Le roman de Sorj Chalandon, Le quatrième mur porte un titre qui d’emblée précise l’un des thèmes majeurs du roman: la vie est-elle un songe ? quelle est la frontière qui sépare nos rêves de la réalité; En effet, le quatrième mur c’est celui qui au départ sépare les comédiens de la salle lors de la représentation théâtrale mais à la fin du récit, c’est celui qui “protège les vivants ” (p 326) et c’est celui que franchit le personnage principal, Georges au moment de choisir de mourir . Ce roman nous emporte , en compagnie de quelques personnages attachants comme Georges, son ami Samuel, son guide Marwan , au coeur d’une guerre terrible qui fait rage au Liban et en Palestine; le romancier nous montre jusqu’où la guerre emporte les hommes et comment elle les transforme : il est alors des régions d’où l’on ne revient jamais ….
Le roman se présente le plus souvent sous la forme d’un récit chronologique : l’histoire de Georges le héros, sa rencontre avec Aurore sa femme, la naissance de sa fille, son projet de mise en scène d’Antigone à Beyrouth pour accomplir les dernières volontés d’un ami gravement malade et son arrivée au Liban , ses découvertes de la réalité de cette guerre , des massacres des camps palestiniens de Sabra et Chatila, de sa blessure, de son retour à Paris et de sa décision de repartir mourir à Tripoli. L’écrivain ménage néanmoins un certain effet en plaçant à l’ouverture du roman le chapitre de la mort du héros qu’il reprend et termine 300 pages plus loin ,au chapitre 24. Lorsqu’il reconstitue le parcours de Georges , l’auteur motive chaque évolution de son personnage , à la manière des écrivains réalistes: il lui confectionne un passé, organise des rencontres décisives dans sa vie et nous place au centre de ses pensées auxquelles il nous donne souvent accès. Le récit des aventures de Georges constitue ,en quelque sorte, un roman d’initiation (Bildungsroman) mais le roman nosu permet aussi de nous interroger sur la place et le rôle de l’art dans le monde et notamment du théâtre;
En effet, le fil conducteur de l’intrigue, c’est avant tout le projet de mettre en scène la pièce de Jean Anouilh Antigone à Beyrouth même, au coeur des combats, avec des acteurs de chaque camp ennemi ; Sorj Chalandon revient à plusieurs reprise sur le projet de Anouilh, sur la réception de la pièce par les différents membres des communautés en présence et sur le sens même de cette tragédie; en tant que journaliste, le romancier décrit souvent les lieux dans lesquels ses personnages se déplacent avec beaucoup d’émotion et le registre patéhqtieu est présent dans de nombreux chapitres. Il sert sans doute à nous sensibiliser sur la tragédie qui es joue au Moyen-orient à cette époque ; l’action du roman se situe dans les années 80 et plus particulièrement en 1982, date de l’escalade de la violence au Liban et des représailles d’ Israël.
En plus de s’attacher à un parcours individuel, l’écrivain retrace des existences croisées qui dressent une sorte de panorama des idéologies qui se combattent en France à partir de Mai 68: de nombreux étudiants voulaient changer le monde et pensaient que l’engagement politique était une voie possible sur le chemin de la transformation de la société. Georges va se retrouver à la croisée des chemins, et il devra choisir entre deux voies, deux directions , deux mondes. La force de ce roman et son caractère atemporel vient des grandes questions existentielles qu’il soulève : jusqu’où l’homme est-il prêt à aller pour défendre ses idéaux et à quel prix ?
Bonne lecture et n’oubliez pas de prendre des notes au fur et à mesure …aidez-vous des titres des chapitres, du diaporama de cours et résumez l’intrigue, étape par étape sur une fiche; Vous pouvez aussi relever des citations que vous trouvez particulièrement intéressantes.
22. janvier 2018 · Commentaires fermés sur Antigone dans le Quatrième Mur : les préparatifs pour la pièce · Catégories: Première · Tags: Antigone, roman
Le roman de Sorj Chalandon raconte l’histoire de deux metteurs en scène qui veulent monter l’Antigone d’Anouilh en plein coeur de Beyrouth en guerre avec des acteurs appartenant à chacune des factions en conflit ; Pari fou, pari osé ou chimère : pourquoi Samuel a-t-il choisi cette dernière volonté avant de mourir et qu’est-ce qui va pousser son jeune ami Georges à relever ce défi ? La pièce est au centre du roman et elle est évoquée sous différents aspects. “J‘ai souffert avec la petite maigre et elle a combattu à mes côtés ” (p 38 ) avoue Samuel à une terrasse de café à son ami Georges en 1974 lorsqu’il évoque pour la première fois son passé douloureux .Il tend alors un exemplaire de la pièce “éditée à la Table ronde en 1945 avec les lithographies terres d’ombres et noires de Jane Pécheur.”
Il est tout d’abord question des souvenirs de lecture de la tragédie d’Anouilh. Cette ouvert a beaucoup marqué Samuel qui en a monté une représentation à l’école polytechnique lors du coup d’Etat des colonels en Grèce en 1973. Il évoque cette expérience alors qu’il est invité au festival de théâtre de Vaison la Romaine pour assister à la représentation d’Antigone mise en scène par Gérard Dournel avec Liliane Sorval dans le rôle d’Antigone, et Jean-Roger Caussimon dans celui de Créon. Samuel raconte la pièce : “Souviens toi des premières secondes. Tous les acteurs sont présents, aucun n’est en coulisse. Il n’y a pas d’arrière scène, pas d’entrée fracassante, de sortie applaudie, pas de claquement de porte. Juste un cercle de lumière où entre celui qui parle. Et l’obscurité qui recueille celui qui vient de parler.Le décor ? Une volée de marches, un drapé de rideau, une colonne antique. c’est le dépouillement,la beauté pure ” (p 39)
Georges a lu Antigone adolescent mais cette pièce ne l’a pas vraiment marqué.Pour Samuel au contraire , elle a guidé sa vie. L’héroïne de Sophocle lui semble prisonnière des dieux et réduite au devoir fraternel alors que la petit maigre chez Anouilh représente , à son sens, “une héroïne du non qui défend sa liberté propre.” ( p 40) Sam offre alors le livre à Georges qui l’accepte comme “une lettre d’adieu“. Au mariage de Georges , Samuel qui est son témoin ajoute que la République, “c’est le respect des différences. ” et plus tard il dira en accueillant Georges blessé que la violence est une faiblesse .(p 67 ) Il lui rappelle à cette occasion qu’ils ne sont pas des résistants, que Giscard n’est pas Pétain et que les jeunes étudiants d’Assas contre lequels il s’est battu , les rats noirs, ne sont pas des nazis, juste des racistes dangereux .” (77)
En 1982, Georges rend visite à Samuel alors très malade et ce dernier lui arrache la promesse de continuer à travailler sur son projet d’Antigone à Beyrouth. “Le drame était un cadeau qu’il emballait de burlesque ” Sam voulait monter la pièce noire d’Anouilh dans une zone de guerre( 87) Faire la paix entre cour et jardin. Et il est question pour lui de terre et de fierté dans Antigone .Il choisit le Liban à cause du massacre palestinien de la Quarantaine suivi des représailles sur le village chrétien de Damour: il venait de trouver les tréteaux d’Antigone. (89) et a entrepris les premières démarches, contacté les acteurs et obtenu des autorisations officielles.
“Antigone était palestinienne et sunnite. Hamon son fiancé, un druze du chou. Créon roi de Thèbes et père d’héron, un maronite de Gemmayzé. Les trois gardes, chiites, pas été messager et Eurydice une vieille chiite; La nourrice une chaldéenne et Ismène, catholique arménienne. (95) ; Sam serait le choeur et Georges s’attaque au projet .
Il relit d’abord la pièce et découvre une Antigone qui refuse de pactiser avec la vie et qui attend la mort; Et il découvre ensuite les notes de mies en scène de Samuel ( p 106) : Pas de costume de scène: le public doit s’attendre à une répétition . Il compare alors avec la représentation de 1944 au théâtre de l’Atelier en février. Antigone était en robe de soirée noire avec une croix au cou et Créon en habit avec gilet et noeud paillon;Les gardes en gabardine et chapeaux mous (gestapo ? ) La pièce doit parler au présent ajoute Samuel.
