03. novembre 2024 · Commentaires fermés sur Cris de Laurent Gaudé: évoquer les hommes dans la guerre · Catégories: Le livre du mois, Seconde · Tags:

On a écrit beaucoup de romans sur la guerre 14/18 alors que peut-on écrire sur ce même sujet  de nos jours  alors que les derniers poilus ont disparu ?  Cris est avant tout un récit contemporain: par sa forme éclatée, polyphonique, qui fait entendre toutes les voix des personnages et par les thèmes abordés également, universels mais tellement actuels ; Cris nous fait réfléchir , au delà des descriptions de la guerre et de ses horreurs, à la manière dont le langage humain peut survivre à la guerre et transformer ces expériences humaines en récits, les mettre en voix. En effet, les Cris des soldats se mêlent aux cris de la guerre personnifiée en une sorte de  monstre infra-humain. Comment décrire avec des mots, ces expériences vécues par les soldats : les bruits assourdissants du feu lorsqu’on se trouve en première ligne, le fait de voir mourir ses compagnons dans d’atroces souffrances et d’entendre les hurlements des mourants, es propres récations face à l’ennemi ? L’écrivain montre à quel point ces jeunes gens  seront à jamais transformés et marqués dans leur chair par ce qu’ils ont vu, entendu et parfois fait. Plus »

03. décembre 2023 · Commentaires fermés sur La panthère des neiges de Sylvain Tesson · Catégories: Le livre du mois, Spécialité : HLP Première · Tags: , ,

Écrivain voyageur , Sylvain tesson arpente le vaste monde en observateur silencieux et admiratif. Il nous emmène dans le sillage d’un couple de  photographes animaliers et nous fait partager cette attente de la panthère des neiges. Un photographe animalier comme Vincent Munier  est quelqu’un qui cultive l’art de la patience et qui accepte l’incertitude . “Le plus difficile consistait à se taire .” pense l’auteur  qui jusque là avoue avoir considéré l’immobilité “pour une répétition générale de la mort “. Ces affûts vont donc modifier sa façon de voir le monde qui l’entoure ;

Sa première rencontre est celle d’une famille de blaireaux dans la forêt vosgienne . L’artiste l’invite alors à le suivre dans sa quête de la panthère des neiges au Tibet. Les  découvertes  commencent avec les yacks appelés drungs par les tibétains , sorte de créatures immémoriales, totems de la vie sauvage . Chaque soir dans la cabane, Marie, la fiancée de Munier,  et Léo  ancien étudiant en philosophie, refont le monde ; La première photo de Munier , celle qui lui révéla sa vocation fut un chevreuil dans ses Vosges natales : dès lors , il “célébrait la grâce du loup, l’élégance de la grue, la perfection de l’ours ” .” L’amour des bêtes a aboli toute vanité en Munier ” il ne s’intéressait pas trop à lui-même , il ne se plaignait jamais..” le soleil transmutait la poussière en sillage d’or qui retombait en filet rouge. Les pelages vibraient dans la lumière donnant l’illusion d’une vapeur.. un paysage de désert minéral “L’auteur apprend à sentir la présence du sauvage et à le saisir du regard avant qu’il disparaisse  Le Tibet semble alors le cadre rêvé pour la métaphysique et le narrateur s’interroge sur sa propre sensibilité : “pourquoi voyais-je toujours dans un paysage les coulisses de l’horreur ? ” se demande-t-il ( p54 ) Il médite alors sur les origines du Monde et des premières formes de Vie sur terre. La présence de Dieu fait également l’objet de réflexions ainsi que l’évolution des espèces . (extrait 1 )  Plus »

28. juillet 2023 · Commentaires fermés sur Lectures été 2023 · Catégories: Le livre du mois

Après avoir découvert Le garçon de Markus Malte, j’ai beaucoup apprécié ce roman paru aux éditions Zulma et intitulé Aires; Il retrace les conversations entre les occupants de différentes voitures, soit entrain de rouler soit  arrêtées sur des aires d’autoroute  et qui vont toutes se percuter dans un final pour le moins tragique . Chaque personnage est un reflet de notre monde inhumain et se dirige tout droit vers un destin écrasant . Un roman dont on ne sort pas indemne à la manière d’un poids lourd qui fonce droit sur vous. Roland Carratero est parti à l’aube au chevet de son ex-femme Rolande atteinte d’un cancer et il se repasse le film de leur mariage . Frédéric , routier réfléchit à son avenir pendant que Catherine Delizieu, dans sa Lexus songe à la société qu’elle dirige. Ajoutez un jeune couple qui part en vacances, un ex violeur , un débiteur compulsif et vous obtiendrez un carambolage mortel à lus d’un titre . Une autopsie saignante de notre société de consommation .

