27. mars 2017 · Commentaires fermés sur Autour de la peine de mort : analyse de Dead man walking.. · Catégories: Seconde · Tags: cinéma, Hugo
En 1995, Tim Robbins décide d’écrire un scénario à partir d’un synopsis qui provient d’un livre rédigé par une religieuse Soeur Héléne Préjean qui retrace son expérience d’accompagnement d’un prisonnier condamné pour le viol et le meurtre de deux adolescents et condamné à mort par l’état de Louisiane. Le titre fait référence aux paroles du gardien lorsque Matthew Poncelet se dirige vers la chambre d’exécution: il annonce officiellement “c’est la marche du mort” ; Auparavant soeur Hélène, qui était devenue sa conseillère spirituelle et qui demeura avec lui le dernier jour de sa vie, lui avait interprété un cantique (chant religieux ) où il est également question de marcher vers la mort sans avoir peur . Ce film n’est pas un simple plaidoyer contre la peine de mort: il enseigne aussi la valeur de l’amour et du pardon.
Le film débute par un portrait en actions du personnage de soeur Hélène Préjean: on la voit souriante et occupée à aider les enfants et les femmes de la communauté noire de son quartier alors qu’elle-même est issue, comme on le verra au cours d’un repas de famille, d’un milieu social beaucoup plus favorisé. Cette femme se caractérise par une bonté et un dévouement hors du commun et un désir très marqué d’aider son prochain et particulièrement les plus démunis; C’est sous cet angle que le spectateur comprend son engagement aux côtés du condamné Matthew Poncelet, accusé d’avoir sauvagement violé et tué un couple d’adolescents sans histoire, deux enfants qui faisaient la joie et la fierté de leurs parents et qui étaient promis à un bel avenir. Leur mort atroce paraît d’autant plus injuste et les images que le réalisateur choisit de montrer en montage alterné au moment où Porcelet va être exécuté , tendent à superposer les destins des victimes et celui du tueur; Il a certes ôté la vie et s’est montré inhumain mais sa mort décidée par la société le met dans la même position que les victimes ; la caméra filme ici en plongée les corps des adolescents qui forment une croix et celui du condamné sanglé sur la table .
.Le spectateur s’attache rapidement au personnage d’Hélène incarné par l’actrice Susan Sarandon et il la découvre , au début du film,malmenée par l’aumônier principal de la maison d’arrêt qui lui reproche de ne pas porter l’habit religieux; A travers ce personnage sévère , le réalisateur montre deux conceptions de la religion chrétienne qui s’affrontent : l’une, rigoriste et intransigeante , est basée sur la loi de l’Ancien Testament qui préconise la vengeance et la châtiment pour les fautes alors que soeur Hélène défend plutôt les principes du Nouveau Testament fondés sur le pardon des fautes . L’exemple de Jésus est souvent cité : on rappelle qu”il est mort pour nous sauver et on retrouve des images dans le film qui évoquent la crucifixion du Christ notamment quand le condamné est basculé sur la table d’exécution. On notera aussi que les religieux ne sont pas tous d’accord sur ce que leur foi leur enseigne : les parents de Hope ont perdu leur foi et ne pensent qu’à se venger alors que le père de Percy, Monsieur Delacroix, finit par retrouver le chemin de l’église et de la prière en rejoignant soeur Hélène à la fin du film.A travers cette confrontation des personnages, le cinéaste nous fait prendre conscience que la religion propose plusieurs idéologies qui se retrouvent en concurrence.
Une autre opposition qui traverse le film , c’est la réflexion sur l’existence et la pratique de la peine de mort et son application légale ; Certains américains comme l’avocat de Matthew Poncelet ou soeur Hélène, se battent pour son abolition alors que les parents des victimes dans le scénario ainsi que beaucoup d’autres (on peut penser à la femme médecin en prison qui pratique l’injection et qui a un rôle ambigu), s’y montrent favorables comme dans les Etats qui la pratiquent sous différentes formes (chaise électrique, pendaison, injection léthale) . L’habileté du film consiste à établir une évolution dans la relation du spectateur avec les deux principaux protagonistes; Le condamné se montre parfois totalement antipathique et parfois très émouvant .Depuis des dizaines d’années les arguments des abolitionistes reposent sur l’idée qu’en tuant un homme quand bien même il se serait rendu coupable des pires atrocités, on devient soi même, collectivement, des assassins. C’est la thèse à laquelle le réalisateur semble se rallier .
Le personnage du condamné est construit sur plusieurs ambivalences : incarné par l’acteur Sean Penn , il représente à la fois le mauvais garçon (bad boy ) et la victime de la société; Le spectateur le voit tour à tour comme un sale raciste , un fils qui cherche à protéger sa mère, un homme manipulateur, un “pauvre” victime de son incapacité à se défendre avec un bon avocat, un tueur cynique et sauvage. Soeur Hélène entretient avec lui, au cours de ses visites au parloir, une relation faite à la fois de fascination et de compassion. D’ailleurs cette question est posée à plusieurs reprises dans le film, qu’est-ce qui l’attire chez cet homme : est-ce son désir de sauver les plus faibles, ceux que tout le monde rejette ou sa fascination morbide pour le Mal ? C’est en effet une idée qui traverse également le film : comment devient-on un tueur ? Est-on prédestiné à fair tel Mal ?
Lors de ses échanges avec soeur Hélène, Matthew raconte l’alcoolisme partagé avec son père, la pauvreté mais le film montre aussi la haine cultivée dè l’enfance, le poids des préjugés et les difficultés de cette famille ; On sera sensible à la dernière visite en prison des trois jeunes frères du condamné qui ont l’air très mal à l’aise et pourtant, on sent que des sentiments existent entre eux , qu’ils ne parvient pas à exprimer; la peine de la mère du tueur est également un moyen que Tim Robbins utilise pour nous faire prendre le condamné en pitié parce que cette femme éprouve réellement du chagrin de perdre son fils .
Le film ne se contente pas de montrer les conséquences d’un meurtre : il révèle les bouleversements de ce geste meurtrier dans les familles des victimes et du tueur ; on retrouve ainsi des idées que Hugo a envisagées dans son roman Le dernier jour d’un condamné en montrant, la visite de Marie , la fillette du prisonnier qui comme Matthew, s’inquiète de la survie des siens : comment vont-ils s’en sortir sans l’argent qu’il ramenait de son travail ? Les spectateurs envisagent alors le condamné sous un autre angle ne dépit de ce qu’il a commis.
Autre idée clé du scénario : dresser un parallèle entre les souffrances subies par les noirs autrefois esclaves dans les plantations et les souffrances de ces deux jeunes gens victimes d’un duo de malfaiteurs ivres et drogués. On pense notamment à la scène où soeur Hélène, en voiture, regarde les ouvriers noirs travailler dans les champs et imagine , en même temps, la scène du meurtre où elle veut croire à l’innocence de Matthew. L’action de soeur Hélène apparait ainsi sous cet angle comme un moyen d’apaiser les souffrances humaines , passées et présentes. Ce personnage est totalement convaincant dans son interprétation . L’actrice a d’ailleurs reçu un oscar pour sa prestation.
12. mars 2017 · Commentaires fermés sur Le dernier jour d’un condamné : pourquoi écrire ? · Catégories: Seconde · Tags: Hugo, prison
Exemple d’introduction : Le premier roman de Victor Hugo écrit à l’âge de 27 ans témoigne de son engagement contre la peine de mort : il imagine un personnage de condamné à mort qui a pour fonction de sensibiliser les lecteurs sur la souffrance morale des prisonniers dès lors qu’il savent qu’ils vont être exécutés. Au chapitre 5, le romancier justifie l’écriture même du prisonnier . Ce dernier ,en effet , se demande à quoi bon écrire . Tout d’abord, nous verrons que l’écriture lui permet de lutter contre l’ennui. Ensuite, nous montrerons que le journal du condamné a pour but de lutter our l’abolition de la peine capitale. Nous démontrerons enfin qu’écrire lui permet de mieux se comprendre.
