01. juin 2020 · Commentaires fermés sur Jean de Léry et les Toüoupinambaoults : sauvage, vous avez dit sauvage ? · Catégories: Spécialité : HLP Première · Tags: , ,

Le terme Sauvage est souvent employé à tort et à travers : qui sont les vrais Sauvages ?

En 1558, ils ne sont pas très nombreux les Européens qui ont traversé l’Atlantique pour accoster sur les rives du Nouveau-Monde.Jean de Léry fait partie de ces voyageurs aventureux et , simple artisan, s’il a choisi d’aller au bout du Monde,  c’est pour échapper aux guerres de religion. Beaucoup de protestants comme lui, par peur des représailles qu’on exerçait déjà en Europe sur ceux que l’on surnomme les  huguenots,  ont fui l eterritoir e français . En 1572 de nombreux  protestants  seront massacrés persécutés lors de la Saint Barthélémy.

Jean de Léry  n’a pas fait d’études mais pourtant il va trouver les mots justes pour défendre les  habitants du Brésil  et louer leur mode de vie. Il  utilise la rhétorique de l’éloge pour dresser un portrait flatteur des Sauvages et combattre ainsi les préjugés des Européens. Il commence , dans le texte étudié ,par comparer leur constitution physique à celle des Européens (ligne 4) et la comparaison tourne à l’avantage des Brésiliens comme l’indiquent les comparatifs de supériorité : plus robustes, replets et dispos.  De ces trois qualités physiques, toutes en rapport avec la robustesse de leur constitution, découlent la quatrième partie de l’énumération de leurs propriétés: leur santé est bien meilleure. Et logiquement, ils vivent plus longtemps.  Leur longévité , mesurée en lunes selon leurs coutumes, est donc la conséquence logique de leur bonne  santé.En effet, aujourd’hui encore, le facteur de longévité d’un population demeure un marqueur important pour les ethnologues. Jean de Léry développe méthodiquement une argumentation rationnelle en montrant d’ailleurs dans les parenthèses de son récit les articulations de sa pensée (je poursuive par ordre l 1) Plus »

01. juin 2020 · Commentaires fermés sur La rencontre avec l’Autre : un face à face troublant; De la Renaissance aux Lumières · Catégories: Spécialité : HLP Première · Tags: ,

Fait avec Padlet

 

01. juin 2020 · Commentaires fermés sur Un dialogue constructif entre un colon et un brésilien : le témoignage de Jean de Léry · Catégories: Commentaires littéraires, Spécialité : HLP Première · Tags:

Jean de Léry  est un ouvrier  et explorateur français  protestant qui s’est exilé à cause des guerres de religion qui ont eu lieu en France et durant lesquelles de nombreux protestants appelés huguenots , furent massacrés sur ordre du roi.   L’auteur  a publié, après son retour en France un livre de souvenirs de voyage dans lequel il  relate sa rencontre avec les indigènes brésiliens.  Il emploie les techniques de la maieutique pour faire prendre conscience aux Français de ce que pensent les Indiens de leurs pratiques commerciales.

Lorsqu’il relate son voyage en terre du Brésil et sa relation avec les Indiens de la tribu Toupinambas, Jean de Léry peint un portrait élogieux des Sauvages et les présente comme des hommes sages qui tirent de leur saine constitution physique et   de leurs vertus  morales, leur exceptionnelle longévité. Dans le texte précédent, il oppose leur absence de vices à la corruption qui , à la manière d’un poison, détruit la santé des Français. Le dialogue qu’il met en scène retrace les interrogations d’un vieillard à propos des exportations massives de bois”arabotan” ; ce dernier, grâce à de multiples questions orientées parvient à faire dire à l’auteur que les Français sont fous de vouloir enrichir leur descendance après leur mort. Quelle stratégie argumentative pouvons-nous repérer à travers ce dialogue ? Dans un premier temps, nous étudierons la construction du dialogue avant d’évoquer l‘utilisation du regard de  l’étranger et pour terminer, nous montrerons comment l‘auteur intervient dans son propre récit pour nous persuader de la justesse des propos du vieillard . Plus »

16. mai 2020 · Commentaires fermés sur Un face à face et une controverse: retour à Valladolid · Catégories: Spécialité : HLP Première · Tags:

1 Le rappel des faits

Le roman se fonde sur une dispute historique, c’est à dire un affrontement philosophique, entre Las  Casas et Sepulveda vers 1550. Le romancier s’est inspiré de documents officiels mais il a resserré l’intrigue et a inventé le personnage du légat du pape qui joue, en quelque sorte, le rôle d’un arbitre entre les deux contradicteurs. La première question qui sert de point de départ aux discussions concerne la nature des Indiens ” Qui sont-ils ? une espèce nouvelle ? les gardiens redoutables des pommes d’or des Hespérides ? sont -ils des créatures infernales , puisque la plupart du temps , ils vont tout nus, sans aucune  pudeur? ou des habitants du Paradis ? des petits cousins d’Adam et d’Eve ? Et surtout sont- ils des hommes ou des sous-hommes , des infra humains, des types d’humains inférieurs aux Espagnols ” 

