10. novembre 2021 · Commentaires fermés sur Qui est Georges Duroy alias Bel-Ami ? Parcours et évolution d’un héros réaliste . · Catégories: Seconde · Tags: Maupassant
Les personnages réalistes obéissent à des contraintes bien précises : placés dans un milieu donné qui les caractérise autant qu’ils le déterminent , ils évoluent, soumis à des motivations réalistes souvent récurrentes ; Bel-Ami est construit en partie sur l’ancien modèle du picaro: un jeune homme d’extraction modeste qui rêve, grâce à ses qualités personnelles, de faire fortune dans une société fortement concurrentielle . Maupassant nous donne de nombreux renseignements sur le passé de son héros : Il nous détaille ses origines provinciales modestes et son instruction somme toute rudimentaire . Il nous le présente surtout comme doté d’un charme qui s’ étend sur la plupart des femmes et dès le début du roman, Georges est perçu par le lecteur comme un séducteur . Pour autant, certains aspects du héros en font également, un personnage parfois antipathique notamment sa capacité à mentir et sa relation avec l’argent . Brossons ensemble le portrait le plus complet possible au fur et à mesure que nous découvrons le personnage ..
Découvrons ce héros en détails .. et complétons au fur et à mesure ces éléments du texte par nos interprétations : à vous de compléter les éléments suivants ..Plus »
03. septembre 2021 · Commentaires fermés sur Malentendu, méprise, quiproquo: écrire pour le théâtre · Catégories: Seconde · Tags: théâtre
Les dramaturges exploitent sur scène des procédés d’écriture afin de provoquer des situations inattendues. Comme le disait un philosophe et dramaturge français des années 1950, Jean- Paul Sartre , écrire au théâtre consiste à fabriquer des situations et à placer les acteurs et personnages face à des choix qui vont . ” Pour remplacer le théâtre de caractères nous voulons un théâtre de situations ; notre but est d’explorer toutes les situations qui sont les plus communes à l’expérience humaine, celles qui se présentent au moins une fois dans la plupart des vies. Les personnages de nos pièces différeront les uns des autres non pas comme un lâche diffère d’un avare ou un avare d’un homme courageux, mais plutôt comme les actes divergent ou se heurtent, comme le droit peut entrer en conflit avec le droit. En cela on dira à juste titre que nous nous rattachons à la tradition cornélienne.” Plus »
Auteur de plus de 30 pièces , Corneille a écrit deux fois plus de tragédies que de comédies mais il a connu du succès dans ces deux genres de pièces. Il a également écrit des discours théoriques sur le théâtre . Il a peu à peu délaissé la comédie au profit de la tragédie pour pouvoir y imposer sa vision tragique du héros.
Dans L’illusion Comique, le héros Clindor se lance à la conquête du monde de ses richesses et de ses honneurs en devenant comédie. Issu d’une famille de magistrats de la bourgeoisie rouennaise, Corneille lui aussi , en dépit de son métier d’avocat, a choisi la voie du théâtre pour faire fortune. A l’époque où il compose sa pièce, en 1635, une partie de la bourgeoise cherche à obtenir les faveurs des Grands de la Cour , au moment où ces derniers résistent au pouvoir royal de louis XIII en créant la Fronde. Jeune dramaturge, Corneille commence s’inspire de l’influence baroque du théâtre espagnol et anglais avec Shakespeare.
