06. janvier 2019 · Commentaires fermés sur Quand Zola imagine la révolution : un roman “visionnaire ” et pas toujours réaliste … · Catégories: Seconde · Tags: , ,
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 En lisant Germinal, on pourrait penser qu’il ne s’agit pas vraiment d’un roman mais plutôt d’un traité politique sur les révolutions ouvrières; Cependant, ce serait oublier qu’il s’agit avant tout d’un roman et donc d’une oeuvre née de l’imagination de son auteur.  L’un des meilleurs spécialistes de Zola, le professeur Henri Mitterand, a écrit un article dont je vous livre ici quelques passages : il y rappelle qu’au delà du projet de peindre les rapports entre les ouvriers et les patrons , ce livre raconte  aussi la vision du monde de son auteur . Le roman est le soulèvement des salariés, le coup d’épaule donné à la société qui craque un instant : en un mot la lutte du travail et du capital. Zola  veut que son roman prédise l’avenir, posant la question la plus importante du vingtième siècle. »  Mais est-il toujours réaliste dans sa description de la révolution et des mineurs  ?  

Zola, encore mal informé de la conduite des grèves, peine à évacuer les sauvageries simplistes et les fantasmes sanglants : « Lorsque la grève éclate, explosion d’autant plus violente que la misère, la souffrance a été plus grande ; et là aussi pousser au dernier degré possible de la violence. Les ouvriers lâchés vont jusqu’au crime : il faut que le lecteur bourgeois ait un frisson de terreur. Maison attaquée à coups de pierres, siège en règle ; personnes tuées, éventrées, sauvagerie abominable. »

Et en tout cas l’idée de lâcher les ouvriers jusqu’au crime sera abandonnée. Il y aura trois sortes de meurtriers dans le roman, et ce ne seront pas des hommes du fond : des femmes rendues folles de fureur, un enfant infirme et qui s’est exclu de la communauté familiale et sociale Jeanlin qui a vraiment mal tourné , un vieillard devenu fou  Bonnemort  –  qui tuent trois figures également marginales à l’affrontement direct « du travail et du capital », un petit commerçant, Maigrat, une sentinelle de l’armée, et la fille du couple d’actionnaires, Cécile Grégoire.

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Zola a choisi ce titre Germinal plusieurs jours avant son départ  pour la région des mines ; C’est une trouvaille : L’annonce, la prophétie, se dit en grec évangile, et de nombreuses images de la révolution la présentent comm une sorte de cité idéale, un lieu paradisiaque. Le mot évoque historiquement le printemps, la faim,– et aussi la défaite du peuple. Et il porte étymologiquement l’idée de la graine et de la germination.: « Un titre exprimant la poussée d’hommes nouveaux […] un avril révolutionnaire, une envolée de la société caduque dans le printemps. » «« Aux rayons enflammés de l’astre, par cette matinée de jeunesse, c’était de cette rumeur que la campagne était grosse. Des hommes poussaient, une armée noire, vengeresse, qui germait lentement dans les sillons, grandissant pour les révoltes du siècle futur, et dont la germination allait faire bientôt éclater la terre ». Quand il arrive sur place dans le Nord, Zola se fait raconter la journée d’un mineur de fond : lever à quatre heures, départ « en emportant le déjeuner, des tartines ou de la viande et une gourde de café », descente au fond, chemin jusqu’à la taille, « souvent deux kilomètres à faire sous terre », travail, déjeuner accroupi sur le chantier, retour. Les femmes et les filles travaillent au triage du charbon, en surface : Catherine Maheu descendra dans les galeries, mais l’action du roman se passera en 1866, plusieurs années avant la loi épargnant aux femmes le travail au fond. La fréquentation des cabarets n’arrange rien. Zola est entré au cabaret de La cantinière. On y boit en silence des chopes de bière à deux sous, tirées à des robinets. Le café et la bière, ce sont les deux boissons du Nord, l’une à domicile, l’autre au cabaret. On retrouver bien ces petits détails vrais dans le roman. 
L’imagination de Zola travaille en même temps que sa curiosité d’enquêteur. Sur ce qu’il a vu à la fosse Thiers, à Bruay, ses notes laissent déjà place à l’analogie, à la métaphore. Le canal, avec sa double ligne d’arbres, est une « avenue d’eau ». Les péniches, à bandes rouges et blanches, semblent « dormir sur l’eau claire ». La fosse Thiers est « une construction massive, de corps rapprochés, accroupie, tapie comme une bête ». . « Des tuyaux de vapeur dépassent faiblement les toits, il y a une respiration forte et lente, régulière, qu’on entend continuellement. Dans le bas, il y a aussi, à ras de terre, un échappement continu de vapeur. C’est une bastille d’un nouveau genre. » Les notes sont transformées dans le roman en paysages imaginaires tristes souvent, inquiétants et parfois fantastiques. 

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Zola descend lui aussi dans une fosse. Au terme de son voyage sous terre, il contemple enfin les « piqueurs », qui extraient le charbon de la veine et enlèvent les roches. Il pense inévitablement à des damnés, ou à des esclaves. La position est une des pires qui soient : « L’ouvrier se met sur le flanc et attaque la veine de biais. J’en ai vu un tout nu, avec la peau salie de poussière noire. »

Sur l’histoire des grèves qui ont périodiquement arrêté ou troublé le travail des mines d’Anzin, ni les mineurs, ni les ingénieurs, ni les administrateurs ne se sont beaucoup étendus. Et il s’est fait raconter la grève d’octobre 1866 à Anzin et Denain. Un mouvement assez brutal : pressions violentes contre les « jaunes », manifestations sur les routes, tapages, bris de vitres, rixes, participation des femmes, tentative d’extinction des feux d’une fosse à Denain. Le récit de Germinal présente des analogies frappantes avec l’histoire de cette grève de 1866, à laquelle celle de 1884 ne ressemblait plus tout à fait. « Avec cent francs, s’extasie Le Figaro, le mineur vit mieux que l’ouvrier parisien […] Et pourtant, on excite les mineurs contre la compagnie et ils écoutent ceux qui leur font de beaux discours, au risque de tout perdre. » Il a constaté, de ses yeux, la misère des corons, l’inhumanité des travaux du fond, la présence rampante de la faim, de la maladie et de l’accident fatal.

 Mais si son roman connaît un vif succès dès sa parution, Zola est attaqué sur certains points . On lui reproche de peindre notamment les ouvriers comme des animaux Il contre-attaque : « Pourquoi veut-on que je calomnie les misérables ? Je n’ai eu qu’un désir, les montrer tels que notre société les fait, et soulever une telle pitié, un tel cri de justice, que la France cesse de se laisser dévorer par l’ambition d’une poignée de politiciens, pour s’occuper de la santé et de la richesse de ses enfants. »Un second reproche concerne la bassesse de certains sujets et de certains mots  . On proteste contre  « l’étalage de sensualité et de bestialité », « la fanfaronnade de cochonnerie »

Cependant, les mêmes critiques  sur le chapitre de la « morale » mêlent l’éloge à la remontrance, avec des épithètes identiques chez la plupart : vigueur des tons, force de la couleur, parfum de réalité terrible, « beau livre sombre, pessimiste, terrible » : « Ce que j’ai voulu, c’est crier aux heureux de ce monde, à ceux qui sont les maîtres : Prenez garde  regardez sous terre, voyez ces misérables qui travaillent et qui souffrent. Il est peut-être temps encore d’éviter les catastrophes finales. Mais hâtez-vous d’être justes, autrement, voilà le péril : la terre s’ouvrira, et les nations s’engloutiront dans un des plus effroyables bouleversements de l’histoire.”

