20. janvier 2018 · Commentaires fermés sur La répétition inachevée : extrait n° 2 Le quatrième Mur · Catégories: Première · Tags: ,
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De retour  à Beyrouth pour continuer à diriger  le projet  de son ami mourant : faire jouer une représentation de la tragédie d’Anouilh, Antigone, avec des acteurs de chaque faction en guerre , Georges réunit pour la seconde fois sa troupe au centre culturel grec  dans le quartier Bir Hassan, le 4 juin 1982; Il a demandé à chaque acteur d’apporter un objet symbolique qui définit son personnage et il entend bien, au cours de leurs lectures, leur indiquer comment jouer au mieux leurs rôles et diriger la répétition. Les acteurs échangent leurs points de vue sur le sens de la pièce  et Georges leur rappelle les circonstances de sa création par le dramaturge français; Il en a eu l’idée après avoir lu une affiche de la gestapo qui présentait l’attentat d’un ouvrier français torturé et exécuté pour avoir  tiré sur le ministre du gouvernement de Vichy, Pierre Laval. Anouilh a alors pensé à Antigone et à son face à face avec Créon . Image voit en l’héroïne qu’elle incarne l’image de la rébellion et Charbel demande des précisions pour jouer le roi Créon. Georges le laisse libre d’en faire un salaud ou un héros . A ce moment là, un avion israélien bombarde la ville . C’est la panique …

Quel rôle joue ce passage dans le parcours et l’évolution du personnage de Georges ? quelles est sa fonction dramatique? symbolique ? comment la guerre  fait-elle irruption ici au coeur du théâtre et de la représentation ? Tout d’abord ce passage représente la véritable découverte de la guerre par Georges, leur premier véritable contact ; Le passage décrit d’abord les réactions des acteurs avant d’analyser ce que ressent Georges à ce moment précis ;

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La guerre  prend ici la forme de violentes explosions et se caractérise tout d’abord par un mouvement de panique : “ils hurlaient en arabe” : confrontés  au danger à la mort,  les hommes reviennent immédiatement à leurs langues natales. D’emblée le lecteur est plongé dans la mêlée par une successions de phrases courtes comme des notations des positions de chacun. Chaque prénom est associé à une position :  George est “allongé” Yevkinée “blottie ” contre lui et “sanglotait”. Madeleine “pleurait” et Nabil “priait à genoux”; Le roman dresse une sorte de tableau où les corps se dessinent et se transforment sous l’effet du bombardement. Après avoir saisi les positions des acteurs ” mains sur la tête” “ tenant son nez à deux mains ” “dos tourné à la fenêtre“mains offertes au ciel “ , l’écrivain va brusquement animer ce tableau en y associant des sensations auditives notamment, qui tentent de rendre compte du fracas des bombes et de la violence de ce qui est subi ici ; “juste le choc terrible, répété, le fracas immense, la violence brute, pure, l’acier en tout sens, le feu, la fumée, les sirènes réveillées les unes après les autres, les klaxons de voitures folles les hurlements de la rue, les explosions encore encore encore ” (  l 14 à 20 )  Sous la forme ici d’une longue énumération, le romancier transcrit les différents bruits qui se succèdent avec d’abord des adjectifs hyperboliques comme “immense ” ou “ terrible ” ; Ensuite en utilisant simplement la juxtaposition des différents sons comme s’ils se déclenchaient les uns à la suite des autres ou quasiment en même temps; l‘allitération en f avec fracas folles, feu, fumée fait presque entendre le souffle de l’explosion. Et la répétition de encore à la fin de la période semble justement la rendre infinie.

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Non seulement il nous fait entendre la guerre mais il tente de nous la faire visualiser avec les indications visuelles qui bouleversent nos repères habituels  comme “acier en tout sens “(16)  ; On peut imaginer ici à la fois les avions mais surtout les dégâts causés par les bombes au sol qui pulvérisent tous les objets qu’elles rencontrent 

Georges vit son premier véritable contact direct avec la guerre à laquelle jusque là, il a pourtant beaucoup pensé et il va pouvoir confronter les images qui étaient les siennes à ce qu’il est en train de vivre. “j’étais en guerre ” dit-il (l 12 ) Cette fois vraiment.”  Le passage ici se fait par cette formule: passage entre sa représentation de la guerre et son vécu sur le terrain .   Ce n’est pas exactement son baptême du feu car il  déjà eu une première approche de la guerre à Beyrouth en compagnie de Jospeh-Boutros durant une nuit. C’est d’abord son corps qui parle : ” Mon âme était entrée en collision avec le béton déchiré ” Cette image traduit l’idée d’un terrible choc contre quelque chose qui nous dépasse ; Les murs sont ici personnifiés avec l’adjectifs déchirés qu’on emploie plutôt pour des corps ( l 20) C’est comme si une partie de lui demeurerait à jamais dans cet endroit: comme s’il venait de perdre un morceau de lui  qui restera définitivement accroché  à Beyrouth. “ Ma peau, mes os, ma vie , violemment soudés à la villeL’énumération met sur le même plan le corps : l’enveloppe extérieure, et le squelette caché dessous  et le verbe souder marque ici la force de ce lien qui désormais l’unit à cette ville et à son peuple. En même temps le terme souder rappelle l’acier  utilisé comme métonymie pour illustrer la guerre.

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A ce moment là, le personnage  a une réaction paradoxale : il se met à sourire ( l 22) et il associe ce qu’il est en train de vivre à ses souvenirs récents ; Ses pensées sont traduites par l’anaphore du verbe pensais (l 23,24 27 ); L’écrivain superpose différentes images comme pour montrer que la guerre  réussit à s’infiltrer partout  et notamment rayonne de ce théâtre à  Beyrouth toute entière représentée par différents lieux symboliques  “ les snipers du Ring, de la tour Risk” ; La parenté des deux mots nous rappelle que même ennemis , ils sont touchés de la même manière ; La ville est remplie de tireurs qui sont “jetés sur les murs ” comme pour souligner la violence qui passe ici directement par les hommes en armes comme Joseph Boutros, le frère de Charbel qui se bat dans le camp chrétien ; Son arme est comparée à un “fusil d’enfant” et le bruit des coups de feu du snipper à “un couinement de souris grise ” (l 23 )  alors que quelques semaines auparavant les mêmes coups de feu  semblaient à Georges d’une violence follle ” et il déclarait qu’à ce moment là il n’avait jamais  vu la bataille d’aussi près.

Le personnage a donc franchi une étape supplémentaire dans son approche de la guerre et alors qu’au chapitre 10 lorsque Joseph-Boutros lui  avait ordonné de rester auprès de lui, il se sentait à ce moment là déjà “au profond de la guerre” et ressentait quelque chose d’à la fois “terrible et vertigineux ” (p 159) . Cette sensation va être décuplée lors de ce bombardement.  Car  jusque là le personnage conservait la conscience de ne pas être venu pour cela, pour la guerre  “ ce n’était pas le mandat que Sam m’avait confié “dit-il (p 159) . Avec l’épisode du bombardement, nous voyons le personange de Georges entrer de tout son être dans la guerre; Il ne peut plus demeurer spectateur des événements mais devient l'un des acteurs du conflit. Déjà lorsqu'il  avait passé la nuit avec le frère de Charbel, il avait été assailli par un sentiment de honte “j’ai eu honte ” et il secoue la tête pour chasser ce qu’elle contient car pour la première il a peur de lui-même; cette fois la honte demeure présente : l’expression “j’ai eu honte “revient trois fois en trois lignes ( 39 à 42 )et à chaque fois accompagnée par un sentiment paradoxal. 

Ce que ressent,en effet, Georges à cet instant peut encore paraître confus : un mélange de joie et d’horreur qui le fait à l fois se sentir en enfer et se sentir terriblement bien ; Que se passe-t-il en lui ? Son esprit voyage et repart à Paris porté par les bruits qui lui rappellent d’autres bruits  comme ceux qui célèbrent la victoire du 14 juillet et ceux de la nature “l’orage et la foudre ” l 29 qui sont qualifiés de “trop humains ”  comme pour montrer que ceux qu’il entend durant les explosions ne le sont plus. En réalité, c’est plutôt l’inverse car les bruits de l’orage et de la foudre ne sont pas humains alors que ce sont des hommes qui larguent les bombe qui détruisent d’autre hommes. 

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Son corps parle pour lui : “je mâchais mes joues, j’ouvrais la bouche en grand, je la claquais comme on déchire ” ;( 30)  Ce déchirement rappelle celui des murs autour de lui  et du béton (l 20 ) et les tireurs de la ville jetés contre les murs sont les échos des avions qui se jetaient sur Beyrouth( l 9 ) ; L’emploi des mêmes verbes pour désigner à la fois l’action des hommes et les conséquences de ces actions renforce le caractère doublement destructeur de la guerre : elle détruit à la fois les hommes qu’on combat et les homme qui combattent. Nul n’en ressort indemne : vivant ou mort . Le corp sue Georges est lui aussi en panique et comme transformé sous l’effet des sensations : “mon ventre était remonté, il était blotti dans ma gorge.” Et pour amplifier la confusion : “ma jambe lançait des cris de rage de dents “ L’image ici de la jambe blessée du personnage mise en relation avec des douleurs dentaires peut faire penser notamment aux représentations picturales cubistes de la guerre qui montrent les corps disloqués et comme enchevêtrés: Guernica de Picasso par exemple offre un saisissant tableau des massacres de la guerre d’Espagne avec des morceaux de corps mêlés qui suggèrent la barbarie . En même temps ces images  que le romancier emploie pour  décrire les conséquences physiques de la guerre sur les corps ont  été utilisées maintes fois dans les récits des guerres relatées notamment par les combattants : ces sensations violentes  que leurs ventres et leurs estomacs remontent sont la manifestation de leur peur et   provoquent de violentes nausées ; nausée dont est victime Nimer dans l’extrait : Nimer a vomi à la ligne 45 et cela ne surprend personne car tous ressentent les mêmes sensations physiques. Pourtant durant ces quelques secondes , chacun demeure concentré sur lui même : “Personne n’est allé à son secours. personne n’est venu au mien. ” Le parallélisme ici de la construction des deux phrases révèle, dans un premier temps, le temps de l’hébétement ” le tragique isolement des victimes. Cet hébétement est bien l’état qui laisse le personnage bouche ouverte, bouche bée, grande ouverte , c’est à dire sans que les mot puissent être utilisés, juste le silence  ou les hurlements.

