Quels mots rêvez-vous d’entendre ? Comment séduire en utilisant une rhétorique amoureuse ? Un premier corpus de textes nous montrera comment évolue la rhétorique amoureuse au fil des siècles ? Séduit-on encore aujourd’hui, en utilisant les mêmes mots qu’autrefois ? Le discours amoureux obéit-il à une logique différente ? Comment rendre une déclaration d’amour persuasive ? Existe-il des genres spécifiques pour transporter la parole amoureuse ? Autant de questions auxquelles nous tenterons de répondre en examinant les textes et leur fonctionnement ? Faut-il connaître le sentiment amoureux pour pouvoir l’exprimer ? Peut- on toucher les coeurs grâce à certaines techniques ? Examinons d’abord quelques exemples …en commençant par la chanson ..
La poésie est souvent considérée comme l’instrument privilégié pour transporter la parole amoureuse : voyons -vous pour quelles raisons ? Le cours d’histoire de la poésie vous montrera quelles formes littéraires ont été privilégiés pour servir de cadre à la parole amoureuse , codifiée ou plus spontanée ? Certaines images littéraires, sans doute innovantes , au départ, sont devenue de plus en plus stéréotypées . Comment déclarait-on sa flamme autrefois ? Comment renouveler le langage amoureux en l’associant à une forme de modernité ? Hommes et femmes emploient-ils les mêmes mots pour dire qu’ils aiment ?
Commençons par un petit tour d’horizon de ce que nous offre la chanson française .
Quand il me prend dans ses bras, qu’il me parle tout bas, je vois la vie en rose; Il me dit des mots d’amour, des mots de tous les jours et ça me fait quelque chose; Il est entré dans mon coeur une part de bonheur dont je connais la cause;
Que je t’aime que je t’aime que je t’aime que je t’aime que je t’aime que je t’aime … quand tes cheveux s’étalent comme un soleil d’été et que ton oreiller ressemble aux champs de blé ..quand quand ton corps sur mon corps est lourd comme un cheval mort quand on fait l’amour comme d’autres font la guerre quand c’est moi le soldat qui meurt et qui la perd
Il me dit que je suis belle et qu’il n’attendait que moi, il me dit que je suis celle, juste faite pour ses bras, ll parle comme on caresse De mots qui n’existent pas De toujours et de tendresse Et je n’entends que sa voix Des mensonges et des bêtises Qu’un enfant ne croirait pas Mais les nuits sont mes églises Et dans mes rêves j’y crois
Moi je n’étais rien et voilà qu’aujourd’hui, je suis le gardien du sommeil de ses nuits : je l’aime à mourir. Vous pourrez écrire toute qui vous plaira elle n’a qu’à ouvrir l’espace de ses bras pour tout reconstruite je l’aime à mourir …
Ne me quitte pas il faut oublier tout peut s’oublier qui s’enfuit déjà oublier le temps des malentendus et le temps perdu à savoir comment oublier ces heures qui tuaient parfois à coups de pourquoi le coeur du bonheur ne me quitte pas ne me quitte pas . Moi je t’offrirai des perles de pluie venues de pays où il ne pleut pas , je creuserai la terre jusqu’à après ma mort pour couvrir ton corps d’or et de lumière, je ferai un domaine où l’amour sera roi, où l’amour sera loi, où tu seras reine . On a vu souvent rejaillir le feu d’un ancien volcan qu’on croyait trop vieux; Il est parait -il des terres brûlées donnant plus d’un blé qu’un meilleur avril ; Et quand vient le soir pour qu’un ciel flamboie elle rouge et le noir ne s’épousent-ils pas …
Comment ne pas perdre la tête Serrée par des bras audacieux?Car l’on croit toujours aux doux mots d’amour Quand ils sont dits avec les yeux Elle qui l’aimait tant
Elle le trouvait le plus beau de Saint Jean Elle restait grisée Sans volonté sous ses baisers Sans plus réfléchir, elle lui donnait Le meilleur de son être Beau parleur chaque fois qu’il mentait Elle le savait, mais elle l’aimait
Tu viendras longtemps marcher dans mes rêves Tu viendras toujours du côté où le soleil se lève Et si malgré ça j’arrive à t’oublier J’aimerais quand même te dire Tout ce que j’ai pu écrire Aura longtemps le parfum des regrets…
Je lui dirai les mots bleus les mots qu’on dit avec les yeux les mots qui rendent les gens heureux
On ira ,où tu voudras quand tu voudras et l’on s’aimera encore lorsque l’amour sera mort . Toute la vie sera pareille à ce matin aux couleur de l’été indien
Et si tu n’existais pas dis moi pourquoi j’existerais
Je suis l’as de trèfle qui pique ton coeur Caroline …
Mais d’aventures en aventures de train en train de ports en ports jamais encore je te le jure, je n’ai pu oublier ton corps ..Mais d’aventures en aventures De trains en trains, de ports en ports Je n’ai pu fermer ma blessure Je t’aim’ encore
A faire pâlir tous les marquis de Sade, à faire rougir les putains de la rade, à faire dresser tes seins et tous les saints , à faire prier et supplier nos mains, je vais t’aimer Je vais t’aimer comme on ne t’a jamais aimée, je vais t’aimer comme personne n’a osé l’imaginer , je vais t’aimer comment j’aurais tellement voulu être aimé…
Ce petit tour d’horizon de la chanson dite de “variétés française” de la seconde moitié du vingtième siècle nous permet de voir apparaître quelques traits généraux de la rhétorique amoureuse dans les paroles de chansons : lesquels?
A partir d’une chronique judiciaire et d’une plaidoirie , notre projet va consister à gérer un procès et à le mettre en scène; Chaque équipe sera responsable du déroulement du procès et désignera les personnages principaux parmi la liste des personnages suivants : l’accusée, sa famille (parents, soeur , enfants) , ses amis qui pourront venir témoigner ; la victime et plaignante (partie civile) pourra être représentée également par sa famille , des amis; On pourra faire appel à des policiers (ceux qui ont recueilli les mains courantes de l’accusée notamment ) et à des voisins. Dans chaque équipe, un élève régisseur sera responsable du déroulement des auditions des témoins : il devra choisir un ordre de passage ainsi que les question des avocats et ose réponse des témoins; En effet chaque témoin sera interrogé tour à tour par les deux avocats (on pourra imaginer 4 avocats : 2 pour la défense de l’accusée et deux pour l’accusation; le rôle du juge sera de coordonner les différentes interventions des personnages dont il aura la liste (minutage du procès ). Une place pourra être laissée à l’improvisation ….
Chaque régisseur distribue les rôles et veille au bon déroulement des sessions d’écriture : il pourra jouer le rôle du juge . 6 élèves de l’équipe adverse seront appelés pour désigner les jurés et ils devront prononcer le verdict.
Chaque équipe travaillera sous la forme de groupes d’écriture associés à un duo ou un trio de personnages ; chaque groupe rendra une partie écrite de son travail avec les différentes interventions des personnages ; une note de production écrite sera attribuée à ce travail ainsi qu’une note de réalisation orale: représentation du procès devant la classe …prochainement
Pour vous aider , voici une liste de termes judiciaires que vous pouvez utiliser
Ajournement : Report d’une instance ou de la session d’un tribunal à une date ultérieure, soit à date fixe, soit sans fixation de date; on parle alors d’un « ajournement sine die ». La locution latine « sine die » signifie « sans jour fixé ». Voir la définition de « renvoi ».
Libération inconditionnelle : Lorsqu’une personne est déclarée coupable, le juge, plutôt que de la condamner, lui accorde une libération inconditionnelle.
Accusé : Personne accusée d’un acte criminel.
Loi : Texte législatif édicté ou adopté par un pouvoir législatif ou par le Parlement.
Action : Instance civile souvent désignée sous le nom de « poursuite » et introduite par une déclaration.
Affidavit : Exposé des faits écrit appuyé du serment ou de l’affirmation solennelle du déclarant (le « déposant »). Contrairement au témoignage présenté devant le tribunal, l’affidavit sera déposé à titre de preuve et le juge en tiendra compte au moment de trancher sur une affaire précise.
Appelant : Personne qui interjette appel d’une décision rendue par un tribunal ou un autre organisme décisionnaire.
Requérant : Personne qui présente une requête au tribunal en vue d’obtenir le recours ou le redressement prévu dans une requête.
Requête : Demande présentée au tribunal pour qu’il prononce une ordonnance sur le recours ou le redressement demandé. (Application)
Plaidoyer : Exposé ou présentation des parties visant à persuader le tribunal de rendre une décision en leur faveur. Le plaidoyer ne constitue pas une preuve en soi et peut se faire par écrit au moyen d’un mémoire présenté au tribunal. L’expression « conclusions finales » est utilisée pour décrire les observations finales ou les plaidoiries présentées au jury par la Couronne, ainsi que par la défense dans le cadre d’un procès criminel devant jury. (Argument)
Interpellation : Dans le cadre d’une cause criminelle, instance dans laquelle l’accusé est déféré au tribunal pour inscrire un plaidoyer en rapport avec l’acte criminel dont il est accusé. L’accusé reçoit lecture de l’accusation et il doit plaider coupable ou non coupable.
Cour d’assises : Autre expression utilisée pour désigner un jury. Désigne également la session d’un tribunal en régions éloignées des principaux tribunaux.
Mise en liberté sous caution : Dans le Code criminel, il s’agit de la « mise en liberté provisoire par voie judiciaire ». Mise en liberté d’un accusé pendant son procès ou à la fin de celui-ci. Une personne déclarée coupable peut également se voir accorder une mise en liberté en attendant la fin de l’appel qu’elle a interjeté en ce qui concerne sa déclaration de culpabilité. La mise en liberté ou la mise en liberté sous caution comprend des conditions que l’accusé doit respecter, sous peine de voir sa mise en liberté sous caution révoquée par le tribunal.
Barre : Barrière située dans la salle d’audience qui sépare les membres du tribunal du public.
