24. mars 2019 · Commentaires fermés sur Poésie et Irlande: bref aperçu de la poésie gaélique · Catégories: Première

L’Irlande est très fière de ses poètes et te de son histoire littéraire et aujourd’hui encore , la parole et l’écriture poétique demeurent présentes. Les documents d’accompagnement de votre séquence consacrée au roman Retour à Killybegs sont extraits d’un recueil de poésies intitulé ” voix irlandaises ” . Des femmes poètes y écrivent leur relation avec leur pays . Elles se nomment Breda Sullivan, Maureen Martella, Linda Anderson  ou écrivent parfois anonymement . Chacune à sa manière , elles célèbrent l’Irlande , ses beautés et ses drames . Avant d’évoquer ces poèmes , un petit aperçu de l’ histoire de la poésie en Irlande ..

Voyage dans un fauteuil composé de 5 tercets de vers irréguliers évoque avec tendresse, dans un registre intimiste , une aïeule qui n’a jamais vu la mer ; le poème, avec des mots simples , souligne ainsi la ruralité de ce pays et l’amour de ces petits entants pour leur Grand-Mère qui déposent l’océan à ses pieds comme un  dernier cadeau . Le poème de Maureen Sullivan évoque la condition féminine avec humour et s’efforce de briser des stéréotypes ; l'auteur y fait parler une jeune femme qui brosse un portrait idéalisé de l'épouse parfaite "traditionnelle"  du point de vue d'un homme irlandais : bonne ménagère, docile, , qui rend hommage à son homme , le valorise; lui lave les pieds et lui cire se chaussures  et se tient toujours à sa disposition, offerte avec un grand sourire .  La chute comique du poème vient détruire cette image et nous révèle que la poétesse ne partage pas du tout cette vision de la condition féminine; elle dénonce ainsi de manière plaisante le machisme de certains irlandais. Le poème est construit avec 5 quatrains et les vers varient entre l’octosyllabe et le décasyllabe.L’absence de rime est liée à la traduction

Le long poème intitulé Motif brode l’histoire d’une relation mère/fille en revenant sur des souvenirs d’enfance; Le lyrisme personnel dessine le portrait d’une mère irlandaise qui a connu la pauvreté et sa fille lui rend hommage à travers cette poésie de forme libre où on aperçoit néanmoins quelques quatrains . Ce poème peut également être considéré comme une sorte d’éloge funèbre car la mère y est célébrée à titre posthume (  elle est morte ) ; On y décèle également un ton nostalgique : la poétesse exprime des regrets car leur relation était devenue difficile . A travers le souvenir de la confection d’une robe et des tâches ménagères que sa mère effectuait inlassablement, elle brosse le portrait de toutes les mères irlandaises que “l ‘histoire a mise(s) à genoux ” : élèves une famille nombreuse (nichée ) avec peu d’argent (recoudre les anciens habits ) ; elle choisit le tissu d’une de se anciennes robes pour fabriquer à sa fille qui retourne à l’école  sa tenue du rentrée et pour cette dernière ce vêtement symbolise sa pauvreté Pour moi elle signifiait pauvreté, “stigmate des vieux habits ” .  

Dans un registre dramatique, Linda Anderson nous fait partager une autre image de l’Irlande : celle de la violence d’un viol commise sur une femme dont le cadavre est découvert par une ronde policière ” visage contre terre, inerte dans un fossé, ” La poétesse évoqué des détails réalistes de l’Irlande du Nord avec des noms comme Belfast ou Long Kesh, la prison où sont détenus les membres de l’IRA et souligne l’indifférence des passants avec leurs “ visages de pierre ” confrontés à ces scènes . La violence entre les deux communautés catholiques et protestantes,  est suggérée notamment à travers des images comme “ barrée par des barbelés, voisins meurtriers “. La ville de Belfast est personnifiée et semble elle aussi souffrir de ces exactions qui la défigurent ; La poétesse montre ainsi que cette violence est pour beaucoup de gens attachée à l’image qu’on peut se faire de ce pays endeuillé par de longues années de guerres .Le modèle métrique du poème combine les  différents types de strophes : huitain, neuvain, deux sizains et un quintil; 

Ile reprend la forme traditionnelle du blason héritée de l’Antiquité et modernisée au Moyen-Age ; Le pays s’y confond avec le corps de l’ être aimé dans un système d’analogies qui débute dès le premier vers avec la parataxe: ton corps , une île; Le corps de l'être aimé est ainsi le lieu où l'on se réfugie  et où l'on se sent à l'abri , le lieu idéal, le locus amoenus des Anciens qui reproduit sur terre l’image du Paradis, du jardin d’Eden.   ; Les beautés et les bienfaits de la nature sont ainsi directement associés à des parties du corps : les tempes deviennent des puits d’eau fraîche, les yeux des lacs de montagne; Le poète rend ainsi un double hommage , à la fois à la beauté de l’aimée et à la beauté du pays ; L’amour pour l’Irlande et ses beautés naturelles se confond ici avec le désir amoureux ; La dernière strophe évoque un embarquement pour cette île magique qui peut se lire comme une union avec le corps aimé rejoint  ”  : dans tes champs verts, comme une île ” . 

La vierge de Granard parle est formé de strophes irrégulières aux vers libres et se fonde sur les contemplations et les observations, teintées de regrets  d’une statue de pierre qui désire s’incarner en femme véritable et se faire renverser sur un “lit de miel ” . La poétesse déplore l’existence de ce conflit meurtrier en Irlande qui oppose catholiques et protestants  et le champ lexical de la guerre contamine la Nature elle-même où les arbres gambadent à l’agonie : le cycle symbolique des saisons est utilisé pour matérialiser les transformations du pays : le froid glacial de novembre balaie la frontière mais lorsque les conflits s’apaisent, la Nature redevient bienfaitrice avec les odeurs des arbustes en fleurs et l’été qui appelle à l’amour : les cérémonies du calendrier religieux rythment le temps  qui paraît immuable ; la communion, le mariage et l’enterrement en automne ; la vie humaine semble dérisoire et “la mort n’est qu’une récolte de plus dans le théâtre des saisons ” ; Nous retrouvons deux grands thèmes de la poésie universelle  : la fuite du temps , l’impossibilité d’échapper à sa finitude ainsi que l’idée que le monde est un théâtre au sein duquel l’homme est en représentation un court instant ; Ces topoi sont connus sous le nom latin  de tempus fugit  ( Rossard le matérialise par la devise Carpe Diem ..profitons du jours présent  ) et de theatrum lundi (mouvement baroque ) . 

Chacun de ses poèmes évoque donc un aspect de l’Irlande et des Irlandais : la tendresse maternelle , l’image de la femme , l ‘attachement aux beautés de cette île  et les conflits  meurtriers entre catholiques et protestants qui endeuillent cette terre . Le poètes peuvent célébrer leur attachement à leur terre natale avec le registre du lyrisme personnel ( des souvenirs d’enfance teintés de nostalgie, la maison natale, les plaintes de l‘exilé volontaire ou contraint comme Hugo dans Les Châtiments , Du Bellay dans Les Regrets  ou adopter , dans des poèmes engagés la position d’un porte-paroles d’une collectivité ou d’un peuple pour déclarer leur amour à leur pays attaqué ou à leur Patrie en danger . ( Aragon dans Je vous salue Ma France

05. mars 2019 · Commentaires fermés sur S’engager dans une dissertation : autour de l’efficacité d’une argumentation · Catégories: Fiches méthode · Tags: ,

Une dissertation réussie se base sur une analyse complète du sujet donné :

Etape 1 : définir le sujet

Les mots importants sont « expérience vécue » et « force d’une argumentation » 

« expérience vécue » renvoie à des récits de vie ou de tranches de vie, donc à des passages narratifs ; cela peut donc faire référence à l’autobiographie (s’il s’agit de la vie vécue par l’auteur), mais aussi aux apologues qui exposent une situation qui va servir de base à une morale et à tout genre qui comporte une histoire . Il peut donc s’agir de « l’expérience vécue » par l’auteur, par des personnes ayant réellement existé ou par des personnages fictifs ;

L’expression « force d’une argumentation » renvoie à l’efficacité pour argumenter. Cela revient à se demander ce qui pour un lecteur a le plus d’efficacité . La question que vous devez vous poser et qui est une reformulation du sujet est la suivante :  Le recours à l’expérience est-il un moyen efficace pour soutenir une thèse/des idées ?

Lorsque vous la trouvez dans l’énoncé d’un sujet : l’expression « Dans quelle mesure » suggère de chercher pourquoi l’expérience vécue est efficace, donc d’analyser ses atouts et avantages. Mais vous devez aussi vous demander si elle ne présente pas des limites, des inconvénients, ou si elle est suffisante pour appuyer une thèse. 

Etape 2 : Chercher des idées

Mettez la question posée par le sujet en relation avec les grands thèmes de la question de l’homme dans la littérature argumentative : s’interroger sur l’homme, c’est prendre en compte ses divers aspects en tant qu’individu (corps, sensibilité, esprit, conscience), mais aussi en tant que membre d’un groupe social (famille, milieu et mœurs, travail, nation, et aborder les questions d’ordre social, politique, scientifique, éthique, religieux (valeurs qui doivent guider la vie : bonheur, pouvoir, liberté…).

Pour trouver des idées et construire le plan, répertoriez les types d’expériences vécues rapportées dans les textes argumentatifs que vous connaissez. Vous partez alors d’illustrations concrètes qui seront développées dans la rédaction de votre dissertation. Ce type de plan est appelé raisonnement par induction.

Les exemples : en partant du corpus, faites la liste des textes que vous connaissez qui comportent le récit d’expériences vécues, réelles (biographie, autobiographie) ou fictives présentées comme réelles, dans les apologues (fables, contes, notamment contes philosophiques), mais aussi dans les romans (Hugo, Les Misérables ; Zola, Germinal ; Camus, La Peste…). Rangez ensuite ces illustrations selon leur efficacité argumentative ( du plus convaincant au moins convaincant par exemple) 

Au moment de rédiger, pour éviter la répétition de l’expression « expérience vécue » mais aussi pour trouver des idées, faites-vous un « stock » de mots du champ lexical qui s’y rapporte : exemples personnels, tranche de vie, parcours, (le) vécu, (l’)histoire, expérimentations…

Soyez attentif à la bonne construction de vos paragraphes. Un paragraphe de dissertation n’est complet que s’il comporte trois composantes indispensables : l’argument avancél’exemple qui l’illustre et le commentaire de cet exemple. La longueur moyenne d’un paragraphe est d’une dizaine de lignes.