Le soldat désaccordé de Gilles Marchand a de petits airs d’un très beau roman de Sébastien Japrisot intitulé Un long dimanche de fiançailles ; On y trouve l’horreur de la guerre et des soldats qui paient le prix fort de la folie de quelques uns; Une mère , persuadée que son fils n’est pas mort au front, demande à un détective  manchot, ancien soldat lui-même , de mener l’enquête ; Il découvre alors une terrible histoire d’amour entre une jeune alsacienne , modeste employée de maison et un fils de très bonne famille .Lucie Chopin fera tout pour retrouver son Emile qui la croit morte ; Comme Roméo et Juliette , les deux amoureux ne vieilliront pas ensemble , chacun croyant l’autre disparu . Un récit qui vous tient en haleine et  vous offre de beaux rebondissements jusqu’aux dernières pages .  Plus »

05. juillet 2023 · Commentaires fermés sur Martin Winckler rend hommage au choeur des femmes · Catégories: Le livre du mois · Tags:

Après La Maladie de Sachs qui rendait hommage au médecin du même nom, l’auteur nous plonge dans le monde des maladies des femmes , en nous faisant découvrir le parcours d’une jeune interne  de cinquième année  Joan Atwood affectée dans le service 77 , celui de Franz Karma . Elle réalise rapidement  à quel point ce praticien est apprécié par ses patientes et le personnel du service mère-enfant de l’hôpital. Ce gros  roman de presque 700 pages  est  à la fois composé comme un livret musical avec une ouverture , des récitatifs, des arias et des adagios et un final mais en même temps, il égrène les jours de la semaine du mardi d’ouverture au mercredi suivant .  Karma commence par tester les motivations de Joan et la prévient qu’il faudra l’accord des patientes pour qu’elle puisse assister aux consultations . Elle  comprend qu’il fait vraiment très attention à la douleur des femmes et il lui conseille de lire un ouvrage  rédigé par Olivier Manceau et qu’il a préfacé avec Bruno Sachs intitulé Le corps des femmes . “ Les médecins qui veulent le pouvoir font tout pour l’obtenir. ceux qui veulent soigner font tout pour s’en éloigner. ” Après avoir donné la parole à Joan qui lit à Karma les notes qu’elle prend , l’auteur nous fait entendre directement les voix des patientes , dans des récits où elles subissent ce qu’on nomme pudiquement “des violences faites aux femmes ” . Karma apprend à son élève à ne pas juger les femmes , à ne pas leur poser de question sur leur sexualité . Jean raconte alors l’internat et les brimades qu’elle a du supporter  parce qu’elle est une femme : elle raconte le machisme de certains médecins et peu à peu, elle nous livre son secret. Jean est née avec une ambivalence sexuelle et elle s’est donc spécialisée dans la chirurgie reconstructrice afin d’aider ceux qui cherchent à se doter d’un  appareil sexuel biologique conforme à leur véritable identité sexuelle. Au fur et à mesure , Joan parvient à gagner la confiance des patientes , se met véritablement à les écouter et à les conseiller . Elle réalise qu’il est possible d’examiner les femmes en decubitus latéral gauche, position plus confortable pour elles et qui préserve leur pudeur . Karma lui montre le forum qu’il anime et elle fait la connaissance de patientes pas tout à fait comme les autres : Catherine qui s’est installée dans la chambre des adieux, atteinte d’un cancer du pancréas au stade terminal , Renée qui souffre d’ambivalence sexuelle; Karma milite pour une prise en charge de la douleur et une médecine humaine qui ne considère pas les patients comme de simples résultats d’analyses. Il prend modèle sur certaines pratiques couramment enseignées dans les pays anglo-saxons comme donner de la morphine à des cancéreux ou pratiquer des anesthésies pour des examens invasifs .

