26. février 2018 · Commentaires fermés sur Antigone d’Anouilh : extrait 3 de Et vous l’avez fait …à un roi des bêtes .. Qu’est-ce qu’être roi ? · Catégories: Première · Tags:
anti92.jpg
 

 Durant une grande partie de la tragédie, Antigone se dresse face à son oncle Créon et interroge notre conception du pouvoir et de la notion de gouvernement juste; Anouilh, en effet, souhaitait insister en créant cette pièce à la fin de la seconde guerre mondiale, au beau milieu de l’occupation allemande de la Capitale, sur la notion de résistance ; Fortement choqué par les affiches de propagande allemande qui présentent les résistants du commando Manoukian comme des terroristes et de dangereux bandits, le dramaturge a choisi,en réadaptant le mythe antique de cette jeune fille qui s'oppose à la Loi au péril de sa vie , de questionner le public français sur ses représentations de la collaboration. En effet, dans cette scène, on trouve de nombreuses allusions à l ‘actualité historique de la France occupée; Créon y figure la collaboration, , ceux qui ont dit oui à l’occupation, qui ont cessé de se battre et ont refusé  de résister, tandis qu’Antigone symbolise la refus de tout compromis, l’intransigeance et l’absence de compromission. Cet extrait montre le caractère inconciliable des deux personnages qui représentent deux attitudes de l’homme . Nous pouvons dans ce passage analyser le caractère dramatique du face à face et   les arguments de Créon qui illustrent les paradoxes de la conception du pouvoir  . 

  Quelle est l’attitude d’Antigone dans ce face à face ? Créon est immédiatement accusé par la jeune femme dès sa première réplique : cette dernière met l’accent sur la les contradictions du personnage de Créon auquel elle reproche de ne pas être maître de ses actes soi disant  “vous allez me faire tuer sans le vouloir. Et c’est cela être roi . ” Cette répartie cinglante illustre l’ironie de la nièce du roi ; Comment un chef d’Etat peut- il agir contre sa volonté ? est-il , parce qu’il gouverne, privé de son libre arbitre et doit il prendre des décisions qui vont à l’encontre de se convictions ou bien, est-ce une excuse pour un gouvernant ? Elle se présente comme une reine et sous- entend que son oncle a été lui, privé de sa liberté; Le contraste apparaît ici par les didascalies internes : “ongles cassés, bleus que tes gardes m’ont fait aux bras, peur qui me tord le ventre “;  L’héroïne pourrait tout aussi bien représenter les résistants arrêtés que la gestapo et la milice française torturent pour les faire parler . En rappelant son rang de reine alors qu’elle n’est que princesse et que son oncle est le roi en exercice , Antigone se hausse ici à son niveau et devient son égale. 

anti96.jpg
 

Dans sa seconde réplique, elle se montre inflexible et rappelle à son oncle qu’il va devoir “payer maintenant” : Anouilh envisage ici clairement les conséquences de la collaboration et la mauvaise conscience, sans doute qui s’est abattu sur une partie du peuple français ,hostile au départ à l’idée morale d’une collaboration mais qui ont accepté la décision de leurs gouvernants pour maintenir la paix et épargner une guerre longue et qui aurait coûté la vie à des millier d’hommes ; En voyant l(évolution du conflit, certains français devaient songer qu’ils avaient fait le mauvais choix; ce qui explique aussi que les engagements dans la Résistance se ont multipliés au fur et à mesure de l’avancée du conflit et des défaites de l’armée allemande ; Le spectateur peut se demander en qui va consister le prix à payer ici ; Pour le roi, ce sera la perte de ceux qu’il aime: son fils , sa femme et ensuite la condamnation, dans un palais vide , à la solitude éternelle. La formule employée par Antigone: “vous ne vous arrêterez jamais de payer maintenant ” a un caractère tragique et rappelle le fonctionnement même de la tragédie : une catastrophe que rien ne peut arrêter une fois qu’elle est enclenchée. Le Oui de Créon marque ainsi pour lui l’entrée dans l’univers tragique .

La troisième intervention de la jeune fille qui répond brièvement à la tirade de son oncle nous ramène à cette inflexibilité qui est sa marque : la didascalie “secoue la tête ” illustre ici le refus et la négation. La jeune fille n’essaie pas de raisonner ni d’argumenter ; Elle se présente comme un bloc farouche de certitudes et de volonté : “je ne veux pas comprendre “; Elle montre ici la tpute- puissance de sa volonté ; Alors que Créon prétend lui, ne pas pouvoir agir selon sa volonté, Antigone elle semble gouvernée par cette volonté même ; Ce faisant, elle perd toute compassion devient presque inhumaine ; Il est difficile ici pour le spectateur de savoir s’il admire le personnage ou s’il la trouve trop orgueilleuse et trop hautaine ici. Elle rappelle ensuite la raison de son existence même en tant que mythe : “je suis là pour autre chose que pour comprendre. Je suis là pour vous dire non et pour mourir. Anouilh rappelle à son tour la raison d’être de ce personnage qui depuis l’Antiquité incarne le Non ; Le dramaturge nous ramène également au fonctionnement de la tragédie où chaque personnage joue un rôle défini à l’avance.

Antigone termine le face à face avec deux réparties très courtes : elle remet en cause l’argument de son oncle qui évoque la facilité de dire non en répondant laconiquement  “pas toujours ” ; En fait, elle risque sa vie et le rappelle ici au spectateur ; Elle accepte de perdre la vie , considéré par beaucoup comme notre bien le plus précieux, simplement pour continuer à dire Non et faire de ce refus sa ligne de conduite . Elle peut évoquer ici la mort terrible de tous les résistants détenus qui ont refusé de parler ; au spectateur ensuite de mesurer la valeur de l’argument que lui opposera alors son oncle : “c’est facile de dire non, même si on doit mourir ” . Est-ce vraiment aussi facile de donner sa vie pour  continuer à demeurer fidèle à ses convictions et à ses principes ?  

La dernière intervention d’Antigone prend , une fois de plus , une dimension ironique . Alors que son oncle se défend en mettant en avant les difficultés inhérentes à l’exercice même du pouvoir et en prenant l’exemple des animaux qui avancent sans se poser de questions toujours prêts  à perpétuer leur espèce; sa nièce se moque de lui ” Quel rêve ,hein, pour un roi, des bêtes “ Cette réplique critique violemment la manière dont le roi envisage la manière de gouverner ; Il faut comprendre ici : quel rêve ce serait pour un roi d’avoir à diriger des animaux à la place des hommes car les animaux ne se posent pas et questions et obéissent aveuglément . Antigone dans cet extrait critique e, une fois déplus, les choix de Créon qui engagent l’avenir de tout un peuple. 

anti98.jpg
 

Comment ce dernier réagit-il aux accusations de la jeune fille ? Sa première réplique tente de toucher Antigone et fait appel à sa compassion ” Alors aie pitié de moi; Vis. ” Il rappelle à cette occasion que lui-même a déjà perdu deux neveux dans cette guerre , que son fils est le fiancé d’Antigone donc qu’il va éprouver une peine immense à la voir condamnée par son propre père. Le roi est  impliqué à titre personnel dans cette affaire te n’agit pas en simple spectateur ou simplement au titre de représentants de la loi. Il rappelle  qu’agir selon la loi lui coûte;  Le verbe payer ici répété ” c’est assez payé ” et ensuite “j’ai assez payé ” Le passage de la formule impersonnelle au pronom Je montre bien l’implication du personnage de Créon .  Le roi évoque le règne de l’ordre et reprend l’argument selon lequel le peuple a besoin de cet exemple pour respecter la royauté et ne pas se rebeller . Il invoque donc la raison d’Etat qui fait passer les intérêts collectifs d’une nation avant les intérêts personnels d’un groupe d’individus ou d’un particulier . De plus Créon rappelle l’amour de son fils : ce qui pourrait être un argument décisif face à Antigone et pourrait la faire réfléchir et renoncer , par amour, à son sacrifice . 

