25. novembre 2016 · Commentaires fermés sur Le théâtre comme tribune : l’exemple de Ruy Blas et des ministres III, 1 · Catégories: Première · Tags:
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Lorsqu’il compose son drame romantique en 1838, Hugo n’a pas seulement comme objectif d’évoquer la situation politique de la France mais il utilise la dimension historique de son intrigue afin de reprendre un certain nombre d’arguments au moyen desquels sil vise le mode de gouverment de la France sous la Restauration et la monarchie de Charles X ; les personnages qui s’affrontent sur scène, au cours de l’acte III, représentent les aristocrates et leurs privilèges et d’autre part, le peuple qui entend prendre part aux débats publics. Voyons quels arguments s’opposent dans cet acte central qui voit Ruy Blas, sous l’identité de Don césar, interrompre le conseil privé du roi  ?  Quelle image des courtisans Hugo dépeint-il ici et quels défauts critique -t-il au cours de cette première scène  ? 

Un portrait peu flatteur des courtisans : Hugo les montre tout d’abord médisants ; ils ne cessent de se jalouser les uns les autres et de dire du mal des absents, de soupçonner des secrets inavouables et des complots : Ainsi ils admettent mal être dirigés par une femme (la reine ) et soupçonnent cette dernière d'être sous la coupe de Don César.  Ils font de César un portrait caricatural : ce dernier serait un être singulier qui vit dans le noir, entouré de serviteurs muets et qui a la réputation d’avoir été “le plus grand fou que la lune eût vu naître ” ; les ministres rappellent alors sa vie dissolue “il changeait tous les jours de femmes, de carrosses” et imaginent des secrets peu avouables qui pourraient justifier sa fortune ;  ils sont en réalité extrêmement jaloux de son ascension fulgurante car il est devenu leur maître :” le voilà secrétaire universel, ministre et puis duc D’olmedo“: on mesure ici toute la rancoeur des propos tenus par le Comte de Camporeal . Pour le public qui connaît les origines du personnage de Ruy Blas devenu Duc, les soupçons des conseillers créent un effet dramatique car le secret de ce dernier risque d’être découvert; On obtient même un effet comique quand il est question de sa “grande race ” selon l’intervention de Don Ubilla . Les spectateurs mesurent alors l’erreur commise par les conseillers et réfléchissent  aux compétences de Ruy Blas ainsi qu’à son rang social ; Quelles sont les qualités indispensables pour bien gouverner ?

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Tel est l’enjeu de ce passage de la pièce . Pour les ministres, la réussite de ce récent Duc d’Olmedo serait liée à la préférence que la reine lui accorderait et l’expression “on le sert derrière le rideau ” au début du passage, sous- entend qu’il obtient des faveurs  intimes de la part de la souveraine. De plus, lorsque Ubilla prend sa défense pour expliquer qu’il le croit “homme probe” ; les autres conseillers se moquent de lui et de sa naïveté  ; la cour apparaît alors comme un lieu où règne la médisance et les courtisans ne sont pas de modèles d’honnêteté : loin de là !

Entre eux, ils se querellent et se jalousent et s’invectivent à plusieurs reprises ; Les didascalies externes indiquent clairement que le ton monte par moments : les groupes d’hommes causent “à voix basse ” , signe qu’ils ne veulent pas être entendus par tous; les apartés sont fréquents comme l’indique bas; Covadenga est montré "s’échauffant”  et Montazgo “se récriant ” ; les rires moqueurs entrecoupent les prises de paroles à trois reprises : ” éclatant de rire ” par exemple pour marquer l’intervention du Comte de Caporeal; la scène se termine par une sorte de brouhaha où note le dramaturge:  “tous se lèvent et parlent à la fois, se querellant” 

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Le conseil privé du roi prend alors des allures de marché, une véritable foire d’empoigne  et les tractations entre les ministres nous paraissent sordides : l’Espagne est alors comme un gâteau dont chacun chercherait à se tailler la meilleure part.

La cupidité des conseillers est mise en évidence par de nombreux indices et il est en effet, beaucoup question d’argent dans cette scène; nous notons d’abord que ,des sommes précises  sont rappelées comme par exemple le coût de l’entretien des gens au service de la reine : “six cent soixant quatre mille soixante -six ducats ” et ce montant est prononcé “en appuyant sur les chiffres “;  ce pactole est considéré comme une proie dont on chercherait à s’emparer; la métaphore “jeter le filet à coup sûr “désigne l’idée selon laquelle Ruy Blas serait intéressé par la fortune de la souveraine; le Comte du Caporeal poursuit sa réplique en ajoutant une sorte de maxime : “eau trouble, pêche claire ” qui discrédite les intentions du Duc d’Olmedo, qualifié implicitement ici d’homme vénal; ce type de commentaire traduit, en fait , pour les spectateurs, la cupidité des ministres qui sont présentés comme avides d’accroître leurs richesses personnelles au détriment de l’intérêt public; Tous les moyens leur semblent indiqués pour augmenter leurs privilèges : le népotisme est mentionné . Montazgo cherche à placer son neveu à un poste d’alcade et il a payé pour cela Ubilla , ou plutôt ce dernier a détourné de l’argent public à des fins personnelles. La corruption est pratiquée à tous les échelons du royaume : Ubilla, en échange attend en retour la nomination de son cousin, à un poste de bailli. Ces emplois publics étaient rémunérés grassement et ne pouvaient s’exercer sans l’intervention d’un parent , d’une personne ami haut placée. 

