04. avril 2020 · Commentaires fermés sur L’Horloge de Baudelaire : l’image du Temps · Catégories: Commentaires littéraires, Lectures linéaires, Première · Tags:
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Lorsque Baudelaire publie son recueil Les Fleurs Du Mal en 1857, il se situe encore au carrefour de trois influences majeures pour la poésie  au dix-neuvième siècle : le romantisme qui privilégie l’expression personnelle des sentiments, le symbolisme qui s’efforce de révéler le sens caché des choses au moyen des symboles ; l’expression des sentiments devient alors indirecte; et le Parnasse qui accorde une attention particulière à la forme et refuse l’engagement de l’Art ainsi que le préconise Théophile Gautier, son chef de file, dans une formule originale : “il n’y a de vraiment beau que ce qui ne peut servir à rien” 

L’Horloge clôt la section du recueil intitulée “Spleen et Idéal” et il a pour thème principal le Temps . Comment le poète a-t-il choisi de représenter le Temps  qui passe ?  

 ANNONCE DE PLAN Dans une première partie , nous verrons que le Temps est considéré comme un Ennemi dangereux et que l’homme se mesure à lui ; ensuite , nous étudierons les symboles utilisés par le poète comme l’horloge ; enfin nous nous interrogerons sur l’issue du combat qui nous oppose au temps . 

le site commentairecompose.fr propose en effet un autre plan :

I Un poème sur la fuite du temps 

1. Omniprésence du temps 

2. Passage du temps 

II Dramatisation du temps 

1 Personnification du temps 

2. Un temps vampirique 

III Le tragique de la condition humaine 

1. La tonalité tragique

2. L’impuissance de l’homme 

3. Une mise en garde adressée aux hommes 

Quelles idées sont présentes dans les deux plans ? quelles parties du plan du cours allez-vous pouvoir restituer dans le plan donné par le professeur sur le  site commentairecompose.fr ? 

A retenir : un plan s’obtient à partir des idée essentielles , des thèmes principaux d’un texte et des moyens choisis pour les exprimer . Les outils comme les figures de style doivent être reliés à des interprétations 

Plan du cours (à retenir) 

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I Le temps un ennemi dangereux 

1. les effets du temps 

 il provoque la souffrance de l’homme avec les vibrantes douleurs (3) : effet de résonance auditive associé à souffrance 

il menace avec son doigt : le Temps personnifié prend l’homme pour cible comme l’indique le geste menaçant de pointer du doigt pour désigner ici sa victime   ( v 2) ; la violence de al blessure set traduite par le verbe planter qui montre bien l’idée d’une plaie à vif , un peu comme si les aiguilles de l’Horloge devenaient des couteaux et transperçaient le coeur de l’homme. 

2. la peur de l’homme 

L’homme n’a pas le choix et se mesure à la Fuite du temps : il parait bien démuni et son coeur , métonymie qui le désigne , est plein d’effroi (v 3)  ; on note que le mot effroi désigne un sentiment particulièrement angoissant, propre au Spleen baudelairien.  Le Temps lui même est qualifié dès le vers initial d’effrayant (v 1) 

L‘énumération des trois adjectifs négatifs: sinistre, effrayant, impassible lui confère un aspect particulièrement horrible; Impassible veut dire qu’il n’a aucune pitié et que la souffrance de l’homme lui est indifférente. 

3 Un dieu méchant et cruel 

Baudelaire personnifie le Temps et lui donne un caractère palpable; il en fait tout d’abord un Dieu sacrificateur et cruel dès le premier quatrain. Dans le second quatrain apparaissent des images de  monstre dévorateur avec le verbe dévorer au vers 7 par exemple.

TRANSITION : Le Temps se métamorphose également en d’autres objets ou créatures méchantes ; cette étude fait l’objet de notre seconde partie . 

II Le Temps et ses symboles 

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Pour octroyer à cette abstraction qu’est le Temps un caractère encore plus effrayant, le poète a recours à de nombreux   symboles ,  ces objets emblématiques qui permettent d’associer une abstraction à des éléments concrets qui la représentent . 