La tirade qui suit montre, grâce à la didascalie initiale, la fureur du roi : il traite d’ailleurs sa nièce de “petite idiote “ ; ce changement de ton révèle son exaspération et il démarre son intervention par un juron “bon Dieu ” qui lui aussi, trahit qu’il est hors de lui. Il utilise en,suite des formules impersonnelles qui rappellent qu’il a agi, selon lui, par nécessité impérieuse . “il faut qu’il y en ait qui dosent oui te qui mènent la barque ” ; Le roi justifie ici sa décision en invoquant l’urgence de al situation du pays grâce à la métaphore de la barque ; La France , ou plutôt , Thèbes , est comparée à un vaisseau qui prend l'eau et pour éviter le naufrage et la mort de ses passagers, faut imprimer un changement de direction; Créon es fabrique ici une image de sauveur providentiel qui évite au pays le pire . Ce sont les arguments qu'utilisèrent les partisans de la collaboration te notamment le chef du gouvernement, le maréchal Pétain , pour faire accepter l'occupation allemande aux français : elle était justifiée par cet argument d‘éviter le pire , à savoir la défaite et la ruine du pays. La métaphore est filée avec les mots gouvernail, balotter, prendre l’eau, radeau, cale ... et un second argument est développé par Créon: celui de la sauvegarde de l’intérêt des plus faibles; En effet, face à l aggravait ode la situation, certains s’en sortent mieux que d’autres et n’hésitent pas à mettre les vies de leurs camarades en danger en “pillant la cale” , prenant les provisions d’eau douce et se construisant “un petit radeau confortable ” . Le chef d’Etat doit alors protéger le plus grand nombre et pas seulement une poignée de privilégiés; On peut lire , à travers l‘image du bateau qui prend l’eau, celui de la France déchirée et envahie par les armées allemandes qui ont enfoncé la ligne Maginot et qui menacent de piller et de brûler Paris; En ordonnât la collaboration, le gouvernement de Vichy pense , sans doute ainsi, protéger une partie du patrimoine français. L’image de la tempête qui met à mal le bateau symbolise la guerre  et ses conséquences ; Le roi utilise le terme brute pour évoquer les passagers du bateau et fustige leur égoïsme : “des brutes vont crever toutes ensemble parce qu’elles ne pensent qu’à leur peau à leurs précieuses peaux et à leurs petites affaires ‘ Cette expression “petites affaires ” signale le mépris du roi pour une telle attitude égocentrique qui représente également; comme on l’ a vu, un danger pour l’ensemble du pays; Créon doit donc se situer au-dessus de la mêlée et penser au plus grand nombre, aux plus faibles et aux plus démunis: ceux qui comptent sur l’Etat pour subvenir à leurs besoins et pour les protéger. face à l’urgence il a fallu prendre une décision sans trop réfléchir aux conséquences sinon “la montagne d’eau aurait submergé le navire ” . Par analogie,  et un peu par glissement , nous passons de la tempête et de la vague meurtrière , au vocabulaire militaire avec l’arrivée de la guerre “on gueule un ordre et on tire dans le tas “ Le roi justifie ainsi les crimes commis durant les batailles : pour sauver sa peau ; Les hommes devenus combattants perdent ainsi leur humanité et du coup ‘leur nom” : ils ne sont plus que des obstacles sur le chemin du bateau ; Sa tirade se termine par une adresse à Antigone : Créon sollicite sa compréhension mais cette dernière refuse de chercher à le  comprendre . 

La dernière tirade du roi adopte une autre stratégie d’argumentation ; Créon revient sur la morale du l’action et sur la nécessité d’agir dans l’urgence, sous la pression des événements et face à l’imminence de la catastrophe. Cette fois ce sont les métaphores du travail physique qui vont se substituer à l’action de gouverner et de dire oui ; “suer, retrousser ses manches et empoigner la vie à pleines mains ” sont , selon Créon, du côté du oui ; Le roi se présente alors comme un travailleur manuel, un travailleur qui accomplit une besogne difficile; Par ces images, il suscite la compassion des spectateurs . Par contraste avec cette difficulté , il présente les partisans du non comme des “lâches ” qui refusent justement la difficulté et choisissent la solution de facilité “attendre pour vivre attendre même pour qu’on vous tue” ; Pour lui, dire non condamne les hommes à l’immobilisme qu’il traduit par la notion d’attente ; dire non selon Créon prive l’homme de l’action et il oppose le dynamisme te l’engagement de partisans du oui avec une sorte de passivité des partisans du non. Pour conclure sa tirade, il prend l’exemple de la Nature où selon, lui , il est impossible de dire Non . Ce qui revient à nous faire penser que dire non est antinaturel; “Tu imagines un monde aussi où les arbres auraient dit non contre la sève..”  Cependant on peut  rétorquer ici au personnage de Créon qu’il compare deux éléments qui ne sont pas identiques; dans la Nature, la croissance n’est pas choisie pais relève d’un déterminisme biologique alors que l’homme est une créature qui possède un libre-arbitre et qui peut donc effectuer des choix; Nous ne sommes pas uniquement mus par nos instincts à la différence des plantes et des animaux qui , sont certes des êtres vivants dotés d’une forme de sensibilité mais chez lesquels l’instinct est largement dominant.   

anti94.jpg
 

En conclusion, Créon tente ici de stigmatiser les partisans du Non et de convaincre le spectateur qu’Antigone adopte une attitude regrettable et égoiste en s’opposant à lui et à sa volonté. Il essaie de la faire passer pour une irresponsable, une entêtée qui choisit la facilité et qui se montre lâche car selon lui, dire oui est une décision plus courageuse  que maintenir un refus obstiné; il tente de discréditer pour le spectateur le Non d’Antigone et de justifier sa propre décision ; Lequel l’emportera ; l’avantage ici semble revenir à Créon mais Antigone n’a pas encore dit son dernier mot. 

22. janvier 2018 · Commentaires fermés sur Antigone dans le Quatrième Mur : les préparatifs pour la pièce · Catégories: Première · Tags: ,
mur91.jpg
L’édition originale 

Le roman de Sorj Chalandon raconte l’histoire de deux metteurs en scène qui veulent monter l’Antigone d’Anouilh en plein coeur de Beyrouth en guerre avec des acteurs appartenant à chacune des factions  en conflit ; Pari fou, pari osé ou chimère : pourquoi Samuel a-t-il choisi cette dernière volonté avant de mourir et qu’est-ce qui va pousser son jeune ami Georges à relever ce défi ? La pièce est au centre du roman et elle est évoquée sous différents aspects. “J‘ai souffert avec la petite maigre  et elle a combattu à mes côtés ” (p 38 )  avoue Samuel à une terrasse de café à son ami Georges en 1974 lorsqu’il évoque pour la première fois son passé douloureux .Il tend alors un exemplaire de la pièce “éditée à la Table ronde en 1945 avec les lithographies terres d’ombres et noires de Jane Pécheur.”

Il est tout d’abord question des souvenirs de lecture de la tragédie d’Anouilh. Cette ouvert a beaucoup marqué Samuel qui en a monté une représentation à l’école polytechnique  lors du coup d’Etat des colonels en Grèce en 1973. Il évoque cette expérience alors qu’il est invité au festival de théâtre de Vaison la  Romaine pour assister à la représentation d’Antigone mise en scène par Gérard Dournel avec Liliane Sorval dans le rôle d’Antigone, et Jean-Roger Caussimon dans celui de Créon. Samuel raconte la pièce : “Souviens toi des premières secondes. Tous les acteurs sont présents, aucun n’est en coulisse. Il n’y a pas d’arrière scène, pas d’entrée fracassante, de sortie applaudie, pas de claquement de porte. Juste un cercle de lumière où entre celui qui parle. Et l’obscurité qui recueille celui qui vient de parler.Le décor ? Une volée de marches, un drapé de rideau, une colonne antique. c’est le dépouillement,la beauté pure ” (p 39) 

mur92.jpg

Georges a lu Antigone adolescent mais cette pièce ne l’a pas vraiment marqué.Pour Samuel au contraire , elle a guidé sa vie. L’héroïne de Sophocle lui semble prisonnière des dieux et réduite au devoir fraternel alors que la petit maigre chez Anouilh représente , à son sens, “une héroïne du non qui défend sa liberté propre.” ( p 40) Sam offre alors le livre à Georges qui l’accepte comme “une lettre d’adieu“. Au mariage de Georges , Samuel qui est son témoin ajoute que la République, “c’est le respect des différences. ” et plus tard il dira  en accueillant Georges blessé que la violence est une faiblesse .(p 67 ) Il lui rappelle à cette occasion qu’ils ne sont pas des résistants, que  Giscard n’est pas Pétain et que les jeunes étudiants d’Assas contre lequels il s’est battu  , les rats noirs, ne sont pas des nazis, juste des racistes dangereux .” (77) 

En 1982, Georges rend visite à Samuel alors très malade et ce dernier lui arrache la promesse de continuer à travailler sur son projet d’Antigone à Beyrouth. “Le drame était un cadeau qu’il emballait de burlesque ” Sam voulait monter la pièce noire d’Anouilh dans une zone de guerre( 87) Faire la paix entre cour et jardin.  Et il est question pour lui de terre et de fierté dans Antigone .Il choisit le Liban à cause du massacre palestinien de la Quarantaine suivi des représailles sur le village chrétien de Damour: il venait de trouver les tréteaux d’Antigone. (89) et a entrepris les premières démarches, contacté les acteurs et obtenu des autorisations officielles. 

“Antigone était palestinienne et sunnite. Hamon son fiancé, un druze du chou. Créon roi de Thèbes et père d’héron, un maronite de Gemmayzé. Les trois gardes, chiites, pas été messager et Eurydice une vieille chiite; La nourrice une chaldéenne et Ismène, catholique arménienne. (95) ; Sam serait le choeur et Georges s’attaque au projet .

Il relit d’abord la pièce et découvre une Antigone qui refuse de pactiser avec la vie et qui attend la mort; Et il découvre ensuite les notes de mies en scène de Samuel ( p 106) : Pas de costume de scène: le public doit s’attendre à une répétition . Il compare alors avec la représentation de 1944 au théâtre de l’Atelier en février. Antigone était en robe de soirée noire avec une croix au cou et Créon en habit avec gilet et noeud paillon;Les gardes en gabardine et chapeaux mous (gestapo ? ) La pièce doit parler au présent ajoute Samuel.