Juste avant L’Illusion Comique , Corneille avait fait un essai plutôt réussi avec une première tragédie : Médée, inspirée de l’histoire de la magicienne Médée qui tue ses propres enfants par dépit amoureux . Mais c’est avec Le Cid qu’il recevra la consécration du public parisien en 1637. Le succès de cette tragicomédie va provoquer la jalousie des dramaturges rivaux de Corneille et déclencher la querelle du Cid. Les critiques jugent la pièce monstrueuse car irrégulière , immorale et mal écrite. Les échanges de pamphlets se terminèrent par une publication de Richelieu : ” Sentiments de l’Académie sur Le Cid” . En résumé, on reproche à Corneille d’avoir plagié un auteur espagnol et de ne respecter aucune règle notamment d’avoir négligé l’unité de temps et de lieu . On trouve peu vraisemblable que Chimène finisse par épouser Rodrigue après que ce dernier soit devenu le meurtrier de son père et cette fin heureuse est considérée comme une atteinte à la vraisemblance . Le cardinal Richelieu donne au final plutôt raison aux adversaires de Corneille et ce dernier décide , pour sa pièce suivante , de davantage se conformer au règles du théâtre classique héritées des Anciens. Le Cid raconte le dilemme d’une jeune femme qui doit choisir entre son amour pour Rodrigue et son désir de venger l’honneur de son père. Sur ordre du roi elle consent à épouser finalement le jeune homme victorieux d’une guerre contre les Maures.
Corneille revient sur scène avec Horace , une tragédie qu’il dédie à Richelieu. Tiré de l’histoire romaine, la tragédie évoque le combat fratricide entre un soldat de Rome et son beau-frère qui combat pour Albe, la ville ennemie. La tragédie place le héros face à un choix à effectuer mais quel que soit le côté où il se tourne, aucune issue ne peut lui être totalement favorable. Le dilemme est forcément douloureux et il implique un renoncement à une valeur essentielle : l’amour, l’honneur, la fidélité à sa patrie, ou le devoir ;Investi d’une mission, le héros doit la remplir coûte que coûte. Les pièces comportent alors de longues tirades ou des stances durant lesquelles les personnages , déchirés , débattent en alexandrins.
Les poètes chantent l’amour , la Liberté , la beauté de la Nature ou plus simplement décrivent la tristesse du quotidien? Qu’ils oient lyriques, modernes ou classiques , les poètes jouent avec les Mots pour en extraire la quintessence ; Parfois on les représente en train de chercher l’inspiration, plume à la main et les yeux levés vers le Ciel ou le front penché sur la page blanche . Comment représenter l’inspiration ? est-ce une déesse venue du Ciel qui leur souffle les mots à l’oreille ou est-ce le fruit d’un long travail solitaire ? Alfred de Musset, un poète romantique , dans son recueil intitulé Les Nuits a écrit un émouvant dialogue entre le poète et sa Muse . Baudelaire, dans Les Fleurs du mal , au début de la section Spleen et Idéal, consacre deux sonnets à la figure de la Muse : dans le premier , il la présente comme une femme malade aux yeux creux peuplés de visions nocturnes , envahis par la folie et l’horreur. Il fait également référence à son père “Phoebus” .
Dans l’Antiquité, les Muses étaient au nombre de neuf : filles de Zeus et de Mnémosyne, la déesse de la mémoire , elles ont chacune la responsabilité d’une branche artistique et sont fréquemment accompagnées, dans la plupart des représentations, d’Apollon, le Dieu des arts . Calliope est la muse de la poésie épique, Erato veille sur les poètes lyriques, Melpomène règne sur la tragédie, Clio sur l’histoire. La statuaire grecque les représente sous la forme de gracieuses jeunes filles et l’Art leur confère des symboles qui permettent de les différencier.
Calliope : couronne d’or, livre, tablette et stylet, trompette ;
Clio : couronne de laurier , cygne, livre ou rouleau, tablette et stylet, quelquefois une trompette;
Érato : couronne de myrte et de rose, tambourin, lyre, viole, ou un cygne ;
Euterpe : flûte simple ou double et un autre instrument de musique (trompette) ;
Melpomène : cor, couronne de pampre de vigne, épée, masque tragique, sceptre à ses pieds ;
Polymnie : couronne de perles, instrument de musique ;
Terpsichore : couronne de guirlande, instrument de musique à cordes comme la lyre ;
C’est le philosophe Platon , qui fait des neuf Muses les médiatrices entre le dieu et le poète ou tout créateur intellectuel. Cette conception de l’art (le poète est possédé, saisi par le dieu) sera plus tard contestée par le classicisme; les artistes seront alors considérés comme des ouvriers du beau, des artisans qui sculptent et forgent les mots . Deux écoles s’affrontent : les tenants de l’inspiration divine qui voient dans les artistes des messagers divins et
Aujourd’hui, on dit d’un femme qui inspire un artiste qu’elle est sa muse ou son égérie.