Barreau : Il s’agit d’une expression utilisée pour décrire les membres de la profession juridique ou les avocats en tant que groupe (« membres du Barreau »). L’expression « admis au barreau » s’entend d’une instance judiciaire dans laquelle un étudiant en droit est autorisé à porter le titre d’avocat par le tribunal et donc à franchir la barrière située dans la salle d’audience. (Bar)
Condamnation avec sursis : Lorsque la peine d’emprisonnement prononcée est de deux ans maximum, le juge peut ordonner que la peine soit purgée dans la collectivité, sous réserve de certaines conditions.
Condamnation : Dans une cause criminelle, décision prononcée par le tribunal selon laquelle l’accusé est coupable de l’infraction. La « date de condamnation » est celle à laquelle l’accusé est déclaré coupable de l’infraction par le tribunal et où la détermination de la peine est effectuée. Toutefois, la détermination de la peine peut être reportée à une date ultérieure.
Défendeur : Dans le cadre d’une affaire au civil, désigne la personne qui est poursuivie, et dans le cadre d’une cause criminelle, expression utilisée pour remplacer le terme « accusé ».
Pièce : Preuve matérielle présentée ou déposée devant le tribunal, par exemple, un document, une arme, un vêtement.
Mise en accusation : Inculpation formelle pour une infraction criminelle commise par un ou plusieurs accusés. Cette infraction est exposée dans un document déposée devant le tribunal par le procureur de la Couronne.
Injonction : Une ordonnance du tribunal exigeant qu’une personne ne commette pas, ou cesse de commettre, un acte qu’elle n’a pas le droit de commettre selon le tribunal; ou dans le cas d’une ordonnance de faire, une ordonnance exigeant qu’une personne fasse ce qu’elle est légalement obligée de faire selon le tribunal.
Ordonnance provisoire : Décision rendue par le tribunal, mais qui ne constitue pas l’issue définitive de l’affaire. Il est fréquent, dans les affaires de droit de la famille, que le tribunal rende une ordonnance provisoire pour ce qui est des questions qui pourront être tranchées en fin de compte à une date ultérieure, savoir au moment du procès.
Jugement ou arrêt : Décision du tribunal judiciaire en dernier ressort. Les termes « jugement » et « décision » sont souvent utilisés l’un pour l’autre. Un jugement peut être écrit ou prononcé oralement à l’audition. Le jugement peut également être mis en délibéré par le tribunal à la fin de l’instance et être prononcé à une date ultérieure, et ce, généralement sous forme écrite. Exposé détaillé : Renseignements détaillés des faits allégués afférents à l’infraction criminelle dont l’accusé est inculpé.
Partie : Plaignant, défendeur, requérant ou intimé dans le cadre d’une instance civile. En matière criminelle, personne ayant réellement commis une infraction ou qui est responsable, à titre de partie, d’une infraction du fait d’avoir aidé, encouragé ou conseillé quiconque en vue de commettre une infraction ou d’avoir comploté en ce sens.
Plaignant : Personne qui engage une action ou une poursuite.
Actes de procédure : Documents déposés devant le tribunal par les parties à une instance et qui font état des questions en litige ou des affaires sur lesquelles devra statuer le tribunal. Documents fondamentaux qui constituent le dossier d’extraction du tribunal.
Enquête préliminaire : Audience devant un juge de la Cour provinciale visant à déterminer s’il existe suffisamment d’éléments de preuve contre l’accusé pour justifier un procès. Une enquête préliminaire n’a lieu que si l’accusé est inculpé d’un acte criminel et choisit de subir un procès devant un juge ou devant un juge et un jury d’un tribunal supérieur de première instance.
Conférence préparatoire : Rencontre entre les parties, leurs avocats et le juge pour régler les questions de procédure et définir ou restreindre les questions qui feront l’objet du procès. Il est également possible de régler les questions qui feront l’objet du procès.
Registraire : Fonctionnaire du greffe ou du « registre », qui reçoit les documents à déposer au tribunal et qui a le pouvoir d’attester ou de confirmer les décisions au nom du tribunal.
Renvoi : Report d’une instance criminelle à une autre date; contrairement aux instances civiles, où un ajournement peut renvoyer à une date indéfinie, un renvoi exige que le tribunal fixe la date à venir, à laquelle l’affaire sera de nouveau présentée au tribunal. Voir la définition d’ajournement.
Défense : Plaidoyer pour réagir ou se défendre à l’égard de la déclaration dans une instance civile où le défendeur fait valoir les faits qui fondent la défense à l’encontre de l’allégation faite dans le cadre de l’action en justice.
Plaidoirie : Semblable au plaidoyer; discours ou présentation des parties à l’intention du tribunal à la fin d’une instance, après que la preuve a été présentée et avant que le tribunal ne rende sa décision; occasion donnée aux parties de résumer les questions en litige, la preuve et le droit et de tenter de persuader le tribunal de rendre une décision en leur faveur.
Assignation de témoin : Ordre de comparaître à une date et à un lieu précis pour témoigner sur une affaire précise; certaines assignations peuvent exiger que la personne produise un document ou d’autres objets en sa possession.
Assignation : Document qui enjoint à une personne de se présenter au tribunal à une date et une heure pour répondre à une plainte déposée au tribunal; une procédure dans une instance criminelle en vue d’imposer à une personne intimée de se présenter au tribunal pour répondre à une accusation criminelle.
Caution : Dans une instance criminelle, personne qui, pouvant être tenue de déposer un montant d’argent ou un cautionnement, garantit qu’une personne intimée qui a été libéré sous caution comparaîtra à son procès ou à sa prochaine comparution prévue.
Condamnation avec sursis : Lorsqu’une personne est déclarée coupable, le tribunal suspend la peine et remet le délinquant en liberté sous les conditions énoncées dans une ordonnance de probation. À l’échéance de l’ordonnance de probation, si la personne n’a pas été accusée d’autres infractions et a respecté toutes les conditions de l’ordonnance de probation, le tribunal n’imposera pas de peine à la personne.
09. septembre 2019 · Commentaires fermés sur La littérature face à la société : des écrivains face à la justice · Catégories: Seconde
Être écrivain n’est pas toujours un métier de tout repos. A toutes les époques, de nombreux auteurs ont eu des ennuis avec le roi ou le pouvoir politique en place: leurs livres ont été interdits, parfois censurés et certains ont même été emprisonnés ou ont du s’exiler durant un temps. Au siècle des Lumières, Voltaire et Diderot ont effectué des séjours au cachot et au donjon de Vincennes. Au siècle suivant, Victor Hugo a du quitter la France lorsque Napoléon III a pris le pouvoir car il l’ a violemment critiqué dans ses poèmes . La même année , en 1857, Baudelaire et Flaubert ont du s’expliquer devant la justice et Zola s’est fait beaucoup d’ennemis en prenant la défense du capitaine Dreyfus lors de son procès. Voyons ces affaires en détails …
Confrontés au pouvoir politique, les écrivains se réfugient souvent derrière la fiction et contestent les éventuelles ressemblances avec des personnages réels qui se sentent visés. Ainsi, les procès intentés aux écrivains pour outrage aux bonnes moeurs se soldent généralement par un non -lieu car l’ auteur , pour sa défense, utilise les arguments suivants : Il se désolidarise de son héros et explique qu’il prétend ainsi enseigner au public comment ne pas se comporter. Ainsi, Flaubert explique qu’il a choisi de faire mourir son héroïne , Emma Bovary, afin de montrer qu’elle est punie de ses péchés de la plus cruelle manière. Abandonnée par ses amants, elle sombre peu à peu dans la folie et son destin tragique devrait dissuader toutes les lectrices de devenir des femmes adultères. A l’époque de Louis XIV, Molière avait été, lui aussi, condamné pour avoir écrit Don Juan, une comédie dans laquelle le héros est un libertin, et un méchant homme. Sa pièce fut censurée et ensuite interdite de représentations à Versailles ; Molière s’était défendu en affirmant qu’il condamnait son personnage à mourir foudroyé, de la pire des manières .
Il est donc difficile de prouver qu’un écrivain est responsable des crimes de ses personnages car fiction et réalité doivent être dissociés. Il peut parfois être préférable pour un écrivain d’utiliser la fiction et de ne pas choisir de modèles trop facilement identifiables . L’écrivain peut cependant se servir de sa plume comme d’une épée pour combattre ses ennemis et défendre ses idées;L’auteur russe Alexandre Soljenitsyne pense d’ailleurs que l’homme de lettres n’est pas un juge indifférent mais plutôt le complice de tout le mal commis dans un pays. Selon, lui,la littérature doit être capable d’aider l’humanité à se voir telle qu’elle est ; elle doit être porteuse d’une expérience et permettre aux citoyens de différents pays de faire coïncider leurs échelles de valeur. Les idées de Soljenitsyne sont partagées par les écrivains qui font partie du courant réaliste comme Hugo, Balzac, Flaubert et Zola.
24. août 2019 · Commentaires fermés sur Débat d’idées au dix-septième siècle · Catégories: Première
Le dix-septième siècle voit le plus souvent l’amour sous un jour dangereux ; Les trois oeuvres au programme de première cette année: La Princesse de Clèves roman de Madame de La Fayette, Phèdre, tragédie de Jean Racine et Les Fables de La Fontaine délivrent le même avertissement aux lecteurs : il faut savoir raison garder et se méfier de ce que nous dicte notre coeur sous l’emprise des sentiments car l’homme est une faible créature .On qualifie souvent le dix-septième siècle de siècle des moralistes classiques. Essayons d’en savoir plus sur cette époque et les idées dont s’inspirent les écrivains .
Examinons d’un peu plus près le contexte : au dix-septième siècle, période qualifiée de classique dans l’histoire littéraire, les échanges d’idées se multiplient et certaines oeuvres deviennent des témoignages des pensées de leurs auteurs. La morale classique possède une double origine : chrétienne et philosophique . Les vices sont condamnés par la religion mais encore faut-il s’entendre sur ce qu’on appelle un vice . L’amour , par exemple, va être un sujet de débat important. L’opposition qui remonte à l’Antiquité entre les épicuriens et les stoïciens est reprise, sous des angles variés.