Le prisonnier se trouve “pris entre quatre murailles de pierre nue”: il n’a que très peu d’espace et ses déplacements sont limités ; sa seule distraction consiste comme il le précise l 280, à suivre la progression des ombres au fur et à mesure que le jour s’écoule; Pour lutter conter ce désoeuvrement, l’écriture apparaît comme un dérivatif; mais il doute de pouvoir trouver quelque chose qui vaille la peine d’être écrit (287). Il a alors l’idée de noter les mouvements qui se font en lui : cette tempête, cette lutte, cette tragédie ( 290) . Vue sous cet angle, la matière lui parait riche : il a trouvé un sujet d’inspiration et peindre ses états d’âme le “distraira ” et lui permettra d’ailleurs “d’en moins souffrir” . L’écriture va ainsi lui permettre d’oublier que tout autour de lui est “monotone et décoloré” ( 289 ) ; Se consacrer à son monde intérieur semble alléger quelque peu ses souffrances et lui donne ainsi “de quoi user cette plume et tarir cet encrier “
De plus, le condamné envisage que cette autopsie intellectuelle qu’il s’apprête à pratiquer “ne sera peut être pas inutile” : en effet, il pense que le journal de ses souffrances et l’histoire de ses sensations portera avec elle “un grand et profond enseignement ” ( l 307) Ainsi , en prenant connaissance de sa souffrance morale et des tortures liées à son arrêt de mort , ceux qui condamnent auront peut être la main moins légère (ligne 312 ) . Ils pourront se rendre compte qu dans l’homme qui va mourir, il y a une intelligence et surtout “une âme qui n s’est point disposée pour la mort ( l 319 ) . En fait, le prisonnier espère que ses quelques lignes vont servir la cause des abolitionnistes et le romancier plaide , à travers ce personnage, contre la peine de mort qu’il juge inhumaine . Il compte sur sa fiction pour convaincre ses lecteurs du caractère atroce d’une sentence ; Il compte sur l’avenir : ” un jour viendra, et peut -être ces mémoires, derniers confidents d’un misérable, y auront-ils contribué.. ( l 330 )
L’écriture du prisonnier peut également avoir une autre fonction : thérapeutique elle l’aide à moins s’ennuyer, didactique , elle délivre un enseignement et enfin, elle lui permet de mieux se comprendre; elle a ainsi une fonction d’ expliquer ce qu’il ressent; L’écriture intime fixe ainsi les changements qui se font en lui : il s’observe et note ce qu”il “éprouve de violent et d’inconnu” (295) L’écriture donne ainsi un nom à des sentiments confus, les démêle et valide leurs transformations. Ses pensées, en effet, se présentent à lui “à chaque heure, à chaque instant, sous une nouvelle forme ” ( 291). Ecrire donne une forme à des pensées mouvantes .
Voilà un exemple de conclusion : En nous plongeant au coeur des réflexions imaginaires d’un prisonnier condamné à mort, le romancier lui donne ici la possibilité de s’interroger sur le bien- fondé de l’écriture et par là-même, il rappelle l’intérêt et l’utilité de cette opération; Se pencher sur soi-même permet d’y voir plus clair; écrire délivre de l’ennui et permet momentanément d’oublier l’enfermement et enfin , les questions du condamné servent ici la cause de Hugo, fervent défenseur de la suppression de la peine de mort. Il espère toucher un large public et le rallier à sa cause grâce à cette fiction.
11. mars 2017 · Commentaires fermés sur Le journal d’un condamné : un début qui donne le ton ( premier extrait ) · Catégories: Seconde
L‘incipit d’un roman a trois fonctions : présenter le cadre de l’intrigue, la situation initiale et présenter le personnage . Il faut observer qui raconte l’histoire (le narrateur ), quelle est la situation et les enjeux du récit et quel rôle va jouer le personnage . Le récit à la première personne du singulier nous fait penser à un narrateur interne : personnage principal et narrateur sont confondus dans ce qui a la forme d’un journal intime . En effet, on repère un lieu ‘Bicêtre”, une vaste prison située en banlieue parisienne. Le héros est un condamné à mort à qui il rest seulement 6 semaines à vivre et qui note ses pensées face à cette menace qui l’obsède.
Le commentaire littéraire va s’organiser autour de la problématique suivante : comment l’auteur présente-t-il ici le condamné et que lui inspire la situation dans laquelle il se trouve ? Cette problématique résume l’idée principale du passage ; Pour y répondre, il nous faudra étudier la situation du personnage, ses pensée morbides et sa peur de l’exécution. Ce sont les trois parties du plan d’étude du commentaire.
Voilà quelques remarques , 5 au total qui forment des mini-paragraphes de commentaire : il faudra ensuite que vous les rangiez à l’intérieur d’un plan détaillé et au sein de vos paragraphes argumentés;
1. Le condamné semble souffrir de l’imminence de sa mort et il se la représente : l’anaphoretoujours seul avec elle, toujours glacé de sa présence, toujours courbé sous son poidstraduit bien cette obsession. Ici Hugo traduit l’idée de pesanteur et d’asservissement de la pensée du prisonnier torturé moralement. L’écrivain veut montrer à ses lecteurs la souffrance morale des condamnés bine avant même d’évoquer leur souffrance physique à laquelle la plupart des gens pensent d’abord. Quant à l’adjectif glacé, il rappelle les images du cadavre et de froid mortel et peut également traduite l’idée de peur éprouvée par le condamné.
2. autrefois j’étais un homme comme un autre : cette affirmation a priori banale révèle l’exclusion dont se sent atteint le prisonnier : sa condamnation fait de lui un être à part, isolé du reste du l’humanité. Hugo peut peut être évoquer aussi le crime commis par cet homme qui , du coup, l’a isolé du reste de la société en le faisant emprisonner; la prison n’est pas seulement le lieu de privation des libertés, c’est aussi un lieu d’exclusion .
3. Autrefois/ j’étais libre ; Maintenant suis captif. L’écrivain établit un contraste saisissant entre le passé heureux du prisonnier et sa misérable existence en prison ; Il construit deux paragraphes qui commencent tous deux par un adverbe de temps et ces deux paragraphes opposent le passé et le présent du détenu. Autrefois et maintenant sont antithétiques de même qu elibr été captif. Cette antithèse permet de mieux mesurer l’horreur de la captivité .
4.Une horrible, une sanglante, une implacable idée : cette énumération qui peut faire figure de gradation car on y sent une montée en puissance des adjectifs, traduit le caractère obsessionnel et incontournable de la torture morale infligée â un homme lorsqu’on le condamne à être exécuté .Hugo se bat en fait avec ce roman d’idées contre la peine de mort qu’il espère faire disparaître . Il tente , à travers cette fiction de convaincre les lecteurs des conséquences morales que cette sentence entraîne .
5. pensée infernale..comme un spectre de plomb à mes côtés. Le prisonnier évoque les cauchemars provoqué par cette pensée de sa mort prochaine: il la figure tel un fantôme noir qui lui gâche le peu de jours qui lui reste à vivre; cette pensée de la mort prochaine prend alors la forme d’un créature infernale que rien ne peut chasser. La comparaison traduit ici une sorte d‘allégorie de la pensée de la mort.
Charles Juliet est un écrivain à part dans le paysage littéraire : fortement attiré dès son plus jeune âge par l’écriture, en grande partie autodidacte, il écrit l’histoire de sa vie et donne voix à sa mère biologique ainsi qu’à sa mère adoptive, en leur rendant hommage. Ecriture du souvenir, de la mémoire, mais également écriture thérapeutique, qui tente du soigner les blessures et de refermer les plaies de l’existence, Lambeaux se donne à nous comme un témoignage sincère mais fictif .
Le titre désigne les petits morceaux de la vie que l’autre tente du recoller les uns aux autres , souvenirs auxquels l’écriture s’efforce douloureusement de donner une forme; L’écrivain se heurte à l’impossible envie de tout dire, tout expliquer, tout exhumer de ce passé terrible qui fut avant tout celui de l’abandon. L’écriture met en forme l’informe : elle donne forme au tissu épars des souvenirs de vie. A la fois récit autobiographique et biographie de la mère décédée dont il recrée l’existence avant même sa naissance, le livre surprend par son tutoiement qui implique fortement l’adhésion du lecteur et fait de lui le témoin muet des souffrances passées.