Ces interrogations peuvent vous paraître aujourd’hui bien naïves mais elles reflètent les préoccupations des hommes de la Renaissance, confrontés, grâce aux progrès des explorations, notamment maritimes,  à des  catégories de populations différentes de ceux qu’ils ont connus jusque là . Humains sans aucun doute car la naissance des premiers enfants issus des unions ( des viols surtout ) entre les conquistadors et les femmes indigènes en fut la preuve incontestable. Il s’agit plutôt de préciser si tous les humains sont égaux… en humanité; Dieu a -t-il créé différentes espèces d’hommes dont certains seraient faits pour être les maîtres et d’autres les esclaves, par sa volonté, ou simplement tous les hommes ont ils les mêmes droits et notamment celui d’être libre ? Plus »

14. avril 2020 · Commentaires fermés sur La Controverse de Valladolid : résumé d’un débat sur l’altérité · Catégories: Spécialité : HLP Première

 Pour découvrir la notion d’altérité, je vous suggère de commencer à réfléchir à partir d’un récit historique  qui éclaire  bon nombre d’aspects méconnus de  la colonisation : un prêtre espagnol qui a partagé la vie des Indiens tente de prouver  en 1550 qu’ils ont une âme pour leur éviter d’être maltraités. Il affronte dans la ville de Valladolid  , au sein du collège San Gregorio, durant plusieurs mois , le représentant du Pape et un théologien réputé  qui se nomme Sepulveda; Ce dernier justifie notamment la colonisation  et l’évangélisation par la force .

Jean- Claude Carrière écrit en 1992 une pièce de théâtre qui met en scène une célèbre dispute ( au sens philosophique de débat ) qui eut lieu dans la ville de Valladolid à propos de la question de la justification de la  colonisation des Indiens du Nouveau-Monde par l’Eglise catholique espagnole.
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09. avril 2020 · Commentaires fermés sur Si les animaux avaient la parole…. pour faire le procès de l’espèce humaine … · Catégories: Spécialité : HLP Première

Un homme se lève et s’apprête à parler : il s’adresse aux membres du tribunal  et regarde le jury droit dans les yeux; Mais qui est cet homme ? Imaginez qu’il s’agisse d’un animal et mettez en scène son discours ; Ce sujet fait appel à plusieurs types de connaissances ; Tout d’abord, il s’agit d’un exercice rhétorique d’éloquence judiciaire ; la première partie du discours pourra par exemple comporter des faits, des témoignages, des preuves matérielles des doléances exprimées par l’avocat-animal. Il vous faudra réviser le cours sur l’éloquence et notamment penser à employer un vocabulaire juridique précis. révisons-ensemble … Plus »

26. mars 2020 · Commentaires fermés sur Voltaire fait dialoguer des volailles : quand les animaux jugent les hommes · Catégories: Spécialité : HLP Première

Voltaire est un écrivain  mais également un philosophe majeur qui fit partie du courant des Lumières . Il combattit pour un certain nombre d’idées comme la tolérance religieuse ; déiste, il pensait que Dieu existait mais qu'il était le grand horloger de l'univers et qu'il n'intervenait pas dans les décisions des hommes. Dans ses contes philosophiques comme Candide ou Zadig,ou encore l’Ingénu il dénonce la cruauté de l’homme envers ses semblables et particulièrement  ceux qui ne lui ressemblent pas ainsi que le fanatisme qui pousse , notamment certains religieux, à faire tuer ceux qui ne partagent pas leurs croyances. Humaniste, il dénonce également, de manière plus générale, la pratique de la torture notamment, ordonnée par des juges lors des procès et  lors des interrogatoires de prisonniers ou dans le cadre de l’inquisition, ces tribunaux religieux où l’on condamne des hérétiques à mourir dans d’atroces souffrances ; Il fustige également également les pratiques des esclavagistes qui considèrent leurs esclaves comme des objets et leur infligent les pires châtiments ; Tous ces actes de barbarie , Voltaire les juge infâmes .

 Ce qu’il faut retenir de ce dialogue entre un chapon et une poularde  : En choisissant deux animaux et en les faisant dialoguer, Voltaire imite la forme du dialogue philosophique, qui sert de base , à la méthode de Platon et de Socrate; Un maître s’efforce d’inculquer des idées à son disciple qui l’interroge longuement. Cette tradition peut mener à la dispute : lorsque les deux interlocuteurs ne parviennent à se mettre d’accord sur la thèse défendue par le maitre . Ces dialogues ont pour fonction de faire “accoucher de la vérité “ on les appelle maieutiques.

Voltaire se sert de deux animaux pour dénoncer la cruauté des hommes et le fait qu’ils infligent de la souffrance soit à des animaux , soit à d’autres hommes . S’ils tuent les volailles pour les manger, il les font d’abord engraisser en les mutilant; Voltaire donne  deux exemples où l’on inflige la même barbarie à des hommes : les chanteurs castrats et les eunuques, gardiens des harems. On les mutile pour qu’ils ne puissent pas avoir de relations avec les épouses des sultans.

Les souffrances des volailles font référence à celles subies par certains prisonniers qu’on envoie se faire exécuter publiquement (mettent en prison, font rôtir ) ; En se servant des volailles, Voltaire rappelle les tortures commises par des hommes de pouvoir comme les empereurs chrétiens ;Même dans la mythologie, on inflige des souffrances et des supplices à ceux qu’on considère comme des criminels particulièrement lorsqu’ils se révoltent contre le pouvoir des Dieux comme Prométhée ou Tantale ou Atlas. Voltaire fait allusion à des rituels religieux comme celui de l’eucharistie dans lequel , symboliquement, les fidèles absorbent une partie du corps du Christ sous la forme d’une hostie.

