaient que c’était un soldat de l’IRA ; Les Anglais auraient alors “menacé de nombreuse années de détention” Tyrone;  Toutefois, cette raison ne paraît pas suffisante car le personnage a déjà effectué de nombreux séjours à Long Kesh.  L’étape suivante est le Kiities : au fur et à mesure que la soirée avance et que l’état d’ébriété du narrateur s’accentue, les  tentatives d’explications deviennent plus confuses et se mêlent comme pour imiter les altérations  de la perception d’Antoine. La dernière étape: le Rock Bar est l’occasion de revenir sur le motif financier : Tyrone aurait trahi pour de l’argent . 

Le second point qui marque ce parcours c’est celui de l’anonymat des réponses et de leurs points communs; l’écrivain reprend ici les principaux clichés autour des motifs de trahison et il le fait sous forme d’échanges anonymes : ” un homme a dit ” l 2 ” un vieux type qui buvait au bar ” l 12 “un républicain”  “quelqu’un ” l 64  “une femme ” “une autre ” “un jeune gars d’Ardoiyne”  “une dame âgée ” pour finir avec le pronom personnel “on ” qui ne marque ni le sexe ni l’âge de celui qui s’exprime ; Toutes ces voix sont orchestrées pour nous montrer qu’il existe de très nombreuses raisons qui peuvent pousser un homme à trahir mais que dans le cas de Tyrone Meehan, aucune ne semble satisfaisante; Ces personnages anonymes représentent un échantillon de population irlandaise : on y trouve des hommes, des femmes, des jeunes et des vieux; Toutes les composantes de la  population sont  ici envisagés comme une sorte de représentation de l’humanité dans sa pluralité. 

Chaque étape est donc l’occasion pour Antoine de récolter des avis et des points de vue divers qui sont d’ailleurs âprement disputés  et font l‘objet de désaccords.  Le motif qui est cité en premier : l 1 c’est la trahison par amour ; Cependant cette hypothèse est aussitôt écartée par Antoine car il connaît Sheila, la femme de Tyrone et surtout il n'a jamais vu "Tyrone jouer du regard avec une autre femme “  ( 8); En effet, si la trahison par amour peut expliquer un coup de folie , elle ne s’aurait s’accommoder d’une aussi longue période : plus de 25 ans ( l 10 ) . Les locuteurs émettent alors des hypothèses qu’ils s’efforcent de rendre convaincantes comme s’ils étaient persuadés de détenir la véritable raison : ” un homme m’a juré qu’il  avait fait ça pour protéger son fils ” ( 48) : c’est pour ça qu’il a craqué, pour ne pas retourner encore une fois en prison  “m’ a expliqué le gars ” ( 63) Au fur et à mesure, les paroles devient moins claires  et parfois même fantaisistes :   Une femme croyait savoir ( l 68 )  Un dame âgée avait entendu dire que Tyrone avait peut être un grand-père anglais” ( 78 ) ; Au final , lorsqu’il est à nouveau question de l’argent perçu par Tyrone, on affirme au narrateur que ce dernier a bien été payé :  “personne ne savait combien mais pas grand chose  ( 97 ) ; Le lecteur ne sait plus quoi penser et  il risque , comme le personange, de ne jamais connaître, la ou les véritables raisons de la trahison de Meehan; A noter qu’il ne saura pas non plus en quoi elle a consisté exactement ni quel type de renseignements l’ancien combattant révélait  aux autorités britanniques ni ce qu’il faisait au cours de ses voyages à Paris ni quelles ont été les conséquences de sa trahison. 

Cette indétermination est nécessaire pour que le lecteur puisse encore continuer à s’identifier au personnage du traître qui est plutôt un héros attachant : bon père, bon mari et ami fidèle, il est respecté de tous en tant qu’ancien prisonnier nationaliste et  lieutenant de l’IRA . Au- delà du cas du personnage, ce passage permet de rappeler ce qui peut transformer un homme en traître . Voyons tout d’abord les hypothèse les plus fréquentes : amour, chantage et appât du gain .

L’idée d’une trahison sentimentale, a été rapidement écartée comme nous l’avons déjà dit ; l’idée saugrenue d’une “liaison de Meehan avec l’épouse d’un officier de l’Ira emprisonné ” l 15 mêle sentiments et peur d’être découvert mais comme le rappelle un des personnages : “le chantage peut marcher une fois mais pas toutes ces années “ ( l 25 ) 

Ce même buveur de bière prétend connaître la nature humaine et les raisons qui poussent les  mouchards ( 28 ) à agir : l’argent est un des motifs qui revient le plu souvent et qui sera cité par plusieurs témoins . Les interlocuteurs évoquent d’ailleurs le chantage sous différentes formes : ” les Brits le tiennent avec ça “: cette expression sous-entend qu’on exerce une pression forte sur Meehan en le menaçant ; Les avis différent d’ailleurs , entre les consommateurs, sur la meilleure manière de faire pression sur un individu ; selon les uns”   ils essaient de séduire le traître , pas de l’obliger  ”  “un bon traître ne pouvait pas haïr l’autre camp ”  “que le chantage et la force le rendaient volatile,versatile, fragile et sans valeur pour l’ennemi ” ( 42 )  ; un autre personnage emploie le terme “collaborer ” avec l’ennemi ( 50 ) contre une remise de peine pour son fils ; Ce type de chantage  “ça fait  réfléchir un soldat  et ça peut faire fléchir un homme (  60 ) . On note ici la gradation qui tend à montrer qu’un soldat est plus qu’un simple homme . Le verbe fléchir traduit également la défaite de celui qui accepte de trahir comme s’il se courbait devant quelque chose de plus fort que sa volonté .  

 En fait le personnage aurait pu trahir pour de multiples raisons et le texte les énumère , chacune avec ses variantes .On retrouve dans cet extrait les principaux motifs traditionnels de trahison : nous avons évoqué l’amour , le chantage mais le texte mentionne également des raisons plus avouables comme “en finir avec la violence ” ; dans le cas de l’IRA, un de se membres pouvait décider de ne plus recourir à la violence ; On peut penser à la mort de Jim qui pour Tyrone a sans doute été l’élément déclencheur mais également à l’emprisonnement de son fils Jack. ( 50 à 54 ) : “contre des informations, on libère ta femme ou ton gosse ”  Tyrone aurait ainsi pu trahir son camp nationaliste pour accélérer le processus de paix et faire taire la branche la plus radicale de l’IRA; ce qui serait tout à son honneur . Cependant , il aurait pu également agir par peur de la prison et aurait “craqué” ; Une femme "croyait savoir que Tyrone était fatigué et qu’il voulait que la guerre s’arrête ” . C’est sans doute un mélange de toutes ces raisons que  le romancier a choisi de représenter à travers ce personnage de Tyrone Meehan.

  Ce vieil Irlandais symbolise donc l’archétype du traître  et l’écrivain utilise une analogie avec un film de John Ford intitulé Le Mouchard. Le scénario de ce long métrage est basé sur la trahison d’un Irlandais nommé Gypo Nolan, qui vend à la police britannique son meilleur ami pour obtenir une récompense de vingt livres qui va lui permettre de partir en voyage avec sa fiancée. Néanmoins, le romancier laisse supposer que dans le cas de son personnage Tyrone, ce n’est pas l’argot qui fut l émotif déterminant mais plutôt un ensemble de raisons . Les hypothèses les plus romanesques sont d’ailleurs citées comme la possibilité qu’il soit un agent double   : il aurait ainsi” joué les traîtres pour aider la République ”  ou tout simplement un “salaud “

En conclusion, le mystère de la trahison de Tyrone Meehan demeure entier : il avait de très nombreuses raisons pour devenir un traître et le lecteur doit appréhender ce personnage dans sa complexité : ni tout à fait un héros admirable, ni tout à fait un anti-héros ; Le roman illustre la complexité d’une situation politique, d’une population qui souffre et montre les ravages de la guerre en Irlande sur les coeurs et les esprits . A travers le personnage de Tyrone Meehan, Sorj Chalandon tente de cerner certains choix idéologiques et nous fait réfléchir sur le  “problème” Irlandais : ce pays en a t-il  vraiment fini avec la violence ? 

