En introduction, vous rappellerez les principaux éléments liés au contexte ( Lumières, Révolution ) et préciserez les circonstances de la création par Olympe de Gouges de la DDFC ( je vous renvoie au billet de présentation de la DDFC ) Le postambule constitue le principal ajout de la DDFC : Olympe de Gouges y prend clairement position et s’adresse directement aux femmes . Projet de lecture : comment Olympe de Gouges tente-t-elle de convaincre les femmes de se battre pour obtenir les mêmes droits que les hommes ? Le texte peut se diviser en 3 mouvements : un appel à la mobilisation, un dialogue animé et un appel à vaincre les résistances qu’elles rencontreront.
Le premier impératif associé à l’apostrophe, a pour objectif de faire agir les destinataires; le mode impératif possède ici à sa valeur injonctive ou exhortative et il se réfère à la fonction pragmatique du langage : l’effet visé , c’est un passage à l’action qui serait déclenché par les paroles prononcées , une sorte d’appel d’urgence . Pour donner du pouvoir à ses paroles, Olympe de Gouges a recours aux figures de style : “le tocsin de la raison ” associe une métaphore et une forme d’allégorie La raison est ici personnifiée et viendrait elle- même, en personne, tirer la sonnette d’alarme; L’idée est de faire comprendre que les paroles d’Olympe de Gouges sont placées sous le commandement de la raison; elle prétend agir ainsi non pas pour défendre une cause particulière mais parce qu’il est raisonnable de soutenir cette cause ; en agissant au nom de ce principe qui est essentiel pour les Lumières , elle prolonge leurs combats . La raison , pour les philosophes de cette époque, est définie comme une faculté qui permet de déterminer le bien- fondé d’une réflexion; La raison dépasse le cadre de la loi et celui de la justice; Elle doit mener à la Vérité et légitime les combats pour davantage d’égalité entre les hommes et les femmes , bien sûr.
(Ouvrons une parenthèse ….pour mieux comprendre le mot Raison tel qu’il est employé dans le texte . ) ..Le projet des Lumières est d’introduire de la rationalité partout : face à la foi aveugle, à la superstition, au régime autocratique et arbitraire, à la force brute et à la ruse en politique, au poids de la tradition dans les institutions sociales, aux instincts primitifs ou aux sentiments incontrôlés dans les relations et la morale en général. Autrement dit, le projet est de s’appuyer sur la raison humaine comme un instrument de civilisation et de progrès Le siècle des Lumières vise à construire pour l’humanité un avenir qui se caractérise par la rationalité scientifique, la croyance en le progrès technique, la démocratie, la tolérance religieuse (y compris la liberté de ne pas croire en Dieu), la paix universelle, et l’amélioration continue de la vie des peuples tant en termes de confort matériel que culturel et éducatif. La raison, dans son principe, s’oppose don de fait aux guerres fanatiques, aux privilèges liés à la naissance comme ceux des aristocrates ou à l’appartenance à un ordre, comme ceux du clergé .La raison milite pour l’éducation l’ignorance des populations maintenues volontairement dans un état d’ignorance . La raison interdit le recours à l’esclavage, à la torture et aux peines cruelles qui ne seraient pas validées par une forme de justice humaine. .. si vous voulez en savoir plus , allez faire un tour du côté de https://la-philosophie.com/philosophie-lumieres
Le tocsin de la Raison se fait entendre dans tout l’univers : la dernière partie de la phrase possède une valeur hyperbolique et renforce la dimension concrète de cette métaphore sonore qui prépare la proposition finale, “reconnais tes droits” ; Il s’agit bien ici d’un plaidoyer en faveur des droits des femmes . Une nouvelle métaphore ” puissant Empire de la Nature ” révèle un changement dans la conception du monde ; désormais les philosophes font appel à l’idée de Nature pour remplacer peu à peu l’idée d’une puissance divine; Le monde serait davantage soumis à des lois naturelles , physiques, biologiques , mathématiques et non à des lois divines qui évoqueraient la formation de l’univers et légitimeraient certains comportements. Peu à peu l’homme se libère d’anciennes croyances ; une énumération marque ainsi, ligne 3 ,les éléments qui doivent disparaître , s’éloigner afin de ne plus fausser les jugements des hommes . “préjugés, fanatisme, superstition et mensonges ” sont combattus, dans différents domaines par les Lumières. Les préjugés désignent des idées reçues sans avoir été validées par un jugement personnel et sans avoir été démontrées scientifiquement; La plupart du temps, les préjugés agissent de manière négative et faussent nos jugements ; ils ne sont pas rationnels mais se fondent sur de fausses croyances; le fanatisme, notamment en matière religieuse, désigne une attitude qui consiste à tout faire au nom d’un Dieu ou d’une croyance; les fanatiques sont souvent qualifiés d’extrémistes ou de jusqu’au- boutistes; La défense de leur foi leur semble supérieure à la valeur de la vie d’autres hommes ; Ils n’hésitent pas à tuer ceux qui les contredisent et qu’ils jugent hérétiques. Le fanatisme caractérise, au siècle précédent, les partisans des guerres religieuses: catholiques et protestants se massacrent au nom de leurs différences depuis 1572 (massacre de la Saint- Barthelémy ); Henri IV a réussi à apaiser provisoirement les tensions mais en 1684 avec la révocation par Louis XIV, de l’Edit de Nantes qui accordait une forme de liberté religieuse sur le territoire français , la haine ressurgit te lse français sont divisés par leurs croyances religieuses ; C’est le début d’un exil massif des protestants français qui vont rejoindre des pays plus tolérants comme l’Angleterre ou les Pays-Bas. Le mot superstition est un synonyme de fausse croyance et désigne les partisans d’un obscurantisme religieux qui verrait Dieu comme le maitre absolu et seul garant des droits des hommes .