Cependant tous les hommes ne sont pas aussi cruels envers les animaux  et les volailles ont entendu parler d’un pays où on ne mange pas de chair animale car on croit en la réincarnation et donc, il est possible qu’un homme se réincarne sous une forme végétale ou animale; Ces croyances dérivent de deux philosophies antiques initiées par Pythagore et Orphée  ;  les disciples de ces philosophies épargnent les animaux car ils voient en eux “des alliés et parents des hommes ” Pour Voltaire, les animaux sont des êtres vivants dotés de sens donc sont capables de sensations et comme ils sont également dotés d’un cerveau, sont capables de penser et donc de sentiments ; du moins , ils peuvent ressentir de  la souffrance ; Les philosophes établissent une différence entre les sensations qui découlent de nos 5 sens et les sentiments qui se forment ensuite à travers notre cerveau , qui sont une sorte d’intellectualisation de nos sensations  ou peuvent en être indépendants ; par exemple, on peut , parfois ,se sentir bien physiquement et souffrir moralement même si bien souvent, il existe une corrélation entre nos sensations physiques et nos sentiments .

Voltaire ridiculise la théorie de Descartes des animaux -machines qu’il qualifie de “comble du ridicule et vaine excuse de la barbarie ” . Le philosophe  critique également les coutumes religieuses qui exigent que les animaux soient tués selon des rituels sacrés et qu’on prétende ne pas consommer leur sang ou des parties soi disant impures . Pour  le philosophe, qui dénonce ainsi la pratique des sacrifices d’animaux dans le judaïsme et dans l’ islam ( rite casher et  viande hallal ), l’essentiel est d’éviter à l’animal de souffrir donc de le tuer le plus rapidement possible ;

Les volailles traitent les hommes de monstres  et leur cruauté s’étend à de nombreux domaines .  “ils ne font des lois que pour les violer, et ce qu’il y a de pis, c’est qu’ils les violent en conscience.” Voltaire se sert ici du point de vue des animaux pour dénoncer la cruauté de son espèce , la plus cruelle de toutes selon lui sur cette planète : les êtres humains.  Et il condamne les dogmes des religions qui selon, lui, sont  contradictoires  .Ce dialogue se termine avec l’arrivée du cuisinier qui vient chercher les volailles pour les faire cuire;  le chapon accepte son destin avec philosophie et s’en remet à dieu auquel il recommande son âme . Il paraît résigné  et se console avec la religion . Voltaire fait de l’ironie ici  .La poularde ,elle, se révolte  et aimerait se venger en donnant une indigestion à celui qui la mangera ; Voltaire conclut sur une remarque désabusée  “mais les petits se vengent des puissants par de vains souhaits, et les puissants s’en moquent ”

Pour prolonger ces réflexions de Voltaire, je vous fais découvrir un extrait d’une intervention de la philosphe Elisabeth de Fontenay, qui s’exprimait sur France Inter en 2012 à propos des sacrifices d’animaux . 

“Beaucoup de nos concitoyens ont été scandalisés par la campagne publicitaire pour la viande hallal, qui a eu lieu il y a quelques mois: cette vache triomphante regarde le ciel en le remerciant d’avoir été égorgée sans étourdissement préalable…Dans cette société à la fois chrétienne et laïque qui est le cadre dans lequel vivent beaucoup d’entre nous, on a peine à expliquer comment il peut y avoir aujourd’hui, en France, des sacrifices animaux. Il faut comprendre que la question est à la fois historique et politique. Historique, parce que le rite qui consiste à offrir des animaux aux dieux ou à dieu est la manifestation la plus ancienne de la piété humaine : chez les Hébreux et chez les Grecs de l’Antiquité. Politique, parce que les sacrifices animaux ont toujours encore cours dans l’Islam et que pour les juifs religieux, comme pour les musulmans, la viande ne peut être consommée qu’à la condition que l’animal ait été sacrifié, ce qui veut dire qu’il ait été égorgé et se soit vidé entièrement de son sang sans avoir été préalablement étourdi.

Pourquoi ? Parce que, dans ces traditions religieuses, le sang c’est l’âme et qu’on ne doit pas manger l’âme d’un animé, d’un animal, car ce serait commettre un terrible péché que de lui prendre son âme en plus de son corps. Il faut donc que l’âme s’écoule avent qu’il ne meure Vous allez dire ce sont des bêtises, tout ça. La seule chose à retenir c’est la manière cruelle dont cette mort est administrée.

J’ai longtemps pensé, pour ma part, que le sacrifice était radicalement différent de l’abattage industriel, le rapport sacrificiel à l’animal me semblait plus acceptable que l’incorporation de viande sans autre forme de procès. Mêler Dieu ou les régles liturgiques à la mise à mort implique un certain respect de la créature vivante. Dans le sacrifice, effet, il y a trois éléments : l’animal offert, l’homme qui fait l’offrande et la divinité à laquelle on s’adresse. Dans le sacrifice, l’animal n’est pas une chose, on le respecte c’est en quelque sorte un partenaire.