01. janvier 2019 · Commentaires fermés sur Les liaisons dangereuses : Valmont expert en trahisons sentimentales .. · Catégories: Première · Tags:

Le roman épistolaire de Laclos rédigé en 1782 a failli lui coûter sa carrière militaire car ses supérieurs l’ont considéré comme une violente critique  contre la noblesse dépravée.  Le succès du roman a été très important et la traduction anglaise parut moins de deux ans plus tard.  L’intrigue principale met en scène un couple manipulateur formé par la Marquise de Merteuil et le vicomte de Valmont qui trompent tous les membres de leur entourage et se font passer pour des gens vertueux et aimables alors qu’en réalité, ils sont égoïstes et fourbes. La structure du roman par lettres met le lecteur dans une position particulière : il connaît tous les échanges entre les protagonistes et ainsi, il devient une sorte de voyeur car il entrevoit leurs moindres secrets et tous  leurs mensonges. Valmont incarne les dangers du libertinage : calculateur, il s’efforce de ne rien laisser au hasard et prémédite la manière dont il va séduire la Président de Tourvel, une jeune femme devant laquelle il va  tenter de se faire passer pour un homme pieux et sincère. Après de longs mois d’une cour acharnée , il a finalement réussi à se faire aimer d’elle ; pendant tout ce temps, il a continué à voir d’autres femmes et  lui menti constamment sur la sincérité de ce qu’ il éprouve pour elle .  Alors qu’il passait la journée en sa compagnie et qu’elle désirait sortir, il a prétexté un rendez-vous important et a pris congé d’elle; La Président  a finalement décidé d’aller dîner chez des amis et ne chemin, sa voiture rencontre celle de Valmont, près de l’opéra, accompagné par une courtisane, une fille connue pour vivre de ses charmes.  Nous allons étudier la lettre 137 envoyée par Valmont à la présidente de Tourvel  : elle constitue la réponse à la lettre de la jeune femme, désespérée, qui pense alors être trompée et  demande à son amant  de mettre un terme à leur relation. Le vicomte se défend  avec beaucoup d’éloquence en employant une stratégie argumentative astucieuse. 

 

 

 

Dans cette lettre , Valmont tente de  se justifier auprès de la Présidente qui se considère trahie : elle lui avoue avoir eu tort de lui faire confiance et s’accuse de son propre aveuglement. Il tente alors de la rassurer et de regagner sa confiance. Nous examinerons la stratégie argumentative de Valmont : comment tente t-il de convaincre Madame de Tourvel qu’il ne l’a pas trahie ?

Notons tout d’abord qu’il s’efforce de faire naître sa pitié en utilisant un registre pathétique . Dès les premières lignes, on trouve des points d’exclamation qui traduisent son émotion . Le verbe frémir traduit, par exemple, l’intensité de ses sentiments et pourrait désigner , à la fois la peur mai également le frisson de l’amour. Valmont reprend point par point les reproches  contenus dans la lettre qu’il a reçue: Il évoque ainsi “l’affreuse idée” que se fait de lui la jeune femme pour mieux tenter de lui donner tort. Il concède tout d’abord un argument à la partie adverse en affirmant qu’il a eu des torts  mais il tente aussitôt de lire minimiser. Le modalisateur “sans doute ” tend à réduire sa part de responsabilité . Cette une technique argumentative efficace  est appelée concession. Cette technique est  employée également aux lignes 6 lorsqu’il est question des apparences; Valmont concède qu’elles ont pu le desservir et donner de lui une image négative pour mieux tenter ensuite de réfuter cette idée et de se faire passer pour innocent.  

La syntaxe expressive fait ressortir l’indignation du vicomte grâce notamment aux parallélismes de construction et aux répétitions : “ Qui moi vous humilier vous avilir ” ( l 4 ) ; Ces deux verbes ont un sens critique très fort et la technique employée ici porte le nom de dénégation; l'accusé nie  en partie les faits et  se défend d'avoir voulu nuire à la jeune femme.  Cette fausse indignation est suivie d'une déclaration respectueuse : “quand je vous respecte autant que je vous chéris ” ( l 4 ) On note le contraste entre les deux parties de la phrase et la conjonction de subordination quand  qui marque la simultanéité des deux actions a ici,  presque la avaleur d’une opposition ; On pourrait le traduire par : alors que. Le vicomte tente de donner de lui l’image d’un homme respectueux alors que les faits disent le contraire. 

Il fait appel aux sentiments de son amante en utilisant une question rhétorique ligne 7 “ n’aviez vous  pas dans votre coeur ce qu’il fallait pour les combattre ? ” Ici le mot coeur est une métonymie qui désigne à la fois le siège des sentiments, des émotions mais également le siège de l’intelligence et du jugement comme on le voit avec la phrase suivante : “ vous m’avez jugé capable de ce délire atroce ” . Valmont tente de retourner la situation en se faisant passer pour une victime et développe une argumentation dans ce sens ; “si  vous vous trouvez dégradée à ce point  par votre amour , je suis donc moi-même bien vil à vos yeux ” La première partie de la phrase développe un système hypothétique qui fait dépendre la situation du Vicomte du simple jugement de sa maîtresse; Il se décrit comme dévalorisé par l’image négative que la présidente a de lui et qu’il s’ efforce de corriger . Le registre pathétique réapparaît à de nombreuses reprises  notamment aux lignes 11 où le vicomte se prétend “oppressé par le sentiment douloureux ” d’être mal jugé ; ou à la ligne  17 où il évoque un “événement cruel ” et également “la crainte de vous déplaire ou de vous affliger ” ligne 24. Le vicomte rejette  de manière habile en grande partie sa faute sur sa véritable victime  et se plaint de sa cruauté alors que c’est justement sa cruauté à lui qui est affichée par son attitude  ; C’est un habile retournement de situation que de se faire passer pour la victime alors que l’on est accusé à juste raison . 

La question rhétorique est souvent un moyen de persuasion dans la mesure où elle implique elle lecteur dans l’argumentation : celle de la  ligne 17 “cependant qui le croirait  ? “  marque un changement dans la stratégie argumentative du vicomte: après les reproches, c’est le moment d’exposer les faits sous un jour nouveau  et de tenter de faire douter sa maîtresse. Il avance tout d’abord la responsabilité de la présidente qui lui aurait fait perdre la tête et oublier ses obligations : “ cet événement cruel a pour première cause le charme tout puissant que j’éprouve auprès de vous ” C’est une manière habile de présenter les faits en rendant son amante responsable de ses agissements  et en rejetant la faute sur elle au lieu d’assumer un écart de conduite et une tromperie préméditée . L’amour de la Présidente  est donc ici qualifié de “charme tout puissant ” comme pour lui rappeler le pouvoir et la domination qu’elle exerce sur son esprit alors qu’en réalité, c’est le Vicomte qui la manipule entièrement depuis le début en ne cessant de mentir . Il s’agit cette fois de reproches déguisés comme la phrase “je vous quittai trop tard ” ( l 19 )  Le but est toujours de faire culpabiliser la jeune femme et on touche ici le comble de la mauvaise foi

En effet, le lecteur qui a connaissance depuis le début du roman de tous les mensonges de Valmont espère que la jeune femme ne continuera pas à être dupe de ses agissements et finie par découvrir la vérité sur ce séducteur sans scrupules .

Au lieu d’exposer les faits et d’avouer qu’il a retrouvé une de ses anciennes maîtresses nommée Emilie, Valmont rend ainsi  la présidente responsable de tout ce qui s’est passé. Il va même jusqu’à vouloir justifier le fait d’avoir voulu dissimuler la présence de la courtisane par “crainte de vous déplaire ou de vous  affliger ” et évoque ainsi, de sa part “une précaution de la délicatesse “ .( l 25 ) ; Nous voyons ainsi qu’il donne de lui l’image d’un amoureux transi qui craint d’être jugé “coupable “ ; alors qu'il s'est mal conduit, il persiste à se trouver des excuses qui semblent toutes plus ridicules les unes que les autres : il aurait rencontré la demoiselle par hasard et elle lui aurait demandé de la déposer chez elle . 

En effet, la culpabilité du vicomte  ne fait aucun doute dans l’esprit du lecteur et c’est ce qui rend cette lettre particulièrement comique ou tragique selon le points de vue. De plus , ce même lecteur ne va pas tarder à connaitre  une autre  version de cette rencontre, cette fois du point de vue de Valmont lorsqu’il  raconte, deux lettres plus tard, ce même événement  à la Marquise. Dans cette lettre, il ridiculise volontairement la Présidente .  Alors qu’il tente , pour justifier sa tromperie,de faret passer sa maîtresse pour une sorte   de bourreau , de juge impitoyable, il se moque d’elle un peu plus tard  “ je sentis sur le champ que vous seriez portée à me juger coupable ” l 23: cette phrase  a l’allure d’une sentence et parait très sévère . On retrouve à cette occasion un des reproches que les libertins adressaient à la société qui les entourait : elle les jugeait amoraux et donnait d’eux une image négative. 

Valmont va même jusqu’à accuser la femme qui l’accompagnait en évoquant une sorte d’ abus de pouvoir : à travers ses propos, il laisse deviner qu’il méprise Emilie qu’il qualifie de “fille” ce qui sous -entend qu’elle n’est pas mariée et il  lui reproche, à elle aussi, d’avoir voulu profiter de cette occasion si éclatante ” (l 27 ) . Il prend alors, à nouveau la position de victime en évoquant sa “peine cruelle “ et en  renouvelant à l’intention de sa destinataire, son “amour et son respect” . Cette lettre a clairement pour but d’éviter une rupture avec une femme dont , bien qu’il s’en défende, il commence à tomber amoureux : ce qui entre en opposition avec son libertinage . 