Ne pas confondre le Créon brutal de Sophocle et l’homme plein d’amertume dessiné par Anouilh; Chez Sophocle, Créon est le personnage tragique. Chez Anouilh, c’est Antigone qui porte la tragédie” p 107 Il a pensé à la musique de Duruflé et aux symboles : kappa, foulard, keffieh.  Georges appelle Iman est constate que les travaux pour la pièce sont au point mort et qu’aucune rencontre n’a pu avoir lieu. Il ment alors à Samuel de plus en plus affaibli  et repart avec le sachet de terre de Jaffa. Georges part alors pour Beyrouth. Voilà un extrait d’une mise en scène d’un face à face entre créons et Antigone : entraînez-vous à commenter la mise en scène …

 

20. janvier 2018 · Commentaires fermés sur Antigone à Beyrouth : du projet aux répétitions . · Catégories: Première · Tags:
4mur26.jpg
La première  représentation d’Anouilh

Antigone , version de Jean Anouilh, propose en 1944 , à sa création, une vision du monde sur laquelle il faut s’interroger . La jeune fille incarne plusieurs formes de révolte: à la fois celle des minorités contre l’ordre établi mais égalementt celle des faibles contre les forts, des sentimentaux contre la loi , des intérêts privés et familiaux contre l’Etat et sa  toute puissance; Pour le personnage de Samuel, Antigone est une compagne de lutte, un témoin de ses souffrances passées et de ses combats et elle joue un rôle central dans le roman car elle va devenir l’objet d’un passage de relais entre le vieux metteur en scène juif et le jeune Georges qui ne rêve que d’en découdre avec la terre entière. 

Comment Antigone fait-elle son apparition dans le roman ? 

Samuel est invité, en tant que metteur en scène, a un festival de théâtre à Vaisonla Romaine ( p 37 ) et on y représente Antigone d’Anouilh mis en scène par gérard Dournel; A cette occasion, Samuel montre à Georges ses propres indications de mise en scène car il envisage de remonter Antigone et il brandit le live comme un poing levé.(p 38 )  Il commente le prologue ed’Anoulh qu’il trouve très beau ” c’est le dépouillement, la beauté pure ”  Les acteurs sont déjà en scène protégés par le quatrième mur : ” une façade imaginaire que les acteurs construisent en bord de scène pour renforcer l’illusion. Une muraille qui protège leur personnage. Pour certains un remède contre le trac. Pour d’autres , la frontière du réel.   “

Au fur et à mesure de leurs discussions, Samuel tente à plusieurs reprises  de convaincre Georges que la violence est une faiblesse mais ce dernier charrie de la fureur et  il y a tellement de colère en lui qu’il l’expulse par les combats physiques ; Un soir après une violente altercation, il se réfugie chez Sam qui écoute le requiem de Durufle accompagné par les paroles d’Antigone à la fin de la pièce : je ne sais plus pourquoi je meurs. ” ( p 74 ) Georges réalise alors que le théâtre a permis à son ami de répondre à la guerre : au lieu de continuer à se battre, il a transformé ses résistances en gestes artistiques sur scène. Depuis 1979 il travaille à son projet de monter Antigone à Beyrouth pour donner deux heures de paix à la guerre  mais en janvier 1982, le cancer le bloque à l’hôpital et il place tous ses espoirs en Georges ; “Depuis toujours Sam voulait monter la pièce noire d’Anouilh dans une zone de guerre; Offrir un rôle à chacun des belligérants.”  Il choisit finalement Beyrouth après un premier massacre dans le bidonville palestinien de la Quarantaine, suivi de représailles sur un village chrétien de Damour (p 89 )Il multiplie les contacts et finit par recruter des acteurs  qui acceptent tous de le recevoir en 1976. “le casting a duré 2 ans ; Antigone était palestinienne et sunnite; démon son fiancé un Druez du chouf. Créon un maronite de Gemmayzé.” (95) Sam ne souhaite qu’un seule représentation dans un “lieu qui parle de guerre, labouré de balles et d’éclats.”  Samuel Akounis luttait pour la vie d’Antigone.Georges accepte immédiatement et affronte la peur de sa femme Aurore qui juge sévèrement leur projet : “aller dans un pays de mort avec un nez de clown” s’exclame-t-elle , furieuse . ( 100 )  

4mur30.jpg
Créon et Antigone 

Dans le chapitre 9, Georges note ses commentaires après une lecture de la pièce qui le bouleverse. Il note que Créon est ému et tente d’épargner la vie de sa nièce mais la jeune fille refuse, souhaite la mort et l’attend. Après sa lecture, Georges es sent prêt à “accueillir en moi cette victime choisie par le destin.” “je ne connaissais d’elle que son refus de vivre; Je ne savais de moi qu mon envie de vivre . ” (105) Le personnage est encore loin de se douter que leurs trajectoires , la sienne et celle de la petite maigre, vont  tragiquement se rejoindre . 

Samuel a indiqué ses souhaits de mise en scène ; Pour les costumes: “la pièce doit parler  au présent” ; Les acteurs devront donc porter des tenues de leur époque; Georges découvre peu à peu leurs lettres de motivation, leurs photos et entre en contact d'abord avec Imane, sa future héroïne.Mais il ment à Samuel à l'hôpital en lui laissant croire que les répétitions se déroulent parfaitement alors qu'en réalité, il ne sait même pas si les acteurs vont accepter de venir répéter. Arrivé à Beyrouth, la guerre semble à Georges la plus forte et au milieu des salves qui claquent,  il imagine "Antigone était dos au mur,fusillée par la ville entière.” ( p 128 ) Il rencontre Imane et elle le fait assister à une répétition d’un poème de Mahmoud Darwich, Identité qu’elle a fait apprendre à ses élèves et dont les paroles font référence à l’identité palestinienne : “pas de haine pour les hommes, que je n’assaille personne mais si j’ai faim je mange la chair de mon usurpateur , gare à ma fureur ” Le lendemain , Georges et Imane se rencontrent dans un café de Beyrouth: il va ensuite trouver un phalangiste chrétien, frère de Charbel alias Créon,  afin d’obtenir un cessez-le feu de deux heures. Durant cette nuit, en compagnie des snipers, Georges sent une peur qui monte en lui et qui n’est pas celle de la mort mais celle de la fascination de la guerre (160) Georges assiste ensuite chez Marwan à la répétition de Hémon ; pour son père il a “le plus beau rôle, le plus grand de tous. qu’il incarnait l’exemple, l’espoir, la vie. Que dans cette pièce il mourrait par amour de la liberté et de la justice. Et aussi par amour d’un femme belle comme celles de leur montagnes.” (176) 

4mur25.jpg
Un face à face tendu 

La répétition a lieu le 24 février 1982 dans un théâtre en ruines qui a également servi de salle de cinéma: un reste du décor antique est éparpillé à terre et les obus ont troué les murs . Georges note des indications qu’il destine à Sam : “ une  tenture rouge. Un voile qui draperait tout l’arrière…Ce lieu serait celui du pouvoir.”  Simone arrive la première et évoque le massacre de Damour durant lequel son petit fils de 18 mois  a été égorgé: Charbel arrive à son tour suivi par Imane accompagnée des femmes qui jouent Ismène et la nourrice. Avant même de jouer, les acteurs cherchent leur personnage en eux : “Deux acteurs se mesuraient. Des personnages de théâtre; Antigone te Créon. Elle le narguait. Il la défiait. Elle irait jusqu’à mourir. Il irait jusqu’à la tuer. “‘ ( 188) 

Georges commence à diriger la répétition: il place sur scène une photo de la générale de la pièce en 1944, 38 ans ans plus tôt  et installe les acteurs sur scène; il évoque ensuite les conditions difficiles de la représentation en France à cause de la guerre et demande aux acteurs d’oublier leurs religions et le conflit mais la chiite qui joue Eurydice ne souhaite pas mourir car “elle disait que jouer une femme qui se suicide c’était devenir cette femme ” . Georges cède à sa requête ; Charbel poursuit en expliquant comment il a compris le personnage de Créon avec ses deux neveux morts pour rien dans une bataille absurde et son mensonge pour préserver l’honneur de la famille. Imane rompt l’accord en se présentant d’abord comme une palestinienne et seulement ensuite elle reprend ce qu’elle a conservé dans le personnage d’Antigone : ” celle qui dit non. Qui refuse les ordres, les consignes, les conseils. Celle qui ne met pas sa couverture comme les autres.; qui va hurler que c’est elle. Qui va refuser le bonheur avec Hémon. Et qui va choisir la mort pour ne pas se trahir. ” (197) 

4mur34.jpg
Le soir de la générale à Paris en février 1944
4mur33.jpg
 

Le narrateur raconte l’ambiance en février 44 pour la première de la pièce d’Anobli qui fut un triomphe; Anouilh a eu l’idée de cette pièce en 41 après avoir vu les affichettes rouges placardées par les nazis sur lesquelles ils affichaient le nom des terroristes  -résistants qui commettaient des attentats contre des collaborateurs ; En représailles les allemands fusillaient des otages ; Le  27 août 1941 un jeune ouvrier de 21 Paul Collette a ouvert le feu contre Pierre Laval ; il avait agi seul de son plein gré ; Torturé, il n’a pu avouer que son propre nom à la gestapo. Ce jeune résistant  lui a fait penser à Antigone . Les réactions de  la critique sont pourtant  partagées ; Pour la presse clandestine, cette pièce encourage la collaboration en tuant ceux qui s’y opposent ; Pour d’autres , au contraire “Antigone était une incarnation du refus. Offrant sa vie, elle condamnait Créon à la solitude des hommes perdus. Sa mort à elle serait sa chute à lui. Elle faisait de son royaume le lit de la colère. elle décimait la famille du bourreau, le laissait seul,avec trois gardes qui le tueraient bientôt après avoir acclamé la première poigne venue. ” ( 199) Le public se lève bouleversé  pour acclamer les acteurs et 17 jours plus tard seront fusillés les compagnons de Missak Manoukian, rassemblés sur l’Affiche rouge des allemands et  qui diront face à leurs bourreaux : “je meurs en soldat régulier de l’armée française de la libération” . Quant à Antigone, dans la pièce, elle dit qu’elle ne sait plus pourquoi elle meurt. 