“Ne pas confondre le Créon brutal de Sophocle et l’homme plein d’amertume dessiné par Anouilh; Chez Sophocle, Créon est le personnage tragique. Chez Anouilh, c’est Antigone qui porte la tragédie” p 107 Il a pensé à la musique de Duruflé et aux symboles : kappa, foulard, keffieh. Georges appelle Iman est constate que les travaux pour la pièce sont au point mort et qu’aucune rencontre n’a pu avoir lieu. Il ment alors à Samuel de plus en plus affaibli et repart avec le sachet de terre de Jaffa. Georges part alors pour Beyrouth. Voilà un extrait d’une mise en scène d’un face à face entre créons et Antigone : entraînez-vous à commenter la mise en scène …
21. janvier 2018 · Commentaires fermés sur La cérémonie des adieux dans le quatrième mur . Le dernier départ de Georges. · Catégories: Première · Tags: guerre, roman
Après son second retour de Beyrouth où il a été gravement blessé dans un bombardement israélien ,et sa découverte du massacre du camp palestinien de Sabra et Chatila dans lequel Imane a trouvé la mort , Georges ne parvient pas à se réadapter à sa vie d’avant la guerre : il cache à sa famille les morts , la guerre et devient dangereux pour lui et pour son entourage. Aurore se met à avoir peur de lui : il se nourrit uniquement de pain et de riz et se met à avoir des accès de colère ; une violence sourde le dévore de l’intérieur et il pense pouvoir mourir de colère. Après l’incident qui a lieu pour les 3 ans de Louise où il agresse la marionnettiste ventriloque , il accepte d’être hospitalisé. Le printemps 1983 se passe : Georges tente de mettre la guerre à distance mais en juillet il reçoit une lettre de Marwan qui lui annonce la mort de Nakad et peu après Sam décède. Georges sait alors qu’il va lui falloir les rejoindre tous . Un dernier incident dans le parc où Louise fait tomber sa boule de glace et où il la bouscule et la blesse, finit par le décider à faire ses adieux ; A sa famille d’abord et à la vie ensuite.
Quelle étape franchit ici le personnage de Georges et comment le romancier justifie-t-il sa décision de repartir à Beyrouth ?
Le passage débute juste après l’évocation par le personnage de ses souvenirs amoureux avec Aurore : ils installaient symboliquement une bougie sur un vieux chandelier qui était leur premier objet achat ensemble et ils l’emmènent partout avec eux; Ce soir là, la bougie s’est éteinte; Or, on sait que la flamme représente symboliquement la vie donc l’obscurité qui apparaît est annonciatrice de mort.
Quel sont les sentiments du personnage ? Georges se présente à nous comme une sort d’enveloppe vide : “je ne
ressentais rien ” (l 1 ) et il précise ensuite : “ni tristesse ni amertume ” ; Ce qui peut paraître étonnant car Georgse bouillonne d’une colère intérieure qui est bien plus que de l’amertume mais ici il évoque plutôt les sentiments liés à sa décision de partir et de quitter sa famille. L’énumération ” ni froid, ni chaud, ni faim, ni sommeil” tend à montrer qu’aucun de ses besoins essentiels n’a plus d’importance comme si la vie le quittait et cet assèchement du personnage se manifeste ensuite par l’image : “je n’entendais plus mon coeur ” à la fois symptôme de son arrêt du coeur et de la volonté de vivre qui le quitte progressivement. L’oxymore “le tumulte que fait le silence ” montre que le personnage se vide peu à peu de ses pensées comme s’il se répartissait de son humanité. D’ailleurs mon coeur est juxtaposé avec mes pensées comme pour attester qu’il ne s’agit pas seulement d’une mort physique mais également d’une mort sur le plan moral; Gerges est comme mort pour le monde qui l’entoure ce qui peut se traduire par un retrait complet des marques sensorielles ; Au sens propre, il ne ressent plus aucune émotion.
La fin du paragraphe évoque les causes de cette évolution tragique du personnage : sa fréquentation de la guerre. L’auteur rend en effet ici la guerre responsable de ces changements; d’abord il emploie le verbe décimer (11) qui littéralement signifie tuer un homme sur 10 et qui connote l’ampleur du massacre . Ensuite , Aurore est présentée comme “veuve ” alors que Georges est encore vivant : ce paradoxe révèle qu’il se considère déjà comme ne faisant plus partie des vivants. Ensuite la guerre est présentée comme une sorte de monstre qui dévore les hommes ; L’expression avoir faim l’animalise et indique la force de son désir ; La gradation “me réclamait”m’exigeait “avait vraiment faim de moi ” (traduit ce besoin irrépressible que ressent le personnage de repartir sur la zone de guerre ) Pour terminer , le romancier montre une sorte de relation d’égal à égal en rappelant que Georges effraie désormais sa famille : la guerre est la seule à pouvoir le comprendre ” elle ,’avait pas perdre mes cris, de mes coups ni même du mon regard ” ; En fait, la guerre semble offrir au personnage des conditions dans lesquelles il peut se laisser aller à déverser sa colère sa violence car les circonstances le justifient. Cette théorie selon laquelle le combat serait un exutoire à la violence existe depuis l’Antiquité; la guerre offre ainsi aux hommes un espace où il peuvent faire ressortir ce que Chalandon nomme “leur monstre intérieur “, tout simplement laisser libre cours à leurs pulsions meurtrières et à leurs bas instincts, toutes les émotions et les gestes qu’ils doivent réprimer tant bien que mal pour pouvoir vivre en société au milieu de autres hommes. L’homme dans la guerre se transforme et ici l romancier monter que son personnage a atteint une zone de non retour.
La mise en scène du départ
Le personnage a préparé son départ et effectué des opérations indispensables comme ” virer mon argent sur le compte de ma femme ” et “retirer du liquide ” mais il ne les prévient pas et les laisse partir le matin sans rien leur dire. Il évoque d’ailleurs ce que sera la première soirée sans lui au conditionnel “ce soir il y aurait pizza pour tout le monde ” comme s’il avait du mal à quitter cette scène, comme s’il faisait encore partie de la distribution; Dans l’expression “tout le monde ” ( 19 ) on peut penser qu’il s’est inclus et qu’ils forment encore à ce moment là, en pensée, un trio. Chaque geste quotidien accompli par le personnage résonne alors de manière symbolique …
20. janvier 2018 · Commentaires fermés sur La répétition inachevée : extrait n° 2 Le quatrième Mur · Catégories: Première · Tags: guerre, roman
De retour à Beyrouth pour continuer à diriger le projet de son ami mourant : faire jouer une représentation de la tragédie d’Anouilh, Antigone, avec des acteurs de chaque faction en guerre , Georges réunit pour la seconde fois sa troupe au centre culturel grec dans le quartier Bir Hassan, le 4 juin 1982; Il a demandé à chaque acteur d’apporter un objet symbolique qui définit son personnage et il entend bien, au cours de leurs lectures, leur indiquer comment jouer au mieux leurs rôles et diriger la répétition. Les acteurs échangent leurs points de vue sur le sens de la pièce et Georges leur rappelle les circonstances de sa création par le dramaturge français; Il en a eu l’idée après avoir lu une affiche de la gestapo qui présentait l’attentat d’un ouvrier français torturé et exécuté pour avoir tiré sur le ministre du gouvernement de Vichy, Pierre Laval. Anouilh a alors pensé à Antigone et à son face à face avec Créon . Image voit en l’héroïne qu’elle incarne l’image de la rébellion et Charbel demande des précisions pour jouer le roi Créon. Georges le laisse libre d’en faire un salaud ou un héros . A ce moment là, un avion israélien bombarde la ville . C’est la panique …
Quel rôle joue ce passage dans le parcours et l’évolution du personnage de Georges ? quelles est sa fonction dramatique? symbolique ? comment la guerre fait-elle irruption ici au coeur du théâtre et de la représentation ? Tout d’abord ce passage représente la véritable découverte de la guerre par Georges, leur premier véritable contact ; Le passage décrit d’abord les réactions des acteurs avant d’analyser ce que ressent Georges à ce moment précis ;
La guerre prend ici la forme de violentes explosions et se caractérise tout d’abord par un mouvement de panique : “ils hurlaient en arabe” : confrontés au danger à la mort, les hommes reviennent immédiatement à leurs langues natales. D’emblée le lecteur est plongé dans la mêlée par une successions de phrases courtes comme des notations des positions de chacun. Chaque prénom est associé à une position : George est “allongé” Yevkinée “blottie ” contre lui et “sanglotait”. Madeleine “pleurait” et Nabil “priait à genoux”; Le roman dresse une sorte de tableau où les corps se dessinent et se transforment sous l’effet du bombardement. Après avoir saisi les positions des acteurs ” mains sur la tête” “ tenant son nez à deux mains ” “dos tourné à la fenêtre ” “mains offertes au ciel “ , l’écrivain va brusquement animer ce tableau en y associant des sensations auditives notamment, qui tentent de rendre compte du fracas des bombes et de la violence de ce qui est subi ici ; “juste le choc terrible, répété, le fracas immense, la violence brute, pure, l’acier en tout sens, le feu, la fumée, les sirènes réveillées les unes après les autres, les klaxons de voitures folles les hurlements de la rue, les explosions encore encore encore ” ( l 14 à 20 ) Sous la forme ici d’une longue énumération, le romancier transcrit les différents bruits qui se succèdent avec d’abord des adjectifs hyperboliques comme “immense ” ou “ terrible ” ; Ensuite en utilisant simplement la juxtaposition des différents sons comme s’ils se déclenchaient les uns à la suite des autres ou quasiment en même temps; l‘allitération en f avec fracas folles, feu, fumée fait presque entendre le souffle de l’explosion. Et la répétition de encore à la fin de la période semble justement la rendre infinie.
