09. mai 2019 · Commentaires fermés sur Je vous salue ma France : Aragon tente de redonner de l’espoir à la Résistance · Catégories: Première

Version 1  :  Lorsqu’on envisage la notion d’engagement en poésie , ou plus généralement , en littérature, on fait souvent référence à un engagement politique pour défendre une cause, notamment en cas de conflit.; La poésie de la Résistance est née de la volonté de certains poètes d’utiliser leurs mots comme une arme de résistance mais il fallait le faire de manière allusive afin que les Allemands ne censurent pas les textes ou ne fassent pas emprisonner leurs auteurs . En août-septembre 1943, Aragon, sous le pseudonyme de François la Colère, fait imprimer clandestinement, pour courir moins de risques , Le Musée Grévin. Le poème est ensuite distribué à Paris sous forme de tract. Les six  strophes, des quatrains d’alexandrins aux rimes croisées, sont les dernières du poème. Le poète, imaginant que la guerre est achevée, fait le tableau d’une France victorieuse afin de galvaniser l’esprit de Résistance des Français victimes de l’occupation .  Comment dépeint-il la France ? Nous étudierons d’abord les images de la Guerre et des souffrances endurées  avant de montrer la France victorieuse et l’hommage que lui rend le poète . 

 

 Version 2  : Contrairement à Benjamin Perret  et à d’autres auteurs , qui refusent par principe toutes poésies de circonstances, Aragon fait partie de ces poètes comme Desnos ou Eluard  , qui choisissent de s’engager dans leur poème. Ainsi, dans «  Le Musée Grévin  », paru clandestinement pendant la seconde  guerre mondiale alors qu ‘une partie de la France était occupée par les Allemands , Aragon exprime son patriotisme et sa foi dans l’avenir. Dans une partie de ce long poème de facture traditionnelle, composé de six  quatrains d’alexandrins aux rimes croisées, il imagine le pays libéré des ombres de son passé et il fait un portrait de la France qu’il aime. Nous verrons comment l’Histoire vient s’inscrire dans ce texte qui, à bien des égards, ressemble à un hymne ou à une prière. Enfin, en analysant l’éloge qu’il fait de la France, nous tenterons de préciser l’ « idée » que le poète se fait de son pays. 

Les paragraphes ci-dessous permettent de répondre à différentes problématiques: à vous de les organiser en fonction de la question qui vous sera posée …

 I  Images de la France 

Les souffrances de la France 

Dès le  premier vers , les années d’occupation sont rappelées par l’expression “arrachées aux fantômes “ : le verbe arracher connote la violence de cette période et l’image du fantôme évoque , à la fois la peur qu’on pouvait ressentir devant les nazis mais également l’idée qu’ils font maintenant partie du passé et qu’il ne faut plus les redouter. La Guerre prend la forme symbolique d’une tempête avec notamment les images du Déluge au dernier vers, déluge qui rappelle la catastrophe biblique qui a failli détruite l’humanité car seuls quelques hommes , choisis par Dieu, ont été épargnés et ont pu sortir du navire échoué au sommet du mont Ararat , au bout de 40 jours de pluies diluviennes qui ont recouvert le monde; En utilisant ce mythe de l’Arche de Noé , le poète rappelle l’ampleur de la catastrophe et incite les hommes à la combattre. Au vers 9 , on trouve l’image de l’accalmie avec les vents qui représentent les assauts violents des ennemis . L’avant dernière strophe fait des allusions plus précise à l’Occupation avec l’image de Paris et des exécutions des résidants : “Paris, mon coeur , trois ans vainement fusillé ” : avec la périphrase en incite, mon coeur, Aragon montre son attachement à sa ville qu’il a été contraint d’abandonner justement en 1943 par peur d’être arrêté comme le fut son ami Robert Desnos qui était demeuré dans la Capitale et que la gestapo est venue chercher chez lui pour le déporter à Auchwitz et qui décéda, fortement affaibli, peu après la libération des camps de concentration. 

Une France victorieuse 

 Pour faire échec à ce désastre, Le poète imagine alors un Pays victorieux qui se reconstruit alors que la réalité historique est très sombre parce que les alliés commencent à peine à obtenir quelques victoires militaires . C’est ce que les historiens nommeront le tournant de la guerre. La France dont rêve  le poète est une France en paix et un pays qui  chante : on peut ici penser à la fois aux chants de victoire qui retentiront à la libération et qui sont des témoignages de joie mais également aux hymnes que les combattants entonnent pour se donner du courage avant la grande  bataille ou simplement dans les moments difficiles . Et cette France , le poète en fait l’éloge : il vante le soleil de sa diversité , au vers 16 : peut être une allusion aux populations française des colonies ou aux divergences d’opinions des français entrés en résistance qui réussiront à surmonter leurs clivages politiques pour faire cause commune contre l’ennemi; cette union sacrée de la résistance est rappelée par le drapeau arc-en ciel, qui rappelle les écharpes des maires et les couleurs du drapeau français ; Cette France est personnifiée mai ile poète n’oublie pas de saleur le courage de ses habitants : “ma France où le peuple est habile / à ces travaux qui font les jours émerveillés ” . Il s’agit ici d’évoquer les beautés du patrimoine mais également les exploits de la Résistance qui à son échelle, accomplit chaque jour des miracles en cachant des juifs, en donnant de faux papiers à ceux qui ont en besoin, en s’affublant de fausses identités ou en vivant clandestinement . 

II Hommage à la France 

Un hommage à une  France éternelle 

L’anaphore “je vous salue ma France ” peut se lire à la fois comme un hommage appuyé au courage d’un pays mais également comme une sorte de prière , d’hymne qui rappelle l’invocation du “je vous salue Marie “chrétien . Saluer, au sens étymologique, c’est avant tout  s’incliner devant celui qu’on respecte et lui rendre hommage. Le ô lyrique du vers 2 et les formules exclamatives accompagner ce témoignage de dévotion et la France d’Aragon, est une France éternelle, victorieuse d’autres combats ; En effet, la mention au vers 3, d’anciennes batailles: Orléans, Beaugency, Vendôme remportées par les Français contre les Anglais  : en effet, durant la guerre de cent ans, Jean d’Arc réussit à sauver Orléans ; Vendôme fut le théâtre de violents affrontements entre le roi de France et Richard coeur de Lion et ensuite entre armée anglaise et armée française commandée par Charles VII  ; et Beaugency marque une éclatante victoire militaire de Jeanne d’Arc. Le poème d’Aragon prend ainsi  des allures de ballade médiévale avec son refrain, les références historiques et le souvenir de la chanson du troubadour Charles d’ Orléans qui s’intitule en regardant le doux pays de France et qui évoque le bonheur de la paix retrouvée et l’amour du prince-poète pour son pays. Cette France de toujours c’est celle qui a déjà réussi à triompher des périls du passé ; En rappelant l’histoire de France; Aragon présente une image d’une France  “heureuse et forte ” ; 

Un vibrant éloge 

L’hommage est appuyé par des procédés rhétoriques comme l’anaphore , le ô lyrique, l’utilisations d’ images, la musicalité des nombreuses allitérations et assonances  comme aux vers 2 “vaisseau sauvé des eaux ” ou au vers 24 en “d’au-delà le déluge salut ” ; on notera aussi l’utilisation du chiasme au vers 6 “jamais trop mon tourment, mon amour jamais trop ” qui oppose en les rapprochant, amour et tourment c’est à dire la peine du poète lorsqu’il pense aux malheurs de sa patrie. Tourment est ici employé au sens originel de ce qui peut causer la mort de quelqu’un, ce qui le fait souffrir profondément physiquement et moralement . Les sentiments du poète te le lien qui l’unit à son pays apparait à travers  les images choisies. Tout d’abord ces cloches de la victoire qui sont associées à l’angélus des oiseaux peuvent faire penser à une sorte de musique céleste et on peut les associer au paradoxal “silence des harpes ” que la Liberté fait frémir ; C’est à dire que la Liberté retrouvée va permettre d’entendre à nouveau la musique divine de ces instruments à corde comme si elle apportait le souffle capable de les faire vibrer .Le verbe frémir est utilisé ici au sens de début d’un mouvement comme une eau qui commence à frémir sou l’effet de la chaleur, les harpes commencent à bouger et ce sera le Paradis retrouvé Ainsi la poésie elle même est , par sa musique, une ode à la France et à la liberté. 

