Pour l’étude d’ensemble , je vous renvoie au site dirigé par Amélie, commentairecompose.fr et à sa fiche de lecture sur la pièce de Jules Renard .https://commentairecompose.fr/knock-jules-romains/.
Exemple d’introductions pour le passage à commenter ( II, 4 )
En 1923, Jules Romains, dramaturge français, fait représenter une comédie, satire de la médecine. Cette pièce a pour héros un médecin usurpateur qui s’installe dans un petit village et reprend la clientèle de son prédécesseur. Soucieux de s’enrichir grâce aux maladies de ses patients, il profite de leur inquiétude partant du principe que tout homme bien portant est un malade qui s’ignore ; Dans l’acte II, scène 4, il fait face à une paysanne tombée d’une échelle et lui propose un traitement pour que son mal s’aggrave. Comment le dramaturge et -il en scène ici une consultation médicale? Nous montrerons dans un premier temps la dimension comique de l’échange et verrons ensuite comment le médecin arrive à tirer avantage de la maladie de sa patiente .
En 1923, juste après la première guerre mondiale, un dramaturge , Jules Romain, confie à l’acteur et metteur en scène Louis Jouvet, le rôle titre de sa comédie : Knock ou Le triomphe de la médecine . Ce titre nous met sur la voie d’une satire de la médecine moderne dont les méthodes sont ici dénoncées, de manière comique, par l’auteur. Un nouveau médecin tente, par tous les moyens, de se constituer une clientèle afin de s’enrichir. Dans cette scène 4 de l’acte II, il reçoit en consultation une paysanne tombée de son échelle et il la manipule; Nous montrerons tout d’abord comment il augmente la gravité de son mal en l’effrayant et ensuite de quelle manière il lui propose la soigner.
Lorsque Jules Romain crée Knock ou le triomphe de la médecine, au tournant des années 20 , le monde est en train de changer : la publicité fait son apparition et de nouvelles techniques de manipulation des masses s’imposent pour vanter les mérites de la consommation . Le dramaturge utilise sur scène l’idée qu’une médecine moderne, basée sur les progrès de la science, est en train de chercher à s’imposer et à imposer avec elle l’idée de l’omniprésence de maladies qu’il faudrait soigner à tout prix. Dans cette scène de l’acte II, il met face à face un médecin manipulateur et une paysanne naïve aveuglée par ses propos . Comment le médecin apparaît -il dans cette scène comique ? Nous montrerons premièrement la dimension comique de ses explications avant d’évoquer l’omniprésence de l’argent dans cette consultation .
Le commentaire : conseils de rédaction.
Erreurs à éviter : s’il est important de montrer que vous possédez des points de repère dans l’histoire littéraire, ne tentez pas de plaquer un courant littéraire sans en connaitre la définition et sans avoir vérifié qu’il correspond bien au thème et au style du texte proposé pour l’épreuve . Ainsi le sur réalisme , le Nouveau -Roman ou l’unanimisme sont bien des courants littéraires de la première moitié du siècle dernier mais les principes de ces mouvements ne permettent pas de définir le type de texte théâtral ici ; il faut plutôt se référer à l’évolution du théâtre et de la comédie et se souvenir comment analyser les procédés comiques .
Les observations les plus intéressantes constituent ici un commentaire dont les titres ainsi que les transitions figurent entre parenthèses
I (L’emprise du médecin )
(L’emploi d’un vocabulaire technique ) , sorte de jargon médical, a pour effet d’intimider le patient qui ne comprend pas les termes médicaux comme faisceau de Tûrck à la ligne 3 ou colonne de Clarke à la ligne 4 . Le spectateur peut douter de la réalité de ces appellations d’autant que les explications du médecin, au tableau semblent simplistes : il vulgarise des explications savantes pour un public non spécialiste . De plus l’observation de la répartition des répliques nous montre que le médecin demeure le maître du jeu et des échanges. Il prend, tout au long de cet échange, l’ascendant sur son interlocutrice de plusieurs façons.