Le vicomte  cherche également à culpabiliser la présidente en faisant appel à son intelligence , à sa raison ; Il cumule ainsi des techniques de persuasion fondées sur l’usage de sentiments avec des techniques de conviction qui se basent sur l’usage du raisonnement . Cette lettre déploie des trésors d’éloquence mais le lecteur n’est pas dupe des techniques employées par ce séducteur. il devra toutefois attendre encore deux lettres pour comprendre l’étendue des mensonges et  de l’hypocrisie du personnage.  La cruauté de Valmont atteindra son paroxysme avec la fameuse lettre de rupture qui va suivre . Cette  lettre de rupture terriblement cruelle  a été écrite par Madame de Merteuil et sera recopiée, puis envoyée par le vicomte. Dans cette  lettre  particulièrement humiliante, Valmont déclare qu’il ne l’a jamais aimée. Cette révélation provoquera, à moyen terme, la mort de la jeune femme, victime de ce duo de séducteurs sans scrupules .

Pour les libertins, l’amour  véritable est considéré comme une faiblesse et la Marquise se moque de Valmont lorsqu’elle comprend qu’en dépit de toutes ses dénégations, il éprouve des sentiments pour la Présidente . C’est elle qui va le pousser à la rupture par jalousie .Valmont apparait ici hypocrite et fourbe; Dans  la lettre suivante, Valmont se moque ouvertement de Madame de Tourvel qu’il qualifie d’austère dévote et lorsqu’il mentionne cet épisode, il avoue avoir souhaité rejoindre Emilie, avoir passé la nuit chez elle . De plus, il sait que Madame de Tourvel a  fait envoyer chez lui un messager qui est revenu en mentionnant que le vicomte passait la nuit à l’extérieur .

La lettre  que nous avons étudiée montre une sorte de tentative de reconquérir le coeur et la confiance de la présidente en comptant sur sa naïveté et sur la force des mensonges “admirables ” .Le vicomte est ainsi pris au piège ; d’un côté; la Marquise de Merteuil  continue à lui faire croire qu’elle acceptera de devenir sa maîtresse s’il exécute sa volonté : rompre définitivement avec Madame de Tourvel. D’un autre côté, Valmont aimerait prolonger sa laissions car il éprouve un véritable attachement pour la Présidente . Cette lettre cruelle  mettra définitivement un terme aux illusions de la présidente et révélera toute la noirceur de l’âme de Valmont   La fin tragique du roman est enclenchée :  la jeune femme trahie et blessée se retirera du monde ,  et mourra de chagrin et de remords quelques mois plus tard . Valmont se laissera tuer en duel par le chevalier Danceny et la Marquise, défigurée par la petite vérole  et ruinée par un procès, devra quitter la France définitivement . 

La morale de ce roman est mentionnée dans la dernière lettre “Qui pourrait ne pas frémir en songeant aux malheurs que peut causer une seule liaison dangereuse ! et quelles peines ne s’éviterait-on point en y réfléchissant davantage ! Quelle femme ne fuirait pas au premier propos d’un séducteur ? ” Pour ne pas avoir réussi à fuir et pour avoir cru aux mensonges de Valmont , de nombreuses femmes ont souffert . 

Quelques exemples d’axes de lecture : 

une réthorique du mensonge : les fausses accusations (, concession et dénégations ) et les explications .

le registre pathétique :  se faire passer pour une victime, se plaindre et culpabiliser l’autre

rejeter la faute sur l’autre : hypocrisie et libertinage.  

 

01. janvier 2019 · Commentaires fermés sur Portrait d’un traître : M comme Mouchard ; Le cas de Paul Dounat dans l’Armée des Ombres . · Catégories: Première · Tags:

Délateur, dénonciateur, rapporteur, cafard, barbouze : les qualificatifs aux connotations péjoratives ne manquent pas pour désigner celui qui trahit son camp et livre des renseignements à l’ennemi. La littérature compte certains mouchards célèbres mais la plupart des modèles de personnages fictifs sont issus de l’Histoire. Le succès des films d’espionnage et le cliché de l’agent double continuent aujourd’hui à alimenter les images des traîtres . Dans l’Armée des Ombres, Joseph Kessel invente le personnage de Paul Dounat et nous fait assister à son exécution. 

A peine sorti de son camp de prisonniers, Paul Gerbier doit superviser l’exécution de celui qui l’a trahi . Le chapitre deux s’intitule l’exécution donc le lecteur connaît clairement l’issue fatale . Dè les premières lignes du chapitre, l’identité du traître est révélée ; Paul Dounat parait sous son véritable patronyme alors que comme tous les résistants, il est connu sous un faux-nom; Il a endossé le pseudonyme de Vincent Henry et ignore qu’il a été démasqué par son organisation. C’est donc en toute confiance qu’il se rend au rendez-vous à Marseille et les résistants, venus pour l’arrêter ,  se font passer pour des policiers   . Le lecteur comprend ce qui se passe au moment où l’auteur lui précise que Paul Gerbier devenu André Roussel ,est assis dans la voiture : “ Tout le sang de Paul Dounat lui afflua d’un seul coup et il s’affaissa comme un pantin désarticulé ” . Cependant le personnage du traître est  présenté très rapidement comme “indifférent ” à son sort , au delà de la peur .  ” Le premier choc avait épuisé en lui tout sentiment vivant. Comme toujours et du moment qu’il n’avait pas à choisir , il s’accommodait du pire avec une docilité et une facilité étranges.” 

 Le personnage de Dounat est vu par les yeux de Gerbier qui le juge assez sévèrement  ‘lui parut plus vague encore plus inconsistant qu’à l’ordinaire.  “ paresse manifeste de la  volonté,” pensait distraitement Gerbier . Le style indirect libre est utilisé pour rendre compte des pensées du héros. Gerbier éprouve une sorte d’ennui comme s’il exécutait une formalité fastidieuse. L’épisode de l’exécution est utilisé dans le roman pour montrer le caractère exceptionnel de ces instants qui transforment de simples citoyens en tortionnaires . Le traître comprend qu’il va être effacé de l’ordre humain; cette expression rend sa mort à la fois dramatique et inéluctable. Sa mort était un fait acquis . Lorsqu’il est emmené,   vers la maison où il va être exécuté, Paul pense à la manière dont les communistes se débarrassait de leurs traîtres : “On attirait l’homme de nuit , au bord de la mer, on l’assommait, on le déshabillait, on l’enroulait dans un treillage en fil de fer et on le jetait à l’eau. Les crabes à travers les mailles dévoraient entièrement le corps. ” Ce souvenir revient en mémoire de Paul: il avait entendu cette histoire en compagnie de sa maîtresse et elle avait prononcé ces mots très durs : ” Il n’y a pas de mort assez sale pour les gens qui vendent leurs camarades. “; Le narrateur ajoute le commentaire suivant : il montait docilement entre Gerbier et Félix comme pour établir un lien entre les paroles de Françoise et le sort de son amant. Le romancier utilise ici une alternance de points de vue pour rendre compte à la fois des faits et des effets produits par la trahison sur les personnages ; Gerbier se caractérise , tout au long du roman, par une forme d’impassibilité, allant parfois jusqu’à la froideur ou du moins l’apparence du détachement .

Au moment où le traître lève les yeux vers son bourreau, ce dernier les voit “humbles ,honteux et troublesavec une telle misère humaine qu’il eut envie de crier . On dit de Paul qu’Il redoute particulièrement la souffrance physique et  l’autre le montre en train d’esquisser un geste de protection avec ses mains qu’il place “paumes ouvertes devant son visage. ” Gerbier a une dernière hésitation avant de donner l’orde d’étrangler Paul Dounat mais renoncer à le tuer, c’est tuer Félix et mettre en danger le réseau ; finit-il par penser ; “ce n’était pas la faute de Paul Dounat s’il allait mourir ce n’était pas la faute de ceux qui l’assassinaient . Le seul, l’éternel coupable était l’ennemi qui imposait aux français la fatalité de l’horreur . ” Que pensez-vous de cette  affirmation ? Etes-vous d’accord avec ce raisonnement ?  Chaque convulsion du traître donne à Gerbier une haine nouvelle contre les allemands et le résistant Claude Le Masque se met à pleurer. Gerbier lui conseille alors avec bonté  d’avoir toujours du cyanure sur lui afin de s’empoisonner pour ne pas risquer de parler sous la torture . 

Des idées de plan pour répondre à la question : comment le traître est-il représenté ? 