…«Une muse est une personne qui participe au déclenchement de l’inspiration poétique ou artistique autrement dit du désir ; le désir de créer et le désir au sens propre, et c’est pourquoi certains artistes accordent une importance particulière à leurs sources d’inspiration.Il existe également des muses au masculin comme Yves Saint Laurent pour Pierre Bergé , l’acteur Jean Marais pour Jean Cocteau ou Robert de Montesquiou pour le romancier Marcel Proust.
Retrouve les noms des artistes à partir des “muses ” ci-dessous .. ce sont des poètes , des écrivains ou des peintres célèbres. QCM sur pronote...
Kiki, Gala, Elsa, Mona Lisa, Dora Maar, Caroline, Marthe Bonnard, Marie Laurencin, George Sand, Jeanne Duval, Marie Daubrun, Elisa Schlesinger , Aliénor d’ Aquitaine, Juliette Drouet, Lou-Andréas Salomé, Sophie Volland, Emilie du Châtelet , Jeanne Hébuterne, Adèle Bloch-Bauer, Suzanne Valadon, Jeanne Samary, Jane Avril, Camille Claudel .
L’action se situe à la fin du dix-neuvième siècle, en 1885 , à Paris dans le cadre de l’hôpital de la Salpêtrière, rue Soufflot, où on regroupait alors les aliénées, souvent des jeunes femmes en marge de la société, condamnées pour leurs mœurs ou qui souffraient d’épilepsie . L’histoire se déroule essentiellement entre les murs du service du célèbre professeur Charcot , un neurologue qui pratique l’hypnose sur ses patientes afin de leur faire revivre les traumatismes qui sont à l’origine de leurs lésions . Il est idolâtré par Madame Geneviève, l’infirmière en chef qui l’assiste de son mieux. A l’extérieur, toutes sortes de rumeurs planent sur le service des hystériques comme on le nomme ” On imagine des femmes nues qui courent dans les couloirs, se cognent le front contre le carrelage, écartent les jambes pour accueillir un amant imaginaire, hurlent à gorge déployée de l’aube au coucher. On décrit des corps de folles entrant en convulsion sous des draps blancs, des mines grimaçantes sous des cheveux hirsutes”. ” Entre l’asile et prison, on mettait à la Salpêtrière ce que Paris ne savait pas gèrer, les malades et les folles .” Les folles fascinent et font horreur mais dans le service règne le plus souvent un grand calme . Ses femmes souffrent de tics nerveux et de troubles du comportement : lorsqu’elles font une crise , un interne leur presse les ovaires ou dans les cas les plus sérieux, les endort avec de l’éther.