. Mais par-delà l’histoire, surgit « la vision » : celle, teintée de « pitié morose », d’« un troupeau de misérables » livrés à un bourreau, « la mine, la bête mangeuse d’hommes », et à un dieu, « cet être mystérieux à qui appartient la mine et qui s’engraisse de la faim des mineurs » ; lorsque le troupeau, « mû par des forces fatales », se soulève, il va, « avec des bouillonnements et des remous, se briser contre une force supérieure ». : « Les hommes apparaissent, semblables à des flots, sur une mer de ténèbres et d’inconscience. » Cette vision issue de l’imagination de l’écrivain passe parfois  sous silence pour certains  la conscience politique acquise par les ouvriers en lutte. Néanmoins, les chapitres 3 et 4 du roman sont justement consacrés à la découverte par le héros des idées politiques socialistes. D’ailleurs  les organes socialistes demandent à Zola l’autorisation de reproduire Germinal en feuilleton. À chacun d’eux, il fait la même réponse qu’au Peuple de Bruxelles, le 15 novembre 1885 : « Prenez Germinal et reproduisez-le. Je ne vous demande rien, puisque votre journal est pauvre et que vous défendez les misérables. »

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. Auteur de l’œuvre, il en a été le premier lecteur, il en a ressenti le premier l’onde de choc. Dans Germinal, le mythe surgit de partout, avec sa dialectique de la damnation, de la révolte, de la répression, et des lendemains en attente. Pour construire un monde nouveau, pour faire germer « les récoltes du siècle futur », il faut détruire « le vieux monde » jusque dans ses fondations. Vision biblique autant que révolutionnaire. C’est ce qu’annonce dans Germinal la cohue des « bouches noires », parmi le « hérissement » des barres de fer et des haches. Et c’est cette sourde inquiétude que confie Zola, à plusieurs reprises. « Le siècle prochain garde son secret, il faut ou que la bourgeoisie cède ou que la bourgeoisie soit emportée .Ce tour prophétique est nouveau dans son œuvre. Nous ne sommes encore qu’en 1885, mais le tête-à-tête de Zola avec le peuple des rudes travailleurs lui a fait voir l’avenir sous un jour nouveau.

 

06. janvier 2019 · Commentaires fermés sur Le parcours d’Etienne dans Germinal: naissance de ses idées politiques et naissance d’un leader · Catégories: Seconde · Tags: , ,
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Le personnage d’Etienne est le héros de Germinal, ce nouveau volet de la série des Rougon-Macquart , qui décrit la misère des ouvriers mineurs dans le Nord de la France à la fin du dix-neuvième siècle: En France ; la révolution de 1848 marque la montée des mouvements de revendications des ouvriers qui s’appuient sur les thèmes de Karl Marx et Friedrich Engels ; ces deux hommes fondent la ligue communiste et se battent pour changer les relations entre les bourgeois qui possèdent les moyens de production (les usines ) et  leurs salariés, les ouvriers qui sont contraints de vendre, leur force de travail, leur labeur, en échange d’argent . Dans ce roman social , Zola prend parti pour les travailleurs et entend dénoncer l’exploitation dont ils sont victimes de la part de patrons qui ne pensent qu’à augmenter leur profit. 

 Les origines du personnage : Etienne est fils d’une blanchisseuse Gervaise Macquart,  qui , en raison de son alcoolisme, va sombrer dans la misère et la déchéance (L’Assommoir ) Il est d’abord présenté comme un ouvrier sans travail qui ne possède que quelques effets dans un pauvre baluchon : Il possède la qualification de machineur et comprend que pour pouvoir travailler dans la fosse, il va devoir changer de métier , apprendre à devenir soit un charretier comme Bonnemort, soit un herscheur ; un culbuteur, un haveur , un galibot ou un raccommodeur  ; La situation économique est  alors décrite comme catastrophique : partout les usines ferment ; Autour de Montsou, on voit des sucreries ( qui extraient le jus des betteraves), des forges, mais également une minoterie, une verrerie et des fabriques ; Le décor sinistre  semble relayer la peine des ouvriers : “le vent passait avec sa plainte comme un cri de faim dans la nuit ” ; la fosse est décrite comme un monstre affamé de chair humaine qui dévore les ouvriers : “une bête méchante qui respirait d’une haleine plus grosse et plus longue, l’air gêné par sa digestion pénible de chair humaine ” Grâce à sa conversation avec Bonnement, le grand père de la famille Maheu qui compte à son actif un demi-siècle passé à travailler à la mine, Etienne apprend quelles sont les conditions de vie des ouvriers ainsi que le nom du directeur de la mine , M Hennebeau.

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Le second chapitre nous fait découvrir dans le coron ouvrier , la vie des Maheu, une famille typique de mineurs  : c’est la misère la plus noire ; 7 enfants à nourrir , plus d’argent et la nourriture qui devient une obsession : ils trompent la faim avec des feuilles de chou bouillies, ont des dettes à l’épicerie et Catherine, la fille aînée, a bien du mal à leur trouver de quoi se faire des “briquets ” pour la mine (pain, beurre et fromage blanc ) Zola décrit parfois les ouvriers comme des animaux pour dénoncer l’ampleur de leur misère : il évoque par exemple, à la fin du chapitre 2, leur piétinement de troupeau ou la mamelle pendante de la Maheude qui allaite épuisée sa petite Estelle âgée de 3 mois . 

La pensée politique d’Etienne : le personnage est placé comme un observateur du milieu des ouvriers et Zola s’inspire des notes qu’il a prises durant son séjour dans le pays minier pour faire évoluer son personnage . Tout d’abord il apprend les gestes qui font de lui un mineurs  : “il apprenait de Catherine à manœuvrer sa pelle , montre des bois dans la taille ” . Certains le surnomment l’aristo pour se moquer de sa maladresse liée à l’ignorance du métier . Les premiers temps, il étouffe au fond des veines ; C’est en fait un timide qui craint sa violence intérieure ; Le personnage songe d’abord à reprendre sa route affamée afin de ne plus redescendre dans cet enfer : “car avec son instruction plus large, il ne sentait point la résignation de ce troupeau et finirait par étrangler quelque chef ” (I, VI ) Finalement, au dernier chapitre, il décide de rester à cause d’un vent de révolte . Peu à peu le personnage devient un camarade et se lie d’amitié avec Maheu qui admire son instruction  “il le voyait lire, écrire, dessiner des bouts de plan, il l’entendait causer de choses dont lui, ignorait jusqu’à  l’existence ” (P1, 3) 

L’influence de Souvarine : c’est un ouvrier pauvre, Russe et secret qui a commandité un attentat contre le tsar . Il s’est réfugié en France  et tente de dissuader Etienne de rejoindre l’Association internationale des travailleurs qui venait de se créer à Londres sous l’impulsion de Karl Marx ; Souvarine lui veut tout détruire mais Etienne pense qu’il n’est pas vraiment sérieux : “cette théorie de la destruction lui semblait une pose ” ; Pluchart lui fait partie de cette association : il est même secrétaire de la  fédération du Nord.  Les hommes pensent qu’une révolution des ouvriers est indispensable  ” un chambardement qui nettoierait la société du haut en bas, et qui la rebâtirait avec plus de propreté et de justice ”  Souveraine semble ne savoir long sur les mécanismes économiques qui régissent la loi du marché et il évoque notamment la loi d’airain : le salaire est fixé selon lui à la  plus petite somme indispensable, juste le nécessaire pour que les ouvriers mangent du pain sec et fabriquent des enfants.  “C’est l’équilibre des ventres vides, la condamnation perpétuelle au bagne de la faim ”  Alors Etienne se met à lire des livres dans lesquels il ne comprend pas tout et des idées lui viennent . (P 3, 3) Jusque là , il n’avait eu de la révolte que l’instinct, au milieu de la sourde fermentation des camarades. Toutes sortes de questions confuses se posaient à lui: pourquoi la bière des uns? pourquoi la richesse des autres ? pourquoi ceux- ci sous l étalon de ceux-là, sans l’espoir de jamais prendre leur place ? 

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Sa découverte des livres : il lit tout ce qui lui tombe sous la main; des traités de médecine, des brochures anarchistes, des traités d’économie politique , des livres sur les coopératives mais il reste un grand utopique et  il se contente de  rêver aux améliorations possibles de la société : “ il assistait à la régénération radicale des peuples sans que cela dût couter une vitre cassée ni une goutte de sang. ” Cependant Etienne qui loge désormais chez les Maheu parvient à les convaincre que les choses peuvent changer et il partage ses rêves d’un monde meilleur avec eux : ” Une société nouvelle poussait en un jour, ainsi que dans les songes,une ville immense d’une splendeur de mirage, où chaque citoyen vivait de sa tâche et prenait sa part des joies communes; La devise de ce nouveau peuple: “à chacun suivant son mérite, et à chaque mérite suivant ses oeuvres. ”  

Etienne devient un leader  : son influence peu à peu s’élargissait ; Il crée sa caisse de prévoyance et devient secrétaire de l’association.  Il es transforme intérieurement et extérieurement: “son visage changea et devint grave,il s’écouta parler; tandis que son ambition naissante enfiévrait ses théories et le poussait au idées de bataille. ” Le nouveau mode de paiement des berlines décrété par la compagnie va mettre le feu aux poudres et par conséquent la mine à feu et à sang. La grève va être décidée et l’accident de Jeanlin, le départ de Catherine et de Zacharie contribuent à rendre encore plus précaire l’existence quotidienne des Maheu. La quatrième patrie du roman débute par la visite d’une délégation de mineurs chez les Hennebeau; Etienne en fait partie.  

