30. janvier 2021 · Commentaires fermés sur La peinture de la mort : portrait d’un cadavre dans Thérèse Raquin · Catégories: Divers, Seconde · Tags:

Voilà un exemple de commentaire littéraire rédigé en 1000 mots : quel est selon toi le plan suivi ? Note, si tu le peux,  les titres des parties et des sous- parties..

On a souvent reproché aux écrivains naturalistes leur goût pour le spectacle et la peinture d’ambiances morbides ; Zola  se justifia, à plusieurs reprise , dans les préfaces de ses roman sen affirmant que le roman n’était que le reflet de la vie et qu’il devait rendre compte de la totalité du monde . Montrer la misère, montrer le dénuement et révéler la mort dans toute sa “réalité ” : tels sont les objectifs que s’est assignés le romancier naturaliste. Dans ce passage du roman, Laurent , le meurtrier de Camille, passe chaque matin à la morgue car le corps de sa victime , étranglée  et noyée lors d’une promenade en barque , n’a pas encore refait surface. Ce matin là, il se trouve face au cadavre  et sa vue le bouleverse;  Comment Zola peint -il la mort ? Dans un premier temps, nous montrerons comment Zola décrit la mort en donnant force détails, à la manière d’un peintre réaliste  et dans un second temps, nous étudierons la dimension symbolique de cette représentation macabre qui évoque l’horreur du crime. Plus »

28. janvier 2021 · Commentaires fermés sur La transformation du personnage de Thérèse Raquin · Catégories: Seconde

Emile Zola , chef de file du réalisme et inventeur du courant naturaliste e, compose son premier roman à l’âge de 26 ans ; Il y raconte la rencontre  et  le meurtre commis par un couple d’amants qui vont assassiner le mari gênant et seront poursuivis par les remords ; L’extrait se situe au chapitre 7 et relate le premier rendez-vous entre Thérèse et Laurent , qui est un collègue de son époux. Nous assistons à la transformation du personnage de Thérèse sous l’effet de la passion amoureuse.  Nous y étudierons tout d’abord la métamorphose de l’héroïne avant d’évoquer  la vision de la passion selon Zola.

Afin de montrer les changements qui s’opèrent chez le personnage , l’écrivain met en scène ce premier rendez-vous en créant un cadre intime : la jeune femme s’est préparée pour recevoir son amant ; Elle l’attend en sous-vêtements  et lui ouvre la porte de sa chambre  en camisole , et en jupon . Elle a également tiré ses cheveux ce qui peut changer son visage et son apparence. De plus, elle semble accompagnée d’une mystérieuse lumière blanche qui la rend “éclatante ” et contribue , elle aussi à la transformer “ on eût dit que sa figure venait de s’éclairer en dedans” . Cet éclat qui peut parfois sembler surnaturel , paraît également émaner de l’intérieur même de la jeune femme. Et le champ lexical de la lumière, très présent dans ce passage, contribue à la rendre étrange. ” sur son visage couraient des lumières ardentes “ : Thérèse semble vivre cet amour avec passion et les modifications de son être surprennent son amant qui ne sait plus quoi penser .  Plus »

08. décembre 2020 · Commentaires fermés sur La plaidoirie de Gisèle Halimi dans le procès de Bobigny · Catégories: Seconde, Spécialité : HLP Première · Tags:

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09. novembre 2020 · Commentaires fermés sur Thérèse Desqueyroux de François Mauriac : une héroïne tourmentée · Catégories: Seconde · Tags: ,

Le personnage central de Thérèse Desqueyroux a été inspiré à l’auteur après la lecture de plusieurs faits divers qui relataient des affaires d’empoisonnement; le poison est , en effet, souvent  considéré comme une arme féminine et de nombreuses histoires d’empoisonneuses célèbres , ont pu également lui servir de sources d’inspiration. L’objectif de l’écrivain est de montrer à quel point la bourgeoisie provinciale des années 20 est un milieu étouffant dans lequel les désirs individuels peuvent rarement s’épanouir. Thérèse devient ainsi une sorte de symbole de l’emprisonnement de  la liberté individuelle : une femme soumise aux intérêts de sa famille et prisonnière de la morale et de la société; Elle étouffe derrière les barreaux invisibles de sa maison et va tenter de se libérer.