En introduction, présenter le roman, le cadre de la Résistance et la situation des personnages; expliquez ce qu’il a fait et les raisons de sa trahison ; on peut dans un premier temps présenter ose caractéristiques du personnage et analysez le point de vue de Gerbier et ensuite  montrer que le titre du chapitre l’exécution annonce la dimension tragique du passage.

I un portrait contrasté

Des qualités qui le redent attachant , humain : utile intelligent courageux  AVANT bonne famille, bonne manières, traits agréables 34 belle bouche tendre : fait pour l’amour et pas pour la guerre 36 grain de beauté : petit détail 

Le mépris affiché de Gerbier fait ressortir sa froideur : lui parait vague inconsistant 22 , paresse manifeste de la volonté 40 , incapable de décider  42 : portrait d’un veule : menton indécis , un peu gras 39

Il est devenu un traître par  désespoir amoureux ou par faiblesse  : deux interprétations possibles  inertie 24  ou  devenu instrument de la police 25

le lecteur juge peut être moins sévèrement le personnage que Gerbier 

II Un homme condamné : une fatalité 

prêt à mourir l 1 “c’est alors qu’ils me tueront ” 1 ; absence d’interrogatoire 46 : inutile de vous poser des questions 

déjà mort indifférent :  n’a plus peur , premier choc , plus de sentiment vivant , veines creuses 3 à 10

s’érige en victime : ne releva pas la tête 49  s’accommodait du pire avec une docilité et une facilité étranges 8

 ccl Une exécution qui met en évidence la dureté de la guerre : transforme les hommes et révèle le meilleur comme le pire. Personnage pathétique et scène de l’étranglement qui révèle les difficultés des résidants à commettre ce meurtre. Carapace de Gerbier pour se protéger des émotions ? 

26. décembre 2018 · Commentaires fermés sur Je résisterai ..la résistance palestienne mise en mots par Samih -Al- Qassim · Catégories: Première

Le conflit israélo-palestinien déchire encore aujourd’hui le Moyen-orient et fait partie de nos tragédies contemporaines; fondé en 1948 l’Etat d’Israel qui a servi tout d’abord de refuge aux juifs persécutés du monde entier, n’a cessé de s’étendre pour abriter des millions d’habitants . Pour pouvoir accueillir les Juifs du monde entier, il a peu à peu colonisé les territoires arabes situés à proximité de ses frontières : ce qui  a déclenché la colère des peuples chassés, obligés de s’exiler de la terre de leurs ancêtres; L’Etat palestinien  a décidé  de résister, par les armes notamment , à cette politique de colonisation et la violence ne cesse de croître dans ce qu’on nomme désormais ” les territoires occupés”.

Un écrivain et journaliste palestinien, Sami Al Qassim a rédigé un poème pour évoquer la résistance de son peuple . Samih al-Qâsim ou Samih al-Qâssim est  né le 11 mai 1939 dans la ville de Zarka et mort le 19 août 2014 à Rameh, près d’Acre.Poète et journaliste palestinien, druze d’Israël, né en Transjordanie, son œuvre, en arabe, comporte plus d’une trentaine d’ouvrages: des recueils de poèmes, des récits et des essais. Ecrivain engagé ,Samih Al- Qasim a souvent subi les affres de la censure, du harcèlement, de la résidence surveillée et de l’incarcération pour avoir dénoncé ouvertement la violence de la politique israélienne en Cisjordanie et à Gaza ainsi que pour avoir refusé de servir dans l’armée israélienne.  Samih Al-Qassim est donc un résistant. Dans tous les sens du terme, un homme qui ne plie pas, qui ne cède pas, qui contrarie, qui combat. Nous allons étudier l’un de ses poèmes qui s’intitule ” je resisterai” , en répondant a la question : En quoi l’auteur illustre t-il la resistance dans ce poème? 

Formé de trois strophes de 9 vers irréguliers et   rythmé  par le vers isolé  en guise de refrain : je résisterai, cette composition poétique fait état de la farouche détermination du poète . Comment le poème illustre-t-il le combat qui est mené ? Dans un premier temps, nous étudierons la vision de l’occupation et  la cruauté des ennemis et nous évoquerons ensuite le caractère absolu de la résistance

Notons tout d’abord que l’occupant est partout dans le poème et pousse le poète dans ses derniers retranchements; La première conséquence de la guerre est  peut être l’appauvrissement qui se traduit par la vente des derniers biens du poète : “je vendrai peut être mes habits et mon matelas” au vers 2. Le dénuement est d’ailleurs marqué au vers 5 par les adjectifs “nus et affamés ” . La souffrance de la population se traduit donc sur un plan matériel avant d’atteindre dans la dernière strophe , une dimension spirituelle. En, effet, il est possible de remarquer une gradation dans les images utilisées pour traduire les souffrances de la population. Aux privations matérielles succède , dans la seconde strophe, la menace de l’emprisonnement avec l’expression “jetteras peut être ma jeunesse  en prison ” . Cette image traduit concrètement ce que risquent les opposants et les combattants ; L’auteur lui-même n’a pas échappé à certaines menaces d’emprisonnement et de résidence surveillée à cause de ses engagements politiques. L’image de la prison est amplifiée dans la troisième strophe avec l’hyperbole “tu élèveras peut être autour de moi des murs et des murs ” au vers 25. On retrouve ici une vision du ghetto avec ces zones fermées par des frontières contrôlées par l’armée d’occupation ;Le contrôle du territoire est ici un moyen d’imposer sa domination territoriale qui se double d’une forme du domination culturelle . Les habitants des territoires occupés sont donc enfermés , privés de nourriture et de biens essentiels ; la première strophe montre à quel point leur situation est difficile et leur survie menacée; Ainsi, ils sont réduits à fouailler la terre comme des animaux pour se nourrir : “ Je chercherai peut- être dans le crottin des grains “ . Les grains symbolisent ici une forme de nourriture  rudimentaire basique et le crottin désigne les excréments ; L’occupation prive ainsi les habitants de leur dignité et les amène à se comporter comme des bêtes qui retournent la terre à la recherche de nourriture . On mesure ainsi l’humiliation que fait subir l’occupant et la dureté du régime d’occupation. On peut penser également aux situations de blocus et à l’isolement des habitants des territoires occupés qui ne peuvent se déplacer librement. 

L’occupant est présenté à travers ce poème comme un véritable tortionnaire : la périphrase  ennemi du  soleil répétée dans les trois strophes, assimile l’occupant à un semeur d’ombre, celui par qui arrive la nuit ou celui qui empêche de voir le jour. Cette hypothèse se confirme au vers 21 avec l’idée que les bourreaux vont “éteindre peut être tout lumière ” Et cette privation de lumière qui fait suite aux privations de nourriture et aux privations de liberté peut correspondre au stade ultime de la souffrance, son point culminant en quelque sorte . En effet, les images de la dernière strophe sont marquantes et reprennent des idées déjà mentionnées dans les deux premières strophes mais avec une forme d’amplification collective; La souffrance individuelle devient ici la souffrance d’un peuple tout entier.  Les trois âges de la vie sont représentés : la jeunesse jetée en prison fait place ici à  l’enfant privé de la tendresse de sa mère au vers 22 qui désigne les orphelins de guerre; le poète fait état également de la politique de communication israéleienne qui présente aux occidentaux les palestiniens comme des terroristes qui s’en prennent à d’innocents civils alors que la situation est beaucoup plus complexe sur place  ; Le poète dénonce ainsi une entreprise de falsification historique emmené par son propre gouvernement qui présente les événements de manière partiale. 

Au delà du risque d’enfermement et de séparation, la résistance se traduit par d’autres risques comme celui de perdre des êtres chers ou d’être coupé de ses racines. Les pertes subies sont énumérées dans la seconde strophe : tu me dépouilleras peut- être du dernier pouce de ma terre. La terre est ici l’image des liens entre les habitants et leur sol natal et le poète reprend l’idée d’un rétrécissement du territoire palestinien  au fur et à mesure de l’extension de l’état hébreu. Non seulement les Palestiniens sont contraints à l’exode ce qui peut provoquer l’occupation de leurs maisons comme à Jaffa qui est devenue une colonie israélienne; Les maisons vides de leurs habitants ont  été attribuées aux nouveaux arrivants : la spoliation s’ajoute ici à la tristesse d’avoir du partir . Le vers 14 fait allusion à des autodafés qui rappellent aux occidentaux d’autres périodes d’occupation où on brûlait les livres; La disparition d’un peuple, en effet s’accompagne souvent de la tentative de destruction de sa culture et de sa mémoire. Enfin, la strophe centrale se termine par une image de terreur : “l’épouvantail de la terreur ” qui nous suggère que la plupart des habitants s’enfuient par peur de mourir . Et pour terminer , le poète mentionne qu’il se battra jusqu’à la dernière pulsation de ses veines “; on retrouve l’idée selon laquelle il est prêt à mourir pour sa cause .  Grâce à des mot simples et à des répétitions, le poème diffuse une sorte d’hymne à la résistance; Le poète se présente , à travers le Je , comme la victime sacrificielle d’occupants sans coeur , prêts aux pires horreurs comme “jeter son corps aux chemins ” . Le registre pathétique est ainsi déployé tout au long des trois strophes , à travers des notations précises mais qui ne font jamais  directement référence à un contexte historique déterminé. Ce qui permet au texte d’atteindre à l’universalité et de dépasser la simple évocation d’un conflit en particulier . Cette prétention à l’universalité lui donne une force peu commune qui traduit, de tous temps et à toutes les époques , les souffrances des opprimés .