En résumé, les partisans de l’épicurisme vont donner naissance au courant libertin qui sera farouchement combattu par les religieux car il va à l’encontre des vérités enseignées par l’Eglise. Les libertins ne sont pas tous athées mais ils entrent en opposition avec les dogmes de la religion . Concentrés dans les cercles mondains, ils comptent dans leurs rangs des auteurs comme La Fontaine, Boileau et Molière. Les libertins accordent une place importante au libre-arbitre des hommes (capacité de se former un jugement soi-même ) , à la liberté des idées et à un certain goût pour les plaisirs de l’esprit et de la chair . En face d’eux, certains intellectuels comme Pascal ou Bossuet se méfient davantage des hommes et s’en remettent à Dieu et aux principes hérités de la religion chrétienne: ils condamnent la folie des passions, défendent un idéal de vie plutôt austère comme leurs modèles antiques les stoïciens ; Ils prennent appui, à la fois sur les idées philosophiques des stoïciens de l’Antiquité et du courant religieux janséniste qui se développe à la Cour et que Racine soutiendra longtemps. Cependant, à la différence des grecs qui ne pensaient pas l’homme corrompu par le péché originel et donc condamné à se racheter, les jansénistes pensent que le bonheur ne peut être atteint que grâce à Dieu et que l’homme n’est jamais libre de ses choix.
Cependant, des divergences sont également perceptibles à l’intérieur même des groupes qui partagent des idées proches. Les religieux , divisés entre jésuites et jansénistes, ne sont pas d’accord sur la notion de salut et les écrivains vont s’inspirer de certaines conceptions du jansénisme , notamment dans l’analyse des passions qui , à leurs yeux, révèlent la faiblesse de la volonté humaine . Madame de La Fayette développe ce thème dans son roman et elle montre également les illusions du libre-arbitre. D’autres divergences apparaissent sur le plan esthétique avec les choix des formes littéraires et des sujets. La Fontaine adapte une forme héritée de l’Antiquité: la fable et Racine s’inspire fortement des tragédies grecques alors que Madame de La Fayette choisi le roman pour sa modernité et place son intrigue à une époque proche de la sienne . L’Histoire littéraire va nommer ces oppositions : la querelle des Anciens (partisans d’une imitation de l’Antiquité ) et des Modernes .
Pour conclure : les oeuvres littéraires témoignent de la diversité des idées de cette époque. Les auteurs tels que La Fontaine, Madame de Lafayette et Racine ont eu de nombreuses sources d’inspiration communes . Approfondissez ce cours en complétant la fiche : étudier un mouvement littéraire .
En quoi consiste, au juste, l’étude d’une oeuvre intégrale ? Les élèves confondent souvent l’étude des extraits d’une oeuvre avec l’étude d’une oeuvre complète ( ou intégrale ) . Ce dernier mode de lecture est moins précis mais plus exigeant car il n’est pas question de prétendre expliquer en détails chaque page du livre mais de pouvoir parler facilement de l’auteur, des thèmes abordés dans l’ouvrage , des personnages principaux et secondaires, de l’intrigue, du cadre, et du sens du roman ou de la pièce (ou s’il s’agit d’un recueil de poèmes, d’être capable d’évoquer de nombreux poèmes ainsi que de connaître la construction du recueil (titre des livres ou des parties ); Bref vous l’aurez compris : il s’agit avant tout de rendre compte de sa lecture en entier . On vous demandera le plus souvent de résumer l’intrigue, d’évoquer le dénouement ou l’évolution d’un personnage ou de montrer en quoi s’agit d’une ouvert morale/amorale /originale/ tragique/ pathétique/comique / d’avant-garde ou au contraire classique …voyons ensemble ce qu’il est possible d’évoquer à propos de la lecture intégrale de la pièce de Beckett : En attendant Godot
Le sens de la pièce
Deux clochards apparaissent sur scène dans un décor quasi vide et attendent quelqu’un dont l’existence même est problématique . Leurs paroles révèlent qu’ils n s’entendent pas et leur silence cache ce qui n’est pas dit. Beckett repose dans sa pièce la question du sujet humain et de son animalisation qui a pu conduire à une monstrueuse tentative d’extermination d’une partie de l’espèce humaine . Comment l’écriture théâtrale peut -elle donner à voir l’homme amaigri, affaibli , assujetti et victime de ses semblables ? Beckett pose également, à travers les répétitions des gestes de ses personnages et le recommencement des séquences de la pièce , le problème de l’homme confronté à la sensation de l’absurde. Ce mal de vivre prend , dans l’œuvre, l’image d’un fardeau que portent les personnages et dont ils voudraient se débarrasser par lassitude. Les hommes sur scène montrent la fragilité de notre condition humaine soumise au temps avec leurs corps souffrants et leur santé qui se dégrade visiblement. (Faiblesse physique, démarche cahotique, Lucky croule sous le poids de ses bagages, malnutrition, Pozzo devient aveugle ) . Le théâtre s’efforce alors de montrer la solitude, le désœuvrement , l’ennui et la souffrance de l’homme dans un monde vide de sens. L’absence de décor est un des moyens visuels de figurer ce vide existentiel. Cependant au delà de ce pessimisme profond, le dramaturge introduit dans le jeu théâtral , le rire de dérision . Il ne s’agit pas à proprement parler d’un comique qui aurait pour but de se moquer mais plutôt d’un rire qui dénonce cette absurdité et qui renvoie le spectateur à ses interrogations existentielles . Ce rire est le contrepoint de la dimension tragique de l’existence humaine.
Autour des thèmes principaux
Avant de devenir dramaturge, Beckett a rassemblé dans des romans et des récits, les principaux thèmes de sa pièce et notamment les réflexions autour du couple; ils ont peur de se perdre et de se retrouver seuls mais ensemble ils ne se supportent pas et se font en permanence des reproches . Le couple paraît menacé par un hors-scène où règne la violence et où ils risquent d’être agressés . Et leur attente qui est le motif central de la pièce, nous paraît vaine: seule la mort viendra mettre un terme à leurs gestes et à leurs échanges . Le premier acte s’ouvre sur les retrouvailles entre Vladimir et Estragon et l’arrivée d’un étrange couple Pozzo et Lucky qui figure une relation maître / esclave ; Ce dernier qui semble souffrir , fait d’abord pitié aux deux clochards mais ils finiront par le battre après son monologue délirant. Lucky et Pozzo sortent.Arrive alors un messager qui annonce que l’arrivée de Godot est reportée au lendemain. Vladimir et Estragon décident de partir mais ne bougent pas. Fin de l’acte I. Pourtant le rideau s’ouvre sur une scène vide ; On aperçoit des chaussures et le chapeau de Lucky ; arrive alors Vladimir qui se met à chanter , suivi par Estragon qui ne semble pas avoir très envie de lui parler. Arrivent ensuite Pozzo aveugle et Lucky muet : tous les 4 finissent par se laisser tomber sur le plateau . Ils se battent : tous les deux frappent Pozzo ; Estragon frappe également Lucky . Le couple quitte la scène et Estragon s’endort. Vladimir paraît angoissé par sa solitude ; Estragon se réveille, Le messager revient et annonce la prochaine arrivée de Godot et le rideau se ferme sur une situation et une conversation qui rappellent celle du début de l’acte I .
Que sait-on de Godot ?
Il effraie tout le monde et Vladimir lui a adressé une sorte de prière , une vague supplique ; Il a répondu qu’ il ne pouvait rien promettre . Il a une belle demeure ( on couchera peut être chez lui au chaud au sec et le ventre plein, sur la paille ) et au moins deux serviteurs : l’un qu’il traite bien et l’autre qu’il bat . Il possède des chèvres et des chevaux et une barbe blanche.
Les personnages de Vladimir et Estragon en scène
A retenir : corps souffrants, clowns , vêtus de haillons pour suggérer la misère , se plaignent beaucoup de leurs maux (mal aux pieds, aux jambes, mal partout ) ; ensemble depuis plus de 50 ans , veulent sans cesse se séparer et se rejoindre; Leur lien est à l’image d’un élastique .
Le couple Pozzo / Lucky : la corde est ce qui les relie. Leur entrée en scène est terrifiante et surprenante. Lucky est enchaîné, bave, semble infrahumain ; Il obéit aux ordres de Pozzo sans broncher mais est capable de violence car il décoche des coups de pied à Estragon qui s’approche. Le rire du spectateur est ici celui de la cruauté car il rit de la souffrance de la figure d’autrui dégradée.Pozzo lui représente la figure du tyran détestable, prétentieux, et il veut vendre son compagnon. Mais ils restent ensemble car ils ont besoin l’un de l’autre.
Les deux messagers : ils représentent les émissaires de Godot et imitent le rôle du messager dans le théâtre antique . Ils sont bergers et gardent les chèvres de Godot .
Un théâtre en crise ?
Action appauvrie, propos qui traduisent les difficultés de la communication, hors-scène terrifiant, espace vide du plateau : la notion même de spectacle et de spectaculaire pose problème dans le théâtre de Beckett. Que nous donne-t-il à voir et à entendre ? La frontière entre le pathétique et le tragique est souvent très mince dans les stichomythies échangées par les acteurs . Le corps de l’autre est montré souvent comme désagréable dans sa proximité mais la présence du compagnon semble nécessaire pour subsister . La question du suicide traitée de manière dérisoire (la corde trop courte ) ouvre et ferme le spectacle. Néanmoins, Beckett a développé des aspects clownesques dans le choix des duos comiques avec les accessoires (comique de geste ) , les incohérences dans les propos( comique de langage ), les brusques changements d’humeur (comique de caractère ) , et la frustration du spectateur qui lui aussi, attend quelques chose qui n’arrive jamais. Le registre grotesque ou burlesque est mis en place avec les propos scatologiques ( pipi, puer, braguette ouverte , les bruits ) et les jeux de scène (tomber, ôter sa chaussure , marcher en claudicant ). Le spectateur est surtout sensible aux conversations décousues et aux changements de sujets : la conversation s’enlise, entrecoupée de nombreux temps de silence, dérive et finit par déboucher sur un autre sujet . La dynamique des échanges est marquée par une absence ostensible d’écoute et parfois même de compréhension lorsque Lucky se met à débiter son monologue insensé.
