04. juin 2018 · Commentaires fermés sur Les derniers Cris des soldats dans Cris : texte 4. · Catégories: Seconde · Tags: ,
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 De nombreux romans ont pris comm sujet la première Guere Mondiale et particulièrement au moment du centenaire de sa commémoration.  Le roman de Laurent Gaudé intitulé Cris  est construit sur un dispositif narratif particulier : chaque personnage du récit nous fait partager sa vision de l’événement et le lecteur doit ainsi, en permanence, recomposer , une vision d’ensemble à partir des pensées des soldats sous le feu ;  L’intrigue se résume à quelques actions: on relève la première ligne; certains soldats partent en permission ou se reposent à l’arrière alors que d’autres vont devoir prendre d’assaut les positions ennemies. Le passage que nous étudions se situe au début de la seconde partie du récit. Le bataillon formé notamment  de Messard, Dermoncourt, Ripoll, Castellac, vient de monter une première ligne et l’assaut a été donné . un groupe d’hommes se retrouve séparés de ses positions, seuls, détachés dans le camp allemand sans espoir de repli ni de retour. Conscients du caractère espéré de leur situation , les hommes veulent mourir dignement . Quelle vision de l’homme dans la guerre nous offre ce passage ? Nous verrons tout d’abord le cadre de la guerre avant d’évoquer les réactions des hommes face à la mort . 

 

 

 

I Le cadre de la guerre 

Comme dans la plupart des récits, la guerre est présentée sous un aspect destructeur . 

1 Un décor de fin du monde 

La boue est un élément qui revient très souvent ( l 2 ) et le romancier utilise la métaphore de la fournaise ( l 3 ) pour montrer le caractère infernal des souffrances des soldats; Souffrances physiques : épuisement ( l 1) et souffrances morales évoquées par une série de transformations : “pour ce qu’ils nous ont obligés à devenir ” ils auront à nous rendre des comptes ” . Les champs de bataille font également souffrir la terre qui tout au long du roman,  est personnifiée et crie sa douleur : il ne reste que des ruines “baraque en ruine l 10 ” “carcasses méconnaissables de lit mais plus de toit ” l 11 . L’auteur évoque également les corps des soldats avec le terme boucherie l 11. 

L’ampleur des dégâts est suggérée par divers moyens et s’entend particulièrement par les sonorités des participes  passés qui forment une harmonie imitative  : trébuché, plongé, giclé, essoufflé , tiré, éclaté , fermé…. peu de termes militaires dans ce passage avec simplement l’indication du pilonnage immense qui inaugura la boucherie; Le caractère meurtrier de l’opération est traduit ici par l’adverbe immense à valeur hyperbolique . 

 

II . Les souffrances des hommes 

1 Ils deviennent  des animaux pour survivre

2. ils tentent de rester humains face à la mort 

3. la dimension tragique : solitude et perte d’espoir 

09. mai 2018 · Commentaires fermés sur Braves petits soldats ? question de synthèse · Catégories: Seconde · Tags:
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Notre corpus couvre une période de 8 siècles et chaque héros se retrouve confronté à la mort  : le chevalier Yvain défie en combat singulier le chevalier Esclados; Fabrice Del Dongo héros de Stendhal  vit son baptême du feu à Waterloo; Walter Schnaffs, le soldat imaginé par Maupassant  est un prussien qui combat les français et le personnage de Claude Simon affronte la débâcle de 1940 dans les rangs français. Ces quatre combattants se comportent -ils avec autant de bravoure ? Nous verrons tout d’abord un regard admiratif du narrateur avant de montrer que la bataille est un moment bouleversant et révélateur.