Les souvenirs se succèdent et se ressemblent , à la fois pour la mère et le fils : solitude, sensation d’être incompris, isolé du reste du monde, différent. La dure vie des paysans ne semble guère convenir à ces deux êtres sensibles et fragiles. Le jeune garçon se construit et apprend à surmonter ses peurs : peur de l’abandon, peur du noir, peur de déplaire, d’être rejeté comme avec son père biologique qu’il surnomme “le père de la montagne” , peur de ne pas avoir de valeur à tel point qu’âgé d’ une quinzaine d’années, le narrateur n’ hésite pas à adopter des conduites à risque et notamment à jouer sa vie à pile ou face; très fortement marqué par des événements survenus durant sa petite enfance ou même avant cette dernière, l’auteur utilise l’écriture pour tenter de sortir du brouillard et de faire fuir les ombres qui l’entourent. Il reprend, dans l’épilogue du récit, le modèle qu’a employé Virgile, un auteur latin, pour décrire la sortie des Enfers de son héros Enée.
Récit touchant et auquel on ne reste pas indifférent, lambeaux nous entraîne dans un voyage au coeur de ce qui constitue notre existence individuelle.
Quelques rappels de méthode : pour écrire l’introduction du commentaire composé sur l’épisode de l’accident de vélo, on pouvait procéder de la manière suivante .
On commence par décrire le cadre de publication, l’époque et / ou le mouvement littéraire; ensuite on évoque l’auteur, l’ oeuvre, l’extrait et son thème, sa place au sein du roman; on choisit une problématique qu’on rédige sous forme de question et on termine par annoncer un plan dont chacune des parties répond , à sa manière à la question posée.
Voilà un modèle d’introduction possible pour un commentaire composé qui porterait sur cette partie du roman: l’accident de vélo.
Roman en partie autobiographique composé en 1995 par Charles Juliet , Lambeaux retrace deux vies et rend hommage aux deux mères du narrateur : sa mère adoptive décédée lorsqu’il avait 7 ans et sa mère adoptive qui lui a donné beaucoup d’amour. Alors qu’ il vient de se voir éconduire par son père qu’il ne voit que rarement , le héros décide de ne pas freiner dans une descente à vélo: il pense ainsi voir s’il mérite de vivre. Dans quelle mesure cet épisode déterminant témoigne-t-il d’une souffrance profonde ? Dans un premier temps, nous évoquerons le récit de l’accident avant de montrer que le narrateur éprouve des sentiments ambivalents et nous terminerons en soulignant la souffrance du personnage.
16. février 2017 · Commentaires fermés sur Le dernier jour d’un condamné : un plaidoyer contre la peine de mort et une préface importante. · Catégories: Seconde · Tags: Hugo
Victor Hugo est âgé de 27 ans lorsqu’il écrit ce court roman, construit comme une nouvelle autour du personnage anonyme du condamné à mort. Conçu sous la forme d’un journal intime , cette histoire a pour but de susciter un débat autour de la peine de mort; Hugo militera, en effet, dès les années 1830, pour son abolition et son opinion est loin d’être majoritaire à son époque. Notons qu’il faudra attendre 1981 en France pour que François Mitterand, alors nouveau président de la République, fasse abolir la peine de mort par son ministre de la justice : Robert Badinter qui prononça , à cette occasion un discours demeuré célèbre.
Le lecteur ne peut s’empêcher de s’identifier à ce narrateur anonyme et de s’apitoyer sur son sort. L’auteur s’attache à susciter l’émotion en jouant sur le registre pathétique plus souvent et tragique parfois. Les passages argumentatifs sont nombreux et défendent la thèse de l’existence pour chaque homme d’un droit inaliénable à la vie; A sa parution, en 1829, le roman a déclenche un scandale et Hugo a été jugé subversif. Il le sera encore plus dans ses romans à venir en défendant les droits de ceux qui souffrent sans pouvoir s’exprimer : les enfants, les pauvres , les illettrés .
Ecrite en 1832, trois ans après la première parution du récit, la Préface justifie et précise le projet hugolien de plaidoyer contre la peine de mort. “Ce livre, écrit-il, est adressé à quiconque juge “; Du coup, l’auteur a gommé volontairement tous les indices qui pourraient permettre de rendre cette histoire individuelle; Ce criminel anonyme représente l’ensemble de ceux qui ont été jugés, déclarés coupables et vont être exécutés. L’idée d’écrire ce livre lui est venue des exécutions auxquelles il a pu assister place de Grève à Paris, et il espère ainsi pouvoir “empêcher le sang de couler ” En 1830, lors de la Révolution de Juillet, une première fois la Chambre des députés proposa de voter l’abolition de la peine de mort pour sauver quatre ministres condamnés pour avoir comploté contre l’Etat mais Hugo s’il était bien sûr d’accord pour les épargner, aurait préféré qu’on abolisse la peine de mort pour sauver tous “ces pauvres diables que la faim pousse au vol et le vol au reste; enfants déshérités d’une société marâtre que la maison de force prend à 12 ans, le bagne à 18 et l’échafaud à 40. ” Hugo raconte ensuite toutes les exécutions qui se sont mal déroulées avec des condamnés en sang épargnés par la guillotine défectueuse et qu’on achève devant la foule ; le romancier termine ensuite par un passage en revue des principaux arguments employés par les partisans de la peine de mort ;
ils la jugent nécessaire pour retrancher de la communauté un membre qui pourrait encore lui nuire mais Hugo rétorqué que l’isolement en prison suffit à protéger la communauté : ” pas de bourreau où le geôlier suffit ” écrit-il.
ils la jugent indispensable pour punir et se venger mais Hugo affirme que Dieu seul a la droit de punir et de décider qui doit vivre et qui doit mourir. La société selon lui doit “corriger pour améliorer ”
ils la jugent importante pour faire des exemples et dissuader ainsi les futurs criminels de passer à l’acte : toutefois Hugo précise que depuis un certain temps,la plupart des exécutions à Paris ne sont plus vraiment publiques et ont lieu discrètement, tôt le matin , de peur des émeutes et des mouvements de foule coutumiers en place de Grève . ” sous la patte de velours du juge, on sent les ongles du bourreau ” Pour le futur député républicain, la décision de justice masque en réalité la cruauté de la nature humaine . Hugo se moque ensuite de la rhétorique des procureurs qui parviennent à dissimuler, en choisissant leur mots avec soin, l’horreur de la mort . Il argumente point par point et construit un véritable réquisitoire contre la peine de mort en prenant soin de ménager des transitions : ” la raison est pour nous, le sentiment est pour nous, l’expérience est aussi pour nous ” écrit-il avant de commencer à évoquer les pays qui ont déjà aboli la peine capitale et qui voient,paradoxalement, leur taux de criminalité baisser .
En réalité, Victor Hugo ne veut pas seulement faire disparaître la peine de mort: il souhaite réformer le système judiciaire dans son ensemble en séparant , par exemple, les crimes par intérêt des crimes passionnels , qui selon, lui devraient être jugés avec moins de sévérité. Pour rassurer ceux qui craignent que l’abolition de la peine de mort sème l’anarchie, Hugo fait remarquer que ” l’ordre ne disparaîtra pas avec le bourreau.”
Que pensez-vous des arguments rencontrés dans cette préface ? Lesquels vous semblent les plus convaincants ? et Pourquoi ?
De nombreux reproches ont été adressés au drame romantique , particulièrement à ses débuts (Souvenez-vous de la célèbre bataille d’Hernani ) et la pièce de Hugo , jouée pour la première fois en 1838, n’a pas été épargnée. En 1880, Zola se montrait particulièrement sévère dans son jugement et reprochait notamment à Hugo d’avoir falsifié la vérité et imaginé un conte de fées abracadabrant. Les lecteurs actuels n’apprécient pas toujours la beauté de ce drame et peuvent eux aussi se montrer de vigoureux critiques.
Votre sujet d’invention consistait , dans les deux cas, à imaginer la défense de Victor Hugo: ce dernier devait répondre à ses détracteurs sous la forme d’une lettre qui contient ses arguments; les critères d’évaluation sont au nombre de 4
la qualité de votre écriture 4 pts
la prise en compte de la nature des critiques 4 pts
l’invention d’arguments variés et pertinents 4 pts
l’utilisation de l ‘oeuvre en elle-même dont certains passages précis illustrent les arguments théoriques 4 pts
Emile Zola admire en Victor Hugo le poète lyrique mais il critique sa prétention à vouloir , à travers son drame romantique, représenter les ambitions du Peuple; On peut d’abord se demander si les critiques de Zola paraissent fondées et s’il a raison de reprocher à Hugo ses contre-sens historiques . On peut également émettre l’hypothèse que les deux auteurs n’ont pas la même conception du rôle du théâtre en particulier et de la littérature ,en général.N’oublions pas que cette lettre de Zola est publiée en 1880 soit presque 50 ans après la parution de la pièce.
