
Remontons quelques siècles en arrière et figurez-vous que pour les européens , le monde connu se limitait à quelques pays voisins contre lesquels bien souvent on guerroyait pour quelques terres , un duché ou une querelle d”héritage. Alors imaginez un instant la surprise des navigateurs quand ils accostent sur les rives du Nouveau -Monde; Que découvrent-ils? Des hommes qu’ils vont baptiser sauvages et dont il leur faudra très longtemps avant de comprendre que ce sont leurs frères humains. mettons nous quelques instants à la place de ces hommes de la Renaissance et tentons de les comprendre …
Si on a retenu la date de 1492 qui symbolise encore pour beaucoup la découverte de l’Amérique par Christophe Colomb, en réalité, cette découverte majeure va mettre du temps à modifier la conception du monde des contemporains du navigateur. Colomb pense d’abord être au Japon et ensuite aux Indes; En 1500 lorsque Cabral découvre le Brésil, il pense avoir ouvert une nouvelle voie maritime vers L’inde et le Brésil va être baptisé Indes Occidentales. En 1507 , ce nouveau continent va finalement porter le nom d’Amerigo Vespucci qui ignore alors qu’il n’est pas le premier navigateur occidental à longer ces côtes . Entre le moment où les premiers colons font la connaissance des Indigènes et le moment où cette découverte va arriver jusqu’en Europe, c’est une espèce de course contre la montre qui se joue entre les différentes puissances. Chaque roi envoie ses marins pour qu’ils prennent possession des terres, des richesses et qu’ ils évangélisent les populations locales qui viendront ainsi grossir les rangs des sujets de sa majesté. Ce qui contribue, à leurs yeux, à accroître la puissance du royaume. L’ Espagne et le Portugal s’affrontent et les autorités religieuses interviennent pour servir d’arbitre : le Pape en tant que chef de l’ Eglise catholique va même prendre des mesures concrètes pour départager ces deux rivaux;

Un traité va alors établir en 1494 un partage du territoire , plaçant le Brésil situé au sud d’une frontière définie par la papauté , sous influence portugaise. De leur côté, Français et Anglais tentent de tirer leur épingle du jeu et de créer des colonies de peuplement . En fait chaque payas européen transpose ses rivalités de l’autre côté de l’Atlantique et on peut déjà penser que leur colonisation sera d’autant plus violente qu’ils pensent en retirer ainsi un bénéfice pour dominer les autres nations européennes.La question religieuse va souvent occuper une place importante au sein des débats: les catholiques , en effet, s’interrogent sur la politique à mener d’autant plus fortement qu’en Europe, ils se sentent menacés par le protestantisme. Et de leur côté certains protestants qui arrivent dans le Nouveau-Monde chassés par l’inquisition catholique, font faire preuve de tolérance et d’ouverture d’esprit face aux coutumes et aux croyances indigènes. La plupart du temps, la colonisation a pour principal objectif les ressources du pays et l’asservissement de ses habitants qui devient ainsi une main d’oeuvre bon marché.

S’interroger sur l’autre , revient en fait souvent à s’interroger sur soi-même, à comparer les différents modes de vie, ce que les ethnologues nomment l‘habitus (un ensemble de comportements qu’on reproduit par habitude et qu’on enseigne aux générations suivantes )- Montaigne à la Renaissance propose à ses contemporains une véritable réflexion sur l’altérité à travers ses Essais mais il n’aborde pas directement la question coloniale ; Jean de Léry propose plutôt un récit de voyage, le témoignage d’une expérience personnelle plutôt que le fruit d’une réflexion intellectuelle. Qui est Jean de Léry ? ce n’est ni un intellectuel, ni même un lettré et surtout pas un clerc. Protestant , il entend se réfugier dans ce nouveau-Monde et s’embarque en 1556 , à l’âge de 20 ans à bord de la flotte qui rejoint la petite colonie fondée par Villegagnon au Brésil pour servir d’asile à la communauté protestante exilée; Or, ce dernier se convertit au catholicisme et les protestants qui souhaitent demeurer fidèles çà leurs convictions s’enfuient dans la jungle où ils sont recueillis par des sauvages avec lesquels ils vont vivre pendant plus d’un an, loin de toute civilisation.
Jean de Léry entreprend alors un récit dans lequel il témoigne de sa propre expérience ; il écrit à la première personne du singulier et il va à l’encontre des jugements savants ; Humaniste par la force des choses, il a appris à regarder les autres autrement que la plupart de ses contemporains, prisonniers de préjugés hérités de certaines croyances en la supériorité de l’homme civilisé sur l’homme sauvage.Léry monter que certains sauvages se comportent avec bonté , sagesse et sont hospitaliers là où certains Européens se montrent cruels, déraisonnables et parfois insensés.

