20. mai 2025 · Commentaires fermés sur Parcours émancipations créatrices , extrait 4 Tailler la route , couplet de Gael faye · Catégories: Divers, Lectures linéaires · Tags: , ,
 Proposition  de lecture linéaire

Introduction : La poésie à l’origine mêle texte et musique ; au Moyen-Age, les troubadours composent des airs sur lesquels ils improvisent, le plus souvent, des paroles aux motifs traditionnels qui célèbrent les exploits des héros ou l’amour . Dans le domaine musical, comme dans le domaine littéraire, styles et courants se succèdent et chaque artiste cherche à définir sa place soit en perpétuant la tradition ou en s’émancipant des modèles pour créer du nouveau . Grand Corps malade, un slameur, Gaël Faye, plutôt versé dans un rap mélodique et Ben Mazué , auteur-compositeur interprète , qui alterne entre rap léger et pop , ont décidé de collaborer pour créer un album baptisé Éphémère sorti en 2020.Dans la chanson « Tailler la route », morceau composé en vers libres, ils lancent un appel à la liberté . Les troi sinterprètes s’accordent sur cette volonté d’émancipation. La partie écrite par Gaël Faye  comporte 16 vers . Comment le poète franco-rwandais met il en mots et en musique son désir d’émancipation ? Le premier mouvement est composé de la  strophe 1 : il représente  le désir d’évasion et le second mouvement, strophe 2 , montre le sens du voyage du poète. 

Mouvement 1 : « Ils ne savent pas que je mords, que ma vie sent le soufre Je passe en météore comme on passera tous » – Dès ces deux premiers vers, GF évoque une existence troublée, un rapport conflictuel aux autres, qu’il inscrit dans le présent d’énonciation. La rupture s’exprime par l’opposition entre « ils » et « je » . L’agressivité du locuteur est marquée par les métaphores « mords , et sentir le soufre ». Rappelons que l’expression sentir le soufre a deux origines : dans le domaine religieux, elle désigne les éléments diaboliques qui font peur et dans le domaine militaire, cela signifie que la situation est explosive et risque rapidement de dégénérer ; dans les 2 cas, la vie du poète est associée soit à un rejet soit à une forme de danger. On peut d’emblée faire le lien avec les difficultés existentielles de Gael Faye, tiraillé entre blanc et noir, et qui a vécu les génocides du Rwanda qu’il a du fuir adolescent. Sa mère appartenait à l’ethnie Tutsie qui a été massacrée par les Hutus . Le poète, ici, s’apparente à un animal, à un marginal, à un être maudit que l’on rejette par mépris ou par peur et qui est rempli de colère comme un chien méchant . On pourra commenter l’effet d’homonymie « soufre / souffre », mettant en évidence le rejet qui engendre la souffrance. 