Comment répondre aux critiques de Zola ? Une première étape consistait à prolonger les analyses du cours et à formuler clairement ce qui est critiqué par le romancier naturaliste en reprenant point par point les accusations formulées.
Vous trouverez en rouge dans le document les principaux reproches de Zola, en jaune les éléments qu’il admire dans l’oeuvre; en vert apparaît la conception de l’écriture et de l’oeuvre artistique et en bleu les interprétations de Zola qui sont discutables.
Et nous venons bien de le voir, à cette représentation de RuyBlas, qui a soulevé un si grand enthousiasme.
C’était le poète, le rhétoricien superbe qu’on applaudissait. Il a renouvelé la langue, il a écrit des vers qui ont l’éclat de l’or et la sonorité du bronze. Dans aucune littérature, je ne connais une poésie plus large ni plus savante, d’un souffle plus lyrique, d’une vie plus intense.
Mais personne, à coup sûr, n’acclamait la philosophie, la vérité de l’œuvre. Si l’on met à part le clan des admirateurs farouches […] tout le monde hausse les épaules aujourd’hui devant les invraisemblances de Ruy Blas. On est obligé de prendre ce drame comme un conte de fée sur lequel l’auteur a brodé une merveilleuse poésie. Dès qu’on l’examine au point de vue de l’histoire et de la logique humaine, dès qu’on tâche d’en tirer des vérités pratiques, des faits, des documents, on entre dans un chaos stupéfiant d’erreurs et de mensonges, on tombe dans le vide de la démence lyrique.
Le plus singulier c’est que Victor Hugo a eu la prétention de cacher un symbole sous le lyrisme de Ruy Blas. Il faut lire la préface et voir comment, dans l’esprit de l’auteur, ce laquais amoureux d’une reine personnifie le peuple tendant vers la liberté, tandis que don Salluste et don César représentent la noblesse d’une monarchie agonisante. On sait combien les symboles sont complaisants […] Seulement celui-ci, en vérité, se moque par trop du monde.
Voyez-vous le peuple dans Ruy Blas, dans ce laquais de fantaisie qui a été au collège, qui rimait des odes avant de porter la livrée, qui n’a jamais touché un outil et qui, au lieu d’apprendre un métier, se chauffe au soleil et tombe amoureux des duchesses et des reines ! Ruy Blas est un bohème, un déclassé, un inutile : il n’a jamais été le peuple. D’ailleurs admettons un instant qu’il soit le peuple, examinons comment il se comporte, tâchons de savoir où il va. Ici, tout se détraque. Le peuple poussé par la noblesse à aimer une reine, le peuple devenu grand ministre et perdant son temps à faire des discours, le peuple tuant la noblesse et s’empoisonnant ensuite : quel est ce galimatias ? Que devient le fameux symbole ? Si le peuple se tue sottement, sans cause aucune, après avoir supprimé la noblesse, la société est finie.
On sent ici la misère de cette intrigue extravagante, qui devient absolument folle, dès que le poète s’avise de vouloir lui faire signifier quelque chose de sérieux. Je n’insisterai pas davantage sur les énormités de Ruy Blas, au point de vue du bon sens et de la simple logique.
Commepoème lyrique, je le répète, l’œuvre est d’une facture merveilleuse ; mais il ne faut pas une minute vouloir y chercher autre chose, des documents humains des idées nettes, une méthode analytique, un système philosophique précis. C’est de la musique et rien autre chose.
J’arrive à un second point. Ruy Blas, dit-on, est un envolement dans l’idéal ; de là, toutes sortes de précieux effets : il agrandit les âmes, il pousse aux belles actions, il rafraîchit et réconforte. Qu’importe si ce n’est qu’un mensonge ! il nous enlève à notre vie vulgaire et nous mène sur les sommets. On respire, loin des œuvres immondes du naturalisme. Nous touchons ici le point le plus délicat de la querelle.
Sans le traiter encore à fond, voyons donc ce que Ruy Blas contient de vertu et d’honneur. Il faut d’abord écarter don Salluste et don César. Le premier est Satan, comme dit Victor Hugo ; quant au second, malgré son respect chevaleresque de la femme, il montre une moralité douteuse. Passons à la reine. Cette reine se conduit fort mal en prenant un amant ; je sais bien qu’elle s’ennuie et que son mari a le tort de beaucoup chasser : mais, en vérité, si toutes les femmes qui s’ennuient prenaient des amants, cela ferait pousser des adultères dans chaque famille. Enfin, voilà Ruy Blas, et celui-là n’est qu’un chevalier d’industrie, qui, dans la vie réelle, passerait en cour d’assises. Eh quoi ! ce laquais a accepté la reine des mains de don Salluste ; il consent à entrer dans cette tromperie, qui devrait paraître au spectateur d’autant plus lâche que don César, le gueux, l’ami des voleurs, vient de la flétrir dans deux superbes tirades ; il fait plus, il vole un nom qui n’est pas le sien. Puis, il porte ce nom pendant un an, il trompe une reine, une cour entière, tout un peuple et ces vilenies, il s’en rend coupable pour consommer un adultère ; et il comprend si bien la traîtrise, l’ordure de sa conduite, qu’il finit par s’empoisonner ! Mais cet homme n’est qu’un débauché et un filou !Mon âme ne s’agrandit pas du tout en sa compagnie. Je dirai même que mon âme s’emplit de dégoût car je vais malgré moi au-delà des vers du poète, dès que je veux rétablir les faits et me rendre compte de ce qu’il ne montre pas ; je vois alors ce laquais dans les bras de cette reine, et cela n’est pas propre.
Au fond Ruy Blas n’est qu’une monstrueuse aventure qui sent le boudoir et la cuisine. Victor Hugo a beau emporter son drame dans le bleu du lyrisme, la réalité qui se trouve par-dessous est infâme. Malgré le coup d’aile des vers, les faits s’imposent, cette histoire n’est pas seulement folle, elle est ordurière ; elle ne pousse pas aux belles actions, puisque les personnages ne commettent que des saletés ou des gredineries, elle ne rafraîchit pas et ne réconforte pas, puisqu’elle commence dans la boue et finit dans le sang. Tels sont les faits.
Maintenant si nous passons aux vers, il est très vrai qu’ils expriment souvent les plus beaux sentiments du monde. Don César fait des phrases sur le respect qu’on doit aux femmes ; la reine fait des phrases sur les sublimités de l’amour ; Ruy Blas fait des phrases sur les ministres qui volent l’État. Toujours des phrases, oh ! des phrases tant qu’on veut !
Est-ce que par hasard les vers seuls seraient chargés de l’agrandissement des âmes ? Mon Dieu ! oui, et voilà où je voulais en arriver : il s’agit simplement ici d’une vertu et d’un honneur de rhétorique. Le romantisme, le lyrisme met tout dans les mots. Ce sont les mots gonflés, hypertrophiés, éclatant sous l’exagération baroque de l’idée. L’exemple n’est-il pas frappant : dans les faits, de la démence et de l’ordure ; dans les mots, de la passion noble, de la vertu fière de l’honnêteté supérieure. Tout cela ne repose plus sur rien : c’est une construction de langue bâtie en l’air. Voilà le romantisme. […]
Victor Hugo reste un grand poète, le plus grand des poètes lyriques. Mais le siècle s’est dégagé de lui, l’idée scientifique s’impose. Dans Ruy Blas, c’est le rhétoricien que nous applaudissons. Le philosophe et le moraliste nous font sourire.
Émile Zola, Lettre à la jeunesse (fragments).
À propos de l’entrée de RuyBlas à la Comédie-Française, en août 1880
18. janvier 2017 · Commentaires fermés sur Lambeaux : la poésie du souvenir · Catégories: Seconde
Le roman de Charles Juliet intitulé Lambeaux se construit à partir d’un projet d’écriture du souvenir, de la mémoire et de la recherche d’identité. Mais il se caractérise aussi par une écriture romanesque poétique qui fait la part belle aux images, aux sonorités et aux rythmes. Qu’est-ce qui caractérise une écriture poésie ? comment rendre une écriture poétique et comment transformer la retranscription d’un souvenir en énoncé poétique ? Examinons les textes suivants .
