17. mars 2017 · Commentaires fermés sur Montaigne et l’humanisme : des cannibales. · Catégories: Première · Tags:
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Montaigne

Michel Eyquem de Montaigne est un auteur du seizième siècle qui entreprit de rédiger des Essais pour exprimer ses pensées ; il  représente le courant humaniste qui s’efforce de repenser la juste place de l’homme dans le monde.  Les Essais forment un ensemble de réflexions sur des thèmes , un peu comme des discussions ou des conversations entre lettrés. Montaigne y mêle des propos sur sa vie (ce qu’il a mangé, son état de santé ) et des propos plus généraux sur la Vie en général: de l’amitié, des ennuis, de la mélancolie, de la guerre.. Les Essais appartiennent au genre argumentait: l’auteur tente d’y saisir sa pensée en mouvement . 

  

 En 1492, on découvre, grâce aux voyages maritimes que tous les hommes ne se ressemblent pas forcément et ne vivent pas de la même manière. Ce choc des civilisations et des cultures est raconté par l’auteur dans un chapitre de ses Essais intitulé Des cannibales.

 Il s’y met en scène sous la forme d’un témoin et raconte l’arrivée à la cour des Sauvages, source d’étonnement pour les courtisans occidentaux. L’écrivain nous amène à  réfléchir sur le sens du mot sauvage et raisonne à partir  de différents arguments : il va , par exemple; dans certains chapitres qui évoquent les Cannibales, raisonner du caractère fondé ou pas de leur appellation de Sauvage. Montaigne explique que , dans la nature, des fruits sauvages que l’on trouve  ne sont pas inférieurs aux créations de l’homme : la plante qui pousse à l’état sauvage dans la Nature serait même supérieure à une création artificielle car plus robuste, plus naturelle. Cette argumentation se fonde sur un raisonnement analogique et conduit Montaigne à affirmer paradoxalement la supériorité des Sauvages , plus proches de la Nature , adeptes de lois naturelles, sur les Civilisés, corrompus par les vices. Montaigne entend ainsi nous convaincre que la nature humaine est foncièrement bonne et digne de confiance : à l’état de Nature, les rapports humains se passent de lois et de règlements; cette thèse est à l’origine, deux siècles plus tard  du mythe du Bon Sauvage.qui sera repris par les philosophes des Lumières comme Rousseau ou Diderot dans Son Supplément au Voyage de Bougainville notamment. Vous trouverez, à propos de ce mythe, des explications supplémentaires dans le fichier joint ….

08. mars 2017 · Commentaires fermés sur Commentaire littéraire : Rhinocéros : L’exposition · Catégories: Commentaires littéraires, Première · Tags:

 En guise d’introduction …

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La pièce de Ionesco, Rhinocéros est quelque peu étrange pour le spectateur à l’image de son titre énigmatique ;  Elle fait partie du théâtre de l’absurde qui se donne comme objectif de montrer  une certaine forme d’absence de sens de l’existence . Une épidémie de rhinocérite transforme brusquement les habitants d’une petite ville en pachydermes brutaux ; tous vont-ils y succomber ou certains résisteront-ils à cette épidémie. L’exposition s’ouvre avec comme décor la place d’un village , plus précisément la terrasse d’un café; deux amis  Jean et Béranger discutent et leur conversation va être interrompue par l’arrivée d’un troupeau de rhinocéros . Comment Ionesco parvient-il à faire surgir l’absurde d’une situation qui paraît banale?..Nous verrons tout d’abord qu’il s’agit d’une scène de la vie quotidienne perturbée par un événement fantastique qui annonce la tragédie à venir. 

Vous trouverez ci -dessous le plan détaillé du commentaire littéraire de ce texte proposé au bac blanc …

 

A Une scène de la vie ordinaire

1/ Des personnages ordinaires aux relations stéréotypées 

  • Personnages nombreux sur la scène.
  • Déterminant défini générique qui renvoie à un ensemble, à une catégorie que les personnages représentent : L’épicière…
  • Désignation des personnages fantaisiste : prénoms ou fonction ou désignation vague « Le vieux monsieur »
  • Des rapports de force marqués entre les personnages (sexe/social/ professionnel)

2/ Une dispute entre amis  

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  • Discussion autour de thèmes en apparence banals : la routine du travail « Tout le monde travaille […] tous les jours » ; les congés.
  • Ton véhément de Jean qui introduit un rapport agonistique dans la conversation : répétition de « moi aussi », répétition du marqueur d’opposition « pourtant », interjection « que diable !… » ; comparatif de supériorité « mieux que… » ; interrogation rhétorique « seriez-vous une nature supérieure ? » # Négations de Bérenger.
  • Jean est jaloux des relations sociales de Bérenger : ton ironique « Si vous vous en souvenez » et acrimonieux avec la répétition de « notre ami Auguste ? » + interrogations rhétoriques « Y suis-je allé moi ? » = mauvaise foi de Jean marquée par l’absence de logique de sa réfutation. 

 

3/ Une action routinière dans un cadre spatio-temporel réaliste

  • Un café ; une épicerie 
  • « Bonjour, Messieurs que désirez-vous boire ? » 
  • Une identification qui se fait par les lieux et le mode vestimentaire : chapeau mou, canne à pommeau d’ivoire ; petite moustache grise 
  • « La poussière soulevée par le fauve, se répand sur le plateau »➔Il n’y a plus rien à voir : scène peu importante…
  • Réduction de l’importance de la scène : « Il me semble, oui, c’était un rhinocéros »

 

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ion1.jpg, mar. 2017

B Un événement fantastique

  1. Un événement préparé et prolongé par le hors-scène
  • « A ce moment on entend le bruit très éloigné, mais se rapprochant vite, d’un souffle de fauve et de sa course précipitée, ainsi qu’un long barrissement. » ➔L’action est soustraite aux yeux des spectateurs, seule une bande sonore capte notre attention annonçant un bruit insolite et animal qui reste indéterminé.
  • « Bruits devenus énormes ; bruits de galop d’un animal puissant et lourd ; tout proches ; très accélérés » ➔ maintien du suspens + accroissement de la tension du spectateur et du lecteur à mesure que les bruits se rapprochent.
  • « en provenance de la gauche des “oh ! des “ah des pas de gens qui fuient. La poussière, soulevée par le fauve, se répand sur le plateau » ➔ les didascalies externes indiquent encore que l’événement se résume aux conséquences du passage du rhinocéros. Les spectateurs ne semblent pas le voir, ils ne peuvent que se l’imaginer en entendant les cris d’effroi ou de surprise des personnages qui se trouvent maintenant dans le hors scène côté cour. Mais à la bande sonore s’ajoute ici l’élément visuel de la poussière qui explique sans doute pourquoi le rhinocéros ne paraît pas à nos yeux. Cela accentue le mystère qui entoure cette apparition fugace.

 

2 Un événement inexplicable

  • Onomatopées + Phrases nominales + Modalités interrogative et exclamative ➔ surprise des personnages qui ne s’attendait pas à voir un rhinocéros en liberté.
  • « Oh ! un rhinocéros ! » ➔ caractère insolite de la présence du pachyderme dans une petite ville de province, où il n’y a ni cirque ni zoo.
  • « Les bruits produits par l’animal s’éloigneront à la même vitesse » + « tomber » x2 + « une bouteille se brise » ➔ Un événement fugace et violent. Nous ne savons d’où vient le rhinocéros, il renverse tout sur son passage et d’ailleurs il disparaît aussi vite qu’il apparaît nous laissant dans l’incapacité d’expliquer quoi que ce soit. Rien ne justifie sa présence et sa course effrénée.

3 Un événement bouleversant

  • « Mais qu’est-ce que c’est ? » x2 ; « Oh ! », « ah ! » ; « il remue les lèvres ; on n’entend pas ce qu’il dit » ➔ Cet événement provoque l’incompréhension et le désordre dans les discours des personnages qui devient cacophonique et inaudible.
  • « fait tomber sa chaise » « laisse tomber son panier, ses provisions se répandent sur la scène » ➔ Les objets se renversent comme le laisse entendre les verbes tomber et répandre et manifestent sans doute, de façon symbolique, le bouleversement des personnages qui ne se maîtrisent plus et ne les maîtrisent plus.
  • « Le Vieux Monsieur élégant […] se précipite dans la boutique des épiciers, les bouscule, entre, tandis que le Logicien ira se plaquer contre le mur » </i>; « des pas de gens qui fuient » </i>; « Ce que j’ai eu peur ! »➔ L’événement est encore une source d’actions qui traduisent la peur des personnages comme le dénotent les verbes ainsi que la forme exclamative et emphatique de la réplique finale de la ménagère.