Réception de la pièce et mises en scène
Dès la première représentation en janvier 1953 à Paris, la pièce trouve son public; Roger Blin met en scène la pièce en accentuant la souffrance corporelle des acteurs : Estragon est quasi immobile, Lucky pris de tremblements ; Blin s’ efforce d’équilibrer le comique et le tragique sans qu’une dimension l’emporte sur l’autre.
En 1991 au théâtre des Amandiers à Nanterre, Jouanneau introduit quelques innovations : l’arbre est remplacé par un transformateur électrique , Vladimir et Estragon n’ont pas du tout le même âge; Lucky représente un travailleur immigré et Pozzo un reporter indifférent à la violence du monde. D’autres mises en scène peuvent souligner les conflits et les tensions et la pièce pourrait faire l’objet d’une lecture politique ou désespérée de la condition humaine dans un décor de fin du monde : terrain vague, gravats, chantier en construction abandonné. La pièce montre, en effet, la fragilité de l’homme et le spectacle théâtral se fait le reflet de douloureuses questions philosophiques que Ionesco , Sartre et Camus mettront en scène à la même époque dans leurs pièces comme Le roi se meurt,Les Mouches ou Huis-Clos et Caligula. Sartre le nomme théâtre de situations ou théâtre existentiel et on a baptisé ce courant littéraire ; théâtre de l’Absurde parce qu’il reflète l’absurdité de certains aspects de notre condition humaine.
14. juin 2019 · Commentaires fermés sur Des écrits de Résistances aux poètes de la Résistance : quelques données historiques de l’Humanisme à la seconde guerre mondiale · Catégories: Première · Tags: argumentation, question de l homme
De nombreux artistes tentent, à travers leurs oeuvres, de dénoncer une forme d’oppression qu’ils trouvent injuste : dès l’Humanisme, on réfléchit avec la découverte de nouvelles civilisations comme les Indiens d’Amérique, à la manière de vivre avec des étrangers qui ne nous ressemblent pas forcément . La pseudo-supériorioté de l’Homme blanc et de l’Européen sur la Sauvage , va alimenter des siècles de colonisation. Pourtant Montaigne avait déjà mis en évidence l’ethnocentrisme coupable des Européens dans les Essais où il relate l’arrivée à la cour du Roi d’une délégation de Sauvages venus du Brésil. Jean de Léry racontera dans ses Mémoires les années passées au Brésil et fera l’éloge des peuplades indigènes dont il souligne l’habileté et la connaissance de la Nature. Les Lumières dénonceront , un peu plus tard, la colonisation et ses massacres perpétrés au nom du racisme .
Montesquieu , dans un article polémique , dénoncera l’absurdité des arguments employés par les français pour justifier la traite des noirs et le commerce des esclaves. Voltaire , dansCandide, fera rencontrer à son héros un jeune esclave martyrisé et montrera ainsi, la cruauté des esclavagistes. Diderot, dans son récit : Supplément au Voyage de Bougainville , révélera les massacres et la violence perpétrée par la colonisation française à Tahiti. Le siècle suivant poursuivra la dénonciation de l’oppression sous toutes ses formes ; Les écrits peuvent alors prendre une dimension politique comme les poèmes de Hugo dans les Châtiments qui dénoncent l’iniquité du régime de Napoléon III qui l’obligera à vivre en exil durant 15 ans . Zola se fera journaliste pour condamner la position du gouvernement dans l’affaire Dreyfus qu’il accuse de mensonge dans un article demeuré célèbre: J’accuse . Le vingtième siècle débute par une guerre sanglante qui est suivie d’un second conflit tout aussi marquant dans les esprits .Le déclenchement de seconde Guerre Mondiale et l’occupation du territoire français par l’armée allemande après l’armistice de 40, vont donner lieu à de nombreux écrits de résistance . Mais quand on évoque la Résistance à cette époque, de quoi parle-t-on au juste ?
Qui sont les résistants en 1940 ?
Les écrits des poètes de la Résistance s’inscrivent tous dans un contexte singulier, qu’ils soient datés de 1940 ou des années suivantes, à savoir celui des années de l’occupation allemande en France et du régime autoritaire de Vichy.
Dès le second semestre de 1940 de jeunes Français (isolés ou un peu plus organisés) manifestent leur refus de l’occupation et parfois rejoignent le général de Gaulle à Londres : peu à peu , face aux brimades de l’occupation et au durcissement du régime de Vichy .dse cercles de résistants s’organisent et se regroupent. La Résistance dans son ensemble a concerné une infime minorité de Français, et certains d’entre eux n’avaient même pas conscience qu’ils faisaient de la résistance ; le mot lui-même de « résistance » est popularisé seulement à partir de 1942.
Dans la mémoire collective, que les historiens ont pris pour objet d’histoire, la Résistance garde une place à part. Elle est devenue un mythe fondateurqui a permis aux Français de se donner des valeurs et d’élaborer un projet de société pour l’après-guerre. La Résistance, c’est avant tout des hommes et des femmes, très souvent désintéressés, héros anonymes pour beaucoup, animés par des convictions patriotiques et humanitaires.
À l’origine, les premiers gestes de refus sont symboliques et minimes. Les premiers résistants sont issus de tous les milieux sociaux et agissent dans toutes les régions. Pour beaucoup, il s’agit avant tout de « faire quelque chose » pour ne pas subir le joug nazi. Ils réagissent en leur âme et conscience, sans suivre aucun ordre de mobilisation générale insurrectionnel. Leur combat est fou, car ils interviennent contre l’opinion commune et en dépit de la présence des occupants. . Le point de départ des premières actions résistantes tient davantage du ressort du réflexe viscéral que de la réponse idéologique au nazisme. Écrasé par la peur et l’incertitude, dans une société décomposée, le résistant des premiers mois de l’occupation est très rare. Le sens du devoir semble l’emporter soit en distribuant des tracts, soit en coupant des lignes téléphoniques (l’ouvrier agricole Étienne Achavanne, sera le premier résistant français fusillé, le 20 juin 1940), ou encore en refusant d’amener le drapeau français aux Allemands (le maire de La Rochelle le 23 juin 1940). D’autres rejoignent de Gaulle qui a lancé son appel de Londres le 18 juin ;
Progressivement, des groupes d’hommes et de femmes, pour la plupart jeunes et sans vie sociale et familiale encore bien assise, s’organisent, par exemple au musée de l’Homme à Paris, ou dans plusieurs lycées parisiens ; le 11 novembre 1940, des étudiants manifestent aux Champs-Élysées et déposent une gerbe de fleurs au pied de l’Arc de Triomphe, prenant des risques incroyables. La répression sera très dure. À Londres, avec l’appui de Churchill, de Gaulle avance à pas lents. Mais rien n’est facile. Il faut non seulement trouver des leaders plus âgés, mais accepter également de tout abandonner, le plus souvent une vie professionnelle – quand elle ne sert plus de couverture pour cacher ses activités résistantes – et parfois une épouse et des enfants.
En 1941–1942, de part et d’autre de la ligne de démarcation, les résistants cherchent de l’argent et des armes, mais organisent aussi des mouvements et des réseaux. Les premiers (Franc-Tireur, Combat, Libération-Sud, Défense de la France, entre autres) ont des visées politiqueset se préparent à prendre en mains les destinées politiques de la France de l’après-guerre. Les seconds effectuent des missions militaires et de renseignement. Par ailleurs, la France libre est en lutte contre les Américains pour faire reconnaître sa légitimité, tandis que les chefs de la résistance intérieure s’affrontent pour le pouvoir. Avec l’invasion de l’URSS par les nazis, en juin 1941, des communistes organisés en triades commettent plusieurs attentats contre l’armée allemande, occasionnant des mesures de rétorsion cruelles : exécutions d’otages, arrestations de centaines de résistants par les polices françaises . Lesecond semestre 1941 marque bien le passage à la Résistance arméeen métropole.
À l’automne 1942, les résistants ont enfin conscience qu’ils œuvrent pour la Résistance. Grâce à Jean Moulin – arrêté à Caluire en juin 1943, puis tué sous les coups de Klaus Barbie à Lyon – qui sait réunir les différentes obédiences de la Résistance intérieure, de Gaulle devient le chef de la France résistante. Pour nombre de résistants, non seulement il faut chasser désormais les Allemands, détruire le régime de Vichy, mais il faut également réfléchir aux méthodes de restauration de la République après la Libération.
Ils se nommaient Paul Eluard, Louis Aragon, Philippe Soupault, Robert Desnos , René Char , Jean Casson , Robert Seghers , René Guy Cadou ; vous en saurez plus en suivant ce lien … bonne lecture
Après la seconde guerre mondiale, partout dans le monde, des artistes et des écrivains continuent à prendre la plume ou le stylo pour résister à ce qu’ils entendent dénoncer et notamment la colonisation et le racisme: poètes des Caraïbes et poètes africains s’unissent ainsi pour combattre l’hégémonie de l’homme blanc : ils fondent des concepts baptisés négritude (fierté d’être noir ) et créolité (identité métisse revendiquée ) ; Ils s'appellent Senghor, Aimé Césaire, Rene Guy Tyrolien , René Depestre et ils continuent le long combat de leurs ancêtres pour affirmer leurs droits et dénoncer les mentalités esclavagistes de certains Européens ou Américains. En Orient, les poètes palestiniens comme Samir El Qassim dénoncent l'occupation armée de leur pays et entendent, de cette manière, résister .
30. mai 2019 · Commentaires fermés sur L’entrée en scène de Pozzo et Lucky · Catégories: Première · Tags: Beckett
Avant d’aborder l’explication de cette entrée en scène spectaculaire, n’oubliez pas de présenter le théâtre de l’Absurde, la pièce de Beckett et précisez bien que Vladimir et Estragon, depuis qu’ils sont entrés en scène , passent leur temps à attendre l’arrivée d’un certain Godot . Leur espoir va être de courte durée car ils vont découvrir que Pozzo n’est pas celui dont on leur a promis l’arrivée . Pour surprendre le spectateur , Beckett a mis en scène, ici, de manière très exagérée, un lien de dépendance et de servitude entre deux individus; Pozzo fait figure de tyran et martyrise son esclave, un certain Lucky et ce nouveau couple va faire naître des échos avec celui formé par les deux vagabonds. Comment Beckett met-il en scène cette arrivée ?