Le récit s’ouvre sur une déclaration de Mauriac adressée à son héroïne : ” Thérèse beaucoup diront que tu n’existes pas. mais je sais que tu existes, moi qui depuis des années , t’épie et souvent t’arrête au passage , te démasque. “  A la fin de sa déclaration liminaire, l’écrivain se désole de devoir abandonner sa créature imaginaire ; Il espère qu’elle ne restera pas seule .. Le roman retrace le parcours de cette jeune femme : de son enfance, en passant par son mariage avec Bernard, la naissance de sa fille et son départ pour Paris . Commençons la lecture par le premier chapitre .  Elle sort du tribunal où un non lieu vient d’être prononcé : elle va pouvoir rentrer chez elle , retrouver son mari qu’elle vient pourtant  de tenter d’empoisonner . La jeune femme aurait préférerait demeurer chez son père, qui ne se montre pourtant pas très tendre avec elle, mais il le lui interdit; Pour étouffer le scandale et les rumeurs qui vont bon train dans cette petite ville ,il faut que rien ne change ; ( chap 1 )

Au cours du trajet qui la ramène à Argelouse, en voiture, en train et ensuite en carriole, Thérèse se remémore les principaux événements de son enfance à son mariage; Elle cherche à comprendre les raisons qui l’ont poussée à agir ainsi et à tenter d’empoisonner un homme qu’elle a pourtant souhaité épouser; le narrateur nous plonge donc dans le passé de l’héroïne : son amitié avec Anne de La Trave, les étés brûlants, les préparatifs du mariage et le jour des noces ( chap 4 ) .Entrons plus en détails dans les méandres des pensées du personnage .


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10. septembre 2020 · Commentaires fermés sur Construire un paragraphe argumenté : le travail préparatoire d’un essai · Catégories: Fiches méthode, Seconde · Tags: ,

Le paragraphe argumenté est l’unité qui permet de fabriquer de nombreux exercices de français au lycée ; Il va vous être utile dans les commentaires littéraires, les essais, les dissertations; Voyons quels en sont les différents éléments. Nous partirons de la question suivante: qu’est-ce qu’un héros pour toi aujourd’hui?  La réponse à cette question qu’on nomme un essai  va nécessiter une architecture. 

Au brouillon, note d’abord les idées qui te viennent sans te préoccuper de les ordonner; Tu risques de trouver pêle-mêle des exemples de héros ( ils vont illustrer tes propos : c’est pourquoi on les nomme des illustrations ) et des qualités que tu juges indispensables aux héros. Note ensuite ,sous la forme de liste, ( sans rédiger )  ces qualités nécessaires , selon toi, pour pouvoir être qualifié de héros. Tu vas sans doute évoquer le courage, la grandeur, le caractère exceptionnel  d’une action ou d’une invention.  Ensuite réfléchis aux liens entre chaque critère ( qu’on va appeler un argument ) ; pars de ce qui te semble le plus important pour terminer par une note personnelle , quelque chose qui te touche et qui va servir de conclusion. Plus »

10. septembre 2020 · Commentaires fermés sur Héros épique , héros tragique et héros aujourd’hui. · Catégories: Seconde · Tags:

Dans un roman,  le mot héros qui peut désigner un ou plusieurs personnages ,  est sujet à diverses interprétations. Le héros se définit en fait  de deux manières. Il est tout d’abord celui qui se distingue par des qualités et des actions extraordinaires qui font l’objet du récit.  Il est alors  un personnage  hors du  commun; toutefois , le mot héros désigne également  le personnage principal d’une œuvre de fiction. Souvent quand nous évoquons le héros d’un roman, nous parlons en fait du personnage central du récit. Comment cette figure a-t-elle évolué dans la littérature ?

