02. mai 2017 · Commentaires fermés sur Portraits de mères · Catégories: Première · Tags:
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Folcoche

La question de corpus se proposait d’étudier quatre portraits de mère dans des romans du XX et XXI siècle . Daniel Picouly, Hervé Bazin et Philip Roth ont créé des récits autobiographiques qui relatent des souvenirs d’enfance marquants  centrés autour de la figure maternelle alors que Maylis de Kerangal a construit une fiction qui interroge l’évolution de la figure maternelle à l’annonce de la mort du fils. Il s’agira d’abord de montrer que le point de vue est celui d’un enfant avant de nous interroger sur les pouvoirs de cette figure maternelle.

 

Bazin est celui qui dresse le portrait le plus critique de sa mère surnommée Folcoche, contraction de folle et cochonne. Ce portrait se démarque des autres dans la mesure où il est nettement critique. On ressent de la haine et de souffrance également à travers ce  bilan de la relation entre le fils et sa mère : la comparaison avec la

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vipère d’abord et son venin, mais également le “jus de pieuvre” et les paroles blessantes et dévalorisantes pour ce fils auquel elle prédit un avenir sinistre attestent d’une relation marquée par l’incompréhension et la colère.  Cependant, à l’approche sans doute de la mort de cette dernière, on note une certaine ambivalence du narrateur , devenu adulte avec la mention l 30    “ toi qui as déjà tant souffert pour nous faire souffrir .” Sans accorder le pardon à cette mauvaise mère, il montre quel horrible héritage il a reçu. C’est également une question d’héritage dans l’admiration que voue le narrateur de 5 ans  à sa mère qu’il redoute autant qu’il l’adore mais qui en revanche semble beaucoup moins aimer sa fille qu’elle dévalorise  “cette petite n’est pas un génie” alors qu’elle considère son fils comme un “ Albert Einstein II ” Le petit garçon voue une admiration sans borne à cette figure maternelle qui se caractérise par la toute puissance et l’a conduit , par peur, sur le chemin de l’honnêteté.

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Picouly et de Kerangal ont choisi de montrer deux moments importants où la figure maternelle se transforme sous les yeux de l’enfant : dans le premier cas, le petit garçon découvre une cicatrice sur le dos de son père et la mère surprend ce regard et das le second cas, la petite fille est témoin de la transformation de sa mère sous l’effet du coup de fil qui annonce l’accident mortel de son grand frère. Dans les deux cas,  on vit l’événement à travers les yeux de l’enfant qui remarque, par exemple, que sa mère “enfile ses vêtements à la hâte” ( l 15 )  : la petite a “le regard fixé sur sa mère qui ne la voit pas ” (10 ) et elle est attentive aux changements de son comportement “elle halète comme un chien, gestes précipités et visage tordu ” ( ‘l 11) sous l’effet de la peur . Ensuite, le lecteur , grâce au changement de point de vue, pénétrera dans l’intimité du personnage qui sera alors décrit de l’intérieur.  La m’am de Picouly, elle, a surpris le regard de l’enfant  et elle se “fige comme si elle avait déjà compris ce qui allait se passer ” ; Le narrateur raconte des souvenirs de l’époque où il mesurait un mètre vingt et il avoue son impossibilité de “retrouver le même angle ” pour décrire notamment ce que fut la relation mère / fils.

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Dans les quatre portraits, les mères sont présentées, en partie ,  à travers les yeux des enfants et elles sont dotées de nombreux pouvoirs ; Roth et Bazin sont ceux qui accordent le plus d’importance à la domination de la figure maternelle qu’on pourrait presque qualifier de toute -puissante . Pour le petit garçon de cinq ans, il a l’impression de vivre sous la surveillance constante de sa mère qui peut changer de forme à volonté ou devenir invisible; elle l’accompagne partout et c’est avec humour qu’il raconte qu’elle lui apparaissait déguisée sous les traits de chacun de ses professeurs. Il ne parvient pas à se détacher de la figure maternelle et lui accorde le don d’ubiquité . Bazin reconnait également que Folcoche possède de nombreux pouvoirs ; elle aussi a un don de seconde vue ( l 24 ) par moments et surtout elle a le pouvoir de moduler son avenir car il ne peut se détacher des valeurs qu’elle lui a transmises et de cette haine tenace : “haïr c’est s’affirmer ” écrit -il et on mesure à quel point il est demeuré prisonnier de son éducation. La mère est dotée de pouvoirs quasi divins où on retrouve encore l’ambivalence : “ange ou démon “. En effet, dans la pensée des enfants, leurs mères sont toujours omnipotentes et Picouly choisit l’image de la déesse Shiva dans la religion hindoue , qui possède des dizaines de paires de bras afin d’illustrer ainsi l’efficacité de cette mère de famille très nombreuse. Seule la mère de Simon paraît au contraire  totalement en perdition: pétrifiée par la douleur et on mesure à quel point elle est terrorisée à la pensée de perdre son fils ;  Le    lecteur  a ainsi conscience de la force de l’amour maternel mais du point de vue cette fois de la mère.