Ce poème peut , sous cet angle,  être considéré comme un hommage à la Résistance envers et contre tout.  Ainsi,  “je résisterai” peut être lu  comme un blâme d’un aspect de la politique israélienne , dans une volonté de dénonciation de ses excès. Le poète exprime ainsi son engagement au sein du  conflit Israélo-palestinien . Il prend fait et cause pour les habitants de territoires occupés. Mais le poème “je résisterai” peut également se lire comme un hymne à la vie et à la résistance d’un peuple  Ce poète manifeste ainsi son engagement :  avec des mots le poète fait  oeuvre de résistant. Grâce à la poésie, la résistance se fait absolue et englobe le monde. L’auteur démontre ainsi que le pouvoir de la poésie transforme cette détermination en texte universel que chacun peut s’approprier. 

 

 

 

 

09. novembre 2018 · Commentaires fermés sur La trahison et les traîtres : petite histoire de trahisons et portraits de traîtres ! · Catégories: Première
traitre1.jpg
Brutus tue César 

La littérature compte de nombreux traîtres célèbres aussi bien dans les romans que dans les pièces de théâtre ; Au cinéma également,on retrouve souvent le personnage du traître . Essayons de remonter le temps et voyons ensemble quelles sont les figures historiques du renégat. Nous pouvons également nous demander ce qui pousse les individus à trahir: de Judas qui vend Jésus aux Romains, en passant par Caïn qui tue son frère , les raisons de trahir sont variées. On peut trahir un ami, un amour, un pays , une patrie et même un idéal , un parti, un combat. , un camp. On trahit parfois par jalousie, par appât du gain, par méchanceté , par imprudence , pour sauver ceux qu’on aime et qui sont menacés, pour sauver sa vie tout simplement . 

 

Dès l’Antiquité, on compte quelques trahisons spectaculaires : Clytemnestre trompe son mari Agamamenon et le tue avec la complicité de son mandat ; Elle sera elle-même tuée par son fils  Oreste qui, en vengeant son père devient matricide . 

traitre2.jpg
Caïn tue Abel 

Au Moyen-Age , les traîtres sont déjà nombreux dans les chansons de gestes et les romans de chevalerie ; Ganelon est une figure légendaire de traître : il est accusé d’avoir trahi Roland à Roncevaux et provoqué la douleur de l’empereur Charlemagne; Le souvenir de cette trahison sera rappelé dans la littérature durant des siècles. Dans la chanson de Roland, Ganelon parvient, en effet à convaincre Charlemagne de signer la paix avec les Sarrasins mais Roland l’envoie, en personne, porter le message aux ennemis .Pour sauver sa vie, Ganelon  signe un accord avec ces derniers; Il est prêt à leur livrer Roland.  Il leur assure qu’il s’arrangera pour que Roland soit à l’arrière de la troupe avec ses hommes ; Ainsi  isolé, les Sarrasins pourront le tuer facilement .  Roland est pris au piège et sonne du cor pour alerter son oncle mais il est trop tard. Un fois son neveu tué, Charlemagne organise le procès de Ganelon accusé d’avoir trahi . Cependant la Cour demande sa grâce car Ganelon a trahi Roland simplement . Un signeur démontre qu’en agissant ainsi, Ganelon  a mis en danger l’empereur et qu’il mérite donc la mort.  Au terme d’un duel judiciaire remporté par l’accusation, le traître est écartelé sur la place publique La félonie au Moyen-Age est considérée comme un danger pour la société féodale qui repose sur le respect de la parole donnée à son suzerain

Dans le théâtre de Shakespeare, les traîtres font couler le sang ; Durant le seizième siècle, les anglais semblent obsédés par la trahisson: il est question de complots, et de conspiration dans la plupart des pièces historiques de Shakespeare. A Londres, les visiteurs pouvaient observer les têtes des traîtres empalées sur le pont principal de la Cité. Jules César qui met en scène la trahison de Brutus , le fils adoptif de l’empereur, eut un très grand succès. Hamlet lui aussi , héros éponyme, va trahir et tuer Claudius. Richard II autre héros de théâtre affirme se trahir lui-même et observe dans un miroir les métamorphoses de son visage qui reflètent sa propre trahison . 

Au siècle classique , les traîtres sont nombreux et notamment dans le domaine amoureux. L’adultère y voisine avec les paroles trompeuses des séducteurs dont Don Juan est la figure emblématique . Dans un roman écrit par une femme,  Madame de Lafayette, une jeune Princesse, Madame de Clèves ,  avoue à son époux qu’elle craint d’être amoureuse d’un autre homme : le Duc de Nemours, lui-même sur le point d’épouser la reine d’Angleterre . Elle supplie alors  son mari de lui permettre de quitter la Cour et de se réfugier loin du Duc. Le Prince accepte mais meurt de chagrin à cause des aveux de sa femme . Il la pense, en effet, infidèle alors qu’en réalité, elle ne l’a jamais trahi et a toujours repoussé les avances du Duc . Une autre nouvelle de Madame de La Fayette est construite sur une variante du même modèle; La Prinecce de Montpensier retrouve après son mariage son ancien amour : le Duc de Guise mais ce dernier trahit leur relation secrète en la rendant publique et renonce à elle pour une autre. Une autre héroïne : la Comtesse de Tende se retrouve enceinte  de son amant et obligée , après la mort de ce dernier, d’avouer son infidélité à son mari . Ces jeunes femmes hésitent à vivre leur passion car elle est une véritable menace pour elles. De nombreux personnages meurent d’amour dans les romans de cette période et la littérature , en décrivant la trahison sentimentale, tente de percer les replis du coeur humain. 

traitre3.jpg
 

Au cinéma, les traîtres crèvent l’écran : personnage typique des films d’action, il finit le plus souvent par être démasqué et puni , pour le plus grand plaisir du spectateur . Il est le personnage qu’on adore détester. Son modèle provient du mélodrame, théâtre d’action qui se jouait sur les grands boulevards parisiens au dix-neuvième siècle . Personnage pivot de l’intrigue, le traître agit sous un masque, sous une fausse identité souvent et   commet en secret d’odieuses manigances (détournement d’héritage, meurtres en tous genres, chantage, abus de  biens , extorsion de fonds ) . Il est finalement neutralisé , puni parfois durement , il  se montre de temps en temps repentant, emprisonné ou pardonné , mais il n’est pas rare qu’il finisse par mourir , payant ainsi ses fautes de sa vie  . Certains stéréotypes connotent sa noirceur morale comme le regard sombre, le cheveu noir, la voix caverneuse et la musique inquiétante qui accompagne souvent son apparition à l’écran . Le personnage du traître s’adapte et varie selon les idéologies jusqu’à devenir, par exemple , dans les James Bond, un émissaire russe en pleine période de guerre froide. Ce personnages peut être assimilé à une sorte de bouc-émissaires pour les spectateurs qui souvent, au début du cinéma,  criaient en les voyant sur l’écran .

Au final les modèles du  traître évoluent selon les genres et les époques. Opposés aux héros  positifs dont ils constituent l’antithèse, ils cristallisent les émotions négatives des spectateurs et représentent les incarnations du Mal sous toutes ses formes. Néanmoins, leur humanité les rend assez proches de nous et nous fait imaginer que nous pourrions , à notre tour, un jour , trahir ceux que nous aimons et leur nuire. 

 

 

01. octobre 2018 · Commentaires fermés sur · Catégories: Première · Tags: , ,
 

 

26. septembre 2018 · Commentaires fermés sur Octobre de Pierre Seghers · Catégories: Première · Tags:
seg1.jpg
 

Écrit en décembre 1941, le poème « Octobre » de Pierre Seghers est paru en juillet 1943 dans le recueil L’Honneur des poètes, aux Éditions de Minuit, qui rassemble des textes de poètes résistants. Ce poème rend hommage aux otages exécutés par les nazis au mois d’octobre 1941, pour punir plusieurs attentats. En effet, le 19 octobre, un déraillement a lieu sur la ligne ferroviaire Rouen-Le Havre et le lendemain, le lieutenant-colonel Holtz est abattu à Nantes. En représailles, le 22 octobre, vingt-sept otages internés au camp de Châteaubriant, sont fusillés, la plupart communistes.
Le 21 octobre, un attentat est perpétré contre le conseiller de l’administration militaire Reimers à Bordeaux. La riposte ne se fait pas attendre : le 24 octobre, cinquante otages sont fusillés au camp de Souge, en Gironde. Voilà donc les faits historiques qui ont inspiré au poète ce texte de résistance . Les analyse qui vont suivre ont été résumées à partir du site canopé: Poètes en résistance .