C’est donc ainsi que je tentais de penser les choses. Mais ce que j’ai pu lire sur cette mort sacrificielle infligée désormais dans les abattoirs m’a fait changer d’avis. La cruauté particulière de cette obligation de la saignée à vif, de ces vingt minutes parfois que l’animal met à mourir s’aggrave encore de l’emploi technique fait des blocs de contention rotatifs qui font basculer l’animal la tête en bas ? Certaines vaches cherchent à se relever. Il y a beaucoup de mauvaise foi et beaucoup de profits douteux derrière ces rites et j’ai compris que le sacrifice finissait par ne plus se distinguer de l’abattage industriel, du fait notamment de la considérable production de viande hallal. Du reste, dans certains abattoirs, on profite de la dérogation accordée aux Juifs et aux musulmans, de l’autorisation d’égorger des bêtes en pleine conscience, et l’on égorge sans prendre la peine et le temps de les étourdir, parce que c’est plus rapide.”

Elisabeth de Fontenay, indique dans cet entretien, qu’elle a changé sa manière de considérer le sacrifice des animaux

1 Quel est le point de départ de sa réflexion ? 2. Quelles différences fait- elle entre un animal sacrifié et un animal juste tué pour être consommé ? 3.Relève des éléments  précis du texte qui prouvent et explique pourquoi elle a changé d’avis

Fabrique un tract sous la forme d’une affiche ( photo montage ) dans lequel tu dénonces les violences infligées aux animaux.    Tu peux regarder quelques exemples avec le lien suivant

https://www.out-the-box.fr/x-publicites-puissantes-protection-animaux/

 

21. mars 2020 · Commentaires fermés sur L’homme est -il vraiment un animal comme les autres ? · Catégories: Spécialité : HLP Première · Tags:

Pour aborder la seconde partie du programme d’Humanités, intitulée Les représentations du monde , nous pouvons nous poser plusieurs questions et notamment quelle est notre place dans le monde et comment nous le représentons nous . Il conviendra donc d’aborder la découverte des nouveaux mondes , de l’altérité ( la rencontre avec l’Autre ) , nos possibilités de connaître le monde qui nous entoure ; à travers les voyages , les découvertes scientifiques et les progrès de la Science . On pourra également s’interroger sur nos représentations du monde , de nos espaces de vie et de socialisation comme les villes, les mondes imaginaires également , utopiques ou dystopiques. Mais pour aborder ce nouveau volet de notre second thème, nous intéresserons tout d’abord, à l’évolution de  la relation entre l’homme et l’animal. Comment l’homme considère-t-il l’animal ? L’espèce humaine a -t-elle des devoirs envers les animaux ? L’animal est-il le miroir de l’homme ? Comment les deux espèces peuvent-elles communiquer ? Commençons par ce premier chapitre inspiré  : de l’animal à l’homme , une frontière énigmatique ou l’homme est-il vraiment un animal comme les autres ?

L’animal est -il dépourvu de raison ?  N’est-il qu’ une machine ?  à partir du texte de Descartes p 244 édition Hachette

 On définit l’homme par l’usage qu’il est capable de faire de sa raison : il serait donc un animal doué de raison contrairement aux autres espèces . Comment cette théorie a -t-elle été construite ? Commençons tout d’abord par chercher ce qui pourrait nous différencier de l’animal. Des philosophes , et notamment René Descartes , ont ainsi émis l’idée que les animaux seraient dépourvus de raison . Selon lui, les bêtes agissent naturellement et par ressort , ainsi qu’une horloge, écrit -il en 1646 . Il prend l’exemple de la migration des hirondelles, des grues, des animaux qui  cherchent à enterrer , par instinct, dit -il leurs excréments.  Pour lui  ” bien que les bêtes ne fassent aucune action qui nous assure qu’elles pensent, toutefois, à cause que les organes de leur corps, ne sont pas fort différents des nôtres, on peut conjecturer qu’il y a une pensée jointe à ces organes. ” .  Descartes poursuit en expliquant que si les animaux pensaient alors ils “auraient une âme immortelle ” et ceci lui parait tout à fait invraisemblable. Il n’exclut pas que pour certaines espèces comme les chiens ou les chats ou certains oiseaux, on puisse aller jusqu’à le penser mais il le réfute pour des espèces qu’il juge “trop imparfaits” : il cite comme exemple les huîtres, les éponges ; On pourrait ajouter de nombreux animaux à cette liste; Descartes pose donc la prépondérance de l’instinct chez les animaux  et relie la présence d’une pensée à celle de l’existence de l’âme alors qu’aujourd’hui, de nombreux éthologues ont démontré la présence d’un raisonnement  et d’opérations mentales liées à l’apprentissage chez de nombreuses espèces animales .  Cette théorie  dite des animaux-machines sépare donc radicalement les deux espèces : l’homme possède une âme et  il est doué de  raison ; Ce n’est pas le cas des animaux pour Descartes.

Un siècle plus tard, le philosophe Jean -Jacques Rousseau poursuit le raisonnement de son prédécesseur et affirme ” Je ne vois dans l’animal qu’une machine ingénieuse ,à qui la nature a donné des sens pour se remonter elle-même , et pour se garantir, jusqu’ à un certain point , de tout ce qui tend à la détruire ou à la déranger. ” Il pense que l’homme est une machine également mais qu’il concourt en tant qu’agent libre à effectuer les opérations que la bête effectue en tant que prisonnière de son instinct; L’homme aurait donc des choix de comportements là où l’animal serait contraint de suivre ce que lui dicte son instinct .L’homme suivrait parfois sa volonté au détriment de sa nature et se livrerait à des excès dommageables pour lui et sa survie .Rousseau utilise l’exemple  d’un animal qui mange  habituellement des graines et qui  serait incapable de se nourrir de viande ; Il  mourrait ainsi près d’un tas de nourriture  faute d’avoir pu changer son régime alimentaire . L’homme serait ainsi davantage capable de s’adapter mais surtout d’aller vers les excès .  ” Tout animal a des idées puisqu’il a des sens, il combine même ses idées jusqu’à un certain point, et l’homme ne diffère à cet égard de la bête que du plus au moins ” Rousseau cherche donc à montrer que le Mal existe chez l’homme mais pas chez l’animal : l’homme peut choisir et décider d’être raisonnable ou au contraire de se livrer à des actes barbares ; Cette comparaison entre l’homme et l’animal a été établie dans le Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes  , en 1755.