Les portraits des personnages se complètent au fil de l’intrigue : Geneviève Gleizes cette fille de médecin auvergnat, écrit des lettres à sa sœur morte des années plus tôt d’une tuberculose , Ce décès tragique lui a fait perdre la foi et lui a donné la vocation d’aider aux avancées de la médecine ; Thérèse est une prostituée qui passe ses journées à tricoter et à veiller sur les jeunes femmes , enfermée, 20 ans plus tôt, pour le meurtre de son proxénète; Louise une jeune fille violentée par son oncle et abusée par un gardien sans scrupule dont elle est tombée amoureuse et qui lui promet le mariage La jeune fille finira paralysée suit à une séance d’hypnose . Eugénie Cléry est internée à la demande de sa famille car elle leur a avoué pouvoir s’entretenir avec les esprits notamment celui de son grand-père mort lorsqu’elle avait 12 ans et qui vient souvent lui rendre visite ; son frère finira par accepter de la délivrer lors du fameux bal organisé à l’hôpital pour fêter la mi-carême. dans les salons , on prétend que certaines femmes ont fini enfermées à la Salpêtrière car elles es comportaient comme des hommes : on évoque le cas d’une jeune femme internée de force par son mari car elle prétendait diriger avec lui la brasserie familiale, d’une autre qui aurait menacé de mort son mari infidèle en public, d’une quadragénaire enfermée pour avoir aimé un homme de 20 ans son cadet ; L’asile fait fonction de “dépotoir pour toutes celles nuisant à l’ordre public” ( p 34 ). avec les progrès de la médecine arrive une nouvelle catégorie d’internées: on les nomma hystériques, épileptiques, mélancoliques, maniaques ou démentielles. Les chaînes et les haillons laissèrent place à l’expérimentation sur leurs corps malades : les compresseurs ovariens parvenaient à calmer les crises d’hystérie; l’introduction d’un fer chaud dans le vagin et l’utérus réduisait les symptômes cliniques ; les psychotropes – nitrite d’amyle, éther, chloroforme, calmaient les nerfs des filles ; l’application de métaux divers – zinc et aimants- sur les membres paralysés avait de réels effets bénéfiques . ” p 97 ; Zola, Maupassant , et Sigmund Freud assistent aux séances publiques de Charcot assisté par Babinski et Gilles de la Tourette. Ces trois médecins axèrent leurs recherches sur le système nerveux central ; On leur doit la découverte de la maladie de Charcot, du test de Babinski et du syndrome de La Tourette. Les internées étaient les nouvelles actrices de Paris et on citait leurs noms avec un soupçon de crainte et d’admiration. ” Les folles pouvaient désormais susciter le désir. Leur attrait était paradoxal.” p 98 . Un photographe Albert Londe venait réaliser des clichés d’aliénées et le bal des folles était un événement mondain fort prisé.
On y trouve beaucoup de jeunes femmes victimes de violences sexuelles ou de traumatismes: Aglaé a effectué une tentative de suicide après la mort d’un enfant, Rose-Henriette, une femme de chambre qui a subi le harcèlement de son patron et qui est désormais victime d’attaques de panique.
Avant d’être internée , Eugénie étudiait le livre d’Allan Kardec , pseudonyme d’Hypolite Rivail , philosophe et fondateur du spiritisme dont les ouvrages seront édités par son ami Pierre-Gaëtan Leymarie , libraire rue Saint jacques et passionné d’ésotérisme. Elle s’est confiée à sa grand-mère et lui a révélé un secret que seul son grand-père connaissait . Mais sa famille prend peur et elle se retrouve internée contre son gré. Son père la considère comme diabolique ” on ne converse pas avec les morts sans que le diable y soit pour quelque chose ” avoue-t-il lors de l’entretien d’admission mené par Geneviève . Peu à peu les deux femmes se lient d’amitié : la soignante est, tout d’abord, ébranlée par les révélations d’Eugénie qui prétend être en contact avec sa soeur morte à 18 ans, Blandine . Elle lit à son tour le livre des esprits et Eugénie lui indique que son père a fait une chute sur le carrelage de sa cuisine; Geneviève réussit à prendre un train de nuit et découvre son père alité . Lorsqu’elle lui avoue qu’elle a été prévenue par l’esprit de Blandine , il la traite de folle et la renvoie à Paris; Elle intercède alors directement auprès du docteur Charcot, en faveur d’Eugénie pour la faire sortir de l’internement mais ce dernier se montre condescendant et la prie de ne pas outrepasser son rôle au sein de l’institution. Humiliée par les propos du neurologue, elle va alors œuvrer, dans le plus grand secret pour libérer Eugénie, au cours du bal . Ce soir là , le public observe les jeunes femmes à l’affût du moindre symptôme “on cherche un défaut, une tare,on remarque un bras paralysé sur une poitrine, des paupières qui se referment un peu trop fréquemment. On se bouscule pour voir de plus près ces animaux exotiques comme si l’on était dans une cage du Jardin des Plantes , en contact direct avec ces bêtes curieuses. ” p 214. Ce soir là , Louise après un nouveau viol, tombe dans une catalepsie qui durera deux ans et Geneviève est internée pour avoir aidé Eugénie à retrouver sa liberté. Elle continue inlassablement à écrire des lettres à Blandine, sa sœur décédée., en regardant la neige tomber sur le parc de l’hôpital.