– Le 2e vers, alexandrin si l’on ne prend pas en compte la prononciation des /e/ (c’est le cas dans le texte chanté), souligne par la métaphore la fugacité de la vie mais surtout l’égalité de tous devant le temps : bourreaux, victimes, oppressés ou oppresseurs, nous sommes tous mortels. Il s’agit donc de mettre à profit notre passage sur terre. J’suis fait de pierre granit mais d’un cœur grenadine Quand t’effriteras ton shit moi je taillerai ma mine” – Le poète  présente la dualité de sa personnalité grâce à l’antithèse « granit / grenadine) : l’armure qu’il se forge pour affronter la difficulté de son quotidien protège son humanité (peut-être ici envisagée comme une fragilité). Dans le cœur grenadine, on retrouve la couleur rouge du fruit qui peut suggérer un cœur qui saigne, qui a mal.  Alors que le granit est une roche extrêmement dure que rien ne peut altérer : force et faiblesse cohabitent.  Ainsi, le parallélisme qui suit au vers 4 , éclaire cette double personnalité : le poète se tourne vers l’écriture (« ma mine »), qui désigne par métonymie le crayon avec lequel on écrit ,  devient salvatrice. L’idée de tailler la mine qui rappelle le titre du morceau « tailler la route”  prend le sens d’affûter son stylo pour pouvoir écrire des mots qui font mouche, qui touchent . C’est l’acte de création qui est souligné ici par l’emploi du verbe « tailler », par opposition 2 à la destruction , marquée par le verbe « effriteras », réduire en petits morceaux . La volonté d’écrire s’oppose à l’inaction du rêveur . On pourrait par ailleurs commenter l’antithèse entre le « granit », pierre particulièrement dure qui ne s’érode pas avec le temps et le « shit », matière friable qui se consume, comme pour souligner la détermination du poète à affronter le monde. Alors que les fumeurs de shit se perdent dans des paradis artificiels et ne font rien de constructif pour changer le monde dans lequel ils vivent ( ils se contentent de fuir la réalité) , le poète lui se présente comme investi d’une mission qui concerne ses semblables. Cette métaphore exprime la volonté du poète de construire sa propre voie [voix] et cette métaphore du travail de l’écrivain-artisan est soutenue par le rythme des alexandrins et l’allitération en /t/. On notera par ailleurs que la première strophe trouve son rythme dans les rimes internes et  chaque hémistiche se construit alors en contraste avec l’autre partie du vers. Cette première strophe dessine, par l’écriture, la figure du poète et sa mission . “Ouais je taillerai la route, ici j’ai plus d’attache J’irai m’planquer dans la soute, si pour moi y a plus la place” – Le futur simple marque ici l’idée d’une action à venir .Dans le vers 5, la métaphore « tailler la route », en reprenant donc au sens figuré le verbe « tailler » indique un départ volontaire pour de longues distances . On trouve une explication à cette envie de « tailler la route « ; le poète indique qu’il n’a plus d’attache : cette image suggère celle du bateau qui largue les amarres : ce voyage impérieux fait également référence à ceux qui émigrent et aux passagers clandestins qui se cachent dans les soutes des avions pour fuir un pays en guerre ou une oppression politique. – ce départ, nécessaire devient donc une fuite clandestine : fuir, coûte que coûte, pour trouver « sa » place. On pourra en effet interpréter « y a plus la place » dans différents sens : plus la place pour lui dans ce monde qui le rejette ou il ne trouve pas sa place , il se sent de trop, différent ou rejeté . Le vers suivant a le ton d’une imprécation “Qu’ils aillent gratter leurs croûtes cette bande de fils de lâches Obsédés par leur souche, moi j’suis amoureux du large” – Cette idée du poète rejeté, incompris (on retrouve-là l’image du poète maudit avec Baudelaire, Rimbaud) est lié à sa différence. Il insulte ici ceux qui ne veulent pas de lui : la métaphore “gratter leurs croûtes” les décrit comme des êtres purulents, atteints par une maladie qui les ronge. On peut penser au racisme assimilé à une gangrène. L’expression familière détournée « bande de fils de lâches » permet au poète d’exprimer avec véhémence le mépris qu’il a envers tous ces individus qui se cachent derrière une attitude hypocrite. On perçoit ici la critique acerbe d’une certaine forme de nationalisme mise en évidence par l’enjambement « obsédés par leur souche » (n’oublions pas que Gaël Faye est franco-rwandais, il a fui son pays en guerre et s’est tourné vers l’écriture pour extérioriser sa douleur liée à l’exil et exprimer ses difficulés identitaires). A son arrivée en France , il a souffert du racisme anti-noir – et plus largement du mépris pour les Africains de souche. L’image du poète« amoureux du large » vient s’opposer, par antithèse , à la précédente, établissant une opposition entre ces individus méprisables et le poète , citoyen du monde. On pourrait également commenter la paronomase « lâches/large » comme moyen d’opposer le poète aux autres : sa largesse d’esprit contrasterait avec la dimension étriquée des nationalistes, ceux qui jugent les gens en fonction de leurs origines, ou de leur ethnie comme au Rwanda.Dans ce premier mouvement, le poète justifie son besoin d’évasion. Cette nécessaire fuite vers un ailleurs s’accompagne d’une véritable quête de sens que l’écriture va rendre possible.

[Mouvement 2] strophe 2 : La 2e strophe opère un changement de rythme, une accélération du tempo comme pour mimer le départ de ce voyage initiatique, comme un moyen d’accéder au déchiffrement du monde