Pour conclure, la mère est souvent décrite par son enfant comme un être fascinant et auquel il demeure profondément rattaché, bien au delà de l’enfance, parfois même en dépit des mauvais traitements subis.Ce lien mère/enfant fait l’objet de nombreux romans .

31. décembre 2015 · Commentaires fermés sur Florent dans Le ventre de Paris : un exemple de personnage dans un roman réaliste. · Catégories: Seconde · Tags:

Les romanciers réalistes s’ingénient à fabriquer des personnages qui ressemblent le plus possible à de vraies personnes ; ils les dotent donc d’un nom, d’un passé, d’une histoire et les font agir de manière réaliste, en motivant leurs actions et leurs déplacements. Voyons comment Florent est construit dans Le ventre de Paris

Il est présent dès le début du roman : d’abord présenté comme “un homme” épuisé, qui se rend à Paris;” il était lamentable avec son pantalon noir, sa redingote noire, tout effilochés, montrant l sécheresse de ses os.” p 14 La première impression n’est guère flatteuse; A bord de la charrette de la mère François, il finit par donner son prénom “Florent” et c’est le narrateur qui prend en charge le récit de son passé : échappé du bagne de Cayenne où il a été déporté par erreur, après avoir été arrêté dans une émeute lors du coup d’Etat de 1851 au bas de la rue Montorgueil. (p 20) .Les souvenirs de Florent font état d’une sensation de faim permanente car il a été privé de nourriture en prison et il est devenu méfiant; il craint la police par -dessus tout (24) Fier, refusant l’aide de la maraîchère, il vole une carotte et accompagne Claude rue Pirouette mais se méfie de lui et n’ose pas lui dire ce qui l’amène à cet endroit ;(32); En chemin, Claude lui présente les principaux habitants du quartier qui vont former l’ensemble des personnages secondaires du roman. 