Vous devez développer l’exemple en mettant en valeur les détails concrets qui appuient l’argument. Attention ! Il ne faut pas raconter toute l’œuvre, mais faire des commentaires directement reliés à l’argument à démontrer.

Etape 3 : rédiger 

Introduire le sujet (la citation est souvent un moyen élégant d’entrée en matière ..pensez-y 

La pensée naît d’événements de l’expérience vécue et elle doit leur demeurer liée comme aux seuls guides propres à l’orienter », écrit la philosophe Hannah Arendt. Une telle affirmation confère à l’expérimentation un rôle primordial dans la formation de notre pensée et suggère que le récit d’expériences – réelles ou fictives – est un moyen argumentatif infaillible pour forcer l’adhésion d’autrui. Mais n’est-ce pas une position un peu extrême ? Certes, il faut accorder dans sa réflexion une place à l’expérience vécue . Cependant son efficacité présente des limites – voire des dangers – et requiert des précautions ; il convient d’en user avec discernement et de lui garder sa juste place dans l’argumentation .

I. L’efficacité argumentative de l’expérience vécue

Une argumentation est d’autant plus forte dans son expression, d’autant plus persuasive, d’autant plus vivante qu’elle se nourrit de l’expérience vécue par celui qui la conçoit et la compose, mais aussi vécue par d’autres auxquels il peut faire référence.

1. Une argumentation concrète, détaillée et incarnée

L’argumentation inspirée et illustrée par une expérience vécue, personnelle ou non, est concrètesouvent détaillée. Ainsi, Le Dernier Jour d’un condamné, de Hugo, qui retrace les derniers moments d’un homme qui va être guillotiné, permet au lecteur de partager, au fur et à mesure que les heures s’écoulent, les émotions, les sentiments et les réflexions du futur supplicié, prises sur le vif, bien plus qu’un traité ou un essai théoriques sur la peine de mort.

Les idées sont alors incarnées et prennent un relief saisissant. L’expérience vécue donne corps à des abstractions en les incarnant. Les idées « en action » – les allégories animales de La Fontaine, comme le Loup dans « Le Loup et le Chien » (qui représente le choix de la liberté face à la soumission, mais aussi l’acceptation de la pauvreté et de la précarité), oul’expérience de mineur de Lantier, symbole de la révolution – sont concrètement perçues et les arguments des personnages touchent le lecteur comme s’il s’agissait de véritables témoignages authentiques.

2. Force de l’authenticité, force de l’identification

L’efficacité de l’expérience vécue tient aussi à l’authenticité, à la véracité qu’elle confère à l’argumentation. Ainsi, dans les Mémoires de guerre, les idées politiques de De Gaulle s’enrichissent d’un vécu profondément enraciné dans la réalité : il parle en connaissance de cause de la Libération, des forces antagonistes, pour en avoir été non seulement un témoin, mais aussi un acteur de premier plan. Qui peut mieux connaître les rouages de la politique de ces années mouvementées ? De là vient aussi l’efficacité des romans d’apprentissage, tels que Le Rouge et le Noir, de Stendhal. Le lecteur s’identifie au héros at apprend à travers les expériences de ce dernier .

L’exemple – personnel ou fictif – peut aussi susciter la sympathie ou l’identification avec le locuteur ou avec le personnage(s) dont l’expérience est rapportée : le lecteur vibre avec émotion au gré de ce qui arrive aux êtres dont il suit l’itinéraire et auxquels il s’attache. ……… comme dans …..

Ainsi, le lecteur qui s’identifie à un personnage adhère à sa conception du monde ou au contraire la rejette ; il subit inconsciemment l’ influence de ce modèle.……

3. La variété apportée par l’expérience vécue

Le recours à l’expérience vécue permet aussi la variété, comme en témoigne la multitude des genres littéraires qui reposent sur un récit : apologues (qui se diversifient en fable, conte…) ou romans. 

Parfois même, à l’intérieur de genres plus austères – l’essai, le traité… –, un auteur introduit des passages narratifs qui agrémentent une argumentation théorique qui serait trop abstraite. Ainsi, dans son article « Torture » du Dictionnaire philosophique,Voltaire introduit l’histoire véridique du jeune chevalier de La Barre, torturé pour avoir « chanté des chansons impies ».

Le recours à l’expérience vécue permet de varier les types de personnages : les bons et les méchants s’opposent (Jean Valjean et Javert dans Les Misérables), mais aussi les registres : lyrisme d’« Ultima verba », le poème de Hugo ; La Peste de Camus, tantôt lyrique, tantôt pathétique avec le récit de la mort de l’enfant.

4. Chacun porte en soi « la forme entière de l’humaine condition »

L’expérience vécue peut, en outre, inspirer des idées plus larges, voire universelles. Comme le dit Montaigne : « Qui se connaît, connaît aussi les autres, car chaque homme porte la forme entière de l’humaine condition. » Ainsi, parler de soi, c’est aussi parler de l’ensemble des hommes dès lors qu’il est question de la condition humaine, de ses joies, de ses peines.

Lorsque Hugo affirme : « Quand je vous parle de moi, je vous parle de vous […] Ah ! insensé qui crois que je ne suis pas toi » (préface des Contemplations), il donne à son cas particulier une portée universelle. De même, l’expérience personnelle de Primo Levi dans les camps de concentration racontée dans Si c’est un homme (1947) renvoie l’image de tous les déportés et prend une portée morale en présentant aux hommes l’image de leur propre cruauté.

5. L’efficacité du raisonnement inductif

Enfin, le récit de l’expérience vécue amène le lecteur – qui doit tirer ses propres conclusions de l’exemple proposé – à une démarche inductive. Le cheminement de la réflexion va de l’exemple à la généralisation, du concret à l’abstrait. L’auteur joue ainsi de la force et de la vertu de l’exemple. La fiction parle à l’imagination avant de parler à l’esprit.

Une telle démarche requiert un lecteur actif qui doit réfléchir pour tirer de l’expérience vécue des conclusions et en trouver les implications dans son propre monde. Ainsi, à partir du récit que fait Montaigne dans ses Essais de sa rencontre avec des « sauvages » venus à Rouen, le lecteur doit discerner la critique sociale et politique implicite des sociétés dites civilisées et l’image du roi idéal selon l’auteur.

II. Limites et conditions de l’efficacité de l’expérience vécue

Cependant, l’efficacité de l’expérience vécue présente des limites et doit obéir à certaines conditions.

1. Une seule expérience ne saurait amener à une loi

Au-delà de l’aspect affectif, le recours à l’expérience vécue peut pêcher par ses failles logiques. Ainsi, dans les sciences expérimentales, une expérience ne suffit pas à confirmer une loi ; pour cela, il faut que de multiples expériences dans des conditions identiques aboutissent au même résultat.

De la même façon, une histoire vécue n’est qu’un cas particulier qui dépend du contexte dans lequel elle se déroule et qui ne saurait aboutir immanquablement à une vérité générale.

2. La nécessité d’un regard objectif sur son expérience

Pour convaincre, l’argumentation, en tant que développement d’une pensée abstraite, d’idées qui atteignent un degré suffisant de généralité, doit dépasser tout point de vue étroitement partisan, souvent formé par une expérience de la vie nécessairement limitée et contingente. Pour mener une argumentation efficace, il faut savoir prendre le recul nécessaire et gommer toute subjectivité excessive, volontairement ou involontairement déformante.

3. Les dangers de la persuasion : un lecteur sous influence

Parce que l’expérience vécue s’adresse davantage à l’imagination et à l’affectivité qu’à la raison, elle est plus propre à persuader qu’à convaincre et de ce fait présente des dangers. Ainsi, la sympathie (au sens étymologique) du lecteur, son identification avec le personnage dont est rapportée l’expérience peut être si forte qu’elle l’investit complètement. Le lecteur qui s’identifie ainsi à un personnage adhère à sa conception du monde ; il subit inconsciemment l’influence de ce modèle, qui peut, par un raisonnement spécieux, présenter comme une vérité générale sa propre expérience.

Il faut savoir lutter contre les séductions du récit, lequel peut prendre des voies détournées pour abuser et influencer : combien de lecteurs se sont laissé séduire par Mein Kampf et ses raisonnements spécieux ? 

La dernière partie de la dissertation (pour ceux qui souhaitent établir un plan en trois parties) propose alors une sorte de synthèse qui repose sur le mélange des récits avec des arguments fondés sur un raisonnement dans des genres hybrides comme le conte philosophique, qui allie la dimension séductrice de la narration avec le choix plus sérieux des thèmes abordés. On pourrait aussi évoquer la morale des fables qui illustre implicitement souvent les enseignements à tirer de l’apologue. On peut aussi envisager l’idée selon laquelle les expériences d’un homme sont assez limitées alors que l’imagination artistique permet de les multiplier et ainsi de les rendre plus enrichissantes . 

 

04. mars 2019 · Commentaires fermés sur Tyrone Meehan : un héros et un traître · Catégories: Première

Inspiré de faits réels, le roman de Sorj Chalandon retrace  l’histoire douloureuse d’une trahison ;  Tyrone Meehan activiste irlandais, membre de l’ IRA dès l’âge de 18 ans, va peu à peu accepter de livrer des renseignements aux services de contre-espionnage britannique en échange de leur silence dans sa participation à un crime. Installé à la place  du personnage principal de ce récit à la première personne  , le lecteur est emporté malgré lui, dans les tourments du héros et découvre le traître de l’intérieur. Néanmoins, l’auteur ménage, çà et   là ,des zones d’ombre et diffère la révélation de la cause principale de la trahison   comme pour nous signifier qu’on ne sait jamais vraiment pourquoi on peut être amené à trahir les siens, son pays et ses idéaux. L’écrivain permet ainsi au lecteur de se mettre, provisoirement , dans la peau d’un traître , au demeurant fort sympathique . Découvrons ensemble qui est vraiment Tyrone Meehan et comment il est construit …

 Le prologue  rédigé la veille de Noël 2006 , quelques mois avant l’assassinat du héros dans son cottage de Killybegs , parait une tentative de justification ; Le personnage a l'intention de “dire la vérité ” et le premier chapitre s’ouvre sur une plongée dans ses souvenirs d’enfance . Enfant battu et rudoyé par un père au double visage : à la fois  patriote et conteur d’histoires mais également alcoolique violent et rongé par l’amertume te le sentiment de défaite ; Soldat du Donegal, volunteer de l’IRA, Patraig Meehan, le père de Tyrone est sur le point d’abandonner sa famille pour aller combattre en Espagne en 1936 contre les troupes du général Franco, dans les rangs des Brigades internationales . Mais il restera pour subvenir aux besoins de sa famille; Homme brisé,  rapidement surnommé “bastard” par les habitants du village de Killybegs , il représente pour son fils, le modèle de l’homme qui a sacrifié sa vie pour son pays. Sa mort “lesté de sa terre ”  , plonge la famille Meehan dans la misère et les oblige à déménager.

