Quels étaient les points communs de ces trois textes qui utilisent chacun un regard étranger pour dénoncer les moeurs européennes ? En pièce jointe, la comparaison de leur efficacité.
Montaigne, Léry et Diderot font tous trois appel à un regard étranger qui va leur servir d’instrument dans leur démarche critique. Montaigne et Diderot se servent d’un événement historique attesté pour conférer une forme d’authenticité à leur fiction : en effet, Monsieur Bougainville a réellement découvert Tahiti et trois indiens d’Amérique se sont vraiment rendus à Rouen pour venir y témoigner de leur civilisation. Quant à Léry, il a pu véritablement vivre cette rencontre avec un sage indien de la tribu Topinambas durant l’année passée au Brésil. Le degré d’authenticité est ,en effet, un facteur important pour que l’argumentation soit efficiente. L’échange entre l’auteur et l’étranger fait l’objet de différents traitements : Montaigne se sert d’un récit et joue le rôle du témoin qui rapporte des faits ; Léry met en scène un dialogue socratique entre un sage Brésilien qui parvient à faire avouer la vérité au colon : les Européens sont vraiment “de grands fous” de venir au bout du monde en escompter une forme de profit; Quant au Sage tahitien imaginé par Diderot, il s’adresse sur un ton accusateur au chef de l’expédition, Monsieur Bougainville sous la forme d’un véritable réquisitoire. L’auteur n’est donc pas cette fois un personnage du texte à la différence des deux écrivains de la Renaissance. Si Diderot s’efface et utilise un porte-paroles , c’est peut-être parce que la critique est beaucoup plus explicite au cours de cette confrontation.
Les trois auteurs sont à la recherche d’un efficacité maximale dans leur argumentation et on va donc trouver des procédés communs car ils poursuivent un but identique : les questions rhétoriques, par exemple, sont une technique recherchée par les orateurs car elles impliquent le lecteur ; lorsque Léry fait dire à l’indien, à propos du bois, : “N’y en a-t-il point en votre pays” ou Diderot au Tahitien : ” quel droit as-tu sur lui qu’il n’ait pas sur toi ?”, ces deux questions font réfléchir le lecteur et provoquent son indignation. Montaigne , quant à lui, pratique une fore de dénonciation beaucoup plus implicite. Il passe par la confrontation des pratiques des deux civilisations afin de démontrer que les coutumes indigènes reposent sur du bon sens alors que les Français, qui se prétendent plus civilisés ont des usages étonnants pour un homme du Nouveau-Monde. C’est cette fausse naïveté du regard étranger qui est le vecteur de la dénonciation; nous sommes alors dans le domaine de l’implicite : la surprise, l’étonnement , servent de révélateurs pour le lecteur et Montaigne ne peut s’empêcher de conclure sur une note ironique : “mais quoi ils ne portent point de hauts de chausse” . Il feint ici de s’indigner à propos des usages vestimentaires des indigènes et ce jugement est l’écho de ce qu’il entend à la Cour; C’est une manière implicite de dénoncer les propres jugements de se contemporains qui s’en tient à l ‘apparence vestimentaire pour juger de la valeur d’un homme. Un dernier point sur lequel nous pouvons rapprocher ces trois textes, c’est celui de la présence du jugement de l’auteur et sur se propres commentaires. Diderot est totalement absent de son texte et ses idées sont celles qu’il prête au Tahitien; Léry joue son rôle de narrateur et produit un éloge soutenu des Sauvages, comme Diderot d’ailleurs, pour mieux, par comparaison, critiquer les colons
Quant à Montaigne, il joue un double jeu; à la fois témoin neutre est écrivain engagé, il présente les faits avec ironie et cette ironie est la marque de son jugement et de son point de vue. Les trois écrivain s’engagent donc pour dénoncer la colonisation et la domination européenne et militent, chacun à leur manière , contre l’ethnocentrisme naissant à la Renaissance et devenu patent au dix-huitième siècle. Le regard de cet étranger posé sur notre civilisation est une arme redoutable car il agit de l’extérieur et nous amène à décaler notre point de vue, à sortir de nos idées reçues, à voir les choses autrement. C’est pourquoi il demeure un procédé très utilisé, aujourd’hui encore, dans les textes argumentatifs
Le terme Sauvage est souvent employé à tort et à travers : qui sont les vrais Sauvages ?