Au lever du jour, Florent se retrouve seul sur un banc, toujours affamé et comme il redoute le regard des sergents de ville, il décide de s’éloigner des Halles (p 42) : “gris de misère, de lassitude, de faim” , il est comparé à un chien perdu qui peut crever seul sur le pavé (46) il finit par revenir sur ses pas et s’en veut d’avoir refusé l’aide qu’on lui proposait ; c’est alors qu’il retrouve Gavard, un marchand de volailles qui le conduit jusqu’à la charcuterie de son frère Quenu. ( 54) Le second chapitre débute par un retour en arrière, sur l’enfance de Florent : à la mort de sa mère, il recueille l’enfant qu’elle a eu de son second mari; le petit est âgé de 12 ans , il le ramène à Paris avec lui et doit abandonner ses études pour gagner sa vie (56); Gavard, alors rôtissier va diner à queux le goût de la cuisine; Florent , pauvre professeur crotté, mange peu, est souvent triste et trop fier : il devient aigri et “il lui fallut de longs mois pour plier les épaules et accepter ses souffrances d’homme laid, médiocre et pauvre.” (59) ; C’est alors qu’ il devint républicain: pour se créer un “refuge de justice et de vérité absolues” Il voulait changer cette ville souffrante en une ville de béatitudes,; c’est alors qu’il est arrêté et envoyé au bagne; Quenu rencontre Lisa Macquart et finit par l’épouser.(63) après avoir découvert les économies du vieux Gradelle. ils ont une fille et Florent arrive un matin de septembre. Lisa lui propose immédiatement sa part d’héritage qu’il refuse . Il leur propose de la place dans leur affaire et en échange , il reçoit le gîte et le couvert.(75)Il a récupéré des papiers au nom de Florent Laquerriere et se fait passer pour un cousin de Quenu. Désœuvré, on lui conseille de trouver du travail. Gavard lui trouve un poste d’inspecteur à la marée ,en remplacement de Monsieur Verlaque, souffrant.Florent commence par refuser. Un soir, il a la désagréable sensation d’être importun. ” il avait conscience de la façon malapprise dont il était tombé dans ce monde gras, en maigre naïf” Un jour, Florent raconte son histoire à la petite  Pauline, sa nièce. On découvre alors ses souffrances de bagnard (105/ 115). Florent découvre au chapitre III son nouveau métier et le fonctionnement du pavillon de la marée qui lui rappelle sa fuite de Guyane. Il s’en veut d’avoir accepté ce travail et se sent lâche. (126) L’hostilité des vendeurs est perceptible et il lui semble se déplacer en terrain ennemi. ( 142) De plus, Florent se sent intimidé par les femmes et sa patience Angélique est mise à rude épreuve. Suite à une dispute, il interdit aux Mehudin la vente pendant 8 jours. Ensuite il se prend d’affection pour le fils de Louise Mehudin, le petit Muche et sa relation mère se détend.(156) Florent souffre de cet entassement de nourriture et se sent écœuré en permanence. Il souffre également de ce milieu grossier. Son malaise nerveux est aggravé par son retour à la politique. ( 159 ) La mère Mehudin se méfie de lui. Elle lui rouge l’oeil faux et sa maigreur l’inquiète.  Florent es en danger de plus en plus souvent chez Lebigre où il est question de renverser le gouvernement .(177) Effrayée par l’implication de Florent dans l’opposition au régime, Lisa réussit à convaincre son mari que son frère devient un danger pour leur commerce et l’ambiance chez les Quenu va se dégrader assez rapidement, à tel point que Florent va choisir de prendre ses repas ailleurs. 
Au début du chapitre IV, deux jours après la discussion avec son mari, Lisa apprend de Gavard qu’ils sont sur le point d’exécuter leur projet révolutionnaire de renverser le gouvernement et elle prend peur. À table, elle se montre glaciale avec Florent qui comprend qu’elle veut le mettre à la porte. Florent en compagnie de Claude Lantier se rendent à Nanterre chez la mère François et Claude explique sa théorie du combat entre les Gras et les Maigres.De retour à Paris, Florent se sent effrayé :” les odeurs étaient suffocantes. Il baissa la tête , en rentrant dans son cauchemar de nourritures gigantesques, avec le souvenir doux et triste de cette journée de santé Claude, toute parfumée de thym.” p 244
Le chapitre V marque une dramatisation des événements . Lisa fouille la chambre de Florent et le dénoncera finalement quelques mois plus tard  à la préfecture de police en tant que conspirateur . (308) Les commérages se propagent aux Halles et arrivent aux oreilles de Louise Mehudin qui souhaite épouser Florent, conquise par sa tendresse avec les enfants. Quand il lui raconte son histoire, elle le trouve lâche et mou de ne pas réclamer sa part d’héritage . Comme elle est la rivale de Lisa, elle cherche à l’atteindre en se servant de Florent. (282) À cette époque , Florent fut parfaitement heureux . Il ne marchait plus à terre comme soulevé par cette idée intense de se faire le justicier des maux qu’il avait vu souffrir. Il était d’une crédulité d’enfant et d’une confiance de héros.(288).Il regrette toutefois de ne pouvoir rallier Claude à ses idées politiques. Florent le soir de la mort de Monsieur Verlaque ressent un malaise nerveux qui es poursuit par des cauchemars. ” S’ il souffrait de ce milieu gras et trop nourri, il méritait cette souffrance. Et il revit l’année mauvaise qu’il venait de passer, la persécution des poissonnières , les nausées des journées humides , l’indigestion continue de son estomac de maigre, la sourde hostilité qu’il sentait grandir autour de lui. Toutes ces choses, il les acceptait en châtiment .” ( 313 ). Les Halles se transforment alors en paysage funeste . La catastrophe est proche pour le personnage qui semble la pressentir et attribuer son malheur à la fois à sa lâcheté mais également au milieu dans lequel il évolue.
Le dernier chapitre a lieu 8 jours après cette soirée d’orage.  La police vient arrêter les conspirateurs. Gavard est arrêté le premier. Florent se laissa pendre comme un mouton et alla juste libérer l’oiseau qu’il gardait dans une cage dans sa chambre (338) ” ce dénouement ne semblait pas le surprendre; il était un soulagement pour lui.” Quenu s’en veut de ne pas avoir aimé assez son frère qui s’était montré si bon pour lui, dans son enfance. Florent , deux mois plus tard, est à nouveau condamné à la déportation. Claude se scandalise de la tournure du procès . ” un garçon doux comme une fille que j’ai vu se trouver mal en regardant saigner les pigeons.” (343) et il prononce le mot de la fin : ” quels gredins que les honnêtes gens” 
Quelques repères pour travailler sur les personnages. 
 ReGavard 80
Lebigre 128
Les Mehudin 138
Muche 149
Marjolin et Cadine 193
Pauline p252/ 260
La Sarriette p 264….
Madame Lecoeur p266
29. septembre 2015 · Commentaires fermés sur Analyser un personnage dans un roman · Catégories: Divers · Tags:

Comment s’y prendre pour analyser tous les aspects d’un personnage dans un roman ? 