 

Comme dans le poème d’Aragon , il est possible de partir de ce contexte afin d’ évoquer plusieurs thèmes principaux : les souffrances des hommes morts et considérés comme des héros déclenchent la colère de Seghers et il appelle à poursuivre le combat en entretenant le souvenir des disparus. 

La mort est omniprésente

La mort s’impose dès le premier vers, avec l’adjectif « mortes » placé à la rime. Son champ lexical parcourt tout le texte. C’est une mort violente – « sang » (v. 2 et 24), « Massacre » (v. 3), « sanglante » (v. 13), « criblés » (v. 15), « calvaire » (v. 21), « fusillés » (v. 24) – 
Le rouge, en effet, tranche sur le blanc (« la neige du monde » et « l’hiver blanc », v. 5) qui symbolise l’immobilité, l’engourdissement, une autre forme de mort, par paralysie cette fois. Une troisième couleur apparaît dans le poème, le vert qui, étrangement, qualifie le ciel (v. 15) et Octobre (v. 22). Ce vert évoque plutôt les uniformes militaires et donc l’occupation nazie. Dans un paysage blanc, morne, engourdi, plombé par le vert des nazis, le rouge sang éclate, dérange .
La colère est d’autant plus grande que la mort est injuste. D’une part, elle intervient alors que le pays s’était rendu, comme l’indique la mention d’Eustache de Saint-Pierre, le plus célèbre des bourgeois de Calais, qui livrèrent les clés de la ville au roi anglais Édouard VII en lui demandant d’épargner la population. D’autre part, elle touche des « Innocents », et en grand nombre, comme le souligne l’anaphore insistante de « Cinquante » (en tête des v. 8, 9, 10, 11, 13).

seg3.jpg
 

L’innocence des victimes

Le premier terme qui désigne les morts dans le poème est celui d’«Innocents » (v. 4), repris par les expressions « sans méfaits » (v. 10) et « aux regards plus droits » (v. 11), puis par le substantif « enfants » (v. 15,18,20). Cette innocence est reconnue par « Le dieu des Justes » qui « les accueille » (v. 16). Avec la parataxe du vers 10, elle semble étroitement liée à l’idée de filiation. L’absence de lien logique entre « Cinquante sans méfaits » et « ils étaient fils de chez nous » invite, en effet, le lecteur à rétablir un lien causal : « Cinquante sans méfaits parce qu’ils étaient fils de chez nous ». Se dégage ainsi une image idéalisée de la France.

Des fils héroïques

Les fusillés symbolisent donc la France, parce qu’ils sont ses « fils » (v. 8). Le terme est repris par l’expression redondante « fils de chez nous » (v. 10), qui lie étroitement ces morts au pays, et l’emploi du substantif « enfants » avec l’adjectif possessif « ses » (v. 15) insiste encore sur cette idée. Ils représentent son peuple d’artisans et de paysans, comme le suggèrent, au vers 9, les termes « échoppe » et « plaine ». À travers eux se dessine l’image d’une France autrefois heureuse – qui se lit également dans l’emploi du verbe « chanter » à l’imparfait (v. 9) – mais désormais accablée. La personnification des lieux touchés par les massacres, avec l’adjectif « sanglante » (« notre Loire sanglante », v. 13) et le verbe « pleure » (« Bordeaux pleure », v. 14) rend plus concrète, précise et pathétique l’évocation du pays blessé.
La France est courageuse aussi, puisque le même verbe « chanter » est, cette fois, conjugué au présent, renforcé par l’adverbe « toujours » (v. 15). Les fils de France « criblés » ont supporté courageusement leur mise à mort et la permanence de leur chant peut être comprise comme une provocation face à l’ennemi, comme la certitude d’être dans le juste et le vrai. Ils sont les dignes fils de leur mère patrie personnifiée en mère douloureuse mais « droite dans son deuil » (v. 13)..
Cette mère digne devant la mort de ses fils en évoque une autre, la Vierge Marie. La référence est autorisée par les autres allusions religieuses que contient le poème et qui héroïsent les fusillés. Tout d’abord, leur courage et leur innocence font que « Le Dieu des Justes les accueille » (v.16) et leur chant rappelle les cantiques des martyrs, torturés pour leur foi. Ils sont d’ailleurs « vêtus de feu » (v. 17), allusion non seulement à leur mort « par le feu », mais également à l’auréole de lumière qui nimbe les Saints. Par ailleurs, « Le Massacre des Innocents » (v. 4) renvoie à l’épisode de l’Évangile selon Matthieu dans lequel Hérode le Grand, roi de Judée à la solde des Romains, ordonne le meurtre de tous les enfants mâles âgés de deux ans ou moins dans la région de Bethléem, peu après la naissance du Christ. L’expression évoque donc le scandale d’une jeunesse innocente sacrifiée et la douleur d’un peuple asservi (les Juifs), sous une domination cruelle (Rome). La situation est évidemment facilement transposable à la France subissant le joug nazi. De même, le mot « calvaire » (v. 21), qui dit à la fois les souffrances du pays vaincu et leur propre supplice, les apparente au Christ, mort pour le salut des autres hommes. Par leur sacrifice, comme Jésus, les fusillés appellent leurs semblables à une prise de conscience et, comme lui, ils sont promis à la résurrection que le futur de l’indicatif des verbes « ressusciter » (v. 17), et « renaître » (v. 21) présente comme certaine.

Le souvenir à conserver 

seg4.jpg
 

Cette résurrection passe par la mémoire et par la transmission, assurée par « nos écoles » (v. 17), qui ne représentent pas seulement ici la relève des jeunes générations mais l’avenir de la nation.La répétition du nom « enfants », marque bien la perpétuation du souvenir.
Ainsi ne sont-ils pas morts pour rien car, après avoir fait « s’élargir la colère » (v. 6), ils font naître une autre figure légendaire, constitutive de l’identité nationale, celle de « la Jeanne au visage de fer » (v. 23), Jeanne d’Arc, incarnation absolue de la résistance à l’ennemi envahisseur, par ailleurs martyre et sainte patronne de la France. . Elle s’oppose à « Eustache de Saint-Pierre » (v. 7), symbole de la reddition et de la soumission au vainqueur. Son apparition annonce une détermination à combattre (elle a un « visage de fer » (v. 23), un masque guerrier) et un triomphe futur qui s’alimentent dans le sang des martyrs. Avec elle, les fusillés entrent dans l’Histoire et deviennent des héros épiques, c’est-à-dire des hommes exemplaires, porteurs des plus hautes valeurs de la communauté, soutenus par la puissance divine et à la mort desquels les éléments naturels participent. Le vent, en particulier, joue un rôle actif, il « pousse » (v. 1), « emporte » (v. 3) et « porte » (v. 5). Les « colonnes de feuilles mortes » (v. 1) rappellent les colonnes de soldats ou de prisonniers et la neige emprisonne le monde (v. 5) comme le font les nazis.
Le poème, hommage à la France suppliciée, est donc aussi une invitation à retrouver une certaine grandeur, un appel au lecteur. Ce dernier, déjà apostrophé et pris à témoin au vers 3 (« Le vois-tu… »), est également présent dans le pronom personnel « nous » et dans les adjectifs possessifs « notre » (« notre Loire », v. 13) et « nos » (« nos écoles », v. 17). Lecteur et auteur appartiennent à un même pays et partagent donc une même histoire et un même destin. 
Octobre devient alors, sinon le mois d’une grande révolution, du moins celui de la révolte et de l’appel à la libération.

Plan possible pour un commentaire littéraire 

seg2.jpg
 

Des héros martyrs

  • L’omniprésence de la mort : le titre, le champ lexical, une mort violente, le rouge, le vert et le blanc.

  • Une mort injuste : scandale souligné par l’emploi du vers de treize syllabes, référence à Eustache de Saint-Pierre, anaphore de « Cinquante » ; une mort qui touche des innocents (remarques sur le thème de l’innocence et du bonheur) et des « fils » 

Des héros sacralisés

  • Les fils courageux, sûrs de leur bon droit et provoquant l’ennemi (ils affrontent la mort en chantant), d’une mère douloureuse mais digne (référence à la Vierge Marie).

  • Les autres références religieuses (martyrs, Bienheureux, calvaire, résurrection, promesse de vie éternelle grâce au souvenir dans la mémoire collective).