En 1558, ils ne sont pas très nombreux les Européens qui ont traversé l’Atlantique pour accoster sur les rives du Nouveau-Monde.Jean de Léry fait partie de ces voyageurs aventureux et , simple artisan, s’il a choisi d’aller au bout du Monde, c’est pour échapper aux guerres de religion. Beaucoup de protestants comme lui, par peur des représailles qu’on exerçait déjà en Europe sur ceux que l’on surnomme les huguenots, ont fui l eterritoir e français . En 1572 de nombreux protestants seront massacrés persécutés lors de la Saint Barthélémy.
Jean de Léry n’a pas fait d’études mais pourtant il va trouver les mots justes pour défendre les habitants du Brésil et louer leur mode de vie. Il utilise la rhétorique de l’éloge pour dresser un portrait flatteur des Sauvages et combattre ainsi les préjugés des Européens. Il commence , dans le texte étudié ,par comparer leur constitution physique à celle des Européens (ligne 4) et la comparaison tourne à l’avantage des Brésiliens comme l’indiquent les comparatifs de supériorité : plus robustes, replets et dispos. De ces trois qualités physiques, toutes en rapport avec la robustesse de leur constitution, découlent la quatrième partie de l’énumération de leurs propriétés: leur santé est bien meilleure. Et logiquement, ils vivent plus longtemps. Leur longévité , mesurée en lunes selon leurs coutumes, est donc la conséquence logique de leur bonne santé.En effet, aujourd’hui encore, le facteur de longévité d’un population demeure un marqueur important pour les ethnologues. Jean de Léry développe méthodiquement une argumentation rationnelle en montrant d’ailleurs dans les parenthèses de son récit les articulations de sa pensée (je poursuive par ordre l 1) Plus »
Jean de Léry est un ouvrier et explorateur français protestant qui s’est exilé à cause des guerres de religion qui ont eu lieu en France et durant lesquelles de nombreux protestants appelés huguenots , furent massacrés sur ordre du roi. L’auteur a publié, après son retour en France un livre de souvenirs de voyage dans lequel il relate sa rencontre avec les indigènes brésiliens. Il emploie les techniques de la maieutique pour faire prendre conscience aux Français de ce que pensent les Indiens de leurs pratiques commerciales.
Lorsqu’il relate son voyage en terre du Brésil et sa relation avec les Indiens de la tribu Toupinambas, Jean de Léry peint un portrait élogieux des Sauvages et les présente comme des hommes sages qui tirent de leur saine constitution physique et de leurs vertus morales, leur exceptionnelle longévité. Dans le texte précédent, il oppose leur absence de vices à la corruption qui , à la manière d’un poison, détruit la santé des Français. Le dialogue qu’il met en scène retrace les interrogations d’un vieillard à propos des exportations massives de bois”arabotan” ; ce dernier, grâce à de multiples questions orientées parvient à faire dire à l’auteur que les Français sont fous de vouloir enrichir leur descendance après leur mort. Quelle stratégie argumentative pouvons-nous repérer à travers ce dialogue ? Dans un premier temps, nous étudierons la construction du dialogue avant d’évoquer l‘utilisation du regard de l’étranger et pour terminer, nous montrerons comment l‘auteur intervient dans son propre récit pour nous persuader de la justesse des propos du vieillard . Plus »
Le corpus était constitué de 3 textes de Césaire , un écrivain martiniquais , fondateur avec Patrick Chamoiseau et Léopold Sédar Senghor du concept de négritude . Ces trois écrivains critiquent vivement la colonisation et les politiques coloniales qui ont conduit leur pays à être dominés par la France et sa civilisation ; ils l’accusent notamment d’avoir d’abord nié et ensuite dénaturé leur identité d’homme de couleur en imposant l’idée qu’un blanc vaut plus qu’un noir. La particularité des Antilles notamment c’est le mélange des couleurs car tous les métissages y cohabitent et le créole a même inventé des noms précis pour les degrés de ces mélanges entre blanc et noirs. Chamoise a écrit Eloge de la créolité pour prolonger les réflexions de son ami Aimé Césaire .
Césaire défend l’idée d’une hypocrisie des colons qui, sous prétexte de civiliser les peuples colonisés, les asservissent .Il utilise dans son discours de 1950 les mêmes arguments que Clémenecau en 1885. Tous deux dénoncent les mensonges des “maîtres ” et citent leurs ignominies : “tuer, torturer”, odieuses solutions “. Le registre est ici celui du blâme. Il s’efforce de montrer le véritable visage de l’entreprise colonial et précise qu’elle n’est pas justement ce qu’elle prétend être au départ : “évangélisation, entreprise philanthropique, volant ode reculer les frontières de l’ignorance , de la maladie, de la tyrannie“. Il parvient à la conclusion lapidaire que la colonisation est le contraire de l’humanisme, un anti humanisme en quelque sorte. Loin de mettre en contact les populations et de les enrichir du mélange obtenu , elle a fait naître le racisme au nom d’une prétendue supériorité .