C/  Une scène qui révèle l’absurdité des hommes et annonce le tragique à venir

  1. Une existence humaine comique
  • Le comique du langage : répétitions
  • Comique de situation : « Bérenger, toujours indolent » ; « il remue les lèvres ; on n’entend pas ce qu’il dit ».
  • « se lève d’un bond, fait tomber sa chaise en se levant »# « Bérenger, toujours un peu vaseux, reste assis »// « se précipite », « les bouscule », « le logicien ira se plaquer contre le mur du fond » ; « éternue »/ « éternue »/ « se mouche » ➔ Comique de farce

 

2 . Des répliques qui marquent la faillite du langage

  • Impossibilité de s’entendre : « criant presque pour se faire entendre ».
  • Le  sens du mot « devoir » est ramené à son degré le plus bas (décalage entre l’abstrait et le concret)
  • Décalage que l’on retrouve dans les postures des personnages
  • Une parole appauvrie qui se réduit à des monosyllabes
  • Une parole illogique : « et pourtant vous me voyez » conclusion étrange si on ne se réfère pas à la situation d’énonciation et à la gestuelle qui doit accompagner le discours (ici l’absence de didascalies nourrit l’équivocité et souligne l’absurdité d’un logos déraisonnable) // « Tout le monde doit s’y faire. Seriez-vous une nature supérieure ? » // « C’est peut-être justement que vous n’avez pas été invité ! »

 

3. Une existence dont la vacuité semble devoir être comblée par la violence.

  • « Tout le monde travaille […], moi aussi […] je fais tous les jours mes huit heures de bureau » ; « je n’ai que vingt et un jour de congé par an » ➔ sentiment d’asservissement au travail
  • « Et pourtant vous me voyez »➔ l’absence de didascalies qui explique la situation d’énonciation dans laquelle est prononcée cette réplique rend possible l’interprétation philosophique ou ontologique selon laquelle l’existence de Jean et des gens qui lui ressemblent (l’homonymie nous autorise encore cette explication) se réduit à une simple présence sans véritable pensée digne de ce nom.
  • « je ne m’y fais pas, à la vie » ➔ Difficulté de vivre et souffrance de l’homme obligé de supporter sa condition.
  • « bruits forts », « énormes », « Il fonce droit devant lui, frôle les étalages ! », « Viens voir ! », « Tous suivent du regard […] la course du fauve » ➔ Attirance et fascination pour la violence comme le traduisent les jeux de regards et la curiosité des personnages spectateurs de leur propre Histoire. Ce jeu de regard reflète d’ailleurs le public encouragé à réfléchir sur sa position devant la scène mais également devant le théâtre du monde (il s’agit là d’une mise en abyme). Dans ce cadre le rhinocéros serait une manifestation métaphorique des totalitarismes qui sévissent encore après la Seconde Guerre mondiale.

CCL. : Résistance de Bérenger qui agit à contre-courant mais cela est-il dû aux effets encore persistants de ses libations ? Est-il un original ou s’oppose-t-il consciemment aux réactions de la foule ? 

 

 

 

08. décembre 2016 · Commentaires fermés sur RUY BLAS m’a tué : le meurtre de Salluste sur scène · Catégories: Première · Tags:
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Le spectateur a vu progressivement la relation se dégrader entre le maître et son valet qui a pris goût à la liberté et qui a également pris de l’assurance grâce à son déguisement de ministre et à l’amour partagé de la reine d’ Espagne ; Il pressent donc que l’issue sera fatale d’autant qu’avec le retour de Salluste, le piège se referme sur les deux amants . Hugo va-t-il aller jusqu’à faire mourir le méchant sur scène , en rupture avec la tradition du théâtre classique ? 

Tout d’abord , précisons le contexte et la situation exacte. Il s’agit de montrer sur scène la vengeance de Salluste comme l’indique le dramaturge : “ma vengeance est assez complète de la sorte” ; Ce point est à mettre en relation avec le début de la pièce; le spectateur assiste à une partie du dénouement qui voit la victoire de Salluste dont le plan a fonctionné. 

Le personnage est présenté sous un jour particulièrement sarcastique et il se moque de la naïveté du héros tout en se montrant irrespectueux envers la souveraine; les anaphores révèlent , à la fois , le passé et les sentiments du personnage qui met en relation ce qu’on a lui a fait avec ce qui s’accomplit sous les yeux du spectateur : “Vous m’avez cassé ! je vous détrône; Vous m’avez banni,  je vous chasse” On note que dans le premier hémistiche, on trouve une action mise en relation avec les agissements de Salluste qui sont ainsi présentés comme les conséquences logiques de ce qu’a fait la reine; Mais la faute initiale a été commise par le marquis de Finlas et les deux vers suivants , construits à la fois sur des antithèses et sur un chiasme, donnent à lire la nature de cette vengeance : “vous m’avez pour femme offert votre suivante /” moi je vous ai donné mon laquais pour amant.”

Ruy Blas a donc été l’instrument de la vengeance de ce grand d’Espagne dont le mépris est affiché ainsi que les préjugés de classe : la didascalie “éclate de rire ” montre que pour Salluste il est inconcevable qu’une telle union entre deux personnes de rang social différent, soit réalisée; l’amour tiendrait donc compte de la position sociale de la personne aimée; le marquis es montre clairement menaçant à la fin de sa réplique et la gradation qu’il emploie traduit sa fureur : “vous m’aviez brisé, flétri, mis sous vos pieds” ; il termine en traitant la reine de folle "vous dormiez en paix, folle que vous étiez ” ; Folle ici est à prendre au sens d’insensée ; Salluste veut dire que la reine ne s’est pas suffisamment méfiée de lui et qu’elle a sous-estimée l’offense qu’elle lui avait faite en lui ordonnant de s’exiler .

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Ruy Blas va réagir violemment après cette insulte qui déclenche sa propre colère; les didascalies nous montrent les préparatifs de ce qui s’apparente à un meurtre prémédité: il a condamné la porte en poussant le verrou et s’avance l’épée à la main “terrible ” ; cette indication fait de lui un héros de tragédie. Sous l’effet de cette colère, on sent le personnage capable de tout: c’est à son tour de se montrer menaçant et de justifier ce qu’il s’apprête à faire; Hugo multiplie les analogies avec le Diable et Salluste devient une incarnation diabolique : ” Satan te protégea, on écrase un serpent ou même “personne n’entrera ni tes gens ni l’enfer.” Le héros doit faire en sorte que le public le soutienne et qu’aux yeux de la reine, il passe pour un protecteur ou un justicier et pas pour un vulgaire assassin.

Ruy Blas se livre alors à un portrait charge de Salluste pour rappeler le danger qu’il représente pour la jeune femme : “c’est un monstre..il n’a point d’âme ” ou bien , “il m’étouffait ” et il m’a broyé le coeur” ; Ici les métaphores renvoient d’une part, à l’image diabolique du serpent ou à une figure surhumaine à la force herculéenne, et d’autre part, à la capacité de destruction du personnage. Mais on sent bien que le valet n’agit pas seulement pour protéger la reine du danger de la calomnie, il agit également pour se venger des offense subies qu’il rappelle, quelques vers plus bas : “il m’a fait fermer une fenêtre et j’étais au martyre. ” Hugo fait ici référence au retour de Salluste à la scène 5 de l’acte III.

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La détermination du valet est marquée par des images telles que “talon de fer”  ou un peu plus loin, il mentionne que le marquis vit ses derniers moments. Pourtant Ruy Blas semble conscient qu’il risque de franchir une frontière déterminante et Hugo rappelle les règles en vigueur par l’intermédiaire du valet qui déclare “je me blâme d’accomplir devant vous ma fonction Madame ” En assimilant le meurtre à une chose à faire de manière obligatoire, Ruy Blas se place en défenseur de la reine outragée. De plus, il affirme qu’il ne discutera pas ni n’argumentera avec Salluste ; Il se contentera de l’exécuter .

Pourtant Hugo débute un plaidoyer en faveur du fait de se rendre justice soi-même et les mots employés donnent une forme de légitimité au meurtre : ” noble ou manant, écrit-il, tout homme a droit..de venir lui cracher sa sentence au visage ” De plus, comme pour mieux se convaincre que le meurtre est nécessaire, il rappelle les méfaits du marquis : vous osez l’outrager ” “Misérable ” L’assassinat découle donc , selon la manière dont il est justifié, des insultes de Salluste envers la reine . Mais Ruy Blas semble déplorer de devoir en arriver à une telle extrémité et c’est sous cet angle qu’on peut lire la sentence suivante : “Pardieu, j’étais laquais! quand je serais bourreau ? On peut y voir en effet, le rapprochement entre le statut d’opprimé et le meurtre qui figure une forme de libération; En effet, Ruy Blas représente symboliquement le personnage du peuple et Salluste incarne l’aristocratie ; La suite de la scène prend des allures de règlement de comptes. 

Le face à face entre le maître et le valet tourne à l’avantage cette fois du second et le motif du meurtre s’apparente plutôt à une vengeance personnelle.

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25. novembre 2016 · Commentaires fermés sur Le théâtre comme tribune : l’exemple de Ruy Blas et des ministres III, 1 · Catégories: Première · Tags:
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Lorsqu’il compose son drame romantique en 1838, Hugo n’a pas seulement comme objectif d’évoquer la situation politique de la France mais il utilise la dimension historique de son intrigue afin de reprendre un certain nombre d’arguments au moyen desquels sil vise le mode de gouverment de la France sous la Restauration et la monarchie de Charles X ; les personnages qui s’affrontent sur scène, au cours de l’acte III, représentent les aristocrates et leurs privilèges et d’autre part, le peuple qui entend prendre part aux débats publics. Voyons quels arguments s’opposent dans cet acte central qui voit Ruy Blas, sous l’identité de Don césar, interrompre le conseil privé du roi  ?  Quelle image des courtisans Hugo dépeint-il ici et quels défauts critique -t-il au cours de cette première scène  ? 