Des héros épiques : l’appel à la résistance

  • Entrée dans la légende nationale : remarque sur la figure de Jeanne d’Arc et sur les fusillés qui deviennent des héros épiques. 

  • L’appel à la résistance : exemplarité à imiter de Jeanne d’Arc et des fusillés, utilisation des pronoms « tu » et « nous », appel à la fraternité entre l’auteur, le lecteur et les suppliciés.

 

26. septembre 2018 · Commentaires fermés sur Aragon : un poème qui dénonce l’occupation de la France · Catégories: Première
france2.jpg

Le poète ne se contente pas toujours de célébrer la beauté de la Nature ou de chanter l’amour de la femme , il peut aussi mettre son art au service d’une cause et devenir un poète engagé. C’est le cas ici du texte écrit par Louis Aragon, en plein coeur de al seconde guerre mondiale; Comme de nombreux résistants, Aragon a décidé de désobéir aux ordres du gouvernement de Pétain, alors installé à Vichy ; Il est fait prisonnier, s’évade et se réfugie ne zone libre où il compose des poèmes entés qu’il rassemblera dans un recueil en 1943. Formé de  14 quatrains d’alexandrins, ce poème mêle forme classique est allusion aux réalités contemporaines . Aragon y dénonce la politique d’occupation et s’afflige des souffrances endurées par son pays et les Français asservis . Les deux dernières strophes sont des appels à la révolte . 

Comment procéder quand on doit fabriquer un commentaire littéraire à partir du poème ?  Il faut avant tout s’armer de patience et de logique. Petit mode d’emploi … En ouvrant le fichier joint , tu auras un aperçu de la méthode à employer pour réussir ses commentaires littéraires . En fait, à l’oral tu n’auras pas à rechercher la problématique car l’examinateur te la fournit mais il te faudra trouver une organisation; 

france1.jpg

 

A l’écrit, tu dois non seulement trouver les axes majeurs du texte et ensuite ordonner tes remarques au sein d’un plan organisé… tu peux écouter cette vidéo pour mieux comprendre ce qu’on attend de toi …

une vidéo d’ensemble …pour réviser ; Tu peux également consulter la capsule des bons profs sur le commentaire composé et les conseils d’Amélie sur son site commentairecompose.fr

 

09. septembre 2018 · Commentaires fermés sur Sorj Chalandon se confie à un journaliste : genèse d’un roman · Catégories: Première
killy.jpg
 

Par Benjamin Eskinazi, publié le 14/03/2012

En écrivant Mon traître (Grasset, 2008), Sorj Chalandon pensait pouvoir exorciser un démon qui le hantait : la trahison de son ami Denis Donaldson, membre éminent de l’IRA qui a avoué en décembre 2005 avoir été, pendant plus de vingt ans, un espion à la solde des Britanniques. Mais Mon traître, roman raconté par le Français trahi, ne permettra pas à l’auteur de tourner définitivement la page sur cette blessure. Avec un second livre sur le même sujet, Retour à Killybegs, Grand Prix du roman de l’Académie française 2011, où Denis Donaldson apparaît sous les traits du fictionnel Tyrone Meehan, Sorj Chalandon aborde cette histoire du point de vue du traître.

Pourquoi être revenu sur cette histoire, que vous abordiez déjà dans Mon traître?
J’ai écrit Mon traître en pensant que ça suffirait. J’ai choisi le mode romanesque pour me détacher de la vérité. Ce que je voulais, c’était ne pas trahir mon traître : sa mémoire, ses amis, ses proches. Ce n’était pas une histoire sur lui, mais une histoire à cause de lui. J’ai été trahi, et je vous demande de partager avec moi cette trahison, et donc cette douleur, cette blessure. 

 

killy1.jpg
 

Je pensais qu’en sortant cette histoire, un deuil serait fait. Un deuil de l’amitié, de la tristesse, de l’orgueil peut-être aussi. Un orgueil de ne rien avoir vu, de ne rien avoir senti, d’être resté pendant vingt ans à côté d’un homme qui n’était pas celui qu’on pensait.

J’ai écrit ce livre-là dans l’idée de faire une tombe à un ami, un tombeau littéraire et réel. Mais ça n’a pas suffi. Je me suis retrouvé avec la douleur du trahi, mais les gens me demandaient : « Qui est le traître? Pourquoi a-t-il trahi? » J’ai trouvé pratiquement injuste de n’être que le trahi. Pour finir le deuil, il fallait que je devienne le traître. 

Je suis entré deux ans dans la peau de celui qui m’a fait du mal, ce qui m’a permis de ne pas le juger, ne pas le pardonner —ce n’était pas le but — mais de raconter son histoire, en pensant qu’un traître, ça peut être quelqu’un de bien qui a baissé les bras. 

Le premier livre était un livre accidentel, dû à cette trahison. Le second livre était impératif, car le premier ne suffisait pas à ce qu’on comprenne, il ne suffisait pas à mon deuil. Ayant été à la fois le trahi et le traître, j’ai eu l’impression que cette fois-ci le deuil était fait.

Pourquoi avoir écrit un roman, et pas la véritable histoire de Denis? 
Je ne me suis pas senti le courage, la force et l’envie de travailler sur l’histoire de Denis Donaldson. Tyrone Meehan est né en 1925 à Killybegs. Denis Donaldson est né en 1950 à Belfast. Ils n’ont pas le même âge, ce n’est pas le même homme. En revanche, beaucoup de choses dans le roman sont vraies. 
Je voulais que Tyrone Meehan soit la fusion de deux personnages, lui et moi. J’ai voulu prendre du champ par rapport à cette histoire, pour me regarder : je voulais voir le Français avec les yeux de l’Irlandais. Non seulement je voulais voir la traîtrise par ses yeux, mais je voulais me voir par ses yeux, et ça m’a fait un bien fou. 

J’ai choisi le roman et la fiction pour m’éloigner de la réalité, mais en même temps pour être sûr que je pourrais dire des choses que je ne pourrais pas dire dans la réalité. Comment aurais-je pu expliquer que moi, Français, j’ai été appelé à aider, à donner un coup de main. Je ne peux pas le faire. Le roman me masque. Le roman me cache. 

Tyrone pose sur Antoine, le luthier français qui est votre alter-ego dans le roman, un regard de père, de mentor. Il y a beaucoup de douceur et de tendresse dans sa façon de vous voir.
Il faut maintenant que vous renversiez la phrase. Je me regarde avec beaucoup de tendresse, de douceur et avec un regard de père. Il m’appelait « son »— fils —ce qui m’a poussé à le vieillir. Volontairement je me fais presque enfant, dans ses yeux, entre ses mains.

La scène de la rencontre entre Antoine et Tyrone est particulièrement émouvante. Antoine est devant le traître, un traître à sa cause, à son pays, et on réalise que la question qui importe à ses yeux est : est-ce que notre amitié était vraie?
La seule scène commune entre les deux livres, c’est quand le Français rencontre l’Irlandais. Je n’ai pas vécu cette scène, mais elle se serait probablement passée comme ça. Le roman m’a permis de le revoir. 
Je suis le petit Français qui espère qu’on n’est pas traître tout le temps, qui espère que chez un traître, il y a du temps pour l’amitié, pour l’amour, et qui espère qu’on va le lui dire et que ça va l’aider à grandir et à faire son deuil. Mais je n’aurais pas eu la réponse. 

Dans Mon traître, la vie d’Antoine c’est Tyrone Meehan. Mais dans la vie de Meehan, Antoine n’occupe qu’une toute petite place. Je tenais à me remettre en place. Dans sa vie, ma place est minuscule, misérable. Je suis un trahi périphérique. 

Il y a un côté très naïf à Antoine…
Cette naïveté là, je l’assume. Je ne sais pas si naïveté est le mot qui convient, mais la trahison est un chagrin d’amour. Tout l’aveuglement amoureux, grâce au roman, je l’assume. 

Des gens m’ont dit « on ne le supporte pas le petit Français ». Tant pis. Moi non plus je ne me supporte pas quand je réfléchis à cette époque. En même temps, je ne regrette rien. Grâce à ce livre, je ne regrette même pas l’amitié. 

Parce qu’à une époque vous l’avez regrettée?
Bien sûr. Il me disait : « Si tu as des doutes sur notre combat, pense à moi! Viens me voir, que l’on en parle. » Quand j’ai terminé l’écriture de Mon traître, j’étais dans la colère de moi-même. Maintenant, je suis apaisé, parce que j’ai trahi en écrivant Retour à Killybegs. Je suis Tyrone Meehan. J’ai accepté d’endosser l’habit du traître pour être à ses côtés. 

C’est une trahison en temps de guerre. Il a trahi sa communauté, son combat, ses proches, ses frères, ses sœurs, sa culture, sa lutte. Je déteste cette image du traître, un homme qui trahit la communauté qui l’aime et qui le protège. C’est quelque chose d’hallucinant. 