Pour affiner ses réflexions, Césaire va fonder un concept philosophique : celui de négritude qu’il s’emploie à définir dans une autre partie de son discours. A ses yeux, c’est une manière de vivre dans l’histoire avec l’ héritage de la colonisation : ses débris de culture assassinées. On retrouve le blâme mais il s’agit surtout de montrer l’importance de ces valeurs humanistes contre le réductionnisme européen; La négritude est un combat contre les préjugés qui voudraient établir une hiérarchie au sein des populations, un combat contre l’inégalité et un refus de l’oppression; C’est pourquoi Césaire la définit comme une véritable “attitude active et offensive de l’esprit ” et une révolte contre une vision du monde injuste et sectaire .
C’est dans ses poèmes en vers libres qu’il avait exprimé en images ce concept de négritude une dizaine d’années plus tôt : il la définit comme un arbre mystérieux qui “plonge dans la terre rouge du sol ” et “plonge dans la chair ardente du ciel ” , une puissance qui prend la forme des différents éléments : étincelle du feu sacré et souffles et qui concentre toutes les forces ancestrales de la nature et de l’esprit ; une idée qui est de l’ordre du mouvement et qui réconcilie l’univers ; ce mouvement vital marque l’écroulement du monde blanc qui, certes a été longtemps vainqueur mais qui désormais sent “ses articulations rebelles craquer sous les étoiles dures ”
Comment opérer la synthèse de ces trois textes ? l’idée de négritude est bien évidemment le point commun; On pouvait organiser un plan qui développe l’idée centrale d’un combat à mener contre les colons, les préjugés et le monde des blancs ; on pouvait également parler d’une force en mouvement qui anime le monde et les esprits ; on pouvait également évoquer la lutte contre la colonisation et la critique des colons et montrer les antagonismes à l’oeuvre dans les textes .
Les thèses défendues sont la critique du colonialisme et de son hypocrisie qui masque une violence illégitime sous de fausses valeurs humanistes (enseigner, éduquer, civiliser ) . La stratégie argumentative consiste à blâmer les Européens et leur réductionnisme et à faire l’éloge du combat et de cette force que représente, à ses yeux, la négritude; Césaire multiplie les tentatives de définition de ce concept : non plus la honte d’être noir ou métis et fils d’esclaves, mais la revendication de la vitalité de la civilisation dont on est originaire , de l’existence d’une identité créole particulière qui résulte d’un métissage et d’un brassage des populations sur ces îles caraïbes.
Le commentaire
Il s’agit d’un discours dont on peut analyser l’art oratoire : un discours éloquent (partie 1 ) qui critique le colonialisme ( partie 2 ) et fait émerger la définition d’une nouvelle façon de penser l’homme (les définitions de la négritude )
Partie 1 : un discours éloquent
a) les anaphores et répétitions : elles rythment le discours et martèlent des propos qui prennent l’allure de vérités
la négritude 1/3/25 je crois ou ne crois pas 9/ 10/13/30 et enfin elle est 26/27/28
b) les questions rhétoriques 7 et et 8 , 29 : elles impliquent les destinataires
c) les marques de subjectivité
à mes yeux 1 , soit dit en passant 15, je n’oublie pas, je choisis
Seconde partie : la critique du colonialisme ; se construire contre
a) le blâme : une attitude de refus
b) le nécessaire héritage : esclavage, domination culturelle, imposition d’une langue
c) le combat contre le monde blanc : la nécessaire révolte
Troisième partie : des tentatives de définition : se construire avec
Remontons quelques siècles en arrière et figurez-vous que pour les européens , le monde connu se limitait à quelques pays voisins contre lesquels bien souvent on guerroyait pour quelques terres , un duché ou une querelle d”héritage. Alors imaginez un instant la surprise des navigateurs quand ils accostent sur les rives du Nouveau -Monde; Que découvrent-ils? Des hommes qu’ils vont baptiser sauvages et dont il leur faudra très longtemps avant de comprendre que ce sont leurs frères humains. mettons nous quelques instants à la place de ces hommes de la Renaissance et tentons de les comprendre …