“J’veux faire des milliers de miles, me languir de mille romans” M’arrimer au rythme lent, l’ire en moi la calmer de milliers de mots” – On relèvera tout d’abord les jeux sonores qui rythment cette 2e strophe : de nombreuses allitérations en /m/ et /l/ et assonance en /i/, à travers lesquelles on pourra entendre une célébration de la liberté et de la puissance des mots comme outils de cette émancipation. Les hyperboles « milliers de miles, mille romans » disent cette soif intense d’expériences à travers les distances parcourues et de l’accumulation de connaissances notamment livresque. – De plus, on peut noter que le voyage est tout autant spirituel (« mots, romans ») que physique avec l’indicateur « miles » qui désigne les kilomètres parcourus, notamment en bateau. Le poète n’erre pas sans but : il cherche une terre d’accueil pour s’arrimer, c’est à dire trouver un point d’ancrage, une patrie spirituelle Le parcours doit permettre d’atteindre la stabilité mais également l’apaisement (« l’ire en moi la calmer ») . Le mot ire désigne en ancien français une violente colère , celle du début de la chanson lorsque le poète affirme qu’il mord et on retrouve un jeu de mots avec le verbe lire ; Cette homonymie (« l’ire / lire ») permet de percevoir les mots comme  des portes d’accès à la connaissance de soi (« lire en moi ») et  à la découverte de son identité . On retrouve cette idée que l’écriture peut mener à la connaissance de soi , un peu à la manière d’une introspection. 
Admirer le monde, la lune, l’onde de la mer au loin” La lumière de l’aube sur l’eau en naviguant d’îles en îlots” – les phénomènes sonores se poursuivent, grâce à l’allitération en /l/, en /m/et l’assonance en /o/ : le poète célèbre musicalement la beauté du monde. Un paysage maritime apparaît sous sa plume . Le champ lexical de la navigation se déploie peu à peu : quête mystique, l’eau étant symbole de vie et de purification. Le poète se pose en observateur, humble, face à l’immensité du spectacle qui l’entoure. Les rimes intérieures créent une véritable harmonie et décrivent poétiquement un voyage maritime au long cours. Mais le poète n’est pas un simple observateur . Il doit aussi combattre . “Eviter les vagues et livrer combat à l’hydre du Mal” J’ai vidé les larmes de longue date, j’habite le large” – . Il faut, métaphoriquement, « éviter les vagues, livrer combat et vider les larmes » : le voyage n’est pas sans heurts et exige de se purger de ses propres souffrances. C’est un voyage à conduire sans faiblir car « l’hydre »  est un monstre qu’il lui faut terrasser : c’est une sorte de serpent géant à neuf têtes de la mythologie , créature aquatique qu’Hercule fut chargée de tuer ; ce monstre légendaire , incarne bien sûr ce mal tentaculaire qui se renouvelle constamment. – par ailleurs, la métaphore « j’habite le large » place désormais le poète sur un autre plan : son esprit est ouvert au monde, purgé des souffrances passées qui pouvaient entraver sa quête de l’ailleurs. 
La dimension spirituelle et mystique du voyage est alors évoquée avec la destination finale “S’attifer de l’or des jours qui passent pour raviver l’âme” Marcher le feu dans la lanterne jusqu’à Lalibela” -Le poète, libéré des chaînes qui le retenaient, peut désormais s’enrichir spirituellement de toutes ses expériences : la métaphore « s’attifer de l’or des jours », semble conférer au poète un pouvoir lumineux . Il est littérallement revêtu d’habits de lumière comme une créature divine, surnaturelle. Cette lumière intérieure va lui permettre de « raviver » son âme . Raviver signifie donner plus de couleurs, rendre plus vivante  Elle est un enrichissement, un trésor précieux- D’ailleurs, Lalilbela évoquée dans le dernier vers est un sanctuaire très ancien : cette ville d’Ethiopie abrite de très anciennes églises taillées dans la pierre, et représente un haut lieu de pèlerinage pour les Chrétiens de cette partie du monde. Symbole de spiritualité , avec son nom poétique qui rappelle la libellule mais également belleile . On y entend liberté et beauté . Ce sanctuaire semble être le lieu d’arrivée de la quête. Après avoir fui, après avoir lutté contre de nombreux ennemis, le poète atteint ainsi, dans cet endroit, une forme de paix intérieure . On notera enfin que le poète est aussi « guide » pour les autres hommes grâce au « feu dans [s]a lanterne ». On retrouve alors l’image du poète voyant, porteur de lumière  qui guide l’autre dans le déchiffrement du monde pour accéder à la Connaissance. La lanterne désigne l’instrument en verre dans lequel on emprisonne la lumière afin qu’elle puisse servir de point de repère, qu’elle ne s’éteigne pas au premier courant d’air et qu’on puisse la transporter.

Pour conclure : on retrouve dans cet extrait de « Tailler la route », les images d’un poète voyageur qui chante son désir de liberté et d’évasion , de grands espaces, loin des foules. Ce voyage , à la fois matériel et spirituel mène à une forme d’ascèse : le poète s’éloigne des préoccupations de ses semblables et atteint une autre dimension ; Il vide son âme de tout ce qui pourrait l’empêcher de s’émanciper:il doit se débarrasser de la colère qui l’étouffe, de la souffrance ensuite pour ne garder que cette lumière en lui, reflétée par la beauté du Monde. C’est seulement une fois arrivé à ce stade qu’il paut devenir un passeur de lumière . Baudelaire dans Le Voyage et Rimbaud dans Le Bateau ivre ont tous deux exprimé ce voyage spirituel, sous la forme d’un voyage en bateau . A la fin c’est la mort qui attend Baudelaire avec  ce « vieux capitaine » qui l’invite à lever l’ancre  et l’emporte avec lui et Rimbaud lui , après avoir écumé les mers du monde entier, découvert des archipels sidéraux, désire finalement une eau noire et froide , celle de son enfance et il se revoit , à la fin de son voyage frêle enfant triste qui joue à lancer un petit bateau sur l’eau . Chaque poète à sa manière cherche à tracer sa route et à donner un sens à son parcours. Ce voyage métaphorique, c’est celui de notre propre vie . 
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22. mars 2025 · Commentaires fermés sur Printemps des poètes édition 2025 : Volcanique · Catégories: Divers

Ce vendredi 21 mars, premier jour du printemps, nous avons eu la joie de recevoir au lycée , une poète volcanique : Patricia Cottron-Daubigné, une autrice originaire de Surgères . La classe de 1 G 1 avait préparé  activement sa venue; La semaine qui a précédé cette rencontre, ils ont parcouru  l’ensemble de son œuvre , sous la forme d’une visite d’exposition qui regroupait des extraits de chaque recueil, choisis par leur professeur  .  