Tout d’abord, Knock ( s’efforce de se montrer convaincant ) et d’exercer une emprise sur la patiente notamment en l’impliquant dans la prise de décision : il commence par une démonstration logique avec un dessin explicatif et il s’assure de l’adhésion de la dame : “vous me suivez ? ” . Il la red décisionnaire sans rien lui imposer ” ce que je puis vous proposer” . Loin de se montrer autoritaire, il apparait comme poli et courtois et lui laisse la décision finale ” vous vosu rendrez compte par vous-même et vous vosu déciderez ” . Peu à peu , il impose son point de vue tout en continuant à faire mine de s’intéresser à l’avis de la dame ” C’est convenu ? ” ; Il recherche son accord et l’obtient ne dépit d’un soupir , didascalie qui marque une certaine réticence ” Comme vous voudrez ” ; Il l’a finalement emporté et a convaincu la patiente de suivre ses recommandations .
(L’angoisse de la mort ): pour faire accepter à sa patiente un traitement onéreux, le médecin va aggraver volontairement les symptômes dont elle souffre . Venue le consulter pour un trouble bénin, elle sort de la consultation en se pensant gravement atteinte . Au lieu de la rassurer , il amplifie son inquiétude le faisant semblant de considérer la mort comme quelque chose de banal et d’inévitable “vous ne mourrez pas du jour au lendemain . Vous pouvez attendre ” Il présente la vieillesse comme des années inutiles dont on peut se passer “pour le plaisir qu’elles donnent ” Cette remarque ironique qui constitue un véritable paradoxe révèle, en partie sa stratégie : il feint un certain détachement envers la vie qui peut avoir comme effet de paniquer ses patients . On retrouve le thème de la peur de la mort qui est une constante dans la satire de la médecine ; Knock s’emploie à effrayer ses patients afin de les rendre dociles et de vaincre leurs réticences à se soigner .
(transition entre I et II ) Insuffler la peur en adoptant un ton désinvolte est donc une de ses techniques préférées et Jules Romains illustre le fonctionnement de son héros en lui faisant affirmer que tout homme bien portant est , en fait un malade qui s’ignore. Il s’agit de dresser de la corporation des médecins un tableau satirique en les dépeignant comme des praticiens avides de s’enrichir par tous les moyens et prêts à inventer des maladies imaginaires-
II (L’importance de l’ argent )Tout part d’un constat ; la dame ; bien que riche, refuse de payer une somme exorbitante ( l’équivalent de 4 bêtes ) pour se faire soigner et souhaiterait un traitement moins onéreux : Le médecin va la prendre au mot . Il lui propose alors de “laisser les choses comme elles sont ” ce qui revient à ne pas la soigner sous prétexte que “L’argent est si dur à gagner ” . Il va ainsi dans le sens de la demande de sa patiente : il feint d’adhérer à son argument pour mieux la manipuler en gagnant sa confiance; C’est une technique très utilisée en argumentation pour convaincre son interlocuteur . Ainsi la patient va devoir admettre qu’elle aimerait quand même être prise en charge mais souhaite être guérie pour “moins cher “ . Knock va mettre au point un stratagème qui consiste à l’affaiblir afin qu’elle se croit très malade; Il crée ainsi une sorte de malade imaginaire en dégradant son état de santé volontairement comme dans la pièce de Molière où Purgon abusait de la confiance d’Argan en lui prescrivant des remèdes onéreux dont il partageait les bénéfices avec le pharmacien M Fleurant.
Ainsi Knock se vante de prescrire une mise en observation et précise ” ça ne vous coûtera presque rien ” ligne 17 et pour couper court à tout reproche qui pourrait lui être adressé de s’enrichir sur le dos de ses patients, il tient à préciser ligne 26, “ vous ne direz pas que je vous ordonne des remèdes très coûteux “ Ce mode d’argumentation se nomme une prétérition et consiste à évoquer un sujet tout en expliquant qu’on n’en parlera pas. L’argent est donc très présent dans l’échange avec notamment l’idée que le médecin cherche à s’enrichir tout en se défendant d’avoir un quelconque intérêt pour l’argent . Il cache son jeu mais son insistance le démasque et surtout sa stratégie à trouver des maladies graves là où il n’y a que des maux du quotidien : il transforme un simple mal de dos en douleur incurable liée à un écrasement de “la moelle épinière” en ajoutant qu’il est très mal placé”. (TR entre II et III ) Ces exagérations et ses subterfuges font partie des effets comiques les plus fréquemment utilisés.