Prologue
Tes yeux. Immenses. Ton regard doux et patient où brûle ce feu qui te consume. Où sans relâche la nuit meurtrit ta lumière. Dans l’âtre, le feu qui ronfle, et toi, appuyée de l’épaule contre le manteau de la cheminée. À tes pieds, ce chien au regard vif et si souvent levé vers toi. Dehors, la neige et la brume. Le cauchemar des hivers. De leur nuit interminable. La route impraticable, et fréquemment, tu songes à un départ, une vie autre, à l’infini des chemins. Ta morne existence dans ce village. Ta solitude. Ces secondes indéfiniment distendues quand tu vacilles à la limite du supportable. Tes mots noués dans ta gorge. À chaque printemps, cet appel, cet élan, ta force enfin revenue. La route neuve et qui brille. Ce point si souvent scruté où elle coupe l’horizon. Mais à quoi bon partir. Toute fuite est vaine et tu le sais. Les longues heures spacieuses, toujours trop courtes, où tu vas et viens en toi, attentive, anxieuse, fouaillée par les questions qui alimentent ton incessant soliloque. Nul pour t’écouter, te comprendre, t’accompagner. Partir, partir, laisser tomber les chaînes, mais ce qui ronge, comment s’en défaire? Au fond de toi, cette plainte, ce cri rauque qui est allé s’amplifiant, mais que tu réprimais, refusais, niais, et qui au fil des jours, au fil des ans, a fini par t’étouffer. La nuit interminable des hivers. Tu sombrais. Te laissais vaincre. Admettais que la vie ne pourrait renaître. À jamais les routes interdites, enfouies, perdues. Mais ces instants que je voudrais revivre avec toi, ces instants où tu lâchais les amarres, te livrais éperdument à la flamme, où tu laissais s’épanouir ce qui te poussait à t’aventurer toujours plus loin, te maintenaient les yeux ouverts face à l’inconnu. Tu n’aurais osé le reconnaître, mais à maintes reprises, il est certain que l’immense et l’amour ont déferlé sur tes terres. Puis comme un coup qui t’aurait brisé la nuque, ce brutal retour au quotidien, à la solitude, à la nuit qui n’en finissait pas. Effondrée, hagarde. Incapable de reprendre pied. Te ressusciter. Te recréer. Te dire au fil des ans et des hivers avec cette lumière qui te portait, mais qui un jour, pour ton malheur et le mien, s’est déchirée.
Epilogue
Tu sors de la forêt. Les brouillards se sont dissipés. Tes blessures ont cicatrisé. Une force sereine t’habite. Sous ton œil renouvelé, le monde a revêtu d’émouvantes couleurs. Tu as la conviction que tu ne connaîtras plus l’ennui, ni le dégoût, ni la haine de soi, ni l’épuisement, ni la détresse. Certes, le doute est là, mais tu n’as plus à le redouter. Car il a perdu le pouvoir de te démolir. D’arrêter ta main à l’instant où te vient le désir de prendre la plume. La parturition a duré de longues années, d’interminables années, mais tu as fini naître et pu enfin donner ton adhésion à la vie.
Depuis cette seconde naissance, tout ce à quoi tu aspirais mais qui te semblait à jamais interdit, s’est emparé de tes terres : la paix, la clarté. la confiance, la plénitude, une douleur humble et aimante. Parvenu désormais à proximité de la source, tu es apte à faire bon accueil au quotidien, à savourer l’instant, t’offrir à la rencontre. Et tu sais qu’en dépit des souffrances, des déceptions et des drames qu’elle charrie, tu sais maintenant de toutes les fibres de ton corps combien passionnante est la vie.
Qu’est-ce qui caractérise ici l’écriture poétique ?
Un poème de Charles Juliet
toi ma morte
mon enfance avortée mes années errantes ton visage plane
sur ma vie
et tu es le sang et la sève
le chemin
que je m’ouvre la lumière où mûrira l’issue
tu es aussi la mort
la mort où s’engloutit au premier jour
ton visage inconnu
(celle où je désire sombrer quand je rêve d’en finir)
mais tout autant tu es ce mourir de chaque instant auquel il me faut consentir
(ce mourir qui rend l’être aussi neuf aussi clair aussi jaillissant qu’un clair matin d’avril )
étrangement
tu me tiens
en deçà
de ma naissance
et parfois guidé par tes mains te tète l’origine
L’œil se scrute 1995/ Fouilles 1998 Charles Juliet
Compare les deux styles d’écriture et tente de caractériser ce qu’on nomme une écriture poétique .
18. janvier 2017 · Commentaires fermés sur Lambeaux : une écriture du souvenir pour se reconstruire · Catégories: Seconde
Charles Juliet compose une oeuvre originale qui poursuit différents buts : tout d’abord, se connaître lui-même et se découvrir au moyen de l’écriture ; Ensuite reconstruire sa vie en ressuscitant le personnage de sa mère , décédée alors qu’il était âgé de sept ans. Enfin recoller les morceaux de son identité divisée par cette adoption qui lui a permis de vivre entouré d’amour et de surmonter le traumatisme originel de cet abandon forcé.
Consignes de travail et de révisions : lis le cours suivant sur le roman et cherche le sens des mots que tu ne connais pas (certains sont en rouge ou en italique; Note leurs définitions dans ton classeur de français et illustre les par un passage du roman auquel ils semblent particulièrement bien s’appliquer .
Pourquoi écrire ?
«…Écrire pour panser mes blessures. Ne pas rester prisonnier de ce qui a fracturé mon enfance. Écrire pour me parcourir, me découvrir. Me révéler à moi-même.
… Écrire pour déterrer ma voix.
Écrire pour me clarifier, me mettre en ordre, m’unifier. »
Charles Juliet prend la parole pour tous les sans voix, ceux à qui on a ravalé les mots dans la gorge, ou qui n’ont pas su l’exprimer. Il parle de « toutes ces heures qui ont laissé les mains vides et ces jours que l’on n’a pas su perdre ». Son écriture est un viatique pour autrui.
« Écrire c’est exprimer cette part de soi qu’on découvre chez autrui, cette part d’autrui qu’on reconnaît en soi-même. Écrire pour être moins seul. Pour parler à mon semblable. Pour chercher les mots susceptibles de le rejoindre en sa part la plus intime. Des mots qui auront peut-être la chance de le révéler à lui-même. De l’aider à se connaître et à cheminer »
Il va à la rencontre de ses « ténèbres froides », de ses « traversées de la nuit ». Voyage d’Orphée pour retrouver ses ombres chères, et aussi tentative d’exorcisation d’une vie en miettes.
Lambeaux : un chemin de l’existence
Parmi cette perpétuelle introspection, descente dans les grottes de l’intime, Lambeaux occupe une place centrale ; ce petit livre est le plus connu de l’auteur. Juliet a voulu dresser une sorte d’hymne à la mère inconnue et à la mère qui l’a recueilli, la « toute- donnée ».
Dans ce livre fondateur enfin la voix du tout petit garçon qui hurle en lui, qui s’en veut de continuer à vivre, se fait entendre et dresse une écharpe de consolation à ses mères. Dans ce chant d’amour et de parole dénouée, de cet hymne de consolation impossible à rassasier, Juliet dresse un mémorial, un livre-tombeau.
Celui du fils qui réenfante sa mère, la remet au monde.
« Il pourrait se faire que ma mère qui est morte d’étouffement de n’avoir pu parler… trouve à parler à travers moi ».
Charles Juliet a sept ans quand sa véritable mère meurt de faim à trente-huit ans, dans l’asile psychiatrique où elle a été enfermée pour dépression après la naissance d’un quatrième enfant, lui. Huit ans d’enfermement abusif pour ainsi mourir comme les quarante mille malades mentaux morts de la faim.
« Celui qui « survit en toi »
continue de te dicter
nombre de tes mots
de tes actes »
Le récit est bâti en deux parties et trace en fait trois portraits : celui de la mère naturelle, celui de la mère nourricière et celui de l’auteur.