 

05. janvier 2019 · Commentaires fermés sur Les degrés de la trahison : véritables traitres et traîtres occasionnels ..essai de synthèse textes et documents · Catégories: Première · Tags:

Notre corpus comportait une dizaine de traîtres et l’objectif consistait à les classer en fonction de leur degré de trahison : il fallait donc examiner avec attention le ou les  motifs de leurs trahison, en envisager les conséquences, examiner leur place et leur rôle au sein de l’oeuvre . L’observation de ces différents critères permet de fabriquer une sort d’échelle des traitres et d’y situer chaque personnage ; Les femmes : Médée, Phèdre,  La Princesse de Clèves ,Roxane et Milady. Et les hommes : Hippolyte le seul innocent pris pour un traitre,  le Vicomte de Valmont, Fernand Mondego, Paul Dounat et Tyroen Meehan que nous retrouverons dans Retour à Killybegs.  

Si  le personage de Milady d’Alexandre Dumas arrive en  tête de tous les classements , c’est sans doute, pour différentes raisons : tout d’abord, elle est celle qui renouvelle sans cesse  la trahison ; la liste est longue de tous ceux qu'elle a trahis avant même d'agir à la solde du cardinal de  Richelieu et de devenir une espionne pour affaiblir la monarchie française.   Elle a voulu nuire à ses fiancés, ses maris et ses amants  dont elle a tenté de se débarrasser . Elle va même jusqu'à empoisonner une de ses rivales et son exécution à la fin du roman est décrite certes dans un registre pathétique mais semble être l’aboutissement logique du destin de cette femme perfide qui  est l’incarnation de la trahison . Le second roman de Dumas, Le Comte de Monte-Cristo comporte également  plusieurs personnages de traitres redoutables; L’auteur a choisi de peindre deux figures de traîtres qui agissent pour deux motifs différents : Fernand Mondego est amoureux de la même femme que Dantès et l’emprisonnement de ce dernier, accusé à tort d’avoir conspiré contre le gouvernement, lui permettra d’obtenir enfin l’amour de la femme convoitée en éliminant ce rival. Le second traître agit lui, par ambition et jalousie car il convoite le poste qui semble avoir été promis à Dantés; Tous deux, Danglars et Mondego  unissent leur désir de nuire au héros et les conséquences seront tragiques pour le personnage qui effectuera 18 ans de cachot avant de pouvoir s’évader pour accomplir sa vengeance. Milady et Mondego  jouent un rôle identique dans le roman : ce sont des opposants au héros et tous deux connaissent le même sort tragique. Dans le roman d’aventures , les rôles sont souvent assez manichéens : les bons contre les méchants . 

Les romans philosophiques du siècle des Lumières présentent plus de nuances et le courant libertin s’efforce d’éclairer les méandres du coeur humain. Laclos a choisi un couple manipulateur et cynique, défiant tout morale , pour en faire les héros noirs de son roman épistolaire. Ils sèment la trahison autour d’eux et séduisent leurs victimes en utilisant des stratégies dignes d’une guerre . Conquérir est leur but  avoué et ils ne reculent devant aucune hypocrisie, brisant les coeurs  pour satisfaire leur ego démesuré. Valmont va provoquer le désespoir des femmes qui tomberont amoureuses de lui et il peut même être considéré comme le principal acteur de la mort de la Présidente de Tourvel. Expert en mensonges de toutes sortes, il finit cependant par se laisser tuer comme une forme de rédemption pour ses nombreux péchés; à noter qu’il disparaît après avoir trahi sa complice la Marquise de Merteuil comme un ultime hommage à la trahison ! Particulièrement détestable, ce personnage parfois peut pourtant séduire les lectrices qui admirent sa rouerie. C’est en quelque sorte un prolongement du mythe de Don Juan, le séducteur éternel.

Dans la tragédie classique, les traîtres ne manquent pas et ils sont souvent associés aux origines de la tragédie : ainsi c’est à partir d’une trahison, celle de Jason,  que débute le conflit tragique dans Médée; cette princesse-sorcière fait passer son désir de vengeance au -dessus de son amour maternel et sacrifie ses propres enfants afin d'atteindre leur père . Le recours à la vengeance est un moteur de la tragédie et ce schéma réapparait chez Racine avec l’histoire de Phèdre presque aussi coupable , à vos yeux que Médée. Certes, Phèdre ne tue pas ses enfants ; D’ailleurs elle ne tue  directement personne mais elle est à l’origine de plusieurs catastrophes : en effet, elle provoque, par son mensonge , la mort de son beau-fils Hippolyte que son père a cru coupable et qu’il a maudit. A noter que Phèdre se termine par le suicide par empoisonnement de l’héroïne alors que dans Médée, l’une des versions de la tragédie , montre la fuite de l’héroïne. L’une comme l’autre sont les victimes de leur folie amoureuse et paraissent des femmes dénaturées, parfois monstrueuses. Ces deux tragédies illustrent avant tout les dangers de la passion et mettent en garde les spectateurs contre les débordements du coeur.

A un niveau inférieur, vous avez classé les personnages de Paul Dounat qui trahit son camp en temps de guerre mais auquel on peut trouver quelques circonstances atténuantes : à noter que ce personnage trouve la mort de manière assez affreuse et c’est aussi ce qui peut le rendre moins détestable aux yeux du lecteur. L’écrivain, à travers son cas , a souhaité  surtout montrer à quel point la guerre rendait les hommes capables de commettre l’irréparable ; Les résistants présentent son exécution comme nécessaire et obligatoire pour ne pas mettre d’autres vies en danger. En le tuant, on l’empêche de nuire. Il n’a même pas droit à un procès et subit son sort sans résister et sans protester comme s’il acceptait sa mort . 

La trahison de Roxane dans Les Lettres Persanes vous a paru , elle aussi, mériter des circonstances atténuantes, car cette jeune femme s’est révoltée contre un sytème inique: celui des harems où l’on emprisonnait les femmes . Elle a menti et trahi  un maître despotique et le lecteur ne peut que prendre son parti ; De plus, elle se punit elle-même en se donnant la mort comme le personnage de Phèdre  dans la tragédie de Racine . 

Quant à La Princesse de Clèves, elle fait preuve d’une très grande sincérité en dévoilant ses pensées les plus secrètes à son époux et si elle avoue ses sentiments pour le Duc de Nemours, elle restera  toujours fidèle à son mari, Le Prince de Clèves .  Cette trahison, d’ordre spirituel et sentimental, vous a semblé la moins grave de toutes en dépit du fait qu’elle cause la mort de son époux, chagriné de ne pas être autant aimé qu’il le souhaiterait. 

Un seul personnage est totalement innocent, il s’agit d’Hippolyte dans Phèdre; La Princesse de Clèves est très légèrement coupable comme Roxane . Phèdre a été emportée par une passion funeste. Quant à Médée et Milady ce sont des criminelles : l’une par amour directement et son crime atroce la rend odieuse, en dépit de sa souffrance pour les spectateurs  et l’autre par essence, véritable serpent qui sème la mort autour d’elle et que les lecteurs détestent . Entre les deux, des traitres de circonstances mus par leurs intérêts comme Mondego, Valmont qui tire du plaisir de ses impostures sentimentales et Dounat dans le roman de Kessel qui, d’un homme admirable , s’est transformé en traître presque sans le vouloir, par faiblesse désespoir

. Quant à notre dernier traitre , Tyrone Meehan , sa trahison demeure  vraiment  une énigme pour le lecteur; il a trahi un pays qu’il aime par- dessus tout en pensant sans doute le servir et faire cesser les morts autour de lui. Au final, le lecteur ne saura vraiment jamais pourquoi ni ce qu’il a fait au juste.  Il est le héros du roman Un traitre et celui de Retour à Killybegs où cette fois, c’est son point de vue qui domine. Tous  ces personnages paient leur trahison d’un prix important : la mort pour presque tous ; mais elle peut être  choisie par eux-même ou orchestrée par leurs victimes qui ainsi se vengent  .