Au cours de ces quelques jours passés dans le service 77, Joan se fera agresser par Germaine , une dangereuse psychopathe enfermée depuis 4 ans dans une chambre sécurisée ; elle remet en cause sa collaboration avec WOPharma en découvrant qu’elle est manipulée .  Alors qu’elle pensait agir dans l’intérêt des personnes intersexuées et faire avancer les méthodes de reconstruction chirurgicale, elle réalise que les laboratoires ne se préoccupent guère d’écouter les enfants ; Elle se réconcilie avec son père et avec son amoureux et trouve ce pour quoi elle semble faite : soigner les femmes et les écouter. . Elle découvre également que Karma et Aline sa secrétaire depuis 30 ans  s’aiment et fait la connaissance de Manon leur fille de 20 ans qui devient sa patiente. Joan apprend  grâce à des confidences de Karma que ce dernier   fait chanter le directeur de l’hôpital afin d’obtenir un budget de fonctionnement pour le service 77 qu’il dirige. 

Les dernières pages du roman contiennent d’ultimes révélations : : Joan est la fille de Marie Mergis et cette dernière a perdu un premier enfant intersexué à l’âge de 16 ans.  Marie est tombée amoureuse du psychologue de sa fille et s’est retrouvée enceinte de lui . Sa fille Camille  décède suite à des opérations de reconstruction  quelques jours avant la naissance de Joan. Marie sombre dans une profonde dépression . En fouillant dans les archives du service, Joan lit le nom de l’urologue qui a opéré son frère : il s’agit de Franz Karma qui était alors chirurgien car il voulait ” opérer pour guérir. Retirer les tumeurs, remplacer les organes malades par des organes sains, réparer les blessures, corriger les anomalies ” Cependant ce jour là a décidé de son avenir de médecin : en effet , il a eu pitié du désespoir de ce jeune homme mutilé à qui les chirurgiens voulaient fabriquer un corps de femme idéale  et que personne n’écoutait; il l’a donc aidé à mourir et il a , quelques jours plus tard, sauvé Joan, sa petite soeur , que les chirurgiens avaient l’intention d’opérer. 

Un roman empreint d’humanité qui rend hommage aux corps des femmes , à leurs voix et à leur cœur . ainsi qu’au dévouement des soignants .

06. février 2023 · Commentaires fermés sur La zone du dehors de Robert Damasio: le triomphe des Tigres Pourpres · Catégories: Le livre du mois, Spécialité : HLP Première, Terminale spécialité HLP · Tags: , , ,

Créer un univers dystopique, c’est avant tout nous permettre de réfléchir au fonctionnement du  monde dans lequel nous vivons et des lois qui le gouvernent  . La science-fiction est ainsi un outil d’élucidation et de réflexion; Damasio fabrique un monde angoissant à partir d’une hypothèse réaliste : l’Europe est devenue de siège de guerres chimiques et les populations locales sont forcées d’émigrer; Alors que certaines vont s’installer en Afrique, d’autres colonisent l’espace . A l’âge de 13 ans, comme de nombreux terriens exilés, Captp découvre les cerclons ; un monde proche de Saturne, à un an et demi de voyage de la Terre , sur lequel règne l’ombre du cube; Les individus y sont encartés dans un clastre qui leur attribue leur identité et un certain nombre de lettres  qui formeront leur matricule ; Tout autour du cercle , la radzone regroupe les parias de cette démocratie : les radieux sont , en effet,  des travailleurs pauvres, sans identité qui vivent de la revente des objets radioactifs . En dehors des limites du Cercle, le Dehors est un univers “sauvage” et interdit qui ressemble à la terre des premiers âges.  ” ici régnait l’espace, le désert inégal sans bordure, une immensité qui ne prenait humaine dimension que par la trace, précaire des pas, et le mouvement ; L’air y est irrespirable et il est bordé par le Nakkarst, un champ magnétique invivable. A l’intérieur des cerclons, des réserves d’oxygène permettent aux  humains de respirer : sans cet apport d’or, l’air est rempli d’ammoniaque toxique.

