23. février 2018 · Commentaires fermés sur Qui est Robespierre ? · Catégories: Première · Tags: ,
rev14.jpg
Robespierre en BD

Certes ce n’est pas à proprement parler un écrivain mais il demeure un homme de lettres ou plutôt un homme qui sait manier le Verbe. Artisan majeur de la Révolution française, il en incarne à la fois le pire et le meilleur ; Le pire car son intransigeance  a fait de lui le chef d’orchestre de la Terreur et le meilleur car il avait à coeur de transformer en profondeur la société française et de donner des droits au Peuple dans son ensemble sans distinction de classe sociale, de couleur , de parti politique . Considéré par certains comme un tyran, un véritable despote et exécuté le 9 thermidor , son génie politique et sa vision d’avenir , sont reconnus par beaucoup comme des bases de notre démocratie actuelle. Sa biographie ne suffit pas à le faire connaître; C’est pourquoi vous trouverez dans ce billet , un résumé de sa carrière et des citations commentée qui tentent de cerner son idéologie . Commençons par quelques dates …

Sa biographie (abrégée à partir du site hérodote.net ) 

 C’est tout d’abord un avocat : ce qui explique sa connaissance de l’éloquence qu’on apprenait alors aux futurs magistrats dans le cadre de leurs études. Fils d’un avocat d’Arras, qui appartient à la petite noblesse de robe, il a perdu très tôt ses parents et a été élevé par son grand-père .Après ses études, il demeure dans le Nord de la France . Séduit par les écrits sentimentaux de Rousseau, introverti, studieux, il ne fréquente pas de femme et n’a guère d’amis. On le décrit comme un jeune homme solitaire et taciturne. C’est alors que surviennent les élections aux Etats généraux  en 1789. Il signe alors son entrée en politique.

rev13.jpg
 
rev12.jpg
 

 Il est rapidement élu député du tiers état d’Arras  et se montre  d’abord discret à l’assemblée mais assidu à un café de Versailles fréquenté par des députés bretons et auquel on donnera le nom de club breton. À l’automne 1789, le roi et l’Assemblée se transportent à Paris. Le club breton s’installe de son côté dans le couvent désaffecté des Jacobins. Il portera alors le nom célèbre de club des Jacobins en référence à ce lieu de leurs premières réunions.

Lorsqu’il prend la parole à  la tribune de l’Assemblée, Robespierre suscite des ricanements avec sa voix éraillée et son emphase amis il va donner toute sa mesure au club des Jacobins. Ce haut lieu de l’agitation révolutionnaire est fréquenté par les députés comme par les artisans de la ville, ceux que l’histoire va nommer les sans-culottes .Son détachement des plaisirs terrestres  lui vaut le surnom d’« incorruptible défenseur du peuple ».Après la chute de la monarchie, Robespierre est à nouveau élu député et entre à la Convention le 20 septembre 1792. Il se hisse d’emblée parmi les chefs de file de la Montagne et des Montagnards (on donna ce surnom aux députés qui s’asseyaient en hauteur dans les gradins ) et organise l’élimination de la Gironde, un parti modéré qu’il jugeait coupable de s’opposer à la Terreur. Ses chefs sont proscrits le 31 mai 1793.

L’« Incorruptible » va personnifier la Révolution à partir de son entrée le 27 juillet 1793 au Comité de Salut Public (le gouvernement révolutionnaire), dont il va devenir le président sans en avoir le titre.

Dans son discours du 5 février 1794, il en appelle à la terreur pour sauver la Révolution menacée de l’intérieur (par les partisans d’un retour à la royauté )  comme de l’extérieur (par les guerres des gouvernements étrangers) et lui donne une justification inattendue : « La terreur n’est autre chose que la justice prompte, sévère, inflexible ; elle est donc une émanation de la vertu ; elle est moins un principe particulier qu’une conséquence du principe général de la démocratie, appliqué aux plus pressants besoins de la patrie ». Dictateur de fait après l’exécution de son principal rival Danton, le 5 avril 1794, il relance donc la terreur et même la Grande Terreur. Il tente même d’imposer l’éphémère culte de -l’Etre Suprême en remplacement du christianisme.

Gagnés par la lassitude et la peur, rassurés par les victoires des armées françaises sur le front, les députés de la Convention finissent par s’insurger et décrètent l’arrestation de Robespierre et de ses proches le 9 thermidor An II (27 juillet 1794). L’« Incorruptible »est guillotiné le lendemain.

Ce qu’il a dit : 

Celui qui dit qu’un homme a le droit de s’opposer à la Loi, dit que la volonté d’un seul est au-dessus de la volonté de tous. Il dit que la nation n’est rien, et qu’un seul homme est tout. S’il ajoute que ce droit appartient à celui qui et revêtu du pouvoir exécutif, il dit que l’homme établi par la Nation, pour faire exécuter les volontés de la nation, a le droit de contrarier et d’enchaîner les volontés de la nation ; il a créé un monstre inconcevable en morale et en politique, et ce monstre n’est autre chose que le veto royal.”
Maximilien de Robespierre – 1758-1794 –   Discours contre le veto royal, absolu ou suspensif, 21 septembre 1789

“La loi est-elle l’expression de la volonté générale lorsque le plus grand nombre de ceux pour qui elle est faite ne peuvent concourir, en aucune manière, à sa formation ? Non.”
Maximilien de Robespierre – 1758-1794 – Discours à l’Assemblée constituante, 25 janvier 1790

“La source de tous nos maux, c’est l’indépendance absolue où les représentants se sont mis eux-mêmes à l’égard de la nation sans l’avoir consultée. Ils ont reconnu la souveraineté de la nation, et ils l’ont anéantie. Ils n’étaient, de leur aveu même, que les mandataires du peuple, et ils se sont faits souverains, c’est-à-dire despotes, car le despotisme n’est autre chose que l’usurpation du pouvoir souverain.”
Maximilien de Robespierre – 1758-1794 – 29 juillet 1792

Toute spéculation mercantile que je fais aux dépens de la vie de mon semblable n’est point un trafic, c’est un brigandage et un fratricide.
Maximilien de Robespierre – 1758-1794 – Sur les subsistances, séance de la Convention du 2 décembre 1792

“La première loi sociale est donc celle qui garantit à tous les membres de la société les moyens d’exister ; toutes les autres sont subordonnées à celle-là ; la propriété n’a été instituée ou garantie que pour la cimenter ; c’est pour vivre d’abord que l’on a des propriétés. Il n’est pas vrai que la propriété puisse jamais être en opposition avec la subsistance des hommes.”
Maximilien de Robespierre – 1758-1794 – Discours à la Convention nationale sur les subsistances, 2 décembre 1792
 

revo15.jpg
 

Lorsque le gouvernement viole les droits du peuple, l’insurrection est, pour le peuple et pour chaque portion du peuple, le plus sacré des droits et le plus indispensable des devoirs.”
Maximilien de Robespierre – 1758-1794 – Discours sur la nouvelle déclaration des droits de l’homme et du citoyen, 24 avril 1793

“La force publique est en contradiction avec la volonté générale dans deux cas ou lorsque la loi n’est pas la volonté générale; ou lorsque le magistrat l’emploie pour violer la loi.”
Maximilien de Robespierre – 1758-1794 – Sur le gouvernement représentatif, 10 mai 1793

Ses discours 
Vous trouverez en pièce jointe dans cet article les 4 textes de votre liste du bac qui font l’objet de 4 articles .

20. février 2018 · Commentaires fermés sur La révolution française : un cadre, des acteurs, une tragédie … · Catégories: Première · Tags:
revo3.jpg
La prise de la Bastille 

Célébrer le 14 juillet, la prise de la Bastille, c’est ne se souvenir que d’une des journées qui changèrent l’Histoire de notre pays ; En effet, la révolution française avec son cortège de héros et d’horreurs, de passions et de drames, de victoires et d’écrasantes défaites, c’est l’avénement de tout un siècle : celui des Lumières; Parfois les dates de l’Histoire ne correspondent pas toujours aux siècles : le siècle des Lumières commence en 1715 avec la mort de Louis XIV et s’achève dans le sang et les larmes, en 1789; En quelques mois, quelques années tout au plus, de nombreux combats vont trouver une réponse politique et législative avec les discours des orateurs de la Révolution et la déclaration des droit de l’homme et des citoyens. Education, libertés individuelles, démocratie, régime républicain, droit des femmes et des enfants , reconnaissances de l’égalité des droits des citoyens sans tenir compte de leur naissance et de leur rang social , suppression des privilèges de l’aristocratie et droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, fin de la monarchie absolue : voilà quelques avancées que nous devons en partie aux révolutionnaires ; Examinons plus en détails le déroulement des événements qui rythmèrent cette période agitée et découvrons quelques acteurs de premier plan .  

En mai 1789 s’ouvrent les Etats Généraux qui prennent le nom de Communnes et s’instituent Assemblée Nationale le 17 juin ; Le Serment du jeu de Paume est prononcé le 20 et la Bastille prise le 14 juillet; Commence alors la Grande Peur; Le 4 aout on déclare l’abandon des privilèges du clergé et de la noblesse et le 05 octobre les  femmes marchent sur Paris suivies par la garde nationale emmenée par Lafayette qui se rend à Versailles et ramène le roi le 06 octobre . 