Non seulement il nous fait entendre la guerre mais il tente de nous la faire visualiser avec les indications visuelles qui bouleversent nos repères habituels comme “acier en tout sens “(16) ; On peut imaginer ici à la fois les avions mais surtout les dégâts causés par les bombes au sol qui pulvérisent tous les objets qu’elles rencontrent
Georges vit son premier véritable contact direct avec la guerre à laquelle jusque là, il a pourtant beaucoup pensé et il va pouvoir confronter les images qui étaient les siennes à ce qu’il est en train de vivre. “j’étais en guerre ” dit-il (l 12 ) Cette fois vraiment.” Le passage ici se fait par cette formule: passage entre sa représentation de la guerre et son vécu sur le terrain . Ce n’est pas exactement son baptême du feu car il déjà eu une première approche de la guerre à Beyrouth en compagnie de Jospeh-Boutros durant une nuit. C’est d’abord son corps qui parle : ” Mon âmeétait entrée en collision avec le béton déchiré” Cette image traduit l’idée d’un terrible choc contre quelque chose qui nous dépasse ; Les murs sont ici personnifiés avec l’adjectifs déchirés qu’on emploie plutôt pour des corps ( l 20) C’est comme si une partie de lui demeurerait à jamais dans cet endroit: comme s’il venait de perdre un morceau de lui qui restera définitivement accroché à Beyrouth. “ Ma peau, mes os, ma vie , violemment soudés à la ville” L’énumération met sur le même plan le corps : l’enveloppe extérieure, et le squelette caché dessous et le verbe souder marque ici la force de ce lien qui désormais l’unit à cette ville et à son peuple. En même temps le terme souder rappelle l’acier utilisé comme métonymie pour illustrer la guerre.
A ce moment là, le personnage a une réaction paradoxale : il se met à sourire ( l 22) et il associe ce qu’il est en train de vivre à ses souvenirs récents ; Ses pensées sont traduites par l’anaphore du verbe pensais (l 23,24 27 ); L’écrivain superpose différentes images comme pour montrer que la guerre réussit à s’infiltrer partout et notamment rayonne de ce théâtre à Beyrouth toute entière représentée par différents lieux symboliques “ les snipers du Ring, de la tour Risk” ; La parenté des deux mots nous rappelle que même ennemis , ils sont touchés de la même manière ; La ville est remplie de tireurs qui sont “jetés sur les murs ” comme pour souligner la violence qui passe ici directement par les hommes en armes comme Joseph Boutros, le frère de Charbel qui se bat dans le camp chrétien ; Son arme est comparée à un “fusil d’enfant” et le bruit des coups de feu du snipper à “un couinement de souris grise ” (l 23 ) alors que quelques semaines auparavant les mêmes coups de feu semblaient à Georges d’une violence follle ” et il déclarait qu’à ce moment là il n’avait jamais vu la bataille d’aussi près.
Le personnage a donc franchi une étape supplémentaire dans son approche de la guerre et alors qu’au chapitre 10 lorsque Joseph-Boutros lui avait ordonné de rester auprès de lui, il se sentait à ce moment là déjà “au profond de la guerre” et ressentait quelque chose d’à la fois “terrible et vertigineux ” (p 159) . Cette sensation va être décuplée lors de ce bombardement. Car jusque là le personnage conservait la conscience de ne pas être venu pour cela, pour la guerre “ ce n’était pas le mandat queSam m’avait confié “dit-il (p 159) . Avec l’épisode du bombardement, nous voyons le personange de Georges entrer de tout son être dans la guerre; Il ne peut plus demeurer spectateur des événements mais devient l'un des acteurs du conflit. Déjà lorsqu'il avait passé la nuit avec le frère de Charbel, il avait été assailli par un sentiment de honte “j’ai eu honte ” et il secoue la tête pour chasser ce qu’elle contient car pour la première il a peur de lui-même; cette fois la honte demeure présente : l’expression “j’ai eu honte “revient trois fois en trois lignes ( 39 à 42 )et à chaque fois accompagnée par un sentiment paradoxal.
Ce que ressent,en effet, Georges à cet instant peut encore paraître confus : un mélange de joie et d’horreur qui le fait à l fois se sentir en enfer et se sentir terriblement bien ; Que se passe-t-il en lui ? Son esprit voyage et repart à Paris porté par les bruits qui lui rappellent d’autres bruits comme ceux qui célèbrent la victoire du 14 juillet et ceux de la nature “l’orage et la foudre ” l 29 qui sont qualifiés de “trop humains ” comme pour montrer que ceux qu’il entend durant les explosions ne le sont plus. En réalité, c’est plutôt l’inverse car les bruits de l’orage et de la foudre ne sont pas humains alors que ce sont des hommes qui larguent les bombe qui détruisent d’autre hommes.
Son corps parle pour lui : “je mâchais mes joues, j’ouvrais la bouche en grand, je la claquais comme on déchire ” ;( 30) Ce déchirement rappelle celui des murs autour de lui et du béton (l 20 ) et les tireurs de la ville jetés contre les murs sont les échos des avions qui se jetaient sur Beyrouth( l 9 ) ; L’emploi des mêmes verbes pour désigner à la fois l’action des hommes et les conséquences de ces actions renforce le caractère doublement destructeur de la guerre : elle détruit à la fois les hommes qu’on combat et les homme qui combattent. Nul n’en ressort indemne : vivant ou mort . Le corp sue Georges est lui aussi en panique et comme transformé sous l’effet des sensations : “mon ventre était remonté, il était blotti dans ma gorge.” Et pour amplifier la confusion : “ma jambe lançait des cris de rage de dents “ L’image ici de la jambe blessée du personnage mise en relation avec des douleurs dentaires peut faire penser notamment aux représentations picturales cubistes de la guerre qui montrent les corps disloqués et comme enchevêtrés: Guernica de Picasso par exemple offre un saisissant tableau des massacres de la guerre d’Espagne avec des morceaux de corps mêlés qui suggèrent la barbarie . En même temps ces images que le romancier emploie pour décrire les conséquences physiques de la guerre sur les corps ont été utilisées maintes fois dans les récits des guerres relatées notamment par les combattants : ces sensations violentes que leurs ventres et leurs estomacs remontent sont la manifestation de leur peur et provoquent de violentes nausées ; nausée dont est victime Nimer dans l’extrait : Nimer a vomi à la ligne 45 et cela ne surprend personne car tous ressentent les mêmes sensations physiques. Pourtant durant ces quelques secondes , chacun demeure concentré sur lui même : “Personne n’est allé à son secours. personne n’est venu au mien. ” Le parallélisme ici de la construction des deux phrases révèle, dans un premier temps, le temps de l’hébétement ” le tragique isolement des victimes. Cet hébétement est bien l’état qui laisse le personnage bouche ouverte, bouche bée, grande ouverte , c’est à dire sans que les mot puissent être utilisés, juste le silence ou les hurlements.