Si on a retenu la date de 1492 qui symbolise encore pour beaucoup la découverte de l’Amérique par Christophe Colomb, en réalité, cette découverte majeure va mettre du temps à modifier la conception du monde des contemporains du navigateur. Colomb pense d’abord être au Japon et ensuite aux Indes; En 1500 lorsque Cabral découvre le Brésil, il pense avoir ouvert une nouvelle voie maritime vers L’inde et le Brésil va être baptisé Indes Occidentales. En 1507 , ce nouveau continent va finalement porter le nom d’Amerigo Vespucci qui ignore alors qu’il n’est pas le premier navigateur occidental à longer ces côtes . Entre le moment où les premiers colons font la connaissance des Indigènes et le moment où cette découverte va arriver jusqu’en Europe, c’est une espèce de course contre la montre qui se joue entre les différentes puissances. Chaque roi envoie ses marins pour qu’ils prennent possession des terres, des richesses et qu’ ils évangélisent les populations locales qui viendront ainsi grossir les rangs des sujets de sa majesté. Ce qui contribue, à leurs yeux, à accroître la puissance du royaume. L’ Espagne et le Portugal s’affrontent et les autorités religieuses interviennent pour servir d’arbitre : le Pape en tant que chef de l’ Eglise catholique va même prendre des mesures concrètes pour départager ces deux rivaux;
Un traité va alors établir en 1494 un partage du territoire , plaçant le Brésil situé au sud d’une frontière définie par la papauté , sous influence portugaise. De leur côté, Français et Anglais tentent de tirer leur épingle du jeu et de créer des colonies de peuplement . En fait chaque payas européen transpose ses rivalités de l’autre côté de l’Atlantique et on peut déjà penser que leur colonisation sera d’autant plus violente qu’ils pensent en retirer ainsi un bénéfice pour dominer les autres nations européennes.La question religieuse va souvent occuper une place importante au sein des débats: les catholiques , en effet, s’interrogent sur la politique à mener d’autant plus fortement qu’en Europe, ils se sentent menacés par le protestantisme. Et de leur côté certains protestants qui arrivent dans le Nouveau-Monde chassés par l’inquisition catholique, font faire preuve de tolérance et d’ouverture d’esprit face aux coutumes et aux croyances indigènes. La plupart du temps, la colonisation a pour principal objectif les ressources du pays et l’asservissement de ses habitants qui devient ainsi une main d’oeuvre bon marché.
S’interroger sur l’autre , revient en fait souvent à s’interroger sur soi-même, à comparer les différents modes de vie, ce que les ethnologues nomment l‘habitus (un ensemble de comportements qu’on reproduit par habitude et qu’on enseigne aux générations suivantes )- Montaigne à la Renaissance propose à ses contemporains une véritable réflexion sur l’altérité à travers ses Essais mais il n’aborde pas directement la question coloniale ; Jean de Léry propose plutôt un récit de voyage, le témoignage d’une expérience personnelle plutôt que le fruit d’une réflexion intellectuelle. Qui est Jean de Léry ? ce n’est ni un intellectuel, ni même un lettré et surtout pas un clerc. Protestant , il entend se réfugier dans ce nouveau-Monde et s’embarque en 1556 , à l’âge de 20 ans à bord de la flotte qui rejoint la petite colonie fondée par Villegagnon au Brésil pour servir d’asile à la communauté protestante exilée; Or, ce dernier se convertit au catholicisme et les protestants qui souhaitent demeurer fidèles çà leurs convictions s’enfuient dans la jungle où ils sont recueillis par des sauvages avec lesquels ils vont vivre pendant plus d’un an, loin de toute civilisation.
Jean de Léry entreprend alors un récit dans lequel il témoigne de sa propre expérience ; il écrit à la première personne du singulier et il va à l’encontre des jugements savants ; Humaniste par la force des choses, il a appris à regarder les autres autrement que la plupart de ses contemporains, prisonniers de préjugés hérités de certaines croyances en la supériorité de l’homme civilisé sur l’homme sauvage.Léry monter que certains sauvages se comportent avec bonté , sagesse et sont hospitaliers là où certains Européens se montrent cruels, déraisonnables et parfois insensés.
Ce n’est que 20 ans après son retour du Brésil que Jean de Léry se décidera à faire part de son expérience : devenu pasteur , il est témoin d’un cas d’anthropophagie parmi des protestants assiégés qui, pour ne pas mourir de faim auraient mangé l’un des leurs, décédés dans le siège de la ville de Sancerre par les troupes catholiques. Cet événement va servir de déclencheur à l’écriture car l‘anthropophagie est souvent évoquée par les Européens comme un indice de barbarie : Léry veut donc rétablir la vérité sur cette pratique dont il a été témoin durant son séjour parmi les Brésiliens vingt ans plus tôt. Il regrette au final de n’être pas resté parmi les Sauvages, ses amis.