Les Etats Génarux comptent 1150 députés : près de 300 pour le clergé et la noblesse et le double pour le Tiers Etat avec notamment Mirabeau , Robespierre, Sieyès l’un des 20 députés de Paris et Volney. Le serment prononcé par l’Assemblée de ne jamais se séparer place cette nouvelle pratique sous le signe des actes héroïques de l’Antiquité mais on y retrouve également l’idée d’un contrat social entre l’individu et la société à la manière des textes de Rousseau . Peu à peu chacun propose des changements pour réduire les injustices : que les peines soient les mêmes pour tous par exemple et  que la justice soit gratuite ; que les emplois ne soient pas réservés à certaines classes sociales mais ouverts à tous ; il fallait que ces intentions fussent converties en lois et c’est ce que va permettre l’adoption de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen, Toutefois à y regarder d’un peu plus près, on s’aperçoit que les paysans sont quelque peu oubliés car si les droit des personnes évoluent, étrangement les droits sur les terres sont encore maintenus ; Bien entendu, le roi refuse de signer les décret consécutifs à la nuit du 4 août.

revo4.jpgL

Le serment du Jeu de Paume par David

Dans Paris la famine gagne du terrain et  des centaines de femmes partent des Halles pour se rendre à Versailles ; le lendemain le roi revient à Paris et promet du pain; jusqu’en novembre 1789, on assiste à un double mouvement de résistance d’une part et d’union du peuple d’autre part; la révolution est désormais en marche et rien ne pourra plus en arrêter le mouvement ; En novembre 1789, on assiste aux premières fédérations de communes rurales qui dépassent ainsi les clivages des Provinces ;leurs mot d’ordre: “Plus de province! la Patrie !” Et ils jurent de s’aider , de se nourrir les uns les autres par delà les divisions des territoires et les frontières naturelles qui les séparent . 

revo5.jpg
Le serment de l’ Assemblée

Le 14 juillet 1790 a lieu la fédération générale au Champ de Mars; des milliers de français ont fait le déplacement pour assister au grand défilé sous la pluie ; C’est La Fayette sur son cheval blanc qui prononce le serment fédératif : ” nous jurons de rester à jamais fidèles à la Nation, à la loi et au roi, de maintenir de tout notre pouvoir la constitution décrétée par l’Assemblée Nationale …”  Le roi qui sent la colère gronder décide de s’enfuir mais il est rattrapé à Varennes en juin 1791 et ramené sous bonne escorte ; La question de la guerre va alors diviser la France :les girondins s’y déclarent favorables alors que Robespierre s’y oppose farouchement car il veut d’abord éteindre les contre-révolutions à l’intérieur du pays ; le 20 avril 1792 la France vote la guerre contre l’Autriche; les défaites militaires se succèdent et le roi refuse de ratifier certaines mesures du gouvernement pour ainsi le forcer à démissionner ; en juillet 1792, on proclame la Patrie en danger et on enferme le roi au Temple .

La Grande Peur va déferler sur le pays : durant les premiers jours de septembre, on massacre de nombreux prêtres réfractaires et la foule se gonfle peu à peu  de brigands et de voleurs qui de prisons en prisons, violent, égorgent et pillent . Les exécutions durèrent 4 jours et 4 nuits et la princesse de Lamballe, dame de compagne de la reine, fut parmi les victimes ; On dénombra environ 1000 morts : essentiellement des détenus et quelques  prêtres ainsi que quelques nobles. Après les batailles de Valmy et de Gemmapes ,  le roi est déchu en août  et son procès commence .

La découverte des tractations secrètes entre le roi et les Autrichiens conduit à sa mise en accusation; La Montagne et Saint Just,dès novembre 1792 estiment le jugement nécessaire alors que la parti girondin hésite. Déclaré coupable par 700 vois, on décide pourtant que le jugement ne sera pas ratifié par le Peuple ; la mort est votée par 387 voix contre 334 pour ceux qui s’y opposaient et le sursis est refusé par une courte majorité en janvier . Le roi sera donc exécuté le 21 janvier 1793 : certains feront de lui le martyr de la royauté et de cette révolution qui aura bien du mal, après ce régicide,  à retrouver une unité et l’aval de l’opinion publique . 

revo1.jpg
Marat poignardé

Le 1 février 1793, la France  repart en guerre, cette fois  contre l’Angleterre et la Hollande : la Convention a besoin de lever 300 000 hommes et cette mesure contestée par les départements de l’ouest , demeurés majoritairement royalistes, provoque  début mars un soulèvement de la Vendée : les Chouans vont marquer l’Histoire ;les paysans s’en prennent aux villes qui elles sont républicaines ; A Paris, la tension monte également; les Jacobins avec à leur tête Marat veulent destituer les membres de la Convention qui  avaient voté l’appel au peuple lors du procès du roi.  Les girondins de leur côté,tentent de faire accuser Marat par le tribunal révolutionnaire en avril 1793  mais ce dernier le soutient , le surnomme l’Ami du Peuple et demande  un jugement pour 22 députés girondins. L’opposition entre les girondins qui s’appuient sur la province et les Montagnards qui siègent sur les bancs les plus haut de l’Assemblée et s’appuient sur Paris et les grandes villes ne cesse de croître .Les Montagnards accusent 22 députés girondins  d’être redevenus royalistes et obtient leur arrestation . Pendant ce temps, l’armée des Chouans gagne du terrain et encercle Nantes mais leur avancée est stoppée ; Le 13 juillet 1793, Charlotte Corday tue Marat dans son bain après s’être rendue à son domicile; elle est guillotinée le 19 juillet 

revo7.jpg
Madame Roland

Les députés girondins sont exécutés le 30 octobre 1793 et Madame Roland  le 8 novembre : “O liberté que de crimes commis en ton nom” furent ses dernières paroles . Danton , Camille Demoulins , Fabre d’Eglantine, débutent une campagne pour mettre fin aux exécutions mais Robespierre , fait voter leur mort  en avril 1794 . Il organise ensuite la fête de l ‘Etre Suprême et marche en tête de la Convention dont il est alors le Président. Le complot prend forme contre celui que beaucoup considèrent alors comme un tyran. Le 9 thermidor d’abord victime d’une tentative d’assassinat , la mâchoire brisée, Robespierre est mené à l’échafaud avec 21 autres membres de la Commune ; 70 le lendemain seront exécutés  et 20 encore le troisème jour .

Quelques noms à connaître : 

Bailly , député du Tiiers-Etat, organisa le Jeu de Paume, maire de Paris, exécuté en mars 1793 parce qu’on l’a tenu responsable de la fusillade du Champ de Mars (a donné l’ordre de   tuer ceux qui voulaient destituer le roi après sa fuite )

Brissot chef du parti girondin, guillotiné le 31 octobre 1793

Charette, prit la tête des paysans vendéens insurgés et fut fusillé à Nantes en 1796

Condorcet ,député à la Convention, il vota la déportation du roi, se cacha après l’exécution de se ami girondins, fut arrêté et es suicida en prison en 1794; -Réformateur et spécialiste  de l’Education

Corday : a décidé de tuer Marat qu’elle jugeait responsable des poursuites contre les députés girondins ; Guillotinée en juillet 1793.

Danton : avocat, fonda les Cordeliers, intégra la Commune et combattit les girondins; il demanda toutefois la fin de la Terreur et Robespierre le fit exécuter après un procréé escamoté ( avril 1794 ) 

Marat : fonde un journal intitulé l’Ami du peuple , député montagnard à la Convention, il voulait exécuter tous les ennemi edu Peupl est fonda le  tribunal révolutionnaire et le comité de Sureté; Poignardé par Charlotte Corday en 1793

Mirabeau : élu député du Tiers-Etat,  défend l’idée d’une monarchie constitutionnelle ; inhumé au Panthéon, on eut après sa mort en 1791, la preuve de sa duplicité : il était complice de la Cour.

Robespierre : député, devient républicain , vote la mort du roi et combat les girondins ;défend la nécessité d’un gouvernement révolutionnaire et de la Terreur ; finit par être exécuté par les partisans de ceux qu’il a tués.

Madame Roland: épouse de l’ancien ministre de l’Intérieur en 1792, elle soutient les girondins et les suivra sur l’échafaud. (novembre 1793) 

Saint-Just : député à la Convention, proche de Robespierre , prit des mesures favorables au plus pauvres et contribua au renforcement du pouvoir révolutionnaire. ( exécuté avec Robespierre ) 

 

 

28. janvier 2018 · Commentaires fermés sur Une mort tragique : la mort de Georges dans Le Quatrième Mur · Catégories: Première · Tags:
mur4.jpg
 

L‘épilogue du roman nous présente le récit complet de la mort du personnage principal qui avait déjà été annoncée dès le premier chapitre du roman; le dénouement du roman referme la boucle et nous ramène, en quelque sorte au point de départ: Tripoli , Liban , 27 octobre 1983 un an après le massacre de Sabra et Chatila. Le premier chapitre nous le montre en pleine action : Marwan son guide vient d’être tué dans une explosion et il a trouvé refuge dans un trou où il rencontre un vieux combattant palestinien; Il sait alors qu’il va mourir. Les premiers mots du chapitre 24 intitulé Georges reprennent les derniers mots du chapitre 1 : le palestinien se trompe quand il affirme que Georges a croisé la mort sans jamais tuer.