III Poème engagé 

Un poème engagé : une poésie de circonstances 

Poème de circonstances écrit à faveur du départ d’Aragon de Paris pour se réfugier en zone libre , le Musée Grévin exalte le patriotisme de son auteur mais , à la différence de son poème, j’écris dans un pays dévasté par la peste , Aragon se montre beaucoup plus allusif et ne cite aucun nom précis ; En fait il s’intéresse surtout au futur de la France et occulte volontairement les souffrances du passé pour se consacrer à la peinture d’un avenir radieux. En ces temps troublés,  en effet, les français ont surtout besoin  d’avoir confiance en l’avenir et de croire qu’une victoire est encore possible . Donc l’occupation est suggérée à travers les fantômes et les oiseaux symbolisent des messages d’espoir . Le poète est lui-même un messager porteur de bonnes nouvelles  comm eues sort d’hirondelle. Les yeux de tourterelle de la France en font une femme triste et les passereaux dans le ciel peuvent faire référence à tous ceux qui sont partis ou ont du quitter la France  : soldats, prisonniers, déportés , déplacés , exilés volontaires ; Quant à l’oiseau du large, au vers 12, qui désigne-t-il au juste ? On peut penser au message poétique, à une sorte d’esprit francophone comme un souffle sacré ou éventuellement à l’action du général De Gaulle et des forces française libres passées en Angleterre juste après l’appel du 18 juin 1940. La colombe et l’aigle représentent tous deux deux facettes de la France : celle qui lutte pour la paix car la colombe est le symbole de lapais mai c’est également l’oiseau qui annonce que les hommes sont sauvés car elle aperçoit la terre après le Déluge ; l’aigle est un oiseau de combat qui est certes l’emblème de l’armée allemande mais aussi celui des légions romaines et napoléoniennes. Donc on peut plutôt aux deux facettes de la France : l’audace pour les résistants et le chant pour donner des forces à ceux qui ont peur .

Un lien patriotique très fort 

Tout au long du poème Aragon chante son amour pour la France et cet amour prend différentes formes ; D’abord il personnifie le Pays sou else traits d’une femme aimée avec le possessif “Ma farce ” qui affirme leur proximité et le vouvoiement qui traduit une forme de respect . Le poète compare son pays à  un amour et avoue son très grand attachement avec des adverbes comme toujours et jamais qui confèrent un caractère absolu au sentiment amoureux ” mon amour jamais trop ”  au vers 6  et “mon coeur ” pour traduire son affection pour Paris, sa ville . Au vers 7 “Ma France mon ancienne et nouvelle querelle ” , Aragon tente justement de dépasser le cadre d’un simple poème de circonstances en indiquant le caractère éternel de son amour pour un pays dont il rappelle justement les origines avec les allusions aux événements historiques du passé  médiéval; Ce n'(est pas seulement à la France de 1943 qu’in pense mais à la France de Charles X le prince poète et soldat ; Il célèbre également la mémoire et le souvenir de tous les héros mort pour la patrie avec cette image du  “sol semé de héros ” comme si chaque homme tué devenait une graine qui donne de la force à la terre elle-même pour résister à de nouveaux assauts .

 Conclusion :  Ecrit à l’origine pour redonner de l’espoir à toutes les familles dont l’un des membres a été déporté, les premières strophes du poème font allusion au retour des prisonniers dans leur pays et à la joie  des retrouvailles avec leur famille . Sur la même lignée utopique, le poète imagine alors une France radieuse, belle et libre , débarrassée de ses envahisseurs et prête à célébrer une éclatante victoire . Cette création imaginaire contraste avec les tonalités pathétiques des poèmes d’occupation dans lesquels les poètes chantent leur colère , leurs douleurs et invitent au combat et à la résistance contre l’oppression ; Aragon a trouvé ici une manière originale , en puisant dans la tradition de la balade médiévale, de regonfler le moral des Français . On peut alors se demander , en temps de guerre , quelle est l’arme la plus efficace pour chanter son amour pour son pays et le faire partager ?

14. avril 2019 · Commentaires fermés sur Comment renouveler le langage amoureux en poésie ? André Breton célèbre la femme .. · Catégories: Seconde · Tags:

La poésie amoureuse , à toutes les époques, rend hommage à la beauté de l’être aimé et tente de définir le sentiment amoureux , sous toutes ses formes . Dès l’Antiquité, nombreux sont les poètes qui font l’éloge de la  femme en la divinisant , en lui attribuant des caractères surnaturels : Baudelaire reprendra ce topos avec la femme Statue, rêve de pierre à la beauté inaccessible . Le corps de la femme, ses attraits , et l’attirance qu’on éprouve pour elle, sont des thèmes très fréquents dans le lyrisme amoureux et la technique du blason notamment, sert  de base à la plupart des portraits élogieux. André Breton, un auteur qui fait parti edu courant surréaliste,  compose un poème en vers libre qu’il intitule Union libre  justement pour y célébrer une nouvelle manière d’écrire l’amour . Il reprend la technique du blason  et construit son hommage à partir d’une anaphore  qui donne au poème l’apparence d’une prière amoureuse. Comment le poète renouvelle-t-il les clichés de la poésie amoureuse ?  

L’Union libre de la lecture analytique au commentaire littéraire 

Tout d’abord, André Breton utilise une forme poétique traditionnelle héritée du Moyen-Age : le blason.  Pourtant ,contrairement à la tradition qui consiste à célébrer une seule partie du corps de la femme , André Breton célèbre la totalité des éléments qui composent le corps allant même jusqu’à nommer les plus intimes ; Ainsi ,en plus des parties traditionnellement évoquées comme les yeux , les cils, les seins, la bouche , les hanches : on trouve « ma femme au sexe de glaïeul » ou « ma femme aux aisselles de martre » et « aux fesses de printemps » . Le poète prend ici des libertés par rapport aux conventions poétiques en utilisant des termes qui soit désignent des parties intimes liées à la sexualité comme fesse ou sexe ; soit des parties du corps considérées comme moins nobles ou peu attrayantes comme les aisselles ou les mollets de moelle de sureau . Le poète suit également un ordre original : il débute par la moitié supérieure du corps en descendant des cheveux aux pieds avec un mouvement qui se focalise sur le visage avec la bouche, la langue et les tempes avant de survoler les membres supérieurs et ensuite inférieurs pour revenir , dans une sorte de tour complet aux parties centrales et érotiques comme le ventre , les seins, les fesses et le sexe ; Le poème  se boucle sur le  regard de la femme aimée dans une sorte de zoom final . Le regard de la femme aimée contient le monde entier et tout l’univers y semble enfermé . C’est un cliché de la poésie amoureuse.

On notera que chaque élément du corps est l’objet de différentes séries d’associations qui peuvent paraître étonnantes ou inédites ; 

Le poète sollicite, en effet nos sens et provoque des synesthésies amusantes ou parfois énigmatiques : ainsi l’odorat est souvent sollicité avec les « doigts de foin coupé »  au vers 19, qui évoquent l’odeur de l’herbe sèche et qui s’associent à « la chevelure de feu de bois »  du vers initial ; On pense, à la fois, à la couleur rousse et à l’odeur du feu ; le thème du feu est associé à un mot abstrait au vers suivant « pensées d’éclair dechaleur » ; éclair et chaleur rappellent tous les deux un autre aspect du feu qui reviendra au vers 21 avec la mention de la nuit de la Saint-Jean où l’on allume de grands feux ; on retrouve aussi ce champ lexical avec l’évocation de la fusée au vers 25 ; Breton joue ici avec la polysémie du mot fusée qui rappelle par son sens la forme des jambes bien dessinées avec l’adjectif fuselé ainsi que la mise à feu et le f de fusée crée un réseau sonore avec le f de femme, de feu , de griffe , fuit ; ici les mots sont associés phonétiquement grâce aux allitérationsmême s’ils désignent des parties différentes de l’univers . 

L’évocation du feu se prolonge avec les allumettes qui dépeignent la finesse des poignets au vers 17 et le feu de bois du premier vers qui a allumé, en quelque sorte, la flamme amoureuse , se transforme à l’avant dernier vers en « yeux de bois toujours sous la hache » Sous un désordre apparent, le poète construit en réalité un véritable univers traversé par des lignes de force qui tissent des métaphores filées .

Le portrait du corps de la femme dessine un monde et tous les composants de l’univers s’y retrouvent étrangement mélangés : le dernier vers mentionne d‘ailleurs explicitement les quatre éléments du cosmos : eau, air, terre et feu .