Moi, je ne suis qu’un passant, un touriste, un Français. Et je me suis arrogé — parce que je ne suis pas au cœur de la souffrance de ceux qui ont été trahis, je suis en périphérie de la trahison —le droit, pour ma propre guérison, de prendre sa place. 

Je n’ai pas eu le choix. Si pour m’en sortir il avait fallu boire de l’eau de Javel, je l’aurais fait. Maintenant, il faut que je réapprenne tout, que je réapprenne la confiance. C’était le plus proche, l’insoupçonnable, c’est celui à qui les yeux fermés j’ai confié mes doutes, mes envies, mes joies. C’est mon frère qui m’a trahi. Comment fait-on après? Si mon frère m’a trahi, qu’en est-il de mes cousins, de mes oncles et des gens qui passent dans la rue?

Quand quelqu’un me donne un rendez-vous et ne vient pas, je trouve ça normal. Ce qui est étonnant, c’est quand il vient. 

Si vous aviez pu choisir, auriez-vous préféré ne jamais savoir la vérité sur Denis? 
Je préfère la savoir. L’idée de fêter un jour l’indépendance de la république irlandaise avec un traître à mes côtés me fait horreur. 

Je veux savoir. C’est comme un cancer : si un jour je l’ai, je veux qu’on me le dise, je vais vivre avec, je vais me battre contre, je vais lutter.

Votre processus de deuil est-il terminé?
Il est en cours. Je suis beaucoup plus apaisé. Maintenant, j’ai une sorte de distance, j’ai des images de lui souriant, chose que je n’avais plus du tout. Je réentends sa voix, et pas juste à la conférence de presse où il a dit : « Hello, my name is Denis Donaldson. I am a british agent. I was paid for my information » [Bonjour, mon nom est Denis Donaldson. Je suis un agent britannique. J’ai été payé pour mes informations]. Je réentends des choses d’avant. 

La trahison est un sac de pierres. Chaque fois que quelqu’un a lu mon livre et m’en parle, j’ai l’impression que je lui donne une pierre. Ça allège le sac. 

Ces livres auront pour moi servi à ça et à rappeler ce qu’a été cette guerre, parce qu’on l’a oubliée. À 1h30 de nos portes, Maggie Thatcher a laissé mourir dix jeunes hommes les uns après les autres, et on a détourné les yeux. 

Je me souviens : les grévistes de la faim mourraient les uns après les autres et pendant ce temps les jeunes défilaient contre l’apartheid en Afrique du Sud. C’était tellement plus simple : les noirs/les blancs, les gentils/les méchants. 

Vous avez sur vous des objets irlandais qu’Antoine porte dans le roman : sa bague, sa casquette, son badge. Est-ce que l’Irlande est toujours avec vous?
Antoine m’a emprunté ces objets. Plus jamais je n’écrirai sur l’Irlande, c’est retourné à ma sphère privée. 
On me propose d’écrire sur le sujet, mais je dis : laissons les tranquilles. Ce n’est pas un journaliste, c’est un homme blessé qui a écrit ce livre. La blessure est en train de cicatriser doucement. Cette blessure est à la taille de cet ami, et cet amour est à la taille de ce pays. 

Je n’ai pas du tout une vision romantique, idéalisée du conflit irlandais. J’ai une image violemment pragmatique. C’est une armée de gueux qui se sont levés et battus pour la dignité. Je pense qu’il fallait faire la guerre pour avoir la paix. Ça, l’écrivain peut l’écrire, le journaliste ne le peut pas. Un roman c’est pratique. On se cache bien derrière un roman.

Mais on se dévoile aussi.
Bien sûr. Un jour, un journaliste irlandais m’a demandé : « Quelle est la différence entre Antoine et vous? » J’ai répondu : « Je ne suis pas luthier ». 

Vous avez déclaré au sujet de votre premier roman, Le petit Bonzi, « je ne voulais pas écrire, je voulais écrire ce livre-là. »
Oui, je voulais écrire pour raconter la douleur du bègue. Je voulais écrire ce livre-là. Et puis, j’ai écrit Une promesse, qui a remporté le prix Médicis. Mais depuis Killybegs, je n’ai pas écrit une seule ligne. 

Est-ce dans vos plans?
Pour l’instant, non. Le titre du livre serait Bloqué à Killybegs

Vous avez remporté le Grand Prix du roman de l’Académie française pour Retour à Killybegs. Qu’est-ce ça représente pour vous? 
C’est le prix de la langue, et je trouve formidable pour un ancien bègue de remporter le prix de la langue. On m’a dit : « Désormais, vos grévistes de la faim sont immortels ». Accueillir cette violence-là dans cette institution, c’est aussi ça le processus de paix. Je trouve ça formidable. Surtout quand on est accueilli par Hélène Carrère d’Encausse qui me dit « Ce n’est pas moi qui vous accueille, c’est Victor Hugo dont j’occupe le fauteuil. » Mes amis méritaient ça. 

 

CRÉDITS PHOTO: Photo Sylvain Veyrié/CC-BY-SA (photo originale: https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Sorj_Chalandon_salon_radio_france_2011.jpg

09. septembre 2018 · Commentaires fermés sur Clémenceau contre Jules Ferry : propos d’un député contre la colonisation en 1885 · Catégories: Première · Tags:
clemenceau.png
 

“Ce qui manque de plus en plus à notre grande industrie, ce sont les débouchés. Il n’y a rien de plus sérieux. Or ce programme est intimement lié à la politique coloniale. Il faut chercher des débouchés.Il y a un second point que je dois aborder : c’est le côté humanitaire et civilisateur de la question. Les races supérieures ont un droit vis-à-vis des races inférieures. Je dis qu’il y a pour elles un droit parce qu’il y a un devoir pour elles. Elles ont le droit de civiliser les races inférieures.Enfin, si la France veut rester un grand pays, qu’elle porte partout où elle le peut sa langue, ses mœurs, son drapeau, ses armes et son génie. Rayonner sans agir, c’est abdiquer, et, dans un temps plus court que vous ne pouvez le croire, c’est descendre du premier rang au troisième ou au quatrième.”  Le discours de Clémenceau va donc reprendre les arguments de Jules Ferry pour parfois les contredire . 

La technique qui consiste à réemployer les arguments de son adversaire pour mieux les réfuter est très souvent utilisée pour obtenir un effet sur l’auditoire. Clémenceau emploie ce procédé afin de décrédibiliser son adversaire en montrant à la fois son racisme et son parti-pris. La Fance et le gouvernement sont alors, à cette époque, divisés en matière de politique coloniale car certains préfèreraient que l’Etat investisse sur le territoire national .On retrouve bien dans le discours de Ferry l’idée selon laquelle les colonie sont avant tout une valeur économique dans la mesure où elles vont créer de nouveaux marchés pour les produits industriels de métropole. Clémenceau rappelle alors au public la défaite de Sedan en 1871 et invente un argument  selon lequel les allemands auraient gagné la guerre parce qu’ils avaient un plus gros cerveau. Il ridiculise ainsi certains points de vue racistes qui relient la taille du cerveau comme étant un critère justifiant à lui seul la domination, d’un peuple ou d’une ethnie sur une autre . De plus, il rappelle  avec ce souvenir de défaite que la France est sortie fragilisée de ce conflit et qu’elle n’a pas les moyens de poursuivre une politique d’expansion coûteuse en dehors de ses frontières . ” Mais nous disons, nous, que lorsqu’une nation a éprouvé de graves, très graves revers en Europe, lorsque sa frontière a été entamée, il convient peut-être avant de la lancer dans les conquêtes lointaines, fussent-elles utiles — et, j’ai démontré le contraire —, de bien s’assurer que l’on a le pied solide chez soi et que le sol national ne tremble pas. ” Voilà le devoir qui s’impose. Mais quand un pays est placé dans ces conditions, aller s’affaiblir en hommes et en argent, et aller chercher au bout du monde, au Tonkin, à Madagascar, une force pour réagir sur le pays d’origine et lui communiquer une puissance nouvelle, je dis que c’est une politique absurde, une politique coupable, une politique folle… (Applaudissements à gauche et à droite.) On voit ici que Clémenceau critique de manière explicite la politique soutenue par  M Jules Ferry . 

[…]

Pendant que vous êtes perdus dans votre rêve colonial, il y a à vos pieds des hommes, des Français, qui demandent des dépenses utiles, fructueuses au développement du génie français et qui vous aideront, en augmentant la production, en la faisant à meilleur compte, à trouver ces fameux débouchés que vous fermez par vos expéditions guerrières. (Applaudissements sur divers bancs.)

Ci-dessous la carte de l’empire colonial français en 1911. 

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b530636240/f1.item …