Face au châtiment d’un traître, le lecteur peut ressentir soit une forme de justice soit un certain malaise dans la mesure où cela l’oblige à considérer le personnage comme une victime désormais. Souvent 

01. janvier 2019 · Commentaires fermés sur Retour à Killybegs de Sorj Chalandon · Catégories: Le livre du mois · Tags: ,
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Cela démarre très fort avec la mention : “à ceux qui ont aimé un traître” et il est vrai qu’il est difficile de ne pas s’attacher à ce personnage de Tyrone Meehan.Sur fond de conflit fratricide, Sorj Chalandon sou suivre une version de plus de ses réflexions sur la guerre qui dévore les hommes . Belfast sert de cadre à ces événements tragiques tant sur le plan historique que sur le plan humain; Loin de tout manichéisme, le romancier brosse des portraits de personnages avec leurs petites fêlures et leurs grandes failles et même les seconds rôles ne vous laisseront pas indifférents. C’est une Irlande de patriotes et de buveurs de bières , de vent mauvais et d’ânes qui s’appellent Georges comme le roi d’Angleterre  , de prisonniers politiques et de haines ancestrales, de famines et de grèves de la faim. Emboîtons le pas aux héros de ce livre …

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Une maison de Killybegs

La porte opaque du Mullin’s s’ouvre sur un monde où chacun connaît les chants gaéliques , la guerre  perdue et l’honneur blessé. La bière brune, mélange de terre et de sang était leur eau de vie et leur eau de mort ,celle mêlée de larmes amères dans laquelle ils noyaient leurs chagrins durant les longues nuit brumeuses. Le père de Tyrone a servi dans l’armée républicaine irlandaise et a refusé en 1921 l’édification de la frontière qui scellait le déchirement de la nation irlandaise. Torturé par les anglais , il le fut tout autant par les irlandais  désormais “libres” qui poursuivaient les derniers membres de l’IRA. premier destin tragique de ce père surnommé “bastard “par les habitants de Killybegs et qui décidera de se suicider en 1940 laissant une famille dans la misère la plus noire . Sauvée d’une mort certaine  par un oncle providentiel, la famille s’installe à Belfast , dans un ghetto catholique cerné par les loyalistes protestants ; lorsque les premières bombes frappent la ville, Tyrone qui n’a que 16 ans, décide qu’il n’est plus un enfant et regarde la mort en face .

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Peu à peu il va écrire sa vie , d’épisodes meurtriers en épisodes guerriers mais il finira par revenir mourir sur le sol irlandais, dans la maison de son père qu’il a quittée en 1941; En 2006, il commence alors son Journal “parce qu’il est le seul à pouvoir dire la Vérité “et qu’après lui, il espère le silence . Suivez le dans ce parcours tragique qui finira par le ramener à ses racines; Un roman âpre est fort où souffle la colère du vent irlandais, de cette terre meurtrie et divisée qui abrite  ces hommes libres et sauvages , indomptables . Vous découvrirez également l’histoire de l’IRA ,cette armée secrète et clandestine qui se bat de toutes ses forces contre l’Empire Britannique en employant parfois des moyens qui ne servent pas sa cause. Mais la guerre se charge de tous les faire marcher au pas, ces hommes qui sont prêts à tout pour la servir elle  “sous ce casque de guerre, il ne pouvait pas y avoir un homme mais seulement un barbare ” . Penser le contraire, c’était faiblir, trahir.” C’est ainsi que leurs instructeurs formaient les jeunes qui rejoignaient les  brigades de l’IRA. On leur parle aussi de la misère ; “De la Grande Famine. des enfants sans chaussure dans la boue;De la lèpre du pain qui suinte au coin des bouches mal nourries. De mon père mort de givre ; Nous avions une colère commune . Et de la haine aussi . ”  Tyrone finira par être tué par cette haine qui irrigue encore en 2007 l’armée secrète appelée IRA.

01. janvier 2019 · Commentaires fermés sur Portrait d’un traître : M comme Mouchard ; Le cas de Paul Dounat dans l’Armée des Ombres . · Catégories: Première · Tags:

Délateur, dénonciateur, rapporteur, cafard, barbouze : les qualificatifs aux connotations péjoratives ne manquent pas pour désigner celui qui trahit son camp et livre des renseignements à l’ennemi. La littérature compte certains mouchards célèbres mais la plupart des modèles de personnages fictifs sont issus de l’Histoire. Le succès des films d’espionnage et le cliché de l’agent double continuent aujourd’hui à alimenter les images des traîtres . Dans l’Armée des Ombres, Joseph Kessel invente le personnage de Paul Dounat et nous fait assister à son exécution. 

A peine sorti de son camp de prisonniers, Paul Gerbier doit superviser l’exécution de celui qui l’a trahi . Le chapitre deux s’intitule l’exécution donc le lecteur connaît clairement l’issue fatale . Dè les premières lignes du chapitre, l’identité du traître est révélée ; Paul Dounat parait sous son véritable patronyme alors que comme tous les résistants, il est connu sous un faux-nom; Il a endossé le pseudonyme de Vincent Henry et ignore qu’il a été démasqué par son organisation. C’est donc en toute confiance qu’il se rend au rendez-vous à Marseille et les résistants, venus pour l’arrêter ,  se font passer pour des policiers   . Le lecteur comprend ce qui se passe au moment où l’auteur lui précise que Paul Gerbier devenu André Roussel ,est assis dans la voiture : “ Tout le sang de Paul Dounat lui afflua d’un seul coup et il s’affaissa comme un pantin désarticulé ” . Cependant le personnage du traître est  présenté très rapidement comme “indifférent ” à son sort , au delà de la peur .  ” Le premier choc avait épuisé en lui tout sentiment vivant. Comme toujours et du moment qu’il n’avait pas à choisir , il s’accommodait du pire avec une docilité et une facilité étranges.” 

 Le personnage de Dounat est vu par les yeux de Gerbier qui le juge assez sévèrement  ‘lui parut plus vague encore plus inconsistant qu’à l’ordinaire.  “ paresse manifeste de la  volonté,” pensait distraitement Gerbier . Le style indirect libre est utilisé pour rendre compte des pensées du héros. Gerbier éprouve une sorte d’ennui comme s’il exécutait une formalité fastidieuse. L’épisode de l’exécution est utilisé dans le roman pour montrer le caractère exceptionnel de ces instants qui transforment de simples citoyens en tortionnaires . Le traître comprend qu’il va être effacé de l’ordre humain; cette expression rend sa mort à la fois dramatique et inéluctable. Sa mort était un fait acquis . Lorsqu’il est emmené,   vers la maison où il va être exécuté, Paul pense à la manière dont les communistes se débarrassait de leurs traîtres : “On attirait l’homme de nuit , au bord de la mer, on l’assommait, on le déshabillait, on l’enroulait dans un treillage en fil de fer et on le jetait à l’eau. Les crabes à travers les mailles dévoraient entièrement le corps. ” Ce souvenir revient en mémoire de Paul: il avait entendu cette histoire en compagnie de sa maîtresse et elle avait prononcé ces mots très durs : ” Il n’y a pas de mort assez sale pour les gens qui vendent leurs camarades. “; Le narrateur ajoute le commentaire suivant : il montait docilement entre Gerbier et Félix comme pour établir un lien entre les paroles de Françoise et le sort de son amant. Le romancier utilise ici une alternance de points de vue pour rendre compte à la fois des faits et des effets produits par la trahison sur les personnages ; Gerbier se caractérise , tout au long du roman, par une forme d’impassibilité, allant parfois jusqu’à la froideur ou du moins l’apparence du détachement .

Au moment où le traître lève les yeux vers son bourreau, ce dernier les voit “humbles ,honteux et troublesavec une telle misère humaine qu’il eut envie de crier . On dit de Paul qu’Il redoute particulièrement la souffrance physique et  l’autre le montre en train d’esquisser un geste de protection avec ses mains qu’il place “paumes ouvertes devant son visage. ” Gerbier a une dernière hésitation avant de donner l’orde d’étrangler Paul Dounat mais renoncer à le tuer, c’est tuer Félix et mettre en danger le réseau ; finit-il par penser ; “ce n’était pas la faute de Paul Dounat s’il allait mourir ce n’était pas la faute de ceux qui l’assassinaient . Le seul, l’éternel coupable était l’ennemi qui imposait aux français la fatalité de l’horreur . ” Que pensez-vous de cette  affirmation ? Etes-vous d’accord avec ce raisonnement ?  Chaque convulsion du traître donne à Gerbier une haine nouvelle contre les allemands et le résistant Claude Le Masque se met à pleurer. Gerbier lui conseille alors avec bonté  d’avoir toujours du cyanure sur lui afin de s’empoisonner pour ne pas risquer de parler sous la torture . 

