Pour achever notre étude du conte de Voltaire, trois documents vont vous permettre de découvrir son ironie. Notre corpus comprend un pamphlet intitulé De l’horrible danger de la lecture” ainsi que deux articles du dictionnaire philosophique portatif, sorte de version condensée de l’Encyclopédie .
Dans le premier texte, Voltaire a utilisé la fiction pour dénoncer l’oppression exercée par certains tyrans qui s’efforcent de maintenir les peuples dans l’ignorance. Dans l’article Torture, Voltaire montre à quel point la justice française a banalisé des pratiques inhumaines ; Dans le dernier texte, il tente de défini avec précision ce qu’est réellement un préjugé.
Dans les trois textes, l’intention polémique est manifeste avec un recours massif à l’ironie, en tant que figure de style mais surtout en tant que figure de pensée. Ainsi, les procédés qui sous-tendent l’ironie sont présent dans les trois textes. D’une part, l’ironie est reconnaissable aux décalages, aux contrastes entre ce qu’on connaît et ce qui est écrit pour évoquer ces objets ou ces actions connues; Ainsi Voltaire emploie l’expression ” infernale invention ” pour évoquer l’imprimerie dont tout le monde reconnaît l’utilité ou “pernicieux usage” alors qu’elle permet de diffuser le Savoir et que l’adjectif pernicieux s’utilise pour ceux qui font le mal . On peut encore relever l’exemple à la ligne 27 de l’expression “misérables philosophes”; On sait que Voltaire est lui-même un philosophe et qu’il défend les idées philosophiques ; On peut donc comprendre que cet adjectif péjoratif et critique “misérables ” ne reflète pas vraiment la pensée de l’auteur mais simplement la bêtise de son personnage. Cette forme de contraste , d’écart par rapport à la norme, est également perceptible dans le second extrait car l’auteur y associe , par exemple, le mot torture avec le mot plaisir , à deux reprises. A la ligne 5, il est question d’un juge particulièrement friand de séances de torture puisqu’il “se donne le plaisir de l’appliquer à la grande et à la petite torture” et à la ligne 18, Voltaire évoque les anglais qui eux ont renoncé “au plaisir de donner la question.” Cette association entre éprouver du plaisir et faire torturer des êtres humains choque le lecteur qui y voit ainsi un procédé utilisé par Voltaire pour dénoncer ces bourreaux et les méthodes du système judiciaire français. Cette volonté de dénonciation se manifeste aussi dans l’article Préjugés: même si ce texte argumentait contient moins d’ironie que dans les deux autres, on perçoit toutefois l‘intention polémique avec notamment les références au maintien des peuples dans l’ignorance et dans l’erreur. Ainsi, on peut faire le lien entre la dénonciation du muphti turc, qui incarne la figure du tyran religieux sanguinaire et celle du cadi mentionnée dans l’article Préjugés : ” ce cadi vous fait empaler s’il le peut car il veut commander à des sots, et qu’il croit que les sots obéissent mieux que les autres.” Les peuples seraient maintenus dans l’ignorance afin d’être plus facilement asservis.
La dénonciation de la torture esti liée avec celle du despotisme dans la mesure où le pouvoir abusif y a recours pour faire régner la terreur . Le tyran turc souhaite même interdire à ses fidèles de penser et Voltaire ajoute l‘humour à l’ironie à la fin du passage ; Le sultan ordonne , en effet, qu’on “fasse saisir toute idée qui se présenterait par écrit ou de bouche ” à la ligne 56, et Voltaire a pris soin d’ajouter : “et nous amener ladite idée pieds et poings liés, pour lui être infligé par nous tel châtiment qu’il nous plaira.” L’image de l’idée torturée est drôle et montre bien que la torture est un moyen d’asseoir un pouvoir ; Lorsque Voltaire évoque le personnage du bourreau sous la forme du juge, il prend soin de le montrer dans un cadre familier, intime, ce qui renforce le côté abominable de cette pratique en la banalisant au point de la faire passer pour une simple distraction : “cela fait toujours passer une heure ou deux “semble penser le juge qui se fait assister, d’un médecin mais pas pour sauver des vies , pour reconnaître le danger de mort auquel le bourreau expose le condamné, parfois pour des motifs dérisoires; En évoquant justement une affaire célèbre à cette époque, l’affaire du Chevalier de La Barre, exécuté pour impiété, Voltaire se range parmi ceux qui veulent proscrire la torture au sein du sytème judiciaire. La France suivrait ainsi l’exemple de l’Angleterre, peuple moins cruel que les Français selon l’auteur qui s’amuse justement à inverser les rôles. En effet, Voltaire qui est profondément anglophile fait passer les Anglais pour inhumains car ils ont pris le Canada à la France; ce qui en réalité est beaucoup moins grave que de pratiquer la torture quotidiennement . Voltaire, dans l’article Préjugés s’efforce justement de démontrer que “la persécution est abominable ” (texte 3).
En dépit de quelques différences au niveau du ton employé et de l‘usage plus ou moins intensif de certains procédés, les trois textes argumentatifs présentent de nombreux points communs car ils participent d’une même volonté de dénoncer les injustices et de corriger les moeurs en mettant le doigt sur les défauts des hommes. Le dernier texte relève davantage d’une méthode scientifique : Voltaire tente de trouver la définition la plus juste du mot préjugés et il illustre ses arguments au moyen d’exemples variés , issus pour la plupart de l’expérience quotidienne afin de toucher un large public; Il choisit l’illustration de l’amour maternel pour montrer qu’un sentiment et un préjugé sont deux choses différentes et que lorsqu’on un homme réfléchit, ” le préjugé cède au jugement” ; Pour dénoncer l’oppression et la cruauté des hommes, on peut tenter de mieux définir leurs préjugés, les idées qui les gouvernent dans des articles sérieux ou évoquer des situations réelles au moyen d’allusions avec des fictions comme les contes philosophiques, ou encore parodier des textes de lois dans un pamphlet qui montre un sultan fanatique qui tente, de manière absurde, d’empêcher ses sujets de penser . Ces trois modes d’ expression, participent chacun à leur manière, aux combats de Voltaire contre l’infâme. Dans cette lutte, tous les coups sont permis car les ennemis sont nombreux. Vérifiez maintenant votre compréhension de ce texte en répondant aux 10 questions du QCM Voltaire et l’ironie.