Comment le romancier nous présente-il la mort du héros ? Tout d’abord il s’agit d’une mort tragique qui prend une dimension symbolique et qui est mise en scène par le romancier en faisant directement référence à la tragédie d’Anouilh Antigone, qui joue un rôle très important dans le roman. Axe possibles ; une mort annoncée, Une mort mise en scène, une mort tragique, une mort théâtralisée, une mort qui entre en résonance avec d'autres morts …

La dimension symbolique : Georges meurt accompagné d’un  nouveau personnage qui représente la durée de cette guerre enter Israël et la Palestine; Ce combattant est issu de Bethléeem (17) : une ville de Cisjordanie peuplée essentiellement de palestiniens musulmans; située au sud de Jérusalem, elle est également la ville où le Christ est né et  donc occupée à l’origine par une population juive. Un autre symbole important c’est la terre de Jaffa : en effet, Georges offre un peu de la terre de Jaffa qu’il a reprise dans la maison d’Imane tuée sauvagement  lors de l’attaque du camp; cette terre représente pour le palestinien un peu de sa patrie perdue et cette terre vient de Samuel qui la destinait aux palestiniens : “j’ai versé la poussière au creux de ses rides noires ” (20) ;

mur_15.jpg
 

Ce don a beaucoup de valeur : il représente une identité perdue ; Avant de se lever et de mourir, Georges met sur sa tête la kippa  (44 ) de son ami Samuel, celle qu’il devait porter lors de la représentation d’Antigone car il jouait le rôle du choeur . Il aurait ainsi représenté sur scène” le juif” et le personnage collectif antique témoin du déroulement de la tragédie. D’ailleurs le personnage  du choeur apparait à la fin du roman comme pour prendre le relais du personnage de Georges au moment où ce dernier s’apprête à franchir le quatrième mur (69) ;cette image désigne à la fois le passage du monde des vivants au monde des morts mais aussi le passage de la réalité à la fiction de la scène. Un autre symbole important c’est la clé de Jaffa que Georges garde sur lui. Cette clef représente à la fois l’origine de la guerre car ce conflit a débuté en 1948 juste après la création de l’ Etat d’ Israel qui a entraine l’exode massif des populations de Jaffa; ces palestiniens se sont donc retrouvés privés de terre, sans patrie; beaucoup sont restés attachés à leurs origines et cette clef rappelle l’importance de nos origines; mais cet objet symbolique peut également être considéré comme ce qui va permettre d’ouvrir le passage entre les vivants et les morts ; d’ailleurs dans l’Antiquité, les Anciens possédaient de nombreux rites de passage dont s’inspire ici le romancier. Saint Pierre détient par exemple les clés du paradis et on l’appelle parfois le portier 

mur25.jpg
 

La mise en scène de la mort : le romancier met soigneusement en scène la mort de son personnage principal; Elle intervient au terme de son parcours de personnage et avait été longuement préparée, dès le premier chapitre comme nous l’avons constaté en lisant le roman. Cette mort attendue, redoutée également par le lecteur a des allures de tragédie au sens où on savait déjà ce qui allait se produire; elle est dramatisée par la mort de Marwan et par cette dernière rencontre avec Mahdi: rencontre qui se transforme en un dialogue de théâtre comme nous pouvons le voir avec la mention des prénoms des personnages (MAHDI/ GEORGES/ ) et surtout l’apparition du choeur qui rappelle à la fois celui de la tragédie mais également celui de la pièce d’Anouilh , qui intervient dans l’épilogue. La mort de Georges correspond à une sortie de scène : il a traversé le quatrième mur ( 69) mais le romancier refuse de la décrire “la mort l’a pris comme ça” (70): il ne nous donnera aucun autre détail à l’exception des objet qu’il portait : ” une kippa sur la tête et une clef dans la main ” On se souvient de l’importance des objet symboliques dans le roman: le chandelier qui représente l’amour entre Aurore et Georges, la nippa de Samuel, le foulard d’ Imane; Chaque objet est un peu de l’identité du personnage . 

 Une mort avant tout tragique : Cet épilogue comporte de nombreuses références directes à la pièce d’Anouilh : en plus des noms des acteurs et du choeur, il est fait mention de passages empruntés au texte d’Anouilh ; la tragédie est décrite comme “commode, reposante” (60) et comparée au drame qui lui est “utilitaire et ignoble parce qu’on espérait s’en sortir ” (63) Georges devient donc un personnage à part entière de tragédie et cela lui confère une sorte de majestéc’était pour les rois la tragédie ” (66), une forme de noblesse dans l’acceptation de ce destin ; Les lignes finales sont particulièrement émouvantes avec une sorte du chemin de croix accompli par le héros qui est sorti de sa cachette : “Deux fois Georges est tombé. Il s’est relevé “ (67) Ce parcours fait penser  au calvaire du Christ qui a du porter sa croix et qui est tombé à plusieurs reprises en chemin vers la mort. L’image finale semble adoucir la réalité de cette mort et le romancier fait disparaitre son personnage un peu comme un fantôme. Pour clore son récit, Chalandon a repris intégralement l’épilogue d’Anouilh qui donne une résonance particulière  à sa propre fiction : “toux ceux qui avaient à mourir sont mots; ceux qui croyaient une chose et ceux qui croyaient le contraire -même ceux qui ne croyaient en rien et qui se sont  trouvés rapidement pris par l’Histoire ” cette citation s’applique bien sur au contexte de la seconde guerre mondiale et rappelle certains poèmes de résistance notamment celui d’Aragon intitulé la Rose et le Réséda qui met en scène des combattants réunis dans le même camp au delà de leurs différences initiales. On notera ici la parenté des expressions : ceux qui croyaient au Ciel et ceux qui n’y croyaient pas ” avec ceux qui croyaient une chose et ceux qui croyaient le contraire ” (voir le poème d’Aragon en pj )

Cette citation  peut tout aussi bien désigner le conflit au Moyen -Orient ; en effet, Marwan est mort, le frère de Charmel est mort, Imane a été sauvagement tuée; aucun d’entre eux n’appartenait au même camp; leur mort atteste de l’impossibilité de réunir les hommes des factions ennemies sur scène pour jouer une même pièce qui justement représente des conflits insurmontables ; C’est la guerre qui a triomphé et non la bonne volonté des hommes ; Antigone demeurera éternellement tragique mais la guerre l’ est encore plus.

Avant de mourir Georges dit qu’il n’est plus rien,  ( 48)  qu’il n’est plus de nulle part qu’il n’appartient plus à aucune terre, aucune patrie; la guerre lui a pris ses racines, lui a volé son identité mais lui a fait rencontrer des frères d’armes et de sang; pourtant il rentre chez lui comme si la mort était désormais son unique refuge; ses dernier mots sonnent comme un adieu et résument une sorte de fatalité tragique   : “personne ne quitte ce monde vivant ”  (52) 

23. janvier 2018 · Commentaires fermés sur Autour de la guerre : quelques points de vue ..Voltaire, Céline, Giraudoux et Lemaître · Catégories: Première, Terminale spécialité HLP · Tags: ,
guerre114.jpg
 

Pour cette étude qui porte sur  l’homme au centre de la guerre ou face à la guerre , ont été réunis différents témoignages qui attestent de la pluralité des visions de la guerre; Nous allons donc comparer les définitions données par Voltaire dans Candide, Céline dans Voyage au bout de la nuit, Giraudoux dans La guerre de Troie n’aura pas lieu et Pierre Lemaître dans Au Revoir là hautLe conte philosophique adopte plutôt une dimension critique ; le roman de Céline prend appui sur des élements autobiographiques et se veut le témoignage d’un combattant ; la pièce de Giraudoux se présente comme une réflexion sur les causes de la guerre et tente de répondre à la question: pourquoi les hommes font- ils la guerre été pourquoi aiment-il cela ? Quant au roman de Pierre Lemaître, la guerre n’y occupe pas un rôle central ; elle est le déclencheur d’un drame humain, celui d’un jeune artiste qui ne parviendra pas à surmonter le handicap crée par sa blessure au visage. Le romancier y montre surtout les traumatismes engendrés par les mutilations des corps .

Le siècle des Lumières voit apparaître un renversement de l’opinion publique: siècle belliqueux, il amorce une réflexion sur la nécessité de certaines guerres ; Les philosophes, en effet, combattent la guerre en s’appuyant sur son caractère non nécessaire Ils accusent ,la plupart du temps, les Princes et les Puissants de se laisser emporter par leurs passions, leur orgueil et leur soif de pouvoir qui les conduisent à amorcer des conflits dans leurs seuls intérêts. Voltaire est l’un des premiers à développer une critique systématique de la guerre afin d’en démontrer , à la fois le caractère néfaste mais aussi l’absurdité véritable. Dans Candide, son héros s’est engagé dans l’armée uniquement pour gagner de l’argent car il n’a nulle part où aller et il se retrouve,enrôlé , face à la réalité d’une guerre atroce: un conflit destructeur entres abares et Bulgares; Voltaire dresse un tableau apocalyptique du massacre en accumulant les détails sordides : “les vieillards criblés de coups regardaient mourir leurs femmes égorgées, qui tenaient leurs enfants à leurs mamelles sanglantes . ” Le point de vue du personnage est d’abord utilisé pour décrire, sur un ton élogieux , la préparation des troupes et le cérémonial : “rien n’était si beau si leste si brillant et si bien ordonné que les deux armées” La dimension spectaculaire est ici mise en valeur mais très vite , le spectacle se transforme en massacre : ” les canons renversèrent à peu près  six mille hommes de chaque côté ” et Voltaire emploie l’oxymore “boucherie héroïque “ pour rendre compte de cette contradiction . De plus, il montre bien la réciprocité des destructions en précisant que les pertes subies dans chaque camp sont identiques ; Le héros décide alors de déserter et Voltaire le montre s’enfuyant “en marchant sur des membres palpitants ou à travers des ruines ” “hors du théâtre de la guerre ” . La critique des horreurs de la guerre se manifeste de différentes manières et on note que  la désertion de Candide est montrée comme un choix raisonnable : “ il prit le parti d’aller raisonner ailleurs des effets et des causes “ ; vue de l’extérieur, avant le déclenchement des hostilités, la guerre peut paraître admirable mais lorsqu’on se retrouve au front, à l’intérieur des combats, elle devient horrible.

guerre111.jpg
 

Louis Auguste Ferdinand  Destouches a choisi lui aussi de consacrer une partie de son roman à la description d’une guerre qu’il a lui même effectuée: la première Guerre Mondiale. Son héros Bardamu se retrouve aux premières lignes ,  dans le conflit tout comme son auteur qui choisit de s’engager dans l’armée à 18 ans devançant ainsi l’âge légal du service militaire obligatoire . Il montre l’horreur des assauts ,la lassitude des soldats et l’acharnement des officiers; Blessé , le héros est évacué et  effectue sa convalescence à Paris ; Il devient alors un adversaire acharné de la guerre et se fait traiter de lâche par sa fiancée. ” vous êtes répugnant comme un rat “lui lance cette dernière et elle se range derrière l’argument de la  nécessaire défense de la Patrie( l 9) . Bardamu persiste  dans son refus en prenant comme illustration l’oubli des morts  tombés sur le champ de bataille  “ils sont morts pour rien ces crétins” et “il n’y a que la vie qui compte “ajoute-t-il ‘ (ligne 16 ) .  Cette confrontation des points de vue se retrouve , sous une autre forme, dans la pièce de Giraudoux où deux camps s’affrontent avec des arguments puissants :.