Mai d’où vient alors la joie féroce que ressent le personnage ? Il tente de préciser ce qu’est pour lui la guerre à ce moment précis : “un vacarme à briser les crânes, à écraser les yeux, à serrer les gorges jusqu’à ce que l’air renonce . ” (39 ) On retrouve bien l’idée d’un mélange de sensations et de fonctions vitales endommagées avec l’ouïe qui est touchée(le sang dans les oreilles est fréquent après les explosions ), la vue (Georges sera blessé au yeux ) et la respiration qui devient impossible (gorge serrée) . En dépit de cette souffrance multiple , le personnage est labouré par une “joie féroce “(40 ) . On note d’abord l’emploi au sens figuré du verbe labourer qui signifie remué en profondeur jusqu’au tréfonds de son être et l‘alliance de mots paradoxale : la joie est qualifiée de féroce alors qu’habituellement l’adjectif féroce qualifie plutôt la méchanceté ou la douleur ; On peut comprendre ici que féroce désigne peut être la dimension sauvage de cette joie incontrôlable qui, en même temps qu’elle surgit , fait mal. Parce qu’il s’agit bien d’ effroi et cet état le fait se sentir terriblement bien ; une des explications possible et que le personnage entre dans la tragédie où tout devient simple. Comment expliquer autrement cette transformation que par la sensation d’atteindre une dimension tragique celle qui fait que “toux ceux qui avaient à mourir sont morts ” comme le dit simplement le Prologue à la fin d’Antigone. On peut ici faire le lien avec la pièce et la définition que le dramaturge propose de l’univers tragique.
A la manière de la tragédie d’Anouilh, le romancier emploie des formules présentations simples : “La guerre c’était ça ” ( 34 ) et il fait entrer Georges dans un univers de tragédie , celui que dépeint justement Anouilh : ” J’étais tragique, grisé de froid, de poudre, ,transi de douleur ” Le personnage ressemble ici à un héros tragique : il a entamé la métamorphose qui le conduira au dénouement où il deviendra cette fois totalement le héros de la tragédie en mourant de manière théâtrale.
En conclusion, ce passage a une double fonction: tout d’abord il nous présente la formation d’un lien ambigu et de plus en plus étroit entre le personnage de Georges qui entame ici une sorte de transformation tragique; ce passage nous montre également les différentes perceptions des stades de la guerre :la brutalité de l’attaque et des sensations qui semblent d’abord pétrifier les hommes, les transformant en statues de sel mais aussi les étapes successives de la guerre avec les hurlements , la panique , le bruit et leurs conséquences immédiates ” le cri des hommes, le sang versé, les tombes..” pour finir par la douleur des vivantssous une forme métonymique avec “les larmes infinies qui suintent des villes ” et le constat global des destructions : “les maisons détruites, les hordes apeurées ” (37) ; cette formule généralisante présente d’ailleurs les survivants comme des animaux redevenus sauvages et se rassemblant en troupeaux comme pour mieux se protéger . Quant à Georges il a fait un pas de plus vers son destin de personnage tragique : la guerre a commencé à s’ emparer de lui et elle ne relâchera pas son étreinte mortelle.
05. janvier 2018 · Commentaires fermés sur Dissertons….Les personnages de roman: des frères de sang ou des étrangers ? · Catégories: Divers · Tags: roman
Disserter sur les personnages de romans nécessite d’être un tant soit peu familier avec ces drôles de créatures imaginaires qu’on rencontre en tournant les pages d’un livre. Qui sont au juste les personnages pour le lecteur et que représentent-ils vraiment ? L’objectif de cette dissertation est de vous faire découvrir les différents liens qui peuvent unir un lecteur et des personnages. Les théoriciens de la littérature ont même donné un nom spécial à cette notion: ils l’appellent l’effet-personnage.
Aristote définissait le personnage comme le simple support d’une action et la plupart des romans jusqu’au seizième siècle semblent présenter des types de personnages idéalisés et interchangeables, aux qualités extraordinaires auxquels un lecteur contemporain a bien du mal à s’identifier; or, en l’absence d’identification produite par le phénomène d’illusion référentielle, le lecteur ne se sent ni proche ni attiré par ces êtres de papier que sont les personnages des romans. Si de nos jours, en effet, les personnages ont tendance à ressembler à des personnes vivantes, cette tendance n’apparaît vraiment qu’au dix-neuvième siècle avec les héros romantiques et surtout après 1850, avec les héros réalistes des grands ensembles de Zola ou de Balzac.Néanmoins, la précision des détails ne suffit pas pour qu’un lecteur se sente attiré par un personnage, il lui faut bien plus qu ‘un portrait physique ou qu’une généalogie. Pourquoi s’attache-t-on à certains personnages et qu’est-ce qui fait naître cet attachement ?
C’est l’une des questions à laquelle vous devrez répondre si vous choisssez de traiter ce sujet. L’un des éléments techniques essentiel pour faciliter une proximité entre le personnage et le lecteur, c’est effectivemennt la voix du narrateur car il sert d’intermédiaire entre l’univers de la fiction et celui de la lecture. Fabriquer un personnage c’est d’abord raconter une histopire dont il fait partie et la manière de montrer les actions du personnage détermine souvent notre degré d’attachement. Il est prouvé que les personnages antipathiques, dotés de nombreux défauts sont souvent des repoussoirs pour les ecteurs qui préfèrent les personnages drôles , et plein de surprises. Un personnage banal comme le héros du roman de George Pérec : Un homme qui dort peut paraître peu intéressant pour un lecteur qui rêve d’une vie palpitante; Pour celui qui rêve de partir à l’aventure, le héros de l’Or de Cendrars ou les personnages voyageurs de Le Clézio sembleront de proches parents. Ceux qui rêvent d’amours exceptionnels se sentiront attirés par les héros de romans comme Manon Lescault ou par les héros cyniques des Liaisons Dangereuses de Laclos. Les héros intrépides de Jules Verne ont pu marquer autrefois de jeunes lecteurs : attirent-ils encore les adolescents ? Faut-il être un super héros pour plaire à des lecteurs d’aujourd’hui ? Les filles et les garçons sont-ils fascinés par les mêmes personnages ?
roman3.jpg, mar. 2016
Sujet : à partir des personnages de romans que vous avez rencontrés , expliquez ce que peut représenter pour le lecteur, un personnage de roman et quels rôles il peut être amené à jouer dans sa vie ? Un être de papier peut-il être amené à jouer un rôle dans la vraie vie de ses lecteurs ? Pourquoi certains personnages romanesques ont-ils eu un destin extraordinaire au point de devenir des mythes ?
Découvrez ce qu ‘en pense Albert Camus qui avec son roman l‘Etranger a inventé un drôle de personnage Jean Baptiste Meursault auquel il est vraiment difficile de s’attacher car il semble n’avoir aucun sentiment hulain.
Qu’est-ce que le roman, en effet, sinon cet univers où l’action trouve sa forme, où les mots de la fin sont prononcés, les êtres livrés aux êtres, où toute vie prend le visage du destin. Le monde romanesque n’est que la correction de ce monde-ci, suivant le désir profond de l’homme. Car il s’agit bien du même monde. La souffrance est la même, le mensonge et l’amour. Les héros ont notre langage, nos faiblesses, nos forces. Leur univers n’est ni plus beau ni plus édifiant que le nôtre. Mais eux, du moins, courent jusqu’au bout de leur destin, et il n’est même jamais de si bouleversants héros que ceux qui vont jusqu’à l’extrémité de leur passion. […] C’est ici que nous perdons leur mesure, car ils finissent alors ce que nous n’achevons jamais.
Mme de La Fayette a tiré La Princesse de Clèvesde la plus frémissante des expériences. Elle est sans doute Mme de Clèves, et pourtant elle ne l’est point. Où est la différence? La différence est que Mme de La Fayette n’est pas entrée au couvent et que personne autour d’elle ne s’est éteint de désespoir. Nul doute qu’elle ait connu au moins les instants déchirants de cet amour sans égal. Mais il n’a pas eu de point final, elle lui a survécu, elle l’a prolongé en cessant de le vivre, et enfin personne, ni elle-même, n’en aurait connu le dessin si elle ne lui avait donné la courbe nue d’un langage sans défaut. I Albert CAMUS, “Roman et révolte” in L’Homme révolté (1951).
Vous consulterez avec profit : les doubles pages de votre manuel 120/121 202/203 274/275 402/403
Des textes de Sylvie Germain sur les personnages , le site magistère sur le personnage de roman, le site copie double et sa dissertation sur le lien lecteur :personnage, la page révisions du bac du Monde.fr sur le roman et la vision du monde .
