30. janvier 2021 · Commentaires fermés sur La peinture de la mort : portrait d’un cadavre dans Thérèse Raquin · Catégories: Divers, Seconde · Tags:

Voilà un exemple de commentaire littéraire rédigé en 1000 mots : quel est selon toi le plan suivi ? Note, si tu le peux,  les titres des parties et des sous- parties..

On a souvent reproché aux écrivains naturalistes leur goût pour le spectacle et la peinture d’ambiances morbides ; Zola  se justifia, à plusieurs reprise , dans les préfaces de ses roman sen affirmant que le roman n’était que le reflet de la vie et qu’il devait rendre compte de la totalité du monde . Montrer la misère, montrer le dénuement et révéler la mort dans toute sa “réalité ” : tels sont les objectifs que s’est assignés le romancier naturaliste. Dans ce passage du roman, Laurent , le meurtrier de Camille, passe chaque matin à la morgue car le corps de sa victime , étranglée  et noyée lors d’une promenade en barque , n’a pas encore refait surface. Ce matin là, il se trouve face au cadavre  et sa vue le bouleverse;  Comment Zola peint -il la mort ? Dans un premier temps, nous montrerons comment Zola décrit la mort en donnant force détails, à la manière d’un peintre réaliste  et dans un second temps, nous étudierons la dimension symbolique de cette représentation macabre qui évoque l’horreur du crime.

A la manière d’un anatomiste, ou d’un médecin légiste, Zola organise la description du corps de Camille en suivant un ordre précis ; Il commence par la “ face “ du cadavre comme pour montrer que son visage a conservé des traits humains . car ce mot s’emploie pour désigner le visage. Le romancier parcourt alors les différents organes : la peau, la tête, les cheveux, les paupières, les globes oculaires, les lèvres, la langue et les dents. A la fin de ce premier panoramique qui se focalise sur le visage de Camille, la description va  se déployer, de haut en bas ,  en suivant un ordre canonique,vers le corps tout entier : après la “tête”, c’est au tour du “corps” d’être scruté dans les moindres détails : ” les bras, les clavicules et les épaules sont suivis par la poitrine, les côtes, le flanc et le torse dans une sorte de mouvement panoramique.  Chaque partie de l’anatomie est décrite avec des adjectifs qui précisent à la fois, la forme et la  couleur avec des notations visuelles comme pour peindre un tableau. La tête apparaît “maigre et osseuse ” comme pour suggérer les os du squelette sous le reste de la chair ; Elle est également présentée comme “tannée et étirée ” ce qui lui donne une allure un peu étrange . Zola emploie très souvent deux adjectifs de sens proche pour rendre la description plus réaliste. Il se sert également beaucoup de connecteurs spatio-temporels  afin de fabriquer des descriptions organisées   et méthodiques. Ainsi   le panoramique autour du corps prend fin avec les jambes et un dernier détail horrible : “les pieds tombaient “ ; Ce paragraphe comporte de très nombreux termes qui appartiennent au lexique  de l’anatomie et qui décrivent, avec précision, les différentes parties du squelette et l’état du cadavre , qui vient de séjourner deux semaines dans l’eau.

Zola fait preuve de réalisme car il s’efforce de reproduire , dans cette description, les effets de l’eau sur le cadavre. Par exemple, il évoque le processus de décomposition des chairs avec le torse “pourrissait ” ; la couleur noirâtre de la langue ainsi que l’état de certaines parties du corps comme les “bras qui ne tenaient plus ” ou le flanc gauche “crevé, ouvert ” rappellent les méthodes naturalistes de la documentation et de l’observation, Tel un entomologiste, l’écrivain observe ses personnages à la loupe et note les moindres petits détail qu’il grossit pour ses lecteurs.De plus,  ses personnages  apparaissent comme des cobayes et  il note leurs réactions lors qu’ils sont confrontés à certaines situations .  Ici, c’est le point de vue de Laurent qui domine dans cette description. Cependant , comme nous le verrons dans notre seconde partie, certaines précisions ne sont pas tellement réalistes car Zola ne s’intéresse pas seulement à la peinture d’un cadavre, il veut également nous révéler l’horreur du crime et ce noyé devient une sorte de mémoire de cet acte odieux .