.  (2-) A la suite d’une agression contre Kevin, le petit frère de Tyrone, la famille accepte l’hospitalité de l’oncle maternel et part vivre à Belfast dans le ghetto catholique de Cliftonville. Tyrone est alors âgé de 16 ans et il fait   rapidement la connaissance de sa voisine Sheila Costello qui deviendra sa femme et qui, dès leur premier rencontre, le surnomme affectueusement “weeman”. (petit homme – ) parce qu’elle est un peu plus grande  que lui.   Après un bombardement allemand, Tyrone contemple son premier mort et ce jour là , le 16 avril 1941,  il décide qu’il n’est plus un enfant et qu’il est , à son tour , prêt à se battre.

<p style="text-align: justify;">3 ; Le roman oscille entre récit de la vie de Tyrone et écriture de ses souvenirs à Killybegs , une ville de l’Irlande du Sud ; Tyrone a décidé de ne pas se cacher car il sait qu’ils viendront un jour le tuer . Il évoque ses souvenirs tout en caressant le sliotar usé, cadeau de Tom Williams 60 ans plus tôt .

4. A Belfast, la vie est devenue difficile pour la famille de Tyrone : le drame vécu par son oncle Lawrence l’a rendu silencieux mais en avril 42, quand la maison est incendiée par des loyalistes , il décide de mettre sa famille à l’abri dans Dholpur Lane, un ghetto protégé par l’IRA. Tyrone rencontre alors Tom Williams âgé de 19 ans et déjà lieutenant ; Pour Tyrone et les siens, l’IRA représente une protection et il rejoint quatre jours tard les Na Fianna, les scouts de l’armée républicaine. Il es lie d’amitié avec Danny Finley dont le frère jumeau Declan a été battu à mort par des jeunes protestants à Short Strand. Leur insulte préférée contre les catholiques  est Taig :  “saleté de papiste ” . Tyrone participe à sa première opération de guet en février 1942 et c’est à cette occasion que Tom Williams lui donne le sliotar qu’il gardera précieusement toutes ces années . Au cours d’une  autre opération , alors qu’il porte sur lui une arme chargée , il se surprend à sourire à une jeune soldat anglais et a honte de ce qu’il ressent alors ” cette preuve d’humanité m’a longtemps poursuivi . Et dérangé longtemps. Sous ce casque de guerre, il ne pouvait pas y avoir un homme mais seulement un barbare. Penser le contraire, c’était faiblir, trahir. Mon père me l’avait enseigné. Tom me le répétait.“( p 71) A

A Killybegs, , Tyrone tente de survivre ; Il rencontre le père Gibney qui l’informe de la visite prochaine de Joshe, Joseph Byrne, devenu franciscain et qui a combattu avec Tyrone . 

Après la mort de son oncle , tué par sa chute d’un toit en mars 1942, Tyrone poursuit son engagement au sein de l’IRA et participe à la marge des Fianna en avril 42 pour commémorer l’insurrection de Pâques 1916. Mais ce jour là, Tom Williams est arrêté pour avoir ouvert le feu sur une patrouille de police et tué un policier catholique qui portait l’uniforme anglais . Il est exécuté par pendaison en septembre 42 ; Il a 19 ans . Très vite, le quartier s’enflamme ; Sean et Tyrone sont arrêtés par les B Specials et emprisonnés à Crumlin. Tyrone réalise alors que sa vie “suffoquerait entre ces murs captifs et sa rue barbelée. “J’entrerais, je sortirais jusqu’à mon dernier souffle. Mains libres,entravées, libérées de nouveau pour porter un fusil en attendant les chaînes .” (p 105) . Le jour de ses 18 ans, il prête serment en prison à l’IRA. Il sera libéré en 1945 seulement. Et il constate alors que leur guerre à eux n’est pas finie. ” enfants de ce désastre; Pas vaincus mais désemparés. Les seuls en Europe à ne pas avoir de drapeau vainqueur à accrocher à nos fenêtres. ” (110) 

Après l’attaque d’un poste de police sur la   frontière, Tyrone est arrêté et emprisonné pour la seconde fois :  il a 32 ans et retrouve son frère Seanna en prison. Ce dernier souhaite émigrer et ne veut pas sacrifier sa vie pour son pays (texte 2 ) . Tyrone sera libéré en 1960 et à sa sortie du prison, il épouse Sheila qui lui donnera un fils unique: Jack.  En 1969, au cours d’une attaque de police contre des manifestants qui revendiquent l’égalité des droits civiques entre catholiques et protestants , Tyrone tue accidentellement Danny Finley ( p 134 ) La famille de Tyrone quitte Dholpur Lane pour aller vivre à Drogheda. Tyrone lors de l’enterrement de Danny est célébré comme un héros . Un an plus tard, il est hanté par le souvenir de la mort de Danny. En 1979, Jake est emprisonné pour la mort d’un policier et passera 20 ans en prison . 

Deux visites douloureuses sont racontées en marge de la reconstitution de la vie du Tyrone : celle du père Joseph Byrbe ( chapitre 9 ) et celle de son fils à Killybegs ( (chap 11) ; 

En 1979, dénoncé par un habitant du quartier pour avoir frappé un dealer , Tyrone retourne en prison pour 15 mois ; Il a alors 54 ans et découvre que 300 irlandais vivent nus dans leurs excréments car on leur refuse le statut de prisonnier de guerre. Il est libéré le 7 janvier 1981 au moment où Bobby Sands commence sa grève de la faim . Le lendemain l’armée vient l’arrêter et il est emmené dans les locaux du contre-espionnage où on lui montre les douilles qui ont été retrouvées le jour où Danny Finley a été tué. Tyrone est soumis à un chantage : soit il collabore, soit la vérité est révélée. Il choisit alors de trahir l’rlande et de demeurer un héros aux yeux de tous.  Trahit-il pour sauver sa réputation ? C’est en partie ce que suggère le roman. 

Lors de leur voyage à Paris en avril 1981, Sheila et Tyrone sont accompagnés de deux agents du Mi 5 et, comme pour vaincre ses dernières réticences, ils lui font la promesse que sa trahison “n’entraînera ni arrestation ni victime. Tes informations serviront à sauver des vies pas à en gâcher d’autres”. ( 196 ) Les noms de code des agents sont issus de l’opéra Arabella ; Tyrone est Ténor et Walder son interlocuteur, un policier assisté de Dominik . A Paris, Tyrone rencontrera Honoré.  

Le chapitre 15 raconte repassage d’un journaliste qui réussit à dérober quelques images de Tyrone devant son cottage: désormais on lui refuse l’accès au pub et sa solitude est complète. Sheila vient le rejoindre pour le réveillon et lui avoue son désarroi. 

En 1981 , Tyrone participe aux préparatifs de l’assassinat de Popeye, un gardien de la prison de Long Kesh. Il s’assure tout d’abord que ce dernier avait bien donné aux parents de Aidan , son codétenu , la lettre de leur fils.  Il décide alors d’aller avertir le gardien en personne. ( 226) et il se fait sermonner par le MI 5 qui réussit à lui faire avouer que Devlin a pour nom de code Mickey; En partant , ils lui donnent de l’argent pour le taxi , sa rémunération dérisoire de traître. ( p 232 ) Il décide immédiatemment de dépenser les 30 livres dans les bars de la ville en tournées . (texte 3 ) 

L’ivresse devient pour le héros un moyen d’oublier qu’il trahit ; A la fois salaud et chic type selon Walder, il donne des renseignements sans intérêt aux anglais afin de sauver Mickey mais découvre que Walder en sait déjà bien plus que  ce qu’il pensait . Mickey alias Franck Devlin est arrêté , torturé parce qu’il a été dénoncé par un violeur que l’IRA a corrigé publiquement . Les parents de  ce dernier ont porté plainte à la police royale . En août 81, Tyrone se rend à Paris où il rencontre Honoré un jeune analyste politique de 35 ans, qui travaille sur le Sinn Fein . ” c‘était un chapardeur de moutons qui profite de la barrière ouverte. Il allait passer après les autres, me presser comme un fruit. Lui avait la pâleur du fonctionnaire d’ambassade. Il avait de l’encre sur les mains. pas du sang.”  Il pense qu’il va réussir à lui faire détester Paris.

Le chapitre 18 relate la visite d’Antoine le jeune luthier français héros de Mon Traitre , à Killybegs. Une dernière étreinte unit les deux hommes et le chapitre suivant relate le parcours de leur amitié : de leur rencontre en 1977 à ce geste d’adieu en janvier  2007. La relation entre Tyrone et Honoré évolue peu à peu ( 266)  : ils se rencontrent d’abord dans des cafés ou des sites touristiques avant de prendre eleusr habitudes à la faculté de Jussieu où ils déjeunent de sandwichs et de sodas. Tyrone prend goût à ces échanges . En 1991, ils se rencontrent dans les bus de touristes ; Ils montent à l’étage et conversent à l’abri des regards et des oreilles indiscrètes . Paris me donnait le courage d’affronter Belfast. Il y’a fait du respect dans le regard d’Honoré. En 1994, Tyrone sent même le regard admiratif d’Honoré à l’annonce de la décision de la cessation totale des hostilités de l’IRA; Et l’agent anglais nomme alors Tyrone par son  véritable prénom et pas par son nom d’agent Ténor.(272) 

Douze ans plus tard, lors d’un mariage , Tyrone , en surprenant certains regards de se anciens amis, se sent découvert . Dominik, le policier anglais lui demande de le retrouver au cimetière , sur la tombe de Henry Joy Mac Cracken, leur ancien lieu de rendez-vous . Il lui avoue que son nom a été donné à l’IRA  lui propose de l’exfiltrer ; Tyrone refuse , persuadé que l’IRA ne le fera pas exécuter pour respecter le processus de paix . Le 14 décembre des soldats de l’IRA, ses anciens compagnons d’armes, viennent le chercher à son domicile mais il refuse de les suivre. Le bruit  de la trahison de Meehan se répand dans le quartier et leurs bouteilles de lait sont cassées, leurs journaux ne leur sont plus livrés . Un soir Tyrone décide de se livrer à l’ IRA ( p 309 ) Aprè des aveux publics, ils le gardent quatre jours . Il part ensuite es réfugier à Killybegs dans sa maison natale . ( 319 )  Il y trouvera la mort moins de quatre mois plus tard, à l’âge de 80 ans,  le 05 avril 2007.  Il est ivre en permanence, parle avec les rats, a des amis cloportes .   Juste avant de mourir, il se remémore une de ses trahisons les plus terribles ; Il a  indiqué à Walder en 1981 que l’ IRA  préparait un attentat pour la cérémonie du 11 novembre; Trois bombes allaient exploser durant la commémoration.   Et le MI5 a actionné , à distance, le sytème de mise à feu, tuant ainsi les trois artificiers .  Tyrone est alors devenu un assassin. Son  assassinant sauvage sera perpétré le 05 avril 2007 : il a été nié par l’IRA. Sera revendiqué par un groupuscule opposé au processus de paix autre ans plus tard, en 2011. (331) 

01. mars 2019 · Commentaires fermés sur Ultima Verba : Hugo dénonce le tyran et déplore son exil forcé.. une poésie de combat ! · Catégories: Première · Tags:

Avant de pouvoir rédiger le commentaire, partons de quelques observations concrètes .