Qui sont les héros au départ ?  Dans l’Antiquité, ce sont des demi-Dieux, issus des amours des Dieux de l’Olympe avec de simples mortels; Ils ont donc un statut particulier et se distinguent des simples humains par leur ascendance divine; Hercule , par exemple , possède une force prodigieuse; Achille , le héros grec a été trempé par sa mère dans un fleuve qui le rend immortel ( sauf s’il est blessé au talon ) . Ce sont des sur-hommes et ils vont donner naissance aux héros épiques d’Homère et des romans de chevalerie du Moyen-Age. Plus »

10. juin 2020 · Commentaires fermés sur Les bonnes, histoire d’une pièce et scène d’exposition · Catégories: Seconde · Tags: ,

 

Jean Genet a choisi de mettre en scène une histoire tragique de domination et d’humiliation. Avez-vous été  attentifs à la mise en scène ? Deux domestiques, Claire et Solange s’accusent mutuellement d’être responsables de l’échec de leur tentative . Le coup de fil apprend au public que Monsieur est sorti de prison : ce qui provoque la colère de Solange contre la justice corrompue; En effet, pour éloigner son patron, elle  a écrit une lettre de dénonciation qui a conduit à son arrestation et à son emprisonnement. Genet rappelle ainsi les accusations anonymes et les nombreuse délations auxquelles se livrèrent certains français durant la seconde guerre mondiale ; L’absence de Monsieur devait leur permettre d’organiser le crime de Madame mais Solange n’a pas réussi à empoisonner sa patronne; Elle a préparé du tilleul mais Madame n’a pas voulu le boire comme on peut le voir dans l’extrait précédent.  Le texte de la pièce contient des allusions au jeu théâtral avec par exemple la phrase .. reprendre le jeu ” Les deux bonnes pensent que leur forfait va être découvert car elles ont laissé des traces  ; elles avaient pris l’habitude de mettre les robes de Madame, de se déguiser en enfilant les belles tenues de leur patronne et en l’imitant ; En effet, la pièce commence par un numéro des deux soeurs : l’une est déguisée en Madame et l’imite  . Ce dispositif permet au dramaturge de nous faire réfléchir sur l’identité et sur la relation ambivalente qui unit les trois personnages .

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08. juin 2020 · Commentaires fermés sur Les bonnes de Jean Genet : la mise en scène de la relation de domination · Catégories: Seconde · Tags: ,

Voici un extrait de la pièce de Jean  Genet , écrite en 1947 .  Elle met en scène un duo de domestiques , deux soeurs, Claire et Solange, toutes les deux au service d’un personnage appelé Madame. Cette dernière affiche une attitude volontairement condescendante qui parodie la manière dont les membres de la grande bourgeoisie traitent leurs employés de maison. Pour composer cette pièce, le dramaturge s’est inspiré d’un fait divers tragique : Christine et Léa Papin ont tué leurs patronnes en 1933 en les empoisonnant et leur procès a fait la une de tous les journaux de l’époque. 

Pourtant la pièce de Genet n’est pas simplement la reconstitution d’un drame : c’est aussi une réflexion sur cette relation ambigüe qui lie le domestique son maître; Genet puise dans la tradition théâtrale de la comédie de moeurs et poursuit l’exploration du potentiel comique du couple maître /valet ; ici les deux domestiques se font le miroir des complexités du crime ancillaire. Etudions , à travers les différents extraits ,comment la mise en scène peut traduire cette relation dominé/dominant . 

 