La première rencontre des acteurs et du metteur en scène est terminée et il leur donne rendez-vous le 4 juin pour la répétition dans un lieu plus facile d’accès ; Imane a  finalement accepté de n’être plus qu’Antigone et de renoncer à se présenter comme une palestinienne  “nous portons des masques de tragédie, dit Hussein, et ils nous permettent d’être ensemble; Si nous les enlevons , nous remettons aussi nos brassards est c’est la guerre. ” (201) 

4mur27.jpg
 

Georges regrette alors de rentrer en France : il ne comprend pas pourquoi il ne reste pas là et il songe dans l’avion, en regardant sa photo entouré de sa femme et de sa fille, aux changements opérés en lui: ” Après avoir lutté en compagnie des autres, après avoir  espéré avec  eux, souffert avec eux, il avait quitté le combat sans un mot. Il ne se doutait pas que le monde continuait sans lui. Il avait oublié sa propre colère. Son poing était devenu main ouverte. “ Une fois à Paris, il se rend à l’hôpital et raconte à Sam la rencontre des acteurs.

La seconde rencontre a bien lieu le 04 juin 1982 au centre culturel grec et chaque acteur a apporté un accessoire : Imane un foulard le keffieh noir et blanc , Charbel une canne à pommeau d’argent qui fait office d’épée : “la faiblesse la toute-puissance ” Ils vont lire la pièce durant 3 jours et prévoient de se retrouver mi-septembre afin de préparer l’unique représentation  fixée le 1 octobre 1982. Les acteurs ne sont pas d’accord sur le sens de la pièce ; Pour Hussein, “Antigone est une gamine sans autre cause qu’elle même ” alors que pour Imane c’est un appel à la rébellion et pour Nakad une preuve d’amour. Georges leur rappelle que le texte a été écrit pendant une période noire de l’histoire et que chacun peut y puiser des forces . Il leur précise comment il entend jouer son rôle ” Je suis le Choeur. Je viens de Grèce antique. Je suis ce qu’Anouilh a conservé de Sophocle; Je suis en marge. Je suis le narrateur. Je présente les personnages, je raconte, j’anticipe. Je suis à la fois le messager de la mort et la voix de la raison. Je vais tournoyer au milieu de vous mais vous n’y prêterez aucune attention. Vous parlez aux autres personages alors que je m’adresse au public. Je suis le seul à briser le quatrième mur. Le seul à accepter le caractère fictionnel de mon rôle….” (219) Sur scène, explique Georges, le public doit voir les personnages se déplacer comme des pièces d’échiquier. A la demande des acteurs, Georges tente de leur faire saisir leurs personnages;  “Le garde n’est pas idiot juste totalement investi dans sa fonction. C’est le théâtre de boulevard qui cogne contre la tragédie.”   La force de ton personnage c’est que rien ne l’atteint. Boulot-boulot ajoute le metteur en scène à l’intention de Nabil le jeune chiite qui interprète l’un des gardes.  Pour Imane, Georges tente de définir Antigone “ Elle est jeune, exaltée, ébouriffée mais pas folle: elle est forte; c’est celle qui dit non.   Son refus du bonheur doit paraître incompréhensible et séduisant; Elle veut tout, tout de suite ou rien, jamais plus. Antigone c’est à la fois notre courage, notre obstination et notre perte. ” Georges termine par le personnage de Créon : personne n’a jamais su si c’était un salaud ou un héros; Chacun se débrouillait avec le Créon qui régnait à sa porte.  Charbel décide alors qu’Antigone mourra malgré lui et pas à cause de lui et Imane lui dit qu’il a le beau rôle. C’est à ce moment que le premier avion israélien se fait entendre à 15 h 11 et  bombarde Beyrouth…la répétition est terminée . Chacun se met à hurler en arabe et s’enfuit.. Le livre d’Anouilh  comme les acteurs, se retrouve éparpillé sur le sol .Vous pouvez lire la suite dans l’étude de l’extrait n° 2 …

 

05. janvier 2018 · Commentaires fermés sur Le prologue d’Antigone : commentaire du commentaire · Catégories: Première · Tags:
anti126.jpg
 

Commenter un texte consiste surtout à proposer à partir d’observations et de citations, des interprétations sur le sens de ce qui est écrit ; pour que l’exercice soit réussi, plusieurs facteurs entrent en compte dans des proportions variables. Le barème d’évaluation le jour de l’examen sanctionne essentiellement les erreurs de compréhension du texte appelées contresens . Sur les 16 points à attribuer, 3 ou 4 sont consacrés traditionnellement à la construction du devoir et 3 environ à l’expression ; Les 9 ou 10 points qui restent sont répartis entre  qualité et variété des observations, utilisation des citations et surtout présence d’interprétations. 

  • la qualité des observations est primordiale
  • le choix des citations et leur insertion dans les phrases est un point important 
  • la profondeur des interprétations (qui sont des hypothèses de lecture, des suppositions ) fait la différence entre les copies
  • la rigueur et l’efficacité de la démonstration est un atout non négligeable mais attention un plan vide ou un commentaire qui n’est composé que d’une grosse introduction et d’une conclusion ne vous rapportera guère plus de 6/7 points sur 20; chacune des 2 ou 3  parties doit comporter au moins deux sous-parties et leur longueur doit largement dépasser la taille d’une introduction !  

Les erreurs les plus fréquentes

  • consulter un corrigé et vouloir le résumer en ôtant soit les passages essentiels soit les éléments de construction du commentaire : c’est un signe que l’exercice n’est pas maitrisé ; Tous les corrigés ont une logique et si vous mixez des corrigés, vous devez en tenir compte dans l’architecture de votre devoir.
  • annoncer un plan et ne pas le suivre 
  • se focaliser sur des détails sans grand intérêt
  • commenter un texte qui n’est pas celui qui a été donné sous prétexte que les corrigés étudient l’intégralité du prologue 🙂 
  • dire qu’on va comparer deux textes : un commentaire ne prend appui que sur un texte et éventuellement des connaissances générales du théâtre par exemple mais on ne pouvait pas dire qu’on allait dans une troisième partie comparer ce prologue avec celui de Sophocle 
  • se méfier de la notion d’originalité; en effet prétendre qu'un texte est original nécessite qu’on soit capable de dire ce qu’il a de différent par rapport aux autres manières de commencer une pièce de théâtre ; autrement dit cela revient à connaître les grands principes de l’exposition au théâtre et  à expliquer pourquoi effectivement cette scène est différente de la plupart des autres expositions 
    anti122.jpg
     

     

 

Essayons d’y voir plus clair : il fallait commenter un prologue au théâtre ; 

D’abord partir de ses connaissances …..

ce que je sais : je connais la pièce , je sais que cette tragédie est une réécriture d’un mythe antique , je sais qu’au théâtre l’exposition a trois fonctions essentielles : présenter les personnages, le cadre et l’action c’est à dire permettre au public de comprendre ce qui va se passer (lire  par exemple l’article consacré à l’analyse de l’exposition d’une pièce de Giraudoux , elle aussi réécriture d’un mythe antique ) 

Ensuite :penser que c’est un texte de théâtre donc consacrer une partie de ses explications à la représentation ; Pour cela , un truc simple consiste à se mettre à la place d’un spectateur ; quel effet éprouve un spectateur qui entend parler d’un personnage qu’il voit en même temps? les acteurs tous présents  sur scène vont-ils exécuter les gestes que récite le prologue? 