III (Les procédés comiques )
(La naïveté de la patiente) L ‘un des ressorts comiques pour le spectateur consiste à comprendre que la patiente est en train de se faire duper mais qu’elle ne s’en rend pas compte. En effet, la panique la gagne peu à peu après l’annonce du diagnostic ” Mon Dieu ! Mon Dieu ! s’exclame -t-elle ligne 8 pour ensuite se lamenter “ Oh ! là là “ Elle se rallie , sous l’effet de la peur, à la nécessité d’accepter un traitement et le médecin feint de lui attribuer le pouvoir de décision finale ; Elle acquiesce alors “ Oui c’est çà “ ligne 19 et il peut ensuite rédiger l’ordonnance ainsi que le précise la didascalie de la ligne 22 .
(Un traitement insolite )Les recommandations du médecin n’ont rien à voir avec le traitement lié à une chute : si on peut concevoir que le repos soit une source d’amélioration de la santé de la dame, il est plus difficile de comprendre l’isolement exigé : “défendez qu’on vous parle ” et surtout le jeûne imposé : “aucune alimentation solide pendant une semaine ” ; Les conséquences sont prévisibles : la dame va être affaiblie et cette “faiblesse générale ” ainsi qu’une certaine paresse à vous lever ” sont juste les conséquences logiques et prévisibles de cette mise en quarantaine assortie d’une privation de nourriture. Le spectateur se rend bien compte de la manipulation et de l’escroquerie dont la patiente est ici la victime. Tout ce qu’il cherche c’est justement en l’isolant et en la privant de contact , c’est à faire apparaître des symptômes de mal-être qu’il pourra alors attribuer à la maladie . De soignant, le médecin devient tortionnaire.
(L’ambiguïté du comique ) Ici le médecin donne une sorte de leçon à la paysanne à laquelle il reproche notamment de ne pas vouloir payer pour se faire soigner; Son but est double : en aggravant son mal, et en lui infligeant une période d’observation inutile et dangereuse pour son état général, il va la rendre dépendante : si le mal est moins sérieux qu’on ne pouvait le croire, je serai le premier à vous rassurer. Il se montre ici particulièrement habile en endossant le rôle du sauveur alors qu’il est à l’origine de l’aggravation de ce mal de dos qu’il qualifie de “tiraillement continu qui s’exerce sur les multipolaires ” Comme il possède le savoir, Jules Romains montre qu’il peut ainsi exercer une emprise sur les moins cultivés et son habileté à argumenter lui confère également un avantage sur la plupart des gens; C’est un manipulateur et le rire du spectateur est ambigu, comme l’est la comédie elle-même .
Pour conclure, ce passage révèle la supercherie du médecin et sa capacité à transformer des patients bien portants en malades grâce à ses talents d’orateur et son pouvoir de persuasion .La comédie, dès l’Antiquité est un genre de spectacle qui contient une dimension morale mais s’applique à divertir autant qu’à instruire; Molière dont la devise était de faire rire en se moquant des défauts des hommes , l’a illustré à de nombreuses reprises et notamment dans Le Malade imaginaire où il montre comment des médecins s’enrichissent en faisant croire à leurs patients qu’ils souffrent de nombreuse maladies graves; Jules Romains reprend ici le même argument avec ce personnage de Knock, dont le triomphe constitue une sorte de mise en garde contre les dérives de la science lorsqu’elle cherche à abuser les plus crédules .
Le portrait d’un dangereux libertin: le Comte de Valmont présenté par Madame Volanges
Laclos fait paraître en 1782, quelques années avant la révolution française, un roman épistolaire qui fit scandale. le titre Les liaisons dangereuses illustre son projet ; Il montre comment un coupe de libertins, la Marquise de Merteuil et le comte de Valmont manipulent leur entourage et sèment le déshonneur sur le chemin de ceux qu’ils séduisent et manipulent. Au moment où le mouvement des Lumières s’interroge milite notamment pour une meilleure éducation des femmes , Laclos montre qu’elles demeurent les premières victimes d’hommes peu scrupuleux qui font passer leurs désirs avant le respect des valeurs morales comme l’honnêteté et la fidélité. Dans cette lettre adressée à la présidente de Tourvel et rédigée par une amie , nous verrons tout d’abord qu’il s’agit d’une lettre de mise en garde qui incite à la prudence et nous montrerons ensuite comment Valmont est décrit ainsi que le danger qu’il représente pour les femmes.