De quel type de texte s’agit -il ? 

  • Poème en vers formé de quatrains d’alexandrins en rimes croisées 

  • Poème engagé, qui dénonce la tyrannie de Napoléon III : une dimension satirique 

  • Appel à la lutte et à la résistance contre le tyran 

  • Registre lyrique pour l’expression de la plainte (tonalité élégiaque de l’exil forcé ) 

  • Le titre indique une forme de gravité et désigne les derniers mots avant la mort ou ici, le départ . 

Les axes d’étude : on peut observer un mélange des genres entre l’expression du combat et celui de la douleur de l’exil ; le poète comme porte-parole de la dénonciation de l’oppression et l’appel au collectif (le Je face aux autres ) 

Exemple de titres possibles pour des parties : la dénonciation de la tyrannie , une parole épique, une parole poétique politique , un portrait satirique de l’Empereur , la lâcheté des courtisans , le courage des proscrits, l’élégie de l’exil, la souffrance du banni, la solitude du poète , la force de la parole poétique, la solennité de l’engagement .

  • Entrainez-vous à recomposer le plan de cette version du commentaire et à retrouver des titres possibles pour chaque sous-partie ..
  • Entrainez-vous également à rédiger l’introduction …

Exemple de développement …

Hugo s’adresse d’abord directement à Napoléon III et lui exprime son mépris : il le tutoie (indices personnels de la 2e personne du singulier : « te, ton »). Le nom de « César » (v. 8) dont il l’affuble prend alors une valeur d’antiphrase ironique et contraste avec le croquis burlesque d’un bien piètre « César » dans son misérable « cabanon ». Par l’antithèse ironique – d’autant plus visible que les deux mots sont à la rime – entre ce « cabanon », qu’il mériterait vraiment, et le « Louvre », qu’il occupe indûment, le poète dénonce la folie, mais aussi la mégalomanie et l’usurpation de l’empereur.

Plus avant dans le poème, la désignation implicite de Napoléon III par l’évocation de « Sylla » (v. 26), dictateur romain qui a multiplié les proscriptions et les massacres, dénonce sa cruauté sanguinaire et fait de lui une figure légendaire dont la postérité gardera le souvenir au même titre que les pires tyrans. Le poème se fait satire.

Après l’avoir tutoyé, Hugo prend ses distances par rapport à Napoléon III, comme pour l’annihiler : l’utilisation du pronom « il », pronom de l’absence (« tant qu’il sera là », v. 13), marque son refus de nommer cet ennemi, son désir de lui ôter son identité, de le renvoyer dans le néant.

La critique s’étend à l’entourage de Napoléon III : Hugo dévoile la vérité sous l’apparence officielle et révèle la contagion des vices de l’empereur à tous ses partisans.

La métonymie des « têtes courbées » (v. 9), le terme péjoratif de « valets » (v. 7) pour désigner l’entourage de l’empereur, la lourdeur des sonorités en « on » qui reviennent par six fois dans les vers 6-7 et le rythme régulier que leur imprime la répétition du son « t » (« tandis, tes, te, montreront, ton, te, montrerai, ton ») suggèrent la soumission des courtisans et fustigent leur servilité. Le terme « trahisons » (v. 9) – dont le pluriel indique qu’il s’agit d’une pratique courante – dévoile la vraie noirceur de ce milieu.

Le clergé qui « bénit » (v. 4) l’empereur n’est pas exempt de cet « opprobre » : Hugo le désigne implicitement par l’indéfini « on » (v. 4), désireux d’en rejeter les membres dans l’anonymat et l’oubli, ce qui sera l’un de leurs « châtiments ». Il dénonce ainsi indirectement la complicité coupable de l’Église avec Napoléon  III.

Mais Hugo sait marier satire et lyrisme, et change de ton quand il évoque son sort d’exilé qu’il partage avec ses « nobles compagnons » (v. 1). 

Le poème répond à la rumeur d’amnistie proposée par Napoléon III aux proscrits qui reviendraient en France. Hugo fait ici allusion à ce « piège » qui peut faire vaciller des volontés moins fortes, et peut-être même la sienne…

Le ton religieux, la solennité à l’antique : le thème de l’exil est abordé par le biais de l’apostrophe solennelle à ses pairs en exil, qui rappelle les exhortations à l’antique : le ton est quasi religieux. Ainsi, « culte » (v. 1), terme du vocabulaire religieux, évoque celui des Mânes antiques ; l’apostrophe collective « bannis » (v. 2) semble sortie d’un sermon  ; enfin, la « République » qui « nous unit » (v. 2), personnifiéepar la majuscule, renvoie à une valeur antique essentielle. Ces références au bannissement, qui renvoient à la tradition politique de la République romaine antique, sont reprises par la mention de « Sylla » (v. 26) pour désigner Napoléon qui ne sort pas grandi de cette comparaison .

Le mouvement final de la dernière strophe est préparé par la désignation successive des proscrits dans le poème, la relation de Hugo avec eux étant marquée par un détachement progressif. Hugo part d’une sorte de fusion suggérée par les indices personnels de la 1re personne (« mes compagnons, nous unit, nous tente »), puis, de cette idée collective, il passe à une certaine individualisation (« si quelqu’un a plié », v. 23) et marque la distance instaurée avec ceux qui ont « plié » par le pronom indéfini « on » (v. 25). Si on ne sent de la part de Hugo aucun reproche, l’emploi au vers 26 de « ils », pronom de l’absence, et la formule impersonnelle « s’il en demeure dix » (v. 27) suggèrent cependant la séparation entre lui et ses anciens « compagnons » (v. 1).

Lorsqu’il répète comme un leitmotiv le nom de la « France », Hugo exprime son mal du pays avec des accents nostalgiques  Ainsi, des expressions « ta terre », « ta rive » (v. 15 et 17) se dégage une impression de nostalgie . Le mot nostalgie est à prendre ici dans son sens étymologique de « désir de retour », comme en témoigne la forte opposition du vocabulaire du départ (« reverrai, s’en vont, tente ») et de la fixité (« croiserai les bras, planterai, resterai, rester, demeurer, être »).

Par endroits, le ton et le rythme se font élégiaques : la répétition de certains mots, l’anaphore de « Je ne reverrai pas » (v. 15 et 17) qui met en valeur la négation – et, par là, la souffrance du manque –, l’interjection « hélas » (v. 18) ou le vocabulaire de la douleur (« âpre exil », v. 21) font de ces vers une plainte douloureuse. Les sonorités mêmes contribuent à cet effet : les rimes féminines (v. 13, 15, 17…), les « e » muets (à l’intérieur des vers 14, 15, 17), sonorités douces, et le son « s » (v. 13-14, 15 : « sera, cède, persiste, France » deux fois, « douce, triste ») donnent à ces vers un ton nostalgique.

La  peine toutefois est atténuée par le recours à la prétérition, qui consiste à présenter sa nostalgie par la négation. 

Les sentiments passent par de discrètes allusions personnelles : la référence au « tombeau [de mes aïeux] » (v. 16) suggère implicitement celui de sa fille Léopoldine ; l’évocation du « nid de [s]es amours » (v. 16) est une métaphore qui rappelle son attachement à son pays natal

En contraste avec cette délicatesse affective, le ton se fait parfois poignant et ferme.

La triple apostrophe à la France personnifiée, qui se développe sur un ample groupe ternaire, rythme de l’émotion, et est mise en relief par la coupe et le hiatus (« aimée // et », v. 14), prend des accents épiques.

L’abondance tout au long du poème de verbes, conjugués pour la plupart au futur de certitude, insuffle élan et amplitude à la parole de Hugo.

Enfin, les bras croisés (v. 10), associés au verbe « Je resterai » (v. 20) qui suggère la permanence et la solidité, la solennité du dernier vers font penser à la statue d’un héros car ils évoquent une attitude méditative, mais ferme. La parole du Poète devient une force .

 À travers l’expression de ses sentiments et la force de ses vers, Hugo se pose en figure emblématique du poète engagé dont l’arme est la parole.

La fréquence du pronom « je » (répété treize fois, le plus souvent en tête de vers) ou de sa forme tonique « moi » témoigne d’une forte présence de l’auteur qui se met lui-même en scène pour mieux affirmer son originalité.Hugo se présente dans la posture du héros romantique-type : il est « debout » (v. 20), les bras croisés…Complétant ce portrait physique, de nombreuses comparaisons soulignent son originalité : il apparaît ainsi sous les traits de personnages très divers, tantôt gardien de l’autel du souvenir, sorte de Romain chargé du « culte » de la « République » (v. 1-2) ; tantôt prophète à travers la mention du « sac de cendre qui [le] couvre » (v. 5) ; tantôt héros d’épopée évoquant Achille retiré à l’écart sous « sa tente » (v. 19) ; tantôt statue avec « mon pilier d’airain » (v. 12) ; 

Ces diverses images composent le portrait théâtralisé et impressionnant du poète héroïsé.