La métaphore suivante “ le flambeau de la vérité a dissipé tous les nuages de la sottise et de l’usurpation ” fonctionne là encore comme une tentative de rendre plus concrets les changements opérés par l’esprit des lumières et la révolution. La vérité devient une arme au service des objectifs de l’auteure et cela lui confère une légitimité; On a d’un côté des éléments positifs, avec cette lumière qui dissipe les ombres du passé et de l’autre côté ,ce qui obscurcissait l’avenir sous la forme de nuages porteurs d’ombres. C’est un langage que tout le monde peut comprendre et qui rend ainsi accessible certaines idées . On peut ici parler de vulgarisation ; On sait que les Lumières tenaient à diffuser leurs idées au plus grand nombre et Olympe de Gouge s’inscrit dans ce courant qui consiste à vouloir rendre accessible à tous les connaissances . Avec le mot sottise, elle fustige les anciennes croyances, les erreurs liées aux préjugés et aux superstitions et avec le mot usurpation, aux connotations négatives ,elle accuse ceux qui ont pris le pouvoir et l’ont confisqué ; Usurper signifie, en effet, s’emparer d’une place qui ne nous revient pas de manière légitime. Olympe de Gouges regrette que les avancées révolutionnaires n’aient pas suffisamment profité aux femmes ; Elle reproche aux individus de sexe masculin d’avoir réussi à s’affranchir d’une forme d’esclavage : homme esclave est ici une association qui désigne les individus masculins par opposition à leurs compagnes ; Ce mot compagnes présente les femmes comme les allées des hommes . Il qualifie les individus de sexe féminin. et souligne l’aide apportée par les femmes à l’entreprise révolutionnaire par le pronom les tiennes qui désigne les forces des femmes et leur contribution à la victoire . Elle accuse les hommes d’ingratitude envers leurs femmes car ils ont , grâce à elles, collectivement, réussi à “briser leurs fers” ; cette métonymie met en évidence la victoire éclatante des révolutionnaires sur ce qui les opprimait et l’injustice de la situation pour les femmes qui peuvent se sentir trahies . C’est la fin du premier mouvement de son argumentation.
Olympe de Gouges relance son discours avec une nouvelle apostrophe, cette fois au pluriel à la ligne 6 ; Elle débute alors une série de questions rhétoriques . Le terme “aveugle ” a ici la valeur d’une critique: elle dénonce la naïveté des femmes et les invite à prendre conscience qu’elles sont laissées pour compte. Elle s’apprête à dresser la liste factuelle des avantages obtenus ( pour montrer justement qu’il n’y en a aucun spécifique à la condition féminine ) et pour animer sa prise de parole, pour la rendre plus vivante, elle se lance dans un jeu de questions ‘réponses comme si elle dialoguait véritablement avec ses interlocutrices . “Un mépris plus marqué, un dédain plus signalé ” : alors qu’elle semblait, dans la question, suggérer des avantages positifs, voilà qu’elle présente les acquis des femmes avec des termes négatifs. Ces dernières seraient encore moins bien considérées qu’avant les événements. Le parallélisme de construction met en évidence la défaite des femmes qui n’ont récolté que du mépris et du dédain, deux termes synonymes . Le sentiment de déception est ici très vif . Une fois de plus, elle met en opposition le passé et la situation actuelle; Les siècles de corruption désignent le pouvoir de la monarchie absolue et des privilèges de rangs qui se traduisaient par de flagrantes inégalités de droits entre les individus. Mais elle ne peut que constater que les femmes ne sont pas considérées comme des individus disposant des mêmes droits que leurs conjoints masculins. La tournure restrictive “ vous n’avez régné que sur la faiblesse des hommes ” traduit bien cet échec ; la puissance des femmes n’était qu’illusoire et cesse avec la Révolution qui rend les hommes libres .