Dans les sous-sols des Cerclons, qui fait figure de démocratie modèle dirigée par A.. , un mouvement séditieux, la Volte , prépare une Volution; Son directoire est formé du bosquet :  Brihx, Obffs ,Slift, Captp, , Kamio le poète ; Son ancien chef Zorlk a été encubé, et la Volte qui compte environ 4000 membres se demande quelle est la meilleure stratégie pour mener une action choc contre la puissante institution du “Défordre “ qui vient de mettre en place des milliers de points de sécurité pour ” réguler/stranguler ; contrôler les corps/ incorporer le contrôle ; Chaque  habitant- citoyen clastré est muni d’un implant et pour pénétrer dans un bâtiment, il doit franchir une porte-mâchoire. Pour ceux qui n’ont pas de passe , l’accès est interdit . La technologie gère ainsi la traçabilité des 7 millions d’habitants et peut limiter leurs déplacements ou les géo- localiser immédiatement .  Au début du roman, au cours  d’une réunion secrète de la Volte, Slift propose d’équiper les portes de lames afin de “faire sortir le sang “. Kamio s’interroge alors sur la justice de cette solution : “Un cadavre de plus rendra-t-il notre humanité meilleure ? “ Il demande aux voltés de réfléchir aux conséquences de leurs actes . Une longue discussion a lieu entre les partisans de l’action dure et ceux qui souhaitent ne pas utiliser la violence . “sans violence, aucun pouvoir ne s’est jamais senti menacé. Sans violence le peuple ne réagit jamais ! sans violences pas de Volution possible ..; pour combattre, nous n’avons que l’éclat de nos ruptures ! que notre fureur ! Alors il faut surprendre, jaillir, déjouer, fracturer les routines, que ça explose, qu’on frappe vif! … je veux qu’on soit violent oui, pas pour le sang. mais parce qu’on se bat contre une société de consensus massif. Plus un consensus est mou, plus il est puissant, plus il absorbe les attaques, moins on peut le déstabiliser: nous sommes face à un gros bloc de gélatine ...p 78 comment dès lors le renverser et pour instaurer quel nouveau monde ? 

Les autorités des Cerclons se servent de millions de caméras et de drones pour contrôler l’ensemble des activités des clastrés. Epiés constamment  mais en toute discrétion  par les machines dont le puissant ordinateur central baptisé Motor, les voltés mettent au point leurs actions; D’abord ils posent des clameurs un peu partout, et verrouillent leur mouvement : seuls 20 voltés connaissent la stratégie globale du mouvement et donnent leurs consignes à leurs troupes; La presse s’est déchaînée contre la Volte après qu’une fillette a eu les jambes fracturées par une lame de porte: ils sont désormais considérés comme des terroristes et la surveillance est renforcée au moyen de  mini-caméras  difficiles à détecter qu’ils implantent  parfois jusque sur les nerfs optiques , afin qu’elles transmettent les images vues par les yeux ; Néanmoins, le bosquet décide de poursuivre la lutte et envisage de frapper à deux reprises; Pour éveiller la conscience des cerclons sur le danger que représentent les capsules ingérées ou greffées sur leurs terminaisons nerveuses, ils créent un survoltage lors de la fête annuelle du Clastre et provoquent 17 morts et des centaines de blessés parmi la foule : les danseurs , en effet, ont reçu des décharges électriques  qui ont provoqué de grandes souffrances et devaient conduire à leur décapsulage d’urgence. “Cette fête , affirme Captain, nous allons en faire le cauchemar technologique de la décennie; Il s’agit d’électrochoquer 300 000 personnes: “ceux qui ingèrent des des capsules autofixantes n’y voient qu’un raccourci pour optimiser leur plaisir . Ils y voient une nouvelle liberté, qui sera étendue par  chaque nouveau biogiciel mis sur le marché. ” Captain lui redoute lse ” accoutumances organiques” et veut graver une leçon” à vif ” en frappant “la totalité de leur réseau nerveux” . Ils tentent de mettre un coup d’arrêt à la stratégie “carcéviscérale ” du gouvernement et effectivement, leur action aura un retentissement puissant . Damasio aborde , dans cette partie du roman, l’impact des nouvelles technologies qui modifient les perceptions  et les possibilités du corps et du cerveau humain ; ” les technogreffes , c’est l’avenir”, pense un cerclons venu à la fête , ” avec ce qui pulse dans la colonne, je sens plus vite, pense plus vite. Tous mes réflexes sont accélérés. Ça fait un siècle que les ordinateurs nous ont dépassés, que les alliages sont plus fiables que nos os. Maintenant on vient de trouver des fibres élastiques qui sont plus souples que nos muscles ; qui se contractent plus vite et mieux, qui ne produisent pas d’acide lactique et qui sont virtuellement inusables .  “Tu vois un réseau inextricable de fils, de fils, tu es à l’intérieur de toi, dedans, tu te vois, comment tu es fait, toutes les synapses, tous les fils, comme un cheveu, et l’oeil aussi, tu viens derrière, il est comme une boule, ça grésille, les fils, il y a des images qui passent , elles clignotent, elle ne se maintiennent pas, elles fusent, fusent, très curieux comme elles vient, crépitent, c’est très beau ” ; Voilà comment s’exprime, avec enthousiasme, ce jeune technogreffé. Après le lourd bilan de l’attaque du Parc, la capture des membres du bosquet est la priorité du gouvernement et la récompense pour ceux qui les dénonceront  est fixée à un million 