Un personnage romanesque est un être de papier qu’on ne doit pas confondre avec une véritable personne mais l’objectif des romanciers dits réalistes consiste justement à donner l’illusion la plus parfaite possible que ce personnage imaginaire ressemble à une personne réelle . Construit au fil de la narration, il possède un certain nombre d’attributs que le lecteur doit mémoriser et combiner , en tenant compte des différents points de vue c’est à dire des changements de voix narratives. Le personnage , dans l’esprit du lecteur, est comme une construction faites de milliers de pièces qui s’ajoutent ou disparaissent brutalement. Chaque personnage ne serait en fait “qu’une reconstruction du lecteur autant qu’une construction du texte”, selon Philippe Hamon, un spécialiste de l’étude du personnage. Pour imaginer le personnage, le lecteur s’appuie sur les indices du roman mais également sur sa propre sensibilité et sa capacité à s’attacher, à s’identifier à certains personnages plutôt qu’à d’autres.

Le personnage dans le roman réaliste se veut donc le reflet d’une personne, d’un être vivant et le romancier le dote d’abord d’un nom: ce nom détermine le milieu auquel il appartient et qui va motiver ses actions, le déterminer. L’onomastique donne déjà une indication important sur la manière de concevoir un personnage. Certains personnages n’ont qu’un prénom (Justin, Félicité, Anastasie), d’autres ont juste un nom (Homais,Heureux, Binet) et les plu complexes ont des dénominations variables. Outre le nom qui les désigne, les personnages incarnent un statut social qui est comme une caractéristique permanente. Certains représentent ainsi des types comme le curé, le maire, le médecin, le commerçant cupide et machiavélique. Mais l’auteur travaille souvent la cohérence de son caractère en superposant une part invariable (le type) et une part variable (l’évolution par exemple de l’amour de Charles ). Plus l’importance narrative d’un personnage est marquée, plus sa partie variable augmente. Les figurants sont souvent nombreux et leur simple mention donne une épaisseur de réalité à l’intrigue; Le choix des figurants participe engament au pittoresque, la couleur locale du roman : les noms normands,la paysanne Catherine Leroux, le maître d’école de Charles Bovary, Heloïse Dubuc.  Le portrait physique est un élément important mais à la différence du cinéma où l’acteur apparaît dans sa globalité dès la première apparition, les écrivains composent leurs personnages par petites touches successives et ajoutent des détails tout au long de l’intrigue. Le jeu des points de vue contribue à accentuer le caractère malléable des personnages principaux. 

Le portrait physique est complété par un portrait moral ou psychologique qui, lui aussi, se construit et se reconstitue à la manière d’un puzzle.

Enfin, un personnage se définit aussi par ses actions: on parle alors de narratologie et de rôle actantiel; 

 Le schéma narratif de la plupart des oeuvres se résume selon le modèle d’un quête à accomplir et le héros dans sa mission est aidé ou au contraire gêné par des personnages qui sont alors appelés adjuvants et opposants. Dans Madame Bovary, Emma ne rencontre cependant que des opposants ou d faux adjuvants qui la leurrent : seul le temps avant la désillusion est variable mais cette dernière finit par se produire tôt ou tard; La notion même de héros est sujette à caution car si Emma est bien au premier plan, le récit s’ouvre sur Charles et se clôt sur Homais. Aucun personnage n’est héroïque au sens de “réaliser des actions exceptionnelles” ; On pourrait même dire que les personnages de ce roman sont tous des êtres médiocres dont la vie est marquée par la banalité et l’ennui. Pour terminer les études de personnages, il faut élargir les repérages aux réseaux formés par ces derniers au sein d’une oeuvre. Le lecteur, au fil du récit, établit ainsi des rapprochements et des différences significatives entre les amants d’Emma, les membres de la société Yonvilloise, les médecins compétent ou incompétents. Le personnage peut même devenir un modèle comme le bovarysme, formé à partir du personnage d’Emma et qui pourrait es définir par “le pouvoir départi à l’homme de se concevoir autre qu’il n’est” ou l’impuissance de l’homme à se réaliser tel qu’in voudrait être; La conscience de cette différence, de cet écart, le rend alors malheureux. Emma incarne plusieurs facettes du bovarysme mais d’autre personnages pourraient représenter cette sort de loi psychologique.