 

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Le combat singulier des deux chevaliers est décrit comme admirable: le narrateur souligne à la fois la beauté de l’épreuve ( l 20 )  et la noblesse d’âme des chevaliers qui n’oublient pas de préserver leurs montures  (l 18 ) . A forces égales, le combat dure longtemps et le romancier loue la vaillance et l’engagement des adversaires ; “la durée de cette bataille si violente et si difficile est incroyable ” (l 16); De la même manière , le jeune Fabrice admire Napoléon et ses soldats “d’une admiration enfantine ” (l 26 )  ; Cependant lorsqu’il croise le célèbre Maréchal Ney, surnommé “le prince de la Moskova, le brave des braves”, il  ne le reconnaît pas et ne voit que son autorité son air de réprimande et son embonpoint. Stendhal confronte ainsi le regard naïf de l’enfant avec la réalité de la guerre; perdu au milieu de l’assaut, Fabrice “n’y comprenait rien du tout” (l 45 ) . Il fait des efforts pour se comporter comme ce qu’il imagine être le devoir d’un soldat mais un conflit a lieu en lui entre songer “à la gloire du maréchal ” et le “frisson d’horreur” qu’il éprouve ( l 7 )  face au champ jonché de cadavres; C’est donc un héros “fort peu héros ” qui tente d’imiter des modèles héroïques mais qui est rattrapé par la réalité de la bataille .

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Nulle trace d’admiration dans la nouvelle de Maupassant : Walter Schnaffs représente le déserteur : couard, il se cache pour échapper à la bataille “un désir fou de détaler le saisit ”  et se réfugie comme un animal , au fond d’un trou. Il est d’ailleurs comparé à un lièvre ( l 17 ) . Terrifié , il a même peur d’un oiseau sur une branche et Maupassant s’amuse à  montrer cette peur décuplée par les circonstances ” pendant près d’une heure , le coeur de Walter Schnaffs battit à grands coups pressés;”  (l 24 ) . Pas d’admiration non plus chez le soldat de Claude Simon où on retrouve un regard critique sur la guerre : ce soldat , mu par son instinct de survie se transforme lui aussi  en un véritable animal : il est présenté comme à demi -conscient , agit comme un somnambule(l 7 ), avec des réflexes d’automate (l 7 ) , privé d’une partie de ses facultés et en quelque sorte déshumanisé”. Il devient une bête, se transforme en chien et se laisse gouverner par son instinct animal qui lui permet de se mouvoir et de devenir indifférent à la mort de ses compagnons.

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Chaque combattant a une sorte de révélation et se transforme sous l’effet des événements : les chevaliers de Chrétien de Troyes trouvent des ressources physiques pour continuer à se frapper violemment : Esclados se met à avoir peur uniquement  car il n’avait jamais reçu un coup aussi violent et ” sous son casque ,il a la tête fendue jusqu’à la cervelle ” ( l 22) ; Yvain se transforme alors en gerfaut ( l 27 ) , véritable  oiseau de proie qui cherche à rattraper son adversaire en fuite  et lui aussi a peur “d’avoir perdu sa peine ” c’est à dire d’avoir combattu en vain , sans avoir réussi à ramener  Esclados au roi Arthur. Quant à Fabrice, il perd une partie de sa candeur face au spectacle horrible mais il reste “fort humain” et s’efforce par exemple de ne pas piétiner les cadavres ennemis avec son cheval . Précaution inutile qui trahit sa noblesse d’âme mais également son inaptitude à devenir “un vrai militaire ” ; Stendhal démythifie la guerre en la montant avec le regard ‘décalé ” de Fabrice au final fort peu “héros “. Quant à Walter Schnaffs et au personnage de Claude Simon, ils ne présentent aucune caractéristique du brave soldat et sont montrés sans courage ; Le premier rêve même d’être fait prisonnier pour ne plus avoir à affronter cette “horrible vie d’angoisse d’épouvantes de fatigue et de souffrances ” (l 26) que représente pour lui la vie militaire ; Et le dernier semble totalement dépassé par les événements et incapable d’obéir à sa volonté, il ne réussit qu’à courir par instinct pour survivre et échapper au bombardement.

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Face à la mort , le héros fait l’expérience de ses limites : les chevaliers indomptables du Moyen-Age combattent sans peur jusqu’à l’issue fatale , par amour pour leur roi ou pour leur propre gloire;ils représentent dans notre imaginaire  un modèle idéal de force et de bravoure; l’époque moderne renie cet idéal en montrant le combattant démuni face au déchainement de la violence : il peine à trouver un sens à cette “boucherie héroïque”et parfois cherche à fuir pour survivre dominé par son instinct animal. En dévalorisant et en modifiant le modèle du héros épique, certains romanciers s’attaquent ainsi à la guerre en la montrant, non pas sous un jour glorieux mais comme un “affreux carnage “