Le poème progresse sur le mode de la gradation descendante qui focalise le lecteur sur le personnage du poète mis en scène. Le jeu sur les chiffres, reposant sur une progression qui va s’accélérant de « mille » à « cent », puis « dix », puis « un », crée un mouvement qui semble irrépressible. À cette gradation correspond le jeu sur le rythme des vers : le vers 25 est fragmenté (les troupes sont nombreuses, les rangs instables) ; la relative stabilité du vers 27, coupé à l’hémistiche, soutenue par un parallélisme dans la place de « dix » et « dixième » en fin d’hémistiche, amorce un équilibre qui suggère force et stabilité ; enfin le vers 28 obéit à un équilibre parfait dans son rythme ferme et tonique et l’adéquation entre « un » et « celui-là ».

Hugo joue aussi sur les rimes pour donner plus de force à ce final épique : les rimes masculines sonores en « a » de « Sylla » et « celui-là » qui portent l’accent tonique, s’opposent fermement. Les sonorités orchestrent ce tableau : aux vers 25 et 27, la répétition de la voyelle aiguë « i » (9 occurrences) alliée à des sons forts (« que » répété, « qu’un », « [celui-]là ») met progressivement l’emphase sur le dernier vers, très théâtral.

Cette mise en scène spectaculaire a pour but de montrer que la parole du poète est aussi forte que des actes. Par la répétition du verbe dire (au sens plein de « proclamer », v. 6), Hugo signifie que la parole a un puissant pouvoir sur le monde.

La parole dévoile, perce les apparences, renverse l’échelle des valeurs : ainsi, par la puissance du verbe, l’« insulte » deviendra « gloire » (v. 3), ce qu’on « bénit » sera entaché d’« opprobre » (v. 4) ; la réunion de ces contraires dans un même vers matérialise le pouvoir du poète.

La parole confère aussi l’identité et la suprématie, comme en témoigne l’utilisation des pronoms personnels : ainsi le « je » du poète en début de vers 3 et 4 s’affirme fermement, face à un « on » anonyme, derrière lequel se profile implicitement le tyran, Napoléon III.

Le dire du poète est enfin détenteur du futur, synonyme d’espoir et de sa confiance dans l’efficacité de sa mission : les futurs « Je jetterai l’opprobre » (v. 4), « Je serai […] la voix » (v. 5-6) s’opposent au passé ou au présent des « traîtres » qui se soumettent au tyran, celui qui « a plié » (v. 26), ceux qui « s’en vont » (v. 27). Le ton se fait ici prophétique et rappelle une des missions du poète romantique : il éclaire le peuple et sert de guide pour l’avenir.

 Pour conclure ,le changement de la date de composition du poème (2 décembre au lieu du 14  décembre 1852) est significatif : la date choisie – celle du coup d’État – prend une valeur symbolique et révèle l’importance du poème. De même, son titre latin, très solennel, lui donne l’importance d’une déclaration solennelle placée sous l’autorité de l’Antiquité et des grands orateurs et proscrits. Hugo, le républicain, se bat avec son arme – les mots – et avec force, contre le criminel politique, tout en montrant sa détermination inébranlable, sa destinée unique face à tous. Il s’investit du rôle suprême de modèle : la bouche qui dit « non », par un effet de mise en abyme résonne comme un écho à sa propre voix. Le poème montre l’efficacité de la poésie engagée, pour peu qu’elle ne soit pas trop ancrée dans les événements auxquels elle se réfère et accède à un degré d’universalité qui lui fasse transcender le temps. Le poème de Hugo peut être le chant de tout opposant (Napoléon III n’est pas nommé), de tout exilé insoumis, une leçon de démocratie. Il a son écho au siècle suivant dans les poèmes résistants d’Aragon (« L’Affiche rouge ») ou d’Eluard (« Liberté ») qui dénoncent les atrocités commises par l’occupant allemand .

18. février 2019 · Commentaires fermés sur Des discours éloquents : Diderot , Clémenceau, Césaire, et JF Kennedy. · Catégories: Spécialité : HLP Première · Tags:

Lorsqu’un orateur s’adresse à un public, il utilise un certain nombre de procédés appelés oratoires et que les rhéteurs de l’Antiquité ont inventé ou tout au moins auxquels ils ont donné des noms . Pour pouvoir analyser avec précision les effet d’un discours , il faut tout d’abord en déterminer les circonstances : à qui s’adresse-t-il et dans quel contexte ou suite à quel événement ? que cherche-t-il à prouver ou à démontrer ou à combattre et quelle en est la dimension politique . Ensuite comme n’importe quel texte argumentatif, il faudra préciser sa stratégie argumentative : les types d’arguments employés , les illustrations proposées et les registres utilisés (le plus souvent pathétique et polémique

Dans le  cas de Diderot , l’auteur donne la parole à une victime de la colonisation, un vieux Tahitien  qui dénonce les méfaits d’une telle pratique en s’adressant justement au chef de l’équipage européen; Même s’il s’agit d’une fiction, on retrouve les principaux arguments qui critiquent l’entreprise coloniale : le mépris des colons pour les peuples sur lesquels ils s’arrogent des droits infondés , l’usurpation des terres assimilée à du vol, les violences faites aux populations et par -dessus tout le sentiment de supériorité de ces hommes blancs face à des Tahitiens qu’ils infantilisent et qu’ils considèrent comme des Sauvages. Philosophe des Lumières , Diderot entend ainsi dénoncer concrètement, par le biais de cette fiction qui imite un récit de voyage, les abus de la colonisation.

Césaire poursuit exactement le même objectif que Diderot : lui aussi parle au nom des victimes , les Noirs auxquels il s’efforce de redonner une forme de dignité avec le concept de négritude . Son discours reprend également  les violences perpétrées au sein de l’entreprise coloniale. Les Noirs sont qualifiés de simples marchandises et traités comme des animaux qu’on exploite . Les arguments des  auteurs sont donc très proches ainsi que leur stratégie argumentative. Leur critique est virulente et ils combattent pour le respect des droits de l’Homme, niés par les colons

Clémenceau lui ne poursuit pas tout à fait la même stratégie même s’il entend dénoncer la colonisation; Il fonde ses réserves sur des arguments économiques plus que sur des arguments éthiques ou philosophiques . Son discours prononcé à la chambre des députés s’efforce tout d’abord de démontrer le coût de la politique coloniale française avant d’émettre des doutes sur son bien- fondé en rappelant que toutes les civilisations se valent .

Quant au discours du président américain prononcé à Berlin, près de vingt ans après la fin de seconde guerre mondiale, il entend surtout dénoncer l’occupation soviétique d’une partie de l’Allemagne. A l’origine, le président américain souhaitait envoyer un signe de rapprochement au bloc soviéiqtiue car la guerre froide bat son plein et l’alerte du débarquement raté de la baie des cochons à Cuba un an plus tôt demeure un souvenir inquiétant. On a frôlé une troisième guerre semble -t-il et Kennedy souhaite apaiser les relations des deux blocs Est/Ouest c’set pourquoi il se rend à Berlin mais pour y dénoncer la construction du Mur qui sépare la ville en zone libre et zone soviétique fermée. Cependant le discours de Kennedy a un aspect provocateur . Ce mur de la honte selon lui marque “la faillite du système soviétique ” car priver les allemands de leur liberté pour qu’ils cessent de fuir en masse la RDA constitue une violation des droits inaliénables des individus. Kennedy certes reconnait que le modèle démocratique américain n’est pas parfait mais il es selon, lui supérieur au modèle soviétique. Il entend également marquer sa solidarité avec le peuple berlinois avec la formule célèbre “ici bin ein berliner ” que les experts considèrent comme une erreur de traduction ; Il aurait plutôt fallu dire simplement Ich bin berliner .  Le président américain entend combattre pour la liberté future  de tous les peuples et pour la paix en Europe tout d’abord ( 18 ans après la capitulation de l’Allemagne ) mais également dans le monde  : Paix et Liberté  sont les deux valeurs qui dominent la fin de sa prise de parole  et son discours sera applaudi par la foule venue l’écouter parler au balcon de l’hôtel de ville de Berlin. le discours de Kennedy est un plaidoyer pour la Liberté et une violente dénonciation du sytème communiste

13. février 2019 · Commentaires fermés sur La mort de Gervaise dans L’Assommoir : comment utiliser un plan détaillé trouvé sur internet ? · Catégories: Seconde · Tags:

 En guise d’introduction …  Le réalisme a dominé la seconde moitié du dix-neuvième siècle et a permis d’élargir la représentation de la réalité à  travers la littérature qui désormais, ne cherche plus à embellir le réel ni à occulter la noirceur du monde. Septième volet des Rougon-Macquart, L’Assommoir est l’un des romans les plus noirs d’Emile Zola . Il y amorce son virage naturaliste qui va le conduire à explorer toutes les couches de la misère des ouvriers parisiens; A la fin de son roman, il y expose la déchéance de l’héroïne Gervaise  et dépeint sa fin pathétique . Comment Zola donne-il ici à voir la mort de Gervaise ? Tout d’abord nous montrerons qu’il s’agit d’une mort dégradante qui clôt le destin pitoyable du personnage et enfin , nous verrons comment l’écrivain évoque ici une certaine vision de la mort . 

Le plan détaillé ci-dessous provient d’un site qui se propres de vous préparer pour  le bac de français : comment utiliser ce type de document que vous trouvez sur internet pour rédiger vos commentaires littéraires ? Voilà le plan en gras : il comporte 3 axes (grandes parties ) et 7 sous-parties . 

I. Une mort lente, interminable et dégradante

1. La lenteur
2. Les conditions dégradantes
3. La mort

II. Une destinée pitoyable

1. Le rôle du quartier
2. Le père Bazouge

III. Une parodie d’oraison funèbre

1. Les pensées philosophiques
2. Derniers mots à Gervaise

Premier constat : il est modulable ; Vous n'êtes pas obligés de vous en servir tel qu'il est présenté ; le titre notamment de la troisième partie est un peu difficile à expliquer; Une oraison funèbre est un type de discours qui est prononcé en hommage à quelqu’un qui meurt et ce qu’a voulu , ici, dire l’auteur de ce travail, c’est que le père Bazouge, à sa manière, rend les derniers hommages à Gervaise qui est morte dans la plus grande solitude et dans l’indifférence générale. 

Voilà maintenant ce qui suit sur le site http://www.bacdefrancais.net/assomoir.php..sosu l’appellation commentaire littéraire 

Première remarque : il s’agit de notes non rédigées donc que vous ne pouvez pas utiliser sous la forme donnée ; il vous faut les transformer et les intégrer dans une rédaction ed paragraphes argumentés. 