Jean Giraudoux est un diplomate français qui, parmi les premiers, a pressenti les risques d’un nouveau conflit. En 1935, juste avant le déclenchement de la Guerre d’Espagne, prélude à la seconde guerre mondiale, Giraudoux mesure la montée des nationalismes et se sert d’un conflit légendaire, la guerre de Troie, pour mettre en scène une réflexion sur la  possibilité d’éviter la guerre. Il fait dialoguer bellicistes et pacifistes jusqu’à l’issue tragique : l’ouverture des portes de la guerre en dépit des efforts conjugués d’Hector, qui a rallié l’avis de son épouse Andromaque et d’Ulysse ,le négociateur envoyé par les Grecs. L’extrait que nous étudions se situe au début de la tragédie : Hector vient de rentrer victorieux d’une guerre éprouvante et découvre que son épouse attend leur premier enfant.  Cette dernière set farouchement opposée à une nouvelle guerre qui risquerait de coûter des vies mais son mari se moque de sa sollicitude maternelle en affirmant que le désir de faire la guerre l’emportera toujours “si toutes les mères coupent l’index droit de leur fils, les armées de l’univers se feront la guerre sans index.”( l 1) Andromaque se déclare prête à tuer son propre fils plutôt que de lui faire courir le risque de se faire tuer à la guerre ; ce qui peut paraître quelque peu excessif ..elle demande ensuite à son mari s’il aime la guerre et la réponse d’Hector est étrange :il définit d’abord la guerre par ses aspects négatifs “ce qui nous délivre du bonheur, de l’espoir, des êtres les plus chers. ” avant d’ajouter qu’il se sent invincible juste avant de combattre grâce à cette délégation que les Dieux  lui donnent . Leur discussion se clôt sur un nouveau paradoxe ; L’homme se sent à la fois un Dieu et moins qu’un homme et respecte la vie au moment où il s’apprête à l’ôter à d’autres hommes.

guerre113.jpg
 

Pierre Lemaître revisite à sa manière  les affrontements de 14/18 en inventant un point de départ tragique à sa fiction. Albert , l’un des deux héros du roman , constate , au cours d’un assaut  que deux des hommes du bataillon ont été abattus de deux balles dans le dos et il soupçonne alors son officier :le lieutenant Pradelle , de les avoir exécutés pour faire croire à des tirs allemands. Avec un certain cynisme, le romancier critique les officiers qui se croient des Dieux au moment du combat ; le lieutenant est qualifié de “Messie “; Le décor de la guerre ressemble à un décor “de fin du monde “. Les soldats sont présentés comme terrifiés ” des types hurlent comme des fous pour s’enivrer, pour se donner du courage.” Il sont armés d’une colère définitive et d’un désir de vengeance : ” même Albert terrorisé par l’idée de mourir, étriperait le premier venu ” . Les hommes ont le ventre noué, la gorge sèche et courent baissés, par réflexe d’offrir le moins de prise possible comme si l’on faisait tout le temps la guerre dans la crainte du ciel ” . Pierre Lemaître reprend la plupart des clichés sur la guerre des tranchées : la terre épaisse , la boue, la peur et la colère ; Il utilise un narrateur omniscient à la différence de Laurent Gaudé qui dans Cris, ne nous offre que les pensées de ses personnages sans jamais aucun commentaire .

22. janvier 2018 · Commentaires fermés sur Le quatrième mur : la découverte du massacre …des visions d’horreur · Catégories: Première · Tags: ,
mur11.jpg
Photos de presse 

Le passage de la découverte du massacre perpétré dans les camps palestiniens de Sabra et Chatila est sans doute l’un des plus difficiles à lire à l’intérieur de ce roman ; le romancier nous dépeint  une réalité sans fard  et nous entraîne à la suite de son héros dans une  véritable plongée au sien de l’horreur; Il déploie un registre réaliste et pathétique et nous nous sentons véritablement touchés par cette description sans concession de la guerre et de la souffrance;

Rappelons tout d’abord les faits historiques tels qu’ils se sont déroulés en 1982…

Le 6 juin 1982, l’armée israélienne a envahi le Liban dans ce qu’elle a décrit comme étant des “représailles” pour la tentative d’assassinat sur l’Ambassadeur israélien à Londres.Le 18 juin 1982, Israel avait cerné les forces armées de l’Organisation de Libération de la Palestine (OLP) dans la partie occidentale de la capitale libanaise. Un cessez-le-feu a eu comme conséquence l’évacuation de l’OLP de Beyrouth le 1er septembre 1982.Le 11 septembre 1982, le ministre de la défense israélien, Ariel Sharon, a annoncé que “2.000 terroristes” étaient restés à l’intérieur des camps de réfugiés palestiniens .Le mercredi 15 septembre, le lendemain de l’assassinat du chef de la milice phalangiste alliée des Israéliens et président élu libanais, Bashir Gemayel, l’armée israélienne a occupé Beyrouth-Ouest, “encerclant et bouclant” les camps de Sabra et Chatila.

mur20.jpg
 

L’armée israélienne a alors désarmé, dans la mesure où elle le pouvait, les milices anti-israéliennes à Beyrouth-Ouest, alors qu’elle a laissé ses armes aux milices phalangistes chrétiennes de Beyrouth.Le jeudi 16 septembre 1982 vers midi, une unité d’environ 150 Phalangistes armés (c’est ce que prétend Israël) est entrée dans le premier camp.Pendant les 40 heures suivantes, les membres de la milice phalangiste ont violé, tué et blessé un grand nombre de civils non-armés, dont la plupart étaient des enfants, des femmes et des personnes âgées à l’intérieur des camps encerclés et bouclés. L’estimation des victimes varie entre 700 (chiffre officiel des Israéliens) et 3.500.

Les journalistes qui ont couvert les reportages dans cette région du monde ont pu alors découvrir lorsqu’ils sont entrés dans les camps, des visions d’horreur et ce sont ces visions que s’efforce de reconstruire le romancier dans ce passage. Comment le romancier décrit-il cette scène d’horreur ? comment cette description est-elle organisée ? 

Le romancier utilise différents procédés pour dépeindre  cette vison : tout d’abord , il nous entraine dans le sillage d’un personnage et nous voyons à travers ses yeux; Ce procédé appelé focalisation interne facilite grandement l’identification par le lecteur au personnage et grandit l’illusion réaliste. 

Georges se déplace : c’est ce qu’on appelle une description en mouvement ou ambulatoire et nous le suivons pas à pas . Le texte est construit selon une organisation spatiale facilement repérable ; Nous avançons ainsi “plus loin” : nous pénétrons “à l’intérieur”  ( 5) de cet univers cauchemardesque ; J’ai vu , j’ai marché (1)  ; Les verbes de vision sont nombreux ainsi que les connecteurs spatio-temporels : dans un angle ( 15), là-bas (11) , partout des morts (19) . 

mur_16.jpg
Les camps palestiniens 

Le registre pathétique est particulièrement marqué dans cet extrait avec tout d’abord la mention des victimes : ce sont des vieux, des jeunes et même des enfants ; Nous avons ici une sorte de gradation de l’horreur . Le lecteur ne peut s’empêcher de prendre parti contre les miliciens et les exactions commises; Le romancier dénonce ici les massacres perpétrés par les combattants contre des civils sans défense.

La multitude des  petits détails réalistes contribue à renforcer cette dénonciation: la position des corps, les souffrances subies augmentent notre émotion; les cadavres sont présentés dans des positions humiliantes : sur le dos, bras ouverts, ” un bébé torse nu, en couches déchiquetées ( 29)  “un corps coupé en deux ” (10) ; les victimes sont montrées comme cueillies par la mort et aucun détail trivial ne nous est épargné : “la merde séchée , (18 )  les plaies béantes, les trainées de cervelle (21) 

De plus, la description est dramatisée par les réactions du personnage -témoin : Georges qui a bien du mal à ne pas se laisser déborder par l’émotion : “ je le redoutais, je le craignais ” ; ces deux verbes montrent son appréhension ; Profondément troublé par la scène, il semble marquer, malgré lui, un temps d’arrêt : “je me suis arrêté; j’étais sec” ; ( 32)  Aucune larme ne parvient à sortir de son corps : " le visage sans rien ” Tout es passe comme si Georges ne ressentait plus rien, comme si son coeur s’était vidé ; Il ose à peine respirer car selon lui “inspirer, c’était bouffer de la mort “ . Le lexique est ici imagé et le romancier recourt à la crudité de certaines expressions pour mieux peindre fidèlement ce qu’il voit : ” chairs et vêtements arrachés” (l 50) ; le narrateur peu à peu perd pied et semble se perdre au fond de la guerre ; il est guidé par des anges et échappe de peu à la mort mais cette dernière est déjà annoncée. 

mur22.jpg

Un texte poignant qui révèle une description organisée visuellement autour du personnage de Georges et de la découverte de ces massacres qui , à l’époque, ont ému considérablement l’opinion publique; C’est cette émotion que tente de restituer le romancier en utilisant diner moyens lexicaux et stylistiques. 