Madame de Volanges se définit par l’amitié qui la lie à Madame de Tourvel : A la ligne 7 , elle la nomme “mon amie” et évoque leur passé commun ” vous me connaissez” ajoute . A la fin de sa lettre , elle évoque à nouveau la force de leur relation avec ” ma belle amie” : l’adjectif laudatif belle indique ici une marque d’affection et d’estime. Madame Volanges justifie sa démarche et tente de persuader la présidente de lui faire confiance ; Elle prétend agir au nom de “l’âge, l’expérience et surtout l’amitié ” ; Elle posséderait selon elle une forme de sagesse liée à sa connaissances du monde ; cette sagesse et cette lucidité feraient en partie défaut à Madame de Tourvel, plus jeune et moins expérimentée car elle ne vit ni à la Cour ni à Paris.
Madame de Volanges, en effet, l’incite à se méfier du vicomte qui tente de ternir la réputation de la jeune femme : elle lui répète les rumeurs qui circulent “dans le monde ” et cherche à lui faire peur afin qu’elle l’éloigne le plus vite possible ; c’est la conclusion de sa lettre ” je vous conseille d’engager sa tante à ne pas le retenir davantage ” . Le verbe conseille ici montre qu’elle s’efforce de modifier le point de vue de Madame de Tourvel au moyen d’arguments rationnels. Elle se place en position d’autorité un peu comme une mère face à sa fille. Madame de Volanges met en évidence la candeur de son amie à plusieurs reprises. Elle semble agir pour la protéger de ce qu’elle considère comme “le malheur le plus grand qui puisse arriver à une femme” Le superlatif ici traduit , au moyen d’une formule allusive, le fait pour une femme de céder aux avances d’un homme qui ira ensuite se vanter de l’avoir séduite
Certaines femmes, qui sortent directement du couvent à l’âge de 15 ans, pour se marier , comme nous l’avons vu avec l’arrivée à la Cour de Mademoiselle de Chartres dans La Princesse de Clèves, ne possèdent qu’une vision très naïve du jeu de la séduction et peuvent facilement être trompées par des libertins ; Ce sont des victimes et Madame de Volanges le rappelle à la ligne 14 à propos du vicomte : “pour être cruel et méchant sans danger, il a choisi les femmes pour victimes. ” A cette époque, la parole des femmes n’était pas considérée et elles n’osaient pas se plaindre de subir des agressions sexuelles car elles craignaient de perdre leur réputation . Madame de Tourvel mène, avec son époux “une vie sage et retirée ” , loin des cercles parisiens. Cet isolement la protège mais la maintient dans l’ignorance ce qui la met en danger car elle n’a jamais entendu parler de Valmont. Elle n’est donc pas au courant des rumeurs qui font état du libertinage de Valmont ; Madame de Volanges lui set d’informatrice et évoque ainsi de “scandaleuses aventures “ ligne 16, afin d’effrayer son amie . L’adjectif scandaleux a une connotation critique et révèle la désapprobation de l’auteure de la lettre. La prétérition ” je pourrais vous en raconter qui vous feraient frémir” ajoute , pour le lecteur , une note de mystère et nimbe le personnage du Vicomte d’une aura maléfique. Par contraste, la présidente apparaît comme une sorte d’ange : ” vos regards , purs comme votre âme” : La comparaison ici montre qu’elle est incapable d’envisager le mal et qu’elle est très vertueuse; il s’agit ici d’un éloge de la pureté de cette jeune femme, qui pour le lecteur, a déjà le statut de victime car il sait qu’elle fait partie d’un plan ourdi par le couple de libertins. Circonstance aggravante pour Valmont : toutes les femmes sont unanimes pour condamner sa conduite ainsi que le suggère la double négation “ il n’en est point qui n’ait eu à s’en plaindre .” Ce procédé de style est caractéristique de la préciosité : il donne un caractère artificiel à l’affirmation et s’apparente à une forme de litote. Laclos et Madame de La Fayette pour dépeindre la subtilité de l’analyse psychologiques ; adoptent, à un siècle d’écart, des tournures littéraires similaires.
Le romancier montre, à travers cette lettre, à quel point un libertin représente un danger pour la société : c’est un individu décrit comme une véritable menace et un réel hypocrite ; Il paraît “ encore plus faux et dangereux qu’il n’est aimable et séduisant ” les deux couples d’ adjectifs associent ici des qualités en apparence mais qui sont au service de la tromperie ainsi que le montre le comparatif de supériorité. Le Vicomte n’agit pas simplement par passion : “sa conduite est le résultat de ses principes” peut on lire ligne 12. Il suit ce qu’il a prémédité, ne laisse rien au hasard et se montre calculateur . C’est pourquoi il est impardonnable et Madame de Volanges ne lui trouve aucune circonstance atténuante ; elle le dépeint comme un être froid et qui s’adonne volontairement au mal : il ne s’agit pas d’obéir à des “passions fougueuses” mais d’une démarche calculée et maîtrisée. Le libertin est ainsi montré comme quelqu’un qui sait dominer la passion amoureuse et qui ne suit que son orgueil et son désir de puissance.