Un portrait peu flatteur des courtisans : Hugo les montre tout d’abord médisants ; ils ne cessent de se jalouser les uns les autres et de dire du mal des absents, de soupçonner des secrets inavouables et des complots : Ainsi ils admettent mal être dirigés par une femme (la reine ) et soupçonnent cette dernière d'être sous la coupe de Don César.  Ils font de César un portrait caricatural : ce dernier serait un être singulier qui vit dans le noir, entouré de serviteurs muets et qui a la réputation d’avoir été “le plus grand fou que la lune eût vu naître ” ; les ministres rappellent alors sa vie dissolue “il changeait tous les jours de femmes, de carrosses” et imaginent des secrets peu avouables qui pourraient justifier sa fortune ;  ils sont en réalité extrêmement jaloux de son ascension fulgurante car il est devenu leur maître :” le voilà secrétaire universel, ministre et puis duc D’olmedo“: on mesure ici toute la rancoeur des propos tenus par le Comte de Camporeal . Pour le public qui connaît les origines du personnage de Ruy Blas devenu Duc, les soupçons des conseillers créent un effet dramatique car le secret de ce dernier risque d’être découvert; On obtient même un effet comique quand il est question de sa “grande race ” selon l’intervention de Don Ubilla . Les spectateurs mesurent alors l’erreur commise par les conseillers et réfléchissent  aux compétences de Ruy Blas ainsi qu’à son rang social ; Quelles sont les qualités indispensables pour bien gouverner ?

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Tel est l’enjeu de ce passage de la pièce . Pour les ministres, la réussite de ce récent Duc d’Olmedo serait liée à la préférence que la reine lui accorderait et l’expression “on le sert derrière le rideau ” au début du passage, sous- entend qu’il obtient des faveurs  intimes de la part de la souveraine. De plus, lorsque Ubilla prend sa défense pour expliquer qu’il le croit “homme probe” ; les autres conseillers se moquent de lui et de sa naïveté  ; la cour apparaît alors comme un lieu où règne la médisance et les courtisans ne sont pas de modèles d’honnêteté : loin de là !

Entre eux, ils se querellent et se jalousent et s’invectivent à plusieurs reprises ; Les didascalies externes indiquent clairement que le ton monte par moments : les groupes d’hommes causent “à voix basse ” , signe qu’ils ne veulent pas être entendus par tous; les apartés sont fréquents comme l’indique bas; Covadenga est montré "s’échauffant”  et Montazgo “se récriant ” ; les rires moqueurs entrecoupent les prises de paroles à trois reprises : ” éclatant de rire ” par exemple pour marquer l’intervention du Comte de Caporeal; la scène se termine par une sorte de brouhaha où note le dramaturge:  “tous se lèvent et parlent à la fois, se querellant” 

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Le conseil privé du roi prend alors des allures de marché, une véritable foire d’empoigne  et les tractations entre les ministres nous paraissent sordides : l’Espagne est alors comme un gâteau dont chacun chercherait à se tailler la meilleure part.

La cupidité des conseillers est mise en évidence par de nombreux indices et il est en effet, beaucoup question d’argent dans cette scène; nous notons d’abord que ,des sommes précises  sont rappelées comme par exemple le coût de l’entretien des gens au service de la reine : “six cent soixant quatre mille soixante -six ducats ” et ce montant est prononcé “en appuyant sur les chiffres “;  ce pactole est considéré comme une proie dont on chercherait à s’emparer; la métaphore “jeter le filet à coup sûr “désigne l’idée selon laquelle Ruy Blas serait intéressé par la fortune de la souveraine; le Comte du Caporeal poursuit sa réplique en ajoutant une sorte de maxime : “eau trouble, pêche claire ” qui discrédite les intentions du Duc d’Olmedo, qualifié implicitement ici d’homme vénal; ce type de commentaire traduit, en fait , pour les spectateurs, la cupidité des ministres qui sont présentés comme avides d’accroître leurs richesses personnelles au détriment de l’intérêt public; Tous les moyens leur semblent indiqués pour augmenter leurs privilèges : le népotisme est mentionné . Montazgo cherche à placer son neveu à un poste d’alcade et il a payé pour cela Ubilla , ou plutôt ce dernier a détourné de l’argent public à des fins personnelles. La corruption est pratiquée à tous les échelons du royaume : Ubilla, en échange attend en retour la nomination de son cousin, à un poste de bailli. Ces emplois publics étaient rémunérés grassement et ne pouvaient s’exercer sans l’intervention d’un parent , d’une personne ami haut placée. 

Le lecteur a l’impression d’assister à la mise à sac du royaume d’Espagne comme si ce dernier était totalement morcelé; les hommes se déchirent pour obtenir la plus grosse part ; les énumérations vous indiquent déjà clairement l’importance des biens possédés : ” Camporeal reçoit l’impôt des huit mille hommes, l”almojarifazgo, le sel, mille autres sommes; le quint du cent de l’or, de l’ambre et du jayet. ” Lorsque Covadenga se plaint de ne rien avoir, il est aussitôt traité de “vieux diable ” par le Comte de Camporeal , celui là même qui possède de très nombreux biens et qui l’accuse de prendre “les profits les plus clairs” ; Chacun jalouse donc la fortune de ses concurrents et s’estime lésé, à tort; Le dramaturge montre par ces énumérations et ces disputes la grande cupidité des conseillers et leurs tractations s’achèvent symboliquement par le poison  (celui là même qui va tuer Ruy Blas ) et les esclaves considérés comme de vulgaires marchandises : ” Donnez-moi l’arsenic, je vous cède les nègres. ” C’est à ce moment que Ruy Blas va intervenir pour fustiger l’attitude des courtisans. 

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Hugo fait donc ici un portrait critique des ministres qui n’ont aucun sens de l’intérêt collectif et mettent à sac les richesses du royaume en cherchant uniquement à placer les membres de leur famille à des postes clés; montrés comme cupides, oisifs et querelleurs, ils représentent un danger pour le peuple ; Hugo rejoint ainsi la tradition du portrait critique des courtisans et l’intervention de Ruy Blas va représenter l’introduction du peuple en politique; en effet, ce dernier qui n’est pas né noble , va prendre la défense des classes laborieuse qui sont écrasés par les impôts et dont la sueur enrichit les Grands.  

24. octobre 2016 · Commentaires fermés sur Symphonie des parfums: se plonger dans le passé ..oublier le temps · Catégories: Première
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 Poétesse novatrice qui a choisi le vers libre, Marie Krysinska compose un hymne mélancolique  aux souvenirs qui a des accents tristes :  on ne parvient pas vraiment à savoir s’il célèbre les joies du passé amoureux, ces beaux souvenirs qui forment pour le poète un rempart ou un refuge contre le présent menaçant  ou  le désir de l’oubli , une figure de la mort salvatrice comme une sorte de doux sommeil. Nous étudierons d’abord le déclenchement des souvenirs qui forment ensuite un tableau animé où parfums , couleurs et mouvements se mêlent harmonieusement avant de rendre compte de l’emprise de la mort et de l’évanescence  des réminiscences qui laissent place à un  terrible spleen. 

 

Pour construire vos introductions, se souvenir des différentes problématiques ainsi que des idées de  plans sur vos fiches, reportez- vous au polycopié donné en correction (en pièce jointe de cet article ) N’oubliez pas sur votre fiche texte de bien notre les numéro sise vers pour les citations (en rouge) et de faire apparaître titres des parties et de sous-parties...

 Pour construire le plan du commentaire , on pouvait partir de ses impressions de lecture : une tonalité  mélancolique, un poème qui évoque la résurgence des souvenirs et la présence du  spleen  ainsi que les nombreuses images de la mort ; Ce sont évidemment les thèmes essentiels mais un plan bien organisé les met en relation les uns avec les autres et répond à la problématique choisie : comment les souvenirs ressurgissent -ils ici ? 

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 Mon plan répond à la question posée  : les souvenirs  sont déclenchés par les parfums (étape1) et font renaitre le passé (étape 2) pour lutter contre la menace du présent et la présence  de la mort ( étape 3) 

En effet, cette symphonie est avant tout un ballet de senteurs et c’est l’odorat qui déclenche la remontée des souvenirs : le mot parfum sert de point de départ à cette brusque remontée du passé; ce sont des parfums forts comme l’encens ou le jasmin , la violette ou le lilas; D'autres évoquent l'Orient ou l'exotisme  comme le musc, l’ambre et la vanille; D’autres évoquent un climat mystique, une sorte de climat d’adoration des divinités , une ambiance sacrée comme la myrrhe et le santal et bien évidemment les encens “lointains et oubliés”. Ces sensations olfactives nous font voyager  et transportent  nos sens  pour faire renaître des moments du passé heureux comme l’odeur du foin coupé qui grâce à la comparaison ” sereine et splendide comme un soleil couchant ” dessine un tableau romantique , vision idyllique d’un bonheur passé. 

Chaque parfum est associé à une fleur qui est personnifiée dans le poème et  chacune des fleurs se transforme en une jeune femme qui incarne un type d’amoureuse : ainsi la violette par sa couleur foncée est associée à la tristesse du veuvage et à  la solitude : ces chères douleurs à jamais ignorées ” ; les roses, symboles de l’amour sont certes fanées mais par une métonymie, leur couleur fait allusion aux lèvres rouges des femmes qui se font belles pour aller danser et rencontrer leurs amoureux ; l’héliotrope fait renaitre “les belles dames poudrées ” qui évoquent un tableau du dix-huitième siècle avec ces bals , lieu des rencontres amoureuses et associés à la sensualité 

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scabieuse

A ces associations parfums et fleurs- femmes , il faut ajouter le mouvement des danses et la présence de la musique dans cette orchestration ; Les souvenirs se transforment ainsi en un ballet multicolore et sonore. On y entend différents instruments comme les orgues et les violons, le piano de Chopin et ses valses romantiques, et ces différents rythmes forment des accords à la fois grondants et berceurs. Cette  antithèse nous montre bien l’ambivalence ici du ressurgissement des souvenirs qui font du mal et du bien en même temps dans la mesure où ils réveillent des douleurs et des joies passées.  