Pour mieux comprendre cette période importante dans l’évolution des idées, il faut tenter de se souvenir de l’état de nos connaissances sur le monde afin de mesurer les bouleversements liés aux grandes découvertes et aux nouvelles inventions . Si l’homme a pu commencer à repenser sa place dans le monde , c’est parce qu’il a pris conscience que les limites du monde qu’il imaginait n’étaient pas celles qu’on lui avait enseignées ( découverte de nouvelles terres, de nouveaux pays et de nouvelles religions ) ; ainsi dans des domaines aussi différents que la zoologie, les sciences et techniques, la philosophie, les mathématiques, les langues anciennes, la botanique , chaque découverte a eu un impact considérable . Prenons quelques exemples concrets en images…
Les peintres de la Renaissance continuent de s’inspirer de sujets antiques ou mythologiques comme ici la naissance de Vénus mais en même temps, ils représentent leur monde en insérant des détails vestimentaires d’époque ou en appliquant les lois de la perspective . Les sujets d’inspiration religieuse sont concurrencés par des sujets d’inspiration profane ; la mythologie est également la trace d’une réapropriation de la matière antique avec en France, la redécouverte des textes grecs par les poètes et traducteurs de la Pléiade comme Guillaume Budé (une collection de livres de grec porte d’ailleurs toujours son nom )
Dans le domaine des sciences, on commence à répertorier la diversité des espèces animales et végétales et peu
à peu, certaines croyances disparaissent; on découvre par exemple que la description de certains animaux monstrueux aux limites de l’univers correspond aux animaux comme
l’Autruche,les perroquets le zèbre ou les éléphants . Les savants ne sont pas encore spécialisés mais on voit apparaître à travers l’Europe, des échanges et des correspondances au sujet de la faune et de la flore des pays découverts; peu à peu , on va prendre l’habitude d’embarquer des savants à bord des bateaux afin qu’ils procèdent à un inventaire des espèces nouvelles . Un esprit scientifique voit ainsi progressivement le jour .
Dans le domaine de la diffusion des connaissances, la découverte de l’imprimerie va révolutionner les pratiques de l’époque.Alors que les moines recopiaient à la main au fond de leurs monastères les livres anciens pour de riches clients, les ouvriers vont effectuer en quelques heures le travail de plusieurs mois . la lecture va se développer avec le développement de la diffusion des livres imprimés et permettre ainsi à une grande partie de population (essentiellement l’aristocratie ) d’avoir accès aux connaissances .
Les progrès des sciences et des techniques vont avoir des conséquences sur la mesure du temps avec notamment l’invention de l’horlogerie mécanique : la mesure du temps devient mathématique et ne dépend plu sise éléments naturels comme le soleil (variable ) ou la lune . Les rythmes naturels vont donc être concurrencés par une mesure
immuable : ce qui va avoir des conséquences importantes sur le plan de la perception de notre existence et de notre condition mortelle. Le développement des Vanités et autres Mémento Mori reflète cette inquiétude de l’homme face à l’écoulement inexorable du temps , marqué par des instruments comme l’horloge ou la montre .
A cette époque, la notion de fantastique n’est pas la même qu’aujourd’hui mais l’esprit humain a toujours cherché à recomposer le monde et à l’imaginer autrement. Certains artistes vont développer une vision du monde très personnelle qui vont servir de modèles et de références pour les générations suivantes ; C’est le cas de ces portraits très particuliers d’Arcimboldo qui sont demeurés célèbres . Peintre italien, appartenant au duché de Milan, il rend hommage à des membres de la cour; la variété des fruits et légumes qu’il associe pour former ses têtes reflète la puissance de l’empire des Habsourgs auxquels ils sont dédiés.
Le sujet de ce second bac blanc vous proposait de débattre de la question de l’homme à travers quatre textes : Montaigne, auteur humaniste décrit dans un chapitre de ses Essais au seizième siècle, la rencontre entre trois amérindiens et le roi de France , un véritable choc culturel qui oppose deux manières de vivre en société et de gouverner ; 50 ans plus tard, Cyrano de Bergerac nous propose d’assister à l’arrivée d’un homme sur une planète peuplée d’oiseaux : ces derniers vivent très différemment des sociétés humaines ; quant à Paul Eluard, sous la forme d’un poème surréaliste, il nous enseigne une forme de liberté intérieure ; Michel Tournioer lui, a décidé de réemployer le mythe de Robinson pour mettre en évidence les préjugés qui nous gouvernent et nous enferment dan des prisons intérieures .