 Ils s’attaquent ensuite à une action de grande envergure; une attaque  contre la tour de la télévision afin de créer une gigantesque coupure dans les media. Parmi les renforts qui se joignent à eux se trouve malheureusement ,un agent double, le redoutable Kohtp. Il tente de tuer Capt, et surtout fera échouer l’explosion de la tour . Capt est fait prisonnier et emmené sous le cube gouvernemental pour être interrogé. A sa grande surprise, le président lui propose le poste de E .. ministre de l’éducation . Les deux hommes évoquent leurs conceptions antagonistes  de la démocratie, de la liberté et du pouvoir . Capt tente de blesser l’orgueil de A en lui disant qu’il a “l’envergure d’un drone”  et qu’au lieu de gouverner , il se contente de s’agiter sur des écrans comme une marionnette usée. Le Volté fini par refuser la proposition de A après avoir longtemps hésité .  Trahir sa cause permettrait de lui sauver la vie “un mort , tout héroïque et auréolé qu’il soit de ses actions , reste toujours un mort : quelqu’un qui ne sert plus à rien et qui vient encombrer la mémoire des vivants”  . Dire non au ministère et aux responsabilités d’éduquer le peuple, c’est es battre conter alors qu’il a une occasion unique de construire te d’agir pour quelque chose .   Sa captivité est éprouvante et l’issue d’un procès médiatisé, sa condamnation à être incubé est prononcée à une courte majorité .  Il va être injecté vif dans le cube, un tas d’ordures nucléaires radioactives. Dans sa cellule, il reçoit plusieurs visites du président qui lui offre notamment un drôle de cadeau : un jeu baptisé Capturez Captp avant sa mise sur le marché . L’effet sur lui est terrifiant et peu à peu il perd le sens des réalités et celui du temps. Mais sa pensée résiste aux différentes techniques de manipulations ;ses tortionnaires constatent qu’il ” prend l’énergie de votre violence et il l’inverse, accrue à son profit. Torturez-le ; allez y; Non seulement vous ne le briserez pas mais vous en ferez une bête de proie “ . Il faut avant tout le dévitaliser , qu’il ne sorte pas d’ici la rage au ventre et le verbe aiguisé. Il faut user sa formidable capacité de penser par l’absence de stimulation…. Son procès , au coeur du géodôme, rassemble plus de 4 milliards d’humains ; Il est présenté comme une menace contre la démocratie: “La Volte qu’il dirige est-elle le masque d’une nouvelle dictature ou le visage riant des esprits libres que nous avons renoncé à être ? ” annonce le commentateur . Les spectateurs vont pouvoir voter et 50,7 se prononcent en faveur de l’incubation. Les dernières pensées de Captp sont tournées vers Boule de chat “les lits de bois des amoureux flottant sur un océan de bleu simple et la chaleur des voiles enroulant le soleil ”   comme si l’amour et la poésie  finissaient toujours par  avoir  le dernier mot .  Pendant ce temps, les Voltés préparent l’évasion de leur héros et Slift finit par réussir à l’hélitreuiller hors du Cube . Gravement irradié, notre héros a la sensation de “revenir de l’envers du monde ” et se met à penser que peut être les gens sont heureux dans Cerclon . Cependant la Volte décide de construire un monde différent en dehors de Cerclon; Anarckia, la première polycité volutionnaire du cosmos habité ”  Le discours de Captp galvanise la foule :  “Savez- vous pourquoi les volutions n’aboutissent jamais ? parce que chaque volté répète sur ses propres groupuscules de désirs ce que le pouvoir fait des citoyens; le pouvoir pompe la plus-value vitale des corps et il la recycle pour faire du ciment social ! Citoyens… coupez l’autocensure, les rétrocontrôles , crevez voter sac à conscience te descendez un cran plus profond, sous l’individu que vous croyez être jusqu’aux mouvements qui vous font… libérez les cages de vos zoos intimes.. ou restez gardien de zoo toute votre vie;” 