Des idées de plan pour répondre à la question : comment le traître est-il représenté ? 

En introduction, présenter le roman, le cadre de la Résistance et la situation des personnages; expliquez ce qu’il a fait et les raisons de sa trahison ; on peut dans un premier temps présenter ose caractéristiques du personnage et analysez le point de vue de Gerbier et ensuite  montrer que le titre du chapitre l’exécution annonce la dimension tragique du passage.

I un portrait contrasté

Des qualités qui le redent attachant , humain : utile intelligent courageux  AVANT bonne famille, bonne manières, traits agréables 34 belle bouche tendre : fait pour l’amour et pas pour la guerre 36 grain de beauté : petit détail 

Le mépris affiché de Gerbier fait ressortir sa froideur : lui parait vague inconsistant 22 , paresse manifeste de la volonté 40 , incapable de décider  42 : portrait d’un veule : menton indécis , un peu gras 39

Il est devenu un traître par  désespoir amoureux ou par faiblesse  : deux interprétations possibles  inertie 24  ou  devenu instrument de la police 25

le lecteur juge peut être moins sévèrement le personnage que Gerbier 

II Un homme condamné : une fatalité 

prêt à mourir l 1 “c’est alors qu’ils me tueront ” 1 ; absence d’interrogatoire 46 : inutile de vous poser des questions 

déjà mort indifférent :  n’a plus peur , premier choc , plus de sentiment vivant , veines creuses 3 à 10

s’érige en victime : ne releva pas la tête 49  s’accommodait du pire avec une docilité et une facilité étranges 8

 ccl Une exécution qui met en évidence la dureté de la guerre : transforme les hommes et révèle le meilleur comme le pire. Personnage pathétique et scène de l’étranglement qui révèle les difficultés des résidants à commettre ce meurtre. Carapace de Gerbier pour se protéger des émotions ? 

04. juin 2018 · Commentaires fermés sur Les derniers Cris des soldats dans Cris : texte 4. · Catégories: Seconde · Tags: ,
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 De nombreux romans ont pris comm sujet la première Guere Mondiale et particulièrement au moment du centenaire de sa commémoration.  Le roman de Laurent Gaudé intitulé Cris  est construit sur un dispositif narratif particulier : chaque personnage du récit nous fait partager sa vision de l’événement et le lecteur doit ainsi, en permanence, recomposer , une vision d’ensemble à partir des pensées des soldats sous le feu ;  L’intrigue se résume à quelques actions: on relève la première ligne; certains soldats partent en permission ou se reposent à l’arrière alors que d’autres vont devoir prendre d’assaut les positions ennemies. Le passage que nous étudions se situe au début de la seconde partie du récit. Le bataillon formé notamment  de Messard, Dermoncourt, Ripoll, Castellac, vient de monter une première ligne et l’assaut a été donné . un groupe d’hommes se retrouve séparés de ses positions, seuls, détachés dans le camp allemand sans espoir de repli ni de retour. Conscients du caractère espéré de leur situation , les hommes veulent mourir dignement . Quelle vision de l’homme dans la guerre nous offre ce passage ? Nous verrons tout d’abord le cadre de la guerre avant d’évoquer les réactions des hommes face à la mort . 

 

 

 

I Le cadre de la guerre 

Comme dans la plupart des récits, la guerre est présentée sous un aspect destructeur . 

1 Un décor de fin du monde 

La boue est un élément qui revient très souvent ( l 2 ) et le romancier utilise la métaphore de la fournaise ( l 3 ) pour montrer le caractère infernal des souffrances des soldats; Souffrances physiques : épuisement ( l 1) et souffrances morales évoquées par une série de transformations : “pour ce qu’ils nous ont obligés à devenir ” ils auront à nous rendre des comptes ” . Les champs de bataille font également souffrir la terre qui tout au long du roman,  est personnifiée et crie sa douleur : il ne reste que des ruines “baraque en ruine l 10 ” “carcasses méconnaissables de lit mais plus de toit ” l 11 . L’auteur évoque également les corps des soldats avec le terme boucherie l 11. 

L’ampleur des dégâts est suggérée par divers moyens et s’entend particulièrement par les sonorités des participes  passés qui forment une harmonie imitative  : trébuché, plongé, giclé, essoufflé , tiré, éclaté , fermé…. peu de termes militaires dans ce passage avec simplement l’indication du pilonnage immense qui inaugura la boucherie; Le caractère meurtrier de l’opération est traduit ici par l’adverbe immense à valeur hyperbolique . 

 

II . Les souffrances des hommes 

1 Ils deviennent  des animaux pour survivre

2. ils tentent de rester humains face à la mort 

3. la dimension tragique : solitude et perte d’espoir 

04. mars 2018 · Commentaires fermés sur Réparer les vivants : un roman polyphonique ..moderne · Catégories: Première · Tags:
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Simon avant l’accident

Ce roman de Maylis de Kerangal paru en 2014 est troublant sur plusieurs points. D’abord l’intrigue n’est pas banale car elle nous interroge sur l’existence de l’âme et la relation que nous entretenons avec nos défunts et leur souvenir; Ensuite, le roman est organisé en étoile autour des personnages qui se croisent au sein de l’intrigue et qui s’effacent tour à tour avant de revenir au premier plan. Nous les découvrons à la fois dans leur univers et à travers leurs relations avec es autres protagonistes; une voix narrative chapeaute le tout et nous entraîne ,à sa suite , dans les mystères du coeur humain .Suivons ces voix qui nous invitent à leur suite à réfléchir à ce qu’est la vie et l’amour, deux thèmes éternels dont les fils ne cessent de s’entrecroiser dans toute écriture.    

 Que raconte ce roman et comment les personnages  sont -ils agencés? On notera tout d’abord que le véritable héros de l’histoire , c’est le coeur de Simon autour duquel les différents protagoniste vont se croiser te qui va les rassembler. Le coeur de Simon Limbres va bientôt cesser de battre dans sa poitrine mais pendant 24 heures il va devenir le personnage le plus important de cette intrigue tragique ; L’histoire commence par un coup de de téléphone, c’est le portable de Simon Limbres qui sonne : il est 05:50 et il part surfer avec ses amis: Joan et Christophe.

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Le matin du drame

 Très vite, au retour de la plage , c’est l’accident mortel sur une route de campagne et Simon arrive à l’hôpital  au moment où le docteur Pierre Révol commence sa garde en réanimation : “la réa est un espace à part qui accueille les vies tangentielles, les comas opaques, les morts annoncées, héberge ces corps situé entre la vie et la mort.” Une nouvelle infirmière lui serre la main : elle s’appelle Cordélia Owl ; tous deux vont prendre ne charge Simon à son arrivée ; Gros plan sur le personnage du médecin: un chapitre résume sa biographie et son parcours ( p 42 à 47 ) . Mais son portrait est interrompu par l’arrivée de Marianne , la mère de Simon, à l’hôpital. Le narrateur refait son parcours dans la ville depuis le coup de fil de l’hôpital jusqu’à son arrivée dans le bureau de Révol. ( p 60) Au moment où Marianne quitte l’hôpital, le médecin passe un coup de fil à Thomas Rémige, infirmier coordonateur des greffes d’organes et grand passionné de chant . C’est ce personnage qui désormais occupe le premier plan du roman et le narrateur nous raconte son histoire. Ce sera ensuite au tour de Sean, le père de Simon de faire son apparition : le couple se reforme auprès de leur enfant à l’hôpital et tous deux vont devoir décider s’ils souhaitent donner ses organes car Simon est en état de mort cérébrale;

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L’adieu à Simon

Le roman montre alors comment le médecin Pierre Révol va tenter de faire accepter aux parents à la fois la mort de leur enfant et l’idée que son corp peut servir à réparer des vivants, c’est à dire sauver à son tour d’autres vies et éviter d’autres morts. Pendant que les parents et les soignants discutent, Cordelia l’infirmière s’occupe du corps de Simon et repense à la nuit passée avec son amant.   Chaque portrait de personnage est composé d’anecdotes personnelles qui nous éloignent de la trame narrative et qui forment de petits récits au sein même du récit principal. Les parents de Simon suivent Thomas Rémige et consentent au don d’organes; pendant ce temps là, Juliette la petite amie de Simon pense à lui et attend son appel; C’est un autre appel qui intervient alors à ce moment précis au sein de l’intrigue : celui de Thomas Rémige  qui à 17 h 30 déclenche la chaîne qui va aboutir aux transplantations des organes de Simon; Gros plan sur  Marthe Carrare le médecin de l’Agence de la biomédecine qui va procéder à la répartition des greffons. Le coeur est destiné à une patiente du service du professeur Harfang ; C'est ce brillant médecin qui passe alors au premier plan du roman ; L'infirmière du service de  réanimation de l'hôpital du Havre, Cordelia qui termine sa garde de douze heures, croise alors les parents de Simon qui lui apparaissent comme des fantômes . Ces mêmes parents rentrent rechercher leur petite fille Lou qu’ils avaient déposée le matin même chez les voisins : il est alors 18 h. Le téléphone sonne chez Claire Méjan pour lui dire qu’elle va subir sa greffe de coeur : c’est la seconde fois que le service du professeur Harfang l’appelle; la première fois, ils avaient refusé le greffon. Pendant que Claire la receveuse prépare ses affaires, Virgilio le médecin qui part prélever le coeur de Simon au Havre,  saute dans un taxi après avoir subi une scène de la part de sa petite amie Rose qui joue les patientes pour les médecins de l’hôpital.