Madame de Volanges peint évidemment un tableau sombre et résister à un homme si fourbe et si habile relève du tour de force ; Il s’agit d’un véritable combat : elle évoque ainsi des “armes pour vous défendre” . Le champ lexical de la lutte illustre également le danger qu’il incarne : l’exemple de Madame de Merteuil est donné afin de montrer qu’elle seule, en apparence , “a su lui résister et enchaîner sa méchanceté ” ; Il s’agit d’une forme d’ironie ici de la part du romancier car le lecteur connait la véritable nature de la Marquise: il sont complices et elle n’a pas encore été démasquée par Madame de Volanges qui s’est fait prendre au piège de l’hypocrisie de Madame de Merteuil. La particularité d’un roman épistolaire réside essentiellement dans la position du lecteur qui assiste à une série d’échanges pour lesquels il possède une vue d’ensemble alors que chaque personnage du roman ignore le contenu des lettres des autres épistoliers. Non seulement le vicomte prend pour cible des femmes mais il ne se contente pas de les séduire, il les perd. ” je ne m’arrête pas à compter celles qu’il a séduites “, écrit Madame de Volanges : cette nouvelle prétérition qui a ici une valeur hyperbolique est complétée par une question réthorique ” mais combien n’en a-t-il pas perdues ? ” La tournure interro-négative met en évidence le caractère dépravé du personnage .
Le portrait de Valmont révèle sa noirceur ; celle de l‘âme d’un libertin; Laclos s’emploie à décrire les ruses et les artifices employés par ce type d’individus ; On retrouve ainsi la dimension morale du roman: mettre en garde les femmes contre les ruses employées par ces prédateurs afin d’abuser de faibles femmes candides. Le début de la lettre fait mention de la “candeur” dont Valmont aurait fait preuve devant Madame de Tourvel et son amie emploie l’ironie pour la persuader qu’elle se trompe ” oh oui la candeur de Valmont doit être en effet très rare ” : il s’agit d’un euphémisme qui signifie qu’il est le contraire de candide et qu’il dissimule sa perfidie sous une fausse candeur . “Jamais depuis sa plus grande jeunesse, il n’a fait un pas ou dit une parole sans avoir un projet , et jamais il n’eut un projet qui ne fût malhonnête ou criminel , écrit Madame de Volanges ” . Cette longue phrase est construite sur une amplification rythmée par l’anaphore de l’adverbe jamais ; La critique forme une gradation ; C’est tout d’abord le côté calculateur du Vicomte qui est montré avant d’évoquer , dans la seconde proposition construite à partir d’une double négation qui marque l’assertion , son côté immoral : c’est une manière hyperbolique de le critiquer et de condamner son immoralité. La diatribe se termine avec l’adjectif criminel qui dépasse ainsi la simple malhonnêteté. De plus, nous trouvons un champ lexical de l’ignominie avec “horreurs ” à la ligne 13 et méchanceté à la ligne 22
Le but de cette lettre est donc double : pour Madame de Volanges, il est important de prévenir son amie et de la mettre en garde contre le danger que représente Valmont, un libertin qui dissimule sa noirceur sous le masque d’un gentilhomme et pour le lecteur , il s’agit de révéler l’animosité et la naïveté de Madame de Volanges qui , sans le savoir, est tombée elle ausi dans le piège qu’elle dénonce. Elle est, en efeft, dès le départ de l’intrigue, avec sa fille Cécile, une des principales victimes de ce redoutable couple de libertins; Si elle a su identifier les ruses de Valmont, elle s’est montrée incapable de déceler sous le masque de la bonne amie, les véritables intentions de Madame de Merteuil et se trompe complètement sur cette dernière. Comme Madame de La Fayette, Laclos dépeint les pièges de l’amour et les dangers de la dissimulation : la galanterie a fait place au libertinage et si Madame de Clèves a réussi, grâce à son incomparable vertu, à fuir la menace qui pesait sur sa réputation, Madame de Tourvel, en succombant au Vicomte, le paiera de son honneur et de sa vie .