Quel rapport entre l’alchimie, cette pratique qui peut s’apparenter à de la magie et qui transforme le plomb en or et l’alchimie poétique ? Tout d’abord le poète apparaît comme un magicien ; celui qui a le pouvoir de changer ce qu’il voit, de transformer la boue en or, le laid en beau , le Mal en Fleur .
L’alchimie est d’abord présente dans le recueil sous plusieurs formes
avec le titre de certains poèmes comme Alchimie de la Douleur , par exemple, un sonnet de Spleen et Idéal . Le poète y révèle que la douleur règne sur son imagination et qu’elle le transforme en celui qui change “l’or en fer ” et le paradis en enfer” ; il se compare au “plus triste des alchimistes” . L’alchimie à laquelle fait référence Baudelaire fonctionne donc ici à l’inverse de la magie . On peut parler d’une alchimie inversée .
Le terme alchimie renvoie également au domaine de la magie et des sciences occultes et on trouve dans les FDM une série de références à des créatures fantastiques : l’alchimie est une sorte de trait d’union entre le monde visible et le monde invisible peuplé de créatures telles que les fantômes , les revenants, les spectres, le Diable et toutes ses incarnations et les figures féminines des sorcières et autres succubes . Le poète est celui qui est en relation avec ce monde fantastique qui peuple son imaginaire et qu’il s’emploie à faire renaître sous sa plume. Il est celui qui permet les Correspondances entre les mondes .
L’alchimiste c’est surtout celui qui est capable d’opérer la transformation de ce qui est en quelque chose de nouveau, de différent et à ce titre , toute création poétique, artistique, peut s’apparenter , au sens large à une sorte d’alchimie car elle transforme ce qui est vil en ce qui est noble, et nous enchante en créant des associations sonores et verbales . La poésie transfigure le quotidien et nous met en relation avec les secrets du Monde : le poète est, à la fois celui qui comprend d’autres langages, celui des choses inanimées, de la Nature et des puissances invisibles et celui qui invente un langage magique, mystérieux , réservé à des initiés , une véritable “sorcellerie évocatoire “ ; Qui de la boue ou de l’or l’emporte dans Les Fleurs du Mal?Plus »
28. mai 2021 · Commentaires fermés sur Réparer les vivants : le voyage fantastique du coeur de Simon · Catégories: Première · Tags: roman
Roman qui évoque des thèmes douloureux comme la mort d’un enfant et le choix pour les parents de faire don de ses organes , Réparer les vivants de Maylis de Kerangal aborde ces sujets de manière parfois poétique , souvent philosophique; Au delà de cette histoire tragique qui démarre par un fait divers terrible , cet accident de voiture dans lequel un adolescent de 17 ans fait une hémorragie cérébrale qui le plonge dans un état de mort encéphalique , la romancière dresse une galerie de portrait de personnages attachants et complexes qu’elle fait se croiser autour du corps de Simon Limbres . Nous sommes presque à la fin du récit: pendant que Virgilio le jeune chirurgien roule à toute allure avec le coeur de Simon qu’il vient de prélever dans son caisson étanche, Marianne, la mère du défunt, rentrée chez elle, pense à son fils mort.