22. janvier 2018 · Commentaires fermés sur Le quatrième mur : approche générale ..roman de guerre et roman sur la vie · Catégories: Première · Tags: , ,
mur5.jpg
 

Le roman de Sorj Chalandon, Le quatrième mur porte un titre qui d’emblée précise l’un des thèmes majeurs du roman: la vie est-elle un songe ? quelle est la frontière qui sépare nos rêves de la réalité; En effet, le quatrième mur c’est celui qui au départ sépare les comédiens de la salle lors de la représentation théâtrale mais à la fin du récit, c’est celui qui “protège les vivants ” (p 326) et c’est celui que franchit le personnage principal, Georges au moment de choisir de mourir . Ce roman nous emporte , en compagnie de quelques personnages attachants comme Georges, son ami Samuel, son guide Marwan , au coeur d’une guerre terrible qui fait rage au Liban et en Palestine; le romancier nous montre jusqu’où la guerre emporte les hommes et comment elle les transforme : il est alors des régions d’où l’on ne revient jamais  ….

Le roman se présente le plus souvent  sous la forme d’un  récit chronologique : l’histoire de Georges le héros, sa rencontre avec Aurore sa femme, la naissance de sa fille, son projet de mise en scène d’Antigone à Beyrouth pour accomplir les dernières volontés d’un ami gravement malade et son arrivée au Liban , ses découvertes de la réalité de cette guerre , des massacres des camps palestiniens de Sabra et Chatila, de sa blessure, de son retour à Paris et de sa décision de repartir mourir à Tripoli. L’écrivain ménage néanmoins un certain effet en plaçant à l’ouverture du roman le chapitre de la mort du héros qu’il reprend et termine 300 pages plus loin ,au chapitre 24. Lorsqu’il reconstitue le parcours de Georges , l’auteur motive chaque évolution de son personnage , à la manière des écrivains réalistes: il lui confectionne un passé, organise des rencontres décisives dans sa vie et nous place au centre de ses pensées auxquelles il nous donne souvent accès. Le récit  des aventures de Georges constitue ,en quelque sorte, un roman d’initiation (Bildungsroman) mais le roman nosu permet aussi de nous interroger sur la place et le rôle de l’art dans le monde et notamment du théâtre; 

mur1.jpg
 
mur18.jpg
 

En effet, le fil conducteur de l’intrigue, c’est avant tout le projet de mettre en scène la pièce de Jean Anouilh Antigone à Beyrouth même, au coeur des combats, avec des acteurs de chaque camp ennemi ; Sorj Chalandon revient à plusieurs reprise sur le projet de Anouilh, sur la réception de la pièce par les différents membres des communautés en présence et sur le sens même de cette tragédie; en tant que journaliste, le romancier décrit souvent les lieux dans lesquels ses personnages se déplacent avec beaucoup d’émotion et le registre patéhqtieu est présent dans de nombreux chapitres. Il sert sans doute à nous sensibiliser sur la tragédie qui es joue au Moyen-orient à cette époque ; l’action du roman se situe dans les années 80 et plus particulièrement en 1982, date de l’escalade de la violence au Liban et des représailles d’ Israël.

En plus de s’attacher à un parcours individuel, l’écrivain retrace des existences croisées qui dressent une sorte de panorama des idéologies qui se combattent en France à partir de Mai 68: de nombreux étudiants  voulaient changer le monde et pensaient que l’engagement politique était une voie possible sur le chemin de la transformation de la société. Georges va se retrouver à la croisée des chemins, et il devra choisir entre deux voies, deux directions , deux mondes.  La force de ce roman et son caractère atemporel vient des grandes questions existentielles qu’il soulève : jusqu’où l’homme est-il prêt à aller pour défendre ses idéaux et à quel prix ? 

Bonne lecture et n’oubliez pas de prendre des notes au fur et à mesure …aidez-vous des titres des chapitres, du diaporama de cours et résumez l’intrigue, étape par étape sur une fiche; Vous pouvez aussi relever des citations que vous trouvez particulièrement intéressantes.  

22. janvier 2018 · Commentaires fermés sur Antigone dans le Quatrième Mur : les préparatifs pour la pièce · Catégories: Première · Tags: ,
mur91.jpg
L’édition originale 

Le roman de Sorj Chalandon raconte l’histoire de deux metteurs en scène qui veulent monter l’Antigone d’Anouilh en plein coeur de Beyrouth en guerre avec des acteurs appartenant à chacune des factions  en conflit ; Pari fou, pari osé ou chimère : pourquoi Samuel a-t-il choisi cette dernière volonté avant de mourir et qu’est-ce qui va pousser son jeune ami Georges à relever ce défi ? La pièce est au centre du roman et elle est évoquée sous différents aspects. “J‘ai souffert avec la petite maigre  et elle a combattu à mes côtés ” (p 38 )  avoue Samuel à une terrasse de café à son ami Georges en 1974 lorsqu’il évoque pour la première fois son passé douloureux .Il tend alors un exemplaire de la pièce “éditée à la Table ronde en 1945 avec les lithographies terres d’ombres et noires de Jane Pécheur.”

Il est tout d’abord question des souvenirs de lecture de la tragédie d’Anouilh. Cette ouvert a beaucoup marqué Samuel qui en a monté une représentation à l’école polytechnique  lors du coup d’Etat des colonels en Grèce en 1973. Il évoque cette expérience alors qu’il est invité au festival de théâtre de Vaison la  Romaine pour assister à la représentation d’Antigone mise en scène par Gérard Dournel avec Liliane Sorval dans le rôle d’Antigone, et Jean-Roger Caussimon dans celui de Créon. Samuel raconte la pièce : “Souviens toi des premières secondes. Tous les acteurs sont présents, aucun n’est en coulisse. Il n’y a pas d’arrière scène, pas d’entrée fracassante, de sortie applaudie, pas de claquement de porte. Juste un cercle de lumière où entre celui qui parle. Et l’obscurité qui recueille celui qui vient de parler.Le décor ? Une volée de marches, un drapé de rideau, une colonne antique. c’est le dépouillement,la beauté pure ” (p 39) 

mur92.jpg

Georges a lu Antigone adolescent mais cette pièce ne l’a pas vraiment marqué.Pour Samuel au contraire , elle a guidé sa vie. L’héroïne de Sophocle lui semble prisonnière des dieux et réduite au devoir fraternel alors que la petit maigre chez Anouilh représente , à son sens, “une héroïne du non qui défend sa liberté propre.” ( p 40) Sam offre alors le livre à Georges qui l’accepte comme “une lettre d’adieu“. Au mariage de Georges , Samuel qui est son témoin ajoute que la République, “c’est le respect des différences. ” et plus tard il dira  en accueillant Georges blessé que la violence est une faiblesse .(p 67 ) Il lui rappelle à cette occasion qu’ils ne sont pas des résistants, que  Giscard n’est pas Pétain et que les jeunes étudiants d’Assas contre lequels il s’est battu  , les rats noirs, ne sont pas des nazis, juste des racistes dangereux .” (77) 

En 1982, Georges rend visite à Samuel alors très malade et ce dernier lui arrache la promesse de continuer à travailler sur son projet d’Antigone à Beyrouth. “Le drame était un cadeau qu’il emballait de burlesque ” Sam voulait monter la pièce noire d’Anouilh dans une zone de guerre( 87) Faire la paix entre cour et jardin.  Et il est question pour lui de terre et de fierté dans Antigone .Il choisit le Liban à cause du massacre palestinien de la Quarantaine suivi des représailles sur le village chrétien de Damour: il venait de trouver les tréteaux d’Antigone. (89) et a entrepris les premières démarches, contacté les acteurs et obtenu des autorisations officielles. 

“Antigone était palestinienne et sunnite. Hamon son fiancé, un druze du chou. Créon roi de Thèbes et père d’héron, un maronite de Gemmayzé. Les trois gardes, chiites, pas été messager et Eurydice une vieille chiite; La nourrice une chaldéenne et Ismène, catholique arménienne. (95) ; Sam serait le choeur et Georges s’attaque au projet .

Il relit d’abord la pièce et découvre une Antigone qui refuse de pactiser avec la vie et qui attend la mort; Et il découvre ensuite les notes de mies en scène de Samuel ( p 106) : Pas de costume de scène: le public doit s’attendre à une répétition . Il compare alors avec la représentation de 1944 au théâtre de l’Atelier en février. Antigone était en robe de soirée noire avec une croix au cou et Créon en habit avec gilet et noeud paillon;Les gardes en gabardine et chapeaux mous (gestapo ? ) La pièce doit parler au présent ajoute Samuel.