Le thème de l’eau, par exemple , apparaît sous différentes formes : certains animaux sont clairement aquatiques comme la loutre associée à la taille de la femme au vers 4 ou le dauphin au vers 16 ; le poète évoque également les liquides qui proviennent de phénomènes naturels comme la condensation avec la buéeaux vitres au vers 14 et la rosée au vers 36 ; le champagne , boisson pétillante est rapprochée des épaules de la femme au vers 15 mais on trouve également un torrent au vers 32 qui suggère avec le mot lit , lui aussi polysémique, une étreinte amoureuse ; de plus Breton mélange les éléments de cet univers étrange avec une« taupinière marine »  au vers 34 pour suggérer le renflement des seins que figure l’animal qui creuse son terrier mais cet abri devient sous-marin ce qui heurte la logique et rend cette dimension fantastique . L’eau est présente également sous la forme des larmes , du sexe d’algue,au vers 53 , de la chute d’un verre dans lequel on vient de boire au vers 43 et enfin par l’image de la femme aux yeux d’eau pour boire en prison ; On peut ici comprendre que la femme aimée , par son regard , apporte une forme d’apaisement au poète ou au contraire que l’amour est une sorte de prison douce . André Breton renouvelle ainsi la vision de l’amour par le biais de ces associations inattendues .

Odorat et toucher sont associés également à plusieurs  reprises comme lorsque le poète évoque la « craie mouillée »au vers 42 ou la langue d’ambre et de verre frottés » qui suggère un contact désagréable et précieux en même temps et qui associe goût et toucher ;

La célébration de la femme est totale, la description semble former le mouvement du regard qui descend, remonte et se concentre sur un point, les yeux .Le portrait du corps de la femme dessine donc un monde et tous les composants de l’univers s’y retrouvent étrangement mélangés : le dernier vers mentionne d‘ailleurs explicitement les quatre éléments du cosmos : eau, air, terre et feu

Lpoète semble ici inventer un nouveau langage amoureux et le poème est aussi construit sous forme litanique à partir d’une anaphore « ma femme » et de nombreux parallélismes  de construction. Il ressemble ainsi à une prière amoureuse . La litanie est une prière au moyen de laquelle on implore une divinité  . Le poète construit la célébration de la femme aimée à la manière d’un hymne musical en jouant sur les ressources sonores des mots comme les nombreuses allitérations tout au long du poème ainsi que les paronomasescomme au vers 27 : « mollets de moëlle » ou « écume et écluse » au vers 23 ou encore « rose et rosée » au vers 36 ; Les variations de rythmes et la variété des compléments qui accompagnent l’anaphore de « ma femme » contribuent à cet effet lancinant et à sa musicalité.

Sonorités et matières se rejoignent pour donner de la femme une image associée à quelque chose de précieux et de fragile à la fois, d’essentiel et de vital : , la délicatesse de l’écriture d’un enfant ou encore la finesse de sa taille ou de ses poignets sont la métonymie de sa faiblesse ; Mais elle est également précieuse pour le poète ainsi qu’en  témoigne la présence des pierres précieuses comme l’ambre, et l’or au vers 31 ou l’argent au vers 40 ou le rubis au vers 35 ; La femme est aussi associée aux matières naturelles , aux matières premières qu’on trouve dans la Nature : végétale avec le foin, les fênes au vers 20 , le sureau au vers 27 , l’orge au vers 30 , mais aussi la pierre et le minéral avec le grès , l’ardoise et l’amiante . Elle est la Nature à elle seule , à la fois, Plante et Pierre, Ciel et Terre, Mer et Lumière : elle opère la synthèse des contraires en un tout harmonieux et sa beauté provient de l’étrangeté du mélange obtenu par l’union des contraires : ce qui correspond parfaitement aux objectifs créatifs du courant surréaliste .

On peut penser aussi que certains aspects de la vision de l’amour que forme ici Breton s’inspirent de l’amour courtois qui date du Moyen-Age : les troubadours y célébraient la beauté de la femme aimée dont ils faisaient l’éloge et se plaignaient également de sa dureté ; peut être retrouve-t-on cette idée renouvelée à travers l’insensibilité de la balance au vers 47 ou à cette nuque de pierre au vers 42.

Le thème de la souffrance amoureuse , en effet, apparaît à plusieurs reprises et il est difficile de savoir si le poète souffre des rigueurs de cette femme ou s’il fait allusion à la souffrance souvent liée à la force du désir ; plusieurs aspects peuvent, en effet, paraître menaçants dans cette peinture de l’amour ; La femme ainsi a la taille « entre les dents d’un tigre » au vers 4 ; on y lit la finesse de cette partie du corps mais aussi une morsure désagréable ; cette idée de morsure et de blessure , on la retrouve au vers 8 avec la langue poignardée et on mentionne également les «  dents d’empreintes de souris » au vers 6 ; On note ici le caractère surréaliste de cette association où le mot empreinte est complément du nom souris ; l’adjectif « coupé » au vers 19 peut également réactiver cette idée de blessure qui se prolonge au vers 38 avec la griffe géante, le verre brisé et enfin l’aiguille du vers 56 directement associée aux yeux plein de larmes ; L’apparition de la hache , image saisissante qui connote la violence au vers 59 vient clore ce champ lexical de la souffrance liée sans doute à la peur de la blessure  ; Est-ce tout simplement une nouvelle manière de faire allusion aux tourments amoureux ou à la crainte de la rupture qui fait figure de déchirure ? On peut également y deviner une forme de violence dans les relations amoureuse et l’acte sexuel empreint ici de sensualité ; cette idée de sauvagerie du désir est liée également à la présence du tigre et de la savane dans les yeux de la femme au vers 57. L’amour garde cette part de mystère et de danger auquel il est associé dans la littérature de toutes les époques. En conclusion, les images de la femme et de la poésie amoureuse fabriquées par André Breton dans l’Union libre sont originales et novatrices. Dans un premier temps, elles contribuent à érotiser le corps féminin. En effet, en dehors des six derniers vers consacrés aux yeux, les éléments les plus évoqués sont : la langue, les seins, les hanches, le sexe  , les aisselles, le dos et les fesses . Le poète se livre , sans tabou et sans pudeur à une célébration de l’amour sensuel . Le poème  surréaliste devient une forme de rébellion contre les conventions de l’époque, et  un véritable cantique à la sensualité de la femme. Ainsi par la beauté de son anatomie, la femme devient la principale source d’inspiration pour André Breton et également  pour les autres surréalistes. L’étreinte amoureuse suggérée à travers l’ensemble du poème rend la femme  à la fois vulnérable et extrêmement séduisante grâce au contraste entre les images . Les images célèbrent également le lien entre la femme et le monde. 

Breton célèbre de façon originale la femme avec une nouvelle forme de blason. Les métaphores  étranges, déroutantes dont le lecteur ne comprend pas toujours le sens, illustrent parfaitement la beauté du rapprochement entre des images différentes, opposées que les surréalistes revendiquent. 

 

  • qui est l’auteur de ce poème ?à quel courant littéraire appartient -il ?

  • quel est le titre du recueil ? Quel est le titre du poème ?

  • Quelle est la forme du poème (type de vers , rimes ) ? 

  • qu’est-ce qu’un blason ? qu’est-ce qu’une anaphore ? qu’est-ce qu’une image ? qu’est-ce qu’une litanie ?qu’est-ce qu’un hymne ? 

 

Rédiger une introduction : 

D’abord publié anonymement puis associé au recueil  Clair de terre, un titre oxymorique, qui paraît en 1923, ce poème sera finalement réédité en 1931.   André Breton traverse à cette époque des moments d’incertitudes artistiques  et amoureuses. Considéré comme le fondateur du mouvement  surréaliste , il a théorisé, en 1924, dans un manifeste, les principes de ce courant littéraire que nous retrouvons dans cette création : goût pour les images frappantes et les associations libres, étonnantes , inattendues  . Dans ce poème aux vers  libres , il exprime la force de son amour pour une femme mystérieuse en utilisant notamment la technique du blason  . Construit comme une sorte d’hommage à la beauté et à la sensualité , cette poésie , par sa structure syntaxique répétitive  s’apparente à un hymne ou à une  prière amoureuse . La femme y est célébrée telle une déesse et tout l’ univers semble se refléter en elle . Comment le poète célèbre-t-il l’amour pour la femme ? 

