Le personnage central de Thérèse Desqueyroux a été inspiré à l’auteur après la lecture de plusieurs faits divers qui relataient des affaires d’empoisonnement; le poison est , en effet, souvent considéré comme une arme féminine et de nombreuses histoires d’empoisonneuses célèbres , ont pu également lui servir de sources d’inspiration. L’objectif de l’écrivain est de montrer à quel point la bourgeoisie provinciale des années 20 est un milieu étouffant dans lequel les désirs individuels peuvent rarement s’épanouir. Thérèse devient ainsi une sorte de symbole de l’emprisonnement de la liberté individuelle : une femme soumise aux intérêts de sa famille et prisonnière de la morale et de la société; Elle étouffe derrière les barreaux invisibles de sa maison et va tenter de se libérer.
Le récit s’ouvre sur une déclaration de Mauriac adressée à son héroïne : ” Thérèse beaucoup diront que tu n’existes pas. mais je sais que tu existes, moi qui depuis des années , t’épie et souvent t’arrête au passage , te démasque. “ A la fin de sa déclaration liminaire, l’écrivain se désole de devoir abandonner sa créature imaginaire ; Il espère qu’elle ne restera pas seule .. Le roman retrace le parcours de cette jeune femme : de son enfance, en passant par son mariage avec Bernard, la naissance de sa fille et son départ pour Paris . Commençons la lecture par le premier chapitre . Elle sort du tribunal où un non lieu vient d’être prononcé : elle va pouvoir rentrer chez elle , retrouver son mari qu’elle vient pourtant de tenter d’empoisonner . La jeune femme aurait préférerait demeurer chez son père, qui ne se montre pourtant pas très tendre avec elle, mais il le lui interdit; Pour étouffer le scandale et les rumeurs qui vont bon train dans cette petite ville ,il faut que rien ne change ; ( chap 1 )
Au cours du trajet qui la ramène à Argelouse, en voiture, en train et ensuite en carriole, Thérèse se remémore les principaux événements de son enfance à son mariage; Elle cherche à comprendre les raisons qui l’ont poussée à agir ainsi et à tenter d’empoisonner un homme qu’elle a pourtant souhaité épouser; le narrateur nous plonge donc dans le passé de l’héroïne : son amitié avec Anne de La Trave, les étés brûlants, les préparatifs du mariage et le jour des noces ( chap 4 ) .Entrons plus en détails dans les méandres des pensées du personnage .
Thérèse se marie et devient Thérèse Desqueyroux : le commentaire littéraire du récit du jour des noces.
” Le jour étouffant des noces, dans l’étroite église de Saint-Clair où le caquetage des dames couvrait l’harmonium à bout de souffle et où leurs odeurs triomphaient de l’encens, ce fut ce jour-là que Thérèse se sentit perdue. Elle était entrée somnambule dans la cage et, au fracas de la lourde porte refermée, soudain la misérable enfant se réveillait. Rien de changé, mais elle avait le sentiment de ne plus pouvoir désormais se perdre seule. Au plus épais d’une famille, elle allait couver, pareille à un feu sournois qui rampe sous la brande, embrase un pin, puis l’autre, puis de proche en proche crée une forêt de torches. Aucun visage sur qui reposer ses yeux, dans cette foule, hors celui d’Anne ; mais la joie enfantine de la jeune fille l’isolait de Thérèse : sa joie ! Comme si elle eût ignoré qu’elles allaient être séparées le soir même, et non seulement dans l’espace ; à cause aussi de ce que Thérèse était au moment de souffrir de ce que son corps innocent allait subir d’irrémédiable. Anne demeurait sur la rive où attendent les êtres intacts ; Thérèse allait se confondre avec le troupeau de celles qui ont servi. Elle se rappelle qu’à la sacristie, comme elle se penchait pour baiser ce petit visage hilare levé vers le sien, elle perçut soudain ce néant autour de quoi elle avait créé un univers de douleurs vagues et de vagues joies ; elle découvrit, l’espace de quelques secondes, une disproportion infinie entre ces forces obscures de son cœur et la gentille figure barbouillée de poudre.
Plus »