L’importance des didascalies : dans le théâtre moderne, elles jouent un rôle très important : celui de préparer la mise en scène du texte
a) une arrivée préparée et dramatisée
La première didascalie mentionne « un cri terrible » : le public s’attend donc à une entrée en scène dramatique et , à première vue, les deux personnages sont spectaculaires dans le couple qu’ils forment. La présence d’une « corde passée autour du cou » et la présence d’un seul personnage sur scène, celui qui est enchaîné, est clairement indiquée par les longues didascalies « corde assez longue pour qu’il puisse arriver au milieu du plateau avant que Pozzo débouche de la coulisse. » (l 7 et 8 ) .Le dramaturge accorde donc beaucoup d’importance à cette arrivée en deux temps et le public peut ainsi s’interroger sur celui qui va tenir la corde : à quel tortionnaire va-t-il être confronté car le symbole de la corde qui relie les deux personnages fait immédiatement penser à une relation maître-esclave. Le fouet qui apparaît dans la main de Pozzo confirme cette première analyse ; Le valet apparaît chargé et comme croulant sous le poids de son fardeau : « une lourde valise,un siège pliant, un panier à provisions et un manteau » Ces accessoires spectaculaires et pourtant quotidiens évoquent un voyage effectué par les deux hommes : l’un étant clairement au service de l’autre. La suite de la scène et les paroles échangées vont confirmer certaines hypothèses . Le « plus vite » asséné par Pozzo à son serviteur , suivi du bruit de fouet ( l 14 ) et d’un jeu scénique avec la corde en tension (l16 ) est aussitôt suivi par la première agression de Pozzo qui donne lieu à une chute ( l 19 ). Les paroles de Pozzo vont clairement dans le sens d’une relation maître -esclave avec dans un premier temps les insultes verbales : Charogne (l 26 ) et les ordres donnés de manière péremptoire avec une cascade d’impératifs : « Arrière , tourne, Tiens ça » . Ces ordres sont entrecoupés par des formules de politesse échangées avec Estragon et Vladimir. Lucky semble méprisé , carrément animalisé par son maître qui l’accuse de « puer » (l 81 ) . Cette indication donne un sens nouveau aux injonctions « recule » « là » réitérées durant toute la scène ( l 36, 71, 73, 81 et 82 ) ; Beckett introduit ici une dimension comique au beau milieu d’une scène plutôt dramatique et qui enclenche la pitié du spectateur.
b) un couple qui attire l’attention
Après une entrée en scène remarquée , le couple attire également l’attention du public à cause de l’attitude dominatrice de Pozzo et surtout du silence de Lucky , totalement soumis aux ordres de celui qui le tient en laisse comme un animal . Tout en se faisant servir , Pozzo confie à son esclave son fouet que ce dernier est obligé de tenir entre ses dents ( l 53); Lucky lui sert à la fois de valet de chambre et de domestique avec le jeu sur le manteau qu’il lui porte et qu ‘ il l’aide à enfiler (l 49 et 55 ) ; Le même jeu de scène sera réitéré avec successivement le pliant ( l 64 ) et le panier ( l 76 et 79 ) On constate que le dramaturge utilise à la fois le comique de répétition car un même jeu de scène se reproduit et le comique de situation car un même ordre correspond à différents gestes : et Lucky se tient totalement aux ordres de son maître et le public le voit exécuter les mêmes gestes plusieurs fois ; Cette chorégraphie peut sembler étrange et en partie, absurde . Beckett a-t-il voulu, à sa manière, scéniquement, nous faire visualiser l’éternel recommencement ; Lucky serait une sorte de Sysyphe moderne qui recommencerait, en vain, sans cesse, les mêmes gestes, et son supplice ne finirait jamais . Est-ce une image de l’homme moderne esclave d’une société absurde ?
c) les réactions de Didi et Gogo : des spectateurs sur scène ou la mise en abime
Un autre point qui capte l’attention du public et rend encore plus spectaculaire l’entrée en scène du curieux couple , c’est la présence , en tant que spectateurs , du couple formé par Vladimir et Estragon. Cette mise en abime renvoie aux véritables spectateurs , et à leurs propres interrogations . Tout d’abord, Vlamidir et Estragon sont figés et se précipitent vers la source du bruit : ils sont alors confrontés à Lucky . La didascalie note leur réaction : ils sont partagés « entre l’envie d’aller à son secours et la peur de se mêler de ce qui ne les regarde pas » Cette indécision peut renvoyer à celle du public dont la curiosité ici est éveillée par le martyr de Lucky et qui aimerait peut être savoir ce qu’il a fait pour mériter ce sort . Beckett nous fait ainsi réfélchir à la nécessité pour beaucoup d’entre nous de comprendre pourquoi le mal est commis alors que parfois, l’existence du Mal ne repose pas sur une série de causes logiques. De plus,cette attitude de Vladimir et Estragon peut nous faire penser au malaise que nous éprouvons face à la souffrance infligée à autrui sous nos yeux. Vladimir et Estragon ne réagissent pas de la même manière : Vladimir fait un pas vers Lucky mais son compagnon le « retient par la manche « (l 22 ) et ils paraissent sur le point de se disputer : « Lâche -moi » s’écrie Vladimir et Estragon lui ordonne « reste tranquille » ( l 24 ) . Le couple se reforme ensuite pour se demander , en aparté (l 28 ) si Pozzo est bien celui qu’ils attendent, c’est à dire Godot ; Ils assistent, sans plus intervenir, à toute la scène jusqu’ au début du repas de Pozzo (rappelons qu’à l’entrée en scène des deux personnages, Estragon a lâché la carotte qu’il mangeait et que le panier plein de victuailles représente pour eux un intérêt non négligeable. (l 2 ). Ils finissent donc par s’approcher : « s’enhardissant peu à peu, tournent autour de Lucky, l’inspectent sur toutes les coutures » La peur semble dominer chez Vladimir et Estragon d’autant que Pozzo les a mis en garde : « Attention! Il est méchant ..avec les étrangers » (l 25 ) Ces paroles assimilent davantage Lucky à un chien, une bête féroce qu’il faut tenir en laisse et dont il faut se faire obéir.
Vladimir et Estragon s’interrogent à haute voix et se font ainsi le relais des questions que peut se poser le public. « qu’est-ce qu’il a » (l 92) ; Vladimir propose une réponse : il dort sous l’effet de la fatigue car la charge qu’il transporte est lourde et ils ne comprennent pas pourquoi il ne pose pas les bagages . Ensuite, ils remarquent les marques de la corde sur son cou qui matérialise sa souffrance et pourrait faire basculer la scène dans la dimension pathétique : « à vif » « c’est la corde » « à force de frotter » . Les deux dernières répliques de notre extrait sont à double sens et évoquent l’univers théâtral en même temps qu’elles désignent la situation de Lucky. « c’est le noeud » (l 108 ) désigne soit la manière dont la corde est attachée soit au théâtre le centre d’un problème, la mise en place de l’action dramatique . On appelle ainsi dénouement au théâtre le moment où l’action se dénoue et laisse entrevoir une fin possible La dernière réplique d’Estragon : « c’est fatal » fait référence à l’univers tragique et à la mort inévitable qui se profile . L’une des particularités , en fait du théâtre de Beckett, c’est que nous hésitons souvent entre le rire et les larmes ; certains aspects de cette scène sont touchants comme la souffrance de Lucky victime d’un maître sans coeur alors que d’autres font davantage penser à un numéro de clown avec notamment ce comique de gestes.
En conclusion , cette entrée en scène est très spectaculaire pour différentes raisons. Le spectateur ignore l’identité des nouveaux venus. La mise en scène montre un rapport de force et une étrange sujétion de Lucky dont la souffrance peut toucher le public. Pozzo paraît vraiment ne pas se rendre compte du mal qu’il fait subir et se montre étrangement aimable avec Vladimir et Estragon . Enfin,une attente commence afin de savoir si Pozzo peut être celui qu’attendent Vladimir et Estragon. Le public attend également de connaître l’explication de cet esclavage et les premières paroles de Lucky qui e lancera quelques minute plus tard dans un étrange discours dépourvu de sens. Quant à Pozzo, il sera bientôt physiquement diminué et lorsque le couple reparaîtra sur scène, il aura bien changé .
29. mai 2019 · Commentaires fermés sur L’entrée en scène des personnages dans En attendant Godot · Catégories: Première · Tags: Beckett
En quoi cette scène d’exposition est-elle originale ?
Pour un dramaturge, l’entrée en scène d’un personnage est toujours un moment important et la scène d’exposition joue plusieurs rôles : elle doit présenter les personnages et donner des informations sur leurs liens et leurs fonctions, présenter le cadre de l’action et lancer l’intrigue. Le théâtre classique convoque , le plus souvent, des retrouvailles ou imagine des scènes de rencontre qui permettent au public , à travers les propos échangés par les personnages , de comprendre les enjeux du spectacle. Issue du théâtre de l’absurde, la pièce En Attendant Godot, qui est la première pièce écrite en français par Samuel Beckett, nous délivre une vision grotesque de la condition humaine. Peut-on dire que cette exposition remplit les fonctions attendues ? Que nous apprend-t-elle sur les personnages, le cadre de l’action et les enjeux de la représentation ?
Un étrange duo
Au lever du rideau, le spectateur ne sait donc rien des 2 personnages – l’un est déjà en scène et – l’autre arrive peu de temps après. Les informations sont transmises au public par les personnages selon des procédés traditionnels: le Nom du personnage est par exemple prononcé lorsque Vladimir se parle à lui-même (l.6) et Estragon est surnommé Gogo. Leurs liens peuvent également sembler problématiques pour le public; même si l’ évocation d’un passé commun montre qu’ils reconnaissent depuis de longues années , les références demeurent obscures . On sait juste que leur état s’est dégradé car à la ligne 25 Vladimir avoue « on portaitbeau alors »
De plus, leur relation semble marquée par une séparation initiale : ils se retrouvent au début de la pièce après une disparition énigmatique d’Estragon ; A noter qu’Estragon est pourtant présent seul sur scène et c’est Vladimir qui le rejoint . Beckett semble ici inverser le sens des retrouvailles ; « le te revoilà toi » est suivi d’une réplique étonnante d’Estragon qui paraît douter de sa propre identité ou remettre en cause son identification : le « tu crois ? » est étonnant .