Compléter un plan détaillé  

I . L’éloge de la femme avec le blason amoureux 

1. Un ordre original 

2. Des associations étranges : synesthésies et allitérations

3. La femme recompose le monde et réunit les contraires : tout l’univers se reflète en elle 

a) le feu 

b) l’eau

II  Une prière amoureuse

1. Un nouveau langage amoureux 

2. Femme précieuse  et fragile

3 Les souffrances de l’amour : la blessure amoureuse  

13. avril 2019 · Commentaires fermés sur Visages du Spleen baudelairien · Catégories: Seconde
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Charles Baudelaire est un poète qui se situe au carrefour de trois courants littéraires importants : le romantisme qui valorise l’expression personnelle des sentiments, appelée également lyrisme personnel ; le Parnasse qui accorde beaucoup d’importance au travail de construction formelle (esthétique formaliste) et qui refuse à la fois l’engament et l’expression des sentiments personnels ; et enfin, le Symbolisme qui tente de faire comprendre et découvrir le sens caché des chose par l’intermédiaire de symboles qui révèle la Vérité cachée sous les apparences . 

Dans son poème intitulé Spleen, Baudelaire peint un paysage mental oppressant caractérisé par un ciel bas et lourd, une sensation d’enfermement provoquée par les nombreuses références à l’emprisonnement : on trouve ,en effet, le champ lexical de la prison mais également des notations plus originales à une sort d’étau spirituel décrit selon l’image  d’une toile d’araignée géante dans le cerveau du poète. Le Spleen prend donc la forme d’une tristesse vague , associée à des sensations désagréables  qui peuvent devenir douloureuses.

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Le poète utilise des animaux nocturnes peu appréciés comme la chauve souris et les araignées et il introduit ces créatures de la nuit au sein d’un paysage angoissant,  sombre et peuplé de cris effrayants;  Les jours y sont noirs comme la nuit, l’homme s’y sent prisonnier  et souffre sous les assauts des cloches furieuses métamorphosées en esprit démoniaques ; ce paysage cauchemardesque est un paysage état d’âme: il traduit les sentiments du poète et rend ainsi concret, palpable , sa détresse morale. apparaître 

Dans d’autres poèmes des Fleurs du Mal, le Spleen peut prendre la forme d’une angoisse mortelle face au Temps qui passe; Ainsi dans l’horloge, l’homme se sent  la cible d’un dieu cruel , prêt à le dévorer et à lui arracher le coeur ; dans L’Ennemi, le poète montre ,sous un jour nouveau, ce combat perdu d’avance entre l’homme et le Temps; le Spleen se nourrit ainsi des pensées morbides du poète, des regret de sa jeunesse envolée et Baudelaire déplore, comme de nombreux artistes avant lui, la fuite  inexorable du temps.

Le Spleen peut également revêtir la forme d’un amour malheureux ou déçu comme dans La mort des amants par exemple .  Il  prend des allures de mélancolie mais avec une forme aiguë et le poète le décline 

Paysage triste, cauchemar, promenade sentimentale, images de mort imminente : le Spleen de Baudelaire imprègne ses créations poétiques . Il peut aussi apparaître comme une sorte de plongée dans des ténèbres,  une chute vertigineuse vers des gouffres amers  et le poète se sent toucher le fond.

 Voici les définitions proposées par Wikipedia 

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Le spleen exprime un état d’asthénie morale qu’expliquent :

  • l’angoisse du temps qui passe,
  • la solitude,
  • la nostalgie,
  • le sentiment d’impuissance,
  • la culpabilité,
  • l’ennui.

Il traduit un profond mal de vivre, qui peut toucher au désespoir. 

Clique ici pour relire le poème ….Spleen : Quand le ciel bas et lourd pèse comme un … – Poésie française

13. avril 2019 · Commentaires fermés sur Les yeux d’Elsa : un paysage au fond des yeux de la femme aimée · Catégories: Seconde
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Louis Aragon  est un poète surréaliste français qui  fait paraître au cours de  la seconde guerre mondiale, durant les année d’occupation, un recueil poétique intitulé “Les yeux d’Elsa” ; les poèmes amoureux sont, pour la plupart ,  dédiés à sa muse, la femme qu’il aime et qui lui donne son inspiration  : la poète et écrivaine Elsa Triolet . Aragon décrit tout au long des dix quatrains d’alexandrins aux rimes embrassées, le paysage  qui se dessine pour lui à travers les yeux de cette femme . Pour comprendre de quel paysage symbolique il est question, nous montrerons dans un premier temps qu’il s’agit d’un paysage changeant avant de révéler que la femme c’est aussi la France et qu’on peut lire véritablement ce poème comme un texte engagé. 

 

Voilà maintenant  un exemple de paragraphe argumenté rédigé 

 Je vais rédiger dans la Partie I la sous partie 1. 

CQFD : Je démontre que la paysage qui apparaît à travers les yeux d’Elsa , la femme aimée, est un paysage changeant 

Le paysage qui apparait à travers les yeux d’Elsa est d’abord un paysage contrasté : il se modifie comme le fait un paysage au gré des saisons ; il reflète les soleils dont il semble absorber la lumière par un effet de miroir (au vers 2) et il est possible de s’y perdre tant il est profond (au vers 4) ; c’est donc un paysage qui s’anime au gré des humeurs de la femme ; tantôt triste lorsque’ une larme y luit (au vers 10 ) , il est ensuite comparé à un beau ciel bleu , à l’azur au vers 9; le ciel et l’océan semblent se confondre pour lui donner des caractéristiques variables; tantôt calme et ensoleillé, lumineux, il devient agité comme un océan troublé . Ces changements sont liés aux état d ‘âme de la femme aimée et pour en rebord compte, Aragon utilise  le symbolisme des éléments naturels qui définissent les  saisons .

Ainsi , le ciel d’après la pluie devient l’élément d’une comparaison avec le bleu des yeux et l’arc en ciel qui accompagne le retour du soleil apparaît sous la forme du “prisme des couleurs” au vers 14. Les  nombreuse références à la pluie laissent penser qu’un malheur s’est abattu sur le paysage : “on dirait que l’averse ouvre des fleurs sauvages” 

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Voilà maintenant  une autre approche du texte qui ressemble davantage à la préparation du commentaire littéraire : il s’agit de repérer certains procédés d’écriture afin de les mettre en relation avec des interprétations . C’est une étape préliminaire à celle de la rédaction du commentaire .

D’abord je repère un procédé d’écriture  : les yeux d’Elsa sont décrits par des métaphores, qui se rapportent à deux éléments :

  1. la couleur 
  •   Le bleu de ses yeux : 
  • – le lac (première strophe) 
  • – le ciel (strophe 2) 
  • – le verre (“le verre n’est jamais si bleu qu’à sa brisure”) 
  • – la lavande (strophe 8)
  • Le bleu fait aussi référence à l’azur (strophe 3), qui symbolise l’idéal inaccessible. En effet, l’azur est la couleur de la mer et du ciel, or il est insaisissable, car lorsqu’on prend Un peu d’eau ou un peu d’air, la couleur n’est pas la même. Ce thème a été très utilisé par les symbolistes, au XVIIIè siècle.

    2. la brillance 

  • – les étoiles, fixes (“des millions d’astres”) ou filantes (strophe 8) 
  • – le radium, qui est un métal blanc brillant radioactif, découvert par Marie Curie en 1898, ce mot vient du latin et signifie “rayon” (la pechblende est l’oxyde d’uranium). 
  • – les pays associés aux richesses (“Pérou… Golconde… Indes”) Golconde est une ville en Inde détruite en 1687, et qui renfermait un fabuleux trésor selon la légende. – le phare (“briller au-dessus de la mer”)
  • Notez bien : Je remarque que  les métaphores portant sur le bleu se situent en majorité dans la première partie, tandis que celles portant sur la brillance se trouvent dans la deuxième.
  • La transition s’effectue par ce vers : 
  • “L’iris troué de noir plus bleu d’être endeuillé” 
  • Le noir appelle le deuil, c’est-à-dire la souffrance de l’occupation. Celle-ci est compensée par la brillance des yeux : c’est l’étoile qui guide.
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 Construire un commentaire littéraire, c’est se montrer attentif aux références présentes dans le textes  Une autre approche possible qu’il est souvent utile de mener en parallèle avec le repérage des métaphores : la présence de références à la religion .