Ces accord musicaux sont également obtenus par le biais des rimes intérieures et des répétitions qui scandent le poème : on y entend un refrain spleenétique d’une part avec l’image de l’hiver    et les nombreuses allitérations forment la musique du texte lui même : Ainsi les souvenirs doux, par opposition avec ce froid mortel sont  sont associés à des chuintantes qui marquent la chaleur et la douceur comme par exemple, chers et charmeurs, chanteront,chantant, chansons, Chopin, couchant , chaud et sachets

Quant au mouvement, il est obtenu par les danses : les fleurs s’enlacent comme des amoureux et forment des figures comme des arabesques; la valse est évoquée ainsi que les rondes des jeunes filles et les mouvements lents et gracieux des héliotropes. Le poème est formé de cette symphonie à la fois colorée et parfumée et la synesthésie ; c'est à dire le mélange des sensations, parcourt l'ensemble du poème.

Dès le début du poème, il est bien question de se laisser bercer par les souvenirs et d’y trouver un apaisement  sans réveiller les regrets mais est-ce bien le cas ? En effet, on peut se demander si les réminiscences ne provoquent pas , à leur tour , une forme de  mélancolie. Tout d’abord , on note la présence d’objets qui évoquent l’approche de la  mort comme la fleur fanée, le sachet vieilli; les adjectifs ont des connotations péjoratives parfois comme l’héliotrope avec son parfum vieillot et sa couleur défraîchie et on entend des pleurs à la fin du tableau des souvenirs :  une fleur est qualifiée de reine des tristesses et l’oponax est “dépravé” 

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muguet

Ce tableau qui pouvait , dans un premier temps, paraître joyeux et réconfortant, finit par laisser place à des visions “cruelles et douces ” et le poème se clôt sur le retour du refrain ; la vision semble s’achever avec une disparition totale des différents objets ; les extases sont désormais évanouies ; les valses, mortes et les cassolettes éteintes, les lunes disparues. La magie a, semble -t-il, cessé pour faire place au néant : cette énumération marque la fin du souvenir et chaque sensation est “morte” :  le tableau qui s’était animé sous nos yeux s’est désormais décomposé et chaque symbole fait allusion à une parti edu cet ensemble ; ainsi extase évoque le plaisir amoureux, la valse la danse et la musique, les cassolettes, la présence des parfums et des fleurs, et les lunes disparues : le temps qui a passé et qui ne reviendra plus ;la fin d’une lune marquant la fin d’un cycle saisonnier . Les Anciens comptaient le temps en lunes: c’était l’unité de mesure principale du temps qui passe  et cela le demeur encore lorsque nous sommes privés d’instrument de mesure plus précis .

La poétesse utilise le langage des symboles pour traduire sa mélancolie et sa difficulté à maintenir vivace cette plongée dans les souvenirs réconfortants; le caractère éphémère du souvenir est bien marqué avec cet effacement du tableau coloré ; de plus, si on examine attentivement les éléments qui composent ces visions, on note dès le début la présence d’éléments peu réconfortants en lien avec les sentiments amoureux ; en effet, si chaque fleur peut symboliquement suggérer un type de relation amoureuse ou un souvenir amoureux, on aperçoit très tôt de la tristesse et des regrets ; si, au départ les roses sont superbes et éclatantes, comme si elles retrouvaient leur beauté passée et leur fraîcheur qui indiquerait la force de la jeunesse , on constate que les chansons ,elles, demeurent vieilles ; quant aux  voluptés, qui désignent le plaisir amoureux, elles sont qualifiées de  mortelles ; cependant, par une sort ed mouvement inverse, lorsque le mot  douleurs apparait, il est aussitôt atténué par la présence de l’adjectif chères; point d'amour triomphant ici mais des souvenirs amoureux où on devine encore la douleur tapie dans l'ombre du souvenir ;  il s'avère donc impossible de ne pas réveiller ces regrets en même temps qu'on réveille les souvenirs; Ce qui voudrait dire que nous ne pouvons entièrement contrôler nos réminiscences, ni filtrer notre passé. Comment ces instants morts car passés peuvent-ils encore éveiller en nous des sentiments ? C'est justement  la magie des souvenirs qui nous permet presque de revivre à l'identique les émotions qui appartiennent à notre passé. 

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héliotrope 

Peut être qu’aimer ne se fait pas sans une certaine douleur  ? C’est ce qu’évoquerait le poème en ressuscitant ces sentiments amers à l’image des parfums des liserons et les pleurs des iris suggèreraient que les chagrins amoureux demeurent encore vivants; Toutefois,  si la mélodie  demeure mélancolique et nostalgique, elle constitue malgré tout  une forme d’apaisement qui peut être interprété comme une préparation au long sommeil ; Il s’agirait d’apprivoiser , en quelque sorte, l’approche de la mort et  d’amortir sa violence, marquée symboliquement dans le texte par les images de dévastation du refrain.

La douleur de ce refrain semble émaner de la terre elle-même te de chacun de ces éléments personnifiés  : tout d’abord, l’hiver pleure le vent hurle comme un fou et les arbres avec leurs membres nous font penser à des corps suppliciés sous l’effet de la torture; l’adjectif grêle marque leur fragilité et leur faiblesse et le verbe tordre traduit cette force destructrice des éléments déchaînés; De plus, la conjonction tandis que peut marquer un effet durable : on a la sensation que cette saison est rendue éternelle . Cet univers cauchemardesque entoure la poétesse à l’image de sa place dans le poème, au début et à la fin et pour y échapper, elle tente de se plonger dans les souvenirs heureux de son passé qui entrainent à leur tour d’autres souvenirs .

Antidote au présent mortifère, le ballet des souvenirs déploie ici toutes les couleurs de sa séduction pour nous faire oublier que nous sommes soumis au cours inexorable du temps dévastateur mai cec visions finissent par disparaître , par s’évanouir à nouveau pour rejoindre les ombres de notre passé et nous devons recommencer indéfiniment cette opération de réminiscence qui , en dépit de nos efforts, ne nous permet pas toujours de séparer les visions cruelles des plus douces , nous remontons donc le cours du temps, par le biais du souvenir,  pour  retrouver dans notre passé nos joies disparues.  A nos risques et périls . 

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iris 

 

26. septembre 2016 · Commentaires fermés sur Fata temporum : le temps est un ogre au visage de fée… · Catégories: Première

 

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Francis-tienne-Sicard-Lundquist

Du côté de sa biographie : Francis Etienne Sicard est un poète contemporain né en 1952; il  se passionne, dès l’adolescence, pour la littérature, et en particulier pour Marivaux et Marcel Proust. Des études de lettres classiques le conduisent à Lyon, où il complète sa formation d’enseignant avant de  rejoindre, en 1977, Berlin, où il choisit de résider pendant plusieurs années, pour écrire son premier texte en prose Le Voyage Bleu, qu’il ne publiera cependant qu’en 1986 .Il voyage  ensuite en Europe, en Asie et aux Etats Unis et commence  une importante correspondance.En 1983, il s’installe à Londres, d’où il publie trois recueils de poèmes, Contrepoint, Ecritoire Vécue, et Ariane, En 1998, il se retire dans le Languedoc, et publie quelques textes dans la presse.

Fata Temporum (la fée du temps )  est un sonnet qui nous confronte à différentes représentations du Temps; certaines peuvent nous sembler courantes mais la modernité du poème est à rechercher essentiellement dans l’utilisation du langage poétique et la création, à la manière surréaliste, de certaines associations d’idées qui renouvellent le matériau poétique classique. Commençons par tirer quelques fils d’interprétation à partir de repérages simples dans le texte poétique .

La figure du Monstre : le Temps apparait d’abord comme une sorte de rôdeur inquiétant qui “coule lentement le long des cimetières”  : on repère bien le champ lexical de la mort  qu’on retrouve avec  la métaphoreéteint la flamme” et la cloche des morts : le glas dans le premier tercet. Ce monstre est doté de griffes qui au lieu d’être aiguisées , aiguisent le silence;   la transformation ici du qualificatif en verbe d’action est surprenante. Cette figure démoniaque ronge la peau de la bouche des rois et celle des lèvres des meufnières; on peut sans doute ici retrouver une variante de la figure vampirique de la goule qui entre dans la bouche et dans l’âme de se victimes pour les aspirer, les vider de leur substance vitale. Ce Temps a des allures de  roi car son règne dure depuis l ‘éternité , image de son pouvoir sans limite; un roi puissant et tyrannique donc qui impose sa loi aux hommes et qui les dévore; On retrouve , en effet, dans ce poème, la trace d’une dévoration avec le verbe “nourrit sa chair ” qui désigne le Temps comme une créature qui absorbe les hommes ; C’est le dernier vers qui révèle un des paradoxes les  plus intéressants de ce poème ; l’ogre a un visage de fée donc il trompe l’homme doublement: d’une part, en lui cachant sa véritable nature et d’autre part, en en lui montrant des atours séducteurs et magiques . 