Jean de La Fontaine , dans ses Fables , a cherché lui aussi à comparer le comportement de l’homme et celui des animaux ; La comparaison n’est pas en l’honneur de l’homme et plusieurs apologues comme L’homme et la couleuvre, par exemple,  ou Le loup et les bergers montrent sa cruauté envers les autres espèces; Le fabuliste a beaucoup observé les animaux et il est admiratif de leur ingéniosité ; Dans son Discours à Madame de la Sablière, il critique explicitement la théorie de Descartes et prête aux animaux des sentiments, et la capacité d’effectuer des choix volontaires.  Il prend l’exemple des castors et montre que leur travail est organisé; Les plus vieux forment les jeunes et chacun est utilisé pour ses compétences ; C’est ainsi que leurs barrages sont qualifiés de ” savant ouvrage ” et de “fruit de leur art ” . La Fontaine conclut ”  que ces castors ne soient  qu’un corps vide d’esprit / Jamais on ne pourra m’obliger à le croire “; Cependant si la Fontaine démontre que les animaux sont capables de penser , de réfléchir et de  mettre en place des  systèmes perfectionnés d’organisation du travail ( on pourrait penser aux insectes, aux fourmis par exemple, aux abeilles ), il n’ évoque pas le point principal pour Descartes, à savoir la présence ou l’absence d’une âme qui serait indissociable de la raison.

Un philosophe contemporain, Pascal Quignard , démontre même que dans L’ Odyssée d’Homère, le premier être qui est capable de reconnaître Ulysse sous son déguisement alors qu’il est de retour à Ithaque après plus de 10 ans d’absence, c’est son vieux chien Argos. Ce dernier grâce à son flair a su démasquer son maître et l’a reconnu à son odeur; Homère aurait utilisé, en grec,  le verbe penser pour désigner l’action du  très vieux chien qui meurt de joie en retrouvant son maître . L’intelligence animale consiste ici à voir ce que les humains ne peuvent voir , à démasquer la vérité sous les apparences ; Ulysse est déguisé en mendiant et seul son chien est capable de lui redonner sa véritable identité . On dit que les animaux sentent la peur, ressentent, dans l’air l’arrivée des séismes et certains  chiens détectent des cellules cancéreuses invisibles à l’oeil nu. S’agit-il de pensée animale ou d’instinct supérieur à celui de l’espèce humaine dans certains domaines ?

Lisez le texte suivant : partagez-vous l’opinion de La Mettrie ? Sur quel point n’est-il pas d’accord avec Descartes ? Proposez une définition claire du matérialisme en philosophie

HOMME MACHINE *

 L’homme est une machine.

Il n’y a, dans l’univers, qu’une seule substance diversement modifiée. L’homme est une machine fort bien faite qui remonte elle-même ses ressorts qui ne sont rien d’autre que la vie elle-même. Ces ressorts se distinguent entre eux par leur fonction et leur degré de force, et non par leur nature. Le principe de l’animal-machine de  Descartes s’applique également à l’homme ; le dualisme corps-esprit est une illusion. L’âme n’est rien d’autre que la partie pensante du corps physique dont elle dépend totalement, et sans lequel elle ne saurait exister.

L’athéisme n’est pas plus un signe de dépravation que la religion ne garantit la probité. L’Être Suprême existe probablement mais il représente une théorie qui ne nécessite en rien l’obligation d’un culte religieux. La raison d’être de l’existence se justifie par l’existence elle-même. « La Nature nous a tous créés uniquement pour être heureux ; oui tous, depuis le ver qui rampe, jusqu’à l’aigle qui se perd dans la nuée. »

Dans cet ouvrage paru en 1748, ce médecin  part d’une hypothèse : l’homme aurait reçu la capacité de distinguer le Bien du Mal et pas l’animal . La Mettrie n’est pas convaincu et il va le démontrer ; “Nous savons que nous pensons , dit il ” et que nous avons des remords ” mais nous ne pouvons juger les autres d’après notre connaissance de notre conscience car “pour juger des remords d’autrui, ce sentiment qui est dans nous est insuffisant”  Autrement dit , nous ne pouvons pas savoir ce que pensent vraiment les autres hommes ; Nous ne pouvons qu’observer “les signes sensibles et extérieurs que nous avons remarqués en nous-mêmes lorsque nous éprouvions la même conscience et les mêmes tourments ”  Et  le savant donne l’exemple d’un chien qui après avoir mordu, semble le regretter . Il cite également des témoignages  de cas d’animaux sauvages qui se prennent d’affection pour les hommes qui les recueillent et  les nourrissent . Un animal, si l’on en croit , ses signes , serait ainsi capable d’éprouver du regret, de la culpabilité, de la reconnaissance . En réalité, c’est plus complexe car nous interprétons des signes comme s’ils avaient été émis par un humain dans les mêmes circonstances et nous ne pensons qu’avec des outils qui nous sont propres; Nos déductions sont parfois faussées ; Ainsi un chien qui a détruit un meuble ou un canapé ou fait ses besoins dans la maison sera apeuré par la voix que nous prendrons pour le gronder ; Il ne s’agit pas ici de culpabilité mais de peur quand il entend qu’on est en colère .