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Mai d’où vient alors la joie féroce que ressent le personnage ? Il tente de préciser ce qu’est pour lui la guerre à ce moment précis : “un vacarme à briser les crânes, à écraser les yeux, à serrer les gorges jusqu’à  ce que l’air renonce . ” (39 ) On retrouve bien l’idée d’un mélange de sensations et de fonctions vitales endommagées avec l’ouïe qui est touchée(le sang dans les oreilles est fréquent après les explosions ), la vue (Georges sera blessé au yeux ) et la respiration qui devient impossible (gorge serrée) . En dépit de cette souffrance multiple , le personnage est labouré par une “joie féroce “(40 )  . On note d’abord l’emploi au sens figuré du verbe labourer qui signifie remué en profondeur jusqu’au tréfonds de son être et l‘alliance de mots  paradoxale : la joie est qualifiée de féroce alors qu’habituellement l’adjectif féroce qualifie plutôt la méchanceté ou la douleur ; On peut comprendre ici que féroce désigne peut être la dimension sauvage de cette joie incontrôlable qui, en même  temps qu’elle surgit , fait mal. Parce qu’il s’agit bien d’ effroi et cet état le fait se sentir terriblement bien ; une des explications possible et que le personnage  entre dans la tragédie où tout devient simple. Comment expliquer autrement cette transformation que par la sensation d’atteindre une dimension tragique celle qui fait que “toux ceux qui avaient à mourir sont morts ” comme le dit simplement  le Prologue à la fin d’Antigone. On peut ici faire le lien avec la pièce et la définition que le dramaturge propose de l’univers tragique. 

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A la manière de la tragédie d’Anouilh, le romancier emploie des formules présentations simples : “La guerre c’était ça ” ( 34 )  et il fait entrer Georges dans un univers de tragédie , celui que dépeint justement Anouilh : ” J’étais tragique, grisé de froid, de poudre, ,transi de douleur ” Le personnage ressemble ici à un héros tragique : il a entamé la métamorphose qui le conduira au dénouement où il deviendra cette fois totalement le héros de la tragédie en mourant de manière théâtrale. 

En conclusion, ce passage a une double fonction: tout d’abord il nous présente  la formation d’un lien ambigu et de  plus en plus étroit entre  le personnage de Georges qui entame ici une sorte de transformation tragique; ce passage nous montre également les différentes perceptions des stades de la guerre :la brutalité de l’attaque et des sensations qui semblent d’abord pétrifier les hommes, les transformant en statues de sel mais aussi  les étapes successives de la guerre avec les hurlements , la panique , le bruit et leurs conséquences immédiates ” le cri des hommes, le sang versé, les tombes..” pour finir par la douleur des vivants sous une forme métonymique avec “les larmes infinies qui suintent des villes ” et le  constat global des destructions : “les maisons détruites, les hordes apeurées ” (37) ; cette formule généralisante présente d’ailleurs les survivants comme des animaux redevenus sauvages et se rassemblant en troupeaux comme pour mieux se protéger . Quant à Georges il  a fait un pas de plus vers son destin de personnage tragique : la guerre a commencé à s’ emparer de lui et elle ne relâchera pas son étreinte mortelle. 

05. janvier 2018 · Commentaires fermés sur Dissertons….Les personnages de roman: des frères de sang ou des étrangers ? · Catégories: Divers · Tags:
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Disserter sur les personnages de romans nécessite d’être un tant soit peu familier avec ces drôles de créatures imaginaires qu’on rencontre en tournant les pages d’un livre. Qui sont au juste les personnages pour le lecteur et que représentent-ils vraiment ? L’objectif de cette dissertation est de vous faire découvrir les différents liens qui peuvent unir un lecteur et des personnages. Les théoriciens de la littérature ont même donné un nom spécial à cette notion: ils l’appellent l’effet-personnage. 

Aristote définissait le personnage comme le simple support d’une action et la plupart des romans jusqu’au seizième siècle semblent présenter des types de personnages idéalisés et interchangeables, aux qualités extraordinaires auxquels un lecteur contemporain  a bien du mal à s’identifier; or, en l’absence d’identification produite par le phénomène d’illusion référentielle, le lecteur ne se sent ni proche ni attiré par ces êtres de papier que sont les personnages des romans. Si de nos jours, en effet, les personnages ont tendance à ressembler à des personnes vivantes, cette tendance n’apparaît vraiment qu’au dix-neuvième siècle avec les héros romantiques et surtout après 1850, avec les héros réalistes des grands ensembles de Zola ou de Balzac.Néanmoins, la précision des détails ne suffit pas pour qu’un lecteur se sente attiré par un personnage, il lui faut bien plus qu ‘un portrait physique ou qu’une généalogie.  Pourquoi s’attache-t-on à certains personnages et qu’est-ce qui fait naître cet attachement ?

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C’est l’une des questions à laquelle vous devrez répondre si vous choisssez de traiter ce sujet. L’un des éléments techniques essentiel pour faciliter une proximité entre le personnage et le lecteur, c’est effectivemennt la voix du narrateur car il sert d’intermédiaire entre l’univers de la fiction et celui de la lecture. Fabriquer un personnage c’est d’abord raconter une histopire dont il fait partie et la manière de montrer les actions du personnage détermine souvent notre degré d’attachement. Il est prouvé que les personnages antipathiques, dotés de nombreux défauts sont souvent des repoussoirs pour les ecteurs qui préfèrent les personnages drôles , et plein de surprises. Un personnage banal comme le héros du roman de George Pérec : Un homme qui dort peut paraître peu intéressant pour un lecteur  qui rêve d’une vie palpitante; Pour celui qui rêve de partir à l’aventure, le héros de l’Or de Cendrars ou les personnages voyageurs de Le Clézio sembleront de proches parents. Ceux qui rêvent d’amours exceptionnels  se sentiront attirés par les héros de romans comme Manon Lescault ou par les héros cyniques des  Liaisons Dangereuses de Laclos. Les héros intrépides de Jules Verne ont pu marquer  autrefois de jeunes lecteurs : attirent-ils encore les adolescents ?  Faut-il être un super héros pour plaire à des lecteurs d’aujourd’hui ? Les filles et les garçons sont-ils fascinés par les mêmes personnages ? 

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roman3.jpg, mar. 2016

Sujet : à partir des personnages de romans que vous avez rencontrés , expliquez ce que peut représenter pour le lecteur, un personnage de roman et quels rôles il peut être amené à jouer dans sa vie ? Un être de papier peut-il être amené à jouer un rôle dans la vraie vie de ses lecteurs ?  Pourquoi certains personnages romanesques ont-ils eu un destin extraordinaire au point de devenir des mythes ? 

Découvrez ce qu ‘en pense Albert Camus qui avec son roman l‘Etranger a inventé un drôle de personnage  Jean Baptiste Meursault auquel il est vraiment difficile de s’attacher car il semble n’avoir aucun sentiment hulain. 

Qu’est-ce que le roman, en effet, sinon cet univers où l’action trouve sa forme, où les mots de la fin sont prononcés, les êtres livrés aux êtres, où toute vie prend le visage du destin. Le monde romanesque n’est que la correction de ce monde-ci, suivant le désir profond de l’homme. Car il s’agit bien du même monde. La souffrance est la même, le mensonge et l’amour. Les héros ont notre langage, nos faiblesses, nos forces. Leur univers n’est ni plus beau ni plus édifiant que le nôtre. Mais eux, du moins, courent jusqu’au bout de leur destin, et il n’est même jamais de si bouleversants héros que ceux qui vont jusqu’à l’extrémité de leur passion. […] C’est ici que nous perdons leur mesure, car ils finissent alors ce que nous n’achevons jamais.

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   Mme de La Fayette a tiré La Princesse de Clèvesde la plus frémissante des expériences. Elle est sans doute Mme de Clèves, et pourtant elle ne l’est point. Où est la différence? La différence est que Mme de La Fayette n’est pas entrée au couvent et que personne autour d’elle ne s’est éteint de désespoir. Nul doute qu’elle ait connu au moins les instants déchirants de cet amour sans égal. Mais il n’a pas eu de point final, elle lui a survécu, elle l’a prolongé en cessant de le vivre, et enfin personne, ni elle-même, n’en aurait connu le dessin si elle ne lui avait donné la courbe nue d’un langage sans défaut. I
Albert CAMUS, “Roman et révolte” in L’Homme révolté (1951).