La question essentielle qui est aussi la meilleur problématique parce qu’elle permet de cerner tous les enjeux du texte  : comment Anouilh met- il en scène cette réécriture d’une tragédie antique ? Un peu mieux que : quel est le rôle de ce prologue ? mais on pouvait parvenir au même résultat en faisant attention à ne pas oublier la dimension scénique du texte ; Aujourd’hui, on exige d’un élève qu’il envisage le texte de théâtre en vue de sa représentation; C’est pourquoi l’objet d’étude du bac de français  a changé et s’intitule désormais texte de théâtre et représentation; La plupart des corrigés proposés sur internet ne tiennent  pas compte de cette obligation et sont donc incomplets de ce point de vue. Du coup, rares sont les élèves qui y ont pensé 🙂  

anti125.jpg
 

Un  plans possible assez complet … du moins intéressant au plus intéressant , du plus évident au plus subtil

 1 Le prologue joue un rôle informatif 

a) expose pour le spectateur les liens entre les personnages qui par nature ne vont pas évoluer 

b) expose le cadre de la pièce 

c) expose les enjeux 

2. Un prologue sous le signe de la fatalité : comment Anouilh réécrit et modernise une tragédie antique 

a) les indices de la tragédie antique

b) la mort annoncée

c) la reprise du prologue antique 

3. Un prologue  qui modernise le théâtre : 

a) la  mise en abîme : la création d’un nouveau personnage

b) une mise en scène qui fait des spectateurs des cibles : destruction du quatrième mur ?

c) les références à l’actualité brûlante 

CCL :la première partie d’une conclusion reprend les conclusions de chaque partie du plan 

anti123.jpg
 

Anouilh réinvestit les codes du théâtre antique et classique une fabriquant une exposition conforme par certains points à ce qu’on exige d’une première scène au théâtre, c’est à dire la délivrances des informations essentielles (ma partie 1 )  mais il fait preuve d’une réelle  originalité à la fois par sa mise en scène très surprenante  et  ses adresses au spectateur par l’intermédiaire du personnage du prologue; En jouant avec la reprise des poncifs de la tragédie antique (ma partie 2) , le dramaturge redonne au mythe une force qui tient à ses liens avec l’actualité douloureuse de la première représentation au théâtre de l’Atelier en 1944. (ma partie 3) ; D’ailleurs le public, touché par cette héroïne et son parcours,  réserva un très bon accueil à cette pièce . 

 Idée d’ouverture thématique : A cette époque, Jean-Paul Sartre avec Les Mouches et Jean Giraudoux avec La guerre de Troie n’aura pas lieu reprennent eux aussi, sur scène, les mythes antiques en leur injectant la part de tragédie liée à la nouvelle guerre mondiale qui se joue sous les yeux des spectateurs ; Le public est ainsi amené à devenir lui aussi acteur de sa propre vie et la guerre fait résonner étrangement les combats de la révolte face la loi, du pacifisme et du bellicisme et nous amène à nous interroger sur la notion même de fatalité. 

Je vous joins des commentaires trouvés sur internet et commentés par mes soins …

anti121.jpg
 

Pour progresser : réfléchir à la nature du texte et à ses enjeux ; soyez plus curieux, plus observateurs et utilisez des termes techniques précis ; Ne vous focalisez par sur un plan avant 1 h 30 de travail d’observations …ayez en tête des plans possibles pour des types de textes (un combat, une exposition, une rencontre, un dénouement, des aveux ) Posez -vous des questions et votre plan tentera d’y répondre ! qu’apprend-t-on dans cet extrait ? ; quels sont les registres dominants? que voit-on ? que cherche-t-on à nous montrer ? Partez de vos connaissances sur des objets d’étude : l’histoire de la poésie, l’évolution de la figure du héros, l’évolution du théâtre …

Une devise qui vous aidera : ramenez l’étranger à ce qui vous est familier et l’inconnu à ce que vous connaissez déjà 

 

16. décembre 2017 · Commentaires fermés sur Antigone 82 : quelques pistes à explorer pour évoquer la pièce de Jean-Paul Wenzel · Catégories: Première · Tags:
Anti82.jpg
le metteur en scène 

Christophe Cardoni, journaliste, est revenu nous aider à évoquer quelques pistes d’interprétation pour travailler à la rédaction des articles de presse  qui feront écho à la représentation d’Antigone 82 de Jean-Paul Wenzel à l’ Orange Bleue, théâtre d’Eaubonne . Tout d’abord , le scénographe et metteur en scène a choisi de ne pas reprendre le titre du roman de Sorj Chalandon :Le quatrième Mur; Une partie de son geste artistique consiste, en effet, à abolir ce mur imaginaire, cette frontière  théorisée par Diderot , entre le public et l’espace scénique. Cette abolition tente de faire du théâtre un véritable lieu de rassemblement qui permet de se retrouver ensemble et d’échanger librement. 

 

 

Tout d’abord la disposition trifrontale peut marquer l’absence de frontière justement comme pour suggérer que les échanges se font librement, Dans le roman comme dans la pièce , le héros passe d’un espace à un autre avec beaucoup de difficultés et l’un des enjeux de la scénographie consisterait à  abolir symboliquement ces barrières , ces séparations ; C’est pourquoi les musiciens jouent à vue, les acteurs se changent à vue également et la caméra restitue une direct les images tournées derrière le rideau de cinéma qui matérialise le fond de scène; Le geste artistique du metteur en scène consiste à faire du théâtre ce lieu de rassemblement  qui force les personnages à sortir de leur enfermement; une tentative de rétablir la communication entre les différents protagonistes de la pièce.

Le rideau de scène a retenu notre attention: d’abord les élèves ont remarqué qu’il portait les stigmates de la guerre ;Il est brûlé à certains endroits et semble déchiré ; Ensuite il peut évoquer le lieu de répétition du roman: cet ancien cinéma abandonné au coeur de Beyrouth. Un lieu de passage et de transmission au coeur d’un espace en guerre et que la guerre justement va finir par détruire. 

Anti823.jpg
Imane tout en rouge

La musique peut également être considérée comme un lien entre les cultures ; d’abord la culture orientale : le oud étant un instrument traditionnel de la musique folklorique arabe et la guitare électrique qui représente l’occident et les années 80; les deux mini- scènes musicales sont installées de part et d’autre de la scène et les musiciens font également partie des acteurs ; Ils interprètent chacun différents personnages et ne sont pas simplement des musiciens. 

 Tous les acteurs endossent plusieurs rôles et parlent plusieurs langues; Il est intéressant de voir notamment combien de personnages peut interpréter un même acteur ; il devient tour à tour figurant et personnage principal dans d’autres scènes; 

Le mélange des genres est également bien respecté : certains passages comiques, comme dans le roman d’ailleurs, atténuent la portée dramatique de la pièce; On peut citer les barbes postiches des chiites lors des représentations, les concessions faites par Georges aux impératifs religieux pour pouvoir maintenir la représentation de la pièce; Le geste de théâtre montre la dimension confessionnelle du conflit en la rendant ostensible comme le tatouage de la croix sur le bras de Joseph-Boutres, sniper phalangiste,  qui fait écho à la kippa de Samuel et au keffieh porté par Imane et son frère , symbole des combattants palestiniens. 

Avec une certaine économie de moyens, Jean-Paul Wenzel a réussi à faire naître l’émotion du public: la distribution est réussie et lui-même, qui a du s’improviser acteur, fait un Marwan convaincant, vibrant d’humanité lors la scène très touchante de l’accolade avec Georges. 

Au final, on peut se demander si le théâtre atténue la représentation des réalités de la guerre ou les amplifie par rapport au roman ? 

ANti822.jpg
 

 

14. décembre 2017 · Commentaires fermés sur Parcours d’une héroïne : autour d’Antigone (parcours de lecture ) · Catégories: Première · Tags:
Anti90.jpg
 

Pour préparer l’entretien oral qui suit l’exposé, vous devez réunir des connaissances à la fois sur l’oeuvre étudiée mais également sur l‘histoire et l’évolution du genre théâtral. Les questions de l’examinateur sont variées mais elles visent à tester vos connaissances autour d’un objet d’étude . Le parcours de lecture proposé a pour objectif de vous préparer à cette seconde partie de l’oral du bac qu’on nomme l’entretien et qui dure environ 10 minutes;  Il est conseillé de vous entrainer régulièrement sur les séries de questions données durant l’année et de préparer des fiches qui résument l’histoire littéraire de la poésie, du roman , du théâtre ainsi que les principales formes argumentatives . Reprenons quelques points autour de la pièce d’Anouilh , Antigone . 

1. Il s’agit de présenter le mythe d’Oedipe et de connaître les noms de la famille proche et élargie autour d’Antigone ; n’oubliez pas le rôle de fille modèle et de guide pour son père. 

2 Définir son portrait peut être complexe mais efforcez vous de reprendre ses qualités et ses défauts;Surtout citez des éléments de la pièce  et essayez de vous souvenir des passages qui la caractérisent "la petite maigre, noiraude et renfermée, yeux graves , elle pense qu’elle va mourir et qu’elle est jeune (le prologue )  tu es l’orgueil d’Oedipe, ton sale caractère (Créon )  tu es folle …menteuse, ma colombe, file de roi, princesse (la nounou ) . Je ne suis pas aussi courageuse que toi , te voilà lancée sans écouter personne, ma petite soeur, c’est bon pour les hommes de croire aux idées et de mourir pour elles ) Piochez parmi les adjectifs suivants : têtue, orgueilleuse, déterminée, libre, négative, butée, obstinée, courageuse, suicidaire …..”elle a préféré sa folie et la mort” dira Créon à son fils  Hémon. 

Anti91.jpg
 

3. Anouilh dresse de la royauté un portrait original: Créon est défini comme un homme robuste aux cheveux blancs, avec des rides et fatigué; il se demande s’il n’est pas vain de conduire les hommes mais au matin, il se lève et se retrousse les manches; il a renoncé à ses plaisir personnels pour gouverner; il entend devenir un prince sans histoire et fait souvent référence à son beau-frère Oedipe dont il entend se démarquer : “moi j’ai les deux pieds sur terre et j’ai résolu de m’employer tout simplement à rendre l’orde de ce monde un peu moins absurde, si c’est possible “. C’est un métier; les rois ont autre chose à faire que du pathétique personnel j’ai le mauvais rôle , précise-t-il à Antigone..il affirme prendre le temps qu’il faudra pour la sauver en dépit des urgences du royaume: “Au lendemain d’une révolution ratée, il y  a du pain sur la planche, je te jureun matin je me suis réveillé roi, avoue-t-il et je me suis senti comme un ouvrier qui refusait un ouvrage. Il prétend aussi être un roi dont l’autorité est bafouée par les refus d’Antigone ; il n’a pas été assez fort pour l’empêcher de mourir .