1. L’horloge : un symbole qui devient inquiétant 

Ainsi que l’indique le titre du poème, Le Temps prend la forme d’une Horloge monstrueuse et vivante; Cet objet est personnifié : il parle à l’homme : la Seconde chuchote (vers 9 et 10 )  ; l’objet devient également un animal ;  Il est doté d’une voix d’insecte et on imagine ici une sensation auditive désagréable comme le tic- tac des aiguilles; cette atmosphère sonore rappelle les vibrations du premier quatrain; Le poète réussit à animer cet objet, à le rendre vivant et sonore ; Les allitérations en S très nombreuses accentuent ces sensations  de menace;” sinistre, impassible ,menace, cible , sylphide, coulisse, délice,instant,..” et construisent phonétiquement une atmosphère sinistre et grinçante ; 

2. De l’insecte au vampire 

Affublé d’un gosier de métal , l’objet peur être assimilé à une créature vampirique qui se nourrit de la chair de l’homme ; en effet, le vers 12 évoque une trompe immonde comme celle d’un moustique et “j’ai pompé ta vie” au même vers s’apparente à une blessure mortelle; Le Temps absorbe le sang de l’homme et se nourrit de lui ; on retrouvera cette idée dans d’autres poèmes de la section comme dans l’Ennemi, sous la forme d’un paradoxe au dernier vers ” avec la mention du “sang que nous perdons ” ;

3. Images du Néant 

On peut retrouver dans le poème  cette même idée que le Temps finit par tuer l’homme avec les références au gouffre au vers 20 : ce gouffre qui a toujours soif ressemble à un puits sans fond dans lequel tout disparait , un peu comme la créature mythologique Scylla, ce tourbillon marin qui entraînait les marins au fond des abîmes. Baudelaire utilise d’ailleurs juste ensuite le symbole de la clepsydre qui est une horloge à eau qui mesure elle aussi le  Temps qui  passe en se vidant et en se remplissant comme un sablier; c’est la vitesse de l’écoulement de l’eau qui mesure le temps. 

 TRANSITION L’homme ne semble donc pas vraiment de taille pour affronter ce Monstre et les derniers quatrains confirment cette idée d’une victoire écrasante du Temps ; Baudelaire ne laisse planer aucun doute sur l’issue du combat.

III L’issue du combat 

1.  Une défaite annoncée    

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L’homme , par essence , créature mortelle, ne peut échapper à sa condition et finit par mourir mais ce qui peut sembler étrange dans ce poème , c’est que le temps quand il s’adresse à l’homme, l’insulte et il le traite de “mortel folâtre” au vers 15; cet adjectif folâtre au suffixe péjoratif donne l’image d’un homme insouciant et presque inconscient , un peu comme un enfant qui s’amuserait sans faire attention  au danger . Au dernier vers , la voix du Temps traite l’homme de vieux lâche et le somme de mourir ; La valeur de l’impératif ici “meurs ” accroît la dimension tragique de la condition humaine; le temps semble maître du destin de l’Homme et on retrouve, avec Baudelaire et cette conception du Temps ,  cette idée de transcendance antique 

2. Une victoire écrasante 

C’est une véritable philosophie de l’existence que nous fait lire le poème : le Temps y est présenté comme un “joueur avide /qui gagne sans tricher, à tout coup! c’est la loi. ” au vers 17 et 18. Ce thème du jeu peut être rapproché de l’indication de la victoire avec le champ lexical qui s’y rapporte : le gain représente la victoire du Temps et l’image du joueur avide montre qu’il en veut toujours plus et qu’il amasse ses gains sans jamais pouvoir s’arrêter de jouer. De plus le poète évoque une sorte de loi implacable qui garantit cette victoire du temps. Le caractère intangible de cette fatalité est marquée dans l’avant- dernier quatrain par l’image de l’alternance du jour et de la nuit :  le jour décroit; la nuit augmente ; la construction de ce vers 19 révèle par une double antithèse l’idée d’une impuissance de l’homme face au cycle naturel qui rythme ses jours. 

3. la mort impatiente 

L’homme semble donc condamné à être dévoré par le Temps qui passe inexorablement et sa défaite se concrétise par une mort annoncée au terme d’une vie de douleurs; ce poème  sombre s’apparente bien au Spleen , cet état d’angoisse assorti d’une mélancolie qui prend parfois des aspects élégiaques. Le sentiment d’angoisse est traduit par les paroles menaçantes du Temps  et surtout par les références à la condition humaine vouée au néant. Ainsi chaque homme reçoit une saison (au vers 8 ) , symbole qui représente la durée limitée d’une vie. La dernière strophe indique clairement l’heure de la mort annoncée sous la forme d’une litote : “tantôt sonnera l’heure ..”. Baudelaire fait référence aux causes possibles de cette mort fatale :   le divin Hasard, ou le Mal ou le repentir d’avoir justement fait du mal . On retrouve au final l’idée d’une punition à subir et l’idée que la vie humaine n’a au final que peu de valeur . En présentant le repentir comme la dernière auberge, c’est à dire l’ultime refuge, la dernière étape avant la mort, l’auteur des Fleurs du Mal renoue en partie avec la conception chrétienne de la mort et la nécessité de se faire pardonner ses péchés avant de mourir . 

Conclusion à préparer ...

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Le poète au travail