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Symboliquement comment construire visuellement cette relation à travers un couple maître /domestique ? Comment les différentes mises en scène mélangent-elles le comique et le tragique ?
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Voilà maintenant un extrait du texte de la pièce : comment apparait alors , à travers les mots, la relation de domination ? Comment le langage peut il traduire la domination d’un personnage sur un autre ? Qu’est -ce qui vous frappe dans cette première scène ?  Cherchez des éléments  pour rédiger l’introduction du commentaire  littéraire de ce texte ?
CLAIRE
Disposez mes toilettes. La robe blanche pailletée. L’éventail, les émeraudes.
SOLANGE
Tous les bijoux de Madame ?
CLAIRE
Sortez-les. Je veux choisir. (Avec beaucoup d’hypocrisie.) Et naturellement les souliers vernis. Ceux que vous convoitez depuis des années.
Solange prend dans l’armoire quelques écrins qu’elle ouvre et dispose sur le lit.
Pour votre noce sans doute. Avouez qu’il vous a séduite ! Que vous êtes grosse ! Avouez-le !
Solange s’accroupit sur le tapis et, crachant dessus, cire des escarpins vernis.
Je vous ai dit, Claire, d’éviter les crachats. Qu’ils dorment en vous, ma fille, qu’ils y croupissent. Ah ! ah ! vous êtes hideuse, ma belle. Penchez-vous davantage et vous regardez dans mes souliers. (Elle tend son pied que Solange examine.) Pensez-vous qu’il me soit agréable de me savoir le pied enveloppé par les voiles de votre salive ? Par la brume de vos marécages ?
SOLANGE, à genoux et très humble.
Je désire que Madame soit belle.
CLAIRE, elle s’arrange dans la glace.
Vous me détestez, n’est-ce pas ? Vous m’écrasez sous vos prévenances, sous votre humilité, sous les glaïeuls et le réséda. (Elle se lève et d’un ton plus bas.) On s’encombre inutilement. Il y a trop de fleurs. C’est mortel. (Elle se mire encore.) Je serai belle. Plus que vous ne le serez jamais. Car ce n’est pas avec ce corps et cette face que vous séduirez Mario. Ce jeune laitier ridicule vous méprise, et s’il vous a fait un gosse…
SOLANGE : Oh ! mais, jamais je n’ai…
Jean Genet, Les Bonnes (1947), éditions gallimard.
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01. juin 2020 · Commentaires fermés sur Quand le théâtre fait débat : petit tour d’horizon · Catégories: Seconde · Tags: ,
24. mai 2020 · Commentaires fermés sur Ecriture pour le théâtre : les particularités de l’écriture pour le théâtre · Catégories: Fiches méthode, Seconde · Tags:
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Plus l’histoire du théâtre se rapproche de nous et plus les dramaturges utilisent les didascalies, ces indications scéniques précieuses pour le metteur en scène ; Dans les tragédies classiques ou dans les comédies de Molière, peu de traces de ce type d’écriture ; La plupart des didascalies en effet, sont internes (elles sont mentionnées à l’intérieur des échanges des personnages ) ; En revanche, des écritures comme celles d’Eugène Ionesco ou de Samuel Beckett, deux dramaturges du théâtre de l’absurde, sont basées sur une large utilisation des didascalies externes ; Voyez cela par vous-même ….avec les extraits suivants …

Il s’agit du début de la pièce de Ionesco Le roi se meurt  qui met en scène le destin tragique d’un roi qui refuse de mourir mais dont le royaume rétrécit peu à peu au fur et à mesure que sa maladie augmente …les indications scéniques à elles seules méritent d’être analysées ..

Salle du trône, vaguement délabrée, vaguement gothique. Au milieu du plateau, contre le mur

du fond, quelques marches menant au trône du Roi. De part et d’autre de la scène, sur le devant, deux trônes plus petits qui sont ceux des deux Reines, ses épouses.

A droite de la scène, côté jardin, au fond, petite porte menant aux appartements du Roi. A gauche de la scène, au fond, autre petite porte. Toujours à gauche, sur le devant, grande porte. Entre cette grande porte et la petite, une fenêtre ogivale. Autre petite fenêtre à droite de la scène, petite porte sur le devant du plateau, du même côté. Près de la grande porte, un vieux garde, tenant une hallebarde.

Avant le lever du rideau, pendant que le rideau se lève et quelques instants encore, on entend une musique dérisoirement royale, imitée d’après les Levers du Roi du XVIIe siècle.

LE GARDE, annonçant. Sa majesté, le Roi Bérenger Ier. Vive le Roi ! 

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Le roi se meurt 

Le Roi, d’un pas assez vif, manteau de pourpre, couronne sur la tête, sceptre en main, traverse le plateau en entrant par la petite porte de gauche et sort par la porte de droite au fond.

LE GARDE, annonçant. Sa Majesté, la reine Marguerite, première épouse du Roi, suivie de Juliette, femme de ménage et infirmière de Leurs Majestés. Vive La Reine !