De son premier recueil Portraits pour ma mémoire,  publié en 1996 à sa parution la plus récente : Parure pour un sein absent qui a vu le jour en 2022, la poète explore des thèmes intimes qui ont une résonance universelle : la mort du père et le processus de deuil dans  Journal du houx vert et de la bruyère , l’amour, le regard sur l’étranger comme dans Paysages pour roms , fleurs sauvages et chemins d’horizon. Écrits en vers libres, ces poèmes sont de petites pépites qui éclairent le quotidien ;

Les premiers poètes qui lui ont donné envie d’écrire sont Aragon et Char et elle goûte particulièrement la poésie de James Sacré et de Gérard Cartier .   Pour Patricia, “ écrire est une nécessité “: elle écrit pour redonner de la dignité aux personnes et notamment changer le regard des hommes sur le corps des femmes. Dans ceux du lointain, rédigé en 2017,  elle rend hommage au courage des migrants et à leurs parcours de vie.

Les élèves de la classe ont pu lire leur poème préféré et ont fait part de leurs impressions: ils ont ensuite justifié leur choix et ont pu échanger avec l’autrice ; ils lui  ont demandé quelles étaient ses sources d’inspiration , si elle terminait toujours ses poèmes  en cours avant d’en commencer d’autres  et si elle connaissait déjà le sujet de son prochain . La poète a ensuite proposé un atelier d’écriture à partir des Djinns de Victor Hugo  : l’activité poétique consistait à écrire sur la  thématique  du volcan, qui pouvait être associée au désir et à l’adolescence.   Un très beau moment de partage au cours duquel nous avons pu sentir à quel point nous avions besoin de la poésie pour ensoleiller nos vies.

 

15. avril 2022 · Commentaires fermés sur De l’utilité de la poésie : un vieux débat ! · Catégories: Dissertations sur oeuvre, Divers · Tags:
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Disserter sur l’utilité de la poésie revient en fait à débattre autour de la notion même d’utilité ; En effet, les mots provocateurs de Théophile Gautier ” il n’y a de beau que ce qui est inutile ; Tout ce qui est utile est laid” tendent à opposer  de manière gun peu caricaturale et provocatrice deux aspects de la poésie ; On comprend que si la poésie se fixe un but utilitaire, elle perd sa beauté et s’enlaidit à vouloir servir à quelque chose ; Gautier critique ainsi un certain usage de la poésie et  les faiseurs de rimes qui critiquent la société dans leurs poèmes ou délivrent une morale ; Mais n’est ce pas oublier que dès l’Antiquité, Horace exigeait de la poésie qu’elle allie le plaisir à l’enseignement ; Sa devise qui a été adoptée par de nombreux poètes, au cours des siècles , docere placereque a été illustrée par les membres de la Pléiade, La Fontaine, Voltaire et Hugo.  En effet, Du Bellay allie lyrisme personnel et poèmes engagés ; Hugo également .Une bonne idée consistait donc  à partir du fait qu’on peut distinguer plusieurs types d’utilité : une dimension collective avec la poésie satirique ou morale ou la poésie épique qui chante la gloire d’un pays ou d’un héros  et une dimension individuelle avec le lyrisme personnel  qui peut accèder   à une dimension universelle quand il célèbre l’amour, la mort ou le mal de vivre .  De plus, on pouvait aboutir aux mêmes réflexions en se demandant à qui la poésie est -utile  ? Les lecteurs partageront les sentiments et les émotions des poètes alors que les détracteurs de la poésie nieront toute forme d’utilité personnelle. En résumé, avant de démarrer à la recherche de vos illustrations, encore fallait -il s’interroger sur la notion d’utilité et en déterminer différents degrés. Ce qui est utile pour moi peut l’être moins pour un homme d’une autre époque ou quelqu’un qui ne lit pas .

L’introduction devait donc poser clairement la question et montrer que le débat chez les poètes était déjà en cours depuis l’Antiquité. Ne citez pas forcément de noms dans vos introductions mais précisez toujours votre plan avant de passer une ligne : voici un exemple d’introduction 

“le poème , cette hésitation prolongée entre le son et le sens” , comme le qualifia Paul Valéry, a-t-il une véritable utilité? Le poètes jouent-ils un rôle de premier plan à leur époque et face à l’histoire qui les juge ? Ces questions sont largement débattues depuis l’Antiquité et la naissance même de la poésie ; Platon, en effet, souhaitait bannir les poètes de la Cité car selon le philosophe grec, ils éloignent les hommes de la vérité en déformant le langage avec leur imagination ; Pourtant les poètes étaient considérés à l’image de leurs représentants Orphée et  Apollon comme des messagers divins porteurs de paroles sacrées; A qui la poésie peut -elle être utile ? à un pays, à un homme, à son auteur ? et quand on évoque la notion d’utilité, ne peut-on y distinguer différents paliers comme l’utilité pratique , l’ usage qu’on peut faire de connaissances utiles , l’utilité morale ?  Pour répondre à ces questions, nous étudierons dans un premier temps les poètes qui croient fortement à leur mission d’utilité publique avant d’aborder, dans un second temps ,le point de vue des artistes qui se montrent plus réservés sur la notion d’utilité de l’art; Dans un dernier temps nous verrons comment certains poètes ont su mêler à des époques différentes , au sein de leurs oeuvres, les deux courants . 