Voir la page originale :

 http://www.site-magister.com/grouptxt4b.htm#ixzz43CBD5CcG
 

Vous consulterez avec profit : les doubles pages de votre manuel 120/121  202/203  274/275  402/403 

Des textes de Sylvie Germain sur les personnages , le site magistère sur le personnage de roman, le site copie double et sa dissertation sur le lien lecteur :personnage, la page révisions du bac du Monde.fr sur le roman et la vision du monde . 

05. janvier 2018 · Commentaires fermés sur Etienne découvre le travail de la sucrerie · Catégories: Seconde · Tags: ,
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Il s’agissait d’écrire une description réaliste (c’est à dire d’évoquer des petits détails vrais et d’employer un vocabulaire technique précis ) à la manière de Zola mais en s’appuyant sur la découverte d’un personnage qui pénètre dans un univers inconnu; Le romancier réaliste emploie souvent ce procédé qu'on nomme soit l’oeil de l’étranger soit la fiction du voyageur car cette technique permet de faire passer pour plus authentiques et naturelles les longue descriptions à valeur informatives et documentaires qui confèrent de l’épaisseur au roman . Pour que le lecteur s’ennuie le moins possible, il faut réussir à lui faire croire que tout ce qui est présenté passe par le regard du  personnage .

Voyons dans le détail quelques points à améliorer …et rappelons les consignes à respecter pour réussir l’exercice .

 Une seconde difficulté consistait à bien traduire les sensations d’Etienne et ses pensées : ce qu’on appelle la description subjective. Certains ont même réussi à peindre un personnage en mouvement et à limiter ou à varier se sangles de vue : on nomme ce procédé la description ambulatoire; La dernière difficulté et pas des moindres consistait à conférer une dimension symbolique à cette reconstitution de l’univers de la sucrerie .

Les vraies bonnes idées et les réussites 

  • Donner un nom à la sucrerie 
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    Renaud joue Etienne Lantier 
  • Suivre les déplacements du personnage 
  • Evoquer ses doutes, ses craintes
  • Montrer que le personnage s’intéresse à ce qu’il voit 
  • Evoquer des petits détails “vrais” comme les distances,le cadre géographique, le temps qu’il fait, la chaleur, la température précise, les couleurs des cheveux, les vêtements des travailleurs , leur air harassé 
  • Utiliser un lexique très technique notamment pour décrire les étapes de la transformation du produit brut 

Les erreurs fréquentes : 

  • ne pas suffisamment tenir compte du regard du personnage
  • ne pas se montrer suffisamment précis dans la description des procédés techniques
  • se montrer trop approximatif dans le dénombrement (il faut éviter les hyperboles comme des centaines, des dizaines, beaucoup..)
  • ne pas créer   une organisation de la description (ont été valorisés les connecteurs logiques qui précisent les points de vue ou les déplacements d’Etienne ) 
  • fabriquer des sensations peu conformes au contexte (Etienne est certes peut être heureux d’avoir quitté la mine mais il ne peut se réjouir de ce nouveau cadre qui ne devait pas être présenté comme idyllique ) 
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Quelques pistes : Etienne décrit d’abord les abords de l’usine : paysage triste et froid, tombereaux de betteraves qui sont déversées et emportées pour être triées , maigreur des chevaux, efforts importants des hommes , rivière salie, bruits qui enflent ..

Une fois à l’intérieur, Etienne peut d’abord décrire selon une vue d’ensemble et se rapprocher des différents sites de production pour en détailler le fonctionnement en montrant au passage, le travail des ouvriers. La description en actions est préférable à un simple panorama statique. A chaque halte, le personnage peut donner ses sensations et glisser une marque de subjectivité qui peut correspondre à un état (il a chaud, froid, mal au ventre, peur ) ; A l’intérieur, le personnage peut montrer à la fois les limites de son champ de vision mais également les limites de ses connaissances  : il peut avoir une vue partielle à cause des vitres embuées, de la taille des murs, du manque de visibilité, de l’obscurité ou ne pas connaître le nom de certaines machines ou de certains outils; Il peut également faire preuve de curiosité et interroger les ouvriers ; Attention toutefois à ce que le dialogue ou la conversation ne viennent pas remplacer la description et rompre ainsi l’unité de point de vue . Les détails qui retiennent l’attention du personnage sont également révélateurs : Etienne observe en premier lieu travail, ensuite les ouvriers et éventuellement, comme on le voit dans Germinal, la dimension économique de l’activité de la sucrerie peut prendre une certaine importance ; ce point a été bonifié dans certaines rédactions. Le paysage ne servait que de cadre, de première approche de la réalité du travail dans l’usine et il ne fallait  pas oublier l’intérieur de la fabrique

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Le  barème d’évaluation accordait 8 points à la dimension réaliste : ont été valorisées les copies qui ont réutilisé les termes techniques des opérations industrielles de transformation de la betterave en sucre raffiné . La dimension subjective représentait un crédit de 6 points : elle évaluait votre capacité à vous attacher au regard du personnage (présence de verbes de vision ) et à ses sensations; La dimension symbolique , de loin la moins réussie , n’a du coup, été évaluée que sur 2 points . Les principaux essais ont porté sur le désert avec le champ lexical de la chaleur de l’aridité  ou sur la fourmilière avec les ouvriers affairés, l’activité incessante de ces centaines de personnes occupées à des tâches répétitives et qui semblent submergées ou au contraire très organisées.  On pouvait également reprendre l’idée du dragon qui crache le feu mais le symbole du monstre dévorateur coup,  ressemblait un peu trop au site du Voreux et semblait moins pertinent.

Les 4 derniers points évaluent le niveau de votre expression écrite; Les fautes d’orthographe, de conjugaison, les répétitions, les oublis vous font  ainsi perdre de précieux points . Dommage de ne pas se relire ou es faire relire …

 

25. octobre 2017 · Commentaires fermés sur Fiche de lecture Germinal · Catégories: Seconde · Tags: ,
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Maheu et Etienne côte à côte

Résumer une oeuvre de  cette ampleur n’est pas une chose simple et souvent le résumé de l’action ne suffit pas à caractériser le roman ; Un auteur utilise en fait une intrigue et des personnages pour révéler sa vision du monde et alerter le public sur certains points qui le choquent dans la société ; On dit alors qu'il se sert du roman pour révéler sa vision du monde et que ce sont ses idées qu'il enrobe d'une fiction de manière à les rendre plus accessibles au public. A travers le résumé, las personnages et les idées véhiculées dans le roman, la fiche suivante détaille l'essentiel du sens de l'oeuvre . 

Les thèmes principaux sont en gras dans l’article ci-dessous. 

1.RÉSUMÉ

Renvoyé de son travail à Lille à cause de ses opinions socialistes, Étienne Lantier est embauché dans les mines de Montsou. La misère des prolétaires s’oppose à l’insolente richesse des actionnaires de la Compagnie des Mines, qui veut baisser encore les salaires, et briser toute tentative syndicale, en s’en prenant à Lantier. Celui-ci réussit à soulever ses camarades, mais la Compagnie laisse pourrir la grève, comptant sur la faim et le froid de l’hiver pour obliger les mineurs à reprendre le travail. La révolte des mineurs affamés est arrêtée par les militaires, qui ouvrent le feu. Les travailleurs retournent à la mine, mais Souvarine, ouvrier nihiliste* russe, réussit à inonder la fosse. Lantier assiste à la mort de Catherine qu’il aimait. Aidé par les équipes de sauvetage, il regagne la surface, avec l’espoir de la germination future de révolutionnaires nouveaux. (d’où le symbole du titre Germinal ) ; D'après vos connaissances, peut-on dire que Germinal est un roman utopique

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2:PERSONNAGES

Étienne Lantier est le fils de Gervaise, l’héroïne de L’Assommoir, dont il a dû connaître la déchéance. Il est le ferment révolutionnaire parmi le peuple : la Compagnie l’a bien compris, elle qui s’en prend à la caisse sociale qu’il dirige. C’est le héros de la fraternité révolutionnaire. Il s’oppose en cela au mécanicien nihiliste* Souvarine. Lantier est  inspiré par le socialisme de Marx ; Souvarine est l’Exterminateur solitaire inspiré par le socialisme anarchiste de Bakounine. Ayant vu la mort de sa femme, tuée sous ses yeux, cet homme sombre croit devoir tout raser pour reconstruire un monde meilleur. Étienne trouve en la famille de Toussaint Maheu des amis et des alliés : contrairement à Gervaise qui mourait désespérée, inconsciente et déchue, la Maheude prend conscience de la nécessité du combat. Catherine, sa fille, est aimée de Lantier. Leur union, au fond de la fosse inondée, auprès du cadavre flottant de Chaval, que Lantier a dû tuer, est une scène éprouvante. Mais le vrai héros du roman, c’est la foule, le peuple des mineurs.