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La greffe du coeur de Simon

Le lecteur assiste au clampage du coeur et suit Virgilio  le chirurgien dans son voyage de retour en compagnie d’Alice Harfang,une jeune interne qui a assisté à son premier prélèvement . Le coeur de Simon s’envole dans l’avion qui emporte le chirurgien et pendant ce temps, Marianne, sa mère imagine le coeur de son fils traverser le ciel. dans sa chambre , Claire la receveuse se prépare; le professeur Emmanuel harfang vient  lui parler et elle reçoit la visite de ses trois fils  ; Le corps de Simon lui est veillé par Thomas Rémige et Cordelia Owl ; il s’agit de le restaurer afin qu’il soit rendu à sa famille . l’opération peut alors commencer : Luc Harfang et Virgilio travaillent ensemble et Claire a désormais un nouveau coeur ; Il est 5 h 49 … ce coeur qui bat désormais dans sa poitrine lui a sauvé la vie et le roman pose un certain nombre de questions philosophiques autour de ce coeur transplanté. 

L’intrigue aura donc duré 24 heures , un peu comme une tragédie classique et les personnages  se sont croisés sur la scène du roman , un peu comme des acteurs de théâtre qui entrent et sortent de scène après avoir dit leurs répliques . Il s’agit donc d’un roman dont la construction pourrait être comparée à une étoile ; chaque personnage vient tour à tour sur le devant de la scène mais tous se croisent autour du corps  et du coeur de Simon .

23. janvier 2018 · Commentaires fermés sur Autour de la guerre : quelques points de vue ..Voltaire, Céline, Giraudoux et Lemaître · Catégories: Première, Terminale spécialité HLP · Tags: ,
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Pour cette étude qui porte sur  l’homme au centre de la guerre ou face à la guerre , ont été réunis différents témoignages qui attestent de la pluralité des visions de la guerre; Nous allons donc comparer les définitions données par Voltaire dans Candide, Céline dans Voyage au bout de la nuit, Giraudoux dans La guerre de Troie n’aura pas lieu et Pierre Lemaître dans Au Revoir là hautLe conte philosophique adopte plutôt une dimension critique ; le roman de Céline prend appui sur des élements autobiographiques et se veut le témoignage d’un combattant ; la pièce de Giraudoux se présente comme une réflexion sur les causes de la guerre et tente de répondre à la question: pourquoi les hommes font- ils la guerre été pourquoi aiment-il cela ? Quant au roman de Pierre Lemaître, la guerre n’y occupe pas un rôle central ; elle est le déclencheur d’un drame humain, celui d’un jeune artiste qui ne parviendra pas à surmonter le handicap crée par sa blessure au visage. Le romancier y montre surtout les traumatismes engendrés par les mutilations des corps .

Le siècle des Lumières voit apparaître un renversement de l’opinion publique: siècle belliqueux, il amorce une réflexion sur la nécessité de certaines guerres ; Les philosophes, en effet, combattent la guerre en s’appuyant sur son caractère non nécessaire Ils accusent ,la plupart du temps, les Princes et les Puissants de se laisser emporter par leurs passions, leur orgueil et leur soif de pouvoir qui les conduisent à amorcer des conflits dans leurs seuls intérêts. Voltaire est l’un des premiers à développer une critique systématique de la guerre afin d’en démontrer , à la fois le caractère néfaste mais aussi l’absurdité véritable. Dans Candide, son héros s’est engagé dans l’armée uniquement pour gagner de l’argent car il n’a nulle part où aller et il se retrouve,enrôlé , face à la réalité d’une guerre atroce: un conflit destructeur entres abares et Bulgares; Voltaire dresse un tableau apocalyptique du massacre en accumulant les détails sordides : “les vieillards criblés de coups regardaient mourir leurs femmes égorgées, qui tenaient leurs enfants à leurs mamelles sanglantes . ” Le point de vue du personnage est d’abord utilisé pour décrire, sur un ton élogieux , la préparation des troupes et le cérémonial : “rien n’était si beau si leste si brillant et si bien ordonné que les deux armées” La dimension spectaculaire est ici mise en valeur mais très vite , le spectacle se transforme en massacre : ” les canons renversèrent à peu près  six mille hommes de chaque côté ” et Voltaire emploie l’oxymore “boucherie héroïque “ pour rendre compte de cette contradiction . De plus, il montre bien la réciprocité des destructions en précisant que les pertes subies dans chaque camp sont identiques ; Le héros décide alors de déserter et Voltaire le montre s’enfuyant “en marchant sur des membres palpitants ou à travers des ruines ” “hors du théâtre de la guerre ” . La critique des horreurs de la guerre se manifeste de différentes manières et on note que  la désertion de Candide est montrée comme un choix raisonnable : “ il prit le parti d’aller raisonner ailleurs des effets et des causes “ ; vue de l’extérieur, avant le déclenchement des hostilités, la guerre peut paraître admirable mais lorsqu’on se retrouve au front, à l’intérieur des combats, elle devient horrible.

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Louis Auguste Ferdinand  Destouches a choisi lui aussi de consacrer une partie de son roman à la description d’une guerre qu’il a lui même effectuée: la première Guerre Mondiale. Son héros Bardamu se retrouve aux premières lignes ,  dans le conflit tout comme son auteur qui choisit de s’engager dans l’armée à 18 ans devançant ainsi l’âge légal du service militaire obligatoire . Il montre l’horreur des assauts ,la lassitude des soldats et l’acharnement des officiers; Blessé , le héros est évacué et  effectue sa convalescence à Paris ; Il devient alors un adversaire acharné de la guerre et se fait traiter de lâche par sa fiancée. ” vous êtes répugnant comme un rat “lui lance cette dernière et elle se range derrière l’argument de la  nécessaire défense de la Patrie( l 9) . Bardamu persiste  dans son refus en prenant comme illustration l’oubli des morts  tombés sur le champ de bataille  “ils sont morts pour rien ces crétins” et “il n’y a que la vie qui compte “ajoute-t-il ‘ (ligne 16 ) .  Cette confrontation des points de vue se retrouve , sous une autre forme, dans la pièce de Giraudoux où deux camps s’affrontent avec des arguments puissants :.

Jean Giraudoux est un diplomate français qui, parmi les premiers, a pressenti les risques d’un nouveau conflit. En 1935, juste avant le déclenchement de la Guerre d’Espagne, prélude à la seconde guerre mondiale, Giraudoux mesure la montée des nationalismes et se sert d’un conflit légendaire, la guerre de Troie, pour mettre en scène une réflexion sur la  possibilité d’éviter la guerre. Il fait dialoguer bellicistes et pacifistes jusqu’à l’issue tragique : l’ouverture des portes de la guerre en dépit des efforts conjugués d’Hector, qui a rallié l’avis de son épouse Andromaque et d’Ulysse ,le négociateur envoyé par les Grecs. L’extrait que nous étudions se situe au début de la tragédie : Hector vient de rentrer victorieux d’une guerre éprouvante et découvre que son épouse attend leur premier enfant.  Cette dernière set farouchement opposée à une nouvelle guerre qui risquerait de coûter des vies mais son mari se moque de sa sollicitude maternelle en affirmant que le désir de faire la guerre l’emportera toujours “si toutes les mères coupent l’index droit de leur fils, les armées de l’univers se feront la guerre sans index.”( l 1) Andromaque se déclare prête à tuer son propre fils plutôt que de lui faire courir le risque de se faire tuer à la guerre ; ce qui peut paraître quelque peu excessif ..elle demande ensuite à son mari s’il aime la guerre et la réponse d’Hector est étrange :il définit d’abord la guerre par ses aspects négatifs “ce qui nous délivre du bonheur, de l’espoir, des êtres les plus chers. ” avant d’ajouter qu’il se sent invincible juste avant de combattre grâce à cette délégation que les Dieux  lui donnent . Leur discussion se clôt sur un nouveau paradoxe ; L’homme se sent à la fois un Dieu et moins qu’un homme et respecte la vie au moment où il s’apprête à l’ôter à d’autres hommes.