La littérature a souvent utilisé les animaux pour faire ressortir la cruauté des hommes et leur pseudo supériorité; En 1960 , le romancier Pierre Boulle imagine une dystopie dans laquelle la Planète terre est gouvernée par des espèces de singes qui utilisent les humains comme du bétail ; dans ce roman, les singes sont des êtres savants, des scientifiques intelligents et les hommes eux, ne savent pas parler, Leur intelligence est rudimentaire; Les singes proposent l’explication suivante : ” le cerveau du singe s’est développé, compliqué et organisé, tandis que celui de l’homme n’a guère subi de transformation. Certains savants songent à une mystérieuse intervention divine ; D’autres soutenaient que l’esprit du singe tenait avant tout à ce qu’il possédait quatre mains agiles.  Avec deux mains seulement, aux doigts courts et malhabiles, il est probable que l’homme a été handicapé dès sa naissance, incapable de progresser et d’acquérir une connaissance précise de l’univers. ” Ici le romancier a réutilisé, avec humour,  certains des arguments dont les hommes se  servent pour expliquer leur évolution “supérieure “: soit parce que Dieu les a créés supérieurs, pour dominer les autres espèces, soit parce qu’ils sont devenus bipèdes.. Pierre Boulle s’amuse à reproduire , dans la bouche des grands singes, les principaux raisonnements que l’homme utilise pour justifier sa supériorité.

Que faut -il retenir de ce corpus ?  Voilà les éléments essentiels du cours résumés .

La question de l’âme : pour Aristote chaque être vivant , homme, animal et plante, possède une âme ou principe de vie ( appelée psyché en grec ) mais ce principe est plus ou moins développé et l’homme disposerait de mémoire et d’imagination , deux facultés qu’il ne partagerait qu’avec certaines espèces animales.

Descartes lui soutient que les animaux n’ont pas d’âme, de principe spirituel ; ce sont juste des machines et ils agissent mécaniquement : c’est la théorie des animaux-machines.

Les philosophes des Lumières réfutent la théorie de Descartes et affirment la primauté des sensations dans la formation de nos émotions et de nos pensées; Ils attribuent aux animaux une sensibilité mais doutent , comme Rousseau,de l’existence d’un libre-arbitre chez l’animal .

Qu’est-ce qui est le propre de l’homme ? C’est une méthode qui consiste à rechercher ce qui fait la particularité de l’espèce humaine : certains évoquent le langage et la pensée ; Aristote utilise le mot grec logos qui désigne à la fois la pensée et le fait de parler. L’homme est donc un animal doué de logos . Le romancier de la Renaissance , Rabelais a lui pensé à définir l’homme par le rire , faculté qui n’existerait pas , selon lui, chez les animaux, à l’exception toutefois des singes. Rousseau ,lui, définit l’homme par sa capacité à agir librement, sans être dépendant de son instinct. Cette théorie sera remise en cause par les découvertes de la psychanalyse deux siècles plus tard.

De nos jours, on cherche encore à identifier certaines de nos facultés propres comme la conceptualisation , notre capacité à nous projeter dans le futur et notre sens esthétique , notre production artistique. Nous sommes donc des animaux pas tout à fait comme les autres  : nous avons des ancêtres communs avec les singes mais l’évolution de notre espèce a été différente

Exercice : Pourquoi les animaux ne parlent-ils pas ?

Voilà des éléments de réponse d’un savant appelé Buffon qui vivait au siècle des Lumières. Selon lui, le langage servirait à l’homme à rendre compte de ce qui se passe en lui; il communiquerait sa pensée par sa parole; Les hommes sauvages eux aussi peuvent parler et  ils parviennent à apprendre le langage des autres hommes , de ceux , par exemple, qui viennent conquérir leurs territoires ; Pour Buffon ce n’est pas une histoire d’organes mais c’est le signe que les animaux n’ont pas de pensée . Même si on parvient, selon lui, à enseigner des mots aux animaux , notamment à leur faire répéter des sons comme on entend parfois certains perroquets reproduire des mots qu’ils ont entendus, il est ,  toujours selon Buffon, impossible à un animal d’avoir l’idée que ce mot représente; Les animaux donc ne parleraient pas parce qu’ils ne penseraient pas  et  parce qu’intellectuellement , ils n’ont pas accès au monde des idées .  Il réfute ainsi l’idée selon laquelle il s’agirait d’une déficience liée à leur constitution physique : il donne comme preuve incontestable le fait que certains animaux sont justement capables de reproduire des sons similaires à ceux du langage  humain . On peut toutefois objecter à Buffon que les animaux communiquent , entre eux, en émettant des signes que nous ne comprenons pas toujours mais qui constituent une forme de langage élaboré.

Voilà une petite présentation de la tentative d’un écrivain :Tristan Garcia pour “traduire ” le langage d’un chimpanzé  nommé Doogie dans Les Mémoires de la Jungle . Qu’en pensez-vous ? Cela vous donne-t-il envie de lire le roman ? Quel est le parti-pris de l’écrivain ?