A la ligne 10 , la constat pessimiste ” votre empire est détruit” rappelle l’expression “empire de la Nature ” à la ligne 2 ; Le mot a ici le sens de pouvoir ; il désigne les anciens pouvoirs des femmes mais cette déclaration paraît quelque peu provocatrice dans la mesure où la Révolution en elle-même n’a pas aggravé le sort des femmes ; Simplement en libérant les hommes de certaines formes d’oppression, elle a mis en évidence les différences entre la condition masculine et la condition féminine. Une nouvelle question vient relancer la réflexion et confirme le pessimisme du diagnostic “ la conviction des injustices de l’homme ” ; Ici Olympe de Gouges remet en cause la dimension progressiste du mouvement révolutionnaire qui a oublié , parmi ses objectifs, de repenser les droits des femmes et d’instaurer une véritable égalité de droits entre individus masculins et individus de sexe féminin. Les femmes doivent donc effectuer une “réclamation” pour obtenir ce qui leur revient de droit et que le texte qualifie de “patrimoine” ; Un patrimoine nomme l’ensemble des possessions, des propriétés souvent foncières (terrains, immeubles bâtiments maisons et tout ce qu’ils contiennent ) , détenu par un individu ou une famille . L’auteure encourage ici les femmes à réclamer ce qui leur revient comme un droit naturel : leur réclamation, en effet, se fonde sur “les sages décrets de la nature ” On retrouve , une fois de plus , le mot nature ici dans le sens de ce qui appartient à un ordre naturel, indépendant de la volonté des hommes . L’idée est que les hommes et les femmes doivent posséder les mêmes droits car ils sont membres de la même catégorie : les humains. A la ligne 12 , elle tente de balayer leurs craintes au moyen d’une question rhétorique et vante les mérites d’un tel combat : Il s’agit d’une belle entreprise ” Ici l’adjectif est synonyme d’admirable , de louable. Au pire, souligne l’auteure, elles pourraient se faire réprimander par les hommes si elles prenaient la parole ; Elle cite un exemple biblique : Jésus s’apprête à accomplir un miracle lors des noces de Cana en transformant l’eau en vin pour les invités; Avant d’accomplir ce miracle, il avait été alerté de la situation par sa mère et il avait grondé cette dernière car il ne se sentait pas encore autorisé à agir au nom de son père. Cependant ce premier miracle peut apparaître comme une réponse à une demande maternelle. Certes le Christ a d’abord exprimé son mécontentement car il considérait que ce n’était pas encore le moment de manifester sa nature divine mais il a agi sur la demande de sa mère . On peut voir clairement dans le choix de cette parabole l’idée que la femme est celle qui pousse l’homme à agir . Olympe de Gouges tente de balayer les appréhensions de ses consoeurs en leur proposant un nouvel argument : les moeurs changent et l’ ancienne morale n’est plus désormais “ accrochée aux branches de la politique ” ; Elle semble avoir confiance dans le pouvoir des “législateurs français ” , c’est à dire ceux qui écrivent les textes de loi comme par exemple les rédacteurs de la DDHC ; L’une des ses principales préoccupations, apparaît bien ici , la prise en compte par les réformes institutionnelles des droits des femmes ; c’est pour cette raison qu’il lui a paru indispensable de réécrire ce texte fondamental qui est la déclaration des droits de l’homme et du citoyen. A la ligne 17 , sa réponse à la question de savoir ce qu’ont en commun les hommes et les femmes , est “ tout “. Cette réponse catégorique montre la nécessité de l’égalité de leurs droits et on citera ici l’article premier de la DDFC ” la femme naît libre et demeure égale à l’homme en droits ” qui est la réécriture de “les hommes naissent libres et égaux en droits ”
Le dernier mouvement du texte, à partir de la ligne 16 adopte un ton encore plus déterminé. L’auteure pose d’abord une hypothèse reconnaissable avec la conjonction de subordination si qui marque la condition ; Elle y fait mention d’un éventuel entêtement des hommes à ne pas reconnaître les droits des femmes ; Ici elle emploie le verbe s’obstiner qui contient souvent des connotations négatives ; Elle associe cet entêtement à un de leur défaut “leur faiblesse” et ajoute qu’ils se montreraient inconséquents ; Elle les accuse de ne pas respecter leurs engagements et démontre qu’il faudra que les femmes luttent courageusement . Elle invoque une nouvelle fois l’argument de la raison; c’est en son nom que les femmes