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Pierre Lemaître revisite à sa manière  les affrontements de 14/18 en inventant un point de départ tragique à sa fiction. Albert , l’un des deux héros du roman , constate , au cours d’un assaut  que deux des hommes du bataillon ont été abattus de deux balles dans le dos et il soupçonne alors son officier :le lieutenant Pradelle , de les avoir exécutés pour faire croire à des tirs allemands. Avec un certain cynisme, le romancier critique les officiers qui se croient des Dieux au moment du combat ; le lieutenant est qualifié de “Messie “; Le décor de la guerre ressemble à un décor “de fin du monde “. Les soldats sont présentés comme terrifiés ” des types hurlent comme des fous pour s’enivrer, pour se donner du courage.” Il sont armés d’une colère définitive et d’un désir de vengeance : ” même Albert terrorisé par l’idée de mourir, étriperait le premier venu ” . Les hommes ont le ventre noué, la gorge sèche et courent baissés, par réflexe d’offrir le moins de prise possible comme si l’on faisait tout le temps la guerre dans la crainte du ciel ” . Pierre Lemaître reprend la plupart des clichés sur la guerre des tranchées : la terre épaisse , la boue, la peur et la colère ; Il utilise un narrateur omniscient à la différence de Laurent Gaudé qui dans Cris, ne nous offre que les pensées de ses personnages sans jamais aucun commentaire .

22. janvier 2018 · Commentaires fermés sur Un nouveau personnage de Germinal : le gendarme face aux mineurs · Catégories: Seconde · Tags: ,
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Le sujet d’invention vous proposait de créer un nouveau personnage de Germinal en vous inspirant des techniques utilisées par Zola pour donner une épaisseur réaliste à ses personnages. Il s’agit d’un gendarme un peu particulier car originaire d’une famille de mineurs dont le père est  parti étudier à  la ville . Ce personnage se trouve donc fort logiquement pris dans un conflit d’intérêt. Les principales difficultés du sujet consistent à fabriquer une description organisée et cohérente; Pour cela, il vous faut d'abord répondre à un certain nombre de questions avant même de commencer à rédiger votre portrait. Voici quelques exemples de problèmes à résoudre …

 

Par quoi commencer ? Comme on on vous demande d’imiter Zola et d’employer les mêmes techniques que le romancier réaliste, la première question à se poser était la suivante : comment Zola introduit-il les nouveaux personnages dans Germinal ? Souvenez- vous de l’arrivée d’ Etienne : le romancier montre ses habits usés et trop fins pour la saison  pour traduire sa pauvreté et le rendre pathétique : Il souffre du froid ; Il détaille son allure  mais n’en fait pas encore le héros du roman; il ne donne pas tous les éléments de son hérédité dès sa première apparition; En effet, pour ne pas alourdir les descriptions,le romancier complètera le portrait du personnage au fur et à mesure qu’il le montrera en train d’agir. On apprendra bientôt ses origines dans une scène de travail à la mine avec Catherine qui lui pose des question sur son passé. Le romancier réaliste motive ainsi se descriptions :aucun détail n’est purement décoratif; Tous les éléments vont servir lors des actions ultérieures du récit. 

Au brouillon, il peut être utile de répartir les événements dont le personnage sera le témoin ; C’est à dire de le mettre en situation ; Beaucoup ont  trop tardé à le mettre en place sur les bords de la fosse. Vous pouviez, par exemple, dresser une liste des actions qu'il allait tenter et de ce qu'il allait voir; Va-t-il affronter la colère de la foule ? Va t-il devoir prendre une décision comme celle de tirer ou de faire tirer sur la foule ? Est-il à distance en train de  contempler la montée de la violence des ouvriers ou est-il au premier rang, à couvert, protégé ou à découvert, exposé ? Bref, il fallait lui trouver un angle de vue et construire la description à partir de ce qu’il voit te de ce qu’il ressent. 

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De sa situation, vous pouviez en déduire une série de sentiments  : A -t-il peur?, Ressent-il de la pitié pour les familles de mineurs ? Quels détails le frappent particulièrement dans le spectacle de la colère des ouvriers ? Il pouvait être intéressant de ne pas commencer par un portrait du personnage mais de faire entrer le lecteur , in medias res, dans le feu de l’action. Zola ,lorsqu’il introduit un nouveau personnage, le donne à voir brièvement et ensuite seulement, par une sorte de retour en arrière, lui invente un passé , une enfance et finit par le ramener au moment précis dans le roman où le lecteur l’a découvert; Ces  digressions permettent de ne pas trop longtemps interrompre le fil du récit ; Les portraits des personnages sont enrichis au fur et à mesure de leurs apparitions dans le roman; En procédant ainsi, par petites touches, le romancier évite également la lassitude du lecteur. 

La description réaliste se fonde sur un certain nombre de théories et l’une des plus importantes consiste à imaginer des correspondances entre les éléments physiques (moustache, forme du visage, tête, corps, silhouette )  Tout d’abord quelles correspondances alliez-vous imaginer entre son portrait physique et son caractère . Quelles notations physiques vont pouvoir être choisies pour caractériser au mieux le personnage ? Va -t-il être fort, imposant, l’air sévère ou au contraire frêle, l’air doux , peureux . Allez-vous employer des connotations plutôt  positives ou négatives

Une des erreurs férquentes de vos travaux consiste à nommer des éléments que le personnage ne peut connaître comme le nom des mineurs par exemple  : si vous décidez de nommer Etienne et Maheu, il faut que vous trouviez un moyen de justifier la connaissance du personnage ; il pouvait par exemple reconnaître des cousins éloignés mais cette hypothèse demeurait moins réaliste qu excelle qui consistait à imaginer qu’il ignorait l’identité du meneur, un nouveau venu dans le village. 

En règle générale, vous avez perdu le contrôle de la description quand

  • vous avez introduit la première personne du singulier : pas de Je en point de vue interne 
  • vous avez perdu de vue la position du personnage et décrit la foule sans vous préoccuper de l’angle de vision 
  • vous avez inventé une suite non immédiate (le personnage rentre chez lui, quitte la ville, se suicide
  • vous avez inventé des détails gratuits et exagérés comme les yeux bleu saphir ou noisette très clairs ..la plupart des personnages ne sont ni des colosses ni des beautés .. Zola s’efforce de demeurer dans la norme avec des petits  détails positifs et négatifs qui souvent s’équilibrent 
  • vous avez modifié des éléments du roman 

Pour exprimer les pensées et le conflit intérieur du gendarme, vous deviez  tenter de reproduire le style indirect libre, technique mise au point par les romanciers réalistes qui consiste à mixer le langage du personnage avec l’emploi de la troisième personne du singulier et de supprimer la ponctuation du dialogue comme si le personnage se parlait à lui-même ; Tout éprise de décision du personnage devait être précédée d’arguments liés à son passé et à sa connaissance de la situation ; C’est ce qui faisait le principal intérêt de ce personnage ; Il permettait d’avoir un point de vue sur ce conflit qui ne soit pas celui d’un mineur ni d’un bourgeois mais d’un soldat, lié à la fois aux mineurs et qui veille au respect de la loi. 