07. mai 2018 · Commentaires fermés sur Comment décrire un combat ? éléments de topographie d’un champ de bataille … · Catégories: Fiches méthode · Tags:
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Les hommes plongés au coeur de la mêlée sont pris dans un tourbillon de sensations parfois paradoxales . La plupart des écrivains qui cherchent à montrer le soldat en action mettent en évidence différents points ; tout d’abord le soldat est frappé par l’ambiance sonore autour de lui . En effet, les champs de bataille sont le plus souvent bruyants : cri des hommes, cri des mourants, hennissements des chevaux quand il s’agit de la cavalerie, tonnerre des canons lors des assauts ou crépitements des fusils d’assaut, tirs de grenade, de mortier; les détonations se succèdent et forment un vacarme infernal au milieu duquel les voix humaines semblent bien ténues. Pensez à décrire ces notations auditives car elles font partie de l’imagerie de la guerre . Mais les soldats  sont également le centre d’émotions très violentes…

L’assaut peut les galvaniser et ils agissent presque de manière mécanique comme des sortes de machines ou de bêtes sauvages : ils tuent sans avoir le temps de réfléchir l’ennemi qui se met en travers de leur route ou qui menace leurs compagnons d’armes et agissent parfois même en se fiant à une forme d’instinct animal. En effet, de nombreux témoignages de soldats survivants mentionnent la rapidité avec laquelle les actions sont menées et une sorte de force animale qui les pousse à frapper, courir, escalader les tranchées , partir à l’assaut, faire des choses dont ils ne se seraient jamais crus capables . Evidemment la conscience du soldat est la proie d’un combat intérieur entre la peur de mourir , le désir de fuir le plus loin possible ces atrocités et l’envie de tuer, d’anéantir l’Ennemi qui à ce moment représente le Mal absolu . Des soldats ont fait état d’une  forte montée d’adrénaline qui les pousse à commettre des actions incroyables . Certains se sentent à l’égal des Dieux , invincibles , surhumains. D’autres voient surgir leur animalité et décrivent la monstruosité des actes commis : monstrueux , bestial, animal sont des qualificatifs fréquemment utilisés pour décrire certaines scènes d’affrontement .

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Certains rescapés évoquent justement au coeur des combats, ces moments de flottement de l’esprit où tout peut basculer ..et où tout se joue; Ils apparaissent déchirés entre l’envie d’échapper à cette tuerie et l’idée de mourir en héros..ou tout simplement de tuer et de se battre pour ne pas mourir. Le roman de Laurent Gaudé “Cris  ” décrit bien tous ces moments à travers les pensées des différents personnages.

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Mais plongé au coeur de la bataille le soldat enregistre les moindres détails : il contemple la mort de très près et doit être spectateur de celle de ses proches; la vue des cadavres, des mutilations, des corps démembrés..blessures difformes, carnage affreux ..membres encore palpitants, femmes éventrées ..tout ce lexique du corps, ces notations parfois hyper- réalistes , font partie des récits de batailles à tous les siècles. Le soldat devient une sorte de réceptacle de sensations et comme dans le roman de Gaudé, il enregistre les moindres sensations; Tout semble s’imprimer, se graver dans sa mémoire qu’il nous fait ensuite partager . Le sang coule parfois à flots et certains romanciers montrent les conséquences des affrontements à trappes des tableaux apocalyptiques  : destructions en tous genres , sols jonchés de morts, évacuation des corps, identification des cadavres. La Nature n’est pas épargnée et apparaît elle aussi comme une victime : cratères des obus, arbres calcinés, terre ravagée, dégâts des blindés, récoltes détruites; les soldats peuvent être décrits comme des insectes : termites, taupes dans les tranchées , fourmis . 

La peur est l’une des constantes et nombreux sont les témoignages des transformations qu’elle fait subir à l’homme : paralysie, tremblements, cris , désir de mourir, suicide parfois, perte du contrôle de son corps; les récits décrivent avec beaucoup de précisions les ravages de la peur et la menace de la folie n’est jamais très loin.Sous l’effet de la peur, les soldats peuvent perdre leurs moyens, décider de s’enfuir ou se mettre à courir en hurlant . La peur est d ‘ailleurs considérée comme l’ennemi principal du soldat, à toutes les époques. Elle est particulièrement marquée dans l’attente des assauts , du choc , des corps à corps; On devine la présence de l’ennemi, on la redoute: on l’imagine plus grand, plus fort, sauvage, cruel et on se retrouve parfois face à des hommes désarmés, des enfants, des femmes… le soldat peut alors être pris de court et refuser de tuer. 