Voilà quelques éléments de corrigé pour améliorer voter question de corpus .
Présentation des textes : un essai du XVIème siècle de Montaigne, un roman du XVIIème siècle de Cyrano de Bergerac, un poème du XXème d’Eluard et un roman du XXème de Tournier.
Reformulation de la question : Quelles sont les stratégies des auteurs pour permettre au lecteur de se remettre en question et de s’interroger sur son monde ?
Proposition de réponses à la question (chaque réponse peut être une partie du plan) :
Les auteurs font le choix de passer par l’imaginaire (fiction) ou d’évoquer directement la réalité :
Cyrano de Bergerac et Michel Tournier inventent, dans leurs romans, des histoires (ils passent par un détour afin de faire réfléchir le lecteur, ils s’écartent de la réalité). => argumentation indirecte
Michel de Montaigne et Paul Eluard s’adressent directement au lecteur. Montaigne n’invente pas l’histoire mais relate ses pensées et ses expériences réelles (authenticité). l texte apparait comme la transcription d’un aventure vécue => argumentation à la frontière entre directe et indirecte
Eluard invite directement le lecteur à partir à l’aventure et à découvrir le monde dans son poème, toutefois il fait appel au rêve et à l’imaginaire en jouant sur les mots. Eluard n’exprime pas explicitement le fait que son aventure est un pas vers l’inconnu, la découverte du monde qui permet d’éclairer les esprits. => entre argumentation directe et indirecte
Les auteurs font parler des personnes ou personnages éloignés de leurs sociétés afin que le lecteur puisse voir à travers un regard autre, plus critique et plus objectif, les vices de la société française et européenne (au XVIIème siècle pour Cyrano et XVIIIème pour le mythe de Robinson) : mythe de Robinson Crusoé (Daniel Defoe au XVIIIème siècle)
Les auteurs présentent des systèmes politiques qui s’opposent à ceux de la société dans laquelle les auteurs et leurs lecteurs vivent : ces systèmes peuvent être imaginaires ou réels (essai de Montaigne) : antithèses : les oiseaux élisent le roi « le plus faible, le plus doux, et le plus pacifique » tandis que les Hommes ont pour roi les « plus grands, [les] plus forts et [les] plus cruels » + roman Tournier : création d’un nouveau rituel : nouveau style de vie et découverte de nouveaux usages des matériaux et des objets.
Vous trouverez également en pièce jointe des éléments de corrigé du commentaire composé sur le texte de Montaigne.
Montaigne est un écrivain humaniste qui a réfléchi à ce qui différenciait les Européens des Sauvages et la comparaison tourne ,sous sa plume, souvent à l’avantage des Indiens des Brésiliens.L’Humanisme européen est un mouvement qui invite à la découverte d’un monde nouveau, à l’exemple du Nouveau Monde justement récemment découvert par les différentes expéditions maritimes . Les grandes découvertes, les récits de voyage, la redécouverte des textes Antiques et de leurs traductions renouvellent les schémas de pensée hérités du Moyen-Age et bousculent la place de l’homme au sein de l’univers .
Les questions religieuses cependant commencent à diviser sensiblement les Européens et la sécession protestante initiée par Luther et Calvin , va conduire à des exodes massifs et à une reconstitution de l’espace géographique européen. L’esprit scientifique continue sa lente percée un peu partout mais les réticences sont fortes et sur le plan social, la société chrétienne reste dominée par l’aristocratie et sa fortune : l’écart entre les riches et les pauvres ne se réduit pas et le développement des art demeure l’apanage d’une frange aisée de la population. Les rois et les Grands aiment à s’entourer d’artistes afin qu’ils célèbrent leur prestige . Le mécénat impose à certains écrivains une ligne de conduite prudente …. Exemple d’introduction sommaire : Ecrivain humaniste du seizième siècle, Montaigne est célèbre pour avoir rédigé des Essais. Il s’agit d’un recueil de pensées , regroupées par chapitres thématiques et qui ont fait l’objet de nombreuse années de travail. Montaigne consacre un chapitre, intitulé Des cannibales, à la découverte des réactions des Sauvages confrontés aux modes de vie en vogue à la cour de France. Loin de blâmer la rudesse des moeurs de ces étrangers, l’auteur fait l’éloge du raisonnement de ces hommes; il met ainsi à jour , de manière implicite, les travers de ses contemporains. Quelle stratégie argumentative emploie-t-il dans cet extrait ? Découvrons cet extrait des Essais…
Plan d’étude : Dans un premier temps, nous verrons que Montaigne se sert de procédés d’authentification et se présente comme un témoin direct des faits rapportés; Nous verrons ensuite qu’il met au service de son argumentation le regard de l’étranger ; Pour conclure, nous aborderons la dimension polémique du texte.