La contradiction entre les gestes effectués et les didascalies internes l’est tout autant; Le personnage se lève pour l’embrasser et lui tend finalement la main. De nombreuses autres contradictions émaillent ces retrouvailles . Vladimir se réjouit ostensiblement du retour de son ami et propose de « fêter cette réunion » ( l 8 ) mais sa joie se heurte à l’irritation d’Estragon et quelques secondes plus tard, Vladimir est passé de l’enthousiasme à la froideur : « froissé, froidement » ( 11) . Il se lance alors dans un interrogatoire afin de savoir où ce dernier a passé la nuit. Cette technique pour but de donner, à travers l’échange dialogué ,les informations dont le public a besoin pour comprendre ce qu’il voit . Mais Beckett brouille certaines pistes et fournit aux spectateur des informations contradictoires ou changeantes . Ainsi Estragon fait allusion à un incident durant la nuit précédente: il a été battu mai pas trop et ne sait pas par qui ni où.
Le duo comique formé par Vladimir et Estragon s’inspire des numéros du cinéma muet américain notamment des figures de Charlie Chaplin ou Laurel et Hardy et on va les voir, durant la pièce, effectuer des gestes de clown en jouant notamment avec leurs chaussures et leurs chapeaux.
Pourtant dès l’entrée en scène des personnages, l’accent est mis sur la souffrance avec des références à leur douleur et à leur désir de mourir . Ainsi si l’expression « main dans la main » ( l 25 ) fait état de leur complicité; cette dernière est évoquée à propos d’une tentative de suicide dans un passé lointain « on se serait jeté en bas de la tour Eiffel, parmi les premiers”
L’entrée en scène des personnages présente également des indices sur leurs conditions de vie : elles sont précaires. Ils se trouvent dehors, le «soir », sur une « route de campagne », et paraissent donc sans domicile puisqu’ Estragon a passé la nuit dans un « fossé» Leur aspect physique est peu engageant : Vladimir marche « à petits pas raides, les jambesécartées. » ce qui peut faire penser à un vieillard ; de plus , Estragon fait remarquer à Vladimir qu’il n’est pas correctement boutonné et ce dernier lui répond « c’est vrai. Pas de laisser-aller dans les petiteschoses » l 38 comme s’il était conscient de son aspect physique peu engageant ; L’entrée en scène des personnages nous fait penser à des SDF qui sont dans la rue depuis un moment et ne savent pas vraiment où aller . Qu’en est-il du cadre de l’action ?
Tout d’abord, il faut noter dans ce type de théâtre ,l’importance des didascalies pour préciser le jeu et le cadre : de type externe , notées par des parenthèses , ou internes , c’est à dire que les indications font partie des répliques des personnages , c’est à dire que les indications font partie des répliques des personnages . Certaines indiquent le décor et le temps.
On dirait que Beckett a choisi un lieu indéterminéce qui sous entend que l’action de la pièce pourrait avoir lieu partout ; Il mentionne un cadre vagueet l’époque elle aussi est indéterminée . Les personnages évoquent des souvenirs et mentionnent « il y a une éternité » vers 1900( l 23 ) comme si la notion de temps était, en quelque sorte, abolie, ou tout au moins suspendue . En revanche, les personnages font , à plusieurs reprises, mention de leur futur ; Vladimir pensait qu’Estragon était parti pour toujours ( l 6 ) ce qui peut faire référence à sa mort ; cette idée réapparaît à travers l’interrogation de Vladimir ; « depuis le temps je me demande ce que tu serais devenu sans moi… Tu ne serais plus qu’un petit tas d’ossements à l’heure qu’il est. » l 20
Les didascalies font également état des gestes des acteurs et montrent notamment, dans cette entrée en scène, les difficultés éprouvées par les personnages : Estragon ne parvient pas à enlever sa chaussure et va être contraint de demander de l’aide à Vladimir . Il s’acharne en «en ahanant »paraît à bout de forces , se repose « en haletant », recommence » ; Estragon a subi des violences durant la nuit et Vladimir lui aussi affirme avoir souffert : « Mal, il me demande si j’ai eu mal ! » Le point d’exclamation ici paraît refléter l’indignation du personnage qui ne supporte pas que sa douleur soit mise en doute . Il est également question d’un combat à reprendre et à première vue, ce combat , c’est tout simplement la vie.
Le volume des indications scéniques est l’une des caractéristiques du théâtre contemporain : leur présence indique que les auteurs accordent de l’importance à la mise en scène de leurs œuvres .
Cette scène d’exposition donne un certain nombre d’informations essentielles pour le spectateur mais elle crée une impression d’attente et soulève quelques incohérences.
Quelle intrigue se dessine ?
Les quelques références vagues à un passé commun ne semblent pas pouvoir constituer une piste intéressante : les personnages paraissaient en meilleure forme mais le suicide est mentionné comme une solution qu’ils avaient envisagée alors que désormais, ils paraissent résignés ; Vladimir ainsi est accablé et se désespère « c’est trop pour un seul homme » sans qu’on sache vraiment de quoi il se plaint et ce qui le fait souffrir. Il reproche à son ami de ne pas suffisamment prendre en compte sa douleur « Moi je ne compte pas. Je voudrais pourtant te voir à ma place. Tu m’en dirais des nouvelles. » ( l 35 ) Le spectateur assiste à une sorte de surenchère dans la douleur : chacun pensant avoir plus mal que l’autre et refusant presque de considèrer la douleur de son vis à vis
Un dialogue qui tourne à vide ?
Un certain nombre de remarques peuvent paraître éparses et « déplacées » car il nous manque une partie du contexte pour les comprendre : ainsi une réplique comme : «à quoi bon se décourager à présent » (l23) paraît énigmatique ; Le public a l’impression que la conversation est décousue et que les personnages parlent pour meubler le temps et passent , sans transition, d’un sujet à un autre, échangent des banalités et ne s’écoutent pas vraiment . On peut évoquer, à certainsmoments, une sorte de dialogue de sourds.
Le comique du désespoir ? Le comique de gestes est présent à plusieurs reprises dans cette scène et il est symbolisé par la lutte difficile d’Estragon avec sa chaussure. On trouve également un comique de répétitions avec le jeu sur le chapeau et les répétitions des répliques.
Le comique de mots et de situation est également exploité dans l’ouverture de la pièce et notamment la première réplique ainsi que la dernière sont à double sens ; On peut dire, en effet, que c’est un quiproquo qui ouvre la pièce ; Estragon ne parvient pas à enlever sa chaussure : « Rien à faire »(l.1) qui exprime son échec et Vladimir comprend cette phrase comme une réflexion générale sur la vie, une sorte d’ennui généralisé ; Il enchaîne donc avec une réplique qui ne peut se comprendre que si on considère qu’il s’ennuie lui aussi ou qu’il est désespéré « Je commence à le croire...»(l.4) Le personnage pourrait ainsi révéler d’emblée son désespoir comme quand on annonce à un patient condamné qu’il n’y a plus rien à faire et que la mort ne saurait tarder . Cette idée d’attente tragique de de la mort est peut être le point à mettre en évidence dans cette étrange exposition . L’extrait se termine par “ il n’y a rien à voir ” ( l 50 ) alors que justement le théâtre est l’art de montrer : que peut -on montrer s’il n’y a rien à voir ?
Une autre forme de comique de situation cette fois est liée à la notion de décalage entre la situation mentionnée : retrouvailles de 2 vagabonds sur une route et l’ expression de sentiments avec notamment leur volonté de fêter leur retrouvaille alors que leur situation est plutôt tragique
Le tragique existentiel très présent
Cette dimension tragique provient tout d’abord de la situation des personnages et de leur combat existentiel que le spectateur devine à travers une série de champs lexicaux qui mélangent souffrance et lutte pour la vie : « résisté » « le combat » « t’a battu » « tas d’ossements », « jeté en bas », « as mal »( « souffres » . Les personnages semblent s’agiter en vain et font des efforts pour s’en sortir mais se savent condamnés .Leur dialogue semble à la fois vide et désespérant et la dimension tragique est renforcée par des moments de silence et d’immobilisation . On entend aussi un appel au secours d’Estragon qui demande avec une voix faible à son ami de l’aider ; : « aide-moi »(l.30 ) : le verbe est construit sans complément d’objet et le public peut comprendre qu’il a besoin d’aide pour réussir à ôter sa chaussure ou qu’il s’agit simplement d’un appel à l’aide . Difficile de passer de la chaussure au destin mais c’est pourtant ce curieux mélange qui confère à cette pièce et à cette première scène son originalité.
A retenir Texte représentatif du théâtre de l’absurde: . Scène d’exposition « insolite » qui laisse planer de nombreuses questions : - qui sont ces personnages ? parole qui tourne à vide – banalités et tragique existentiel , attente de la mort ? Ou de Dieu ?
– quelle intrigue ? . Sentiment de découragement et de vide qui se dégage de ce début. . Représentation de 2 anti-héros, 2 bouffons qui ne parviennent pas à masquer une profonde détresse, de 2 pantins cassés par la vie et qui cherchent à alléger leur souffrance en la partageant
27. mai 2019 · Commentaires fermés sur Des entrées en scène spectaculaires : comment faire son entrée en scène ? · Catégories: Première
Le théâtre antique prépare le spectateur à entendre le prologue lui exposer les faits et lui raconter l’histoire qui va se dérouler sur scène ; Le personnage du prologue s’efface pour laisser entrer les acteurs et l’action est déjà lancée par ce qu’il vient d’expliquer . Le choeur lui aussi, élément fondamental de la dramaturgie antique, présent sur scène avant le lancement de l’action , commente ce qui es déroule sous les yeux du public et dialogue avec les personnages qu’il conseille ou met en garde; Il représente, en quelque sorte, la présence symbolique du spectateur au sein des événements . Avec la disparition de ces éléments de scénographie, la scène est vide lorsque les acteurs font leur apparition et le spectateur ne dispose alors d’aucune information . Les dramaturges doivent donc rapidement imaginer des moyens de leur faire comprendre les enjeux du spectacle auquel ils vont assister ; Ils doivent présenter à la fois les personnages et leurs liens, leurs fonctions, le cadre de l’action et les grandes lignes de l’intrigue. Le théâtre classique va mettre au point certains procédés que nous allons découvrir ensemble ….