Marguerite, suivie de Juliette, entre par la porte à droite premier plan et sort par la grande porte. 

Ionesco précise tout d’abord quelques éléments de décor symboliques pour désigner la royauté : les trônes des personnages et la mention  de musique royale  ainsi que le costume symbolique pourpre , sceptre et couronne ; l’accessoire la hallebarde nous renvoie plutôt à une époque médiévale ainsi que la fenêtre ogivale qui rappelle celle des châteaux ; En revanche le délabrement de la salle et l’adverbe dérisoirement peuvent nous faire penser que la royauté va être un objet de dérision de la part du dramaturge; L’écriture théâtrale cherche à rendre visible la dimension symbolique  d’un cadre; 

Application pratique : si vous voulez faire visualiser une maison à la campagne  ou un appartement en ville ,quels éléments de décor pourront référer symboliquement à cet univers ? quels costumes connotent l’opulence et la richesse ou au contraire le dénuement et la pauvreté ?

Examinez ce second exemple tiré de la scène d’exposition de En attendant Godot de Beckett : la pièce montre deux vagabonds Vladimir et Estragon qui attendent en vain un mystérieux personnage nommé Godot, dont on peut penser qu’il s’agit de Dieu ; Pour tromper le vide de leur existence , ils passent leur temps à se quereller pour rien .

Route à la campagne, avec arbre.
Soir.
Estragon, assis sur une pierre, essaie d’enlever sa chaussure. Il s’y acharne des deux mains, en ahanant. Il s’arrête, à bout de forces, se repose en haletant, recommence. Même jeu.
Entre Vladimir.

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Vladimir et Estragon 

ESTRAGON (renonçant à nouveau) : Rien à faire.
VLADIMIR (s’approchant à petits pas raides, les jambes écartées) : Je commence à le croire. (Il s’immobilise.) J’ai longtemps résisté à cette pensée, en me disant, Vladimir, sois raisonnable. Tu n’as pas encore tout essayé. Et je reprenais le combat. (Il se recueille, songeant au combat. A Estragon.) Alors, te revoilà, toi.
ESTRAGON : Tu crois ?
VLADIMIR : Je suis content de te revoir. Je te croyais parti pour toujours.
ESTRAGON : Moi aussi.
VLADIMIR : Que faire pour fêter cette réunion ? (Il réfléchit.) Lève-toi que je t’embrasse. (Il tend la main à Estragon.)
ESTRAGON (avec irritation) : Tout à l’heure, tout à l’heure.
Silence. 
VLADIMIR (froissé, froidement) : Peut-on savoir où monsieur a passé la nuit ?
ESTRAGON : Dans un fossé.
VLADIMIR (épaté) : Un fossé ! Où ça ?
ESTRAGON (sans geste) : Par là.

Cette exposition est déroutante pour le spectateur car les indications données sont parfois vagues  , parfois même contradictoires ; elles traduisent les difficultés de communication entre les deux personnages qui du coup paraissent étranges ; cependant le dramaturge nous fait visualiser un jeu avec la chaussure d’un des vagabond et cet élément visuel sera repris durant toute la pièce.

Voici un troisième exemple toujours pour le théâtre moderne : il s’agit de la première scène de la pièce La Leçon de Ionesco; Un professeur très étrange, d’abord extrêmement gentil et patient,devient  de plus en plus exaspéré par la bêtise de son élève et les cris de douleur de la jeune fille qui a très mal aux dents : il  devient fou de rage et la tue sur scène; On apprend à la fin de la pièce qu’il assassine, en fait, plusieurs élèves chaque jour.

Au lever du rideau, la scène est vide, elle le restera assez longtemps. Puis on entend la sonnette de la porte d’entrée. On entend la voix de

LA BONNE (en coulisse): Oui. Tout de suite.

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La leçon 

précédant la Bonne elle-même, qui, après avoir descendu, en courant, des marches, apparaît. Elle est forte; elle a de 45 à 50 ans, rougeaude. La Bonne entre en coup de vent, fait claquer derrière elle la porte de droite, s’essuie les mains sur son tablier, tout en courant vers la porte de gauche, cependant qu’on entend un deuxième coup de sonnette.