3:UN ROMAN SOCIAL

Germinal est le fruit de l’enquête minutieuse que Zola, journaliste, a menée sur le terrain des mines du Nord, à l’occasion de la grève générale d’Anzin. La précision de l’observation sociale fut encore confirmée, bien longtemps après, car les choses n’avaient guère changé, par Maurice Thorez, ancien mineur, et secrétaire général du parti communiste. Face à la misère  et à la crasse des ouvriers, Zola n’oublie pas de peindre l’hypocrisie bourgeoise des actionnaires et des nantis, leur mauvaise foi et leur bonne conscience révoltante, à une époque où, le directeur touchant quarante fois plus que ses ouvriers, les profits de la mine ne cessaient d’augmenter. Le luxe des Hennebeau s’accorde à la fainéantise des Grégoire pour contraster avec la misère te le courage des familles ouvrières 

4:UN ROMAN À THÈSE

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Germinal est pour les mineurs  le roman de l’apprentissage politique. En effet, les passions individuelles s’effacent ici derrière la nécessité collective de s’engager. La rivalité amoureuse de Lantier et Chaval, par exemple, est reléguée au second plan. De là à faire de ce roman social un roman à thèse, il n’y a qu’un pas. En effet, Germinal est le roman de la lutte des classes et de la misère ouvrière, l’éveil du monde du travail à la conscience de ses droits. Il ne s’agit plus ici de cette liberté abstraite pour laquelle on se battait en 1848. Cette fois, on se bat pour manger, et pour survivre : le salariat est devenu la forme moderne de l’esclavage. La révolution industrielle nécessite donc une révolution sociale. En tout cela, Germinal s’oppose à L’Assommoir, dont il est le pendant positif. À la dépression sociale de Gervaise dans L’Assommoir répond l’espoir d’Étienne Lantier dans Germinal, malgré la répression féroce : quatorze morts, vingt-cinq blessés. Germinal est donc un éloquent réquisitoire, un formidable « J’accuse » contre le Capital. Quelle thèse y défend Zola ?  

5 :UN ROMAN VISIONNAIRE

Le génie de Zola triomphe de ses principes. Le naturalisme de sa prose, une fois de plus, est dépassé par les visions d’une vaste épopée mythologique. Au Capital, dieu impersonnel, présent partout, visible nulle part, répond la masse épique* des travailleurs, dont la foule grondeuse est montrée par l’auteur en une large fresque, cette « vision rouge de la révolution », au vacarme tonnant des gros sabots sur la terre dure. La fosse du Voreux est un monstre puissant, et le puits qui à la fin coule à l’abîme semble une apocalypse, ou une apothéose, selon la perspective. Lantier qui tente de sauver Catherine pour la ramener vers la lumière est un nouvel Orphée, ayant abandonné sa lyre élégiaque pour entonner le chant plus à propos de l’Internationale. Il y a du Dante dans cette vertigineuse et moderne descente aux enfers. Le lamento des corons obscurs est éclairé par l’étoile de l’espoir, cette germination future. La leçon des ténèbres débouche sur une vision poétique et prophétique : « Ce roman, dit Zola, je le veux prédisant l’avenir. »

 

 

25. octobre 2017 · Commentaires fermés sur Portrait naturalistes : l’influence du milieu dans Le ventre de Paris de Zola · Catégories: Seconde · Tags: ,

 Le roman de Zola Le Ventre de Parisa pour cadre le vaste marché des Halles où viennent se ravitailler les Parisiens.  Lisa Macquart ,  la charcutière, Louise Méhudin la poissonnière , La Sarriette, vendeuse de fruits et Mademoiselle Saget , la commère du quartier   sont quatre des personnages féminins qui font plusieurs apparitions et occupent des rôles de premier et de second plan dans Le Ventre de Paris , troisième volume de la série des Rougon-Macquart. Pour décrire ses femmes, Zola utilise les techniques du roman naturaliste et notamment il met les éléments physiques en relation avec le milieu dans lequel ces personnages évoluent.

Le cadre du roman est composé des Halles , le plus grand marché de Paris et ces femmes sont souvent montrées en action, en lien direct avec leur travail et leurs gestes quotidiens; Dans Germinal, Zola montre également les personnages dans la mine, occupés à travailler et en liaison avec leur cadre de vie.

Lisa et Louise, les deux rivales ,  ont une forme de beauté  inquiétante et leurs proportions mettent mal à l’aise le narrateur qui se montre également sensible à leur environnement; Ainsi Lisa se confond avec les plats qu’elle dispose dans la vitrine de la charcuterie et les termes qui sont employés pour la décrire pourraient correspondre à ceux qui qualifient la beauté d’une viande : “ce jour là, elle avait une fraîcheur superbe ”  et Zola évoque même sa “forte encolure “, vocabulaire qui correspond à la description d’un animal, d’une vache ou d’un cheval, par exemple. Lisa est donc au final une belle charcutière et sa poitrine, attribut féminin et sensuel par excellence,  ressemble à un  “ventre “; La comparaison est peu flatteuse et on retient surtout de ce portrait ambivalent l'image de la "reine empâtée” qui sourit. Son “cou gras” à la ligne 17  et ses joues rosées font vraiment penser aux colorations des jambons; ce lien entre le personnage et son cadre de vie  apparaît très fortement également dans le portrait de Louise, la belle Normande. Son métier de poissonnière lui confère un “parfum persistant” (l 12) qui évoque la “fadeur des saumons” “les âcretés des harengs et des raies” (l 16) et cette odeur qui l’imprègne, incommode fortement Florent le héros: “Florent souffrait ; il ne la désirait point; “il la trouvait irritante, trop salée, trop amère, d’une beauté trop large et d’un relent trop fort” ( ligne 22)  Quand Zola décrit ce que ressent ici le personnage, on pourrait penser qu’il décrit la mer et non pas une femme . Dans les deux cas, Florent se montre intimidé et le narrateur ajoute qu’il “ne savait pas regarder les femmes” (ligne 3 ) ou qu’il les traitait “en homme qui n’a point de succès auprès d’elles”  On pourrait presque dire que Florent se sent écrasé, menacé par leur carrure imposante et leur grosseur . Dans le monde des Halles, elles font partie des beautés grasses alors que Florent fait partie du clan des maigres comme Mademoiselle Saget par exemple.

Lorsqu’on compare le portrait de la Saget et celui de la Sarriette, on peut tout d’abord remarquer que l’une éveille le désir et la sensualité alors que l’autre exprime , à la fois la sécheresse du corps et du coeur. La Sarriette est décrite en harmonie avec un verger et les qualités des fruits de son étal, se retrouvent dans ses traits physiques : “à peine mûre et toute frâiche de printemps” ligne 9, on a presque envie de la croquer comme on croque un fruit ; elle évoque clairement  l’idée d’une tentation charnelle : “elle inspirait des envies de maraude “ligne 10 et le mot volupté fait penser à l’amour  qu’elle inspire: “ses ardeurs de belle fille mettait en rut ces fruits de la terre” ; tout, en elle matérialise la sensualité et les fruits caractérisent chaque partie du son corps dans une sorte de correspondances: “les lèvres” font penser aux cerises et à des baisers rouges ; les seins aux pêches et sa peau a la finesse de celle d'une prune . Son sang est même comparé à la groseille (23) . La vieille marchande affreuse  qui travaille à côté d’elle, sert de contrepoint pour faire ressortir la beauté de la Sarriette; cette sensualité s’accompagne d’odeur enivrantes : les arômes des fruits se mélangent pour former un parfum qui est qualifié “d‘arôme  de vie” ligne 28 et les effets de ce parfum sont perceptibles : ils évoquent des “griseries d’odeurs” et cela tourne la tête de la jeune femme.  Aucune sensualité dans le portrait de Mademoiselle Saget bien au contraire  mais un portrait réaliste, lui aussi , qui montre à la fois les détails physiques et le lien avec le milieu. Cette commère détestée par tous, ne vit pas dans un monde de couleurs mais en noir et blanc avec sa “face blanche au fond d’une ombre sournoise”  (ligne 7) ; Ses vêtements sont aussi caractérisés par l’absence d’éclat : “robe déteinte” “cabas noir” jusqu’au chapeau de paille qui lui aussi est noir (ligne 6) ; véritable langue de vipère, Mademoiselle Saget passe son temps à espionner le quartier et les gens la redoutent (ligne 19) ; A son approche, les conversations cessent et Zola la montre constamment en mouvement “tout le long du jour”  (20); Elle rôde à l’affut des moindres rumeurs et semble tout connaître de ses voisins jusqu’aux moindres détails ; “jusqu’à dire le nombre de chemises qu’ils faisaient blanchir par mois” . Le danger que constitue cette faiseuse d’histoires se lit à son ” ombre sournoise” et à son sourire pointu . (lien 9) ; Elle inspire de la défiance et les gens s’interrogent à son entrée alors que la Sarriette inspire du désir et de l’envie.

En résumé, les portraits des  personnages dans les romans réalistes sont toujours en lien avec le milieu dans lequel ils évoluent car les personnages reflètent ainsi un partie du monde qui les entoure; On appelle cette théorie le déterminisme

18. mai 2017 · Commentaires fermés sur Marianne : une mère éplorée dans Réparer les vivants · Catégories: Première · Tags:
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Le passage à étudier se situe au début du roman p 88 : Marianne , la mère de Simon a reçu un coup de téléphone des pompiers et s’est rendue immédiatement à l’hôpital où Simon vient d’être admis aux urgences dans le coma après un accident de voiture . Le médecin qui la reçoit lui précise que Simon est en état de mort cérébrale et que plus rien ne peut le sauver ; Marianne quitte alors l’hôpital pour attendre le père de Simon auquel elle a laissé plusieurs messages : elle entre, après avoir déambulé dans les rues vides comme une somnambule , un automate, dans un café du Havre ouvert le dimanche; Il est 6 h du matin ; Comment la romancière nous présente-t-elle le personnage de la mère ici ? 