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Analyse de l’introduction : après avoir situé le débat, et interrogé la notion même d’utilité, le plan est composé de 3 parties : la thèse favorable à une forte utilité de la poésie, l’antithèse qui montre les réserves de certains poètes, leur désaccord et enfin la synthèse qui rassemble les oppositions et démontrent leur coexistence ; Une dissertation , en effet, dépasse les contradictions apparentes pour parvenir à une vue unifiée  sur la question. 

Si vous êtes convaincus que la poésie peut être  parfois utile, alors commencez par le démontrer ; Ce sera votre thèse donc votre première partie. Dans un second temps, vous développerez une antithèse qui ne dira pas le contraire de ce que vous venez d’écrire mais qui nuancera vos propos et fera apparaitre à des avis divergents ou partagés sur l’utilité de la poésie. 

Florilège de citations à répartir à propos de la poésie : entrainez-vous à les insérer au sein du plan 

“je serai , sous le sac de cendres qui me couvre, la voix qui dit Malheur, la bouche qui dit Non”  Hugo dans “Ultima Verba”, dernière partie de son recueil Les Contemplations 

“un instrument au service d’idées  pour émouvoir et rallier les lecteurs ” : Voltaire 

“la poésie est un art de langage, un art de vivre , un instrument moral ” Eluard  

le poète doit marcher devant les peuples comme une lumière  Hugo ; il traite certains poètes de “chanteurs inutiles ” ;

le poète est un simple accompagnateur pour Baudelaire “compagnon de voyage ” dans l’Albatros.

le poète est un Multiplicateur de Progrès pour   Rimbaud

la poésie est un “aboli bibelot d’inanité sonore ” Mallarmé 

les résistants ont écrit des poèmes pour qu’on se souvienne des héros morts au combat  “Strophes pour se souvenir ” 

“sans le poète lombric et l’air qu’il lui apporte, le monde étoufferait sous les paroles mortes ”  Rougeaud définit le  poète comme un  porteur d’oxygène qui renouvelle notre vision du monde 

“luciole dans les noires broussailles de la cité ” Barbier : poète éclaireur moderne

“ma bouche sera la bouche des malheurs qui n’ont point de bouche, ma voix, la liberté de celles qui s’affaissent au cachot du désespoir ” Césaire voit le  poète comme un  porte-paroles des opprimés à rapprocher par exemple de la citation de V Hugo 

“la poésie est une insurrection ” Pablo Neruda : vif appel à l’engagement lui qui s’est battu tout est vie contre la dictature militaire dans son pays

“Un poète n’est pas plus utile à l’ Etat qu’un bon joueur de quilles ” Malherbe doute de l’efficacité de la poésie sur le plan de la Nation 

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En résumé, il s’agissait de confronter dans votre démonstration, les témoignages des poètes favorables à une certaine utilité de la poésie peut être en les classant du plus engagé au moins engagé (pour amorcer la transition avec la seconde partie); ensuite de restreindre cette notion d’utilité collective à une dimension plus individuelle (le lyrisme personne en effet est souvent très utile pour le poète lui-même sur le plan individuel  car celui lui permet d’exprimer ses sentiments, d’en prendre conscience et de les expulser, en quelque sorte, de son esprit ) ; Même la notion de jeu , de délassement peut avoir une certaine utilité mais beaucoup moins marquée que celle de porte-paroles du Peuple ou passeur de mémoire . Enfin, une dernière parti aurait pu prendre comme exemple, les poètes qui ont mêlé dans leur carrière et leur parcours poétique, différents aspects de la poésie (Hugo bien sûr, Eduard, Aragon, Char ) 

Exemple de plans : retenez les articulations logiques et mettez des illustrations pour chaque sous-partie; Soignez vos enchainements !

1 ;Les poètes : des guidesdes poètes qui sont utiles pour la collectivité )

a) éclairer le Peuple : Hugo

b) faire entendre des oppositions  

c) accompagner les révolutions : Neruda, Rimbaud, les surréalistes 

2, les poètes :  des compagnons ( une poésie qui est surtout utile au poète lui-même )

a) partager des émotions (lyrisme personnel ): Baudelaire

b) partager une expérience esthétique ; 

c) se consacrer à la Beauté uniquement  : Parnasse, Gautier, Surréalisme (assure transition avec troisième partie ) 

3. les poètes qui croient aux pouvoirs des  mots 

a) Hugo : du mage romantique à l’ennemi de Napoléon

b) poètes résistants et amoureux 

c) l’idéal classique : plaire et instruire    La Fontaine et les fables ; utilité réelle ? 