Qui dit combat dit bien sûr armes et chocs: pensez à utiliser un vocabulaire précis et en relation avec l’époque choisie; armes de jet, armes à feu, armes blanches; ne vous trompez pas  et donnez des références si vous en connaissez..pensez aussi à décrire les uniformes car la guerre est également vue comme un spectacle. Employez là encore un vocabulaire spécialisé : képi, galons, barrettes, casques, bottes, vareuse, barda, cantine en fer blanc,gabardine, bleu horizon, tuniques rouges, sabre prussien … la description de la bataille n’en paraîtra que plus réaliste. N’oubliez pas non plus le vocabulaire de la stratégie militaire : flanc,  front, avant, arrière, colonnes, blindés, artillerie, aviation, infanterie, régiment , bataillon, escouade, formation en ligne… en effet, une bataille est orchestrée par des stratèges et se base le plus souvent sur des déplacements de troupes. 

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Enfin choisissez un point de vue ou alternez les angles de description : l’attaque ne sera pas décrite de la même façon par un général de loin qui observe les mouvements de troupes avec sa longue -vue , les lignes arrières qui s’organisent et es préparent à recevoir les blessés et à fournir la relève, le poste médical, les soldats au front , le camp ennemi. La subjectivité d’un personnage peut également aller à l’encontre de la vérité  historique . Waterloo en 1815 fut une très lourde défaite française mais un spectateur ignorant , héros naïf  comme le construit Stendhal dans son roman, le jeune Fabrice del Dongo, pourrait y voir une victoire pour Napoléon. Le romancier montre par ce procédé, l’ignorance de son héros incapable de reconnaître, par exemple, les officiers ; Avec le regard de Fabrice , cette bataille semble incompréhensible. Hugo poète et grand admirateur de Napoléon la montre dans toute sa tragédie et illustre le sacrifice héroïque de la garde de l’Empereur ainsi que la panique qui s’empare ensuite des hommes et fait s’évanouir la grande armée . Céline montre l’absurdité des ordres donnés en 14/18 et le sentiment de révolte qui s’empare de certains hommes de troupe alors que Laurent Gaudé adopte différents points de vue pour décrire cette première guerre mondiale. 

Héros ou martyr, déserteur ou brute sanguinaire, la guerre fait ressortir ce que l’homme a déjà en lui : le pire comme le meilleur ; elle le pousse au delà de ses limites et lui fait entrevoir en même temps sa part d’immortalité et sa condition humaine de simple mortel. Elle peut transformer le destin d’un homme et le traumatiser durablement. Elle marque  aussi durablement la mémoire d’un pays et fédère tout autant qu’elle peut diviser . Objet de vénération et de répulsion, elle ne cessera de diviser les hommes .

21. avril 2018 · Commentaires fermés sur L’homme dans la guerre · Catégories: Première · Tags:

L’homme organisé en société  a toujours fait la guerre et il continue aujourd’hui encore à en parler : sujet central, thème ,  ou parfois  simple toile du fond d’un nombre incalculable de récits, romans, poèmes, pièces de théâtre, la guerre  ne cesse de  faire couler beaucoup de sang et d’encre . Chants de guerre, épopées, souvenirs romancés , témoignages , poèmes de combats, célébrations de victoires ou amertume de la défaite  : la guerre peut être évoquée de multiples façons.  La Peinture de batailles a été longtemps un genre noble. Nous vous proposons un petit tour d’horizon de quelques guerres survenues entre le siècle des Lumières et celle qui devait être la “der des der ” et qui ne fut que la première des Deux grandes guerres mondiales qui ensanglantèrent le siècle passé .