I Un cadre réaliste : à la manière des écrivains réalistes, l’auteure dépeint avec beaucoup de précisions le cadre dans lequel évolue ce personnage car il est en symbiose avec ses pensées;

a) les petit détails vrais: impressions et sensations

le lecteur est frappé par l’obscurité : “c’est sombre à l’intérieur ” et les marques des souvenirs de la nuit ” empreintes de dérives nocturnes ” ; Un petit détail comme “émanations de cendre refroidie ” a pour objectif de rendre ce cadre réaliste et de créer une atmosphère dans laquelle le personnage va évoluer . Ainsi l’auteure détaille l’allure du propriétaire comme s’il s”agissait du point de vue de Marianne, d’un point de vue externe; son om n’est pas précisé ; “un type ” demeure très vague et les détails vestimentaires ajoutent une dimension réaliste : “tignasse froissée du saut du lit ” car il est très tôt ce dimanche matin et Marianne est sans doute la première cliente. Le barman est montré en action; il rince un verre tout en zieutant cette femme qu’il sait déjà avoir vue ici ; on notera ici la concordance des informations qui construisent le caractère réaliste du roman; en effet, marraine avait affirmé qu’elle connaissait ce café ce qui corrobore les propos de l’employé; d’autre part, le verbe zyeuter , issu du registre familier , témoigne de l’utilisation d’un procédé réaliste qui consiste à introduire dans le langage des personnages des mots ou expressions qui renvoient à leur condition sociale; l’originalité ici c’est que le vocabulaire qui constitue la parlure des personnages, leur voix caractéristique, est en fait intégré dans le récit ; ainsi la différence entre le style direct et le style indirect libre ou même le style indirect s’estompe; les changements sont fondus à l’intérieur des phrases .

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Mater Dolorosa

b)le rôle de la musique : à plusieurs reprises, la romancière glisse en italique à l’intérieur de son récit des citations qui sont les paroles d’une chanson d’Alain Bashung ; quatre insertions qui  forment comme un refrain à l’intérieur même du roman : “Voleur d’amphores au fond des criques ” “où subsiste encore ton écho” et  “j’ai fait la saison dans cette boîte crânienne” enfin “dresseur de loulous dynamiteur d’aqueducs” ; cette chanson  mélancolique a pour titre La nuit je mens et raconte l’histoire d’un personnage étrange , un sorte d’aventurier qui aime beaucoup la mer, comme Simon ; le choix des citations peut s’apparenter à une sorte de ligne mélodique qui s’entrecroise avec le récit et fait écho à ce que vit le personnage de Marianne; on peut relever , par exemple  la mention de l’écho comme si  la vie de Simon était encore imprimée en elle ; la troisième citation qui évoque la boîte crânienne peut également nous faire penser à ce qui se passe à l’intérieur du cerveau du personnage de Marianne; Le refrain cette chanson évoque le fait de faire l’amour ou le mort dans uns sorte de jeu de mots ; De plus, la mention, d’une chanson connue dans ce café contribue à rendre elle récit encore plus réaliste . 

 

II Un personnage saisi sous un double regard 

a) les changements de points de vue : ils se fondent à l’intérieur de spharses et nous font passer de l’extérieur à l’intérieur sans que nous y prenions garde. 

Confronté à la douleur extrême, le personnage doit rassembler ses forces mais semble très vite impuissant comme l’atteste l’adjectif employé “une douleur qu’elle est impuissante à contrôler à réduire ” ; le narrateur alors omniscient revient sur le passé du personnage et sur son refus de parler de quelque chose d'”irréversible ” ; cette technique qui consiste pour un romancier à montrer que  le personnage finalement,avait tort, est assez réaliste ; les romanciers aujourd’hui jouent avec leurs personnages et leur ajoutent des morceaux de passé mais qu’ils laissent parfois en suspens : ” peut être qu’elle se met à danser ” précise le narrateur qui refuse ainsi d’endosser le statut traditionnel du narrateur totalement omniscient car il feint de ne pas vraiment savoir ce qu’a fait le personnage de Marianne. Parfois un je apparaît qui est lui aussi fondu dans l’ensemble : ” ça va Miss? Marianne détourne les yeux,je vais ma’sseoir ” On devrait avoir ici des guillemets pour encadrer la parole du barman et celle de Marianne avec entre les deux passages qui devraient être au style direct, une phrase de transition assumée par un point de vue omniscient. 

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La vierge aux 7 douleurs 

La fiction se donne ainsi comme fiction tout en maintenant des liens étroit avec la vraisemblance . Par les plongées successives das la tête des personnages, le lecteur ne sait plus très bien où se situe le narrateur et de quel point de vue est assumée la description. Sans s’adresser directement au lecteur comme ont tendance à le faire certains romanciers, l’écrivaine brouille les repères traditionnels des points de vue et passe de l’un à l’autre très rapidement : ce qui a comme effet de nous faire demeurer très proche des personnages qui ainsi s’apparentent à de vraies personnes . Marianne est ici au centre du récit et elle est utilisée pour décrire la lutte de l’homme pour résister à la tristesse d’avoir perdu un proche; La relation mère/fils  été choisie car elle rend compte de manière particulièrement saisissante les vagues de douleur qui assaillent le personnage. 

Dans ce passage, la douleur de Marianne se traduit de différentes manières : le personnage semble d’abord transformé physiquement 

 b) Gros plan sur Marianne

Marianne est comparée à un chien : elle halète et sa voix est inaudible; la douleur la prive de paroles c’est pourquoi nous suivons ses pensées et pénétrons dans son esprit ; L’auteure montre  également, d’un autre point de vue cette fois, de nombreux petit détails anatomiques : elle déglutit  La romancière emploie des phrases qui contient des infinitifs comme si le personnage se parlait à lui-même ” ne pas fermer les yeux, écouter la chanson ” ; d’ailleurs Marianne tente de réorganiser ses pensées comme le révèlent les connecteurs logiques: “Primo, deuxio, Tertio ; Nous sommes à la fois face à elle et en elle et nous enregistrons sa transformation finale : "le grand miroir piqué au fond de la salle lui renvoie un visage qu'elle ne reconnait pas ,elle détourne la tête " ; Il s'agit bien ici d'un regard porté par un narrateur sur le personnage de Marianne et non plus du point de vue de Marianne ; la douleur la transforme même physiquement mais elle décide de se battre ..

c) le combat contre la douleur 

Pour décrire la douleur qui est une abstraction, les écrivains ont souvent retour à des images qui ont pour but de la rendre davantage concrète; Ici on retrouve des métaphores qui détaillent une attaque ” foncent sur elle par vagues successives” ; Marianne doit donc combattre l'irruption des souvenirs pour ne pas sombrer: elle rassemble sa volonté et fait un effort de contrôle de ses pensées ; 

Les images des attaques de la douleur  évoquent des animaux féroces : “les éloigner à grands coups de latte si possible ” comme on le ferait

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violemment en cas d’agression; la familiarité et la crudité de l’expression “à grands coups de latte ” renforcent la dimension réaliste ; on trouve également l’expression “tenir tout cela à bout de gaffe ” La gaffe est une perche qui sert pour les marins à éloigner les bateaux qui passent trop près d’un rocher ou qui se rapprochent du bord ou qui vont heurter un obstacle en mer. On retrouve cette omniprésence de la mer au sein du roman et ce thème de la douleur qui donnera lieu à d’autre images menaçantes comme celles du serpent dans le bureau du médecin ; L’idée est bien de “créer des leurres, détourner la violence et  faire barrage aux images ” Deux de ces trois expressions pourraient caractériser la lutte contre un cours d’eau menaçant ; Le cliché de la douleur qui déferle ou qui arrive par vagues successives balayant tout sur son pasasge est souvent repris dans le roman. Il est associé à des images plus originales car l’auteure cherche à dégager la chimie de la douleur .

En conclusion ……

 

 

10. mai 2017 · Commentaires fermés sur Le personnage de Marianne dans Réparer les vivants : mater dolorosa · Catégories: Première · Tags:
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Marianne et Sean 

Marianne Limbres est interprétée dans le film par l’actrice française Emmanuelle Seigner qui avoue qu’elle a d’abord refusé le rôle car personne n’a envie d’intrepréter ça, cette douleur de perdre un enfant te de devoir faire le choix de donner ses organes  alors même qu’il paraît encore vivant . Marianne c’est avant tout la mère, figure maternelle qui doit affronter un drame qui vient bouleverser l’ordre des choses : un parent qui enterre son enfant . Comment l’auteure a -t-elle construit ce personnage de mère ? 