4 et 17 et 22 . Anouilh construit sa pièce en imitant certains aspects des tragédies grecques dont il reprend d’ailleurs un sujet ; il place ainsi un prologue joué par un acteur (le même que celui qui interprétera le rôle du choeur ) au début de sa pièce; Ce prologue ,conformément à la tradition, annonce le sujet présente l’histoire et décrit les personnages ainsi que le dénouement .  

Le choeur lui aussi interviendra dans la tragédie à plusieurs reprises ; juste après l’annonce par les gardes de la découverte de la profanation (et voilà maintenant le ressort est bandé..lecture analytique 1 ) ; il s’adresse plutôt au public ; il s’adresse ensuite à Créon à la fin de la pièce pour lui demander de ne pas faire mourir Antigone et pour souligner sa folie ; Cette fois , il s’agit d’un échange avec le roi et le choeur rappelle qu’Antigone n’est qu’une enfant . Le choeur réapparaît lors du départ précipité d’Hémon ; Il semble inquiet et s’adresse une fois encore au roi: “Créon il faut faire quelque chose ” Il entrera sur scène pour annoncer après la sortie d’Antigone emmenée par les gardes ; “là, c’est fini pour Antigone “; Il dialogue avec le messager; ensuite avec Créon et  et reste sur scène jusqu’au baisser de rideau et prononce les dernier mots de la pièce ; Ce passage se nomme l’exodos dans la tragédie classique (la sortie du choeur qui marque la fin de la pièce ) . Anouilh a choisi un final pour le moins inattendu en partie” Il ne reste plus que les gardes; Eux tout ça, cela leur est égal; c’est pas leurs oignons. Ils continuent à jouer aux cartes. 

5.Pour résumer la différence entre les deux pièces, on peut évoquer la toute puissance de la religion à laquelle obéit l’héroïne grecque  de Sophocle alors que dans la pièce d’Anouilh, elle semble avant tout agir pour elle et invoque sa liberté de dire non.

Anti93.jpg
 

6. 7 et 8  Antigone entre en scène sans faire de bruit, à l’aube, ses chaussures à la main pour ne réveiller personne ; Elle vient de jeter une poignée de terre sur la dépouille de son frère Polynice et donc d’enfreindre la loi. Elle se fait surprendre par sa nounou qui pense qu’elle est allée rejoindre un garçon; Le drame s’ouvre donc sur un quiproquo comique . La nourrice la gronde et l’interroge et les réponses de la jeune fille ne sont pas comprises réellement. On notera le ton poétique avec lequel Anouilh décrit cette nuit là ..

9,10. La relation entre les deux soeurs est basée sur un contraste : Ismène,l’aînée se montre à la fois protectrice et raisonnable “moi je suis plus pondérée” ; elle tente de convaincre Antigone d'être sage et de renoncer à sa folie de s'occuper de la sépulture de leur frère; il y a un effet d’ironie tragique dans les paroles d’Ismène car c’est déjà trop tard ; deux échanges ont lieu dans la pièce entre les soeurs; Le premier juste après l’arrivée d’Antigone résume la jalousie de cette dernière , qui a longtemps été malheureuse à cause de la beauté de sa soeur . La seconde apparition d’Ismène suit la sortie d’Hémon ; Antigone est en pleurs et elle avoue à sa soeur ce qu’elle vient de faire; Ismène quitte la scène sur un cri. A la fin de la pièce au moment où les gardes vont l’emmener , Antigone refuse qu’elles pleurnichent toutes les deux ensemble et Ismène tente de la convaincre; C’est peine perdue..Ismène retourne alors se coucher et ne réapparaît qu’à la fin de la pièce elle fait son entrée en scène dans un cri  et demande pardon à sa soeur ..elle souhaite mourir avec elle mais Antigone refuse. Elle paraît donc n’avoir aucune influence sur sa jeune soeur ; Sa seconde entrée en scène est pathétique : “Je ne veux pas vivre si tu meurs,je ne veux pas rester sans toi ” crie-t-elle et Antigone semble alors plus pressée que les gardes l’emmènent comme si elle se refusait de céder à l’émotion . D’ailleurs on peut noter qu’elle s’ adresse assez durement à Ismène: “laisse-moi maintenant avec tes jérémiades” . Et elle lui reproche de ne pas être allée  elle aussi sur  la tombe de Polynice . Ismène promet de s’y rendre dès le lendemain. 

11. 12  Antigone est une véritable héroïne tragique notamment parce que sa mort est inscrite dans le texte; Dès le début de la pièce et bien avant que son forfait soit découvert, elle s’exprime comme si elle allait mourir;Le dramaturge emploie fréquemment le  conditionnel passé notamment et évoque la vie future sans elle , la tristesse de sa chienne qu’elle suggère da’illeurs étrangement de faire piquer , la suite de la vie d’Hémon . Autant de petits détails qui révèlent qu’elle se comporte comme si elle savait d’ ores et déjà que ses jours sont comptés. “Nounou tu ne devrais pas être trop méchante ce matin …moi aussi j’aurais bien voulu ne pas mourir..”  Elle demande d’ailleurs à sa nounou de la consoler comme quand elle  était petite et lui avoue qu’elle seule doit savoir que justement elle se sent un “peu petite” pour ce qui l’attend. Antigone apparaît fragile dans cette scène et cherche une aide auprès de sa nourrice. 

Anti94.jpg
 

13. Cette scène pathétique précède l’arrivée d’Hémon , le fiancé de la jeune fille et son amoureux également. Antigone lui avoue alors qu’elle s’était faite belle  la veille pour se donner à lui mais il a ri en la voyant si belle avec la robe d’Ismène et  maquillée ; alors Antigone s’est sentie vexée et elle s’est enfuie. Elle révèle à Hémon qu’elle ne l’épousera jamais et lui demande de sortir sans la regarder. 

14. Les entrées des personnages rythment la pièce comme souvent au théâtre; Une fois Hémon sorti, Ismène revient pour implorer sa petite soeur de ne pas commettre l’irréparable mais cet échange est interrompu tragiquement par l’arrivée du garde qui vient justement prévenir le roi Créon que le cadavre de Polynice a été recouvert par un peu de terre “juste assez pour le cacher aux vautours ” ; Le crime vient donc d’être découvert ce qui va précipiter l’enchainement inéluctable des faits comme le suggère la tirade du choeur (notre extrait 1 ) 

15. Les gardes constituent un contrepoint comique dans la pièce ; Leur fonction principale est de dédramatiser l’action et leur bêtise ainsi que le caractère obtus, leurs querelles , distraient le spectateur . Le prologue les présente comme “trois hommes rougeauds qui jouent aux cartes; Ce ne sont pas des mauvais  bougres précise-t-il. Ils ont des femmes et des enfants des petits ennuis aussi comme tout le monde mais ils vous empoigneront les accusés le plus tranquillement du monde tout à l’heure . Ils sentent l’ail le cuir et le vin rouge .  Ils sont dépourvus d’imagination. Ce sont les auxiliaires toujours innocents  et toujours satisfait d’eux-mêmes ,de la justice de Créon. Ils entrent en scène pour avertir le roi dont ils craignent la réaction. Ce dernier leur demande de garder le silence et les accuse de négligence; Il les menace de mort s’ils ébruitent l’affaire . Ils reviennent après avoir arrêté Antigone qui a recommencé à gratter la terre de la tombe de son frère mais apparemment ils ne savent pas qui elle est et surtout  ils ne la croient pas quand elle se présente comme la fille d’Oedipe .Ils  s’expriment familièrement et entendent bien profiter de leur solde pour aller au restaurant . Ils donnent leur version des faits à Créon et quittent la scène; Ce dernier les fera revenir sur scène quand il aura pris enfin la décision de faire exécuter sa nièce ; Antigone va alors tenter de dicter une dernière lettre d’adieu à son fiancé et le garde qui la surveille maintient volontairement ses distances avec elle même s’il accepte d’écrire la lettre qu’elle lui dicte. A l’arrivée de ses camarades, il glisse l'”anneau que lui a remis la jeune fille dans sa poche et range le carnet sur lequel il écrivait .. et “gueule pour se donner une contenance ” Allez! pas d’histoires !  Lorsque le rideau se baisse , on indique que les gardes sont en train de jouer aux cartes. 

Anti92.jpg
 

16. et 18 . La pièce résume assez brièvement les éléments de l’enquête qui conduit à l’arrestation d’Antigone; Le premier indice c’est la terre qui  a bougé,; on pourrait soupçonner un animal mais “la terre était jetée sur lui selon les rites ” ensuite les traces de pas d’oiseau autour de la tombe, des petits pieds d’enfant, une petite  pelle d’enfant toute vieille et toute rouillée  avec le nom de Polynice et enfin,Antigone se fait prendre une flagrant délit en train de gratter la terre. “comme une petite hyène” ;Elle a de la terre sous les ongles et ne cherche nullement à nier les faits .