A la manière  de ses  nombreux amis peintres , l’écrivain brosse un portrait de la mort en ne nous épargnant aucun détail horrible : le premier adjectif “ ignoble “ nous donne une impression d’ensemble “; Ensuite , les détails associés à chaque partie du cadavre , notamment grâce aux adjectifs de couleur, nous mettent face à un spectacle répugnant . La peau, par exemple, a” pris une teinte  jaunâtre et boueuse ” ; Le romancier emploie des termes de peinture et parsème son tableau de notes de couleur , souvent associées au suffixe  -âtre ,qui les rend laides. Quant à la couleur boueuse,  par métonymie, elle évoque la saleté du corps qui est demeuré dans les eaux boueuse du lac. La description se termine avec une dernière note de couleur : “le rouge sombre ” qui évoque le sang et la mort. Tous les détails concourent à donner du corps une description ” épouvantable” car c’est très exactement ce que ressent le personnage de Laurent , confronté à cette vision horrible.

 

En effet, Zola ne se contente pas de restituer , avec réalisme, l’état d’un corps noyé, il montre symboliquement ce que cette vision inspire à Laurent : l’horreur de son crime. La peinture du mort est donc liée au souvenir du crime dont le cadavre porte encore les traces.Le mort est encore “tuméfié” : il garde dons les marques de cette lutte avec son meurtrier qu’il a rappelons,le mordu sauvagement dans le cou. Le mort semble ainsi le défier avec une sorte de sourire : il “grimaçait” à la manière d’un monstre ; Ses lèvres tordues , précise Zola, “avaient un ricanement atroce ” Ici, la précision des détails se met au service d’une évocation fantastique : celle d’un mort qui viendrait hanter son meurtrier à la manière d’un spectre, d’un fantôme. Le cadavre inspire de l’horreur et garde un aspect effrayant : ” cette tête comme tannée et étirée en gardant une apparence humaine, était restée plus effrayante de douleur et d’épouvante; Le mot épouvante est un terme qui désigne l’un des plus haut degrés de la peur ; Ce n’est donc pas seulement le spectacle de la mort que redoute Laurent mais à travers lui, le souvenir du crime commis.

Dans le roman, les meurtriers seront poursuivis par le remords et auront bientôt des hallucinations: ils seront hantés par le fantôme de Camille qui finira par les conduire au suicide. Ce que le romancier montre ici , ce sont les effets de cette vision sur le personnage de Laurent ; Le cadavre est la preuve tangible de son acte et il rappelle l’existence du défunt ; Ainsi le romancier écrit que le cadavre ” avait une allure maigre et pauvre “ ; cette remarque dépasse la notation réaliste pour faire référence à ce que fut la vie de Camille ; En effet, un cadavre ne peut pas avoir l’air  “étriqué” ; cet adjectif , aux connotations péjoratives et pathétiques, désigne l’existence misérable du mari de Thérèse, un enfant fragile ,  “bête et maladif que sa mère avait nourri de tisanes ” . L’écrivain nous fait ici partager le point de vue de Laurent et le cadavre  illustre la vie passée du personnage; Il est à l’image de Camille  dont il devient le reflet pitoyable “ il se ramassait dans sa pourriture : un tout petit tas “; le caractère horrible de la vision est conservé mais ici, Zola ajoute une touche de compassion avec le registre pathétique  comme on le voit dans cette phrase ” ce pauvre corps grandi entre des couvertures chaudes, grelottait sur la table froide ”  On observe ici une notation qui n’est pas du tout réaliste car le cadavre ne peut pas trembler mais cette précision nous montre la dimension misérable du meurtre : Camille apparaît comme une victime innocente et le lecteur a pitié de lui et mesure l’horreur de son assassinat.

La dimension symbolique l’emporte, par moments , sur le projet réaliste car , à travers la peinture de ce cadavre, Zola veut surtout faire partager à ses lecteurs, son horreur pour l’assassin  ; Dès le début de la description, le mort semble fixer son meurtrier d’un œil accusateur : “Camille le regardait, étendu sur le dos, la tête levée, les yeux entrouverts” On pourrait penser ici qu’il est encore vivant et le romancier joue sur l’ambivalence du verbe regarder et sur les précisions qu’il donne comme “tête levée “alors qu’il est couché sur une table ou “yeux entrouverts “alors qu’il ne peut plus voir  ;l’écriture naturaliste dominante dans la description du cadavre s’efface donc parfois au profit de légères touches de fantastique car le mort symbolise le crime odieux dont il a été victime et dont tout son corps paraît se souvenir .En sortant de la morgue Laurent dira d’ailleurs “ Voilà ce que j’en ai fait : il est ignoble ” et la vision de ce corps noyé, de ces chairs meurtries et déjà en décomposition, ne cessera de le hanter .