La présence maternelle est rappelée dès les premières lignes du roman par la mention de la naissance de Simon, ce moment où son coeur a subitement accéléré sous la pression de l’expulsion du corps maternel . Les trois adolescents subissent également les “sommations maternelles ” pour les tirer du lit ; on retrouve ici l’idée d’une mère qui veille. Marianne fait son apparition dans le récit à l page 47 lors de son arrivée à l’hôpital . L’appel de la gendarmerie a eu lieu vers 11h et le chapitre va alors s’organiser sous la forme d’un retour en arrière . On assiste d’abord à l’arrivée de Marianne paniquée : elle doit se rendre aux urgences et une infirmière lui indique la route à suivre.  La page 48 détaille la réaction de Marianne lorsque le téléphone a sonné ; sa première réaction fut la peur. Notre premier extrait montre le regard de la petite Lou sur sa mère qui “enfile ses vêtements à la hâte” et peu à peu se défigure sous l’effet de la terreur . L’écrivain utilise alors la métaphore filée de l’éboulement pour rendre plus concret cet effondrement intérieur et le passage se termine par la pétrification de Marianne. Après avoir déposé Lou, elle prend sa voiture et au volant, concentre sur le trajet à parcourir, elle ressent peu à peu un changement d’atmosphère; Tout autour d’elle devient menaçant comme si une force de destruction inouïe ( p 52) se préparait. Marianne s’emploie à “conjurer l’intuition qui sédimentaire en elle depuis l’appel téléphonique”  comme si elle ressentait intuitivement la mort de Simon ou du moins, son départ . arrivée sur le parking de l;hoîtal qui est comparé à une forêt immobile, close, Marianne tente de joindre à nouveau le père de Simon. Son parcours jusqu’au service de réanimation lui parait interminable et dès qu’il croies son regard, Pierre Révolu sait qu’elle est la mère de Simon : “regard vrillé, joue mordues de l’intérieur” Marianne  attend la phrase par la quelle le malheur va s’engouffrer et elle voudrait s’enfuir, disparaitre ; Le médecin sait qu’elle sait ( 62) ; L’auteure nous présente cette intuition maternelle comme si les mots n’allaient que confirmer ce qu’elle a déjà compris et ressenti dans sa chair; Marianne est désormais  une statue de pierre .

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Maylis de Kerangal 

Elle n’a pas l’autorisation de voir Simon et les souvenirs de son enfance se mettent à lui revenir en mémoire par bribes : d’abord les maladies infantiles et ensuite un souvenir de séjour en classe de neige; elle quitte l’hôpital toujours sans nouvelles de Sean et se dirige vers un café: elle cherche un lieu pour attendre, un lieu pour épuiser le temps . Dans la rue, l’univers semble transformé sous l’effet de sa douleur : “la catastrophe s’est propagée sur les éléments , les lieux, les choses, un fléau  comme si tout se conformait à ce qui avait eu lieu ce matin .” (87) . Rien ne vient injurier la détresse de Marianne qui avance tel un automate, la démarche mécanique et l’allure floue. Elle se met à prier à voix haute et entre dans un café où elle commande un gin. elle ne se reconnaît pas dans le miroir et tente de faire barrage aux images de Simon qui  se fomcent à tout allure et foncent sur elle par vagues successives .( 89) . Sa douleur fait écho à une chanson d’Alain Bashung qu’on entend ; “Les bouffées mémorielles survenues alors qu’elle évoquait Simon dans le cagibi de révolu ont logé dans sa poitrine une douleur qu’elle est impuissante à contrôler, à réduire. ” L’auteure décrit la chimie de la douleur et ses pleurs au téléphone quand elle entend la voix de Sean : “elle pleure traversée par l’émotion que l’on ressent parfois devant, ce qui, dans  le temps, a survécu d’indemne et déclenche la douleur des impossibles retours en arrière.” (91) 

Les parents unis dans la douleur sont présentés comme des naufragés; Au chevet de leur fils, Marianne a bien du mal à ne pas s’évanouir : “elle chancelle, jambe molles, s’agrippe au lit à roulettes.” (99) A l’annonce par le médecin de l’état de mort cérébrale deSimon, les parents accusent le coup. Marianne pense qu’il peut se réveiller du coma mais révolu affirme que c’est impossible. accablés les parents ne réalisent pas “comme si ces deux-là lentement se dissociaient du reste de l’humanité, migraient vers les confins de la croûte terrestre, quittaient un temps et un territoire pour amorcer une dérive sidérale. ” (108) A la fois coupés d’eux-mêmes et coupés du monde qui les entoure . Marlis de Kerangal observe ici les effet sue la douleur et le fait qu’elle nous retranche du monde réel . 

Sean et Marianne apparaissent comme frappés par un météore noir qui venait de les percuter de plein fouet et ils suivent Thomas Rémige l’infirmier , dans le dédale des couloirs de l’hôpital. Pris dans une onde de choc, ils concentrent dans leur tête à cet instant, la pleine tragédie du monde . (125) A l’annonce de la possibilité du don d’organes, Marianne et Sean sont assomés: “Bouches bées, regard flottant au ras de la table basse, mains qui se tordent, et ce silence qui s’écoule, épais, noir, vertigineux, mélange l’affolement à la confusion. ” ( 127)  Thomas Rémige fait son travail pour tenter d’arracher le consentement des parents mais il est conscient des vagues de douleur que cela provoque sur “leurs visages torchonnés de souffrance”. Marianne pleure mais désormais parle de Simon à l’imparfait ce qui est le signe qu’elle parvient à réaliser sa mort . Thomas pense qu’elle pourrait accepter les prélèvements mais pas le père. 

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Sean et Marianne vont faire un tour en voiture et Sean a alors un accès de violence contre lui-même ; Marianne tente de l’arrêter et sent la folie les menacer ; Ils se sentent responsables d’avoir donné à leur fils ce goût du surf et de ne pas avoir su le protéger . ” Marianne songe, c’est trop, on va crever.” ( 157) Leurs visages finissent par se caresser au bord du fleuve et les mots de Marianne forment une empreinte dans l’air statique. ” ils ne lui feront pas mal, ils ne lui feront aucun mal”  Elle réussit avec ces mots à obtenir le consentement du père pour les dons d’organes. Ils se retrouvent alors une dernière fois autour de Simon , corps contre corps. Au moment de sortir de la chambre, Marianne se retourne une dernière fois vers le lit et ce qui la fige sur place est la solitude qui émane  de Simon, désormais aussi seul qu’un objet , comme s’il était délesté de sa part humaine . ( 175) 

L’auteure montre dans ce roman un lien très fort entre la mère et le fils et une conscience près que physique de la mort de Simon éprouvée dans sa chair avant même que l’idée fasse son chemin dans son esprit.Ce personnage est rendu patéhtqioue car sa conscience est saisie à la fois au moyen d’une narration anonyme et de plongées dans ses pensées souvent sous la forme de bribes de monologues ou même de dialogues;  De retour chez eux , Marianne et Sean récupèrent Lou et doivent ensuite prévenir leurs proches . La mère pense ensuite à Juliette : “que deviendra l’amour de Juliette une fois que le coeur de Simon recommencera de battre dans un corps inconnu, que deviendra tout ce qui emplissait ce coeur ? “

Au moment où les équipes prélèvent les organes sur le corps de Simon, Marianne imagine le voyage fantastique de ce coeur dans l’espace : il est 23 h 50 et “la douleur la défonce ” : après avoir visualisé l’envol du coeur de son fils dans la nuit polaire, à l manière d’un objet merveilleux, elle trouve enfin le sommeil : “elle ressent un calme profond ” . Le roman se ferme sur le corps de Claire qui reçoit son nouveau coeur et le corps de Simon sera rendu ad integrum à sa famille le lendemain matin . 

02. mai 2017 · Commentaires fermés sur Portraits de mères · Catégories: Première · Tags:
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Folcoche

La question de corpus se proposait d’étudier quatre portraits de mère dans des romans du XX et XXI siècle . Daniel Picouly, Hervé Bazin et Philip Roth ont créé des récits autobiographiques qui relatent des souvenirs d’enfance marquants  centrés autour de la figure maternelle alors que Maylis de Kerangal a construit une fiction qui interroge l’évolution de la figure maternelle à l’annonce de la mort du fils. Il s’agira d’abord de montrer que le point de vue est celui d’un enfant avant de nous interroger sur les pouvoirs de cette figure maternelle.

 

Bazin est celui qui dresse le portrait le plus critique de sa mère surnommée Folcoche, contraction de folle et cochonne. Ce portrait se démarque des autres dans la mesure où il est nettement critique. On ressent de la haine et de souffrance également à travers ce  bilan de la relation entre le fils et sa mère : la comparaison avec la

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vipère d’abord et son venin, mais également le “jus de pieuvre” et les paroles blessantes et dévalorisantes pour ce fils auquel elle prédit un avenir sinistre attestent d’une relation marquée par l’incompréhension et la colère.  Cependant, à l’approche sans doute de la mort de cette dernière, on note une certaine ambivalence du narrateur , devenu adulte avec la mention l 30    “ toi qui as déjà tant souffert pour nous faire souffrir .” Sans accorder le pardon à cette mauvaise mère, il montre quel horrible héritage il a reçu. C’est également une question d’héritage dans l’admiration que voue le narrateur de 5 ans  à sa mère qu’il redoute autant qu’il l’adore mais qui en revanche semble beaucoup moins aimer sa fille qu’elle dévalorise  “cette petite n’est pas un génie” alors qu’elle considère son fils comme un “ Albert Einstein II ” Le petit garçon voue une admiration sans borne à cette figure maternelle qui se caractérise par la toute puissance et l’a conduit , par peur, sur le chemin de l’honnêteté.

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Picouly et de Kerangal ont choisi de montrer deux moments importants où la figure maternelle se transforme sous les yeux de l’enfant : dans le premier cas, le petit garçon découvre une cicatrice sur le dos de son père et la mère surprend ce regard et das le second cas, la petite fille est témoin de la transformation de sa mère sous l’effet du coup de fil qui annonce l’accident mortel de son grand frère. Dans les deux cas,  on vit l’événement à travers les yeux de l’enfant qui remarque, par exemple, que sa mère “enfile ses vêtements à la hâte” ( l 15 )  : la petite a “le regard fixé sur sa mère qui ne la voit pas ” (10 ) et elle est attentive aux changements de son comportement “elle halète comme un chien, gestes précipités et visage tordu ” ( ‘l 11) sous l’effet de la peur . Ensuite, le lecteur , grâce au changement de point de vue, pénétrera dans l’intimité du personnage qui sera alors décrit de l’intérieur.  La m’am de Picouly, elle, a surpris le regard de l’enfant  et elle se “fige comme si elle avait déjà compris ce qui allait se passer ” ; Le narrateur raconte des souvenirs de l’époque où il mesurait un mètre vingt et il avoue son impossibilité de “retrouver le même angle ” pour décrire notamment ce que fut la relation mère / fils.