 

18. février 2020 · Commentaires fermés sur Quelle vision de l’amour au XXI ème siècle ? Mariage et famille ? · Catégories: Spécialité : HLP Première · Tags:

Aujourd’hui avec l’augmentation du nombre de divorces et les bouleversements liés à l’accélération de nos rythmes de vie, à l’augmentation de notre longévité, aime-t-on de la même manière qu’autrefois ? Comment les individus parviennent-ils encore à concilier leur désir d’épanouissement personnel avec une vie de couple, des contraintes familiales et souvent professionnelles ? Alors que les mariages de raison, imposés par le groupe familial se raréfient , du moins en Europe, on constate que beaucoup de couples sont malheureux ; certains envisagent même des thérapies , des médiations car ils craignent, en se séparant, de briser leur cellule familiale; Comment expliquer cette faillite de l’amour libre et quelles en sont les causes ? Et si l’amour n’était pas fait pour durer ?  Les histoires d’amour finissent-elles mal ne général? Allons faire un  petit tour du côté de la littérature ….

Les romans d’amour nous enseignent le plus souvent la douleur de l’amour et les dangers des passions . Les moralistes classiques mettent l’homme en garde contre les excès en matière de sentiments; L’amour nous rend malade et peut nous faire mourir dans de nombreux cas et particulièrement dans les tragédies te les romans d’analyse psychologique . Les philosophes des Lumières incitent leurs contemporains à faire preuve d’esprit critique et condamnent le libertinage  mais Don Juan , Casanova et les personnages des Liaisons dangereuses fascinent les lecteurs  en transgressant la morale et les codes . 

Stendhal invente alors le concept de cristallisation amoureuse  avec ses couples impossibles . Le siècle suivant  montrera les tourments de  la génération romantique : les héros trainent leurs âmes en peine et les poètes rivalisent d’images sombres : spleen baudelairien, mélancolie de Verlaine, folie avec Nerval , Méditations et lamentations avec Lamartine. On célèbre l’automne, la fuite du temps, le caractère inéluctable de la vieillesse  et on mêle ces thèmes aux déboires amoureux; Les sanglots, les violons et les paysages tristes dominent .   Le réalisme s’intéressera surtout à la puissance du désir et des instincts  en révélant que nous agissons sous l’influence de nos pulsions ;  L’amour peut y mener au crime et on tue souvent par amour : les crimes passionnels intéressent particulièrement les écrivains comme Zola avec Thérèse Raquin ,et La Bête humaine.

La psychanalyse et l’inconscient remplacent progressivement la transcendance et la fatalité des Anciens . L’individu aliéné par son désir , peut tenter de s’en affranchir mais, au même moment, l’amour fou est célébré par les surréalistes qui déclarent leur flamme à travers les images surprenantes de leurs vers libres. Quelle est , de nos jours, la place de l’amour dans la littérature  et comment les écrivains actuels le décrivent-ils ? En soulignent-ils la force ou la faiblesse , les bons ou les mauvais côtés ? Regardons ce  débat entre deux philosophes qui confrontent leur vision de l’amour : écoutons-les et essayons de noter les points essentiels qui les opposent pour pouvoir ensuite ,étendre notre réflexion à certaines oeuvres littéraires contemporaines 

 

21. janvier 2020 · Commentaires fermés sur Les pouvoirs de la parole : qui domine dans un dialogue ? · Catégories: Spécialité : HLP Première

Peut-on dominer l’Autre en lui parlant, en s’adressant à lui ? Comment la parole peut-elle marquer une forme de domination sociale ? Exerce-t-on une forme de pouvoir sur autrui rien qu’en prononçant certains mots  ? La parole peut-elle devenir une arme ? Le philosophe Jean Paul Sartre a déclaré qu’il ne croyait plus vraiment au pouvoir de la parole face aux actions ; “j’ai longtemps pris ma plume pour une épée, écrivit-il , à présent je connais notre impuissance. ” Son autobiographie Les Mots , parue en 1964 reflète un constat d’impuissance des mots mais pourtant le philosophe poursuit en affirmant qu’il faut continuer à écrire des livres car cela peut avoir quand même une utilité. Au théâtre, justement , les mots sont les armes principales des échanges entre les comédiens. Les mots sur scène montrent autant qu’ils disent . Examinons ce qui se joue dans cette scène entre Georges Dandin et ses beaux-parents, des nobles ruinés qui lui ont donné sa fille à épouser car , même s’ il est d’origine paysanne , il a fait fortune; Ce mariage va ainsi redorer le blason de cette famille noble qui  témoigne  ici son mépris pour ce gendre qui n’est pas du même milieu qu’eux.

GEORGE DANDIN.Puisqu’il faut parler catégoriquement, je vous dirai, Monsieur de Sotenville, que j’ai lieu de…

M. DE SOTENVILLE.Doucement, mon gendre. Apprenez qu’il n’est pas respectueux d’appeler les gens par leur nom, et qu’à ceux qui sont audessus de nous il faut dire Monsieur tout court.

GEORGE DANDIN.Hé bien, Monsieur tout court, et non plus Monsieur de Sotenville, j’ai à vous dire que ma femme me donne…

M. DE SOTENVILLE.Tout beau. Apprenez que vous ne devez pas dire ma femme, quand vous parlez de notre fille. GEORGE DANDIN.J’enrage. Comment, ma femme n’est pas ma femme?