Un bref prologue pose les fondations de cette entreprise : faire ressusciter, récréer la lumière de la mère.
La première partie, la plus longue , fait revivre, ou plutôt vivre, sa mère. Cette mère morte de silence, désespérée qui ne pourra exprimer sa détresse dans ce monde paysan sans pitié qui lui refusera les études. Pris dans l’étau du père et du mari, elle ne peut exister que dans le devoir et la soumission. Cette vie âpre des champs et de dévouement absolu ne sera illuminée que par la lecture de la Bible, et la brève rencontre amoureuse, brève et tragique avec un jeune parisien tuberculeux. Les déchirures se multiplient. Cette descente dans la dépression, cette lente agonie, connaît son apogée avec la naissance de son quatrième enfant, le narrateur. Au lieu de lui insuffler l’amour de la vie, cela l’entraîne dans une tentative de suicide, puis l’enfermement, l’effacement et la mort en juillet 1942, à trente-huit ans. Charles Juliet en gardera un sentiment de culpabilité profond qu’il mettra longtemps à évacuer.
La deuxième partie est le récit « d’apprentissage », de cet enfant placé, à trois mois après l’internement de sa mère, auprès d’une famille d’accueil . Dans cette famille nombreuse de cinq filles, il grandira au rythme des saisons.Une autre mère, pleine d’amour remplace la première absente dès les premiers mois.
Manquant souvent l’école pour garder les vaches au milieu du silence des forêts et des collines, il souffrira de la solitude et il en retirera une sorte de terreur de l’enfance même : « La peur a ravagé ton enfance ». La plus grande peur sera celle de l’abandon.
Enfant de troupe à Aix-en-Provence à douze ans, il découvre la littérature et sa vocation de vouloir vouer sa vie à être un écrivain. Par les études il échappe à la malédiction de la solitude et de l’ennui.
Il découvre aussi le déchirement entre cette vie de caserne et sa vie de paysan. Voulant éprouver s’il était digne de vivre il fait lui aussi une sorte de tentative de suicide en vélo après une visite à son père naturel. Ce sera le tournant dans l’acception du vivre. Il sait qu’il mérite de vivre.
Le reste du livre décrira ses études, sa tentation de devenir médecin militaire et la soumission à la destinée du devoir d’écrire. La difficulté d’écrire, de faire une œuvre entraînera une crise profonde qui durera quinze ans.
Ainsi s’achève ce chemin où l’auteur comprend que sa vie est son œuvre, et son œuvre sa vie.
La boucle se ferme dans les dernières pages quand à l’intérieur même du livre écrit l’écrivain raconte le livre en train de s’écrire. Par cette mise en abyme le miroir de l’écrit reflète enfin la vie. La foi dans l’écriture a trouvé sa création. La thérapie a fonctionné.
Les lambeaux d’écriture
Ce livre est écrit en courts fragments, en lambeaux donc, en refusant toute forme romanesque. Il n’y a volontairement aucun lyrisme apparent. Tout est en suggestions, en ruptures et ellipses. Mots pesés et soupesés, tournés et retournés, pour leur juste densité.
Ce court livre écrit à la deuxième personne désignant indistinctement les trois personnages devient une stèle hiératique à la gloire de la lumière qui finit par percer, un chant sur « la douleur humble et aimante ».
Ce tutoiement et le recours constant au présent, abolissant toute notion de temps, donnent une force prenante à toute cette évocation.
L’écriture de Charles Juliet est frappante à la fois par sa grande nudité, et aussi par cette douceur grave. Une grande pudeur est présente, Juliet emploie d’ailleurs souvent le tutoiement comme pour tenir à distance celui qui écrit, donc lui. Son écriture n’est pas illumination mais longue macération vers le dépouillement. Du silence intérieur à la parole acceptée.
« Être un écrivain, c’est vivre le plus possible dans le silence, et demeurer à l’écoute de ces mots chuchotés qu’il importe de capter et de coucher par écrit. »
La vie enfin acceptée.
Il a réussi à vaincre par l’écriture la pauvreté, l’absence de savoir et de lectures, le silence et la dépression profonde, la tentation incessante du suicide, les doutes et les démons intérieurs.
Ce livre porte toutes les larmes de la mère que Juliet porte en lui :« Pardonne, ô ma mère, à l’enfant qui t’a poussée dans la fosse ».
Cette mère, il la récrée avec une infinie tendresse, il l’imagine prisonnière des hivers et des villages clos, et voulant à chaque printemps s’envoler hors de la glace des gens et des lieux. Il édifie un culte filial pour celle qu’il veut réchauffer d’un peu de chaleur humaine qu’elle n’a pas eue. Il frissonne avec elle dans les levers à l’aube dans le gel, il court avec elle vers la forêt. Il porte sa fatigue, « la fatigue, la fatigue, la fatigue ». Il écrit avec elle sur les murs de l’hôpital psychiatrique :
« Je crève, je crève. Parlez-moi. Parlez-moi. Si vous trouviez les mots dont j’ai besoin vous me délivreriez de ce qui m’étouffe ».
« Ni l’une ni l’autre de tes deux mères n’aura eu accès à la parole. Du moins à cette parole qui permet de se dire, se délivrer, se faire exister dans les mots. Parce que ces mêmes mots se refusaient à toi et que tu ne savais pas t’exprimer, tu as dû longuement lutter pour conquérir le langage. Et si tu as mené ce combat avec une telle obstination, il te plaît de penser que ce fut autant pour elles que pour toi. Tu songes de temps à autre à Lambeaux .
« Tu as la vague idée qu’en l’écrivant, tu les tireras de la tombe. Leur donneras la parole. Formuleras ce qu’elles ont toujours su ».
Lambeaux est bien en fait une magnifique lettre d’amour à sa mère Hortense Juliet, et à sa mère d’adoption Mme Félicie Rufieux. C’est aussi une lettre d‘amour à la vie. « Lorsqu’elles se lèvent en toi, que tu leur parles, tu vois s’avancer à leur suite la cohorte des bâillonnés, des mutiques, des exilés des mots.
Ceux et celles qui ne se sont jamais remis de leur enfance.
Ceux et celles qui s’acharnent à se punir de n’avoir jamais été aimés.
Ceux et celles qui crèvent de se mépriser et se haïr.
Ceux et celles qui n’ont jamais pu parler parce qu’ils n’ont jamais été écoutés. Ceux et celles qui ont été gravement humiliés et portent au flanc une plaie ouverte. Ceux et celles qui étouffent de ces mots rentrés pourrissant dans leur gorge.
Ceux et celles qui n’ont jamais pu surmonter leur fondamentale détresse. »
Projet d’écriture : « Un jour, il te vient le désir d’entreprendre un récit où tu parlerais de tes deux mères, l’esseulée et la vaillante, l’étouffée et la valeureuse, la jetée-dans-la-fosse et la toute-donnée. Leurs destins ne se sont jamais croisés, mais l’une par le vide créé, l’autre par son inlassable présence, elles n’ont cessé de t’entourer, te protéger, te tenir dans l’orbe de leur douce lumière. Dire ce que tu leur dois. Entretenir leur mémoire. Leur exprimer ton amour. Montrer tout ce qui d’elles est passé en toi. »
13. décembre 2016 · Commentaires fermés sur RUY Blas et Hugo face à la critique : imagine que le dramaturge se défende … · Catégories: Seconde · Tags: Hugo, théâtre
Tout auteur , un jour, doit faire face à la critique; Certains s’agacent de voir leur talent contesté; d’autres comme Molière ,s’en remettent au public; d’autres encore comme Corneille passent leur temps à se justifier dans leur préfaces ou leurs postfaces; Respect des règles, innovation, modes ou imitation des Anciens, chaque point a son importance et les artistes peuvent parfois se montrer indifférents ou au contraire , extrêmement chatouilleux. Hugo n’a pas eu en tant que dramaturge le succès escompté et nombreux sont ceux, à son époque, mai également aujourd’hui , qui l’ont critiqué; Passons- en revue les principaux points sur lesquels il a été jugé..voici un petit florilège critique ..