Voyons comment ce passage est construit et quel regard la romancière élabore autour de ce personnage de la mère ..rappelons tout d’abord que les romanciers contemporains ne suivent pas précisément les codes de fabrication des personnages hérités des techniques réalistes (lire l’article du blog sur le réalisme) : en effet, ils construisent leurs personnages à partir de leurs voix et ne donnent qu très peu d’indications sur leur passé, leur identité, leur physique; Chaque personnage est saisi dans la vérité de l’instant comme une sorte d’instantané photographique et le roman se forme à partir de ces saisies partielles. On parle souvent de vision kaléidoscopique pour montrer que les romanciers juxtaposent des états sans chercher à créer une continuité d’ordre chronologique ou psychologique.
Annonce des axes de lecture : Marianne est un personnage qui se caractérise par le lien qu’elle a tissé avec Simon: c’est une mère frappée par la douleur d’avoir perdu ce fils qu’elle aimait : la romancière fabrique une dimension pathétique autour de ce personnage de mater dolorosa ce que nous verrons dans une première partie avant de démontrer que la romancière fabrique également un passage fantastique en évoquant d’abord la mystérieuse relation entre Marianne et Simon et ensuite en faisant disparaître le personnage au profit d’une sorte de rêve éveillé qui montre le coeur de Simon dans l’espace.
1 Une image pathétique de la mère
Le cadre tout d’abord est important : il fait nuit et Marianne ne parvient pas à dormir il va être minuit : 23 h 50 exactement la précision de ce détail rend la scène d’autant plus vraisemblable ; la douleur est personnifiée et agit avec violence comme le montre le verbe défonce; il appartient à un registre de langue familier et peut s’employer pour désigner l’état d’une personne qui se drogue ; être défoncée, c’est perdre le contact avec la réalité et Marinent est comme dans un état second ; L’analogie avec la drogue se poursuit avec l’expression “c’est là qu’elle peut tenir “; Notons que dans certains cas et pour certaines pathologies, les médecins plongent des patients dont la douleur est trop forte en coma artificiel afin que leur cerveau ne puisse transmettre cette douleur .
L‘intervention du narrateur ou l’art de raconter : ce passage montre un narrateur à la fois témoin des faits mais qui semble ne pas tout savoir sur les personnages “on s’en doute ” peut être analysée de deux manières : dans une certaine mesure, cette intervention brise les codes de l’illusion réaliste dans la mesure où elle montre au lecteur la voix de celui qui écrit l’histoire (le narrateur ) et qui de ce fait est distinct du personnage ) ; mais d’un autre côté, cette intervention créée également une complicité avec le lecteur car ce on qui est mentionné, l’inclut lui aussi et le rend , en quelque sorte, partie prenante de l’histoire en train de s’écrire. Le point de vue du narrateur apparait également avec ‘on la voit qui se redresse” : le point de vue ici est bien celui d’un narrateur témoin de la scène mais qui se contenterait de la filmer sans forcément tout savoir .
C’est d’ailleurs le but des questions rhétoriques qui frappent le lecteur car elles introduisent à la fois une forme d’incertitude (le narrateur feint de ne pas savoir ce que pense le personnage donc il adopte un point de vue limité sur la scène ) mais en même temps il émet des hypothèses pour expliquer le sursaut Marianne : “se peut-il qu’elle ait capté l’instant où ..” “se peut-il qu’elle ait eu l’intuition ‘ ? ; ces hypothèses font naître la dimension fantastique du passage qui va ensuite être construite avec l’image du coeur de Simon, relique sacrée qui effectue un voyage dans l’espace . Ces mêmes questions métaphysiques reviendront à la fin du passage et Marainne finira par leur donner une réponse rassurante : “il est irréductible: c’est lui ; elle ressent un calme profond “ ; La mère peut repenser alors à son fils comme à un être qui ne peut se réduire à sa matière charnelle ” Le choix de l’adjectif “irréductible ” prouve que , bien qu’on ait côté au corps de Simon certains organes, il peut demeurer entier en présence dans l’esprit de sa mère . Les questions se transforment elles aussi en “cerceaux bouillants “ et vont ainsi se transformer les “linéaments magnétiques ” dans son imagination : ces linéaments vont maintenir les liens indestructibles qui la relient à son fils