  • Les allusions religieuses : 
  • – le paradis perdu par Adam et Eve : “O paradis cent fois retrouvé reperdu” . Comme le poème est codé, Elsa représente la France, et ce vers fait donc allusion aux multiples guerres, en particulier aux deux Guerres Mondiales qu’il a vécues. 
  • – les rois mage “le miracle des Rois”. L’étoile, qui a guidé les rois mage jusqu’à la crèche, symbolise l’espoir, et l’enfant Jésus représente le sauveur. Elsa pousse l’auteur à écrire, à se battre pour la France. “le manteau de Marie accroché dans la crèche” : Elsa est ici comparée à la mère de  Jésus .”Mère des sept douleurs” est une expression faisant habituellement partie d’une prière adressée à la Vierge, les 7 douleurs allant de l’accouchement de Jésus à la souffrance de le voir crucifié. Ici, la prière est adressée à la France..

 Un commentaire littéraire peut également se construire à partir des repérages de la présence d’un thème ; Dans ce texte, on peut partir de l’hypothèse qu’il est question d’ un poème d’amour :  il peut sembler facile de repérer dans le poème les marques de l’amour mais il est sans doute plus intéressant de montrer que cet amour profond est  à la fois source d’une très grande joie et  en même temps la cause possible de certaines souffrances. 

  • Allusion au thème de l’amour piège : “pris au filet des étoiles filantes” ou “comme un marin qui meurt en mer en plein mois d’août“. Les allitérations soulignent qu’il est empêtré dans cet amour, il en est l’esclave. 
  • Allusion à la muse : “leurs secrets gémeaux” montre, par un jeu de mots, que c’est Elsa qui inspire l’auteur. 

Souvent la présence d’un champ lexical, procédé d’écriture simple à repérer, va vous amener sur des pistes d’interprétation intéressantes ; On observe la présence du champ lexical de la douleur et on en déduit qu’elle a différentes causes. 

 Examinons cette  SOUFFRANCE AMOUREUSE 

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1/ La souffrance du poète

  • Aragon évoque sa souffrance personnelle, par exemple les problèmes conjugaux : “je ne sais si tu mens” “cachent-ils des éclairs” ou “amours violentes “.
  • Aragon et Elsa ont connu des périodes difficiles, notamment à propos de la fidélité d’Elsa. Ces vers montrent qu’il est affecté d’être trompé. Il craint de perdre l’amour d’Elsa.

2/ La souffrance de la guerre

  • La souffrance de la guerre est très présente, comme le montre le champ lexical très fourni : “mourir… désespérés… chagrins… larme… brisure… douleurs… glaives… pleurs… endeuillé… malheur… hélas… accaparé… poignant… meurt… violentes… feu… brûlé… enflammèrent”
  • Un système de symboles à décoder …
  • “A l’ombre des oiseaux” Il s’agit d’une évocation des bombardements par aviation 
  • “les naufrageurs” désigne les nazis. 
  • “l’univers se brisa” évoque le fait que la guerre soit mondiale. 
  • Mai” Il s’agit d’une allusion à mai 1940, et donc à la capitulation française.

3/  Le désespoir dû à l’occupation.

  • taille… brisure… percé… troué… brèche… brisa” évocation de ce qui s’est cassé
  • Soit de façon géographique. En effet, la France est coupée en deux, une zone libre et une zone occupée.
  • Soit de façon chronologique, avec le passage de la liberté à l’occupation. 
  • “Sept glaives ont percé le prisme des couleurs” désigne l’ensemble des douleurs vécues par la France. 
  • La souffrance du poète : Elsa est son inspiratrice, sa source d’écriture. Mais il s’agit d’une écriture tragique : c’est un témoignage de la défaite. Ainsi, le “feu défendu” désigne l’interdiction de parler de la défaite. “Feu” montre qu’il s’agit d’un sujet brûlant.

L’étude des symboles : les différentes valeurs d’Elsa

  •  Elsa en tant que femme est peu présente : on connaît juste son prénom, la couleur de ses cheveux et de ses yeux.
  • Elsa en tant que Muse : “le mois de Mai des mots” ou “gémeaux”. On l’entrevoit aussi dans le rapport qu’Aragon entretient avec le temps : “j’y perds la mémoire”. En voyant les yeux d’Elsa il oublie son époque.
  • Elsa symbole de la France : elle est assimilée à Marie, qui a mis au monde le sauveur. Elle pousse Aragon à sauver la France.
  • Il s’agit donc d’une poésie amoureuse, mais aussi engagée.

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 En conclusion (rédigée ) 

  • Ce poème constitue une preuve d’amour pour Elsa  mais au delà du regard de la femme aimée et du chant amoureux mélancolique, c’est également une complainte adressée à la France et à son peuple qui souffre de l’occupation.  Aragon  a réussi à le publier et à l’écrire pendant la guerre.et cela s’explique par le fait que le poème n’est compréhensible que si on a les clés pour en décrypter la signification symbolique. Ainsi, il est tout à fait probable que certains Allemands n’aient compris  que partiellement ce poème et n’aient voulu y voir qu’un paysage état d’âme . Placé au début du recueil, ce poème, le premier du livre, correspond au dernier du recueil : “Cantique à Elsa”. On y retrouve le thème des yeux cher à Aragon pour exprimer son désir de continuer la lutte : Ce premier poème prépare aussi la conclusion, c’est-à-dire le triple rôle d’Elsa :femme, muse et France, triple rôle donc , qui est synthétisé dans le dernier texte, et même le dernier vers, par “Mon amour n’a qu’un nom”.
13. avril 2019 · Commentaires fermés sur Le paysage état d’âme de Baudelaire · Catégories: Seconde · Tags:
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Le poètes évoquent leurs sentiments personnels soit de manière directe en les nommant ; ils peuvent exprimer leur chagrin , leur joie, leurs peurs . C’est ce qu’on appelle le lyrisme; Les poètes  qui font partie du courant littéraire appelé romantisme , courant qui se situe majoritairement  entre 1820 et 1860, composent des poèmes qui appartient à ce registre lyrique ; Ils y révèlent leur mélancolie et leur sentiment de ne pas se sentir en accord avec le monde dans lequel ils vivent; cette forme de plainte prendra le nom de Mal du siècle. 

Un mouvement littéraire va alors  voir le jour par opposition avec les “sanglots ” romantiques ; il s’agit du Parnasse, un courant au sein duquel les poètes refusent à la fois l’engagement politique  et le lyrisme ; Baudelaire se sent partagé entre ces deux directions dans son oeuvre : on entend chez lui à la fois le désir d'exprimer sa douleur mai également le rejet de la dimension critique de la poésie.

Le recueil des Fleurs du Mal, paru en 1857 révèle l’angoisse du poète qu’il résume par un mot anglais : Spleen . Il désigne à la fois ses pensée morbides, sa peur de la mort et du temps qui passe et sa peur de la solitude . En imaginant des paysages changeants et des décors macabres, il ouvre la voie au Symbolisme qui est un courant littéraire apparu à la fin du dix-neuvième siècle. Ce mouvement cherche à renforcer la musicalité de la poésie et  favorise l’expression indirecte des sentiments; la mélancolie, le Spleen y sont révélés et suggérés  par les objets ,le décor ,  et surtout par les paysages. 

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Dans les cinq quatrains de “Spleen” , Baudelaire imagine un paysage sombre et inquiétant, peuplée de créatures repoussantes  dans lequel l’Angoisse triomphe de l’Espoir  et terrasse le poète . Au lycée, pour construire un commentaire littéraire, on va vous demander de fabriquer un plan en 2 ou 3 parties : ce plan  repose sur les idées essentielles du poème et il  répond à une problématique : quels éléments composent ce paysage poétique ? 

Ce paysage est avant tout la description d’un état d’âme, d’un état moral  : ce thème devient par exemple  le titre de la première partie  qu’on note sous cette forme : 

I La description d’un état moral 

 Le champ lexical de la nature et des éléments naturels est mis en  correspondance avec un état mental : on peut créer deux ou trois sous-parties en identifiant les liens entre le paysage naturel et le paysage intérieur 

1. les éléments naturels : Ciel, Terre, Pluie… étouffent et emprisonner le poète 

2. la présence des sentiments  : Esprit gémissant, crâne douloureux, 

3. les correspondances : le poète établit des liens entre les deux catégories ..araignées au fond du cerveau, 

Ensuite, on démontrera que le Spleen prend différents aspects : tout d’abord, il ressemble à une prison et il transforme le paysage comme sous l’effet d’une hallucination ou d’un cauchemar  .