 

Dans nos extraits de romans, nous nous intéresserons essentiellement  aux effets que la guerre produit sur le personnage lorsqu’il se trouve sous le feu, au coeur de la mêlée. Beaucoup de romanciers , en effet, montrent l’homme au coeur de la tempête de feu et dans nos extraits, le regard porté sur la guerre , est le plus souvent, un regard critique . Le roman, peu à peu et en commençant par le conte philosophique inventé épar Voltaire en 1759,  devient l’objet d’une désacralisation de la guerre .Voltaire, dans le troisième chapitre de Candide consacre une réflexion à la guerre en imaginant son héros,  un jeune et naïf apprenti philosophe, témoin d’un horrible massacre entre deux peuples voisins : les avares et les bulgares.  L’ oxymore en  traduit toute l’ambiguïté : la guerre est soudain présentée comme une  “boucherie héroïque ” sans panache et sans véritable héros. 

Les multiples évolutions technologiques de la guerre modifient sensiblement le rapport du guerrier au combat ; en effet, les chevaliers  démontraient leur bravoure dans l’affrontement individuel et méprisaient les armes de jet qui permettaient de tuer à distance sans qu’on puisse voir son ennemi . Courageux ou couard, le soldat  au vingtième siècle reçoit les mêmes obus et les mêmes bombes sur le champ de bataille. Dans l’enfer du front et des tranchées, le soldat moderne ressent sa nudité face aux machines;

Au coeur des grands affrontements, quand les lignes de front se comptent sur des centaines de kilomètres, la valeur individuelle des combattants s’estompe au profit de l’effort collectif et la vision même du combattant s’en trouve modifiée. Les exploits individuels des héros d’autrefois s’incarnent désormais au cours de certaines missions périlleuses, dans les troupes d’élite, les commandos ou les aviateurs. La littérature a longtemps négligé les hommes de troupe pour ne retenir que les exploits des chefs de guerre mais au cours du vingtième siècle, le simple soldat va peu à peu conquérir ses galons et paraître au premier plan des romans: c’est la victoire des humbles, des jeunes officiers parfois qui vivent avec leurs hommes et de tous ceux qui sont sous le feu .Jusqu’au milieu du dix-neuvième siècle environ, disons jusqu’à la défaite de Waterloo, les romans montraient  surtout la bravoure et les hauts faits des combattants et mourir au champ d’honneur pouvait apparaître comme la plus belle des morts. Au siècle précédent ,quelques voix déjà comme celle de Voltaire, par exemple, s’étaient élevées pour dénoncer les horreurs des guerres de succession mais il faudra attendre l’époque moderne pour enregistrer le déclin du personnage du glorieux guerrier. Les soldats qui reviennent vaincus ou vainqueurs ont connu le froid, la faim, la peur et garderont des séquelles de leurs années de guerre. Les cadavres sont souvent montrés avec force détails: odeur, aspect, position, pour nous inspirer l’horreur. Les cris des blessés, des mourants, le travail des médecins se retrouvent constamment dans les romans actuels. Quant aux sentiments les plus mentionnés, citons la fraternité  et son contraire la haine, la peur et la compassion. La guerre demeure une aventure humaine fascinante : expérience dangereuse, elle est un pari avec la mort et continue à en fasciner certains parce qu’elle nous fait toucher aux limites de notre condition humaine. 

01. mars 2018 · Commentaires fermés sur Le quatrième Mur : idées de plans pour les extraits présentés · Catégories: Première · Tags: ,
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Les 5 passages du roman évoquent tous une étape dans le parcours du personnage de Georges :  la naissance de sa fille  qui lui rappelle son enfance plutôt malheureuse , la mort de sa mère et  l’enterrement de son père; son premier contact avec la guerre ensuite après l’explosion qui interrompt la  seconde répétition des acteurs à Beyrouth ; Sa décision de quitter sa femme et sa fille pour repartir après la lettre de Marwan qui lui annonce la mort de Nakad: état qu’on peut considérer comme une sorte de victoire de la guerre ; sa transformation tragique  en assassin après le meurtre de Joseph Boutros, le frère de Charbel et enfin, l’épilogue du roman: la mort de Georges qui est présentée comme le franchissement du quatrième mur, celui qui sépare les morts des vivants . Pour chacun de ces extraits, il faudra adonner des éléments précis d’introduction, les situer à l’intérieur du récit et ensuite répondre à la question posée à l’aide d’un plan . Voilà quelque exemples , à la fois de questions et de plans sommaires . A l question, quelle est l’importance de ce passage, il faut bien sur répondre à quelle étape il correspond dans la construction du personnage : le lecteur découvre une enfance malheureuse qui explique la violence , Georges découvre la guerre ; Georges rompt avec son passé et abandonne sa famille; Georges tue et devient cette fois un acteur à part entière de la guerre et plus seulement  une victime ; Enfin le romancier offre ici un final théâtral et tragique à son personnage dont le sort est scellé dè les première lignes du roman. Entrons dans le détail des textes …