Patience. J’arrive.

Elle ouvre la porte. Apparaît la jeune élève, âgée de 18 ans. Tablier gris, petit col blanc, serviette sous le bras.

Bonjour, Mademoiselle.
L’ÉLÈVE: Bonjour, Madame. Le Professeur est à la maison?
LA BONNE: C’est pour la leçon?
L’ÉLÈVE: Oui, Madame.
LA BONNE: Il vous attend. Asseyez-vous un instant, je vais le prévenir
L’ÉLÈVE: Merci, Madame.
Elle s’assied près de la table, face au public; à sa gauche, la porte d’entrée; elle tourne le dos à l’autre porte par laquelle, toujours se dépêchant, sort la Bonne, qui appelle

: LA BONNE: Monsieur, descendez, s’il vous plaît. Votre élève est arrivée.
Voix du PROFESSEUR (plutôt fluette): Merci. Je descends … dans deux minutes
La Bonne est sortie; l’Élève, tirant sous elle ses jambes, sa serviette sur ses genoux, attend, gentiment; un petit regard ou deux dans la pièce, sur les meubles, au plafond aussi; puis elle tire de sa serviette un cahier, qu’elle feuillette, puis s’arrête plus longtemps sur une page, comme pour répéter la leçon, comme pour jeter un dernier coup d’œil sur ses devoirs. Elle a l’air d’une fille polie, bien élevée, mais bien vivante gaie, dynamique; un sourire frais sur les lèvres; au cours du drame qui va se jouer, elle ralentira progressivement le rythme vif de ses mouvements, de son allure, elle devra se refouler; de gaie et souriante, elle deviendra progressivement triste, morose; très vivante au début, elle sera de plus en plus fatiguée, somnolente; vers la fin du drame sa figure devra exprimer nettement une dépression nerveuse; sa façon de parler s’en ressentira, sa langue se fera pâteuse, les mots reviendront difficilement dans sa mémoire et sortiront, tout aussi difficilement, de sa bouche; elle aura l’air vaguement paralysée, début d’aphasie; volontaire au début, jusqu’à en paraître agressive, elle se fera de plus en plus passive, jusqu’à ne plus être qu’un objet mou et inerte, semblant inanimée, entre les mains du Professeur si bien que lorsque celui-ci en sera arrivé à accomplir le geste final, l’Élève ne réagira plus; insensibilisée, elle n’aura plus de réflexes; seuls ses yeux, dans une figure immobile, exprimeront un étonnement et une frayeur indicibles; le passage d’un comportement à l’autre devra se faire, bien entendu, insensiblement.

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LE PROFESSEUR entre. Il porte une longue blouse noire de maître d’école, pantalons et souliers noirs, faux col blanc, cravate noire. Excessivement poli, très timide, voix assourdie par la timidité, très correct, très professeur. Il se frotte tout le temps les mains; de temps à autre, une lueur lubrique dans les yeux, vite réprimée.

Au cours du drame, sa timidité disparaîtra progressivement, insensiblement; les lueurs lubriques de ses yeux finiront par devenir une flamme dévorante, ininterrompue; le Professeur deviendra de plus en plus sûr de lui, nerveux, agressif, dominateur, jusqu’à se jouer comme il lui plaira de son élève, devenue, entre ses mains, une pauvre chose. Evidemment la voix du Professeur devra elle aussi devenir de plus en plus forte, et, à la fin, extrêmement puissante et éclatante, tandis que la voix de l’Élève se fera presque inaudible. Dans les premières scènes, le Professeur bégaiera, très légèrement, peut-être. 

On note , dans cette présentation, l’importance des didascalies qui non seulement nous renseignent sur le décor et les personnages mais également nous présentent l’évolution de l’action sur scène ; pour le metteur en scène, on peut noter la difficulté à représenter fidèlement les idées du dramaturge ; D’ailleurs Ionesco sera mécontent la plupart du temps de l’adaptation de se pièces sur scène car il jugera que les metteurs en scène déforment ses intentions et ne respectent pas ses notes.  Il s’est exprimé à ce sujet dans son ouvrage théorique dont je vous livre ci-dessous un extrait :

Ionesco Notes et contre-notes, 1966.