1. Procédés d’authentification : récit personnel d’un anecdote vécue avec de nombreux détails qui font vrai comme le trou de mémoire et les pseudo-regrets , la précision du souvenir avec les expressions exactes utilisées par les Sauvages ( moitié pour désigner l’homme). Montaigne raconte même la bêtise de l’interprète et feint de se souvenir que l’un des étrangers est appelé roi par les matelots. Le dialogue finit d’ailleurs par se nouer en dépit de l’absence de traduction entre Montaigne et l’un des habitants du Nouveau-Monde. Cette mise en scène a pour but de favoriser la crédibilité des propos tenu et donc emporter l’adhésion du lecteur aux thèses de l’auteur.
2. Le regard de l’étranger : Montaigne attache des connotations ambivalentes à leur regard qu’il qualifie à deux reprise d’étrange; peu sensible au faste et aux richesses étalées sous leurs yeux, ces hommes se montrent pourtant clairvoyants; ils s'étonnent , à juste titre , pourrait-on dire, de la jeunesse du roi et des inégalités entre les riches et les pauvres; certains sont en effet décrits comme gorgés de toute sortes de bonnes choses (amplification) alors que d’autres sont mendiants, décharnés par la faim et la pauvreté; Le contraste est saisissant. Il s’agit, par le biais du regard de ce personnage, d’une critique implicite du fonctionnement de la monarchie et du caractère inégalitaire de la société française où l’on voit les écarts de richesse se creuser, en temps de guerre et de famine notamment. Montaigne critique ainsi implicitement le spectacle qu’offre , aux yeux d’un étranger, le fonctionnement même de la société française et de al monarchie absolue de droit divin.
3. La tonalité polémique est présente dès le début du texte avec l’opposition entre la quiétude et le bonheur des Sauvages de l’autre côté de l’Océan (la périphrase traduit ici l’éloignement entre les deux nations)et la découverte des corruptions de ce côté -ci. La fin du passage révèle le début d’un questionnement de la part de l’auteur sur le principe de royauté tel qu’il est exercé chez ce peuple; à l différence des souverains occidentaux, le roi indigène mène son peuple au combat et il bénéficie d’un privilège , une fois la guerre terminée, qui consiste à ce qu’on lui ménage en chemin dans la jungle ” où il pût passer bien à l’aise”
A retenir : procédé du témoin externe = regard de l’étranger ; permet d’avoir un oeil neuf , sans préjugés sur des réalités auxquelles les occidentaux sont trop habitués pour en discerner la partie critique;
éloge des sauvages : s’intéressent aux hommes et à leurs conditions de vie, négligent le faste et les richesses, défendent l’égalité et la solidarité entre les hommes , valeurs humanistes.
la dimension critique : elle porte sur la pseudo supériorité des Français qui pensent impressionner les étrangers (critique sociale), sur la monarchie (critique politique) sur la détention de certains privilèges qui ne semblent pas justifiés.
Pour conclure, un récit imagé qui frappe par la qualité et la variété de son argumentation: les lecteurs sont priés de juger par eux-mêmes les faits rapportés et de se faire leur propre idée ;Montaigne se défend de chercher à influencer leur jugement mais en réalité, il manipule les faits et les présent de manière à ce qu’ils servent sa cause. La modernité de son point de vue peut être notée; il sait dépasser les apparences et s’interdit de juger de la valeur d’un homme à partir d’un simple détail vestimentaire comme le rappelle plaisamment le trait d’humour qui constitue la chute du texte. L’auteur y rapporte les paroles xénophobes, qu’il condamne implicitement, d’un simple quidam, représentatif de l’opinion publique , qui s’arrête lui, au détail de l’absence de haut de chausse et en déduit abusivement que les Sauvages sont inférieurs car leur façon de se vêtir est différente de celle des français.
Nom des principaux procédés à réutiliser : argumentation indirecte, implicite, ironie, technique des paroles rapportées (style indirect et style indirect libre), regard de l’étranger, témoin externe, polémique, éloge et blâme, authentification, détail vrai.