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Cette première piste  peut être complétée par le retour du symbolisme de l’alternance jour/nuit qui est une des unités de mesure du temps; en effet, le Temps est une sorte de couturière qui “attache ” la nuit au jour et qui “ourle” le matin avec un “galon”; ce champ lexical de la couture complété par le mot écheveau présente la continuité du temps comme inattaquable : aucune faille ne peut avoir lieu dans ce déroulement qui mène inexorablement à la mort:cette figure énigmatique de la porte , l’huis médiéval , représente peut être l’idée chrétienne d’une vie après la mort , d’un passage vers l’au-delà. A la rime avec huis, on note la présence du symbole du puits qui représente  le gouffre avec toute son étrangeté ; l’idée est celle d’un temps qui renforce le silence ; d’une part à cause de l’oubli et du non dit mais également l’idée que seul temps qui passe permet d’oublier ce qui a blessé ou ce qui a pu causer de la douleur; la référence aux étrivières qui sont les parements en cuir qui relient la selle aux étriers , évoque une forme du cinglage, un peu comme si on fouettait un cheval.

Dans le premier tercet, le Temps est représenté à l’échelle de l’univers et on pense à la formation du monde avec des mots aux connotations philosophiques comme néant, gouffres d’univers et étoiles à naître; Ce feu des origines  peut faire  penser au magma de la naissance du monde et ce Temps se mesurerait à l'échelle géologique.  Il s'agirait d'y lire le Temps de la Création, celui du début des Temps.

Les dernières images du second tercet demeurent énigmatiques : ce temps  nourrit sa chair (alors qu’on attendrait se nourrit de chair )  de la soif de nos yeux; Si , dans un premier temps, on pense aux larmes à cause de l’association automatique entre le liquide (la soif) et les yeux , on peut toutefois se demander s’il n s’agit pas plutôt d’ une désignation de l’envie de vivre, de notre instinct de vie. Le poète penserait ici à ceux qui profitent de leur temps , qui ne le laissent pas passer sans essayer d’en tirer parti. D’un certain point revue, plus on lui accorde de l’importance et du crédit et plus il nous fait mesurer notre condition mortelle. 

Des associations sont parfois difficiles à comprendre comme l’or des temps qui peut évoquer le soleil selon le symbolisme des saisons ; l’éclat de la lumière présent dans les connotations du mot or se double de référence à quelque chose de précieux .

Alors à vos idées pour la suite et l’organisation ….

Le plan proposé :

On rappelle la problématique : comment le poète représente-t-il le Temps ?

Consigne 1 : les titres des parties répondent à la question posée

I Le double visage du Temps

1. Un temps vu comme un monstre

ogre,chair, griffes, aiguisées

2. Le temps magique comme la Fée

ourle, galon, attache,visage de fée, or , étoiles

3. L’ambivalence du temps

 l’alternance du Jour et de la Nuit : cache une cruauté sous un aspect fééerique , finit par nous dévorer donc indice d’une victoire du temps .(paradoxe)

II L’homme face au Temps ou la victoire finale ou le combat de l’homme

1. La puissance du temps

son règne dure éternité, gouffres d’univers, Néant,

2. La présence de la mort

cimetière, coule, huis (image énigmatique) , éteins la flamme

3. Une victoire finale

les silences , enfouir, les étrivières  l’au delà demeure une croyance

04. septembre 2016 · Commentaires fermés sur Le temps est un mystère .. comment représenter le Temps ? · Catégories: Première
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Le temps est un mystère pour l’homme qui le regarde passer sans pouvoir ni le ralentir ni bien sûr l’arrêter. On dit souvent qu’on a perdu son temps à faire des choses inutiles ou lorsque le résultat d’une action n’est pas conforme à nos espoirs. Lorsqu’on vit un instant de bonheur , on voudrait pouvoir arrêter le temps et à l’inverse, quand on traverse une épreuve difficile on a le sentiment que les secondes durent des heures . Comment représenter le temps ? 

De nombreux artistes , peintres ou poètes, ont cherché à traduire notre perception du temps. La première pensée de l’homme , est , en règle générale, liée à son vieillissement car il a conscience que chaque jour qui passe le rapproche de l’heure de sa mort. Il est donc fréquent d’associer des symboles de mort lorsqu’on cherche à illustrer le temps comme dans les natures mortes, ces tableaux qui reposent sur une lecture symbolique. Plusieurs éléments se retrouvent souvent dans ces oeuvres d’art très à la mode au dix-septième siècle  appelées « Vanités ». Ainsi la fuite du temps , la brièveté de la vie, sont évoquées par des sabliers, des bougies qui se consument ou des horloges. Le crâne, bien entendu, évoque la mort prochaine, du moins la mort qui ne manquera pas d’arriver un jour. Les effets du temps sont aussi souvent représentés à travers les fleurs (qui se fanent rapidement), les fruits (qui s’abiment), les pierres (qui se lézardent)…

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Exemple de Vanités

A d’autres époques, comme dans l’Antiquité , les divinités associées au Temps sont accompagnées d’yeux, d’instruments tranchants comme la traditionnelle faux ou les ciseaux qui symbolisent la rupture du fil de la vie. Mais on trouve également des figures du Temps associées à des monstres dévorateurs comme pour rappeler que Chronos dévora ses enfants dans certaines versions du mythe . 

Je vous propose de vous mettre en quête de représentations du temps, d’explications qui nous guideront dans la lecture des images ou des tableaux  et de présenter rapidement  le fruit de vos recherches à la classe. Vous préciserez bien à quelle date a été fabriquée l’oeuvre et à quel courant artistique elle appartient.  A l’issue de vos exposés qui pourront être réalisés à deux, la classe sélectionnera 3 ou 4 oeuvre d’art qui figureront dans le lutin de bac et sur lesquelles vous pourrez être interrogés. La liste suivante n’est donnée qu’à titre indicatif pour ceux qui n’ont pas trop d’idées ou qui ne savent pas comment chercher …

représentations du Dieu Chronos  et des Parques : statues ou tableaux 

• Jacques Henri Lartigue, André Haguet dit Dédé mon cousin, Rouzat (photographie, 1911, http://acver.fr/1-b).
• Giacomo Balla, Fillette courant sur le balcon (huile sur toile, 1912, http://acver.fr/1jd).

• Marcel Duchamp, Nu descendant un esca- lier (huile sur toile, 1912, http://acver.fr/2cf). 

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Les croquis d’Antoon Van Dyck (http:// acver.fr/2ch)
• Les carnets de croquis de Picasso (http:// acver.fr/1jg) 

Gustav Klimt, Les trois âges de la femme (huile sur toile, 1905, http://acver.fr/1jh).

• Camille Claudel, L’âge mûr (sculpture bronze, trois parties, vers 1902, http://acver. fr/1ji). 

Nils Udo, Toile d’araignée de fougères, feuille de fougère (1986, http://acver.fr/1jj). 

 Le impressionnistes , par exemple, ont inventé les principes des Séries pour montrer les effets du temps et les changements subis par les objets.

Claude Monet (3 huiles sur toile) http://acver. fr/1jk :
• Cathédrale de Rouen, le portail, soleil mati- nal, harmonie bleue, 1893.

• Cathédrale de Rouen, le portail et la tour

Saint Romain, plein soleil, harmonie bleue et or, 1894.
• Cathédrale de Rouen, le soir, 1894. 

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Cherchez du côté de Goya, Picasso,  de Dali avec se montre molles par exemple. Vous pouvez aussi évoquer les créations des artistes contemporaines cherchant où leurs oeuvres sont exposées. 

Le site histoiredel’art.net  vous sera fort utile ainsi que  des sites spécialisés en analyses artistiques comme d’artdart par exemple

Ce portail vous présente le principales émissions artistiques à la télévision. Bon courage pour vos recherches…  http://www.canaltheatre.com/tv_arts.html

28. mai 2016 · Commentaires fermés sur Les dernières paroles du poète en prison : René Daumal cherche à avoir le dernier mot.. · Catégories: Première · Tags:
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Ce poème de René Daumal a été composé en 1936 et fait écho à la Guere d’ Espagne qui oppose les républicains (rouges espagnols ) aux troupes commandées par le  général Franco (les franquistes  surnommés les blancs ) .

Il est formé de prose poétique avec quelques retours à la ligne qui pourraient encore faire penser à des vers et sa dimension poétique ne provient pas de la versification mais de la présence d’images fortes et d’un rythme particulier. Daumal y pose le problème des fonctions du poète dans la société , notamment en temps de troubles. Il tente également de mesurer  l’utilité de la poésie comme parole de combat. Nous pourrons nous demander ce qui caractérise la poésie de cet extrait et comment le poète réagit-il dans son cachot  à sa condamnation.

Sous la forme d’un poème en prose, Daumal met en scène les dernières heures d’un poète condamné à mort ; Ce dernier avant de mourir, cherche deséspèrement, les mot justes , les ultime paroles qu'il pourrait délivrer à ses semblables . Nous étudierons la première page des  lignes 1 à 51 de " D'un fruit qu'on laisse pourrir à terre ..jusqu'à je serai pendu."