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Erreurs fréquentes : la poésie peut être détachée de toute forme d’engagement politique: elle n’en demeure pas moins utile pour le poète car elle lui permet  d’exprimer des émotions et des sentiments personnels qui peuvent toucher le lecteur ; l’utilité n’est pas uniquement liée à l’engagement politique 

Il ne faut pas opposer abruptement poésie utile et à la ligne suivante décréter que toute poésie est inutile : soyez mesurés dans vos propos et indiquez que l’utilité de la poésie est une frontière mouvante et qu’il est bien difficile de quantifier l’utilité même de l’Art. 

Les conclusions : elles ne doivent pas ouvrir de manière artificielle sur un courant littéraire ou une autre question . La seule ouverture intéressante consistait à passer du domaine poétique au domaine artistique et de se demander si la notion d’utilité était pertinente pour interroger le rôle d’une création artistique .

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Une variante de ce sujet : le poète doit-il rester dans sa chambre , enfermé dans sa tour d’ivoire, séparé du monde par une vitre  ou au contraire, doit-il descendre dans la rue ? Le débat cette fois va s’articuler autour de la notion de participation de l’artiste à des événement politiques ; son art doit -il être le reflet des préoccupations sociales et historiques ou l’artiste doit -il demeurer à l’écart des soubresauts du monde ? autrement dit cela revient à justifier l’engagement ou à dire que le véritable artiste tend à l’impartialité et demeure observateur du monde pour mieux pouvoir l’analyser . Entrainez-vous à faire un plan détaillé ….

13. décembre 2021 · Commentaires fermés sur Petit pays : quand l’Histoire fait irruption dans nos petites histoires … · Catégories: Divers, Seconde · Tags: , , ,

Tout commence pour nous par un film ….une séance au Palace de Surgères pour visionner l’adaptation réalisée par Eric Barbier du roman de Gael Faye, Petit Pays

Synopsis : Lorsque l’Histoire entre avec fracas dans la vie de Gaby, elle brise irrémédiablement le bonheur du jeune garçon et met un terme son enfance . Nous sommes au Burundi en 1992 : Gaby a 12 ans et se trouve confronté aux disputes de ses parents ; sa mère Yvonne a du quitter le Rwanda avec sa famille parce qu’elle est tutsi et elle souffre de vivre comme une réfugiée .Son père est un entrepreneur français qui va se trouver piégé par la montée de cette violence . Gaby retrouve souvent sa bande d’amis : Gino, métis comme lui, qui cache un lourd secret, Armand dont le papa ambassadeur sera assassiné durant les émeutes à Jujumbra, sans oublier Francis le gamin des rues, graine de voyou et petit caïd. Plus »

03. septembre 2021 · Commentaires fermés sur Terreur et pitié dans la tragédie classique · Catégories: Divers

La tragédie est souvent associée au sang et aux larmes . On y pleure, on y observe la cruauté du destin et le sort funeste de certains héros.

24. mai 2021 · Commentaires fermés sur Toinette face à Argan : la relation maître/valet à l’épreuve dans Le Malade imaginaire · Catégories: Divers, Lectures linéaires, Première

Notre premier extrait aborde l’entrée en scène de Toinette à la scène 2 de l’acte I . La relation conflictuelle  maître / valet est souvent au centre de la comédie et contribue, pour le plus grand plaisir du spectateur , à des moments d’affrontement parfois cocasses. Si Molière s’inspire des types de la comédie italienne et notamment du personnage de Sganarelle ( appelé également Polichinelle ) , il donne également de grands rôles aux servantes . Ces dernières se caractérisent par leur “ caquet ” défaut récurrent sur scène ;  Dans sa dernière comédie, Le Malade imaginaire , Toinette fait partie de cette famille de servantes au grand coeur, ( et à la grande bouche ) dévouées à leur maître  et à sa famille, soucieuse de préserver leurs intérêts et les mettant en garde contre ceux qui cherchent à leur nuire.  Insolente et gouailleuse, elle tient tête avec effronterie à Argan et lui donne la réplique sans s’en laisser conter  L’extrait que nous étudions complète l’exposition et nous en apprend plus sur le personnage d’Argan, cet homme qui se ruine en remèdes et qui se fait berner par son médecin comme tente de le lui faire remarquer sa fidèle servante .
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31. mars 2021 · Commentaires fermés sur Are you crasy ? Petit aperçu de la folie · Catégories: Divers

La folie fascine : elle fait peur certes mais elle est également synonyme d’imagination et de joie de vivre . Mettre un petit grain de folie dans sa vie , c’est souvent lui donner de belles couleurs et la rendre plus intense; Quand on aime intensément, ne dit-on pas qu’on est fou amoureux ou qu’on aime à la folie? Mais cette dernière peut devenir furieuse et mener au meurtre ou au suicide ; Être fou à lier signifie qu’on doit vous attacher afin que vous ne deveniez pas un danger pour les autres ou pour vous-même .