Ne pas confondre le Créon brutal de Sophocle et l’homme plein d’amertume dessiné par Anouilh; Chez Sophocle, Créon est le personnage tragique. Chez Anouilh, c’est Antigone qui porte la tragédie” p 107 Il a pensé à la musique de Duruflé et aux symboles : kappa, foulard, keffieh.  Georges appelle Iman est constate que les travaux pour la pièce sont au point mort et qu’aucune rencontre n’a pu avoir lieu. Il ment alors à Samuel de plus en plus affaibli  et repart avec le sachet de terre de Jaffa. Georges part alors pour Beyrouth. Voilà un extrait d’une mise en scène d’un face à face entre créons et Antigone : entraînez-vous à commenter la mise en scène …

 

21. janvier 2018 · Commentaires fermés sur La cérémonie des adieux dans le quatrième mur . Le dernier départ de Georges. · Catégories: Première · Tags: ,
4mur16.jpg
 

Après son second retour de Beyrouth où il a été gravement blessé dans un bombardement israélien ,et sa découverte du massacre  du camp palestinien de Sabra et Chatila dans lequel Imane a trouvé la mort ,  Georges ne parvient pas à se réadapter  à sa vie d’avant la guerre : il cache à sa famille les morts , la guerre et devient dangereux pour lui et pour son entourage. Aurore se met à avoir peur de lui : il se nourrit uniquement de pain et de riz et se met à avoir des accès de colère ; une violence sourde le dévore de l’intérieur et il pense pouvoir mourir de colère. Après l’incident qui a lieu pour les 3 ans de Louise  où il agresse la marionnettiste ventriloque , il accepte d’être hospitalisé. Le printemps 1983 se passe : Georges tente de mettre la guerre à distance mais en juillet il reçoit une lettre de Marwan qui lui annonce la mort de Nakad et peu après Sam décède. Georges sait alors qu’il va lui falloir les rejoindre tous . Un dernier incident dans le parc où Louise fait tomber sa boule de glace et où il la bouscule et la blesse, finit par le décider à faire ses adieux ; A sa famille d’abord et à la vie ensuite. 

Quelle étape franchit ici le personnage de Georges et comment le romancier justifie-t-il sa décision de repartir à Beyrouth ? 

Le passage débute juste après l’évocation par le personnage de ses souvenirs amoureux avec Aurore : ils installaient symboliquement une bougie  sur un vieux chandelier qui était leur premier objet achat ensemble et ils l’emmènent partout avec eux; Ce soir là, la bougie s’est éteinte; Or, on sait que la flamme représente symboliquement la vie donc l’obscurité qui apparaît est annonciatrice de mort. 

 Quel sont les sentiments du personnage ?  Georges se présente à nous comme une sort d’enveloppe vide : “je ne

4mur10.jpg
 

ressentais rien ”  (l 1 ) et il précise ensuite : “ni tristesse ni amertume ” ; Ce qui peut paraître étonnant car Georgse bouillonne d’une colère intérieure qui est bien plus que de l’amertume mais ici il évoque plutôt les sentiments liés à sa décision de partir et de quitter sa famille.  L’énumération ” ni froid, ni chaud, ni faim, ni sommeil” tend à montrer qu’aucun de ses besoins essentiels n’a plus d’importance comme si la vie le quittait et cet assèchement du personnage se manifeste ensuite par l’image : “je n’entendais plus mon coeur ” à la fois symptôme de son arrêt du coeur et de la volonté de vivre qui le quitte progressivement. L’oxymorele tumulte que fait le silence ” montre que le personnage se vide peu à peu de ses pensées comme s’il se répartissait de son humanité. D’ailleurs mon coeur est juxtaposé avec mes pensées comme pour attester qu’il ne s’agit pas seulement d’une mort physique mais également d’une mort sur le plan moral; Gerges est comme mort pour le monde qui l’entoure ce qui peut se traduire par un retrait complet des marques sensorielles ; Au sens propre, il ne ressent plus aucune émotion. 

La fin du paragraphe évoque les causes de cette évolution tragique du personnage : sa fréquentation de  la guerre. L’auteur rend en effet ici  la guerre responsable de ces changements; d’abord  il emploie le verbe décimer (11)  qui littéralement signifie tuer un homme sur 10 et qui connote l’ampleur du massacre . Ensuite , Aurore est présentée comme “veuve ” alors que Georges est encore vivant : ce paradoxe révèle qu’il se considère déjà comme ne faisant plus partie des vivants. Ensuite la guerre est présentée comme une sorte de monstre qui dévore les hommes ; L’expression avoir faim l’animalise et indique la force de son désir ; La gradationme réclamait” m’exigeait avait vraiment faim de moi ”  (traduit ce besoin irrépressible que ressent le personnage de repartir sur la zone de guerre ) Pour terminer , le romancier montre une sorte de relation d’égal à égal en rappelant que Georges effraie désormais sa famille : la guerre est la seule à pouvoir le comprendre ” elle ,’avait pas perdre mes cris, de mes coups ni même du mon regard ” ;  En fait, la guerre semble offrir au personnage des conditions dans lesquelles il peut se laisser aller à déverser sa colère sa violence car les circonstances le justifient. Cette théorie selon laquelle le combat serait un exutoire à la violence existe depuis l’Antiquité; la guerre offre ainsi aux hommes un espace où il peuvent faire ressortir ce que Chalandon nomme “leur monstre intérieur “, tout simplement laisser libre cours à leurs pulsions meurtrières et à leurs bas instincts, toutes les émotions et les gestes qu’ils doivent réprimer tant bien que mal pour pouvoir vivre en société au milieu de autres hommes. L’homme dans la guerre se transforme et ici l romancier monter que son personnage a atteint une zone de non retour. 

La mise en scène du départ 

Le personnage a préparé son départ et effectué des opérations indispensables comme ” virer mon argent sur le compte de ma femme ” et “retirer du liquide ” mais il ne les prévient pas et les laisse partir le matin sans rien leur dire. Il évoque d’ailleurs ce que sera la première soirée sans lui au conditionnel “ce soir il y aurait pizza pour tout le monde ” comme s’il avait du mal à quitter cette scène, comme s’il faisait encore partie de la distribution; Dans l’expression “tout le monde ”  ( 19 ) on peut penser qu’il s’est inclus et qu’ils forment encore à ce moment là, en pensée, un trio. Chaque geste quotidien accompli par le personnage résonne  alors de manière symbolique …

21. janvier 2018 · Commentaires fermés sur Le parcours de Georges dans le Quatrième Mur : il devient un assassin ! · Catégories: Première
mur_10.jpg
 

Certains aspects du roman de Chalandon l’apparentent à un roman initiatique; En effet, le héros Georges est d'abord adolescent et révolté avant de découvrir l'amitié, l'amour , de devenir père et de rencontrer la guerre qui va le transformer. Plusieurs des lectures choisies témoignent de l'évolution du héros. Notamment celle où il tue pour la première fois.  (introduction )  Ecrit par un journaliste qui a couvert la guerre au Moyen-Orient pour le journal Libération pendant plus de 10 ans, ce récit fictif nous permet de réfléchir aux conséquences de la guerre sur les hommes qui en sont les témoins et les acteurs. Cette scène est située à la fin du roman, lorsque Georges , incapable de se réadapter à sa vie familiale à cause des horreurs qu'il a découvertes, décide de repartir à Beyrouth pour y mourir.Ce passage constitue un épisode déterminant pour le personnage; 

Lorsque Georges décide de venir en aide à son ami Samuel Akounis et de mettre en scène Antigone d’Anouilh au Liban, il se doit qu’il va rencontrer certaines difficultés à cause de la guerre qui s’y déroule mais il n’a jamais vu son véritable visage de près; Dès son arrivée à Beyrouth, il se retrouve confronté à des paysages marquants . Meurtri dans son esprit et dans sa chair, il ne parvient pas à chasser les images du massacre dans les camps de Sabra et Chatila, images qui le hantent et l’empêchent de reprendre le cours de sa vie passée. Lorsqu’il revient à Beyrouth, les circonstances sont dramatiques;  Nakad, le fils de son mentor Marwan, qui jouait le rôle de Hémon, a été tué par des milices chrétiennes commandées par le frère d’un autre acteur de la pièce : Charbel qui, lui, interprétait le rôle de Créon.  Marwan va alors demander à Georges de “prendre sa part de guerre ” et de tuer à son tour. En quoi cet épisode est-il déterminant pour le personnage ? Nous verrons tout d’abord qu’il le place face à un dilemme; qu’ensuite il le montre en action et qu’enfin il le transforme et prépare le dénouement tragique

mur21.jpg
 

Voyons tout d’abord ce qui se passe avant que Georges appuie sur la détente : l 5 il demeure tétanisé “ je n’ai pas bougé ” et les actions semblent se ralentir ; il se met à observer de menus détails comme la main de Marwan qui lui tend l’arme : “ses mains de paysans, ses doigts abîmés, ses ongles brisés un à un par la vie ” Ce détail semble nous montrer que les mains de Marwan ne sont pas faites pou tuer au départ; Georges finit par prendre l’arme tendue et continue à observer la scène : “j’étais jambes ouvertes, serrant son corps entre mes pieds ”  Aucun détail ne nous est épargné de la position des personnages durant cette scène comme pour que nous puissions mieux la visualiser de manière réaliste; En effet, ce sont les petits détails vrais qui donnent au roman sa dimension réaliste et qui font oublier qu’il s’agit d’une fiction. 