II Les formes du Spleen

1. les images de l’emprisonnement : cachot, plafonds et murs auxquels on es cogne, cercle 

2. oppression et étouffement : le poète es est pris au piège de ses idées noires 

3. transformations du paysage (mouvant ) ; le paysage évolue au fil du poème 

Le décor traduit en fait la terrible souffrance du poète 

III Un décor qui exprime  la souffrance du poète

1. omniprésence de la souffrance

2. souffrance de plus en plus forte 

3. la défaite finale du poète

A retenir

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Les titres du plan contiennent les idées essentielles ; Le plan peut être reformulé sous la forme de phrases explicatives . Les parties du plan sont parfois interchangeables. Les sous- parties sont mobiles. Le plan est annoncé à la fin de l’introduction au moyen d’une phrase complète. Le plan n’est pas écrit sur la copie  rédigée du commentaire littéraire. 

Maintenant que tu as terminé de lire attentivement ce cours, réponds aux questions du QCM intitulé : Baudelaire et le  Spleen

26. mars 2019 · Commentaires fermés sur Histoire du sonnet · Catégories: Fiches méthode · Tags: ,

Le sonnet est une forme de poésie qui est apparue il y a des siècles et qui continue à inspirer les poètes ..jugez plutôt …

Le sonnet est certainement la forme fixe la plus répandue de la poésie. Les recettes du sonnet varient selon les époques et chaque poète tente d’y ajouter sa touche personnelle

Formé de quatorze vers, à l’origine des décasyllabes, puis surtout des alexandrins, ses vers sont répartis en trois strophes distinctes, deux quatrains suivis d’un sizain, séparé en deux tercets.

Le schéma des rimes du sonnet est lui aussi très codifié : les deux quatrains possèdentdes rimes embrassées, puis le sizain se compose d’un distique et d’un quatrain de rimes croisées. La combinaison originale du sonnet est donc abba abba ccdede.

Cette forme est appelée le « sonnet français »,

De nombreuses variantes ont été inventées par la suite, en particulier dans la disposition des rimes : sonnet dit « élisabéthain » ou « shakespearien »,

Beaucoup de sonnets mettent en valeur le dernier vers avec une formule brillante, et il est appelé le « vers de chute ».

Histoire et évolution du sonnet

Inventé par Pétrarque pour sa muse Laure, il est importé à la Cour du roi de fRance grâce aux échanges avec l’Italie favorisés par François Premier. L’invention et le développement  de l’imprimerie vont favoriser la mode du sonnet qui se répand progressivement  en Europe .

Clément Marot introduit le sonnet en France dès 1539.

Les poètes de la Pléiade comme Du Bellay , et Ronsard publient rapidement des recueils de sonnets inspirés de l’Antiquité ; d’abord réservéau lyrisme amoureux, le sonnet s’ouvre à d’autres thèmes et à d’autres registres mai demeure une moyen privilégié d’explorer les nuances des sentiments .

Durant toute la première moitié du XVIIème siècle, il demeure une forme pratiquée par les poètes baroques tels que Sponde ou Maynard, et ensuite par les poètes classiques comme Malherbe, ou par les Précieux, comme Voiture et Malleville qui apprécient sa concision et sa symétrie .

Dans la seconde moitié du siècle, Boileau le condamne dans son Art poétiquede 1674 : « en vain mille auteurs y pensent arriver », et finit par caractériser le sonnet comme « orgueilleux »

Cette forme poétique tombe alors en désuétude et  sera de moins en moins utilisée jusqu’au romantisme.

Sous l’impulsion des premiers romantiques qui relisent les poètes de la Pléiade, le sonnet revient au premier plan : Gautier, Nerval et Baudelaire en écrivent, suivis par les Parnassiens comme Heredia, puis par Rimbaud, Verlaine et tous les symbolistes, dont Mallarmé. Cependant, le sonnet du XIXème siècle est profondément renouvelé et fait l’objet de nombreuses variations ; il redevient à la mode mais se libère des contraintes formelles de ses origines ;, au siècle suivant, les poètes vont se détourner de cette forme alors jugée trop normative,pour donner  de plus en plus d’importance au vers libre, voire au poème en prose; 

Aujourd’hui des poètes contemporains retrouvent l’envie d’écrire en se servant de cette forme d’autrefois et on peut donc dire que le sonnet continue à inspirer les poètes et donne naissance à de multiples créations

25. mars 2019 · Commentaires fermés sur Ils chantent l’amour ..écoutez-les .. et faites vos choix ! · Catégories: Seconde

Pour qu’une chanson d’amour vous plaise, il faut trouver la bonne alchimie entre paroles, musique, et interprétation. Quelles sont vos chansons d’amour préférés et qu’est-ce qui vous émeut quand vous les écoutez ? 

Les chansons d’amour   font partie du répertoire traditionnel de la chanson française souvent qualifiée de  variétés. La force d’une chanson résulte de la combinaison entre des paroles, un air ou une mélodie et la qualité d’une interprétation qui allie impression vocale et émotion. Les paroliers des chansons comme Pierre Delanoë utilisent les mêmes techniques que les poètes : ils combinent des sons et choisissent des mots et des images évocateurs .

.Mais la chanson peut nous plaire également grâce à la mélodie et le plus souvent, nous sommes sensibles à la  tessiture de la voix de son interprète et à l’émotion qui s’en dégage. Certains chanteurs ont une voix particulièrement agréable et pour certains, on les qualifie de “grande voix de la chanson française;”  Le succès actuel des émissions basées sur les chansons comme The Voice ou auparavant  La Nouvelle Star, montre que la chanson est considérée comme un trait d’union entre les générations qui peuvent ainsi partager des goûts musicaux.  Parmi les plus vieux interprètes de chanson d’amour , citons Jacques Brel avec Ne me quitte pas, Barbara surnommée la dame en noir, Edith Piaf avec l‘Hymne à l’amour, Serge Lama et son célèbre Je suis malade, Johnny Halliday   qui interprète Que je t’aime,  et Michel Sardou avec de nombreux titres comme La maladie d’amour et le scandaleux Je vais t’aimer. 

 Un peu plus proches de nous,  nous pouvons citer Céline Dion, la regrettée Maurane , Patricia Kaas qu’on souvent comparée à Piaf . D’autres auteurs compositeurs interprètes  nous séduisent par la qualité de leur textes : Francis Cabrel , par exemple, écrit souvent des textes très poétiques. Beaucoup de poètes ont été mis en musique comme Aragon par Jean Ferrat ou Georges Brassens. Aujourd’hui , de jeunes auteurs talentueux continuent à nous séduire avec des textes et des mélodies qui évoquent l’amour sou toutes ses formes . A vous de chercher à composer votre classement des 10 chansons d’amour en français  que vous préférez , de les noter sur un quart de feuille et de les défendre devant la classe. Nous élirons ensemble celles qui seront choisies par une majorité d’entre vous .

Alors quand vous lisez un poème, pensez que vous êtes l’interprète d’une mélodie et que la seule musique est celle des mots. Faites confiance à Paul Verlaine et à son célèbre Art Poétique.

De la musique avant toute chose

Et pour cela préfère l’Impair

Plus vague et plus soluble dans l’air

Sans rien en lui qui pèse ou qui pose

25. mars 2019 · Commentaires fermés sur Parlez moi d’amour en poésie: un peu d’histoire littéraire et un parcours guidé au fil des pages de votre manuel de littérature … · Catégories: Seconde

Si au cours des siècles, on a souvent associé la parole poétique à la déclaration amoureuse, il n’en demeure pas moins que chaque époque a su inventer ou réinventer de nouvelles manières de déclarer sa flamme à l’être aimé.  L’Antiquité voit apparaître le lyrisme personnel avec les poètes latin comme Virgile , Horace ou Ovide .Les troubadours  et les trouvères de l’époque médiévale mettent  au point un sytème extrêmement sophistiqué appelé “fin amor” ou amour courtois : il s’agit d’ un art d’aimer composé essentiellement de figures rhétoriques imposées . Guillaume d’Aquitaine, et Charles d’ Orléans, composent des chansons,  des ballades et des rondeaux en lais et en pas encore toujours en rimes . Souvent les troubadours chantent  leurs textes et s’accompagnent d’un instrument ou de musiciens. 