Entraînez-vous maintenant à refabriquer ce plan et cette explication en y incluant les lignes et les citations tirées de votre texte.Etoffez l’introduction en insérant vos connaissances sur l’Humanisme.
Dans les années 1960, un chercheur et anthropologue canadien Kalervo Oberg définit la notion de Culture Shock
Vous avez grandi dans une certaine culture et vous êtes habitué à faire les choses
d’une certaine façon. La culture peut également avoir un effet sur la façon dont vous
pensez. La plupart de ces choses se produisent de façon naturelle, sans que vous ne
vous en rendiez compte. Lorsque vous déménagez à un autre endroit, il vous faudra
du temps pour vous ajuster aux façons dont les gens pensent et agissent. Cela rend l’ajustement à votre nouveau pays difficile. Les choses que vous
trouviez faciles à faire sont maintenant plus difficiles parce que vous devez utiliser
une autre langue et apprendre une nouvelle culture en même temps. La découvert de l’autre peut également s’ajouter au Mal du Pays et au fossé technologique; De plus la barrière de la langue retarde d’autant plus la communication. Si on ajoute à cela le contexte colonial, on peut expliquer bon nombre d’idées reçues.
Votre travail d’invention devait mettre en évidence le contraste et les différences entre les deux populations. Tout d’abord le choix de l’étranger était important; En effet, certains pays vécurent longtemps coupés du monde et ne furent guère ouverts aux échanges à cause de conflits récurrents ; on peut citer la Chine, la Syrie, l’Afghanistan, le Turkmnénistan, la Somalie, les Comores. Vos personnages d’étrangers devaient tenir compte de la culture et des coutumes de leurs pays d’origine: un peu de documentation s’imposait.
La dimension critique était indispensable et pouvait s’obtenir de différentes façons: la critique explicite pouvait émaner du discours d’un Etranger ou d’un dialogue entre Sauvages et Civilisés.
Ce qu’on oppose souvent : la solidarité et l’indifférence des populations urbaines où les gens cotaient la misère sans sembler s’émouvoir, la recherche du bonheur par le biais de la consommation qui conduit à la cupidité et la recherche d’un bonheur simple qui repose sur une vie naturelle et la satisfaction des besoins primaires. L’idée qu’on se fait du bonheur peut constituer un critère important; On oppose souvent également l’hospitalité et la gentillesse des Indigènes à l’aspect belliqueux des colons qui souhaitent imposer leurs valeurs et leurs normes.
Cet ethnocentrisme peut s’observer dans des domaine aussi variés que la vie en collectivité, la notion de famille , la religion, l’égalité homme/femme, l’exercice du pouvoir, les habitudes alimentaires. Tous ces points pouvaient servir de comparaisons et chaque différence était ainsi illustrée par des exemples précis. La peur de l’Autre va engendrer son rejet : la xénophobie
Un dialogue constructif entre un colon et un brésilien : le témoignage de Jean de Léry
Jean de Léry est un ouvrier et explorateur français protestant qui s’est exilé à cause des guerres de religion qui ont eu lieu en France et durant lesquelles de nombreux protestants appelés huguenots , furent massacrés sur ordre du roi. L’auteur a publié, après son retour en France un livre de souvenirs de voyage dans lequel il relate sa rencontre avec les indigènes brésiliens. Il emploie les techniques de la maieutique pour faire prendre conscience aux Français de ce que pensent les Indiens de leurs pratiques commerciales.
Lorsqu’il relate son voyage en terre du Brésil et sa relation avec les Indiens de la tribu Toupinambas, Jean de Léry peint un portrait élogieux des Sauvages et les présente comme des hommes sages qui tirent de leur saine constitution physique et de leurs vertus morales, leur exceptionnelle longévité. Dans le texte précédent, il oppose leur absence de vices à la corruption qui , à la manière d’un poison, détruit la santé des Français. Le dialogue qu’il met en scène retrace les interrogations d’un vieillard à propos des exportations massives de bois”arabotan” ; ce dernier, grâce à de multiples questions orientées parvient à faire dire à l’auteur que les Français sont fous de vouloir enrichir leur descendance après leur mort. Quelle stratégie argumentative pouvons-nous repérer à travers ce dialogue ? Dans un premier temps, nous étudierons la construction du dialogue avant d’évoquer l‘utilisation du regard de l’étranger et pour terminer, nous montrerons comment l‘auteur intervient dans son propre récit pour nous persuader de la justesse des propos du vieillard . Plus »