Le romancier semble étirer le temps avant le passage à l’action avec des périphrases verbales qui traduisent un futur proche comme “ j’allais tuer un homme ” l 32 ou la répétition de “Allons -y” aux lignes 18 et 22 comme pour se motiver. Ces effets produisent une dramatisation de l’action avec notamment une description choquante de la victime; Le milicien chrétien est présenté d’abord  au moyen d’une comparaison l 30 comme un animal blessé qui convulse et la comparaison le déshumanise tout comme l’expression à la ligne 28 “quelque chose coulait sur sa joue qui ressemblait à un oeil ” Les détails crus ont à la fois pour fonction de confirmer le registre pathétique employé pour dénoncer les horreurs de la guerre mais également de montrer à quel point ce meurtre était quasi inutile car le milicien n’avait aucune chance de survivre à ses blessures . 

Dès le début du passage, on a en fait l’impression que  c’est la guerre elle -même qui est rendue responsable du cette violence des hommes : un long passage du premier paragraphe nous fait entrevoir, au style indirect libre, les pensées des miliciens : ils sont venus en l’absence des hommes palestiniens pour tuer les femmes et “les enfants, qui seront nos ennemis demain disent-ils; ” Les chrétiens ont agi par représailles , après le massacre de Damour ; Leur adage “sang pour sang ” est un appel à la vengeance ; dans la Bible, la loi du talion est construite sur ce même modèle: oeil pour oeil, dent pour dent. L’auteur semble montrer ici que cette guerre ne finira jamais car chaque action déclenche la vengeance dans un camp opposé. 

mur30.jpg
Combattants du FATAH

 Une fois que Georges décide de tirer, le texte mentionne ses réactions de manière très détaillée : le fait de tirer tout d’abord est assimilé à quelque chose de mécanique comme le révèle la phrase nominale : “ choc dans l’épaule, bruit qui roule, éclat d’écorce” l 40. Ici l’action de tirer est sortie du contexte guerrier : il s’agit de rappeler que Georges possède les compétences nécessaires afin d’effectuer un tir de pistolet; Le narrateur reste stupéfait par les conséquences de son geste ; Il constate dans un premier temps qu’il est devenu un assassin et de nombreux paradoxes traduisent ses pensées confuses . Au moyen de ces paradoxes, l’écrivain révèle toutes les ambiguïtés de la guerre;  

“Je venais de tuer un assassin; J’étais un assassin. ” La juxtaposition simple des deux phrases montre toute l’ambiguïté de la situation ; la guerre transforme les hommes et il est très difficile de reconnaître alors la ligne qui sépare le Bien du Mal. La victime est passée du statut de bourreau à celui de “supplicié” ligne 52. Le texte a montré ses souffrances et la crudité de la mort avec des mentions telles que ” la chair coulant sur mon pantalon”  l 46 qui contraste avec la fumée légère qui sort de l’arme (l 48 ) . Le romancier s’efforce de montrer à la fois l’aspect facile de ce geste de tirer sur un homme et les conséquences terribles que cela provoque dans l’esprit même du tireur qui , lui aussi, perd une partie du son humanité.  “j’avais rejoint la guerre ” précise Georges l 50.

Désormais rien ne sera plus comme avant pour le personnage : cette exécution le perturbe physiquement et il donne des signes de malaise : “je tremblais, j’avais froid ” est-il écrit ligne 59 ; Une énumération marque l’ampleur de ce qui vient de se passer dans la tête de Georges  qui semble désorienté : ” Il me fallait marcher, m’asseoir, réfléchir ” ( l 61) . Il envisage la portée de ce geste dans son avenir : “mes jours seraient de suie mes rêves allaient devenir des cauchemars . ” La première image fait référence au cendres  soit des morts , soit celles qui marquent le deuil dans les civilisations antiques ; quant à la seconde, elle montre la disparition de l’espoir et de la croyance en un avenir meilleur . Un nouveau paradoxe parvient à nous convaincre du caractère irrémédiable de ce qui vient de se produire sous les yeux du lecteur. ” Je venais de tuer c’est à dire de mourir ” 

Voilà le personnage de Georges condamné par son meurtre à devenir autre; Il pense tout d’abord qu’il est un monstre et que les enfants vont voir en lui un ogre ( l 66), figure effrayante qui suscite la peur ; quant à sa femme, il représentera désormais pour elle une menace ” l 67 ; Le romancier renoue ici les fils de son intrigue et prépare l’arrivée du dénouement fatal pour le personnage qui avait été amorcé au premier chapitre . Il envisage à la fin de cet extrait les raisons au moyen desquelles les combattants tentent de justifier leur passage à l’acte : ils s’inventent des prétextes et maquillent leurs crimes en pseudo- délivrances : “je l’avais sauvé de l’agonie” pense Georges . pas tué mais libéré , se dit-il ligne 74.

mur8.jpg
 

Chalandon termine par l’évocation d’Antigone comme une sorte de mise en abîme, de résonance des événements au Moyen-Orient: les éléments de la pièce se mêlent alors à la situation qui vient d’être évoquée; en tuant le frère de Charbel, Georges devient Créon et Antigone à la fois; Il s’imagine alors   “drapé dans une toge blanche ” en proférant l’interdiction d’inhumer le corps . On peut même dire que son geste le gonfle provisoirement d’un orgueil démesuré , une sorte d’hybris tragique ; Il se voit “superbe ” et “immense ” comme un souverain tout puissant de tragédie. L’univers de la tragédie est explicitementt mentionné avec “le roi de ce monde “ et le dénouement de ce passage est construit sur une ambigüité entre la peur de mourir et la peur de ne plus être capable de pleurer. 

Un passage déterminant donc pour le destin du personnage qui s’approche inexorablement du quatrième mur qu’il s’apprête à franchir de manière défintive. 

 

 

 

20. janvier 2018 · Commentaires fermés sur La répétition inachevée : extrait n° 2 Le quatrième Mur · Catégories: Première · Tags: ,
4mur11.jpg
 

De retour  à Beyrouth pour continuer à diriger  le projet  de son ami mourant : faire jouer une représentation de la tragédie d’Anouilh, Antigone, avec des acteurs de chaque faction en guerre , Georges réunit pour la seconde fois sa troupe au centre culturel grec  dans le quartier Bir Hassan, le 4 juin 1982; Il a demandé à chaque acteur d’apporter un objet symbolique qui définit son personnage et il entend bien, au cours de leurs lectures, leur indiquer comment jouer au mieux leurs rôles et diriger la répétition. Les acteurs échangent leurs points de vue sur le sens de la pièce  et Georges leur rappelle les circonstances de sa création par le dramaturge français; Il en a eu l’idée après avoir lu une affiche de la gestapo qui présentait l’attentat d’un ouvrier français torturé et exécuté pour avoir  tiré sur le ministre du gouvernement de Vichy, Pierre Laval. Anouilh a alors pensé à Antigone et à son face à face avec Créon . Image voit en l’héroïne qu’elle incarne l’image de la rébellion et Charbel demande des précisions pour jouer le roi Créon. Georges le laisse libre d’en faire un salaud ou un héros . A ce moment là, un avion israélien bombarde la ville . C’est la panique …

Quel rôle joue ce passage dans le parcours et l’évolution du personnage de Georges ? quelles est sa fonction dramatique? symbolique ? comment la guerre  fait-elle irruption ici au coeur du théâtre et de la représentation ? Tout d’abord ce passage représente la véritable découverte de la guerre par Georges, leur premier véritable contact ; Le passage décrit d’abord les réactions des acteurs avant d’analyser ce que ressent Georges à ce moment précis ;

4mur21.jpg
 

La guerre  prend ici la forme de violentes explosions et se caractérise tout d’abord par un mouvement de panique : “ils hurlaient en arabe” : confrontés  au danger à la mort,  les hommes reviennent immédiatement à leurs langues natales. D’emblée le lecteur est plongé dans la mêlée par une successions de phrases courtes comme des notations des positions de chacun. Chaque prénom est associé à une position :  George est “allongé” Yevkinée “blottie ” contre lui et “sanglotait”. Madeleine “pleurait” et Nabil “priait à genoux”; Le roman dresse une sorte de tableau où les corps se dessinent et se transforment sous l’effet du bombardement. Après avoir saisi les positions des acteurs ” mains sur la tête” “ tenant son nez à deux mains ” “dos tourné à la fenêtre“mains offertes au ciel “ , l’écrivain va brusquement animer ce tableau en y associant des sensations auditives notamment, qui tentent de rendre compte du fracas des bombes et de la violence de ce qui est subi ici ; “juste le choc terrible, répété, le fracas immense, la violence brute, pure, l’acier en tout sens, le feu, la fumée, les sirènes réveillées les unes après les autres, les klaxons de voitures folles les hurlements de la rue, les explosions encore encore encore ” (  l 14 à 20 )  Sous la forme ici d’une longue énumération, le romancier transcrit les différents bruits qui se succèdent avec d’abord des adjectifs hyperboliques comme “immense ” ou “ terrible ” ; Ensuite en utilisant simplement la juxtaposition des différents sons comme s’ils se déclenchaient les uns à la suite des autres ou quasiment en même temps; l‘allitération en f avec fracas folles, feu, fumée fait presque entendre le souffle de l’explosion. Et la répétition de encore à la fin de la période semble justement la rendre infinie.