30. janvier 2021 · Commentaires fermés sur La peinture de la mort : portrait d’un cadavre dans Thérèse Raquin · Catégories: Divers, Seconde · Tags:

Voilà un exemple de commentaire littéraire rédigé en 1000 mots : quel est selon toi le plan suivi ? Note, si tu le peux,  les titres des parties et des sous- parties..

On a souvent reproché aux écrivains naturalistes leur goût pour le spectacle et la peinture d’ambiances morbides ; Zola  se justifia, à plusieurs reprise , dans les préfaces de ses roman sen affirmant que le roman n’était que le reflet de la vie et qu’il devait rendre compte de la totalité du monde . Montrer la misère, montrer le dénuement et révéler la mort dans toute sa “réalité ” : tels sont les objectifs que s’est assignés le romancier naturaliste. Dans ce passage du roman, Laurent , le meurtrier de Camille, passe chaque matin à la morgue car le corps de sa victime , étranglée  et noyée lors d’une promenade en barque , n’a pas encore refait surface. Ce matin là, il se trouve face au cadavre  et sa vue le bouleverse;  Comment Zola peint -il la mort ? Dans un premier temps, nous montrerons comment Zola décrit la mort en donnant force détails, à la manière d’un peintre réaliste  et dans un second temps, nous étudierons la dimension symbolique de cette représentation macabre qui évoque l’horreur du crime. Plus »

12. janvier 2021 · Commentaires fermés sur Dystopie : quand la réalité rejoint la fiction .. · Catégories: Divers, Spécialité : HLP Première, Terminale spécialité HLP · Tags:

Cette émission d’ARTE se propose , en un peu moins d’une heure , de vous faire réfléchir , aux relations entre les deux romans d’anticipation Le Meilleur des Mondes et 1984. Regardez ce reportage passionnant et répondez ensuite au questionnaire qui suit …

 

 

04. avril 2020 · Commentaires fermés sur Le poète doit-il sortir de sa tour d’ivoire et ouvrir la fenêtre sur le monde pour descendre dans la rue ? · Catégories: Dissertations sur oeuvre, Divers · Tags:
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 Voilà la question qui va servir de support à une dissertation sur le sujet du rôle du poète dans la société . Qu’est-ce que la poésie et qui sont le poètes au fil des siècles ? Comment conçoivent-ils leurs rapports avec la société, l’art , la politique? pas facile de répondre à ces questions d’une seule voix car les poètes ne sont pas tous d’accord entre deux sur les réponses à apporter. La connaissance de l’histoire de la poésie ainsi que la connaissance de ce qu’ont dit les poètes à propos de leur art , sont deux réservoirs d’idées à partir desquels vous pourrez articuler votre réflexion personnelle qui servir are base à la démarche de la dissertation. A partir du document ci -dessous, vous allez pouvoir résumer les positions de quelques poètes du dix-neuvième siècle comme Baudelaire, Rimbaud, Gautier, Mallarmé. Lisez le document et effectuez des regroupements qui finiront par composer un plan de dissertation 

Au cours du XIXe siècle, certains écrivains récusent l’engagement politique et social de leurs prédécesseurs, les « prophètes » romantiques, pour se replier sur des valeurs esthétiques et formelles. Cette « dépolitisation de la littérature »  réagit à l’avènement au pouvoir, dès 1830, de la bourgeoisie conservatrice. Charles X restaure la censure et la liberté d’expression est menacée.Théophile Gautier est le fondateur de la doctrine de l’art pour l’art. Dans la préface de Mademoiselle de Maupin (1835), il oppose le beau, valeur esthétique de l’artiste, à l’utile, valeur bourgeoise par excellence : « Il n’y a de vraiment beau que ce qui ne peut servir à rien ». Ce rejet de l’utilitarisme et cette revendication d’une autonomie de l’art récusent d’une part la morale dans la littérature, d’autre part l’action sociale et les partisans d’un art social, souvent proches de l’opposition au pouvoir.

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Gautier 

L’image de la fenêtre symbolise cette dissociation de l’art et de la politique. Elle apparaît déjà, sous la plume de Gautier, dans la préface d’Albertus (1832) : « L’auteur du présent livre n’a vu du monde que ce que l’on en voit par la fenêtre, et il n’a pas envie d’en voir davantage. Il n’a aucune couleur politique ; il n’est ni rouge, ni blanc, ni même tricolore ; il n’est rien, il ne s’aperçoit des révolutions que lorsque les balles cassent les vitres ». En 1852, au moment où l’hégémonie bourgeoise culmine avec l’effondrement sanglant des espoirs républicains et l’instauration du Second Empire, Gautier reprend le thème du poète travaillant toutes « vitres fermées » sur les désordres politiques de la rue  C’est tout particulièrement le poème intitulé « L’art » (1957), repris dans l’édition définitive d’Emaux et Camées (1872), qui sert de manifeste littéraire à la doctrine de l’art pour l’art. Le travail poétique y est réhabilité, par opposition à l’immédiateté de l’épanchement lyrique, mais aussi au travail utilitaire visant à la production des marchandises.  Gautier revendique une poésie plastique, sculptée comme un marbre antique . Les matériaux précieux de l’onyx ou de l’agate auxquels est comparé le vers poétique supposent une nature  traitée comme ornement et extraite de tout contexte d’expérience, au contraire de la profondeur du paysage romantique. Le vers est bref, lapidaire et tranché, contrastant avec l’ampleur de l’alexandrin. Le poète devient artisan, orfèvre et sculpteur de mots.