2. Une liaison mère/fils fantastique : la connexion au delà de la mort ?
Le narrateur laisse entendre que ce qui relie ces deux personnages est de l’orde du surnaturel et il crée des images pour essayer de rendre concret et visible cette connexion. D’abord nous remarquons le verbe connecter et l’image des “linéaments magnétiques “ Le mot linéament s’emploie plutôt dans un contexte géologique ou géographique car il désigne les lignes qui marquent les accidents de surface des roches qui provient des mouvements dans l’écorce terrestre ; sur une carte, les linéaments désignent le relief des sols et dans le roman, on comprend que ce mot désigne des sortes de fils, un peu comme des arcs électriques qui traverseraient l’espace-temps pour maintenir le lien mère-fils; L’imagination de la romancière est nourrie ici des images des failles de l’ espace temps où les ondes électromagnétiques renvoient à une activité cérébrale ou simplement électrique; On peut aussi rapprocher ces linéaments du fonctionnement du cerveau et rappeler que ce sont des machines électriques qui maintiennent le corps de Simon en vie et qu’elles vont être débranchées ; la romancière veut nous faire percevoir que le cerveau de Marianne enregistre en fait , comme par intuition , ce qui est en train d’arriver à Simon. La relation mère-fils est qualifiée de proximité impalpable : avec l’allitération en p, on voit ici les liens se former avec espace, profondeur et temporel .La mère veut se raccorder , rester raccrochée à son fils et pénètre dans cet espace interdit qui forme comme une zone de veille ; La romancière veut sans doute ici évoquer par cet euphémisme “espace interdit ” les mystères de la mort ” et la “zone de veille” peut peut- être rappeler l’une des fonctions maternelles par excellence : celle qui consiste à veiller sur son enfant , à le protéger, à le rassurer. A noter que dans le roman, cette fonction maternelle est occupée , parmi le personnel soignantt, par Thomas Rémige qui va prendre , dans le milieu médical, le relais de la mère auprès de Simon; Il va le rassurer en lui passant le casque avec la musique choisie par Juliette, en lui récitant les noms de tous ceux qui pensent à lui, en prenant soin de son corps avec la toilette et le chant de la mort pour l’aider à franchir cette mystérieuse frontière entre le monde des vivants et celui des morts. Frontière qui justement s’efface dans les rêves ….
3. L’effacement du personnage au profit du rêve
A mi -chemin du rêve et de la réalité, la romancière va utiliser le personnage de Marianne pour être le point de départ d’un passage onirique du roman où elle imagine les pensées de la mère, ses rêves et le coeur de Simon qui vole. Cette sorte de rêverie métaphysique manifeste la croyance éternelle et ancestrale en une forme de vie après la mort , dans le souvenir de ceux qui ont aimé les défunts. La rêverie s’organise elle aussi à partir d’un cadre : cette nuit polaire qui forme un décor fantastique comme une apparition lumineuse, une sorte d’étoile filante qui illumine l’espace: ainsi pour préparer cette apparition, les nuages se “déchirant” , “le ciel opaque se dissolve” ; le coeur de Simon est comme l’étoile polaire : celle qui dans les légendes guide les hommes vers Dieu ou les met sur la bonne voie; par analogie et comme par glissement, le coeur se transforme en relique sacrée : (la relique était le reste d’un corps de saint qu’on adorait et qu’on venait prier : cela pouvait être une main , un morceau de squelette et bien évidemment le coeur qu’on conservait précieusement ) Ainsi à cette apparition de l’étoile dans le Ciel coïncide ce voyage du coeur dans son “caisson ” et le narrateur note que le plastique de la paroi “brille dans les faisceaux de lumière électrique ” ; Un lien est donc clairement établi entre les deux voyages, celui de l’étoile observée par la mère et celui du coeur de Simon transporté par Virgilio .