Le texte s’ouvre sur un système de métaphores  qui vante les vertus du poème ; ce dernier est rapproché d’un fruit pourri à partir duquel la vie va pouvoir se développer à nouveau, renaître sous la forme d’un arbre. On note que la métaphore usuelle pour désigner la mort paraît comme renversée ici avec cette renaissance de la pourriture. De plus, cett nouvelle vie est très prolifique car elle donne elle même naissance à “des fruits nouveaux par centaines ” l 2 Ainsi la poésie a le pouvoir , comme une graine qu’on sème, de donner de nouvelles récoltes ; Sa force est d’emblée mise en évidence. Toutefois pour que le nouvel arbre puisse pousser, une condition est nécessaire : la collaboration des lecteurs. Dans une sorte de préambule, ou d’avertissement au lecteur, avant de commencer son histoire de poète prisonnier, Daumal nous met en garde contre l’oubli ou l’indifférence face à la parole poétique; Le poème est bien le fruit mais pour que la parole du poète soit féconde, il a besoin d’être lu, et ses poèmes diffusés. 

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Après la métaphore de l’arbre et du fruit, Daumal évoque celle du couple parental qui enfante ; le poète est le père, le lecteur la mère et l’échange entre les deux, l’enfant; Le mot semence employé à la ligne 6 découle de ce contexte d’enfantement et rappelle par ses connotations, à la fois l’acte sexuel et plus largement l’idée de mise au monde : semer la graine et récolter le fruit a ainsi une dimension symbolique qui peut être rapprochée des théories qui voient dans les poètes  des messager pour les hommes , des sortes de guides spirituels; des consciences en éveil et qui sont plus clairvoyantes que le commun des mortels. Le lecteur a ainsi un rôle de premier plan à jouer dans la mesure où il est “fécondateur de l’oeuf ” ‘l 7) Le passage se termine avec la référence à l’oeuf pourri qui non seulement ne sera jamais fécondé mais qui , de surcroît, dégage une odeur pestilentielle. De plus l’idée d’ oeuf pourri stérile rappelle la mention du fruit pourri qui a inauguré le poème te qui lui , est source de vie. 

Le poète condamné à mort apparait à la ligne 9 et il est introduit par ses songes : le verbe songeait  peut signifier tout simplement penser mais il connote également la dimension onirique avec le songe qui est synonyme de rêve . Beaucoup de poètes voient en l’activité poétique un substitut du rêve  éveillé, notamment avec l’influence du mouvement surréaliste.Le contexte politique et historique est précisé juste après : “un petit pays qui venait d’être envahi par les armées d’un conquérant” . En 1936, on peut évidemment penser à la guerre d’Espagne mais plus généralement à toutes sortes d’épisodes marqués par des guerres de conquêtes sanglantes. La condamnation du poète est mentionnée avant même son motif qui est signalé aux lignes 11 et 12. Ce dernier a d’abord été arrêté à cause d’une chanson qu’il chantait sur les routes. Le mot chanson fait référence  à un type de poésie qui comporte des couplets et des refrains et qui peut s’accompagner de musique . L’idée d’un poète errant qui s’efforce de répandre ses paroles rappelle l’image de l’artiste nomade qui parcourt le monde . Le poème à cause duquel il a été condamné évoquait la douleur liée à cette invasion : Il y est question de tristesse qui ronge jusqu’à l’os la chair mise en relation avec les fumées meurtrières brûlent jusqu’au roc la terre de son village. L’analogie met en évidence des correspondances poétiques entre la chair de l’homme et la terre du village: toute deux souffrent beaucoup ainsi que le suggère l’expression jusqu’à l’os qui fait écho, par le jeu des sonorités , à jusqu’au roc. La profondeur de la tristesse est traduite par cette métaphore anatomique et l’adjectif meurtrières appliqué aux fumées montre en personnifiant la fumée, le caractère dévastateur de cette invasion. Le poète a donc été enfermé pour avoir dénoncé les conséquences de la conquête et son arrestation semble bien politique. Durant sa détention, on lui accorde la grâce avant de mourir de s’adresser au peuple une dernière fois. Le fait que le poète s’adresse au peuple, à un collectif, montre que la poésie n’est pas pour Daumal l’expression d’un sentiment individuel mais qu’elle doit se doter idéalement d’une ambition collective. Le poète se fait ainsi une sorte d’interprète (selon la définition de Supervielle )  qui met des maux en mots et tente de provoquer du changement. 

Ce condamné à mort va donc devoir réfléchir à ce dernier poème, son testament en même temps que ses dernières volontés et il a peur de ne pas savoir quel dernier mot prononcer. Il cherche donc quoi dire et comment ses  dernières paroles pourraient le sauver . La première idée du poète est de s’adresser au peuple  en lui rappelant son rôle de fécondateur : “prenez ces paroles qu’elles ne soient pas une graine perdue” ligne 17; On retrouve ici la métaphore de la semence qui germe : le verbe couvez rappelle lui l’image de l’oeuf fécondé et le verbe croître peut faire référence à la croissance d’un végétal qui rappelle l’arbre et ses fruits. Toutefois le poète semble chercher son inspiration et être à court d’idées ; l’interrogative directe crée un contact entre le poète et ses supposés auditeurs ; S’il n’a droit qu’à un mot, on mesure l’importance de ce dernier : un mot simple comme la foudre; Cette métaphore de la ligne 19 marque le caractère fulgurant de la parole poétique souvent assimilée à une sorte de feu sacré . L’association entre simple et la foudre paraît étonnant car la foudre est l’instrument des Dieux, elle détruit ou rend instantanément amoureux , et brûle tout sur son passage ; elle rappelle aussi peut être la violence des fumées meurtrières laissées par les envahisseurs.

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le poète malade

Ce mot est ensuite associé à différentes émotions : d’abord il gonfle le coeur et ensuite, en suivant une sorte de mouvement d’expulsion, il monte à travers la gorge pour finir non pas sur les lèvres du poète ou sur son papier mais dans sa tête. Le trajet du travail poétique partirait donc du coeur, siège des émotions, avant d’être intellectualisé dans le cerveau qui est lui aussi considéré comme la prison des mots :, “un mot qui tourne dans ma tête comme un lion en cage”  Les mots sont comparés à des fauves qui ne parviennent pas à sortir de leur prison.  A la ligne 20  , l’image du lion laisse deviner une certaine forme de violence dans l’expression poétique telle que peut la concevoir Daumal : il ne s’agit pas d’une parole consensuelle  mais d’une parole sauvage et dangereuse presque. Les deux phrases négatives qui suivent confirment cette idée avec le rejet d’une parole de paix, d’une parole apaisante. Pour Daumal, la poésie n’a pas pour vocation de soigner ou de d’être facile à entendre mais ; paradoxalement, elle doit mener à la paix . Ce paradoxe permet de mesurer les effets  puissants et réparateurs de la parole poétique mais à une condition, énoncée ligne 22 : “pourvu qu’on la prenne comme la terre reçoit la graine et la nourrit en la tuant ” . L‘antithèse marquée ici par le contraste nourrir et tuer peut être dépassée si l’on se réfère au geste du semeur qui enfouit la graine avant de laisser le terreau agir pour que la graine devienne l’arbre. Et cette transformation qui marque le processus créateur est rappelée dans la ligne suivante lorsque le poète mourra et sera enseveli dans la terre :  sa postérité, ses paroles lui survivront et sèmeront, à leur tour, de nouvelles graines. Daumal utilise ici l’image de l’arbre à paroles (ligne 23) pour rendre concrète cette transformation. Baudelaire , lorsqu’il évoquait le processus d’écriture poétique, parlait d’une alchimie qui transforme la boue en or . Mais à la différence de Daumal, il n’attribuait pas un rôle politique à la parole poétique qui devait rester l’expression d’un rapport au monde .  En revanche, tous deux sont d’accord sur l’idée que la poésie peut naître de la boue, de la charogne et pour Daumal , de la pourriture  qui résulte de son corps en décomposition dans la terre. 

Ce mot crucial a pour objectif la vérité et c’est sur cette indication que se termine le paragraphe central du texte , ligne 25. Pour qualifier ce mot déterminant, Daumal  recours à de nouveaux détails anatomiques : ce mot le démange et le dévore . On retrouve  ici l’idée d‘une douleur liée à la création , douleur qui irait en augmentant . Les nombreuses répétitions du mot mot attestent de son caractère central: la poésie est d’abord une affaire de mots et ces paroles pour Daumal sont réelles . La comparaison avec la corde qui le pendra montre bien le risque encouru par le poète : ce ne sont pas des paroles anodines mais des paroles capitales que doivent prononcer les poètes.  La nécessité d’une langue poétique simple est liée au fait que pour pouvoir s’adresser au plus grand nombre, il faut en être compris ; le poète qui veut toucher le peuple doit choisir des mots qu’il comprendra. 