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Dans les quatre portraits, les mères sont présentées, en partie ,  à travers les yeux des enfants et elles sont dotées de nombreux pouvoirs ; Roth et Bazin sont ceux qui accordent le plus d’importance à la domination de la figure maternelle qu’on pourrait presque qualifier de toute -puissante . Pour le petit garçon de cinq ans, il a l’impression de vivre sous la surveillance constante de sa mère qui peut changer de forme à volonté ou devenir invisible; elle l’accompagne partout et c’est avec humour qu’il raconte qu’elle lui apparaissait déguisée sous les traits de chacun de ses professeurs. Il ne parvient pas à se détacher de la figure maternelle et lui accorde le don d’ubiquité . Bazin reconnait également que Folcoche possède de nombreux pouvoirs ; elle aussi a un don de seconde vue ( l 24 ) par moments et surtout elle a le pouvoir de moduler son avenir car il ne peut se détacher des valeurs qu’elle lui a transmises et de cette haine tenace : “haïr c’est s’affirmer ” écrit -il et on mesure à quel point il est demeuré prisonnier de son éducation. La mère est dotée de pouvoirs quasi divins où on retrouve encore l’ambivalence : “ange ou démon “. En effet, dans la pensée des enfants, leurs mères sont toujours omnipotentes et Picouly choisit l’image de la déesse Shiva dans la religion hindoue , qui possède des dizaines de paires de bras afin d’illustrer ainsi l’efficacité de cette mère de famille très nombreuse. Seule la mère de Simon paraît au contraire  totalement en perdition: pétrifiée par la douleur et on mesure à quel point elle est terrorisée à la pensée de perdre son fils ;  Le    lecteur  a ainsi conscience de la force de l’amour maternel mais du point de vue cette fois de la mère.

Pour conclure, la mère est souvent décrite par son enfant comme un être fascinant et auquel il demeure profondément rattaché, bien au delà de l’enfance, parfois même en dépit des mauvais traitements subis.Ce lien mère/enfant fait l’objet de nombreux romans .

30. mai 2016 · Commentaires fermés sur Le triomphe l’héroïne romantique : Corinne de Madame de Staël · Catégories: Première · Tags:
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 1766/1817 : Germaine Necker , baronne de Staël est la fille du riche banquier  Necker, ministre des Finances du roi Louis XVI . Elle fut élevée avec  par une mère protestante . Étonnamment précoce, elle  lisait à quinze ans Montesquieu et  Rousseau. Elle épousa, âgée de vingt ans, le baron de Staël Holstein, mais se sépara de lui peu d’années après. Elle eut une  liaison avec Benjamin Constant et voyagea dans toute l’Europe.  Madame de Staël accueillit d’abord la Révolution avec enthousiasme, détesta les crimes commis pendant la Terreur.En 1796, elle publia un ouvrage moral et politique : De l’influence des Passions sur le bonheur des individus et des Nations.Son salon devient en 1802, un centre d’opposition contre Bonaparte et elle fut persécutée sous le Consulat et l’Empire.Son premier roman  Delphine, confession émue , eut un grand succès en 1807, comme Corinne  .

Madame de Staël occupe dans l’histoire littéraire une place importante : elle et Chateaubriand sont les deux grands initiateurs du romantisme.

Résumé du roman  : Un jeune Ecossais, Oswald, lord Nelvil, voyage en Italie. Froid, relativement simple, fier, indifférent à tout et profondément mélancolique, il se lie avec un jeune émigré français, le comte d’Erfeuil, tout son contraire : gai, insouciant, content de lui et très infatué de sa qualité de Français.   Le lendemain de leur arrivée à Rome, ils assistent à un événement solennel : Corinne, mystérieuse poétesse italienne, est couronnée au Capitole pour sa beauté et son génie. Lord Nelvil s’éprend d’elle, Corinne répond en silence à cet amour. Elle lui propose de lui montrer les beautés de l’Italie. Oswald est ébloui. Mais la supériorité intellectuelle de Corinne et ses sentiments passionnés l’intimident.    Elle lui révèle alors qu’elle est Anglaise, fille de lord Edgermond et de sa première femme, une Italienne. Fut même un temps où lord Edgermond et son vieil ami lord Nelvil (le père d’Oswald) faisaient le projet d’unir leurs enfants. Mais la vivacité de Corinne avait effrayé lord Nelvil père qui était mort en souhaitant qu’Oswald épousât Lucile Edgemond, née d’un second mariage de son ami.   Oswald se souvient en effet de ce souhait importun. Il décide de retourner en Angleterre pour mettre fin à cette situation trouble et préparer l’opinion à son mariage avec Corinne.   Mais une fois de retour, il est repris par l’influence de la société anglaise, épouse Lucile qui promet d’être ue mère de famille parfaite, selon la tradition.   Corinne s’abstient de troubler le bonheur de sa soeur et meurt de chagrin.

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cérémonie du triomphe

Ce roman présente pour le première fois les revendications “féministes”. Corinne a quitté l’Angleterre pour fuir une société médiocre attachée aux convenances qui la condamnait et la rejetait. En Italie, elle a refusé de se soumettre aux bienséances et conventions sociales, vivant librement sans cacher son amour pour Oswald, suivant sa nature passionnée, chantant les beautés du monde dans ses poèmes. 

   Corinne est en même temps le premier roman international qui ait paru en France. Mme de Staël est foncièrement cosmopolite.    On peut donc insister sur l’un des grands services qu’elle rend aux Français de son temps : élargir leur horizon intellectuel en les renseignant sur l’étranger, non seulement l’Allemagne (De l’Allemagne), mais aussi l’Italie, où elle fait deux séjours, en 1804-1805 et en 1812-1813.      Chateaubriand visite bien l’Italie un peu avant elle (il va en Rome en 1803-1804 comme premier secrétaire d’ambassade) mais il ne publie son Voyage en Italie qu’en 1826 

   Dans Corinne, Mme de Staël mêle les aventures de son héroïne aux descriptions de ce pays : son amour pour Oswald se double des émotions artistiques ressenties devant paysages et monuments. 

Plan de l’extrait : Le triomphe de Corinne  

Comment le personnage de Corinne est -il construit ? 

1 Un triomphe à l’Antique : l’importance du cadre et des références

la jeune femme est sur un char comme un général romain, construit à l’antique 2 : nombreuses analogies avec la cérémonie du triomphe guerrier des généraux romains mais là il s’agit du triomphe de l’Amour 

le cadre romain très important avec les lieux et les références : le Capitole = l’une des 7 collines de Rome où montaient les généraux victorieux pour célébrer leur victoire ; statue de César : enthousiasme des Romains, beau ciel, lieu fécond en souvenirs 28 ; le cadre ajoute au triomphe du personnage 

la présence d’une foule enthousiaste et de nombreuse manifestations d’admiration la foule l 2, partout, chacun, tout le monde : objet d’une admiration de tous et cette admiration est visible :   on jette des parfums, on cherche à la voir, on lui dresse un tapis rouge  (écarlate l 5); cris d’acclamation et émotion générale (l 6) : cette admiration allait croissante ; on a préparé son triomphe 

2. Une héroïne magnifiée

un portrait laudatif :  le portrait physique cheveux du plus beau noir 11 ; costume pittoresque : rappelle beauté idéalisée des héroïnes du siècle classique  (La Princesse de Clèves) 

ses bras étaient d’une éclatante beauté 19, sa taille grande comparée à une statue antique et des qualités comme jeunesse et bonheur : idéal antique des statues, proportions admirées et incarne la féminité 

une déesse : 24 prêtresse d’Apollon et temple du Soleil , l 10 la Sybille = prêtresse qui lit l’avenir , ainsi qu’un regard inspiré 21 (signe divin)  rappelle ce lien avec la divinité 

présence de qualités morales : contente d’être admirée mais modestie ,absence de fatuité 15

paradoxe : semblait demander grâce pour son triomphe : mélange de timidité te de retenue 

3. Un objet d’admiration 

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La naissance de l’héroïne romantique : des qualités d’âme en plus des qualités physiques et une héroïne qui sait rester modeste 

l’admiration qu’elle suscite est générale : la foule l 2, partout, chacun, tout le monde : objet d’une admiration de tous et cette admiration est visible :   on jette des parfums, on cherche à la voir, on lui dresse un tapis rouge  (écarlate l 5); cris d’acclamation et émotion générale (l 6) : cette admiration allait croissante 

elle se trouve dans une situation extraordinaire (l 23 ) en même temps déesse et l 25 paradoxe: femme parfaitement simple (sait demeurer naturelle ce qui est une qualité ) ; absence d’orgueil : une sorte de naturel 22

elle produit un effet sur le héros : d’abord ne la partage pas (l 7 ) ; ensuite subjugué l 18 et son imagination comme électrisée 28 (indice d’un coup de foudre ? ) 

La victoire d’une femme : première fois qu’il était témoin des honneurs rendus à une femme  31; le triomphe d’une femme comparée à celui d’un chef d’Etat en mieux car larmes en moins ; son triomphe est celui du génie

Ici une héroïne triomphante qui célèbre les vertus de cette femme hors du commun en montrant qu’elle échappe aux défauts de certains grands hommes ; la romancière met en valeur son héroïne féminine en la dotant de nombreuses qualités qui ne font un modèle et un objet d’admiration. 