Le lecteur a l’impression d’assister à la mise à sac du royaume d’Espagne comme si ce dernier était totalement morcelé; les hommes se déchirent pour obtenir la plus grosse part ; les énumérations vous indiquent déjà clairement l’importance des biens possédés : ” Camporeal reçoit l’impôt des huit mille hommes, l”almojarifazgo, le sel, mille autres sommes; le quint du cent de l’or, de l’ambre et du jayet. ” Lorsque Covadenga se plaint de ne rien avoir, il est aussitôt traité de “vieux diable ” par le Comte de Camporeal , celui là même qui possède de très nombreux biens et qui l’accuse de prendre “les profits les plus clairs” ; Chacun jalouse donc la fortune de ses concurrents et s’estime lésé, à tort; Le dramaturge montre par ces énumérations et ces disputes la grande cupidité des conseillers et leurs tractations s’achèvent symboliquement par le poison  (celui là même qui va tuer Ruy Blas ) et les esclaves considérés comme de vulgaires marchandises : ” Donnez-moi l’arsenic, je vous cède les nègres. ” C’est à ce moment que Ruy Blas va intervenir pour fustiger l’attitude des courtisans. 

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Hugo fait donc ici un portrait critique des ministres qui n’ont aucun sens de l’intérêt collectif et mettent à sac les richesses du royaume en cherchant uniquement à placer les membres de leur famille à des postes clés; montrés comme cupides, oisifs et querelleurs, ils représentent un danger pour le peuple ; Hugo rejoint ainsi la tradition du portrait critique des courtisans et l’intervention de Ruy Blas va représenter l’introduction du peuple en politique; en effet, ce dernier qui n’est pas né noble , va prendre la défense des classes laborieuse qui sont écrasés par les impôts et dont la sueur enrichit les Grands.  

13. novembre 2016 · Commentaires fermés sur Les lettres au théâtre : simples accessoires ou véritables instruments ? · Catégories: Seconde · Tags: ,
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Quoi de moins scénique qu’une lettre?  par définition, elle est écrite pour être lue par son destinataire et son contenu n’a pas pour vocation d’être exposé au public .A moins qu’il s’agisse justement d’une lettre publique appelée aussi lettre ouverte ; De nombreux dramaturges ont eu recours à ce qui n’est parfois qu’un artifice pour rendre le hors- scène présent ; prenons quelques exemples ..

Dans Cyrano de Bergerac, pièce d’Emond Rostand, Roxane lit à voix haute, les lettres d’amour qu’elle pense avoir été écrites par Christian mais au cours d’une scène célèbre, les spectateurs apprennent que Cyrano est en réalité l’auteur des mots d’amour que Roxane reçoit ; il prête se mots et sa plume au beau Christian et masque ainsi sa laideur et sa timidité derrière le visage d’un autre . Dans Ruy Blas, plusieurs lettres vont jouer un rôle important ; Au début de la pièce, Salluste, marquis de Finlas, fait écrire à Ruy Blas son valet, une sorte  de contrat d’allégeance qui stipule qu’il agit pour son compte exclusivement; Ensuite, nous apprenons que Ruy Blas écrit, en secret, des mots d’amour à la reine et les dépose sur un banc dans le jardin avec un bouquet de ses  fleurs préférées.

La reine va même recevoir une lettre totalement anodine du roi qui lui annonce fièrement qu’il a tu six loups; A cette occasion, elle

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va découvrir que Ruy Blas est l’auteur des billet doux qu’elle reçoit régulièrement car elle a reconnu son écriture ; en effet, le roi a dicté osa propre émettre à Ruy Blas et ce dernier est chargé de l’apporter à la reine ; la lettre jeu donc ici un double rôle dramatique; elle donne une présence te une voix au personnage du roi mais elle fait également avancer l’intrigue dans la mesure où elle permet à la reine de découvrir l’identité de son mystérieux amant romantique . 

Vous avez le choix , pour compléter l’intrigue de Ruy Blas , de composer une de ces 4 lettres 

  • Un lettre de Don Sallust dans laquelle il tente de trouver des arguments afin que son cousin césar alias Zafari accepte de lui prêter main-forte dans ses projets de nuire à la reine.
  • une lettre du roi d’Espagne qui en mission à l’étranger écrit à la reine; il lui révèle des secrets d’Etat, le contenu de sa mission qui a pour but de rendre à l’Espagne sa gloire passée ; A la fin de sa missive, il glisse quelques mots plus intimes pour son épouse.
  • Ruy Blas avant de se suicider en buvant la fiole de poison, laisse une lettre pour la reine et lui tend juste avant de mourir; elle la lit sur scène au moment où le jeune homme agonise ou juste après son trépas.
  • Après la mort de Ruy Blas, la reine découvre qu’elle est enceinte ;  elle cache  au roi cette liaison secrète avec Ruy Blas  mais elle  décide alors d’écrire une lettre destinée à son futur enfant pour lui révéler les circonstances de sa conception . 
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Dans tous les cas, quel que soit le sujet qui vous inspire, vous devrez mettre en scène la lettre en précisant dans quelles circonstances elle est, soit écrite, soit lue. Votre texte comporter donc une série de didascalies qui indiquent clairement la mise en scène avec la position des personnages, des éléments de décor et de scénographie. (4 pts) 

Votre lettre se composera ensuite des formules d’usage : adresse, date , envoi et signature; vous veillerez à respecter la langue du dix-neuvième siècle et l’orthographe en usage actuellement  (4 pts) 

Les éléments de contenu de cette épître seront en relation, à la fois avec le personnage mais surtout avec les éléments  déjà connus de l’intrigue ; vous pourrez donc vous inspirer librement de certains scènes pour inventer ces lettres mais vous respecterez scrupuleusement les indications données par le dramaturge à l’intérieur de Ruy Blas. (8 pts)