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Daumal croit au caractère définitif de la parole poétique et une fois de plus, il en souligne les effets puissants  en évoquant les miracles qu’elle provoque des lignes  27 à 46 . Sous la forme d’une longue énumération qui introduit quelques vers , Daumal détaille les conséquences de ce dernier mot. Alors que les paroles de Dieu , dans l’Ancien Testament , font ressusciter les justes lors de l’Apocalypse et périr les méchants,  les paroles du poète éradiquent les mauvais esprits : ” on verra rentrer sous terre les fantômes et les vampires et tous les voleurs les tricheurs au jeu de la vie…” Le poète se pose ainsi en justicier pour défendre les valeurs qu’il considère comme importantes. Il incrimine ceux qui se réfugient dans le spiritisme pour correspondre avec les morts, ceux qui préfèrent chercher dans le ciel et dans les étoiles des réponses à leurs préoccupations terrestres : l’anaphore ceux qui semble mêler tous ces spéculateurs de la mort . Le suffixe en eur de rêvasseur  marque ici la désapprobation du poète ; il semble en vouloir à tous ceux qui refusent de vivre ici et maintenant, qui fuient les problèmes du monde dans le passé ou le divertissement; Quand il mentionne "ceux qui cherchent dans les astre des raisons de ne rien faire ” cela sonne comme une accusation contre ceux qui refusent de prendre parti ou de s’engager pour une cause ou une idéologie. Les accusations se font plus précises au fur et à mesure de l’énumération avec la répétition du mot maniaques pour qualifier le comportement des artistes qui refusent que la poésie soit faite pour les temps présents : “maniaques des beaux arts qui ne savent pas pourquoi ils chantent dansent peignent ou bâtissent Loin de défendre comme les poètes du Parnasse ou le partisans de l’Art pour l’Art  un art gratuit, au seul service du Beau, le poète pour Daumal doit être l’homme des circonstances et la poésie ne peut tourner le dos au réel ; Il oppose ainsi l’au-delà , territoire des rêves avec l‘ici-bas, domaine de prédilection du poète; Il refuse ainsi le caractère sacré du poète qui n’est, pour lui, qu’un homme parmi les autres qui s’adresse aux autres hommes avec des mots qu’il doit choisir du mieux qu’il le peut . Contrairement à Hugo et au poètes romantiques  qui pensaient que le poète devait être un rêveur sacré avec les pieds sur terre et les yeux levés au ciel , Daumal désacralise totalement la fonction poétique. 

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La fin du texte s’apparente pourtant à une sorte d’apocalypse avec des références aux textes religieux : comme le verbe de Dieu, le mot du poète va provoquer un véritable séisme: les yeux des survivants se retourneront dans leurs orbites (ligne 40) Les images se succèdent et évoquent une sorte d’avénement fantastique avec une lumière aveuglante : “Abîme de Lumière! lumière centrale, soleil unique, feu d’un soleil unique ” Cette illumination  (du nom d’un recueil de poésies d’Arthur Rimbaud, poète admiré par Daumal) représente en fait la lumière de la vérité. Les yeux de ces hommes “se retourneront vers le monde” et “ils verront que le dehors est à l’image du dedans. ” La poésie est ainsi une vision qui mène à la révélation au sens mystique ; L’être y saisit sa vérité, il est délivré des apparences et des erreurs pour entrer pleinement en communion avec l’esprit du monde. Rimbaud disait déjà que le poète devait se faire voyant mais il doit aussi mettre sa clairvoyance au service des autres ; Pour Daumal, ce n’est pas le poète lui-même qui se transforme mais ce sont ses mots qui sont porteurs de Vérité; Le travail poétique consiste donc à chercher à dire les mots qui pourraient avoir de tels effets . Cependant , la fin de notre extrait est marqué par une sorte de désespoir et de retour à la réalité de son sort : le poète condamné est conscient qu’il est extrêmement difficile d’obtenir ces effets ; il pense qu’il mourra  car on le croit fou et on pensera que ce sont des “paroles de démon” ; souvent incompris, parfois maudits et en marge de leur époque, les poètes qui refusent la poésie de célébration du monde , et qui prennent leurs distances avec l’opinion la plus répandue, peuvent parfois le payer de leur vie.

En refusant de chanter les louanges du vainqueur et en prenant le parti des plus faibles, le poète s’expose à être rejeté par ceux là même qu’il veut défendre et il peine à trouver les mots qui le délivreraient. Dans sa prison, le poète se tape la tête contre les murs “le tam-tam funèbre de sa tête contre le mur fut son avant-dernière chanson” Lorsqu’il est emmené pour être pendu, le mot ne veut toujours pas sortir de son coeur ni de sa gorge et au moment où il sent la corde autour de son cou, il lance un chant de guerre en implorant le peuple de combattre à ses côtés; mais il est trop tard et le peuple le pend; La dernière phrase du poème résonne comme un morale : ” c’est souvent le sort ou le tort des poètes de parler trop tard ou trop tôt.” 

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Ce texte est bien plus qu’une anecdote sur un poète condamné pour avoir osé critiquer le pouvoir politique en place, c’est une sorte de parabole qui contient un enseignement et résume la conception de la poésie pour son auteur. Daumal prend ainsi ses distances avec la position romantique et refuse totalement la position des Parnassiens. Le surréalisme renoue avec une vision politique de la poésie qui est avant tout au service de la Révolution. 

La langue utilisée est proche de la prose avec des mots simples, de nombreuse répétitions et anaphores et des systèmes de métaphores et de correspondances qui permettent de rendre plus abordables des notions philosophiques et métaphysiques. Daumal tente ainsi de se mettre à la portée de tous. 

27. mai 2016 · Commentaires fermés sur L’enfer de la déportation : un poète enfermé dans un wagon qui roule vers les camps de la mort · Catégories: Première
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Wagon souvenir 

Jean-Pierre Voidies a 17 ans lorsqu’il est arrêté et torturé par la Gestapo. Avec quelques camarades de lycée, ils ont monté un petit groupe du résistants et sabotent les véhicules allemands garés dans la ville de Caen . Lorsqu ‘il entreprend ce voyage qui a pour destination un camp de concentration situé près de Hambourg (Neuengamme ) , il ne s’attend pas à ces conditions épouvantables. Ses compagnons d’infortune sont  entassés comme des animaux et souffrent de la promiscuité, et surtout ils meurent de soif. 50  à 60 personnes sont parquées dans des wagons de marchandises pour ce qui sera sans doute leur dernier voyage, car des camps,  de ces usines de la mort échafaudées par les esprit des tortionnaires du Reich , très peu reviendront. 

Pour expliquer ce poème et montrer comment le jeune poète tente de restituer l’horreur de cette incarcération , nous pouvons procéder de différentes manières. Les plans qui permettent de répondre à la problématique doivent être construits à partir des thèmes principaux du texte . La question pourra porter soit sur la manière dont le poème évoque cette incarcération soit sur la dimension poétique du texte ; Par exemple : de quels outils dispose le poète pour traduire la dureté de cet emprisonnement ? 

N’oubliez pas de bien vous concentrer sur la question posée et adaptez votre plan à la problématique proposée par  l’examinateur. 

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 Statue du souvenir de Neuengamme

Le poème se présente sous la forme de 10 strophes irrégulières, avec quelques rimes éparses mais surtout de très nombreuses répétitions et on note la présence d’un refrain ; il est assez proche d’un poème en prose mais le poète a conservé une séparation des strophes et des retours à la ligne qui marquent la présence de versification. Les thèmes à développer sont le sentiment d’emprisonnement avec l’étouffement, les coups, la souffrance, les cris; Cette souffrance est mise en scène avec des jeux d’ombres et de lumière, des déplacements (le wagon roule) , les notations auditives et les sensations. Toute une partie du poème est une image fantasme d’une évasion à partir d’une vasque d’eau qui se remplit et d’un train qui roule vers l’eau : le poète passe d’une situation réelle (il meurt de soif dans sa cellule mobile) à une dimension imaginaire et onirique  (une vasque se remplit d’eau , de champagne ) suivie d’un brutal retour à la réalité (les allemands ont distribué de l’eau aux prisonniers qui es sont bousculés et ont tout renversé) ; Ensuite le train passe sur un pont et le bruit de la rivière déclenche à nouveau des images fantastiques des déportés qui rêvent de sauter dans l’eau . La poésie organise ainsi des transitions entre le rêve et la réalité. 

Voilà un exemple de plan détaillé 

CAGE

Ecrit par un déporté, ce poème évoque les souffrances des prisonniers durant le voyage en train qui les conduit dans les camps .Il est composé en vers libre, proche d’une prose poétique et contient de nombreuses images de violence. Entassés dans des wagons à bestiaux, privés d’eau et de nourriture pendant plusieurs jours, les déportés ont voyagé dans d’atroces conditions et pour beaucoup d’entre eux, ce fut leur dernier voyage . Jean-Pierre Voidies tente ici de restituer , au moyen d’un matériau poétique, la réalité de la condition des prisonniers en nous montrant comment on peut  tenter d’échapper à la dureté de son sort en s’évadant par l’imagination et le rêve.

  1. Des conditions épouvantables : le rappel de la dure réalité

  1. La violence avec les coups, les chocs, les blessures physiques

Morsures, pincer, variété des coups reçus (masse, écrasement), broie : une infinité de coups reçus et donnés 21 choc, mesure

  1. L’importance des cris

Divers et variés : soif, chair, écrasé, hurlement, gémissements, (25 geint  = cri faible)  des cris des cris des cris (15), bcp répétitions ; cris= musique , comme un concert avec 11 et 90  refrain cri de soif, cri de chair qui meurt, cri d’écrasé ..qui revient s’étaient, prend une autre voix, une autre langue , tombe retombe .; on a l’impression d’entendre un soliste , ensuite un chant choral, un concert de cris et des modulations , des cri plus ou mois forts ; 

  1. Etouffement et promiscuité

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les déportés sur le quai 

Les corps sont serrés et les mouvements du train accentuent les souffrances des prisonniers : aiguillages frottent la peau, peau sur le bois, les passages en gare déclenchent des rais de lumière dans les wagons ; 35 ils m’enserrent, ils m’écrasent et je suis serré (36) je suis tout tordu (86) soulevé, bousculé (83/84 ) Des mouvements de panique provoqués par la cohue sont notés aux  mêmes vers (58 vous me piétinez, vous me mordez) : une violence animale qui se traduit par les verbes utilisés. Les prisonnier sont déshumanisé et réduits à n’être que  des morceaux de corps ( têtes qui hurlent, main qui griffe (32)  d‘autres pied qui frappent (85) 

  1. L’agonie apparait de manière  nette et parfois brutale  : mourir de soif , s’affaiblir, ne plus pouvoir se relever sont les principales craintes des déportés ; on les retrouve dans le poème avec la lutte pour la survie (je veux vivre répété), les répétitions des brûlures de la soif, la montée en puissance des cris et de la souffrance (crescendo final); C’est un véritable combat auquel se livrent les prisonniers ; ils luttent de toutes leur force pour rester en vie est parfois ils peuvent tuer pour atteindre leur objectif: rester vivant. Le poème utilise ici les nombreuses répétitions comme au vers 30 je veux vivre répété 3 fois ainsi qu’au vers précédent , les 5 occurrences de je la secoue pour montrer la volonté du poète de se libérer de cette masse qui l’oppresse, ce corps sur le sien .