La vision du personnage dans l’appartement a donné naissance à ce voyage réel d’abord du coeur de son fils dans la voiture et ensuite à un voyage imaginaire et mythique qui nous plonge au Moyen-age à l’époque où on convoyait “les coeur des Princes ” dans les cités; Simon devient ainsi un personnage de légende lui aussi, à l’instar de ces souverains d’autrefois dont les dépouilles étaient vénérées et devant lesquels les gens se recueillaient “on se signait en silence pour regarder passer ce cortège extraordinaire” Le personnage de Simon obtient ainsi grâce à ces comparaisons une dimension sacrée
Attention j’ai coupé une partie de cette description du voyage médiéval dans vos passages dactylographiés…
La fin du passage nous ramène à Marianne et aux questions métaphysiques qu’elle se pose et que tous les lecteurs peuvent également partager : “que subsistera t-il dans cet éclatement de l’unité de son fils” : cette interrogation pose le problème des liens entre le corps et l’âme ; l’esprit est un et indivisible alors que le corps peut être morcelé ; Notre unité est avant tout spirituelle et n’est pas liée à notre enveloppe corporelle : du moins pour ceux qui croient à l’existence de l’âme ; pour certaines religions, âme et corps ne peuvent être séparés et donc les parents refusent les dons d’organes par peur de perdre l’ âme de leur enfant
En conclusion ,la romancière a donc imaginé pour ce passage important qu’au moment où on opère son fils mort pour lui prélever ses organes et les envoyer un peu partout en France,, Marianne , sa mère perçoit du fond de sa peine, une sorte de lien indestructible en pensée entre elle son fils et elle est soulagée de sentir sa présence irréductible ; le personnage de Simon acquiert ainsi une dimension sacrée, mythique en se transformant et en étant comparé aux souverains défunts des temps anciens .
24. mai 2021 · Commentaires fermés sur Toinette face à Argan : la relation maître/valet à l’épreuve dans Le Malade imaginaire · Catégories: Divers, Lectures linéaires, Première
Notre premier extrait aborde l’entrée en scène de Toinette à la scène 2 de l’acte I . La relation conflictuelle maître / valet est souvent au centre de la comédie et contribue, pour le plus grand plaisir du spectateur , à des moments d’affrontement parfois cocasses. Si Molière s’inspire des types de la comédie italienne et notamment du personnage de Sganarelle ( appelé également Polichinelle ) , il donne également de grands rôles aux servantes . Ces dernières se caractérisent par leur “ caquet ” défaut récurrent sur scène ; Dans sa dernière comédie, Le Maladeimaginaire, Toinette fait partie de cette famille de servantes au grand coeur, ( et à la grande bouche ) dévouées à leur maître et à sa famille, soucieuse de préserver leurs intérêts et les mettant en garde contre ceux qui cherchent à leur nuire. Insolente et gouailleuse, elle tient tête avec effronterie à Argan et lui donne la réplique sans s’en laisser conter L’extrait que nous étudions complète l’exposition et nous en apprend plus sur le personnage d’Argan, cet homme qui se ruine en remèdes et qui se fait berner par son médecin comme tente de le lui faire remarquer sa fidèle servante . Plus »
31. mars 2021 · Commentaires fermés sur Are you crasy ? Petit aperçu de la folie · Catégories: Divers
La folie fascine : elle fait peur certes mais elle est également synonyme d’imagination et de joie de vivre . Mettre un petit grain de folie dans sa vie , c’est souvent lui donner de belles couleurs et la rendre plus intense; Quand on aime intensément, ne dit-on pas qu’on est fou amoureux ou qu’on aime à la folie? Mais cette dernière peut devenir furieuse et mener au meurtre ou au suicide ; Être fou à lier signifie qu’on doit vous attacher afin que vous ne deveniez pas un danger pour les autres ou pour vous-même .