Tout d’abord, il faut distinguer comédie et tragédie. En effet, dans la comédie, l’action est plus rythmée, plus au centre du spectacle alors que la tragédie se nourrit essentiellement de paroles qui font appel à l’imagination . Les auteurs de comédies privilégient un certain nombre de procédés d’écriture qui se déclinent de siècle en siècle comme le quiproquo , l’aparté ou le personnage caché . La dimension comique naît ainsi de la supériorité du spectateur qui a eu accès à des informations cachées à l’un des personnages ; parfois, cependant , le spectateur lui aussi, va être surpris par des révélations inattendues ou des retournements de situations qu’on nomme coups de théâtre . Voyons comment Molière met en scène le début de Georges Dandin : ce dernier est un riche bourgoeois qui a choisi d’épouser une femme originaire de la noblesse pour posséder son titre ; méprisé par son épouse, il regrette ce mariage et surprend un homme qui sort de chez lui ; cet émissaire , sort d’entremetteur masculin, était porteur d’un message de son maître qui courtise la dame du logis; sans connaître l’identité de son interlocuteur, il lui confie l’objet de sa mission et le public se trouve alors das une position où il peut rire la situation de dupe de Georges Dandin et de l’imprudence du valet, trop bavard . Non seulement le personnage principal est présent sur scène dès relever du rideau et l’objet de la comédie est connu d’emblée : il va être question du mariage et particulièrement du mariage d’intérêt, souvent au centre de la comédie avec Molière . Le comique va s’exercer , semble-t-il, aux dépens du héros et le monologue du ce dernier a la valeur d’un prologue ” j’aurais bien mieux fait tout riche que je suis de m’allier en bonne et franche paysannerie, que de prendre une femme qui se tient au-dessus de moi.” Le spectateur est plongé dans le vif du sujet et la dimension spectaculaire peut tenir aux apartés qui inaugurent la scène de rencontre entre Lubin et Georges. Dans Le Barbier de Séville , Beaumarchais pousse encore plus loin la dimension visuelle et sonore du spectacle en introduisant un personnage de valet-chanteur .
Les deux entrées en matière se ressemblent d’ailleurs beaucoup : dans les deux cas, un personnage est seul sur scène au lever du rideau et il en rencontre un autre quasi immédiatement après avoir, au moyen d’un monologue, transmis des informations essentielles au public. Le Comte tient à ce que son identité demeure secrète car il souhaite être aimé pour lui -même et il a fui les plaisir faciles . Le public s’attend donc à voir évoluer son histoire d’amour avec Rosine et se demande quel rôle va pouvoir y jouer son ex-valet Figaro. Beaumarchais a ici organisé des retrouvailles entre deux personnages dont les rapports sont transformés car ils n sont plus maître -valet mais vont devenir complices au sien d’une machination contre le vieux docteur Bartolo qui séquestre la jeune Rosine ; La dimension spectaculaire de l’entrée en scène de Figaro est liée à son activité de compositeur ; il cherche les paroles de sa nouvelle chanson et le dramaturge peut concilier ainsi comique de situation et comique de geste. Figaro est ainsi rattaché au caractère traditionnel du valet amoureux de la bouteille , cliché comique depuis la comédie antique et médiévale.
L’entrée en scène imaginée par Musset pour son drame romantique ,On ne badine pas avec l’amour, , emprunte elle aussi des clichés dramaturgiques ; l’auteur s’inspire de la tradition antique et réintroduit le personnage du choeur sur scène comme une sorte de récitant qui présente le personnages ; Il s’agit de mettre en scène l’entrée rocambolesque de deux serviteurs qui précèdent leurs maîtres, les héros de la pièce , Camille et Perdican. Leur portrait est construit sur des ressemblances et une opposition. Le comique de caractère est très présent . Cependant la dimension visuelle pourrait ne pas être traduite par la mise en scène comme dans une tragédie ou ce qui est hors scène est pris en charge par les paroles des messagers . En effet, les commentaires du choeur ont une dimension poétique incontestable et Musset prétendait écrire du théâtre sans tenir compte des contraintes scéniques . De plus, le drame romantique mêle des aspect traditionnels empruntés à la comédie avec des éléments qui s’apparentent davantage au spectacle tragique ; On peut évoquer le ton prophétique du choeur qui évoque une menace future “Puissions -nous retrouver l’enfant dans le coeur de l’homme ” ou les prières de dame Pluche . Le dramaturge met en place une annonce spectaculaire qui retrace ainsi l’apparition des héros, annoncée par leurs serviteurs.
A première vue, rien de spectaculaire dans l’entrée en scène des vagabonds Vladimir et Estragon, créatures imaginées par le dramaturge Samuel Beckett pour figurer l’angoisse de l’homme contemporain confronté à l’absence de Dieu. L’espace scénique est quasi vide : une route à la campagne avec arbre autant dire n’importe où et les descriptions des personnages sont réduites à quelques accessoires symboliques: des chaussures trouées , un chapeau , une démarche clownesque ” à petits pas raides, les jambes écartées ” . Pourtant le dramaturge prend soin de chorégraphies l’échange laconique entre les deux personnages et instaure un espace de contradiction qui ne laissera pas le public insensible; paroles et gestes ne sont plus accordés : Vladimir veut embrasser son ami et lui tend la main ; Estragon feint de donner des précisions sur le fossé où il a passé la nuit mais son geste reste en suspens. (sans geste ) ” par là “ Le public assiste à une sorte de ballet silencieux composé de gestes du quotidien : lenver ses chaussures, ôter et nettoyer son chapeau ) et ces petits riens donnent à l’apparition des deux héros une dimension spectaculaire. De plus la relation être eux est complexe et paraît instable : à la différence de l’amitié solide de Pylade et Oreste présentée comme inamovible dans la scène d’exposition de la tragédie de Racine , la relation entre Vladimir et Estragon oscille sans cesse de l’affection à l’animosité . Le théâtre de Beckett nous donne ainsi à voir ce que nous sommes : il nous réfléchit en même temps qu’il nous pense .
19. mai 2019 · Commentaires fermés sur Beckett : un théâtre surprenant qui montre le tragique de la condition humaine ; Eléments de présentation générale: En attendant Godot · Catégories: Première · Tags: Beckett
Il est difficile de définir le théâtre de l’absurde et en particulier les pièces de Beckett ; Passons en revue quelques critères : certains ont affirmé qu’il s’agit de mettre en scène le néant : le néant de l’homme et le néant de l’existence. Mais comment cette idée peut-elle prendre forme sur une scène de théâtre ? Que va-t-on montrer au public pour qu’il comprenne cette intention ? A propos de En attendant Godot, Sartre , déclare en 1960, que c’est « la pièce qu’[il] trouve la meilleure depuis 1945 » mais ajoute que c’est une pièce « expressionniste ». Il signifie par là qu’elle repose sur un conflit entre l’homme etle monde. Mais de quel conflit s’agit-il au juste ? Beckett a glissé dans ses dialogues des références à l’Histoire mais également à sa propre vie. Cet auteur considère le théâtre comme un langage où on utilise des symboles pour renvoyer à une réalité concrète, triviale et douloureuse. Nous verrons ainsi comment Beckett se sert du réel pour en créer une représentation.
Un thème fondamental : montrer la violence dans l’histoire.
La première expérience à laquelle fait allusion le dramaturge est celle de la seconde guerre mondiale dont les horreurs ont bouleversé nos représentations du monde. Aussi En attendant Godot se présente d’abord comme un témoignage douloureux de cette faillite existentielle illustrée à la fois dans les dialogues mais également dans la mise en scène.
Une expérience tirée d’éléments personnels .
En effet en parlant de la seconde guerre mondiale, Beckett renvoie à son histoire. Au moment où la guerre éclate, il se trouve en Irlande, mais plutôt que d’ accepter la neutralité de ce pays qui lui assure confort et sécurité, il décide de s’engager dans la résistance et s’installe à Paris. Il échappe in extremis à la gestapo grâce à la femme d’un ami, au moment où celui-ci est fait prisonnier et est interné au camp de Mauthausen où il mourra en 1945. Beckett se réfugie alors immédiatement en zone libre dans le Vaucluse, à Roussillon d’Apt où il restera de 1942 à 1945. C’est cet espace qu’évoque Vladimir lorsque ce dernier tente de rappeler à Estragon le souvenir d’un passé heureux : « Pourtant nous avons étéensemble dans le Vaucluse […]. Nous avons fait les vendanges, tiens, chez un nomméBonnelly, à Roussillon.» Ce passage est inspiré de l’existence de Beckett. Ce dernier nomme notamment la personne qui l’a accueilli et lui a donné du travail . Le spectacle ici se nourrit de la réalité.
Un univers à l’image de l’univers concentrationnaire.
Dans les répliques des personnages, les mots se dérobent souvent à la situation de communication sur le plateau pour renvoyer à une autre situation connue du public:celle des camps de concentration et des exodes de population. Les « ossements », les « charniers », les histoires de « carottes », de « radis » et de « navets », les préoccupations d’Estragon relatives à ses chaussures n trouées ou qui le font souffrir sont des allusions à l’extermination, la famine et les conditions de vie dans les zones occupées. On sait d’ailleurs que le dramaturge désirait dans un premier temps donner à Estragon le nom juif de Lévy : le personnage aurait ainsi fait penser immédiatement aux victimes juives du nazisme . Cette réplique d’Estragon, « Je ne sais pas. Ailleurs. Dans un autrecompartiment. Ce n’est pas le vide qui manque. », renvoie ainsi indirectement aux trains de la mort mais également, par double sens, à la vacuité de l’existence. Derrière ce propos en apparence banal se cachent des considérations philosophiques: il s’agit de dire combien l’homme est prisonnier de sa condition : il vit dans un univers clos, hermétique, sans transcendance possible (où les Dieux sont attendus en vain et ne sont plus d’aucun secours ) ; il ne peut échapper à son existence et progresse inexorablement vers sa mort. Cette pièce, tout en rappelant l’Histoire tragique la dépasse pour montrer, à travers ces deux vagabonds , la condition tragique de l’homme.