Commençons tout d’abord par les deux sujets d’invention au choix :
Imaginez la réponse que Victor Hugo aurait pu écrire à Emile Zola après avoir lu sa lettre (document 4 )
Ou
Imaginez que Hugo aujourd’hui lise les critiques du site Babelio consacré à Ruy Blas (document 3) : il décide de répondre en écrivant un article où il prend la défense de sa pièce en tentant de comprendre le point de vue d’un lecteur d’aujourd’hui
Liste des documents
Document 1 : un article critique d’un spécialiste du théâtre hugolien
Document 2 : un rappel de sa position de chef de file du drame romantique
Document 3 : des articles de lecteurs tirés du site Babelio
Document 4 : la lettre d’Emile Zola à propos de la représentation de Ruy Blas en 1880
Document 1 : extrait d’un article publié dans la revue de l’ENS à propos des critiques du théâtre hugolien
Historiquement et essentiellement, le théâtre est un genre agonistique, pour ne pas dire polémique. Le conflit engendre le théâtre et, en retour, le théâtre provoque le conflit. Les nombreuses querelles et batailles qui jalonnent l’histoire du théâtre – Le Cid et Hernani, pour ne citer que les plus connues sinon les plus violentes – prouvent que le combat est infectieux et qu’il ne reste pas enclos dans le seul espace scénique. Parmi les confrontations que le théâtre appelle, qu’il nourrit et dont il profite, celle qui l’oppose à la critique que l’on appellera, faute de mieux, journalistique est haute en couleurs et en enseignements. Naguère, en effet, le théâtre vivait et mourait par la critique que dispensaient les journaux et leurs censeurs redoutés. Puisqu’il est un art de société, le théâtre s’expose plus qu’aucun autre genre littéraire et les dramaturges sont davantage aux prises avec les critiques que leurs (con)frères romanciers ou poètes. Plus attaqués que les autres, ils ont dû développer davantage leurs systèmes de défense et apprendre à répondre.
En tant que dramaturge, Hugo a rarement trouvé grâce aux yeux de la critique. Contre ce théâtre trop poétique, trop épique, trop sublime et trop grotesque – trop hugolien, en somme –, celle-ci fait rage et reproche à l’auteur tout ce qui fait son génie .Chacun de ses drames a été l’occasion d’un combat ; la publication en volume lui permet de se justifier et de riposter en cuirassant ses pièces d’un paratexte abondant, varié et destiné à anéantir les critiques qui ont été émises et prévenir celles qui viendront. La dimension agonistique perdure donc, quelle que soit la durée écoulée depuis le tumulte des représentations.
Hugo ne cite jamais les noms de ses détracteurs et ne relaie presque jamais les propos déplaisants qu’il a dû essuyer lors de la création des pièces : inutile d’élever la querelle en débat. Souvent il donne littéralement son congé à la critique : « L’auteur pourrait […] examiner une à une avec la critique toutes les pièces de la charpente de son ouvrage ; mais, il a plus de plaisir à remercier la critique qu’à la contredire »
Le vrai jugement est celui de la postérité. « Si son drame est mauvais, que sert de le soutenir ? S’il est bon, pourquoi le défendre ? Le temps fera justice du livre, ou la lui rendra. Le succès du moment n’est que l’affaire du libraire » écrit-il par exemple à la sortie de Cromwell.
Que lui a-t-on reproché ?
Hugo est fréquemment accusé de produire sur la scène des pièces immorales. Dans la préface de Lucrèce Borgia, il réplique et se défend.
On lui reproche également la dimension grotesque ;
En 1882, si le grotesque dérange toujours, Hugo est devenu une telle idole qu’on lui passerait la plupart de ses excès. La finalité de ces variantes n’est pas pratique mais polémique : montrer à quel point les versions finalement choisies par Hugo sont supérieures en raison même de ce que l’on considère encore comme une faute de goût.
Une autre critique fréquemment adressée à Hugo, comme à tous les forgeurs de fiction, est celle de maltraiter l’histoire dans ses drames. Sur ce point, sa défense ne variera jamais : tout en plaidant sans cesse pour la liberté du créateur, Hugo multiplie les preuves de bonne foi et d’érudition
Hugo, l’homme-océan, ne peut se contenir dans les limites usuelles qu’on impose aux dramaturges. S’il sait faire parler des personnages, il veut également prendre la parole lui-même jusqu’à l’extrême limite. Il entend montrer qu’il est le maître du jeu dramatique et éditorial, l’énonciateur tutélaire caché derrière tous les personnages, présent d’un bout à l’autre du volume et qui étouffe toute autre voix, fût-elle celle de la critique. Il prouve à nouveau qu’il est bien le « génie sans frontières » dont parlait Baudelaire. La mainmise qu’il voulait sur le théâtre comme art vivant, Hugo la réalise lorsqu’il imprime ses drames.
Document 2 : un rappel de sa position de chef de file du drame romantique
Chef de file du Romantisme : Le créateur du drame romantique
En 1827, la préface que Victor Hugo rédigea à sa tragédie, Cromwell – sa première œuvre dramatique -, devint immédiatement le manifeste du théâtre romantique. Ce traité se divisait en trois parties : la première, à finalité destructrice, condamnait les règles aristotéliciennes de l’unité de lieu et de temps (deux des règles appliquées dans le théâtre classique), la deuxième partie recommandait en revanche de conserver la seule règle aristotélicienne acceptable, celle qui concernait l’unité d’action, tandis que la troisième partie affirmait le droit et le devoir, pour l’art, de représenter la réalité sous tous ses aspects. Hugo définissait ainsi, contre l’esthétique du théâtre classique, les règles d’un nouveau genre théâtral, le drame romantique.
Le drame romantique né des théories de Hugo se caractérise par l’introduction du laid et du grotesque sur la scène théâtrale, par un plus grand souci de la couleur locale et surtout par le mélange des genres – puisqu’au sein d’un même drame figurent des éléments tragiques et comiques.
Le 25 février 1830, la représentation de la pièce Hernani, qui donne à Hugo l’occasion de mettre lui-même en pratique ses principes, se déroula dans une atmosphère surchauffée par les polémiques entre défenseurs de la tradition et tenants des nouvelles doctrines. C’est cette soirée mouvementée, restée dans l’histoire littéraire sous le nom de « bataille d’Hernani », qui fit officiellement de Hugo le chef de file du Romantisme français. Hugo illustra encore ses théories au théâtre, notamment avec des drames passionnés comme Le roi s’amuse (1832), interdit par la censure, Lucrèce Borgia (1833) ou Ruy Blas (1838), un de ses drames les plus connus.
L’homme de génie s’inquiète peu des diatribes, des harangues et des clameurs de ses ennemis; il sait qu’il aura la parole après eux. (Faits et croyances)
· Le beau n’a qu’un type; le laid en a mille. (Cromwell, préface)
Les grandes révolutions naissent des petites misères comme les grands fleuves des petits ruisseaux.
Document 3 : des articles de lecteurs tirés du site Babelio
Quand un auteur est convaincu de l’enjeu politique et social de la littérature, il est inévitablement porté à s’intéresser au théâtre, art bien plus populaire que celui de la littérature, surtout au XIXe siècle, quand le théâtre était le seul moyen de transmettre une oeuvre écrite inaccessible à la majorité analphabète d’une population. Victor Hugo étant un auteur ayant toujours cherché à créer pour ceux qui n’en n’ont pas les moyens et en ont le plus besoin, il était logique qu’il lance définitivement sa carrière littéraire par le théâtre, et pas n’importe quel théâtre, un théâtre débarrassé des restrictions classiques, un théâtre romantique, exalté, lyrique et emporté, cherchant à satisfaire autant l’intellectuel porté sur l’exactitude historique et le caractère des personnages que le sentimental adepte des intenses peintures des passions.
Lancé par “Cromwell” et surtout par “Hernani” , le drame romantique hugolien atteint son apogée avec “Ruy Blas“. Bien que ce texte puisse heurter, et même faire sourire, les professionnels de notre théâtre contemporain, il n’en garde pas moins une grande fraîcheur par la beauté et la vigueur de ses vers, la force de ses images et son indéniable caractère populaire. Il est vrai qu’aujourd’hui, les auteurs cherchent avant tout à ne pas être populaire et à créer, non pas pour tous, mais pour certains. le théâtre perd ainsi (peut-être au profit de la télévision et du cinéma ?) ce qui fit sa grandeur et lui donnait tout son sens : être l’élément déclencheur d’un engouement populaire, être créateur de lien social. Ce que Victor Hugo réussit à faire par son théâtre, par ce fameux drame éminemment politique d’un valet épris de la reine d’Espagne, d’un homme du peuple ayant des velléités d’insoumission, d’égalité et de liberté, dans un temps où les incompétences de l’aristocratie commençait à faire de l’ombre aux nouvelles forces et aux volontés aiguisées d’une classe bourgeoise désirant tenir, elle aussi, les rênes de son destin.