se battent et c’est elle qui leur donne de la force pour tenir tête aux hommes et à leurs “vaines prétentions de supériorité ” . L’expression est cinglante car elle remet en cause l’existence même d’une supériorité d’un sexe sur l’autre . L’adjectif vain signifie en effet qui est inutile car voué à l’échec . Il faut comprendre que les hommes prétendent simplement être supérieurs aux femmes mais de son point de vue à elle , c’est faux . Les impératifs , une fois encore , incitent à l’action comme on le note avec “réunissez-vous ” Plus les femmes seront unies et plus leurs revendications auront du poids . Ce ralliement comme s’il s’agissait de soldats qui partent combattre, se fera sous des drapeaux ” les étendards de la philosophie ” à la ligne 19. On retrouve les métaphores guerrières présentes au début du postambule. Le verbe déployer à l’impératif associé à l’énergie et au caractère décrit la qualité des femmes et les incite à espérer .L’adverbe de temps bientôt atteste d’un résultat rapide et d’un victoire imminente sur les hommes qui sont dépeints avec des caractéristiques négatives ; Ils sont qualifiés d’orgueilleux et ensuite de “serviles adorateurs ” . On peut ici faire un rapprochement avec la religion : servile étymologiquement provient du mot esclave en latin et un adorateur est quelqu’un qui croit de manière aveugle en quelque chose; Il s’agit donc de qualificatifs très sévères et très négatifs pour décrire les hommes; Elle ajoute qu’il seront “rampants ” aux pieds des femmes; Là encore le participe présent dépeint l’homme comme un esclave de la femme; On remarque une forme de renversement des rôles avec la prise de pouvoir des femmes . leurs compagnons sont présentés comme “fiers” de partager avec elles “les trésors de l’Etre suprême “; la Révolution française modifie le rapport de l’homme à Dieu qui n’est plus désormais considéré que comme un principe créateur et non pas un principe qui permettrait d’exercer un pouvoir sur les Hommes. De nombreux philosophes comme Voltaire ou Diderot , prennent leurs distances avec la religion et considèrent Dieu comme “le grand Horloger ” du monde : ils lui accordent un rôle dans la création mais refusent que les hommes utilisent son nom ou sa volonté pour justifier certains de leurs actes . Les derniers mots d ‘Olympe de Gouges sont , une fois de plus , porteurs d’espoir ; Les femmes devront surmonter les obstacles qui se dressent sur leur route grâce à leur volonté : vous n’avez qu’à le vouloir ” Elle accorde ici une grande importance au principe de volonté qui lui semble capable de changer la condition des femmes .
Pour conclure : écrit à la hâte et dans l’urgence , le postambule de la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne, débute par une mobilisation des femmes qui doivent unir leurs volontés pour obtenir justice . L’auteure y souligne la nécessité d’agir vite car la Révolution est encore à l’œuvre et les réformes qu’elle engage , ont semble-t-il oublié d’accorder aux femmes les mêmes droits qu’aux citoyens de sexe masculin. Grâce à un dialogue fictif, Olympe de Gouges tente de persuader ses auditeurs de la légitimité des revendications féminines ; Elle se range du côté de la Raison et de la Vérité, deux principes fondamentaux pour les Lumières. En combattant au côté des hommes pour davantage d’égalité entre les citoyens, elle trouve injuste que les femmes qui participent à la Révolution, ne soient pas considérées comme des citoyens à part entière; Dans l’Histoire des idées , on remarquera que les droits des femmes ont souvent été modifiés à la faveur d’événements historiques majeurs; les premières femmes à obtenir le droit de vote furent les citoyennes néo-zélandaises en 1893, suivies par les Islandaises en 1915 ; en Angleterre , et aux Etats Unis par exemple ,les suffragettes verront leur combat pour l’égalité des droits récompensé par l’obtention du droit de vote dès 1920 ( sous certaines conditions restrictives cependant ) et en France , c’est à la fin de la seconde guerre mondiale que le général De Gaulle accordera le droit de vote aux femmes en avril 1944 ; Elles voteront en mars 1945 pour la première fois . Les femmes Suisses ne voteront qu’en 1971. Jusqu’en 2005, le Koweit est le dernier pays du monde où les seuls hommes peuvent voter. En 2011, le roi d’Arabie Saoudite accorde le droit de vote aux femmes mais, considérées comme mineures, elles ne peuvent exercer ces droits qu’avec l’autorisation de leurs maris.