La fin du roman raconte la fondation de Magnitogorsk, Gomorrhe, Virevolte, Horville et Mirajeu dans la zone du dehors; Le principal problème des citoyens libres  est l’approvisionnement en conduites d’oxygène . L”anarchie éclairée est un système très exigeant : pas de chef ni de représentant , pas de maire, de police, de fonctionnaire, ni juge ni loi ni clastre ni carte et pas d’argent surtout . L’économie est basée sur le troc et l’échange direct car “avec l’argent commençait la dépossession, la fluidité inhumaine du travail abstrait. avec l’argent s’ouvrait la possibilité de l’accumulation donc le capitalisme et la formidable machine à fabriquer de l’inégal, à le stocker et à l’amplifier, es remettait en marche. Dans cette société, passe place pour les paresseux ou les tricheurs : n’ayant rien à offrir aux autres, ils s’asphyxiaient eux-mêmes. Les liens qui es seraient ainsi entre les travailleurs étaient des liens de “sueur et de sang ” . A Horville, ce fut une spirale positive ” le bien généra du bien dans les coeurs; Etre juste devenait une évidence ”  “Impersonnel un système social écarte l’homme de l’homme.” Pour Captp, l’homme est fondamentalement bon à condition d’être en rapport direct et vital avec d’autres hommes.  Cependant , le monde du dehors est fortement critiqué par le dedans et l’enthousiasme des débuts s’essouffle au bout de quelques mois . Le gouvernement avait pigé Captp et fait installer une nanocaméra sur son nerf optique: ils ont fait assassiner Slift et projettent de reprendre le contrôle sur les Cités du dehors .Le président, appelé au téléphone par Captp dévoile alors l’étendue de la machination : ils ont utilisé Captp pour en faire une sorte  de “joueur de flûte qui débarrasse Cerclon de la peste voltée qui commençait à contaminer ” les citoyens. Cependant, ils ont sous- estimé les forces vitales de l’amour et de l’amitié et les hackers voltés réussissent grâce au piège de cette conversation téléphonique , entre leur leader et le président ,  à faire exploser le cube avec leur usine d’oxygène, geste symbolique  et destructeur . 

27. juillet 2022 · Commentaires fermés sur Maria Pourchet : Toutes les femmes sauf une ..un récit sur le mal de mère · Catégories: Le livre du mois · Tags:

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Certains romans vous laissent un arrière goût amer et ce récit paru en 2018 peut réveiller de vieilles blessures mal cicatrisées. On y entend une toute jeune mère évoquer , à la faveur de la naissance de sa fille à laquelle elle s’adresse , les paroles de sa propre mère . Ce dialogue qui n’en est pas vraiment un , fait résonner les mots durs d’une marâtre à la langue de vipère , nantie d’une “imagination tarée vouée à détruire les siens ” . Les éclats de voix ressurgissent et s’engouffrent dans la chambre de l’éventrée avec le berceau ; Adèle, le bébé, devient ainsi la dépositaire des mots de sa mère et recueille ses éclats d’orage et de colère. 