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Quelques réussites : reprendre les éléments de l’émeute en les faisant commenter par votre personnage qui assiste quelque peu tendu  aux provocations des mineurs ( Bonnement qui réussit à franchir le barrage pour nourrir les chevaux, geste impudique de la Mouquette  les jets de pierre , les insultes, la tension qui monte, la mort de Maheu , les pleurs de la Maheude ) 

Quelques extraits …

 Deux lignes de gendarmes s’étendaient comme des sentinelles et leurs silhouettes  spectrales se confondaient dans le brouillard matinal  (Laura D  ) Un vent frais faisait lever le manteau de laine bleue du jeune militaire : le soleil venait à peine de se lever sur Monsoult (Ambre ) Chétif pour ses 22 ans, sa peau gardait la carnation maladive de son hérédité de mineurs privés de viande (Marie ) Il se sentait lui-même écrasé par le poids de al misère qui suintait des ouvriers (Bilal) 

Ses yeux bleus/  les mêmes que ceux de son père et de son grand-père; c’était une lignée qui portait la même marque et qu’il avait transmis à son fils âgé de quatre ans.  Ses pieds enfoncés dans des bottes de cuir pataugeaient dans un mélange de boue et de neige fondue qui rendait la terre noire encore plus collante ( Marie ) 

Il contempla la foule qui s’avançait en vociférant : une armée noire vengeresse animé par la haine telle une masse informe dont on entendait les cris avant même de pouvoir les distinguer dans le brouillard . (Sonia) Le Voreux pour lui n’était qu’un Dieu de souffrances où petits et grands descendaient en sacrifice quotidien (Caïna )  ; Quand cela cesserait -il ? 

Pour lui cette grève n’était qu’une perte de temps qui rendrait ces pauvres gens encore plus pauvres : ils ne mesuraient pas la force à laquelle ils devaient faire face ; en quoi une simple révolte pouvait-elle bien changer les choses ; Cele ne fera qu’empirer (Charline ) Oui les mineurs devaient assumer leurs revendications et aller jusqu’au bout  mais cette société égoïste et soumise au profit  était-elle prête à les entendre ? (Maxime ) Alors il vit brusquement l’un des mineurs, un homme petit et trapu, s’avancer et présenter, en déchirant sa chemise, son torse dénudé à ses collègues en criant qu’on l’abatte . La balle le visa en plein coeur et ce fut le silence . ( Ambre ) 

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Lui aussi se mit à tirer sur cette foule déchaînée, sans viser quelqu’un en particulier, juste pour se décharger de la peur animale qu’il avait emmagasinée depuis quelques heures  (Clémence ) 

Au fond de lui, cette flambée de violence ne lui faisait que prendre un peu plus conscience qu’il ne menait pas la bataille contre les bons ennemis. (Alice ) Une véritable catastrophe ! (Clémentine ) 

Il avait voulu devenir gendarme parce qu’il croyait en la justice et qu’il pensait ainsi pouvoir apaiser les conflits  : désormais il savait de toute évidence que ce métier l’exposait plus qu’il ne l’aurait souhaité. Il avait l’impression que ses certitudes s’écroulaient autour de lui ..( Léa ) Depuis son plu jeune âge, l’injustice le révoltait mais ce matin là ,il aurait tellement aimé être ailleurs, loin . (Brice ) Quelle sorte d’avenir cette société miteuse et qui craque de toutes parts réservait-elle à son fils ? (Bilal ) 

22. janvier 2018 · Commentaires fermés sur Le quatrième mur : la découverte du massacre …des visions d’horreur · Catégories: Première · Tags: ,
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Photos de presse 

Le passage de la découverte du massacre perpétré dans les camps palestiniens de Sabra et Chatila est sans doute l’un des plus difficiles à lire à l’intérieur de ce roman ; le romancier nous dépeint  une réalité sans fard  et nous entraîne à la suite de son héros dans une  véritable plongée au sien de l’horreur; Il déploie un registre réaliste et pathétique et nous nous sentons véritablement touchés par cette description sans concession de la guerre et de la souffrance;

Rappelons tout d’abord les faits historiques tels qu’ils se sont déroulés en 1982…

Le 6 juin 1982, l’armée israélienne a envahi le Liban dans ce qu’elle a décrit comme étant des “représailles” pour la tentative d’assassinat sur l’Ambassadeur israélien à Londres.Le 18 juin 1982, Israel avait cerné les forces armées de l’Organisation de Libération de la Palestine (OLP) dans la partie occidentale de la capitale libanaise. Un cessez-le-feu a eu comme conséquence l’évacuation de l’OLP de Beyrouth le 1er septembre 1982.Le 11 septembre 1982, le ministre de la défense israélien, Ariel Sharon, a annoncé que “2.000 terroristes” étaient restés à l’intérieur des camps de réfugiés palestiniens .Le mercredi 15 septembre, le lendemain de l’assassinat du chef de la milice phalangiste alliée des Israéliens et président élu libanais, Bashir Gemayel, l’armée israélienne a occupé Beyrouth-Ouest, “encerclant et bouclant” les camps de Sabra et Chatila.

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L’armée israélienne a alors désarmé, dans la mesure où elle le pouvait, les milices anti-israéliennes à Beyrouth-Ouest, alors qu’elle a laissé ses armes aux milices phalangistes chrétiennes de Beyrouth.Le jeudi 16 septembre 1982 vers midi, une unité d’environ 150 Phalangistes armés (c’est ce que prétend Israël) est entrée dans le premier camp.Pendant les 40 heures suivantes, les membres de la milice phalangiste ont violé, tué et blessé un grand nombre de civils non-armés, dont la plupart étaient des enfants, des femmes et des personnes âgées à l’intérieur des camps encerclés et bouclés. L’estimation des victimes varie entre 700 (chiffre officiel des Israéliens) et 3.500.

Les journalistes qui ont couvert les reportages dans cette région du monde ont pu alors découvrir lorsqu’ils sont entrés dans les camps, des visions d’horreur et ce sont ces visions que s’efforce de reconstruire le romancier dans ce passage. Comment le romancier décrit-il cette scène d’horreur ? comment cette description est-elle organisée ? 

Le romancier utilise différents procédés pour dépeindre  cette vison : tout d’abord , il nous entraine dans le sillage d’un personnage et nous voyons à travers ses yeux; Ce procédé appelé focalisation interne facilite grandement l’identification par le lecteur au personnage et grandit l’illusion réaliste. 

Georges se déplace : c’est ce qu’on appelle une description en mouvement ou ambulatoire et nous le suivons pas à pas . Le texte est construit selon une organisation spatiale facilement repérable ; Nous avançons ainsi “plus loin” : nous pénétrons “à l’intérieur”  ( 5) de cet univers cauchemardesque ; J’ai vu , j’ai marché (1)  ; Les verbes de vision sont nombreux ainsi que les connecteurs spatio-temporels : dans un angle ( 15), là-bas (11) , partout des morts (19) . 

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Les camps palestiniens 

Le registre pathétique est particulièrement marqué dans cet extrait avec tout d’abord la mention des victimes : ce sont des vieux, des jeunes et même des enfants ; Nous avons ici une sorte de gradation de l’horreur . Le lecteur ne peut s’empêcher de prendre parti contre les miliciens et les exactions commises; Le romancier dénonce ici les massacres perpétrés par les combattants contre des civils sans défense.

La multitude des  petits détails réalistes contribue à renforcer cette dénonciation: la position des corps, les souffrances subies augmentent notre émotion; les cadavres sont présentés dans des positions humiliantes : sur le dos, bras ouverts, ” un bébé torse nu, en couches déchiquetées ( 29)  “un corps coupé en deux ” (10) ; les victimes sont montrées comme cueillies par la mort et aucun détail trivial ne nous est épargné : “la merde séchée , (18 )  les plaies béantes, les trainées de cervelle (21) 

De plus, la description est dramatisée par les réactions du personnage -témoin : Georges qui a bien du mal à ne pas se laisser déborder par l’émotion : “ je le redoutais, je le craignais ” ; ces deux verbes montrent son appréhension ; Profondément troublé par la scène, il semble marquer, malgré lui, un temps d’arrêt : “je me suis arrêté; j’étais sec” ; ( 32)  Aucune larme ne parvient à sortir de son corps : " le visage sans rien ” Tout es passe comme si Georges ne ressentait plus rien, comme si son coeur s’était vidé ; Il ose à peine respirer car selon lui “inspirer, c’était bouffer de la mort “ . Le lexique est ici imagé et le romancier recourt à la crudité de certaines expressions pour mieux peindre fidèlement ce qu’il voit : ” chairs et vêtements arrachés” (l 50) ; le narrateur peu à peu perd pied et semble se perdre au fond de la guerre ; il est guidé par des anges et échappe de peu à la mort mais cette dernière est déjà annoncée. 

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Un texte poignant qui révèle une description organisée visuellement autour du personnage de Georges et de la découverte de ces massacres qui , à l’époque, ont ému considérablement l’opinion publique; C’est cette émotion que tente de restituer le romancier en utilisant diner moyens lexicaux et stylistiques.