A la Renaissance, le prince des poètes, Pierre de Ronsard multiplie les déclarations enflammées  à ses muses en utilisant une nouvelle forme poétique venue d’Italie , appelée le sonnet. ( 99 à 102 ) Avec ses amis de la Pléiade, et notamment Joachim Du Bellay, ils renouvellent les arts poétiques et la poésie amoureuse en adaptant les modèles de Pétrarque importés de la cour italienne.  Les femmes ne sont pas en reste et Louise Labé célèbre l’amour au féminin et ses tourments avec un poème fondé sur une série d’antithèses ( p 105 ) . Il faudra attendre ensuite le romantisme , mouvement littéraire européen , pour retrouver cette association entre le lyrisme et la poésie.

Les poètes romantiques vont chanter l’amour sous toutes ses formes en faisant la part belle aux amours impossibles et au désespoir de celui qui n’est plus aimé ou mal aimé  . Le poète romantique meurt d’amour et semble aimer sa blessure mortelle .Lamartine dans Le lac déplore la perte de la femme aimée atteinte d’une maladie incurable ( p 290) ; Baudelaire célèbre,  en 1857 dans Les Fleurs du Mal les amours sous plusieurs formes : amours entre femmes , poèmes censurés,   amours exotiques inspirés de sa maîtresse métisse Jeanne Duval   dans Parfum exotique,  amours sensuelles ou mystiques avec La mort des Amants  et va jusqu’à utiliser un cadavre pour parler d’amour dans A une charogne.  Hugo pleure sa fille disparue Léopoldine dans Pauca Meae , une section de son recueil Les Contemplations  paru en 1856 . 

A la fin du siècle, Paul Verlaine fera  entendre la musique singulière de ses vers pour célébrer les souvenirs des amours mortes avec Colloque sentimental ( p 366 )  ou des amours oniriques avec les mystérieuses femmes du poème Mon rêve familier .  Au siècle suivant, les surréalistes composeront des poèmes étranges qu’ils dédicacent à leurs muses réelles ou imaginaires. Breton dans Clair de terre ( p 436 )  et Eluard dans l’Amoureuse ( 438 ) renouvellent les images de la femme aimée.

Pour vous aider à vous y retrouver, voici un parcours de poésie amoureuse composé à partir de votre manuel de français.

Chaque point  de ce parcours sera abordé en cours et   devra être complété par des notes prises à la maison sur  les notions étudiées ; ce travail autonome fera l’objet  prochainement d’un QCM d’évaluation sous la forme d’un I Devoir sur Pronote)

p 26 Sappho et la naissance du lyrisme 

p 50 les topos de la lyrique courtoise

p 76 à 78 la Renaissance 

p 98 pages consacrées à Ronsard

p 105 pour découvrir la poétesse Louise Labbé (texte p 99 ) 

p 136 pour les stances de Théophile de Viau

Ensuite nous étudierons un ou deux poèmes de Baudelaire, de Verlaine et les deux poèmes surréalistes de Breton et Eluard. 

 

25. mars 2019 · Commentaires fermés sur Parlez -moi d’amour..redites moi des choses tendres ..comme le disent les poètes · Catégories: Seconde

La poésie peut être un vecteur merveilleux  des sentiments et souvent, elle est utilisée pour parler d’amour. Lorsqu’il s’agit de déclarer sa flamme ou d’exposer son coeur brisé et mis à nu , les formes poétiques sont appelées à transmettre les nuances les plus subtiles des sentiments : de la passion la plus torride en passant par toutes les facettes de l’amour maternel, filial, fraternel, conjugal. Dès l’Antiquité, l‘ode célèbre à la fois les exploits des héros et la beauté de celle qu’on admire sans oser l’approcher; cette tradition de l’amour courtois se prolongera au Moyen-Age avec la fin ‘amor: les troubadours célèbrent la douleur d’un amour impossible pour la femme de leur suzerain qui les repousse ; à ces complaintes amoureuses s’opposent le ton enjoué des chansons : chansons d’aube, ou de toile accompagnent les travaux d’aiguilles et les jeux des femmes qui rêvent de rencontrer leur prince charmant ; Idylle pastorale et cartes du tendre prennent le relais à l’époque classique : c’est le courant de la préciosité qui habille le sentiment de mots savants. La poésie va se transformer progressivement sous l’effet du mal du  siècle et de l’essor du lyrisme personnel pour devenir l’ amour romantique au dix-neuvième siècle . A chaque époque correspond un langage amoureux plus ou moins universel . Petit tour d’horizon ..;

Parler d’amour n’est pas toujours une chose facile. Quand on s’adresse à la personne aimée, souvent, on cherche ses mots, on a peur d’être maladroit, de ne pas savoir exprimer ses sentiments. Les poètes de tous temps  ont cherché à inventer de nouvelles manières de dévoiler leurs émotions et lorsqu’ils réussissent à nous faire partager ce qu’ils ressentent, alors, la poésie devient le lieu d’un échange .  Nous allons prendre le temps ensemble de réfléchir à la manière dont évolue l’expression du sentiment amoureux à travers les âges et les modes. En effet , quand il s’agit de parler d’amour, les poètes rivalisent d’ingéniosité.

 Et vous ? Comment exprimeriez-vous vos sentiments ?  “J’te kiffe” a-t-il la même valeur qu’un “je t’aime “? “T’es bonne” a -t-il le même sens que” tu es la prunelle de mes yeux ” ? Question de mode ou question de milieu , comment dit-on je t’aime à toutes les époques et dans tous les styles ? A vous de vous lancer à la recherche des secrets du langage de l’amour.. l’objectif va consister à rédiger votre déclaration d’amour à l’être aimé et nous  comparerons les résultats de vos investigations.Pour vous aider à trouver l’inspiration et les mots, et vous donner ensuite des idées, nous allons étudier ensemble comment s’y sont pris certains poètes célèbres pour déclarer leur flamme à la femme ou à l’homme de leur vie .

25. mars 2019 · Commentaires fermés sur Heureux qui comme Ulysse a fait un beau voyage …l’attachement au pays natal . · Catégories: Première

Le premiers vers du sonnet pourrait nous entraîner sur une fausse piste: en effet, l poète ne célèbre pas la joie de voyager mais au contraire, la joie de revenir parmi les siens goûter le véritable bonheur . Parti accompagner le voyage à Rome de son cousin, Du Bellay mesure à quel point la France lui manque. 

Le poète se compare ainsi au célèbre héros grec et souhaiterait retrouver le village angevin qu’il a quitté pour accompagner son oncle à Rome à l’occasion de la nomination de ce dernier au poste de cardinal. Voyons comment le sonnet marque à la fois les regrets du départ  et l’attachement au pays natal .

En fonction des 4 questions posées à l’oral, essayez de détailler, de  combiner et de recomposer les plans suivants afin qu’ils répondent le mieux possible aux attentes de l’examinateur . 

a) en quoi ce poème est-il lyrique ?

b) en quoi ce poème évoque-t-il la mélancolie ?

 c) comment sont exprimés les regrets du poète et de quelle nature sont -il s?

 d) en quoi ce poème peut il être qualifié d’humaniste ?

Examinons tout d’abord deux plans de commentaire littéraire issus de deux sites différents afin de comprendre comment il est possible de les réutiliser pour répondre à la question posée . Sur commentairecompose.fr, voilà le plan proposé ..

 I. Un sonnet pour exprimer la douleur de l’exil

a) lyrisme et complainte

b)un exil douloureux

II La comparaison entre Rome et le village natal

a) une opposition rythmée

b) le contraste entre froideur romaine et douceur angevine

III Un poème qui témoigne d’un projet poétique humaniste

a) valeurs et références humanistes

b) défense de la patrie et de la langue française

Deuxième possibilité : sur le site de l’académie de Versailles : un travail très complet autour de ce poème

 

 

 

 

 

 I  Le poète voyageur

a) le leitmotiv du voyage

b) la figure d’Ulysse

c) une lecture autobiographique

 II Voyage et mélancolie 

a) les procédés de la nostalgie

b) l’évocation des lieux

c) la tonalité élégiaque

III La signification du regret

a) le mythe du voyage

b) un regard Humaniste sur l’Histoire

c) du singulier à l’universel

Quelques éléments qui pourront être utilisés dans l’introduction :

Des éléments biographiques en relation avec le poème :1550-1557 : Du Bellay està Rome pouraccompagnerson cousin, le cardinal Jean du Bellay, à Rome et lui servir de secrétaire. En1553, ilécrit Les Antiquités de Rome, des vers latins et des poèmes d’amour dédiés à une jeune romaine .