Chez les animaux que nous sommes, fous du désir de parler, ça commence par la catastrophe de la langue. Le mots qu’on nous dit, les phrases pour nous assommer, les phrases pour nous gouverner, les phrases pour endormir, interdire, séparer, les phrases pour reproduire. ” ( p 12 ) 

Les injonctions de la mère sont  toutes rapportées en italique et forment une litanie de consignes humiliantes et  contradictoires  qui façonnent l’enfant et contribuent à lui donner une piètre image d’elle-même  “Reste à ta place; Reste pas dans mes jupes; Garde tes distances  Ne réclame pas; Ne te fais pas remarquer” . Il me reste de mon enfance, écrit la narratrice, le bruit que font les femmes entre elles à propos des absentes” ( p 15 ) : ragots et rancoeurs  , haine que les femmes vouent à leur genre maudit . A toutes les époques où les Hommes  tracent le chemin, écrivent l’histoire, dictent leurs lois et montrent la voie, naître femme ne va pas de soi.

Surgissent , dans le désordre , les blessures de l’enfance : longues après-midi solitaires occupées à lire à l’ombre des arbres . La jeune fille cherche son souffle , son tempo et sa féminité ; féminin condamnée par la haine tenace de la mère  ” tout est interdit, tout est porno “écrit-elle ; Elle s’imagine alors , pour grandir , qu’elle est un garçon  ” Je suis au masculin, Je suis content, heureux, peureux, je suis un romancier, je suis votre serviteur. Le e n’arrive pas: la langue échoue à le dire . ” ( p 49 ) 

Elle grandit seule, sans amour et sans jamais qu’on la touche ” je connais de la douceur si peu de choses, écrit-elle , sinon la fourrure des animaux “. Devenue mère, elle prend sa fille à témoin de ses souffrances passées . L’adolescence est retracée comme un long hiver  dont elle ne parvient que difficilement à sortir, engourdie de froid, dans l’épaisseur d’un désamour chronique .Peu à peu, la peur s’infiltre comme un cancer  “la peur d’elle est inscrite au coeur de mes cellules, depuis l’origine de la matriligne où la première mère a terrorisé la première fille” ( p 50) ; C’est ce qui est passionnant dans ce récit : la voix de la narratrice convoque celles de toutes les générations de femmes : celles d’où l’on vient , les mères des mères de nos mères qui composent une cohorte d’ombres tantôt écrasantes et parfois protectrices .L’aïeule qui apprend la valeur du rire , celle qui meurt en donnant la vie ,  toutes celles qui triment en silence , dans la soumission ,  celles qui essuient leurs larmes dans la cuisine, avec un torchon sale, celles qui s’éteignent sur leur lit , toutes habillées et  toutes celles qui rêvent d’une vie différente .

Ce récit mêle les souffrances de l’enfant , de la fille et de la jeune mère, confrontée, dans cette chambre de maternité, à un bébé que son corps semble refuser à tel point que les psychologues s’alarment de son comportement et lui proposent des calmants. Pourtant, aux souvenirs de l’humiliation permanente se substitue , au fur et à mesure , la conscience  qu’il est fortement possible que “toutes les phrases en italique prononcées par ma mère , lui aient été adressées par la sienne , à qui la sienne parlait ainsi.” ( p 84 )  Chaîne maudite de la destruction des femmes par d’autres femmes qui donne une dimension tragique à la reconstitution sociologique . Et face à la voix de la narratrice, à portée de voix justement , on imagine le bébé dans son berceau en plexiglas; Adèle hurle  comme une petite louve esseulée qui cherche déjà à se faire entendre et bat la mesure du parcours de sa mère qui travaille , vieillit, essaie de s’installer et finit par se résoudre à écrire pour que sa mère, celle qui hante ses nuits , se taise enfin. Pendant qu’Adèle découvre , toutes les trois heures, le même effroi recommencé, la femme devenue sa mère, découvre l’autre côté du miroir, sa  nouvelle place .  Elle doit apprendre, pour se retrouver,  à décoller les mots qui forment  comme des croûtes : ‘T’as intérêt à faire gaffe. T’as intérêt à regarder où tu met les pieds . Tu perds rien pour attendre . ”  “le lexique de la dette recouvre tôt la langue d’une autre couche qui durcit avec le temps , avec moi “  pense -t-elle et ce combat qui commence pour elle, va consister à rompre enfin la mécanique infernale. 