Un univers de fin du monde
Ces références à l’histoire sont en fait utilisées pour créer une représentation du monde qui correspond à celle d’une génération qui a vécu le traumatisme de cette seconde guerre mondiale.Le monde apparaît comme un enfer. Il s’agit d’un « enfer dans les nuées », celui d’Hiroshima et de Nagasaki, mais également celui des ruines de notre humanité où les rapports humains sont autant de supplices, où l’échange verbal peut s’apparenter parfois à des séances de torture, « Voilà encore une journée de tirée » dit Estragon, « Pas encore » lui répond Vladimir. Cette évocation de l’enfer sur terre ressort également dans la mise en scène. : un lieu vide en ruines comme après la fin du monde. Le thème du jugement dernier est suggéré par la représentation de l’arbre seul décor sur scène ; il s’agit là sans doute de l’arbre du purgatoire condamné à la stérilité par la faute du premier homme.
Les personnages.
En perte d’identité.
Les personnages de Beckett sont à la fois particuliers et universels. Ils ont des noms propres : Vladimir, Estragon, Pozzo, Lucky, Godot, et les deux premiers semblent bénéficier de noms affectifs qu’ils se donnent l’un l’autre : Didi, Albert ; Gogo. Par ailleurs leur identité n’est pas assurée comme le révèle Estragon lorsque Vladimir l’interpelle : « Alors te revoilà,toi »/ « Tu crois ». Estragon semble mettre en doute l’affirmation même de son existence Cela est d’autant plus problématique que les personnages paraissent parfois amnésiques: ce qui les condamne à répéter sans cesse la même vie, sans évoluer,. Le temps les empêche de se penser, « . Le temps fuit sans laisser d’empreinte dans la mémoire et dans leur être friable « de sable » (p. 81). Polo déclare : « Un jour nous sommes nés, un our nous mourrons, le même jour, le même instant, ça ne vous suffit pas ? »
Cette perte d’identité produit plusieurs résultats. D’abord les personnages peuvent figurer divers couples : ils peuvent être amis, frères, parents . Ensuite leur amitié semble impossible puisque cette relation nécessite à la fois une durée et une mémoire ce qui n’est pas le cas. Le semis partagent des souvenirs et leur relation évolue.
L’impossible amitié
Les personnages principaux semblent tout d’abord se connaître et éprouver une certaine affection l’un pour l’autre. Ils se donnent des surnoms comme pour en témoigner. Cependant très rapidement nous voyons que leur relation est plus complexe. Elle est faite à la fois de haine et d’amitié. Dès la scène d’exposition, nous le constatons : « V.- Je suis content de te revoir. Je te croyais parti. / E.- Moi aussi. ». Il ne s’agit que de formules de politesse insignifiantes, si bien qu’on ne sait si Estragon est heureux de revoir V. ou s’il se croyait lui-même parti. Tout de suite après, le même Estragon refuse à Vladimir de l’embrasser et s’irrite. La relation entre les personnages oscille ainsi entre douceur et agressivité.
La même relation de politesse et d’indifférence intervient entre ces deux personnages et Pozzo et Lucky. D’abord d’une extrême politesse avec Pozzo, lorsqu’il tombe, ils hésitent à le ramasser et à lui demander de l’argent en échange de leur aide. Quant à Lucky, alors qu’il suscite, dans un premier temps, des sentiments de compassion chez Vladimir et Estragon, les deux compères deviennent ensuite agressifs pour se venger des coups qu’il a donnés à Estragon. Enfin, ils peuvent être tout à fait indifférents à son sort au point de le considérer comme une bête de foire.
Leur solitude impose à Estragon et Vladimir deux solutions, soit de se séparer ; soit de se suicider en se pendant. Ils ne peuvent se résoudre ni à l’une ni à l’autre. D’une part, ils sont irréductiblement attirés l’un par l’autre, d’autre part ils tiennent trop à leur vie pour se pendre, Ainsi, ils semblent obligés de vivre ensemble que cela leur soit agréable ou non. Cette situation apparaît comme un miroir de l’existence humaine qui permet à Beckett de dénoncer la précarité de la vie en société . De plus, ces hommes ne peuvent pas même se tourner vers Dieu.
Dieu ne viendra finalement pas
La venue de Dieu est est également remise en question dans En attendant Godot. La relation entre Dieu et ses fidèles devrait être une relation de confiance; or Vladimir et Estragon ont beau attendre leur salut de son apparition, celui-ci ne vient pas pour les sortir de leur prison alors qu’il avait promis de venir et qu’ils passent leur temps à l’attendre. Dès lors l’idée de paradis ne peut être qu’une carotte pour le croyant , un mensonge qu’on lui fournit pour qu’il continue à avancer. La véritable relation entre Dieu et les hommes est sans doute symbolisée par le couple Pozzo-Lucky. « Pozzo paraît », sa voix est « terrible » et il se dit être « d’origine divine ». Ce personnage incarne ainsi un aspect de la figure divine, une figure profondément injuste et hautaine à l’égard de Lucky qu’il maltraite. Dans ce contexte, la corde attachée au cou de Lucky indique que le lien qui les relie de sujétion. Enfin, cet abandon de l’homme par Dieu apparaît encore avec le jeu du personnage du jeune garçon. En effet celui-ci est normalement censé annoncer la venue de Godot, mais à chaque fois il disparaît aussi vite qu’il était apparu, apeuré par Vladimir et Estragon. Or en grec « celui qui annonce » est dit angelos et ce jeune garçon révèle combien l’humanité fait fuir les anges, combien les cieux ont déserté la terre.
La représentation et le public.
Depuis Aristote et sa Poétique, la tradition théâtrale établit un lien avec les spectateurs. Il s’agit à la fois de plaire et de toucher, c’est-à-dire de divertir et de ne pas ennuyer. Beckett semble aller à l’encontre de ces recommandation.
Les personnages refusent le spectacle.
Les personnages refusent de sourire aux spectateurs. Leur présence sur scène ne leur procure aucun plaisir. Il se déclarent malheureux, qu’on pense à Luky, esclave de Pozzo, réduit à une bête de foire ; ou qu’on songe aux autres personnages qui sont « sur un plateau », « servis sur un plateau ». Cette réplique de Vladimir a plusieurs sens : un sens géographique ou sténographique : ils sont sur un plateau de théâtre / et un sens gastronomique : les personnages sont soumis à l’avidité des regards du public comme de la nourriture servie sur un plateau . Par ailleurs, le premier sens exprime l’enfermement tragique ; les personnages ne peuvent échapper à cet espace. x.Ils ont une attitude défiante à l’égard de ce qui les entoure. Mécontents de leur situation, ils agressent le public. Nous pouvons tout d’abord évoquer les insultes dont sont victimes les spectateurs, ces « gens sont des cons » (p.15), ils constituent cette « tourbière » dont parle ensuite Vladimir en « se tournant vers le public ». pas décomposée, d’origine végétale ». Cette idée est développée lorsque les personnages regardent vers le public et voient des « cadavres ».
Ces insultes se poursuivent dans ce qui est offert à entendre et à voir, dans les dialogues et dans la représentation. Les personnages provoquent le public en usant de gros effets qui ressortissent au bas corporel : il s’agit des mictions de Vladimir (qui fait pipi), des pets de Pozzo, du jeu équivoque de succion , lorsqu’Estragon suce ses carottes. De façon générale, les personnages se moquent du public en le frustrant du spectacle qu’il est venu voir au théâtre et la représentation peut déclencher un malaise chez certains.
Beckett déçoit les spectateurs
C’est d’abord la tradition théâtrale du rire que nient les personnages. Alors que certaines situations peuvent prêter à rire, les personnages l’interdisent aux spectateurs. C’est Vladimir qui impose cette attitude sérieuse en affirmant qu’ « on n’ose même plus rire ». Le tragique contamine le comique.
Les épisodes comiques se présentent alors comme des mouvements à réprimer. V. « part d’un bon rire qu’il réprime aussitôt en portant sa main à son pubis, le visage crispé ». Ces didascalies expriment cette même idée que notre condition de mortels, nous écarte toujours de la spontanéité du rire ; mais elles révèlent encore le projet du dramaturge de présenter au lecteur/spectateur des objets de distraction qu’il lui retire aussitôt. Il en va ainsi de la blague inachevée des Anglais. La représentation renvoie ainsi le public à sa position de voyeur
A la place du spectacle que le public attend , l’auteur propose une représentation de l’ennui. Cet ennui est annoncé dès le silence initial, qui n’est pas ce qu’est venu entendre l’auditoire, illustré par l’exclamation d’Estragon « rien à faire ». La pièce se refuse une fois de plus aux ressorts habituels de la représentation théâtrale : il n’y a pas d’action ni d’intrigue. Les personnages, privés de fonction dramatique, sont alors condamnés à répéter les mêmes propos et les mêmes gestes, dans une organisation scénique elle-même répétitive (chaque acte est divisé de cette façon : V. et E/ arrivée de P. et L./ le messager). Enfin, c’est l’écriture qui achève de frustrer l’auditeur et le lecteur.
Le théâtre de l’absurde n’est pas un théâtre divertissant .
La pièce offre toutefois une dimension visuelle puisque Beckett parlait d’un côté « ballet » de son œuvre. Le jeu des personnages apparaît comme une chorégraphie avec des objets du quotidien : chaussures, chapeau . L’entrée en scène surprenante de Pozzi et Lucky a une dimension spectaculaire et certains metteurs en scène ont imaginé des décors de fin du monde (ruines, terrain vague, maisons éventrées ) et des costumes qui suggèrent que Vladimir et Pozzo vivent dans la rue comme des sans -abri.
Une pièce surprenante donc qui évoque le tragique de la condition humaine et la difficulté d’établir des relations de confiance et d’amitié . Elle montre également la violence des rapports humains .