Il s’agissait d’écrire une description réaliste (c’est à dire d’évoquer des petits détails vrais et d’employer un vocabulaire technique précis ) à la manière de Zola mais en s’appuyant sur la découverte d’un personnage qui pénètre dans un univers inconnu; Le romancier réaliste emploie souvent ce procédé qu'on nomme soit l’oeil de l’étranger soit la fiction du voyageur car cette technique permet de faire passer pour plus authentiques et naturelles les longue descriptions à valeur informatives et documentaires qui confèrent de l’épaisseur au roman . Pour que le lecteur s’ennuie le moins possible, il faut réussir à lui faire croire que tout ce qui est présenté passe par le regard du personnage .
Voyons dans le détail quelques points à améliorer …et rappelons les consignes à respecter pour réussir l’exercice .
Une seconde difficulté consistait à bien traduire les sensations d’Etienne et ses pensées : ce qu’on appelle la description subjective. Certains ont même réussi à peindre un personnage en mouvement et à limiter ou à varier se sangles de vue : on nomme ce procédé la description ambulatoire; La dernière difficulté et pas des moindres consistait à conférer une dimension symbolique à cette reconstitution de l’univers de la sucrerie .
Les vraies bonnes idées et les réussites
Donner un nom à la sucrerie Renaud joue Etienne Lantier
Suivre les déplacements du personnage
Evoquer ses doutes, ses craintes
Montrer que le personnage s’intéresse à ce qu’il voit
Evoquer des petits détails “vrais” comme les distances,le cadre géographique, le temps qu’il fait, la chaleur, la température précise, les couleurs des cheveux, les vêtements des travailleurs , leur air harassé
Utiliser un lexique très technique notamment pour décrire les étapes de la transformation du produit brut
Les erreurs fréquentes :
ne pas suffisamment tenir compte du regard du personnage
ne pas se montrer suffisamment précis dans la description des procédés techniques
se montrer trop approximatif dans le dénombrement (il faut éviter les hyperboles comme des centaines, des dizaines, beaucoup..)
ne pas créer une organisation de la description (ont été valorisés les connecteurs logiques qui précisent les points de vue ou les déplacements d’Etienne )
fabriquer des sensations peu conformes au contexte (Etienne est certes peut être heureux d’avoir quitté la mine mais il ne peut se réjouir de ce nouveau cadre qui ne devait pas être présenté comme idyllique )
Quelques pistes : Etienne décrit d’abord les abords de l’usine : paysage triste et froid, tombereaux de betteraves qui sont déversées et emportées pour être triées , maigreur des chevaux, efforts importants des hommes , rivière salie, bruits qui enflent ..
Une fois à l’intérieur, Etienne peut d’abord décrire selon une vue d’ensemble et se rapprocher des différents sites de production pour en détailler le fonctionnement en montrant au passage, le travail des ouvriers. La description en actions est préférable à un simple panorama statique. A chaque halte, le personnage peut donner ses sensations et glisser une marque de subjectivité qui peut correspondre à un état (il a chaud, froid, mal au ventre, peur ) ; A l’intérieur, le personnage peut montrer à la fois les limites de son champ de vision mais également les limites de ses connaissances : il peut avoir une vue partielle à cause des vitres embuées, de la taille des murs, du manque de visibilité, de l’obscurité ou ne pas connaître le nom de certaines machines ou de certains outils; Il peut également faire preuve de curiosité et interroger les ouvriers ; Attention toutefois à ce que le dialogue ou la conversation ne viennent pas remplacer la description et rompre ainsi l’unité de point de vue . Les détails qui retiennent l’attention du personnage sont également révélateurs : Etienne observe en premier lieu travail, ensuite les ouvriers et éventuellement, comme on le voit dans Germinal, la dimension économique de l’activité de la sucrerie peut prendre une certaine importance ; ce point a été bonifié dans certaines rédactions. Le paysage ne servait que de cadre, de première approche de la réalité du travail dans l’usine et il ne fallait pas oublier l’intérieur de la fabrique.
Le barème d’évaluation accordait 8 points à la dimension réaliste : ont été valorisées les copies qui ont réutilisé les termes techniques des opérations industrielles de transformation de la betterave en sucre raffiné . La dimension subjective représentait un crédit de 6 points : elle évaluait votre capacité à vous attacher au regard du personnage (présence de verbes de vision ) et à ses sensations; La dimension symbolique , de loin la moins réussie , n’a du coup, été évaluée que sur 2 points . Les principaux essais ont porté sur le désert avec le champ lexical de la chaleur de l’aridité ou sur la fourmilière avec les ouvriers affairés, l’activité incessante de ces centaines de personnes occupées à des tâches répétitives et qui semblent submergées ou au contraire très organisées. On pouvait également reprendre l’idée du dragon qui crache le feu mais le symbole du monstre dévorateur coup, ressemblait un peu trop au site du Voreux et semblait moins pertinent.
Les 4 derniers points évaluent le niveau de votre expression écrite; Les fautes d’orthographe, de conjugaison, les répétitions, les oublis vous font ainsi perdre de précieux points . Dommage de ne pas se relire ou es faire relire …
Résumer une oeuvre de cette ampleur n’est pas une chose simple et souvent le résumé de l’action ne suffit pas à caractériser le roman ; Un auteur utilise en fait une intrigue et des personnages pour révéler sa vision du monde et alerter le public sur certains points qui le choquent dans la société ; On dit alors qu'il se sert du roman pour révéler sa vision du monde et que ce sont ses idées qu'il enrobe d'une fiction de manière à les rendre plus accessibles au public. A travers le résumé, las personnages et les idées véhiculées dans le roman, la fiche suivante détaille l'essentiel du sens de l'oeuvre .
Les thèmes principaux sont en gras dans l’article ci-dessous.
1.RÉSUMÉ
Renvoyé de son travail à Lille à cause de ses opinions socialistes, Étienne Lantier est embauché dans les mines de Montsou. La misère des prolétaires s’oppose à l’insolente richesse des actionnaires de la Compagnie des Mines, qui veut baisser encore les salaires, et briser toute tentative syndicale, en s’en prenant à Lantier. Celui-ci réussit à soulever ses camarades, mais la Compagnie laisse pourrir la grève, comptant sur la faim et le froid de l’hiver pour obliger les mineurs à reprendre le travail. La révolte des mineurs affamés est arrêtée par les militaires, qui ouvrent le feu. Les travailleurs retournent à la mine, mais Souvarine, ouvrier nihiliste* russe, réussit à inonder la fosse. Lantier assiste à la mort de Catherine qu’il aimait. Aidé par les équipes de sauvetage, il regagne la surface, avec l’espoir de la germination future de révolutionnaires nouveaux. (d’où le symbole du titre Germinal ) ; D'après vos connaissances, peut-on dire que Germinal est un roman utopique ?
2:PERSONNAGES
Étienne Lantier est le fils de Gervaise, l’héroïne de L’Assommoir, dont il a dû connaître la déchéance. Il est le ferment révolutionnaire parmi le peuple : la Compagnie l’a bien compris, elle qui s’en prend à la caisse sociale qu’il dirige. C’est le héros de la fraternité révolutionnaire. Il s’oppose en cela au mécanicien nihiliste* Souvarine. Lantier est inspiré par le socialisme de Marx ; Souvarine est l’Exterminateur solitaire inspiré par le socialisme anarchiste de Bakounine. Ayant vu la mort de sa femme, tuée sous ses yeux, cet homme sombre croit devoir tout raser pour reconstruire un monde meilleur. Étienne trouve en la famille de Toussaint Maheu des amis et des alliés : contrairement à Gervaise qui mourait désespérée, inconsciente et déchue, la Maheude prend conscience de la nécessité du combat. Catherine, sa fille, est aimée de Lantier. Leur union, au fond de la fosse inondée, auprès du cadavre flottant de Chaval, que Lantier a dû tuer, est une scène éprouvante. Mais le vrai héros du roman, c’est la foule, le peuple des mineurs.