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Théodore de Banville 

Cette tendance esthétique est présente chez de nombreux  d’auteurs, comme Baudelaire qui dédie à Gautier ses Fleurs du Mal, mais aussi Flaubert et son idéal d’un « livre sur rien », d’un livre « qui se tiendrait lui-même par la force interne de son style ». L’éducation sentimentale raille d’ailleurs l’engagement brouillon du poète Lamartine dans la révolution de 1848, en ironisant sur son impuissance politique. Surtout, la doctrine de l’art pour l’art aboutit à la création du mouvement parnassien, avec la publication en 1866 d’un recueil collectif intitulé Le Parnasse contemporain. « L’art » de Gautier devient l’art poétique des parnassiens, qui radicalisent la minéralisation néoclassique du langage poétique . Le fameux « Vase brisé » de Sully Prudhomme désigne la cristallisation glacée du sentiment, le vase étant une figure du coeur transi, mais aussi du poème lui-même en tant qu’objet esthétique. Si la brisure du vase est sentimentale, elle indique toutefois une tension constitutive de l’idéal parnassien, entre un absolu de la perfection formelle et les innovations modernes. Le Parnasse se fige dans un conservatisme académique et dans une logique d’exclusion, rejetant des poètes qui ont participé à ses débuts, comme Mallarmé ou Verlaine, et qui seront au coeur de l’émergence symboliste. Quant à Rimbaud, dont Le Parnasse contemporain a refusé trois de ses premiers poèmes, il parodie la préciosité idéaliste dans « Ce qu’on dit au poète à propos de fleurs », un poème qu’il adresse à Théodore de Banville avec une lettre toutefois fort admirative. Contrairement au désengagement politique des tenants de l’art pour l’art, Rimbaud prend parti pour les insurgés de la Commune (1871) et rédige des poèmes communards.

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Jean Moréas

1886 est l’année du tournant du Parnasse au symbolisme, avec la création de la revue La Vogue, où paraissent la plupart des Illuminations de Rimbaud, et la publication, dans Le Figaro du 18 septembre, du manifeste symboliste de Jean Moréas : « la poésie symbolique cherche  à vêtir l’Idée d’une forme sensible ». Moréas prône une conception analogique de la réalité matérielle, qui serait en continuité avec une essence idéale : « Tous les phénomènes concrets ne sauraient se manifester eux-mêmes : ce sont là des apparences sensibles destinées à représenter leurs affinités ésotériques avec les Idées primordiales ». Toutefois, cet idéalisme absolu de la pensée symboliste est parcouru de paradoxes. Par certains aspects, il engage un matérialisme absolu qui tient à la conception du symbole comme « forme sensible » de l’idée.  Le poète symboliste se pose ainsi en récepteur d’un rythme universel, dont il traduit passivement les « vibrations » en symboles expressifs. Dans le Traité du verbe (1886), René Ghil instaure un système de synesthésies verbales fondé à la fois sur la physique ondulatoire et sur une métaphysique de la pensée. « Le Son peut être traduit en couleur, la Couleur peut se traduire en Son », parce qu’une totalité cosmique, unissant la matière et l’esprit, vibre d’une même pulsation universelle.

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Stéphane Mallarmé

Cette idée  symboliste de la continuité, Mallarmé la met en évidence en relevant dans Crise de vers l’émergence du vers libre . Il s’agit de la plus importante innovation formelle du symbolisme avec le monologue intérieur . Rompant avec la mesure syllabique du mètre, le vers libre vise à restituer une « unité de pensée » ou de « signification » , c’est-à-dire une unité rythmique – . Mallarmé lui-même « touche » peu au vers, restant attaché aux potentialités structurales de l’alexandrin ;  D’une manière générale, la trajectoire de Mallarmé va du Parnasse au symbolisme.

Dans le texte encore parnassien des « Fenêtres », Mallarmé reprend le poème-vitre de l’art pour l’art, tout en révélant sa matérialité formelle. Le poème met en scène un moribond à sa fenêtre d’hôpital, figure du poète en quête de « l’azur ». Le poète pour Mallarmé est séparé du monde par une vitre .

Dans Crise de vers (1886-1996), manifeste de la poésie pure, Mallarmé associe un idéalisme du signifié poétique  à une matérialité du signifiant poétique, dans ses dimensions visuelles et sonores. Le signe absente la chose, révélant sa propre identité sensible. « Je dis : une fleur ! et […] musicalement se lève, idée même et suave, l’absente de tout bouquets. »  La poésie devient  Aboli bibelot d’inanité sonore .

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Les symbolistes