I. Une mort lente, interminable et dégradante

1. La lenteur
– Temps de la narration une page, en opposition au temps de la fiction (“des mois”).
– Imparfait durée + habitude ⇒ “mourrait” un peu tous les jours. Tous les jours, Gervaise perd un peu de vie.
– “La mort devait la prendre petit à petit” : mort annoncée, mais on ne voit pas la mort elle-même.Même vivante, Gervaise paraît déjà morte.
– La mort lente occupe le premier paragraphe, ensuite c’est le père Bazouge qui est au centre du récit. 

2. Les conditions dégradantes

– “mourrait de faim”, “mangeait quelque chose de dégoûtant”, Gervaise “devenait idiote”. Elle se dégrade peu à peu ” la mort la prenait par morceaux”.
– Le froid : “les os glacés”, “froid et chaud”.
– La pauvreté : Elle est à la recherche de quelques pièces, la caisse des pauvres.
– Dégradation mentale: elle n’a plus sa raison, on se moque d’elle.
– Saleté : “quelque chose de dégoûtant”, “ordures”, “ça sentait mauvais”, “on la découvrit déjà verte”.
– Animalisation: “elle claquait du bec”, “la niche”. On la compare à un objet : “pour l’emballer”. 

3. La mort

– Personnification de la mort “La mort devait la prendre petit à petit…”
– Mystère sur sa mort, personne ne la vue : on ne sait pas de quoi “elle crève”
– Mort escamotée par le roman lui-même. 

II. Une destinée pitoyable

1. Le rôle du quartier
– Pronom indéfini “on” (anonymat), on ne sait pas qui a trouvé Gervaise. Absurdité de cette mort. – M. Marescot, le propriétaire.
– Les Lorilleux
– Les gens qui l’humilient “on avait parié”
– Attitude générale: indifférence, mépris, moquerie, méchanceté. 

2. Le père Bazouge
– Il est saoul, l’alcool l’aide dans sa besogne.
– Il est gai : “gai comme un pinson”, “Bibi la gaieté”, cette attitude banalise la mort, accentue l’indifférence (par antithèse).
– “le béguin” de Gervaise qui est fascinée par le croque-mort. 
Le narrateur laisse à un soûlard l’honneur de faire ses adieux. 

III. Une parodie d’oraison funèbre

1. Les pensées philosophiques

“Tout le monde y passe” ; “on” ; “les uns après les autres” = des généralités sur le report des hommes avec la mort: tout de suite ou pas, l’accepter, la refuser.

Les réflexions sur la vie passée de Gervaise: 
“misère des ordures et des fatigues de sa vie gâtée”
“la sacrée existence qu’elle s’était faite”. 

2. Derniers mots à Gervaise

Au discours direct : “ma belle !”, tendresse, consolation.
Soin paternel.

Le père Bazouge s’adresse à Gervaise comme à une dame. Gervaise n’est plus anonyme.

Mise en valeur de Gervaise “morte et heureuse”. Gervaise retrouve l’estime des autres à travers le père Bazouge et la paix (pour elle). 
 

Parallèle avec l’incipit de L’Assommoir : effet du réel, tonalité réaliste, portée plus symbolique.

 

– la fin lente, terrifiante de Gervaise est en continuité avec son destin.

– bilan de la vie de Gervaise déjà fait au chapitre 12 où les motifs que dans l’incipit reviennent : l’hôtel Boncoeur, la rentrée des ouvriers, Gervaise en attente.

– Zola naturaliste, déroule le destin tragique programmé de Gervaise. L’argument de la victime par son milieu, son hérédité, fatalité moderne. 

01. février 2019 · Commentaires fermés sur Zola écrit Germinal : une réflexion sur les mutations sociales et économiques · Catégories: Seconde · Tags:
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Le 2 avril 1884, réfugié dans sa maison de campagne de Médan, en Seine-et-Oise, Émile Zola écrit les premières lignes de son treizième roman de la série des Rougon-Macquart, Germinal. Ce projet est né tardivement dans l’esprit de l’écrivain. Une dimension politique, voilà ce que Zola voulait donner à son second roman ouvrier. Lorsqu’il entrevoit son projet, en 1882, il ne connaît pas encore le décor de son intrigue. Il pense aux chemins de fer, à la métallurgie, mais ce sera finalement sur le monde minier que son choix s’arrêtera, fin 1883. Il y a plusieurs raisons à cela. Une raison historique d’abord, parce que l’industrie minière est, dans le dernier tiers du XIXe siècle, l’une des plus représentatives du développement économique des nations occidentales . Le monde minier fait l’actualité. Les grèves d’Aubin, de La Ricamarie, de Montceau-les-Mines, d’Anzin ont suscité l’émoi auprès de l’opinion publique ; et la houille fait figure d’enjeu stratégique dans la course économique que se livrent la France, la Grande-Bretagne et l’Allemagne. Dans son désir de faire réagir l’opinion sur la condition ouvrière, Zola suit son intérêt et choisit un sujet envers lequel son lectorat est sensible. Il y a ensuite une raison littéraire à son choix, dans la mesure où la mine est un théâtre spectaculaire fait d’ombres naturelles et de lumières artificielles, un lieu presque mystique, propice au romanesque

 

Émile Zola est l’une des principales figures du courant naturaliste en littérature française. Plus poussé encore que le réalisme, le naturalisme souhaite peindre le monde avec un souci du détail qui amène le genre romanesque aux portes du documentaire historique. Au moment de se lancer dans le projet de Germinal, Zola est loin de connaître parfaitement le monde minier et il va devoir se documenter.

Zola était avant tout un écrivain bourgeois,avec  des représentations de classe sur le monde ouvrier. S’il dénonce dans son roman la condition misérable des mineurs, il ne porte pas, pour autant, un regard trop sévère sur les Hennebeau, famille dirigeante aisée mais prisonnière, elle aussi, de la Compagnie de Montsou. Et quand il dépeint les ouvriers, c’est souvent plus dans l’excès que dans la justesse .

Des mutations économiques dans le monde du travail

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L’essor industriel de la première partie du XIXe siècle a grandement profité du changement structurel qui s’est opéré dans le monde minier entre des méthodes d’extraction artisanales et une organisation de la production à grande échelle. La machine à vapeur a permis un épuisement des eaux (pour éviter l’inondation des galeries), et plus tard un aérage, rendant possible l’extraction de la houille à des profondeurs jusqu’à lors inconnues. Mais tandis que le charbon devenait de plus en plus accessible, et de plus en plus demandé, il était aussi de plus en plus cher à extraire. Pourquoi ? En raison d’abord de coûts fixes très importants. Si l’on omet les coûts de prospection de la houille qui sont déjà élevés , force est d’admettre que les infrastructures d’extraction sont elles-mêmes coûteuses (chevalement, machines d’épuisement, systèmes de culbutage des berlines, chemins de fer, L’investissement initial dans l’industrie minière doit donc être conséquent. Zola s’en fait l’écho dans Germinal.

Concrètement, ces lourds investissements ont des conséquences sur les structures industrielles en place, à savoir sur la taille des compagnies minières. Dans Germinal, Zola décrit deux types d’exploitants : la Compagnie de Montsou, forte et influente, figure du grand capital ; et l’entreprise de Deneulin, petit patron qui a choisi de relancer l’extraction dans le puits de Jean-Bart, au prix d’efforts personnels conséquents. Cette opposition entre grand et petit capital est un élément structurant du roman, voulu par Zola pour signifier le dépassement des hommes par les forces économiques Si Deneulin subit de douloureuses difficultés tout au long du roman face à la crise industrielle , la Compagnie de Montsou, elle, parvient à résister tant bien que mal aux soubresauts de la conjoncture grâce à sa taille et à sa force sans équivalent. Cette force, la Compagnie la tire de son histoire faite d’expansion et de fusion avec d’autres compagnies, selon le récit qu’en fait Zola :

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Vers le commencement du dernier siècle, un coup de folie s’était déclaré, de Lille à Valenciennes, pour la recherche de la houille. […] parmi les entêtés de l’époque, le baron Desrumaux avait certainement laissé la mémoire de l’intelligence la plus héroïque. […] Il venait enfin de fonder la société Desrumaux, Fauquenois et Cie, pour exploiter la concession de Montsou, et les fosses commençaient à donner de faibles bénéfices, lorsque deux concessions voisines, celle de Cougny […] et celle de Joiselle […] avaient failli l’écraser sous le terrible assaut de leur concurrence. Heureusement, le 25 août 1760, un traité intervenait entre les trois concessions et les réunissait en une seule. La Compagnie des mines de Montsou était créée, telle qu’elle existe encore aujourd’hui.

Les structures et pratiques économiques décrites dans Germinal s’inscrivent non seulement dans les problématiques minières, mais également dans les problématiques industrielles au sens large. La question des conditions de vie ouvrières est sans doute la plus marquante du roman pour le lecteur moderne, tant la description que Zola fait des corons et du quotidien des mineurs est visuelle et clairvoyante. Germinal est un roman sur la condition ouvrière avant d’être un roman sur la mine. Mais c’est un roman sur la condition ouvrière dans les mines, ce qui lui confère un caractère singulier, en un sens spectaculaire :

Les quatre haveurs venaient de s’allonger les uns au-dessus des autres, sur toute la montée du front de taille. Séparés par les planches à crochets qui retenaient le charbon abattu, ils occupaient chacun quatre mètres environ de la veine ; et cette veine était si mince, épaisse à peine en cet endroit de cinquante centimètres, qu’ils se trouvaient là comme aplatis entre le toit et le mur, se traînant des genoux et des coudes, ne pouvant se retourner sans se meurtrir les épaules. Ils devaient, pour attaquer la houille, rester couchés sur le flanc, le cou tordu, les bras levés et brandissant de biais la rivelaine […]. En haut, la température montait jusqu’à trente-cinq degrés, l’air ne circulait pas, l’étouffement à la longue devenait mortel.

Les conditions de vie des mineurs ne sont pas seulement difficiles au fond de la mine, elles le sont également dans la vie quotidienne, et ce pour plusieurs raisons. Tout d’abord, les salaires versés aux travailleurs semblent dérisoires. Zola fait d’ailleurs tenir à ses personnages, et en particulier à l’anarchiste Souvarine, un raisonnement sur la loi d’airain selon laquelle les salaires n’excèdent jamais le minimum vital :

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Augmenter le salaire, est-ce qu’on peut ? Il est fixé par la loi d’airain à la plus petite somme indispensable, juste le nécessaire pour que les ouvriers mangent du pain sec et fabriquent des enfants… S’il tombe trop bas, les ouvriers crèvent, et la demande de nouveaux hommes le fait remonter. S’il monte trop haut, l’offre trop grande le fait baisser… C’est l’équilibre des ventres vides, la condamnation perpétuelle au bagne de la faim.