Ce n’est que 20 ans après son retour du Brésil que Jean de Léry se décidera à faire part de son expérience : devenu pasteur , il est témoin d’un cas d’anthropophagie parmi des protestants assiégés qui, pour ne pas mourir de faim auraient mangé l’un des leurs, décédés dans le siège de la ville de Sancerre par les troupes catholiques. Cet événement va servir de déclencheur à l’écriture car l‘anthropophagie est souvent évoquée par les Européens comme un indice de barbarie : Léry veut donc rétablir la vérité sur cette pratique dont il a été témoin durant son séjour parmi les Brésiliens vingt ans plus tôt. Il regrette au final de n’être pas resté parmi les Sauvages, ses amis.








Un discours décalé : En plus de ces nombreuses oppositions , les détails intimes que révèle le général dans cette circonstance officielle, peuvent paraître choquants; En effet, Hector fait allusion , tout d’abord à des actions banales et quotidiennes comme manger, boire et faire l’amour et ensuite, il ajoute un détail qui peut paraître trivial , que les soldats survivants vont coucher avec les femmes des disparus “Nous couchons avec nos femmes..avec les vôtres aussi. ” Hector montre ainsi que la vie continue après leur mort et que leurs veuves devront se consoler de leur mort dans les bras d’autres guerriers. Demokos, le poète belliciste s’empresse de crier ici au scandale mais Hector n’a nullement l’intention d’insulter les morts; il constate ce que la mort leur a fait perdre car il veut montrer toutes les choses simples auxquelles les morts n’ont plus accès: au lieu d’imiter les éloges funèbres au cours desquels on célèbre la gloire, la bravoure des soldats tombés au champ d’honneur, Giraudoux ici, fait prononcer à son personnage de soldat dégoûté de la guerre, un sort d’hymne à la vie et à ses plaisirs. En effet, le général rappelle la douceur de vivre avec des éléments comme le “clair de lune ” qui évoque poétiquement les joies nocturnes qui viennent prolonger les plaisirs diurnes : manger, boire te faire l’amour. Cette dimension hédoniste rend hommage à la vie. Ainsi , à côté de ces joies simples ,les décorations militaires à titre posthume, les cocardes ne valent rien ; seule compte “la vraie cocarde” c’est à dire le privilège d’être demeuré en vie et d’avoir gardé ses deux yeux pour voir ; Hector es réjouit tout simplement de voir encore le soleil .
c’est pourquoi Hector précise , à la fin de son intervention : ” je n’admets pas plus la mort comme expiation au lâche que comme récompense aux héros” pour bien montrer que la perte de la vie constitue le véritable scandale causé par la guerre ; il ne faudrait pas en effet, que le mort soit considérée comme quelque chose de banal tout simplement parce que les hommes meurent en grand nombre durant les guerres; ses dernières paroles s’adressent à tous les “absents, inexistants, oubliés, sans occupation, sans repos, sans être” ; ces images volontairement provocatrices dénoncent en fait la banalisation de ces disparitions de masse; chaque disparu doit compter et chaque survivant doit être capable d’apprécier la vie et de “ressentir comme un privilège et un vol , la chaleur et le ciel ” . Ici le soleil et la lumière représentent la vie par opposition au froid et à l’ombre qui traduisent le vide et l’absence .