Si l’on pense que le théâtre n’est que théâtre de la parole, il est difficile d’admettre qu’il puisse avoir un langage autonome. Il ne peut être que tributaire des autres formes de pensée qui s’expriment par la parole, tributaire de la philosophie, de la morale. Les choses sont différentes si l’on considère que la parole ne constitue qu’un des éléments de choc du théâtre. D’abord le théâtre a une façon propre d’utiliser la parole, c’est le dialogue, c’est la parole de combat, de conflit. Si elle n’est que discussion chez certains auteurs, c’est une grande faute de leur part. Il existe d’autres moyens de théâtraliser la parole : en la portant à son paroxysme, pour donner au théâtre sa vraie mesure, qui est dans la démesure ; le verbe lui-même doit être tendu jusqu’à ses limites ultimes, le langage doit presque exploser, ou se détruire, dans son impossibilité de contenir les significations.

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Mais il n’y a pas que la parole : le théâtre est une histoire qui se vit, recommençant à chaque représentation, et c’est aussi une histoire que l’on voit vivre.

Le théâtre est autant visuel qu’auditif. Il n’est pas une suite d’images, comme le cinéma, mais une construction, une architecture mouvante d’images scéniques.

Tout est permis au théâtre : incarner des personnages, mais aussi matérialiser des angoisses, des présences intérieures. Il est donc non seulement permis, mais recommandé, de faire jouer les accessoires, faire vivre les objets, animer les décors, concrétiser les symboles.

De même que la parole est continuée par le geste, le jeu, la pantomime, qui, au moment où la parole devient insuffisante, se substituent à elle, les éléments scéniques matériels peuvent l’amplifier à leur tour. L’utilisation des accessoires est encore un autre problème. (Artaud en a parlé.)

À propos de Rhinocéros aux États-Unis

“Le succès public de Rhinocéros à New York me réjouit, me surprend et m’attriste un peu, à la fois. J’ai assisté à une répétition seulement, à peu près complète, avant la générale, de ma pièce. Je dois dire que j’ai été tout à fait dérouté.

J’ai cru comprendre qu’on avait fait d’un personnage dur, féroce, angoissant, un personnage comique, un faible rhinocéros : Jean, l’ami de Bérenger. Il m’a semblé également que la mise en scène avait fait d’un personnage indécis, héros malgré lui, allergique à l’épidémie rhinocérique, de Bérenger, une sorte d’intellectuel lucide, dur, une sorte d’insoumis ou de révolutionnaire sachant bien ce qu’il faisait (le sachant, peut-être, mais ne voulant pas, nous expliquer les raisons de son attitude).

J’ai vu aussi, sur le plateau, des matches de boxe qui n’existent pas dans le texte et que le metteur en scène y avait mis, je me demande pourquoi. J’ai souvent été en conflit avec mes metteurs en scène: ou bien ils n’osent pas assez et diminuent la portée des textes en n’allant pas jusqu’au bout des impératifs scéniques, ou bien ils « enrichissent » le texte en l’alourdissant de bijoux faux, de pacotilles sans valeur parce que inutiles. Je ne fais pas de littérature. Je fais une chose tout à fait différente; je fais du théâtre. Je veux dire que mon texte n’est pas seulement un dialogue mais il est aussi « indications scéniques ». Ces indications scéniques sont à respecter aussi bien que le texte, elles sont nécessaires, elles sont aussi suffisantes.

Si je n’ai pas indiqué que Bérenger et Jean doivent se battre sur le plateau et se tordre le nez l’un à l’autre c’est que je ne voulais pas que cela se fît.

Ce texte polémique de Ionesco soulève donc un certain nombre de problèmes liés aux difficultés d’adaptation et de mise en scène de la parole théâtre et du respect des didascalies; Pour le dramaturge, la parole théâtrale est non seulement dialogue mais tout autant didascalies.

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