19. 20 et 23  La partie centrale de la tragédie est un long face à face entre Créon et sa nièce; Ils s’opposent âprement et le roi tente , à plusieurs reprises de justifier ses décisions et d’expliquer les contraintes de l’exercice du pouvoir. Les grecs appelaient ces affrontements des duels oratoires ou agon. La première étape consiste pour l’oncle à interroger sa nièce et à lui rappeler qu’elle a enfreint ses ordres; elle reconnait immédiatement ses torts “j’étais certaine que vous me feriez mourir ” dit elle. Le roi lui rappelle ensuite l’histoire de sa famille, le destin funeste de son père et tente de lui faire peur; Il pense que cela va suffire à lui faire entendre raison mais elle demeure sur ses positions, déterminée à y retourner : “Il faut que j’aille enterrer mon frère ”  Elle fait ce geste pour elle et prétend qu’il ne peut la sauver en dépit de son pouvoir de roi: “ni me sauver ni me contraindre.. vous pouvez seulement me faire mourir.”  Créon invoque ensuite les raisons d’Etat : l’exposition du cadavre du régicide est nécessaire selon lui pour que  les brutes qu’il gouvernent comprennent . “il faut pourtant qu’il y en ait qui disent oui” explique-t-il à sa nièce dans une longue tirade sur les difficultés de exercice du pouvoir . Mais Antigone demeure murée dans une sorte de mépris alors il tente de lui raconter qui était vraiment son frère et le mal qu’il a fait endurer à leur famille. Après ces révélations, Antigone semble touchée et affaiblie mais elle le provoque dans un dernier sursaut d’orgueil  en le traitant de “cuisinier” et il tente désespèrement de la faire taire. Il appelle alors les gardes pendant qu’Ismène lui lance qu’elle se rendra elle aussi le lendemain sur la tombe de leur frère. Le geste d’Antigone aurait-il fait des émules ? 

21 Le refus du bonheur : alors que son oncle essaie de la convaincre qu’elle doit croire au bonheur, Antigone remet en question ce mot ; “quel sera-t-il mon bonheur ? ” elle affirme ne jamais pouvoir être heureuse si elle doit mentir, se vendre et laisser mourir en détournant le regard . Elle maintient son  choix; “vous me dégoûtez tous avec votre bonheur; avec votre vie qu’il faut aimer coûte que coûte. On dirait des chiens qui lèchent tout ce qu’ils trouvent. ” 

25. Il est difficile de se prononcer  au final sur l’attitude de la jeune fille  et les avis seront surement partagés; que vous la trouviez courageuse, idéaliste et admirable ou au contraire butée, orgueilleuse et égoïste, il vous faudra justifier votre avis en vous servant d’éléments précis dans la pièce et notamment de citations. 

26. En 1944 dans la France occupée, il est difficile de faire entendre publiquement ses divergences avec le gouvernement provisoire de Vichy, sous les ordres des allemands ; Le pays est occupé et la guerre fait rage; des français de plus en plus nombreux combattent dans la Résistance et d’autres ne savent pas très bien dans quel camp se situer. Anouilh a utilisé un mythe mais on peut penser qu’Antigone représente la position de certains résistants décidés à donner leur vie pour leur idéologie ( destruction du nazisme et du Reich) ; la pièce a été applaudie longuement et a connu un triomphe . 

27. Le public a été enthousiaste . Dans le roman de Chalandon, il résume notamment l’ambiance lors de la première représentation. 

28. La notion de mélange des genres désigne le fait de passer dans une même pièce de passages tragiques et pathétiques à des scènes plus légères qui comportent des élément comiques ; C’est la fin de la séparation des deux principaux genres que sont la comédie et la tragédie; Ensuite c’est plutôt une question de proportion entre les éléments comiques et les éléments tragiques .

 

 

26. octobre 2017 · Commentaires fermés sur Qui est Antigone ? · Catégories: Première · Tags:

Fille maudite d’un héros lui-même maudit, Antigone voit son destin scindé en deux parties. 

anti1.jpg
 

 Antigone est donc au départ de son histoire,  la fille d’un inceste tragique; son père Oedipe,  devenu roi de Thèbes après sa victoire sur le sphinx, a épousé la reine Jocaste,  sans savoir qu’elle était sa mère biologique. Abandonné à sa naissance par ses parenst  Jocaste et LaIos, oedipe n’a pas été sacrifié comme cela avait été prévu par ses parents par le serviteur destiné à le mettre à mort ; il a simplement été laissé attaché  dans le désert et recueilli par un berger qui l’a conduit auprès de ses maîtres : le roi et la reine de Corinthe qui l’ont adopté et lui ont caché ses véritables origines; Toutefois, des rumeurs laissaient entendre qu’il était un “enfant trouvé ” et pour en avoir le coeur net, Oedipe décéda d’aller consulter un oracle qui lui révéla la vérité mai sous une forme obscure ; Il tuerait son père et coucherait avec sa mère. C’est ce même oracle qui avait déjà prédit vingt an plus tôt à se parents biologiques que leur premier fils serait à tous deux la cause de leur mort. C’est pourquoi Laiös et Jocaste avaient décidé de sacrifier Oedipe, leur premier né.

Après avoir entendu l’oracle , Oedipe décide de ne jamais retourner à Corinthe où il pense qu’il pourrait faire du mal à ses parents ; il prend alors le chemin de Thèbes et en chemin, rencontre un vieillard qui refuse de lui céder le passage; Il tue ce dernier dans un accès  de colère devenant ainsi le meurtrier de son père biologique qu’il n’a jamais connu. En chemin, il triomphe de l’énigme du monstre qui terrorisait la région et reçoit comme trophée le trône de la ville de Thèbes occupé par Créon et sa soeur Jocaste depuis la mort de Laïos. Il devient ainsi le roi légitime. Il fonde une famille avec celle qui est à la fois sa mère et son épouse.  Mais les Dieux vont lui révéler l’étendu edu ses crimes et l’accomplissement de l’oracle.

 Après le suicide de Jocaste, honteuse de son inceste involontaire, Oedipe, qui s’est crevé les yeux, s’exile à Colone sous la conduite d’Antigone. Sa soeur Ismène les y rejoint. Le poète Ducis met ces mots dans la bouche d’Oedipe s’adressant à sa fille qui a su si bien s’occuper de lui. 

anti7.jpg
 

Oui, tu seras toujours chez la race nouvelle
De l’amour filial le plus parfait modèle; 
Tant qu’il existera des pères malheureux 
Ton nom consolateur sera sacré pour eux: 
Il peindra la vertu , la pitié vive et tendre
Jamais sans tressaillir ils ne pourront l’entendre! 

 A retenir : Antigone devient , en quelque sorte, la fille modèle , entièrement dévouée à un père monstrueux et aveugle qui nécessite d’être aidé en permanence et qui dépend totalement d’elle . 
 

Après la mort d’Oedipe, les jeunes filles reviendront volontairement à Thèbes où le roi Créon, leur oncle, avait promis de marier Antigone à son fils Haemon ou Hémon. Une guerre de succession oppose  alors les frères d’Antigone :  Etéocle et Polynice qui finissent par  s’entretuer.    Créon , alors au pouvoir après la mort de sa soeur et l’exil d’Oedipe,  ordonne de  donner à Etéocle une sépulture décente, mais de laisser  le corps de Polynice, qu’il considérait comme un traître à sa patrie,  sans sépulture, à l’endroit  même où il était tombé. Antigone, convaincue que la loi divine qui exige qu’un corps reçoive les honneurs funéraires  devait l’emporter sur les décrets humains, décida, en dépit de l’interdiction proférée par Créon, de rendre les honneurs funèbres à son frère. Surprise par les gardes parce qu’elle avait jeté de la terre sur le mort, elle fut amenée devant le roi. 

 Créon la condamna à être enfermée vivante dans le tombeau des Labdacides où elle devait mourir de faim. Ismène voulut partager son sort mais Antigone refusa car elle n’avait pas eu, en son temps, le courage de s’opposer à Créon. Le devin Tirésias rapporta à Créon ces paroles à peine obscures où il devait sous peine de malédiction plutôt “enterrer les morts et  déterrer les vivants“. Créon comprit et se précipita au tombeau pour le faire ouvrir mais il était déjà trop tard.Antigone s’était pendue avec sa ceinture et son amant éploré, Haemon, chercha d’abord à tuer son père et en le maudissant, il se suicida à son tour suivi dans son acte par sa mère, Eurydice, la femme de Créon qui se trancha la gorge. Le destin tragique d’Antigone se poursuit donc avec ce combat qui l’oppose à Créon, la figure de l’autorité et des lois de la cité; la jeune femme incarne pour beaucoup l’héroïsme de celle qui ose braver la loi des hommes  quand elle ne lui parait pas juste; déterminée et farouche dans son obstination, elle se bat  pour imposer ses idées et faire triompher les loi divines; elle pourrait incarner aussi, dans se côtés obscurs, une part de fanatisme dans son intransigeance .