3:UN ROMAN SOCIAL
Germinal est le fruit de l’enquête minutieuse que Zola, journaliste, a menée sur le terrain des mines du Nord, à l’occasion de la grève générale d’Anzin. La précision de l’observation sociale fut encore confirmée, bien longtemps après, car les choses n’avaient guère changé, par Maurice Thorez, ancien mineur, et secrétaire général du parti communiste. Face à la misère et à la crasse des ouvriers, Zola n’oublie pas de peindre l’hypocrisie bourgeoise des actionnaires et des nantis, leur mauvaise foi et leur bonne conscience révoltante, à une époque où, le directeur touchant quarante fois plus que ses ouvriers, les profits de la mine ne cessaient d’augmenter. Le luxe des Hennebeau s’accorde à la fainéantise des Grégoire pour contraster avec la misère te le courage des familles ouvrières
4:UN ROMAN À THÈSE
Germinal est pour les mineurs le roman de l’apprentissage politique. En effet, les passions individuelles s’effacent ici derrière la nécessité collective de s’engager. La rivalité amoureuse de Lantier et Chaval, par exemple, est reléguée au second plan. De là à faire de ce roman social un roman à thèse, il n’y a qu’un pas. En effet, Germinal est le roman de la lutte des classes et de la misère ouvrière, l’éveil du monde du travail à la conscience de ses droits. Il ne s’agit plus ici de cette liberté abstraite pour laquelle on se battait en 1848. Cette fois, on se bat pour manger, et pour survivre : le salariat est devenu la forme moderne de l’esclavage. La révolution industrielle nécessite donc une révolution sociale. En tout cela, Germinal s’oppose à L’Assommoir, dont il est le pendant positif. À la dépression sociale de Gervaise dans L’Assommoir répond l’espoir d’Étienne Lantier dans Germinal, malgré la répression féroce : quatorze morts, vingt-cinq blessés. Germinal est donc un éloquent réquisitoire, un formidable « J’accuse » contre le Capital. Quelle thèse y défend Zola ?
5 :UN ROMAN VISIONNAIRE
Le génie de Zola triomphe de ses principes. Le naturalisme de sa prose, une fois de plus, est dépassé par les visions d’une vaste épopée mythologique. Au Capital, dieu impersonnel, présent partout, visible nulle part, répond la masse épique* des travailleurs, dont la foule grondeuse est montrée par l’auteur en une large fresque, cette « vision rouge de la révolution », au vacarme tonnant des gros sabots sur la terre dure. La fosse du Voreux est un monstre puissant, et le puits qui à la fin coule à l’abîme semble une apocalypse, ou une apothéose, selon la perspective. Lantier qui tente de sauver Catherine pour la ramener vers la lumière est un nouvel Orphée, ayant abandonné sa lyre élégiaque pour entonner le chant plus à propos de l’Internationale. Il y a du Dante dans cette vertigineuse et moderne descente aux enfers. Le lamento des corons obscurs est éclairé par l’étoile de l’espoir, cette germination future. La leçon des ténèbres débouche sur une vision poétique et prophétique : « Ce roman, dit Zola, je le veux prédisant l’avenir. »
25. octobre 2017 · Commentaires fermés sur Portrait naturalistes : l’influence du milieu dans Le ventre de Paris de Zola · Catégories: Seconde · Tags: roman, Zola
Le roman de Zola Le Ventre de Parisa pour cadre le vaste marché des Halles où viennent se ravitailler les Parisiens. Lisa Macquart , la charcutière, Louise Méhudin la poissonnière , La Sarriette, vendeuse de fruits et Mademoiselle Saget , la commère du quartier sont quatre des personnages féminins qui font plusieurs apparitions et occupent des rôles de premier et de second plan dans Le Ventre de Paris , troisième volume de la série des Rougon-Macquart. Pour décrire ses femmes, Zola utilise les techniques du roman naturaliste et notamment il met les éléments physiques en relation avec le milieu dans lequel ces personnages évoluent.
Le cadre du roman est composé des Halles , le plus grand marché de Paris et ces femmes sont souvent montrées en action, en lien direct avec leur travail et leurs gestes quotidiens; Dans Germinal, Zola montre également les personnages dans la mine, occupés à travailler et en liaison avec leur cadre de vie.
Lisa et Louise, les deux rivales , ont une forme de beauté inquiétante et leurs proportions mettent mal à l’aise le narrateur qui se montre également sensible à leur environnement; Ainsi Lisa se confond avec les plats qu’elle dispose dans la vitrine de la charcuterie et les termes qui sont employés pour la décrire pourraient correspondre à ceux qui qualifient la beauté d’une viande : “ce jour là, elle avait une fraîcheur superbe ” et Zola évoque même sa “forte encolure “, vocabulaire qui correspond à la description d’un animal, d’une vache ou d’un cheval, par exemple. Lisa est donc au final une belle charcutière et sa poitrine, attribut féminin et sensuel par excellence, ressemble à un “ventre “; La comparaison est peu flatteuse et on retient surtout de ce portrait ambivalent l'image de la "reine empâtée” qui sourit. Son “cou gras” à la ligne 17 et ses joues rosées font vraiment penser aux colorations des jambons; ce lien entre le personnage et son cadre de vie apparaît très fortement également dans le portrait de Louise, la belle Normande. Son métier de poissonnière lui confère un “parfum persistant” (l 12) qui évoque la “fadeur des saumons” “les âcretés des harengs et des raies” (l 16) et cette odeur qui l’imprègne, incommode fortement Florent le héros: “Florent souffrait ; il ne la désirait point; “il la trouvait irritante, trop salée, trop amère, d’une beauté trop large et d’un relent trop fort” ( ligne 22) Quand Zola décrit ce que ressent ici le personnage, on pourrait penser qu’il décrit la mer et non pas une femme . Dans les deux cas, Florent se montre intimidé et le narrateur ajoute qu’il “ne savait pas regarder les femmes” (ligne 3 ) ou qu’il les traitait “en homme qui n’a point de succès auprès d’elles” On pourrait presque dire que Florent se sent écrasé, menacé par leur carrure imposante et leur grosseur . Dans le monde des Halles, elles font partie des beautés grasses alors que Florent fait partie du clan des maigres comme Mademoiselle Saget par exemple.
Lorsqu’on compare le portrait de la Saget et celui de la Sarriette, on peut tout d’abord remarquer que l’une éveille le désir et la sensualité alors que l’autre exprime , à la fois la sécheresse du corps et du coeur. La Sarriette est décrite en harmonie avec un verger et les qualités des fruits de son étal, se retrouvent dans ses traits physiques : “à peine mûre et toute frâiche de printemps” ligne 9, on a presque envie de la croquer comme on croque un fruit ; elle évoque clairement l’idée d’une tentation charnelle : “elle inspirait des envies de maraude “ligne 10 et le mot volupté fait penser à l’amour qu’elle inspire: “ses ardeurs de belle fille mettait en rut ces fruits de la terre” ; tout, en elle matérialise la sensualité et les fruits caractérisent chaque partie du son corps dans une sorte de correspondances: “les lèvres” font penser aux cerises et à des baisers rouges ; les seins aux pêches et sa peau a la finesse de celle d'une prune . Son sang est même comparé à la groseille (23) . La vieille marchande affreuse qui travaille à côté d’elle, sert de contrepoint pour faire ressortir la beauté de la Sarriette; cette sensualité s’accompagne d’odeur enivrantes : les arômes des fruits se mélangent pour former un parfum qui est qualifié “d‘arôme de vie” ligne 28 et les effets de ce parfum sont perceptibles : ils évoquent des “griseries d’odeurs” et cela tourne la tête de la jeune femme. Aucune sensualité dans le portrait de Mademoiselle Saget bien au contraire mais un portrait réaliste, lui aussi , qui montre à la fois les détails physiques et le lien avec le milieu. Cette commère détestée par tous, ne vit pas dans un monde de couleurs mais en noir et blanc avec sa “face blanche au fond d’une ombre sournoise” (ligne 7) ; Ses vêtements sont aussi caractérisés par l’absence d’éclat : “robe déteinte” “cabas noir” jusqu’au chapeau de paille qui lui aussi est noir (ligne 6) ; véritable langue de vipère, Mademoiselle Saget passe son temps à espionner le quartier et les gens la redoutent (ligne 19) ; A son approche, les conversations cessent et Zola la montre constamment en mouvement “tout le long du jour” (20); Elle rôde à l’affut des moindres rumeurs et semble tout connaître de ses voisins jusqu’aux moindres détails ; “jusqu’à dire le nombre de chemises qu’ils faisaient blanchir par mois” . Le danger que constitue cette faiseuse d’histoires se lit à son ” ombre sournoise” et à son sourire pointu . (lien 9) ; Elle inspire de la défiance et les gens s’interrogent à son entrée alors que la Sarriette inspire du désir et de l’envie.
En résumé, les portraits des personnages dans les romans réalistes sont toujours en lien avec le milieu dans lequel ils évoluent car les personnages reflètent ainsi un partie du monde qui les entoure; On appelle cette théorie le déterminisme .