MME DE SOTENVILLE.Oui, notre gendre, elle est votre femme, mais il ne vous est pas permis de l’appeler ainsi, et c’est tout ce que vous pourriez faire, si vous aviez épousé l’une de vos pareilles.

GEORGE DANDIN.Ah! George Dandin, où t’estu fourré? Et de grâce, mettez pour un moment votre gentilhommerie à côté et souffrez que je vous parle maintenant comme je pourrai. Au diantre soit la tyrannie de toutes ces histoireslà. Je vous dis donc que je suis mal satisfait de mon mariage.

M. DE SOTENVILLE.Et la raison, mon gendre?

MME DE SOTENVILLE.Quoi, parler ainsi d’une chose dont vous avez tiré si grand avantage?

GEORGE DANDIN.Et quels avantages, Madame, puisque Madame y a? L’aventure n’a pas été mauvaise pour vous, car sans moi, vos affaires, avec votre permission, étaient fort délabrées, et mon argent a servi à reboucher d’assez bons trous<span style="left: 459.883px; top: 837.717px; font-size: 18.4px; font-family: sans-serif; transform: scaleX(0.911742);">; mais moi de quoi y aije profité, que d’un allongement de nom, et au lieu de George Dandin, d’avoir reçu par vous le titre de Monsieur de la Dandinière?

MOLIÈRE, George Dandin ou le Mari confondu, acte I, scène 4, 1668

Question d’interprétation littéraire  : Selon vous, qui domine dans le dialogue cidessus?

Question de réflexion philosophique  La parole peutelle être une arme sociale?

Pour construire votre réponse, vous vous référerez au texte cidessus, ainsi qu’aux lectures et connaissances, tant littéraires que philosophiques, acquises durant l’année.

  Le contenu complet du corrigé est publié sur eduscol « Selon vous, qui domine dans le dialogue ci-dessus ? »On distingue, dans les remarques suivantes, la réflexion du professeur, qui doit prendre en considération la variété des traitements possibles, et le travail de l’élève, qui trouve un fil, une intuition, et qui n’a évidemment pas à maîtriser l’ensemble du panorama.L’analyse du texte pourrait donner lieu à une réflexion essentiellement contextuelle : le public du XVIIème siècle, d’un divertissement joué à la Cour, ne pouvait guère hésiter quant au ridicule de Dandin, si bien que la supériorité sociale de ses beaux-parents et adversaires dans le dialogue ne fait alors aucun doute, quelque caricaturés que soient les Sotenville.Cependant, les ambiguïtés du texte sont réelles, et encore soulignées par le découpage : aussi bien n’attend-on pas ici des élèves des connaissances générales de l’œuvre, mais au contraire une lecture attentive de l’extrait choisi.La formule « Selon vous », qui ouvre la question d’interprétation, n’est pas un simple appui rhétorique et mérite d’être prise au sérieux. Comme l’ont rappelé les indications données dans l’introduction aux ressources, c’est bien une parole personnelle qui est attendue. La diversité des réponses ne constitue sur ce point aucun frein à l’évaluation. On peut en effet attendre, dans des développements eux-mêmes susceptibles d’adopter des formes et des progressions variées :a. soit que ce sont les nobles qui dominent (comme le montre l’empêchement de progression de la parole de Dandin, notable dès les premières répliques, qui ne peut faire entendre son discours, constamment contesté et réprimandé quant à ses formes et usages) ; l’argument d’histoire littéraire (et sociale) peut alors corroborer cette analyse, de même que d’autres éléments du texte également (le ridicule de son titre, la grossièreté de ses usages) <strong>;b. soit que Dandin finalement domine : même s’il est au début malmené, il parvient non pas à se soumettre à l’ordre discursif des bienséances, mais à faire éclater une vérité économique de dépendance de ceux qui prétendent l’éduquer ; le découpage choisi et la fin de l’extrait rendent cette lecture très nette ; c. soit une réponse attentive aux effets de symétrie et finalement d’égalité dans la scène de querelle, renvoyant les deux camps dos à dos et niant même l’idée de domination discursive : la parole de l’un est inadéquate et ridicule ; la position des autres ruine l’impression de supériorité dans laquelle ils s’installent, mais pour laquelle ils ne sont finalement pas crédibles ; l’onomastique met aussi à égalité le ridicule entre « M. de la Dandinière » et de plus anciens aristocrates toutefois appelés « M. et Mme de Sotenville » La formule même d’ « arme sociale » pourra conduire les élèves à une certaine forme d’étonnement : il ne va pas de soi en effet, ni que la société soit un champ de bataille (de quelle bataille s’agit-il alors et quelles en sont les formes ?), ni que la parole puisse être une arme (le terme d’ « arme » doit-il être compris au sens propre ou en un sens figuré ? Et relativement à quel type d’affrontement ?). l’attention portée grâce au texte lui-même, à l’instabilité et à la mobilité des positions respectives des personnages : que serait une arme qui se retournerait sans cesse contre son utilisateur ? ne manquerait-elle pas d’efficacité ? qui domine en réalité dans ce passage ? On peut imaginer que certains élèves seront sensibles à l’orientation même du texte et à sa dynamique propre : Dandin se voit couper la parole ; mais il la reprend, et la tirade finale ajoute à l’affrontement une dimension de manifestation et de dévoilement qui pourrait participer, sinon d’un retournement, en tout cas d’un équilibrage des positions.–