Les conditions de travail

La division du travail et l’apparition de nouvelles fonctions dans l’activité minière sont une constante qui traverse tout le XIXe siècle, et qui se prolonge au XXè siècle. À l’époque où se déroule Germinal, les postes disponibles sont déjà nombreux (haveurs, herscheurs, rouleurs, remblayeurs, cantonniers, receveurs, basculeurs, trieurs, machinistes, chauffeurs, charpentiers, lampistes ).. Cette fragmentation du travail de la mine a modifié l’image même du mineur : travailleur complet, celui-ci a peu à peu perdu de sa polyvalence, pour devenir un ouvrier spécialisé

C’était un avis de la Compagnie aux mineurs de toutes les fosses. Elle les avertissait que, devant le peu de soin apporté au boisage, lasse d’infliger des amendes inutiles, elle avait pris la résolution d’appliquer un nouveau mode de paiement, pour l’abattage de la houille. Désormais, elle paierait le boisage à part, au mètre cube de bois descendu et employé, en se basant sur la quantité nécessaire à un bon travail. Le prix de la berline de charbon abattu serait naturellement baissé, dans une proportion de cinquante centimes à quarante, suivant d’ailleurs la nature et l’éloignement des tailles.

Cet événement n’est d’ailleurs pas qu’affaire de spécialisation des tâches, il révèle aussi des mouvements plus fondamentaux dans les formes de rémunération s’appliquant à l’industrie minière

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La crise commerciale est la toile du fond de Germinal : c’est elle qui amène Étienne à Montsou, et c’est elle qui provoque d’un côté la grève des mineurs, et de l’autre la faillite de Deneulin.

Sur fonds de préoccupations sociales et tout en décrivant avec précision les évolutions qui marquent le monde du travail et particulièrement le travail des mineurs , le romancier peint une grande fresque avec ce que cela comporte d’exagération et de systématisation. 

 

 

30. janvier 2019 · Commentaires fermés sur Histoire et évolution du personnage de roman : un individu à part ? · Catégories: Première · Tags:

Le mot « roman » a été utilisé pour la première fois au Moyen Âge, pour désigner des ouvrages littéraires le plus souvent versifiés :  ces ouvrages étaient écrits en langue romane, et non en latin. À son origine, le roman est donc un récit littéraire, généralement écrit en vers, rédigé en « roman », c’est-à-dire en langue « vulgaire ».

C’est cette forme du « roman » que les troubadours et trouvères utilisent pendant tout le Moyen Âge, afin de raconter les exploits des chevaliers qui furent les premiers héros des romans de chevalerie . Ces personnages valeureux, défenseurs de la veuve te de l’orphelin, dévoués à leur roi , seront les premiers modèles héroïques en Occident. Ils sont les héritier des demi-dieux antiques capables d’affronter eux aussi des monstres effrayants. Leur devise est celle du chevalier Bayard”sans peur et sans reproche” . 

Le héros chevaleresque 

L’un des auteurs les plus célèbres de cette période, Chrétien de Troyes, a ainsi su, à travers ses romans (Le Conte du Graal, Le Chevalier à la charrette, Yvain ou Le Chevalier au lion, etc.) : créer un genre narratif, enchaînant des épisodes suivis mais aussi entrelaçant différentes « histoires » , célébrer les exploits d’hommes valeureux et exceptionnels dans un temps légendaire . Ainsi les personnages des romans étaient essentiellement parés des qualités liées à leur condition : courage au combat, loyauté envers ses suzerains et défense des plus faibles 

  Du héros amoureux au héros honnête homme : la noblesse de caractère

Avec la Renaissance, les divertissements de cour, les modes et les comportements se transforment à nouveau : les spectacles et les arts remplacent ainsi peu à peu les tournois et autres jeux où la violence primait. Apparaît alors un nouveau type de romans qui connaîtra un certain succès : le roman pastoral.Honoré d’Urfé, dansL’Astrée, reprend au  ce genre pastoral. Il met en scène, dans un territoire grec préservé des guerres, des personnages en habits de bergers ou de nymphes dont toute la vie est tendue vers l’amour et l’harmonie. Les hommes, loin d’être pourvus de qualités guerrières, se distinguent par leur noblesse d’âme et leur sensibilité, et tous les personnages rivalisent d’éloquence comme de goût. Un peu plus tard,  Madeleine de Scudéry écrit des romans (par exemple Clélie) dans lesquels les lecteurs peuvent découvrir les parcours amoureux des personnages, récits très longs car fondés sur le détail des émotions et des progrès faits par les protagonistes sur la « Carte du Tendre »

Cependant, ce type de romans, malgré son succès, se trouve discrédité. En effet, les personnages semblent d’une perfection peu crédible, l’atmosphère est ressentie comme trop idyllique et trop éloignée des préoccupations du commun des mortels.Une autre direction se dessine, représentée par La Princesse de Clèves, de Mme de La Fayette, chef d’œuvre du classicisme et du « roman d’analyse ». 

Ainsi, le roman au xviie siècle est varié dans ses formes comme dans ses codes. Cependant se dégagent certains points communs : la narration d’épisodes centrés autour de personnages que le lecteur suit dans son parcours, et une prose au service de l’action et de la peinture des sentiments.

Le héros libertin et les héros du roman épistolaire

Dans la seconde moitié du xviie siècle et tout au long du xviiie siècle, le roman par lettres se développe et connaît un grand succès. Ces ouvrages se présentent sous la forme de lettres croisées, envoyées et reçues par les différents personnages. Plusieurs particularités propres à cetre forme sont à relever : Tout d’abord, la forme épistolaire permet à l’auteur de jouer sur les frontières entre réalité et fiction. Plusieurs de ces romans se présentent ainsi (grâce à une préface ou un avertissement) comme un échange réel de lettres, et l’auteur affirme alors n’être que le découvreur et l’éditeur de ces textes. Cela permet bien sûr de contourner la censure ou la condamnation (pour immoralité, ou irréligion), mais cela offre aussi la possibilité de faire entrer plus facilement le lecteur dans un univers dont il pense qu’il est « vrai ».En outre, le fait que le récit soit formé de lettres engendre une conséquence importante : le changement de narrateur. En effet, le roman a autant de narrateurs qu’il y a de personnages écrivant les lettres. De ce fait, des points de vue divergents sur un même épisode se confrontent, et le lecteur a le plaisir de saisir les incompréhensions, de comparer les perceptions de chacun, comme s’il observait les faits selon une multiplicité d’angles.On retiendra  La Nouvelle Héloïse, de Rousseau (correspondance amoureuse entre deux amants) et Les Liaisons dangereuses, de Choderlos de Laclos (les aventures libertines de deux héros scandaleux) et Les lettres Persanes de Montesquieu 

Les héros réalistes : ambition et désir de conquête 

À la suite des Lumières, mais aussi avec le développement industriel et l’essor de la bourgeoisie, le roman connaît au xixe siècle un grand succès, et s’oriente majoritairement vers une représentation fidèle de la réalité sociale– sans se limiter à la classe dirigeante. Le héros romantique paraît en révolte contre l’ordre établi et cherche à accomplir un destin d’exception ; Les obstacles qu’il doit surmonter pour réussir en amour ou socialement  le plongent dans une profonde mélancolie

Le mouvement littéraire du réalisme s’attache ensuite à décrire scrupuleusement les faits et gestes de personnages issus du « peuple » ou du « grand monde ». Balzac  utilise  un titre révélateur pour rassembler ses ouvrages : La Comédie humaine. Il signifie la volonté de saisir les masques et les diverses conditions ou états des hommes. Flaubert (L’Éducation sentimentale), Maupassant (Une Vie, Pierre et Jean) cherchent également à montrer aux lecteurs les parcours de personnages parfois très humbles, en privilégiant une narration objective. Les héros affrontent leurs échecs et renoncent à certaines qualités pour atteindre leurs objectifs : Bel- Ami se sert des femmes pour réussir une ascension sociale. Les lecteurs  apprécient toujours les ouvrages relatant des histoires d’amour « romanesques » – ce que Flaubert met précisément en scène dans Madame Bovary, roman dans lequel le personnage éponyme se nourrit de rêves sans jamais pouvoir se satisfaire de la réalité.

Un peu plus tard, le naturalisme poursuit cette ambition, avec un aspect scientifique plus marqué. Pour Zola, le roman doit être une sorte de « laboratoire » grâce auquel on peut étudier les comportements humains, et les révéler (voire les dénoncer). S’appuyant sur des notes précises, des romans comme Nana, Germinal, La Bête humaine, évoquent  des conflits sociaux  ou des problèmes de société à travers la fiction.

Du héros exceptionnel au héros ordinaire 

Aux xxe et au xxie siècles, le roman est toujours un genre particulièrement prisé par les auteurs comme par le public, mais la variété qui l’a toujours caractérisé s’accroît encore :Certains romanciers  s’attachent à la description du réel – tout en apportant des innovations de style ou de construction. Parmi eux, de nombreux auteurs, marqués par la violence de la première moitié du xxe siècle, prennent position par rapport à l’insupportable (la guerre, le nazisme, toutes les formes de totalitarisme) dans des romans engagés : ainsi Céline, avec Voyage au bout de la nuit ; son héros est à la fois un  un soldat couard, un révolté contre l’injustice et un homme ordinaire , Malraux, dans L’Espoir, Camus avec La Peste invente des personnages qui ne sont ni bons ni mauvais, juste humains. Dans les années 1950, le « nouveau roman » refuse la psychologie et toute subjectivité ; les auteurs de ce courant (Robbe-Grillet, Duras, Sarraute) ne livrent que l’extérieur des choses et des êtres, laissant au lecteur le soin de « construire » un personnage et un univers ; ils veulent la mort des personnages et refusent de présenter des personnages romanesques qui ressembleraient à de vraies personnes. Ils n’ont ni passé, ni famille, ni portrait , ni identité . On voit même apparaître un nouveau modèle de personnage qualifié de antihéros.  A l’inverse des personnages héroïques des origines, ces personnages de la fin du vingtième siècle sont des anonymes ou des héros négatifs auxquels il est difficile de s’identifier comme le personnage de Meursault de l’Etranger de Camus.

Le roman ne se réduit pas aux simples  parcours des personnages qui le composent mais ces derniers , souvent  individualisés forment pour les lecteurs le pivot de cet univers; on s’attache, en effet, à certains héros ou parfois on les déteste mais on croit en leur existence le temps de la lecture . Les formes, extrêmement diverses et les nombreux personnages des romans en font ainsi un outil privilégié pour interroger notre monde comme nous-mêmes : notre « condition humaine » Chaque personnage nous renvoie à une possibilité d’être au monde.