18. mai 2017 · Commentaires fermés sur Marianne : une mère éplorée dans Réparer les vivants · Catégories: Première · Tags: roman
Le passage à étudier se situe au début du roman p 88 : Marianne , la mère de Simon a reçu un coup de téléphone des pompiers et s’est rendue immédiatement à l’hôpital où Simon vient d’être admis aux urgences dans le coma après un accident de voiture . Le médecin qui la reçoit lui précise que Simon est en état de mort cérébrale et que plus rien ne peut le sauver ; Marianne quitte alors l’hôpital pour attendre le père de Simon auquel elle a laissé plusieurs messages : elle entre, après avoir déambulé dans les rues vides comme une somnambule , un automate, dans un café du Havre ouvert le dimanche; Il est 6 h du matin ; Comment la romancière nous présente-t-elle le personnage de la mère ici ?
I Un cadre réaliste : à la manière des écrivains réalistes, l’auteure dépeint avec beaucoup de précisions le cadre dans lequel évolue ce personnage car il est en symbiose avec ses pensées;
a) les petit détails vrais: impressions et sensations
le lecteur est frappé par l’obscurité : “c’est sombre à l’intérieur ” et les marques des souvenirs de la nuit ” empreintes de dérives nocturnes ” ; Un petit détail comme “émanations de cendre refroidie ” a pour objectif de rendre ce cadre réaliste et de créer une atmosphère dans laquelle le personnage va évoluer . Ainsi l’auteure détaille l’allure du propriétaire comme s’il s”agissait du point de vue de Marianne, d’un point de vue externe; son om n’est pas précisé ; “un type ” demeure très vague et les détails vestimentaires ajoutent une dimension réaliste : “tignasse froissée du saut du lit ” car il est très tôt ce dimanche matin et Marianne est sans doute la première cliente. Le barman est montré en action; il rince un verre tout en zieutant cette femme qu’il sait déjà avoir vue ici ; on notera ici la concordance des informations qui construisent le caractère réaliste du roman; en effet, marraine avait affirmé qu’elle connaissait ce café ce qui corrobore les propos de l’employé; d’autre part, le verbe zyeuter , issu du registre familier , témoigne de l’utilisation d’un procédé réaliste qui consiste à introduire dans le langage des personnages des mots ou expressions qui renvoient à leur condition sociale; l’originalité ici c’est que le vocabulaire qui constitue la parlure des personnages, leur voix caractéristique, est en fait intégré dans le récit ; ainsi la différence entre le style direct et le style indirect libre ou même le style indirect s’estompe; les changements sont fondus à l’intérieur des phrases .
Mater Dolorosa
b)le rôle de la musique : à plusieurs reprises, la romancière glisse en italique à l’intérieur de son récit des citations qui sont les paroles d’une chanson d’Alain Bashung ; quatre insertions qui forment comme un refrain à l’intérieur même du roman : “Voleur d’amphores au fond des criques ” “où subsiste encore ton écho” et “j’ai fait la saison dans cette boîte crânienne” enfin “dresseur de loulous dynamiteur d’aqueducs” ; cette chanson mélancolique a pour titre La nuit je mens et raconte l’histoire d’un personnage étrange , un sorte d’aventurier qui aime beaucoup la mer, comme Simon ; le choix des citations peut s’apparenter à une sorte de ligne mélodique qui s’entrecroise avec le récit et fait écho à ce que vit le personnage de Marianne; on peut relever , par exemple la mention de l’écho comme si la vie de Simon était encore imprimée en elle ; la troisième citation qui évoque la boîte crânienne peut également nous faire penser à ce qui se passe à l’intérieur du cerveau du personnage de Marianne; Le refrain cette chanson évoque le fait de faire l’amour ou le mort dans uns sorte de jeu de mots ; De plus, la mention, d’une chanson connue dans ce café contribue à rendre elle récit encore plus réaliste .
II Un personnage saisi sous un double regard
a) les changements de points de vue : ils se fondent à l’intérieur de spharses et nous font passer de l’extérieur à l’intérieur sans que nous y prenions garde.
Confronté à la douleur extrême, le personnage doit rassembler ses forces mais semble très vite impuissant comme l’atteste l’adjectif employé “une douleur qu’elle est impuissante à contrôler à réduire ” ; le narrateur alors omniscient revient sur le passé du personnage et sur son refus de parler de quelque chose d'”irréversible ” ; cette technique qui consiste pour un romancier à montrer que le personnage finalement,avait tort, est assez réaliste ; les romanciers aujourd’hui jouent avec leurs personnages et leur ajoutent des morceaux de passé mais qu’ils laissent parfois en suspens : ” peut être qu’elle se met à danser ” précise le narrateur qui refuse ainsi d’endosser le statut traditionnel du narrateur totalement omniscient car il feint de ne pas vraiment savoir ce qu’a fait le personnage de Marianne. Parfois un je apparaît qui est lui aussi fondu dans l’ensemble : ” ça va Miss? Marianne détourne les yeux,je vais ma’sseoir ” On devrait avoir ici des guillemets pour encadrer la parole du barman et celle de Marianne avec entre les deux passages qui devraient être au style direct, une phrase de transition assumée par un point de vue omniscient.
La vierge aux 7 douleurs
La fiction se donne ainsi comme fiction tout en maintenant des liens étroit avec la vraisemblance . Par les plongées successives das la tête des personnages, le lecteur ne sait plus très bien où se situe le narrateur et de quel point de vue est assumée la description. Sans s’adresser directement au lecteur comme ont tendance à le faire certains romanciers, l’écrivaine brouille les repères traditionnels des points de vue et passe de l’un à l’autre très rapidement : ce qui a comme effet de nous faire demeurer très proche des personnages qui ainsi s’apparentent à de vraies personnes . Marianne est ici au centre du récit et elle est utilisée pour décrire la lutte de l’homme pour résister à la tristesse d’avoir perdu un proche; La relation mère/fils été choisie car elle rend compte de manière particulièrement saisissante les vagues de douleur qui assaillent le personnage.
Dans ce passage, la douleur de Marianne se traduit de différentes manières : le personnage semble d’abord transformé physiquement
b) Gros plan sur Marianne
Marianne est comparée à un chien : elle halète et sa voix est inaudible; la douleur la prive de paroles c’est pourquoi nous suivons ses pensées et pénétrons dans son esprit ; L’auteure montre également, d’un autre point de vue cette fois, de nombreux petit détails anatomiques : elle déglutit La romancière emploie des phrases qui contient des infinitifs comme si le personnage se parlait à lui-même ” ne pas fermer les yeux, écouter la chanson ” ; d’ailleurs Marianne tente de réorganiser ses pensées comme le révèlent les connecteurs logiques: “Primo, deuxio, Tertio ; Nous sommes à la fois face à elle et en elle et nous enregistrons sa transformation finale : "le grand miroir piqué au fond de la salle lui renvoie un visage qu'elle ne reconnait pas ,elle détourne la tête " ; Il s'agit bien ici d'un regard porté par un narrateur sur le personnage de Marianne et non plus du point de vue de Marianne ; la douleur la transforme même physiquement mais elle décide de se battre ..
c) le combat contre la douleur
Pour décrire la douleur qui est une abstraction, les écrivains ont souvent retour à des images qui ont pour but de la rendre davantage concrète; Ici on retrouve des métaphores qui détaillent une attaque ” foncent sur elle par vagues successives” ; Marianne doit donc combattre l'irruption des souvenirs pour ne pas sombrer: elle rassemble sa volonté et fait un effort de contrôle de ses pensées ;
Les images des attaques de la douleur évoquent des animaux féroces : “les éloigner à grands coups de latte si possible ” comme on le ferait
violemment en cas d’agression; la familiarité et la crudité de l’expression “à grands coups de latte ” renforcent la dimension réaliste ; on trouve également l’expression “tenir tout cela à bout de gaffe ” La gaffe est une perche qui sert pour les marins à éloigner les bateaux qui passent trop près d’un rocher ou qui se rapprochent du bord ou qui vont heurter un obstacle en mer. On retrouve cette omniprésence de la mer au sein du roman et ce thème de la douleur qui donnera lieu à d’autre images menaçantes comme celles du serpent dans le bureau du médecin ; L’idée est bien de “créer des leurres, détourner la violence et faire barrage aux images ” Deux de ces trois expressions pourraient caractériser la lutte contre un cours d’eau menaçant ; Le cliché de la douleur qui déferle ou qui arrive par vagues successives balayant tout sur son pasasge est souvent repris dans le roman. Il est associé à des images plus originales car l’auteure cherche à dégager la chimie de la douleur .