Antigone et Polynice (c.1806) 
Benjamin CONSTANT 
 

Il existe une autre version  d cela fin tragique d’Antigone racontée par Euripide. Créon imposa à son fils de châtier sa future épouse car ce pouvoir appartient au mari ou au fiancé. Haemon fit semblant d’obéir et cacha Antigone à la campagne où elle lui donna un enfant. Mais un jour que ce dernier participait à une épreuve sportive à Thèbes, Créon remarqua une marque en forme de fer de lance qui était une caractéristique héréditaire de la famille. Il comprit ce qui s’était passé et condamna à mort Haemon et Antigone. Mais Dionysos (ou Héraclès) en personne venu assurer la défense, obtint le pardon et ainsi Haemon et Antigone purent se marier et vivre librement. 

 

Antigone conduit Oedipe hors de Thèbes
Charles-François JALABEAT
 

 

Oedipe conduit par Antigone
Antoni BRODOWSKI (1828) 
 

 

25. septembre 2017 · Commentaires fermés sur Un résumé très résumé d’Antigone d’Anouilh · Catégories: Première · Tags:

Tragédie en prose , en un acte. 

anoui3.jpg
l’auteur 

Le personnage baptisé le Prologue présente les différents protagonistes et résume la légende de Thèbes ( Anouilh reprend cette tradition grecque qui consiste à confier à un personnage particulier un monologue permettant aux spectateurs de se rafraîchir la mémoire. Le Prologue replace la pièce dans son contexte mythique). Toute la troupe des comédiens est en scène. Si certains personnages semblent ignorer le drame qui se noue, d’autres songent déjà au désastre annoncé. Antigone est présentée de manière plutôt péjorative comme une petit fille noiraude maigre est frêle; En face d’elle, le roi Créon est décrit comme robuste et travailleur. Il n’hésite pas à se retrousser les manches  

 

Antigone rentre chez elle , à l’aube, après une sortie nocturne. Elle est surprise par sa nourrice qui lui adresse des reproches. L’héroïne doit affronter les questions de sa nounou. Le dialogue donne lieu à un quiproquo . La nourrice prodigue des conseils domestiques ( ” il va falloir te laver les pieds avant de te remettre au lit”) tandis qu’Antigone évoque son escapade avec beaucoup de mystère ( ” oui j’avais un rendez-vous”) . Mais elle n’en dira pas plus.

La nourrice sort et Ismène, la sœur d’Antigone, dissuade cette dernière d’enfreindre l’ordre de Créon et d’ensevelir le corps de Polynice. Ismène exhorte sa sœur à la prudence (“Il est plus fort que nous, Antigone, il est le roi”) . Antigone refuse ces conseils de sagesse . Elle n’entend pas devenir raisonnable.

anoui6.jpg
La découverte du corps “honoré”

Antigone se retrouve à nouveau seule avec sa nourrice. Elle cherche à surmonter ses doutes et demande à sa nourrice de la rassurer. Elle tient aussi des propos ambigus pour ceux ( et c’est le cas de la nourrice) qui ne connaissent pas son dessein . Elle semble décidée à mourir et évoque sa disparition à mots couverts ” Si, moi , pour une raison ou pour une autre, je ne pouvais plus lui parler…”.

Antigone souhaite également s’expliquer avec son fiancé Hémon. Elle lui demande de le pardonner pour leur dispute de la veille. Les deux amoureux rêvent alors d’un bonheur improbable. Sûre d’être aimée , Antigone est rassurée. Elle demande cependant à Hémon de garder le silence et lui annonce qu’elle ne pourra jamais l’épouser. Là encore , la scène prête au quiproquo : le spectateur comprend qu’Antigone pense à sa mort prochaine, tandis qu’Hémon , qui lui n’a pas percé le dessein d’Antigone, est attristé de ce qu’il prend pour un refus. 

Ismène revient en scène et conjure sa sœur de renoncer à son projet. Elle affirme même que Polynice, le “frère banni”, n’aimait pas cette sœur qui aujourd’hui, est prête à se sacrifier pour lui et à lui donner sa vie alors même qu’il est mort.

Antigone avoue alors avec un sentiment de triomphe, qu’il est trop tard, car elle a déjà , dans la nuit, bravé l’ordre de Créon et accompli son geste ” C’est trop tard. Ce matin , quand tu m’as rencontrée , j’en venais.”

Jonas, un des gardes chargés de surveiller le corps de Polynice, vient révéler à Créon, qu’on a transgressé ses ordres et recouvert le corps de terre. Le roi veut d’abord croire à un complot dirigé contre lui et fait prendre des mesures pour renforcer la surveillance du corps de Polynice. Il semble également vouloir garder le secret sur cet incident : ” Va vite. Si personne ne sait, tu vivras.”

anoui5.jpg
 

Le chœur s’adresse directement au public et vient clore la première partie de la pièce. Il commente les événements en exposant sa conception de la tragédie qu’il oppose au genre littéraire du drame. Le chœur affiche également une certaine ironie et dévoile les secrets du dramaturge : “c’est cela qui est commode dans la tragédie. On donne un petit coup de pouce pour que cela démarre… C’est tout. Après on n’a plus qu’à laisser faire. On est tranquille. Cela roule tout seul.”

Antigone est traînée sur scène par les gardes qui l’ont trouvée près du cadavre de son frère. Ils ne veulent pas croire qu’elle est la nièce du roi , et  ils la traitent avec brutalité. Ils se réjouissent de cette capture et des récompenses et distinctions qu’elle leur vaudra.

Créon les rejoint. Les gardes font leur rapport . Le roi ne veut pas les croire. Il interroge sa nièce qui avoue aussitôt. Il fait alors mettre les gardes au secret, avant que le scandale ne s’ébruite.

Créon et Antigone restent seuls sur scène. C’est la grande confrontation entre le roi et Antigone. Le roi souhaite étouffer le scandale et ramener la jeune fille à la raison. Dans un premier temps , Antigone affronte Créon qui tente de la dominer de son autorité.

Les deux protagonistes dévoilent leur personnalité et leurs motivations inconciliables. Créon justifie les obligations liées à son rôle d’homme d’état . Antigone semble sourde à ses arguments : (Créon : Est ce que tu le comprends cela ? Antigone : ” Je ne veux pas le comprendre.”) . A court d’arguments Créon révèle les véritables visages de Polynice et d’Etéocle et les raisons de leur ignoble conflit. Cet éclairage révolte Antigone qui semble prête à renoncer et à se soumettre. Mais c’est en lui promettant un bonheur ordinaire avec Hémon, que Créon ravive  son amour-propre  et provoque chez elle un ultime sursaut. Elle rejette ce futur fade et se rebelle à nouveau. Elle choisit une nouvelle fois la révolte et la mort.

anti10.jpg
 

Ismène , la sœur d’Antigone entre en scène alors que cette dernière s’apprêtait à sortir et à se dénoncer publiquement , ce qui aurait obligé le roi à l’emprisonner. Ismène se range aux côtés d’Antigone et est prête à mettre elle aussi sa vie en jeu. Mais Antigone refuse , prétextant qu’il est trop facile de jouer les héroïnes maintenant que les dés ont été jetés. Créon appelle la garde , Antigone clôt la scène en appelant la mort de ses cris et en avouant son soulagement ( Enfin Créon !)

Le chœur entre en scène. Les personnages semblent avoir perdu la raison, ils se bousculent. Le chœur essaye d’intercéder en faveur d’Antigone et tente de convaincre Créon d’empêcher la condamnation à mort d’Antigone. Mais le roi refuse , prétextant qu’Antigone a choisi elle-même son destin, et qu’il ne peut la forcer à vivre malgré elle.

Hémon vient lui aussi, ivre de douleur, supplier son père d’épargner Antigone, puis il s’enfuit. 

Antigone reste seule avec un garde. Elle rencontre là le “dernier visage d’homme”. Il se révèle bien mesquin, et ne sait parler que de grade et de promotion. Il est incapable d’offrir le moindre réconfort à Antigone. Cette scène contraste, par son calme, avec le violent tumulte des scènes précédentes. Apprenant qu’elle va être enterrée vivante, éprouvant de profonds doutes ( ” Et Créon avait raison, c’est terrible maintenant, à côté de cet homme, je ne sais plus pourquoi je meurs.” , Antigone souhaite dicter au garde une lettre pour Hémon dans laquelle elle exprime ses dernières pensées. Puis elle se reprend et corrige ce dernier message ( “Il vaut mieux que jamais personne ne sache”). C’est la dernière apparition d’Antigone.

Le messager entre en scène et annonce à Créon et au public la mort d’Antigone et la mort de son fils Hémon. Tous les efforts de Créon pour le sauver ont été vains. C’est alors le chœur qui annonce le suicide d’Eurydice, la femme de Créon : elle n’a pas supporté la mort de ce fils qu’elle aimait tant. Créon garde un calme étonnant . Il indique son désir de poursuivre ” la sale besogne ” et sort en compagnie de son page.

 Le chœur entre en scène et s’adresse au public : Il constate avec une certaine ironie la mort de nombreux personnages de cette tragédie : “Morts pareils, tous, bien raides, bien inutiles, bien pourris.”  . Il ne reste plus que Créon dans son palais vide . Les gardes , eux continuent de jouer aux cartes , comme ils l’avaient fait lors du Prologue. Ils semblent les seuls épargnés par la tragédie.