En savoir plus sur http://www.lemonde.fr/revision-du-bac/annales-bac/francais-premiere/

30. janvier 2019 · Commentaires fermés sur Le Voreux dans Germinal : un personnage important; Résumé d’un commentaire littéraire ( première Partie chapitre 3) · Catégories: Seconde · Tags: ,
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Lorsque Zola publie Germinal en 1880, ce treizième volet de la série des Rougon-Macquart s’intéresse au destin d’Etienne Lantier, un mécanicien au chômage, fils de la blanchisseuse Gervaise , héroïne de l’Assommoir. Ce roman trace un portrait saisissant et réaliste de la situation misérable des ouvriers qui meurent en grand nombre dans l’exploitation des bassins miniers du Nord de la France; Dans l’extrait que nous allons étudier, Etienne se trouve enfin en face de la fosse et observe la descente des ouvriers dans le puits au petit jour . Comment la mine apparaît-elle ici ? Dans un premier temps, nous montrerons le caractère réaliste de la description de la mine; ensuite nous analyserons les particularités du regard du personnage et enfin nous verrons la dimension symbolique de ce premier face à face.

Tout d’abord , le narrateur utilise des termes techniques pour décrire le départ des mineurs. Le lecteur possède ainsi un aperçu des conditions de travail des mineurs . Zola pour écrire son roman s’est largement document et a emprunté des ouvrages techniques dans les bibliothèques : ce type de description se nomme documentaire ou lexicographique . On apprend ainsi que les mineurs descendent dans des cages de fer ( l 86 )  , se changent dans une baraque (l 84 ) et pour les herscheurs, remplissent des “berlines ” (l 88) ; Tous les métiers de la mine sont cités: les personnages sont ainsi parfois réduits à des fonctions tels que “moulineurs” (l 88) et toutes les activités sont détaillées comme celle qui consiste à bosser les veines  : “le bois de taille ” est mentionné à la ligne 90.

Un second aspect réaliste de la description consiste à énumérer des petits détails pour renforcer cette illusion réaliste : le narrateur précise, par exemple, le nombre de mètres exact des différents accrochages ” “320 pour le premier” , “554 m ” pour le premier ; Il précise également que les mineurs arrivent “pieds nus” (l 84 ) lampes à la main ” ; Ces détails permettent au lecteur de visualiser plus facilement la scène décrite. 

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Mais la dimension réaliste de la description est complétée par une dimension subjective qui reflète soit les sentiments du personnage soit le point de vue du narrateur ; Ainsi , Etienne est un néophyte qui découvre le milieu des mines de charbon et Zola présente souvent le milieu vu par ses  yeux d’étranger ; cette technique utilisée fréquemment par les auteurs réalistes porte justement le nom de fiction de l’arrivée de l’étranger ; L'écrivain se sert de ce prétexte pour offrir au lecteur de longues descriptions précises de ce que voit le personnage; C'est son regard qui sert de mesure à la description ; C’est pour cette raison qu’on parle de description en partie  subjective  car elle émane d’un point de vue interne. Le verbe introducteur par exemple, précise à la ligne 80 : “il ne comprenait bien qu’une chose ” : La description a donc pour objectif de préciser les pensées du personnage. Etienne cherche réduire son ignorance en posant des questions à un mineur présent : “c’est profond ?” (l 99 ) ; Son inquiétude est manifeste avec la question suivante : “et quand ça casse ? ”  (l 106 ) reprise comme une sorte d’écho fataliste par le personnage; Le héros n’est donc pas seulement un simple spectateur, il oriente la description selon ses intérêts et elle révèle ses craintes ; elle sert à exprimer indirectement  certaines pensées du personnage.

Le plus souvent, le narrateur oriente lui aussi la description et lorsqu’il s’agit de décrire la mine, il utilise une dimension symbolique double ; celle l’animalité et celle de la divinité. La mine , Le Voreux est souvent vue comme une grosse bête effrayante ; Zola joue à la fois avec l’animalisation et la personnification : le champ lexical de la digestion est constamment présent comme pour rappeler que la mine dévore les hommes qu’elle absorbe : ” le puits avalait des hommes par bouchées “( l 81 ) “elle les engloutit ( 111) et les dévore (113 ) comme une bête affamée (115 ) ; Les termes utilisés pour décrire le puits sont ceux qu’on emploie pour décrire des parties du corps d’un animal comme “gosier” (82) “gueule plus ou moins gloutonne ” 113 , “boyaux géants” . L’hyperbolecapable de digérer un peuple “  renforce le caractère menaçant du monstre.

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Cette bête qui se nourrit de “chair humaine “ représente symboliquement un Dieu cruel  et surtout “vorace“; L’analogie avec les Dieux mangeurs d’hommes des religions archaïques permet à Zola de faire comprendre à ses lecteurs qu’aujourd’hui, c’est le Dieu capital qui menace l’existence même des ouvriers ; Il rejoint ansi les thèses marxistes sur la nécessité de la lutte des classes et engage le monde ouvrier dans une révolte contre l’actionnariat . Le lecteur est ainsi indigné de voir comment les ouvriers sont contraints de subir des conditions de travail extrêmement pénibles, inhumaines; Ils deviennent à leur tour des animaux et sont déchus de leur humanité. Zola montre ainsi que la misère renvoie l’être humain à son animalité et à ses instincts. La voix  du porion qui sort du porte-voix est assimilée à un “beuglement  “et on sonne à la viande” lorsqu’on remonte des ouvriers  qui descendent “accroupis ” comme des bêtes;

En conclusion, le personnage du Voreux , monstre dévorateur comme son nom l’atteste, joue un rôle important dans le roman; il montre  le danger que représente la mine pour les hommes : ravalés au rang d’animaux, ces derniers luttent pour leur survie et c’est le regard d’étranger d’Etienne, le personnage principal, qui organise le plus souvent la description du travail des mineurs. 

Rappel du plan utilisé : 

1. description réaliste 

a) termes techniques  

b) petit détails vrais

2. description du point de vue d’Etienne 

a) le regard  du personnage organise la description 

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b) ses impressions 

3. Une description symbolique 

a) le monstre “animal” 

b) la mine menaçante : un Dieu méchant 

29. janvier 2019 · Commentaires fermés sur Portrait d’un ouvrier au travail : Gueule d’Or le forgeron de l’Assommoir · Catégories: Seconde · Tags: ,

Les écrivains réalistes ne décrivent pas les personnages de leurs romans pour simplement brosser leurs portraits physiques : ils s’efforcent de les révéler à travers leurs actions et à travers le regard du héros  . Pour représenter le forgeron de l’Assommoir, Zola va allier détails réalistes et dimension symbolique du personnage . Les questions qui accompagnaient ce portrait de Gueule d’Or ont pour but de vous faire trouver les axes d’étude de l’extrait . Commençons par la problématique …

Il s’agit d’un portrait du personnage de Gueule d’Or : comment Zola décrit -il ce personnage paraît une problématique tout à fait adaptée à un commentaire littéraire.  (question 1 ) Dès la première lecture, à partir des observations faites dans le texte, on peut constater que ce portrait est tout d’abord guidé par un regard (ce qu’on appelle un point de vue ) : celui qu’échangent Gervaise et Goujet  ;  cette dernière , secrètement amoureuse de lui, admire cet homme beau et gentil .On peut assez facilement voir apparaître les notations mélioratives avec la beauté du personnage , sa force et son habileté. Mais en y regardant d’un peu plus près, on découvrira que la dimension réaliste est parfois délaissée au profit d’une dimension symbolique : le personnage est alors comparé à une divinité , à une statue grecque voir au Dieu Forgeron .

Les aspects réalistes du texte  (question 3 ) proviennent essentiellement de trois sources :

  • tout d’abord les petit détails vrais et précis  comme les gouttes de super ( 20 ) , le nombre esse coups de marteau ( 21, 22, 23 ) ;
  • ensuite le vocabulaire technique de l’artisanat  ( jeu classique balancé , fer rouge, science réfléchie, écrasant le métal au milieu , le modelant par une série de coups d’une précision rythmée ( 9 ) 
  • enfin l’imitation de la manière de parler (familière et  imagée – des ouvriers ) avec toute une série de mots que les écrivains n’ont pas l’habitude d’employer dans leur roman s comme ” chahut, bastringue, guibolle ( 4 ) , gaillard ( 11) 

Mais pour répondre à la dernière question, il fallait noter que Zola employait certains procédés qui transforment le personnage et ses outils . Le forgeron devient un Dieu ( l 13) cheveux et barbe s’allumaient , fils d’or, figure d’or , épaules et bras sculptés copiés sur ceux d’un géant, montagnes de chair , clarté, tout-puissant , comme un bon Dieu.”  Les comparaisons, les hyperboles  et les métaphores font de l’ouvrier au travail un personnage légendaire comparable à un Dieu. Il atteint ainsi une dimension symbolique . I   II 

Zola , dans cet extrait , effectue donc le portrait en action d’un ouvrier au travail à travers le regard admiratif de Gervaise qui le transforme en divinité. Le plan du commentaire littéraire devra donc tenir compte de tous ces éléments qui composent le portrait de Gueule d’Or. Vous trouverez en pièce jointe des liens qui vous montreront d’autres possibilités de plans . Prenez le temps de les observer et de les comparer. 

 I Un ouvrier doué et admiré pour son savoir – faire   ” un homme magnifique au travail ”  

a) il maitrise ses gestes : il est admirable dans son travail ; la précision des petits détails (sueur,  nombre de coups, rythme, jeu balancé ) 

b) il aime son travail :  il a le goût du travail bien fait et compare son outil à une femme aimée ( la personnification de Fifine ) 

c) le regard de la femme amoureuse : il est fort ce qui rassure Gervaise et il ne boit pas ( 9 et 10 ; 11 ce gaillard là , poitrine vaste à y coucher une femme ) 

II Un homme que tous admirent et qui devient un Dieu  “il devenait beau, tout puissant comme un bon Dieu “

a) une musculature hors du commun : il est très imposant physiquement ( 16/17 ) 

b) des qualités de statue antique : il ressemble à un géant tellement il est musclé , figure d’or ( 14 ) 

c) il devient un Dieu : il est comme Vulcain qui forge les rames des Dieux et il est transformé par un éclat divin ( 18/19/20 ) 

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http://www.bacdefrancais.net/assommoir-zola-6.php