10. mai 2017 · Commentaires fermés sur Le personnage de Marianne dans Réparer les vivants : mater dolorosa · Catégories: Première · Tags: roman
Marianne et Sean
Marianne Limbres est interprétée dans le film par l’actrice française Emmanuelle Seigner qui avoue qu’elle a d’abord refusé le rôle car personne n’a envie d’intrepréter ça, cette douleur de perdre un enfant te de devoir faire le choix de donner ses organes alors même qu’il paraît encore vivant . Marianne c’est avant tout la mère, figure maternelle qui doit affronter un drame qui vient bouleverser l’ordre des choses : un parent qui enterre son enfant . Comment l’auteure a -t-elle construit ce personnage de mère ?
La présence maternelle est rappelée dès les premières lignes du roman par la mention de la naissance de Simon, ce moment où son coeur a subitement accéléré sous la pression de l’expulsion du corps maternel . Les trois adolescents subissent également les “sommations maternelles ” pour les tirer du lit ; on retrouve ici l’idée d’une mère qui veille. Marianne fait son apparition dans le récit à l page 47 lors de son arrivée à l’hôpital . L’appel de la gendarmerie a eu lieu vers 11h et le chapitre va alors s’organiser sous la forme d’un retour en arrière . On assiste d’abord à l’arrivée de Marianne paniquée : elle doit se rendre aux urgences et une infirmière lui indique la route à suivre. La page 48 détaille la réaction de Marianne lorsque le téléphone a sonné ; sa première réaction fut la peur. Notre premier extrait montre le regard de la petite Lou sur sa mère qui “enfile ses vêtements à la hâte” et peu à peu se défigure sous l’effet de la terreur . L’écrivain utilise alors la métaphore filée de l’éboulement pour rendre plus concret cet effondrement intérieur et le passage se termine par la pétrification de Marianne. Après avoir déposé Lou, elle prend sa voiture et au volant, concentre sur le trajet à parcourir, elle ressent peu à peu un changement d’atmosphère; Tout autour d’elle devient menaçant comme si une force de destruction inouïe ( p 52) se préparait. Marianne s’emploie à “conjurer l’intuition qui sédimentaire en elle depuis l’appel téléphonique” comme si elle ressentait intuitivement la mort de Simon ou du moins, son départ . arrivée sur le parking de l;hoîtal qui est comparé à une forêt immobile, close, Marianne tente de joindre à nouveau le père de Simon. Son parcours jusqu’au service de réanimation lui parait interminable et dès qu’il croies son regard, Pierre Révolu sait qu’elle est la mère de Simon : “regard vrillé, joue mordues de l’intérieur” Marianne attend la phrase par la quelle le malheur va s’engouffrer et elle voudrait s’enfuir, disparaitre ; Le médecin sait qu’elle sait ( 62) ; L’auteure nous présente cette intuition maternelle comme si les mots n’allaient que confirmer ce qu’elle a déjà compris et ressenti dans sa chair; Marianne est désormais une statue de pierre .
Maylis de Kerangal
Elle n’a pas l’autorisation de voir Simon et les souvenirs de son enfance se mettent à lui revenir en mémoire par bribes : d’abord les maladies infantiles et ensuite un souvenir de séjour en classe de neige; elle quitte l’hôpital toujours sans nouvelles de Sean et se dirige vers un café: elle cherche un lieu pour attendre, un lieu pour épuiser le temps . Dans la rue, l’univers semble transformé sous l’effet de sa douleur : “la catastrophe s’est propagée sur les éléments , les lieux, les choses, un fléau comme si tout se conformait à ce qui avait eu lieu ce matin .” (87) . Rien ne vient injurier la détresse de Marianne qui avance tel un automate, la démarche mécanique et l’allure floue. Elle se met à prier à voix haute et entre dans un café où elle commande un gin. elle ne se reconnaît pas dans le miroir et tente de faire barrage aux images de Simon qui se fomcent à tout allure et foncent sur elle par vagues successives .( 89) . Sa douleur fait écho à une chanson d’Alain Bashung qu’on entend ; “Les bouffées mémorielles survenues alors qu’elle évoquait Simon dans le cagibi de révolu ont logé dans sa poitrine une douleur qu’elle est impuissante à contrôler, à réduire. ” L’auteure décrit la chimie de la douleur et ses pleurs au téléphone quand elle entend la voix de Sean : “elle pleure traversée par l’émotion que l’on ressent parfois devant, ce qui, dans le temps, a survécu d’indemne et déclenche la douleur des impossibles retours en arrière.” (91)
Les parents unis dans la douleur sont présentés comme des naufragés; Au chevet de leur fils, Marianne a bien du mal à ne pas s’évanouir : “elle chancelle, jambe molles, s’agrippe au lit à roulettes.” (99) A l’annonce par le médecin de l’état de mort cérébrale deSimon, les parents accusent le coup. Marianne pense qu’il peut se réveiller du coma mais révolu affirme que c’est impossible. accablés les parents ne réalisent pas “comme si ces deux-là lentement se dissociaient du reste de l’humanité, migraient vers les confins de la croûte terrestre, quittaient un temps et un territoire pour amorcer une dérive sidérale. ” (108) A la fois coupés d’eux-mêmes et coupés du monde qui les entoure . Marlis de Kerangal observe ici les effet sue la douleur et le fait qu’elle nous retranche du monde réel .
Sean et Marianne apparaissent comme frappés par un météore noir qui venait de les percuter de plein fouet et ils suivent Thomas Rémige l’infirmier , dans le dédale des couloirs de l’hôpital. Pris dans une onde de choc, ils concentrent dans leur tête à cet instant, la pleine tragédie du monde . (125) A l’annonce de la possibilité du don d’organes, Marianne et Sean sont assomés: “Bouches bées, regard flottant au ras de la table basse, mains qui se tordent, et ce silence qui s’écoule, épais, noir, vertigineux, mélange l’affolement à la confusion. ” ( 127) Thomas Rémige fait son travail pour tenter d’arracher le consentement des parents mais il est conscient des vagues de douleur que cela provoque sur “leurs visages torchonnés de souffrance”. Marianne pleure mais désormais parle de Simon à l’imparfait ce qui est le signe qu’elle parvient à réaliser sa mort . Thomas pense qu’elle pourrait accepter les prélèvements mais pas le père.
Sean et Marianne vont faire un tour en voiture et Sean a alors un accès de violence contre lui-même ; Marianne tente de l’arrêter et sent la folie les menacer ; Ils se sentent responsables d’avoir donné à leur fils ce goût du surf et de ne pas avoir su le protéger . ” Marianne songe, c’est trop, on va crever.” ( 157) Leurs visages finissent par se caresser au bord du fleuve et les mots de Marianne forment une empreinte dans l’air statique. ” ils ne lui feront pas mal, ils ne lui feront aucun mal” Elle réussit avec ces mots à obtenir le consentement du père pour les dons d’organes. Ils se retrouvent alors une dernière fois autour de Simon , corps contre corps. Au moment de sortir de la chambre, Marianne se retourne une dernière fois vers le lit et ce qui la fige sur place est la solitude qui émane de Simon, désormais aussi seul qu’un objet , comme s’il était délesté de sa part humaine . ( 175)
L’auteure montre dans ce roman un lien très fort entre la mère et le fils et une conscience près que physique de la mort de Simon éprouvée dans sa chair avant même que l’idée fasse son chemin dans son esprit.Ce personnage est rendu patéhtqioue car sa conscience est saisie à la fois au moyen d’une narration anonyme et de plongées dans ses pensées souvent sous la forme de bribes de monologues ou même de dialogues; De retour chez eux , Marianne et Sean récupèrent Lou et doivent ensuite prévenir leurs proches . La mère pense ensuite à Juliette : “que deviendra l’amour de Juliette une fois que le coeur de Simon recommencera de battre dans un corps inconnu, que deviendra tout ce qui emplissait ce coeur ? “
Au moment où les équipes prélèvent les organes sur le corps de Simon, Marianne imagine le voyage fantastique de ce coeur dans l’espace : il est 23 h 50 et “la douleur la défonce ” : après avoir visualisé l’envol du coeur de son fils dans la nuit polaire, à l manière d’un objet merveilleux, elle trouve enfin le sommeil : “elle ressent un calme profond ” . Le roman se ferme sur le corps de Claire qui reçoit son nouveau coeur et le corps de Simon sera rendu ad integrum à sa famille le lendemain matin .