4mur9.jpg
 

Non seulement il nous fait entendre la guerre mais il tente de nous la faire visualiser avec les indications visuelles qui bouleversent nos repères habituels  comme “acier en tout sens “(16)  ; On peut imaginer ici à la fois les avions mais surtout les dégâts causés par les bombes au sol qui pulvérisent tous les objets qu’elles rencontrent 

Georges vit son premier véritable contact direct avec la guerre à laquelle jusque là, il a pourtant beaucoup pensé et il va pouvoir confronter les images qui étaient les siennes à ce qu’il est en train de vivre. “j’étais en guerre ” dit-il (l 12 ) Cette fois vraiment.”  Le passage ici se fait par cette formule: passage entre sa représentation de la guerre et son vécu sur le terrain .   Ce n’est pas exactement son baptême du feu car il  déjà eu une première approche de la guerre à Beyrouth en compagnie de Jospeh-Boutros durant une nuit. C’est d’abord son corps qui parle : ” Mon âme était entrée en collision avec le béton déchiré ” Cette image traduit l’idée d’un terrible choc contre quelque chose qui nous dépasse ; Les murs sont ici personnifiés avec l’adjectifs déchirés qu’on emploie plutôt pour des corps ( l 20) C’est comme si une partie de lui demeurerait à jamais dans cet endroit: comme s’il venait de perdre un morceau de lui  qui restera définitivement accroché  à Beyrouth. “ Ma peau, mes os, ma vie , violemment soudés à la villeL’énumération met sur le même plan le corps : l’enveloppe extérieure, et le squelette caché dessous  et le verbe souder marque ici la force de ce lien qui désormais l’unit à cette ville et à son peuple. En même temps le terme souder rappelle l’acier  utilisé comme métonymie pour illustrer la guerre.

4mur15.jpg
 

A ce moment là, le personnage  a une réaction paradoxale : il se met à sourire ( l 22) et il associe ce qu’il est en train de vivre à ses souvenirs récents ; Ses pensées sont traduites par l’anaphore du verbe pensais (l 23,24 27 ); L’écrivain superpose différentes images comme pour montrer que la guerre  réussit à s’infiltrer partout  et notamment rayonne de ce théâtre à  Beyrouth toute entière représentée par différents lieux symboliques  “ les snipers du Ring, de la tour Risk” ; La parenté des deux mots nous rappelle que même ennemis , ils sont touchés de la même manière ; La ville est remplie de tireurs qui sont “jetés sur les murs ” comme pour souligner la violence qui passe ici directement par les hommes en armes comme Joseph Boutros, le frère de Charbel qui se bat dans le camp chrétien ; Son arme est comparée à un “fusil d’enfant” et le bruit des coups de feu du snipper à “un couinement de souris grise ” (l 23 )  alors que quelques semaines auparavant les mêmes coups de feu  semblaient à Georges d’une violence follle ” et il déclarait qu’à ce moment là il n’avait jamais  vu la bataille d’aussi près.

Le personnage a donc franchi une étape supplémentaire dans son approche de la guerre et alors qu’au chapitre 10 lorsque Joseph-Boutros lui  avait ordonné de rester auprès de lui, il se sentait à ce moment là déjà “au profond de la guerre” et ressentait quelque chose d’à la fois “terrible et vertigineux ” (p 159) . Cette sensation va être décuplée lors de ce bombardement.  Car  jusque là le personnage conservait la conscience de ne pas être venu pour cela, pour la guerre  “ ce n’était pas le mandat que Sam m’avait confié “dit-il (p 159) . Avec l’épisode du bombardement, nous voyons le personange de Georges entrer de tout son être dans la guerre; Il ne peut plus demeurer spectateur des événements mais devient l'un des acteurs du conflit. Déjà lorsqu'il  avait passé la nuit avec le frère de Charbel, il avait été assailli par un sentiment de honte “j’ai eu honte ” et il secoue la tête pour chasser ce qu’elle contient car pour la première il a peur de lui-même; cette fois la honte demeure présente : l’expression “j’ai eu honte “revient trois fois en trois lignes ( 39 à 42 )et à chaque fois accompagnée par un sentiment paradoxal. 

Ce que ressent,en effet, Georges à cet instant peut encore paraître confus : un mélange de joie et d’horreur qui le fait à l fois se sentir en enfer et se sentir terriblement bien ; Que se passe-t-il en lui ? Son esprit voyage et repart à Paris porté par les bruits qui lui rappellent d’autres bruits  comme ceux qui célèbrent la victoire du 14 juillet et ceux de la nature “l’orage et la foudre ” l 29 qui sont qualifiés de “trop humains ”  comme pour montrer que ceux qu’il entend durant les explosions ne le sont plus. En réalité, c’est plutôt l’inverse car les bruits de l’orage et de la foudre ne sont pas humains alors que ce sont des hommes qui larguent les bombe qui détruisent d’autre hommes. 

4mur6.jpg
 

Son corps parle pour lui : “je mâchais mes joues, j’ouvrais la bouche en grand, je la claquais comme on déchire ” ;( 30)  Ce déchirement rappelle celui des murs autour de lui  et du béton (l 20 ) et les tireurs de la ville jetés contre les murs sont les échos des avions qui se jetaient sur Beyrouth( l 9 ) ; L’emploi des mêmes verbes pour désigner à la fois l’action des hommes et les conséquences de ces actions renforce le caractère doublement destructeur de la guerre : elle détruit à la fois les hommes qu’on combat et les homme qui combattent. Nul n’en ressort indemne : vivant ou mort . Le corp sue Georges est lui aussi en panique et comme transformé sous l’effet des sensations : “mon ventre était remonté, il était blotti dans ma gorge.” Et pour amplifier la confusion : “ma jambe lançait des cris de rage de dents “ L’image ici de la jambe blessée du personnage mise en relation avec des douleurs dentaires peut faire penser notamment aux représentations picturales cubistes de la guerre qui montrent les corps disloqués et comme enchevêtrés: Guernica de Picasso par exemple offre un saisissant tableau des massacres de la guerre d’Espagne avec des morceaux de corps mêlés qui suggèrent la barbarie . En même temps ces images  que le romancier emploie pour  décrire les conséquences physiques de la guerre sur les corps ont  été utilisées maintes fois dans les récits des guerres relatées notamment par les combattants : ces sensations violentes  que leurs ventres et leurs estomacs remontent sont la manifestation de leur peur et   provoquent de violentes nausées ; nausée dont est victime Nimer dans l’extrait : Nimer a vomi à la ligne 45 et cela ne surprend personne car tous ressentent les mêmes sensations physiques. Pourtant durant ces quelques secondes , chacun demeure concentré sur lui même : “Personne n’est allé à son secours. personne n’est venu au mien. ” Le parallélisme ici de la construction des deux phrases révèle, dans un premier temps, le temps de l’hébétement ” le tragique isolement des victimes. Cet hébétement est bien l’état qui laisse le personnage bouche ouverte, bouche bée, grande ouverte , c’est à dire sans que les mot puissent être utilisés, juste le silence  ou les hurlements.

4mur8.jpg
 

Mai d’où vient alors la joie féroce que ressent le personnage ? Il tente de préciser ce qu’est pour lui la guerre à ce moment précis : “un vacarme à briser les crânes, à écraser les yeux, à serrer les gorges jusqu’à  ce que l’air renonce . ” (39 ) On retrouve bien l’idée d’un mélange de sensations et de fonctions vitales endommagées avec l’ouïe qui est touchée(le sang dans les oreilles est fréquent après les explosions ), la vue (Georges sera blessé au yeux ) et la respiration qui devient impossible (gorge serrée) . En dépit de cette souffrance multiple , le personnage est labouré par une “joie féroce “(40 )  . On note d’abord l’emploi au sens figuré du verbe labourer qui signifie remué en profondeur jusqu’au tréfonds de son être et l‘alliance de mots  paradoxale : la joie est qualifiée de féroce alors qu’habituellement l’adjectif féroce qualifie plutôt la méchanceté ou la douleur ; On peut comprendre ici que féroce désigne peut être la dimension sauvage de cette joie incontrôlable qui, en même  temps qu’elle surgit , fait mal. Parce qu’il s’agit bien d’ effroi et cet état le fait se sentir terriblement bien ; une des explications possible et que le personnage  entre dans la tragédie où tout devient simple. Comment expliquer autrement cette transformation que par la sensation d’atteindre une dimension tragique celle qui fait que “toux ceux qui avaient à mourir sont morts ” comme le dit simplement  le Prologue à la fin d’Antigone. On peut ici faire le lien avec la pièce et la définition que le dramaturge propose de l’univers tragique. 

4mur14.jpg
 

A la manière de la tragédie d’Anouilh, le romancier emploie des formules présentations simples : “La guerre c’était ça ” ( 34 )  et il fait entrer Georges dans un univers de tragédie , celui que dépeint justement Anouilh : ” J’étais tragique, grisé de froid, de poudre, ,transi de douleur ” Le personnage ressemble ici à un héros tragique : il a entamé la métamorphose qui le conduira au dénouement où il deviendra cette fois totalement le héros de la tragédie en mourant de manière théâtrale. 

En conclusion, ce passage a une double fonction: tout d’abord il nous présente  la formation d’un lien ambigu et de  plus en plus étroit entre  le personnage de Georges qui entame ici une sorte de transformation tragique; ce passage nous montre également les différentes perceptions des stades de la guerre :la brutalité de l’attaque et des sensations qui semblent d’abord pétrifier les hommes, les transformant en statues de sel mais aussi  les étapes successives de la guerre avec les hurlements , la panique , le bruit et leurs conséquences immédiates ” le cri des hommes, le sang versé, les tombes..” pour finir par la douleur des vivants sous une forme métonymique avec “les larmes infinies qui suintent des villes ” et le  constat global des destructions : “les maisons détruites, les hordes apeurées ” (37) ; cette formule généralisante présente d’ailleurs les survivants comme des animaux redevenus sauvages et se rassemblant en troupeaux comme pour mieux se protéger . Quant à Georges il  a fait un pas de plus vers son destin de personnage tragique : la guerre a commencé à s’ emparer de lui et elle ne relâchera pas son étreinte mortelle.