J’adore cette pièce. Une histoire d’amour flamboyante, une imposture, l’arrière-plan du peuple en marche hugolien, un vilain digne de Frollo (Don Salluste) et une fin shakespearienne dans le sang. Je vénère Shakespeare, adore Hugo, et lorsque le second est le plus proche du premier, son maître, je ne peux qu’applaudir. Il déverse dans cette pièce toute sa passion, conjuguée à un décor espagnol qui s’y prête tellement
Assez déçu par cette pièce de théâtre de Victor Hugo (je préfère ses romans et ses poésies à ses pièces de théâtre !). Ma déception est due au célèbre film “la folie des grandeurs” (avec Montand et de Funès) tiré de cette pièce et que j’ai vu et adoré. Dans cette pièce, les passages comiques n’apparaissent pas (ça je m’en doutais un peu, j’imagine mal Victor Hugo écrire le passage comique du chien qui baise la main à Alice Sapritch !!!). La pièce est plus dramatique car Don Salust surprend Ruy Blas avec la Reine et essaie de les faire chanter. Ruy Blas tuera Don Salust et se tuera en avalant du poison, c’est effectivement moins gai que le film !
J’ai trouvé le thème de cette pièce très actuel, même si les hommes de pouvoir dont elle parle sont des aristocrates de l’Espagne du 17ème siècle… C’est son intérêt principal, sans compter, bien sûr, la belle écriture de Victor Hugo ! Mais à mon goût, l’intrigue est trop rocambolesque, l’histoire d’amour trop romantique. Finalement, ce que j’ai préféré, c’est la préface écrite par Victor Hugo ! Je pense que j’aurais plus apprécié cette pièce si je l’avais vue au theâtre, car elle pleine de rebondissements, de portes qui claquent, et il faut que ça aille vite, il faut du spectacle…
Ne criez pas, madame! Je m’appelle Ruy Blas et ne suis qu’un navet!
Je n’ai pas un grand goût décidément pour le drame hugolien, même si Ruy Blas a des accents légèrement plus convaincants que ceux d’Hernani, tout m’y semble forcé, empesé, ampoulé, téléphoné- pour tout dire vaguement ridicule – alors que l’esthétique du drame devrait être celle d’une fertile liberté de ton, d’un créatif mélange des genres…
Si je suis tétanisée d’effroi, pétrifiée par la beauté des tragédies classiques, raciniennes ou sophocléennes, le drame hugolien, lui, me laisse de marbre et m’ennuie même énormément…
Je vais même vous faire une confidence, que je ne me risquerais jamais à faire sur un réseau de doctes lettrés comme celui de Babelio, mais nous sommes entre nous, pas vrai? Ruy Blas ne m’a vraiment transportée d’aise que quand j’ai vu, au cinéma, sa parodie, La Folie des Grandeurs, avec l’inénarrable de Funès dans le rôle de Don Salluste!!
Le théâtre de Victor Hugo – soyons cruel, pour une fois, envers cet immense auteur -, c’est un peu du sous-Shakespeare: ça mélange le tragique et le comique; ça parle beaucoup, dans des vers grandiloquents; ça passe de la perfidie la plus noire à la noblesse (forcément chez le serviteur, Hugo renverse toujours tout) la plus honorable. Un valet aime une reine, un perfide se venge, un voleur se fait voler, et tout cela s’exalte à foison, pousse de hauts cris, se veut grandiose. Bref, nous ne sommes plus des romantiques. Ruy Blas, pour les cyniques du vingt-et-unième siècle, n’est plus que le prélude à La Folie des Grandeurs, dont Hugo, à coup sûr, était atteint.
C’est toujours pareil avec moi et les écrits d’Hugo : je trouve son style puissant, ses vers sublimes, et je déteste ses histoires. Je dois même avouer que j’ai éclaté de rire à la réplique finale !
Je me suis pressé à lire Ruy Blas, je n’ai pas réellement pu apprécier la complexité de la pièce. Malgré tout j’ai particulièrement aimé. Je ne connaissais pas Victor Hugo en tant que dramaturge, et pourtant il y a du talent. J’ai vraiment pénétré dans le Royaume espagnol de l’époque. J’ai adoré découvrir l’aristocratie, j’ai adoré la tirade de Ruy Blas au gouvernement, j’ai adoré la politique du personnage.
Document 4 : la lettre d’Emile Zola à propos de la représentation de Ruy Blas en 1880
ZOLA CONTRE RUY BLAS
Zola rend d’abord hommage à Hugo en tant que poète, mais critique sa philosophie “conduisant la jeunesse à tous les mensonges du lyrisme, aux détraquements cérébraux de l’exaltation romantique “. Il poursuit ainsi :
[…] Et nous venons bien de le voir, à cette représentation de RuyBlas, qui a soulevé un si grand enthousiasme.
C’était le poète, le rhétoricien superbe qu’on applaudissait. Il a renouvelé la langue, il a écrit des vers qui ont l’éclat de l’or et la sonorité du bronze. Dans aucune littérature, je ne connais une poésie plus large ni plus savante, d’un souffle plus lyrique, d’une vie plus intense.
Mais personne, à coup sûr, n’acclamait la philosophie, la vérité de l’œuvre. Si l’on met à part le clan des admirateurs farouches […] tout le monde hausse les épaules aujourd’hui devant les invraisemblances de Ruy Blas. On est obligé de prendre ce drame comme un conte de fée sur lequel l’auteur a brodé une merveilleuse poésie. Dès qu’on l’examine au point de vue de l’histoire et de la logique humaine, dès qu’on tâche d’en tirer des vérités pratiques, des faits, des documents, on entre dans un chaos stupéfiant d’erreurs et de mensonges, on tombe dans le vide de la démence lyrique.
Le plus singulier c’est que Victor Hugo a eu la prétention de cacher un symbole sous le lyrisme de Ruy Blas. Il faut lire la préface et voir comment, dans l’esprit de l’auteur, ce laquais amoureux d’une reine personnifie le peuple tendant vers la liberté, tandis que don Salluste et don César représentent la noblesse d’une monarchie agonisante. On sait combien les symboles sont complaisants […] Seulement celui-ci, en vérité, se moque par trop du monde.
Voyez-vous le peuple dans Ruy Blas, dans ce laquais de fantaisie qui a été au collège, qui rimait des odes avant de porter la livrée, qui n’a jamais touché un outil et qui, au lieu d’apprendre un métier, se chauffe au soleil et tombe amoureux des duchesses et des reines ! Ruy Blas est un bohème, un déclassé, un inutile : il n’a jamais été le peuple. D’ailleurs admettons un instant qu’il soit le peuple, examinons comment il se comporte, tâchons de savoir où il va. Ici, tout se détraque. Le peuple poussé par la noblesse à aimer une reine, le peuple devenu grand ministre et perdant son temps à faire des discours, le peuple tuant la noblesse et s’empoisonnant ensuite : quel est ce galimatias ? Que devient le fameux symbole ? Si le peuple se tue sottement, sans cause aucune, après avoir supprimé la noblesse, la société est finie.
On sent ici la misère de cette intrigue extravagante, qui devient absolument folle, dès que le poète s’avise de vouloir lui faire signifier quelque chose de sérieux. Je n’insisterai pas davantage sur les énormités de Ruy Blas, au point de vue du bon sens et de la simple logique.
Comme poème lyrique, je le répète, l’œuvre est d’une facture merveilleuse ; mais il ne faut pas une minute vouloir y chercher autre chose, des documents humains des idées nettes, une méthode analytique, un système philosophique précis. C’est de la musique et rien autre chose.
J’arrive à un second point. Ruy Blas, dit-on, est un envolement dans l’idéal ; de là, toutes sortes de précieux effets : il agrandit les âmes, il pousse aux belles actions…(la suite sur votre document polycopié..)
À propos de l’entrée de RuyBlas à la Comédie-Française, en août 1880