  2.  

  3. C’est véritablement  un voyage épouvantable dont on cherche à s’échapper par l’évasion dans l’imaginaire et la poésie montre ce passage de la terrible réalité qu’elle exprime à une dimension rêvée, fantasme qui se nourrit d’images du souvenir ou de l’espoir . 

  4. Les images du souvenir : réconfort par la pensée ( des images réconfortantes eau, fruits, argent, rafraîchissement, champagne vers 43 les petite filles, les caniches ); elles sont déclenchées par la pensée (pensons à l’eau mes amis 40 et 43)

  5. Les images du fantasme : le prisonnier voyage par la pensée dans un monde idéal qui contraste avec la dure réalité (il peut boire à volonté, a frais, ne souffre plus, imagine que le train déraille dans la rivière); ces images sont restituées au présent et au futur immédiat (je vais boire 54) 

  6. Le dur retour à la réalité : le poème organise un va et vient entre le fantasme et la réalité : les événements qui rythment le voyage sont transformés par l’imagination ; le passage sur un pont (70 le pont va craquer quelles belles éclaboussures cela va faire ) , l’arrivée à une gare, la distribution d’eau par les allemands à l’occasion d’un arrêt  ( vous avez tout renversé ) deviennent des occasions de rêver 

En conclusion, le wagon forme une terrible prison dont on ne peut s’échapper et qui présente  la mort comme horizon.

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les trains à l’arrêt 

 Dès les premiers mots Cage, cage : les déportés sont pris au piège dans leur wagon et l’espace semble se réduire de +en + au fil du texte ; ce qui accroit les sensations d’écrasement et la dimension pathétique ; De plus, le poète s’adresse à ses compagnons avec les apostrophes 43,53,61) dans des sortes de prières pour conjurer ces assauts de violence animale .Les détenus sont totalement déshumanisés et se battent pour ne pas mourir écrasés : seuls les + forts survivront comme on peut le pressentir .La structure circulaire du poème et La NUIT évoquent un cercle de souffrances infinies avec la mort qui s’approche ;  on retrouve la même idée avec les modulations du poème qui est formé de la musique des cri des détenus . Le poète montre également que la force des images permet momentanément de s’évader en pensée d’un monde terrible. Il montre ainsi le pouvoir de images : conjurer le réel momentanément . On peut donc fabriquer de la poésie à partir de n’importe quelle situation comme le montre ici Voidies qui parvient à restituer à la fois sa peur,  sa douleur , la naissance de l’épouvante et  ses lueurs d’espoir , des lueurs intermittentes (v 3) 

 

 

12. mai 2016 · Commentaires fermés sur Verlaine en prison : une expérience douloureuse ? · Catégories: Première
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 Paul Verlaine (1844/1896)  a  été le premier poète à être qualifié de poète maudit ; Incarcéré suite à sa tentative d'homicide sur son ami et amant Arthur Rimbaud, Paul Verlaine effectuera, à l'âge de 30 ans,  un séjour marquant en prison; D'abord enfermé  à Bruxelles dès juillet 1873 jusqu'à son procès, il sera ensuite condamné et transféré à   à Mons en Belgique  où il passera  un peu plus de deux ans. Durant son emprisonnement, il retrouvera la foi et écrira beaucoup plus tard ses  Confessions. Pendant son incarcération, il compose  un recueil poétique   intitulé Cellulairement. La citation espagnole, empruntée à Cervantes, l’auteur de Don Quichotte, qui ouvre ce  recueil évoque son expérience de la détention : “il fut  captif où il apprit à prendre quelque patience dans les adversités “. Il s’adresse au lecteur et le prévient  d’emblée que “ces vers maladifs furent faits en prison” 

 Il dresse un portrait de lui en honnête homme et pas en criminel et rappelle qu’il est né sous le signe de Saturne qui est, pour Verlaine, la planète du malheur.  Depuis son premier recueil Poèmes Saturniens composé et publié à l’âge de 22 ans, Verlaine  se sent né sous une mauvaise étoile et  se bat pour une poésie musicale “De la musique avant toute chose  Et pour cela préfère l’Impair /Plus soluble dans l’air/ San rien en lui qui pèse ou qui pose.”  Il est également partisan de la simplicité : sur le plan formel, il ne souhait pas renoncer à la rime parce qu’il la considère comme un bijou mais il plaide pour une variété des mètres et des formes .  Son idéal de poésie est la chanson grise , une poésie impressionniste où les mots n’ont plus tout à fait le même sens que dans le dictionnaire et où leurs associations créent de nouvelles images .  

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Comment la prison est-elle évoquée dans ce poème ? Le titre initial Promenade au préau fait état du cadre dans lequel se situe cette composition: les détenus sont saisis durant ce moment de détente, à l’air libre, hors de leur cellule et ensemble; Pour évoquer  l’ambiance qui règne durant cette promenade dans la cour de la prison, Verlaine procède par petites notations réalistes ; Il assoit un détail et compose un tableau, une composition d’ensemble animée  à partir de ces notations éparses . Les prisonniers arrivent dans la cour et le poète établit une analogie avec une composition florale : la métaphore “se fleurit” au vers 1 les associé à une fleur des champs : le souci dont Verlaine utilise une amphibologie, le fait d’utiliser un seul mot dans deux sens différents ; en effet, le souci marque également leur front , c'est à dire  qu'ils ont un air préoccupé, ils ne sont pas joyeux; Ainsi le poète utilise un seul mot pour traduire deux types de sensations; L'image suivante de la première strophe repose sur le même procédé: d'abord le poète fabrique  l'image du la ronde avec le vers 4 "vont en rond” ,  On peut alors penser à une danse enfantine et joyeuse qui est effacée dans le vers suivant par celle de la danse macabre avec la mention du fémur au vers 5 et du verbe flageolant. C’est un portrait pathétique ici des détenus qui ressemblent à des cadavres soit en raison de leur maigreur (on peut évoquer la malnutrition) soit parce qu’ils sont ankylosés; comme ils ne sortent pas assez, ils ont du mal à marcher et leurs muscles tremblent; ils tiennent à peine sur leurs jambes ; ce qu’indique très exactement le verbe flageoler.  L’allitération en f prolonge l’image de la faiblesse physique de ces prisonniers .

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Cette dimension pathétique est complétée par le mot débilité qui forme le vers 6. Il peut s’agir ici d’une critique du système carcéral qui contraint les prisonniers à marcher les uns derrières les autres et maintient , en quelque sorte, une sensation de prison, à l’intérieur même de la cour de promenade qui doit être de petite dimension. La notion de liberté est alors toute relative..

Le récit de l’expérience carcérale es double d’une réflexion sur le rôle de al prison au sein de la société : ces détenus sont  qualifiés de frères mais également de bons vieux voleurs ou de doux vagabonds au vers 34 . Le poète marque ainsi sa solidarité avec eux et sa désapprobation face au traitement qu’ils subissent; La prison apparaît davantage comme un lieu d’isolement qui écrase les individus dangereux et les empêche de nuire; Or, Verlaine marque bien le caractère inoffensif de ces prisonniers , essentiellement des pauvres gens ; la morale a été bafouée et la société se venge des offenses commises en punissant les coupables; L’emploi du verbe contrister au vers 29 va dans le sens d’une réflexion sur le rôle de la punition. Les détenus ne sont guère choyés en prison mais ils ne peuvent se plaindre de leur sort car ils ont commis des fautes et sont donc punis. L’avant dernier huitain marque l’acceptation du prisonnier : soumis d’ailleurs et préparé à tous malheurs. Les vers 26 et 27 attestent de ce sentiment dominant qui est la culpabilité: la notion de faute et de péché facilite l’idée qu’il faut accepter son sort; Cependant la dernière strophe dément en partie ce sentiment avec le recul de la philosophie qui peut traduire une forme de distance ironique du poète; la prison serait ainsi à l’image de cette société de la fin du dix-neuvième, très inégalitaire , qui protège mal les individus fragilisé par la pauvreté et qui ne traite la délinquance , sous toutes ses formes (vol, infractions à la loi et à la morale sexuelle ) que par l’enfermement. Les deux dernier vers évoquent, sans doute en partie ironiquement, le caractère paisible de ce séjour carcéral marqué par la douleur mais cette tentation lyrique semble combattue , à l’intérieur même du poème , par une forme de détachement philosophique proche du stoïcisme . La prison devient ainsi un espace de méditation et pourra permettre au poète de développer de nouveau thèmes d’inspiration.