« Le classicisme, c’est la santé; le romantisme, c’est la maladie », dit Goethe. Des pâles figures alanguies de poètes lunatiques et de jeunes filles guettées par la phtisie hantent en effet les pages de la littérature romantique. Chateaubriand aperçoit dans ce “vague des passions” un symptôme essentiel du désenchantement propre à une génération dont les «facultés, jeunes actives, entières, mais renfermées, ne se sont exercées que sur elles-mêmes, sans but et sans objet.» (Le Génie du Christianisme). Le mal sera ravageur, inspirant plus tard le spleen baudelairien comme l’ironie flaubertienne.

 

31. décembre 2015 · Commentaires fermés sur Florent dans Le ventre de Paris : un exemple de personnage dans un roman réaliste. · Catégories: Seconde · Tags:

Les romanciers réalistes s’ingénient à fabriquer des personnages qui ressemblent le plus possible à de vraies personnes ; ils les dotent donc d’un nom, d’un passé, d’une histoire et les font agir de manière réaliste, en motivant leurs actions et leurs déplacements. Voyons comment Florent est construit dans Le ventre de Paris

Il est présent dès le début du roman : d’abord présenté comme “un homme” épuisé, qui se rend à Paris;” il était lamentable avec son pantalon noir, sa redingote noire, tout effilochés, montrant l sécheresse de ses os.” p 14 La première impression n’est guère flatteuse; A bord de la charrette de la mère François, il finit par donner son prénom “Florent” et c’est le narrateur qui prend en charge le récit de son passé : échappé du bagne de Cayenne où il a été déporté par erreur, après avoir été arrêté dans une émeute lors du coup d’Etat de 1851 au bas de la rue Montorgueil. (p 20) .Les souvenirs de Florent font état d’une sensation de faim permanente car il a été privé de nourriture en prison et il est devenu méfiant; il craint la police par -dessus tout (24) Fier, refusant l’aide de la maraîchère, il vole une carotte et accompagne Claude rue Pirouette mais se méfie de lui et n’ose pas lui dire ce qui l’amène à cet endroit ;(32); En chemin, Claude lui présente les principaux habitants du quartier qui vont former l’ensemble des personnages secondaires du roman. 

Au lever du jour, Florent se retrouve seul sur un banc, toujours affamé et comme il redoute le regard des sergents de ville, il décide de s’éloigner des Halles (p 42) : “gris de misère, de lassitude, de faim” , il est comparé à un chien perdu qui peut crever seul sur le pavé (46) il finit par revenir sur ses pas et s’en veut d’avoir refusé l’aide qu’on lui proposait ; c’est alors qu’il retrouve Gavard, un marchand de volailles qui le conduit jusqu’à la charcuterie de son frère Quenu. ( 54) Le second chapitre débute par un retour en arrière, sur l’enfance de Florent : à la mort de sa mère, il recueille l’enfant qu’elle a eu de son second mari; le petit est âgé de 12 ans , il le ramène à Paris avec lui et doit abandonner ses études pour gagner sa vie (56); Gavard, alors rôtissier va diner à queux le goût de la cuisine; Florent , pauvre professeur crotté, mange peu, est souvent triste et trop fier : il devient aigri et “il lui fallut de longs mois pour plier les épaules et accepter ses souffrances d’homme laid, médiocre et pauvre.” (59) ; C’est alors qu’ il devint républicain: pour se créer un “refuge de justice et de vérité absolues” Il voulait changer cette ville souffrante en une ville de béatitudes,; c’est alors qu’il est arrêté et envoyé au bagne; Quenu rencontre Lisa Macquart et finit par l’épouser.(63) après avoir découvert les économies du vieux Gradelle. ils ont une fille et Florent arrive un matin de septembre. Lisa lui propose immédiatement sa part d’héritage qu’il refuse . Il leur propose de la place dans leur affaire et en échange , il reçoit le gîte et le couvert.(75)Il a récupéré des papiers au nom de Florent Laquerriere et se fait passer pour un cousin de Quenu. Désœuvré, on lui conseille de trouver du travail. Gavard lui trouve un poste d’inspecteur à la marée ,en remplacement de Monsieur Verlaque, souffrant.Florent commence par refuser. Un soir, il a la désagréable sensation d’être importun. ” il avait conscience de la façon malapprise dont il était tombé dans ce monde gras, en maigre naïf” Un jour, Florent raconte son histoire à la petite  Pauline, sa nièce. On découvre alors ses souffrances de bagnard (105/ 115). Florent découvre au chapitre III son nouveau métier et le fonctionnement du pavillon de la marée qui lui rappelle sa fuite de Guyane. Il s’en veut d’avoir accepté ce travail et se sent lâche. (126) L’hostilité des vendeurs est perceptible et il lui semble se déplacer en terrain ennemi. ( 142) De plus, Florent se sent intimidé par les femmes et sa patience Angélique est mise à rude épreuve. Suite à une dispute, il interdit aux Mehudin la vente pendant 8 jours. Ensuite il se prend d’affection pour le fils de Louise Mehudin, le petit Muche et sa relation mère se détend.(156) Florent souffre de cet entassement de nourriture et se sent écœuré en permanence. Il souffre également de ce milieu grossier. Son malaise nerveux est aggravé par son retour à la politique. ( 159 ) La mère Mehudin se méfie de lui. Elle lui rouge l’oeil faux et sa maigreur l’inquiète.  Florent es en danger de plus en plus souvent chez Lebigre où il est question de renverser le gouvernement .(177) Effrayée par l’implication de Florent dans l’opposition au régime, Lisa réussit à convaincre son mari que son frère devient un danger pour leur commerce et l’ambiance chez les Quenu va se dégrader assez rapidement, à tel point que Florent va choisir de prendre ses repas ailleurs. 
Au début du chapitre IV, deux jours après la discussion avec son mari, Lisa apprend de Gavard qu’ils sont sur le point d’exécuter leur projet révolutionnaire de renverser le gouvernement et elle prend peur. À table, elle se montre glaciale avec Florent qui comprend qu’elle veut le mettre à la porte. Florent en compagnie de Claude Lantier se rendent à Nanterre chez la mère François et Claude explique sa théorie du combat entre les Gras et les Maigres.De retour à Paris, Florent se sent effrayé :” les odeurs étaient suffocantes. Il baissa la tête , en rentrant dans son cauchemar de nourritures gigantesques, avec le souvenir doux et triste de cette journée de santé Claude, toute parfumée de thym.” p 244
Le chapitre V marque une dramatisation des événements . Lisa fouille la chambre de Florent et le dénoncera finalement quelques mois plus tard  à la préfecture de police en tant que conspirateur . (308) Les commérages se propagent aux Halles et arrivent aux oreilles de Louise Mehudin qui souhaite épouser Florent, conquise par sa tendresse avec les enfants. Quand il lui raconte son histoire, elle le trouve lâche et mou de ne pas réclamer sa part d’héritage . Comme elle est la rivale de Lisa, elle cherche à l’atteindre en se servant de Florent. (282) À cette époque , Florent fut parfaitement heureux . Il ne marchait plus à terre comme soulevé par cette idée intense de se faire le justicier des maux qu’il avait vu souffrir. Il était d’une crédulité d’enfant et d’une confiance de héros.(288).Il regrette toutefois de ne pouvoir rallier Claude à ses idées politiques. Florent le soir de la mort de Monsieur Verlaque ressent un malaise nerveux qui es poursuit par des cauchemars. ” S’ il souffrait de ce milieu gras et trop nourri, il méritait cette souffrance. Et il revit l’année mauvaise qu’il venait de passer, la persécution des poissonnières , les nausées des journées humides , l’indigestion continue de son estomac de maigre, la sourde hostilité qu’il sentait grandir autour de lui. Toutes ces choses, il les acceptait en châtiment .” ( 313 ). Les Halles se transforment alors en paysage funeste . La catastrophe est proche pour le personnage qui semble la pressentir et attribuer son malheur à la fois à sa lâcheté mais également au milieu dans lequel il évolue.
Le dernier chapitre a lieu 8 jours après cette soirée d’orage.  La police vient arrêter les conspirateurs. Gavard est arrêté le premier. Florent se laissa pendre comme un mouton et alla juste libérer l’oiseau qu’il gardait dans une cage dans sa chambre (338) ” ce dénouement ne semblait pas le surprendre; il était un soulagement pour lui.” Quenu s’en veut de ne pas avoir aimé assez son frère qui s’était montré si bon pour lui, dans son enfance. Florent , deux mois plus tard, est à nouveau condamné à la déportation. Claude se scandalise de la tournure du procès . ” un garçon doux comme une fille que j’ai vu se trouver mal en regardant saigner les pigeons.” (343) et il prononce le mot de la fin : ” quels gredins que les honnêtes gens” 
Quelques repères pour travailler sur les personnages. 
 ReGavard 80
Lebigre 128
Les Mehudin 138
Muche 149
Marjolin et Cadine 193
Pauline p252/ 260
La Sarriette p 264….
Madame Lecoeur p266