 L’épilogue montre la grand mère  qui rencontre sa petite fille mais ne peut la tenir dans ses bras.  Marie, témoin de cette scène capitale écrit  “j’ai senti se défaire les deux anneaux d’une chaîne entre la gorge et l’estomac et l’air venir par là. Une vie durant je l’ai haïe de n’être plus ce qu’elle n’a jamais été. Une paire de bras, une chaude, une qui materne. Pourtant ça crevait les yeux. Et de la nuit de  mon temps remonte , car c’est l’heure, la seule phrase qu’il ne fallait pas oublier ” Ta mère , elle n’était pas faite pour ça’ .Ca c’est moi, “ajoute-t-elle,”  ce n’est pas un drame. je me materne très bien toute seule . Parce que la mère, c’est moi. ”  ( p 121 ) 

Un récit à conseiller à toutes celles qui cherchent à comprendre ce qui fait de nous des filles, des femmes , des mères et comment nous parvenons à  fair tenir ensemble  l’image de celles qui furent, nos grand-mères et celles seront un jour prochain, femmes à leur tour . Toutes nous  prenons place, côte à côte, dans la chaîne qui nous lie et nous maintient  . 

25. juillet 2022 · Commentaires fermés sur Enfant de salaud de Sorj Chalandon : père et fils dos à dos · Catégories: Le livre du mois · Tags:

Le thème central du traître et de la trahison est au coeur de l’oeuvre de Chalandon; On se souvient notamment de la figure du père dans Retour à Killybegs et de ces hommes  et femmes pris dans la tourmente des revendications et des exigences  de l’IRA , de leur soif de liberté et de cette sale guerre qui ne dit pas son nom. Dans son dernier roman paru en 2021, l’auteur s’intéresse cette fois à la relation filiale marquée par l’empreinte indélébile de la trahison paternelle Plus »

06. juin 2022 · Commentaires fermés sur En attendant Bojanglès : sur un air de Nina Simone , quand imagination et folie se rencontrent .. · Catégories: Le livre du mois

Deux citations précèdent le récit : l’une de Bukowski “certains ne deviennent jamais fous : leurs vies doivent être bien ennuyeuses ” et la seconde inventée par l’écrivain ” Ceci est mon histoire vraie avec des mensonges à l’endroit  à l’envers , parce que la vie c’est souvent comme ça ” . Il sera donc question , en étudiant ce roman,  du rôle  la folie et de ses relations avec la réalité et du rôle des mensonges  qui nous font, justement , voir la réalité autrement . Le titre l’oeuvre  fait référence à une chanson douce et triste  , un  air lancinant sur lequel danse le couple  fou amoureux des parents du narrateur.  Plus »

06. juin 2022 · Commentaires fermés sur U4 Koridwen : après le virus .. rien ne sera plus comme avant · Catégories: Le livre du mois · Tags: , ,

Qu’est-ce qui distingue la littérature jeunesse des nombreuses dystopies, pour adultes ,  nées de la pandémie ou , plus généralement des peurs du vingt-et -unième siècle ?  Il est bien difficile de répondre à cette question. Disons  que les héros-adolescents des romans  de littérature jeunesse permettent très facilement l’identification de leurs lecteurs. Le parcours de ces jeunes est l’occasion pour eux de s’initier aux joies et aux peines,  surtout de rencontrer l’amour  et de grandir . Yves Grevet, signe le premier volet des 4 tomes qui orchestrent les aventures de 4 adolescents , parvenus au niveau expert de leur jeu vidéo préféré WOT ; L’avatar du maître du jeu, Khronos ( qui signifie le Temps en grec ) leur fait parvenir avant la coupure mondiale d’internet, un mystérieux message leur demandant de se regrouper le 24 décembre sous  la plus vieille horloge de Paris , afin qu’ils remontent le temps et empêchent la destruction de l’Humanité. Plus »

08. juillet 2021 · Commentaires fermés sur Les oubliés du dimanche , le roman de Justine Neige , raconté par Valérie Perrin · Catégories: Le livre du mois

Justine Neige a 21 ans et travaille dans un EPAHD qui porte un nom de fleurs : Les Hortensias. Elle y aide à soigner les corps et lse âmes des pensionnaires et note leurs histoires dans des cahiers de couleur .