Circonstances de la composition des Regrets: on y litl’amertume d’un homme déçu quirêvait de débuter une carrière diplomatique et se retrouve chargé de l’intendance : “Je suis né pour la Muse, on me fait messager.” (sonnet 39). Ilsouffre du mal du pays, regrette l’indépendance et l’inspiration de jadis, la cour et la faveur du roi, les amis notammentRonsard, le foyer, la France, sa province natale. Ildécouvre les “vrais” romains, les distractions, l’hypocrisie, l’ambition, les turpitudes de la ville des cardinaux, leur vie futile et médiocre.

L’oeuvre : Le recueil des Regrets est composé de 191 sonnets publiés en 1558 ; la plupart ont été écrits en Italie . On y retrouve des imitationsde poètes grecs et latins, mais égalementl’expression d’une poésie personnelle ; c’est une sorte de journal de voyage d’une âme douloureuse et sincère, tantôt élégiaque et tantôt satirique. 

Construction du poème :sonnet

1er quatrain : l’aspiration au voyage contraste avec aspiration au retour vers la terre natale (généralité)

2ème quatrain : expression de la nostalgie du poète exilé (cas personnel)

1er et 2ème tercets : comparaison et opposition entre le pays d’exil et le pays natal

Analyse linéaire :Heureux qui !(en latin “Félix qui !”…) exclamation à la manière antique. Du Bellay a d’abord écrit ce sonnet en latin .Son inspiration est antique car l’ humanisme est une période où on redécouvre les oeuvres  des Latins et des Grecs. Le modèle et la source d’inspiration possible seraient les poèmes “Les Tristes”  d’Ovide, écrits à bord du bateau qui l’emmenait vers l’exil sur les bords de la Mer Noire . Le poète y exprime sa nostalgie  et son souhait de revenir.

Ulysse :référence mythologiqueà un voyage de retour long et douloureux en raison de la vengeance de certains Dieux de l’olympe qui avaient soutenu les Troyens contre les Grecs. 

Cestuy-là”: celui-là qui conquit la toison = Jason. C’est la seconde référence à un mythe antique:Jason est un navigateur qui a réussi à rapporter la fabuleuse  toison d’or . Jason vient prolonger la référence aux héros antiques avec Ulysse au premier vers. Le poète rêvait de leur ressembler . 

Le premier quatrain montre  les aspirations  de l’enfant qui rêvait d’être héros et  l’ambition de l’homme jeune  qui voulait faire une carrière diplomatique . Mais la réalité de la situation du poète est différente et cela justifie la présence de deux tons différents 

“Plein d’usage et raison: usage = expérience, mais le mot connoteaussi l’idée d’usure. Ulysse est un homme “plein d’usage et raison”, mais qui a perdu ses illusions ; son expérience a été acquise au prix de souffrances et d’épreuves comme Du Bellay qui se compareà lui (comme..)

Quand reverrai-je, hélas...” : soupir, cri du cœur. L’interjectionhélas!” est le maître mot de l’élégie.Elle se caractérise par une nostalgie douloureuse et révèle lebonheur perdu.”Reverrai-je” : le verbe est au futur pour montrer l’espoir du retour et les incertitudes qui l’accompagnent.

Fumer la cheminée”:Icicheminée est une métonymiepour désigner la maison ; Les mots mis en rejets (“Fumer”, “Reverrai-je”) prennent un relief particulier.

Leclos désigne le jardin, l’enclos ; noter l’opposition entre “ma pauvre maison” et “qui m’est une province (c’est-à-dire un royaume), ainsi quel’hyperbolebeaucoup davantage“. Le mot “clos” est peut-être la “clé” de ce poème fondé sur l’opposition entre l’ouverture(la jeunesse, le voyage, la mer, Rome…) et la clôture(l’âge mûr, les parents, la maison…), opposition que l’on retrouveexpriméedans la pointe du sonnetEt plus que l’air marin la douceur angevine.

La” cheminéeest égalementun mot qui renvoie allusivementà la notion de   foyer , defamille,  les parents.Le foyer est étymologiquementle lieu où brûle un feu et particulièrement l’âtre de la cheminée. Le foyer ou “feu” était l’unité dans le décompte de la population des villages tenu par le clergé, à partir des cheminées des bâtisses ( on estimait environ 10 personnes par foyer).La cheminée qui fume est lamétaphoredubonheur perdu ;la fumée étant signe de présence vivante ; La vision de “la” cheminée qui fume est l’anticipation du moment magique  qui précède les retrouvailles, riche de tous les souvenirs familiers.

Vivre entre ses parents le reste de son âge” :  Ils’agit ici d’une projection d’un nouveau bonheur à venir qui découlerait des retrouvailles avec les siens. 

2ème quatrain : comme le veut la tradition ,le poète aborde ici une dimension plus personnelle.

Plus me plaît”.”Plus que le marbre”…”Plus mon Loire gaulois...” (prononcer “Loi-re” :(en latin le nom de fleuve est masculin et ici le poète a conservé cet usage)”Plus mon petit Liré…””Et plusque l’air marin…”L’anaphore de “plus” au début desvers permet de créer une série d’oppositions  avec un effet rhétorique de répétition et de symétrie.Remarquer que dans le deuxième et le dernier vers, qui constitue la “pointe” du sonnet,  la structure symétrique est inversée, ce qui rompt la monotonie du procédé.

 La périphrasele séjour qu’ont bâti mes aïeux n’est pas une simple reprise analogique, de “pauvremaison” ; elle importe une information supplémentaire, l’idée de patrie et peut-être aussi la revendication orgueilleuse de l’appartenance à une “lignée” ; la “maison” de du Bellay était prestigieuse ;Il est en effet issu d’une noble lignée mais appauvrie par des revers de fortune.

Noter le caractère majestueux de ce vers de “Que des palais romains le front audacieux,” avec l’inversionsyntaxique : le complément de détermination est antéposé au groupe nominal et ladiérèse (dissociation des éléments d’une diphtongue) : “au-da-ci-eux” = 4 syllabes)

“Tibre latin”, “mont Palatin” : ces lieux sont en ruines au XVIème siècle, mais demeurent des noms prestigieux liés à des souvenirs antiques.Les adjectifs possessifs “mon” Loire, “mon” petit Liré  sont opposés aux déterminants définis “le” Tibre,  le Mont palatin. Ils ont une valeur “hypocoristiques”qui expriment la tendresse, l’affection et personnalisent les choses. Le poète évoque les lieux de son enfance comme des personnes aimées.

Et plus que l’air marin…” : Rome est située à 20 kilomètres de la mer, et le vers renvoie ainsi au premier quatrain, aux périples d’Ulysse et de Jason, qui sont tous deux des marins célèbres : le premier pour avoir su résister aux sirènes et le second pour avoir ramené l’équipage de l’Argos.

L’adjectif “marin”qui évoque l’air iodé et salé, au goût désagréable est opposé à “douceur”


 

Ledernier vers Et plus que l’air marin la douceur angevine”renvoie au premier : “Heureux quicomme Ulysse a fait un beau voyage” ; on peut parler de “bouclage”(fermeture) ; il s’agit aussi d’une “clausule” (dernier vers d’une strophe, d’un poème). Techniquement la clausule est définie dans l’artoratoire comme une  une structure rythmique dont la nature est d’arrêter l’élan de la phrase .Ce dernier vers contient également des images ;on imagine l’Anjou avecses maisons de craie, ses toits d’ardoise, ses étangs, les beaux arbres, un paysage légèrement vallonné, couvert de champs et de vignes (le vin d’Anjou), une nature paisible. De nos jours d’ailleurs, l’expression douceur angevine”reste associée à une atmosphère douce et vaporeuse, une certaine qualité de lumière.C‘est la “pointe” du sonnet qui se termine par un tableau qui lance l’imagination vers l’infini.

En conclusion , loin de condamner l’idée même de voyage, le poète illustre plutôt l’idée toujours actuelle que les voyages forment la jeunesse et nous permettent de mieux apprécier ce que nous avions sous les yeux sans parfois nous en rendre compte. Le poète a pu mesurer, grâce au déracinement, la valeur de son attachement à son foyer : il lui tarde de retrouver les siens et le sol qui l’ a vu naître.