T 1 : déclencheur – Georges devient père …remontée des souvenirs qui , aux yeux du lecteur, participent à la construction du personnage de Georges , doté d’un passé.

  • père et  fils : des rapports marqués par une incompréhension ( les différences , l’absence de souvenirs , les images antithétiques d’ouverture et de refus de communication 
  •   la Figure de la mère : idéalisée, s’oppose à la froideur du père (tendresse contre silence ) : images à commenter, clichés de la tendresse maternelle et du vide laissé par la mort de la mère 
  • le récit de l’enterrement  du père est une anecdote qui illustre la froideur de la relation père/fils : possibilité d’entrer en contact 
  • la violence présentée comme la conséquence de ce manque de corps à corps , peau à peau = Georges devient un combattant et cherchera à défendre sa peau (isotopie de la peau à développer ) 

T 2: l’explosion = déclencheur   PB: comment le personnage relate-t-il cet épisode tragique ? 

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  • un tableau étrange et horrible : les conséquences de l’explosion ; personnages figés , terreur, pleurs , bruits et prières ; détails saisissants .
  • la réaction de Georges : ce qui se passe autour de lui et en lui 
  • personnification de la guerre : une déesse cruelle , un monstre dévorateur 

T 3 : la cérémémonie des adieux 

Déclencheur : Suite à une série d’incidents (anniversaire Mii Linotte , boule de glace, oublis de Georges ) et après la lecture de la lettre de M qui révèle la mort de Nakad, G fait ses valises et part sans dire au revoir ..comment l’écrivain met-il en scène ce départ ? 

  • une absence de sentiments qui cache un mal-être: rupture avec le passé (photo ) 
  • les préparatifs symboliques: rangement, coup de balai, remise en ordre 
  • les affaires qu’on emporte : le sac, la clé et la terre ; dimension tragique 
  • le triomphe de la guerre  

T 4 : Georges devient un assassin 

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Déclencheur : retour de Georges à Beyrouth après la mort de Nakad 

  • avant le coup de feu : préparatifs et étirement du temps , regards croisés : Georges en statue contemple un martyr : une plaie envie, un animal blessé..
  • le coup porté : détail des actions et sentiments du personnage ; la surprise fait place à la stupéfaction : les paradoxes 
  • les conséquences du geste : la mauvaise conscience de Georges qui se cherche des excuses et présente son geste comme une libération pour la victime ; il devient le Mal, un ogre, le Diable ..il est transformé 

Ccl: victoire de la guerre qui a rattrapé et transformé le personnage 

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Epilogue du roman : retour au premier chapitre et mort de Georges le héros 

  • une mort symbolique : les dernières paroles et les dernier gestes 
  • une mort mise en scène : forme théâtrale et liens avec Antigone 
  • une mort tragique : différée mais inexorable, attendue mais redoutée 
23. janvier 2018 · Commentaires fermés sur Autour de la guerre : quelques points de vue ..Voltaire, Céline, Giraudoux et Lemaître · Catégories: Première, Terminale spécialité HLP · Tags: ,
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Pour cette étude qui porte sur  l’homme au centre de la guerre ou face à la guerre , ont été réunis différents témoignages qui attestent de la pluralité des visions de la guerre; Nous allons donc comparer les définitions données par Voltaire dans Candide, Céline dans Voyage au bout de la nuit, Giraudoux dans La guerre de Troie n’aura pas lieu et Pierre Lemaître dans Au Revoir là hautLe conte philosophique adopte plutôt une dimension critique ; le roman de Céline prend appui sur des élements autobiographiques et se veut le témoignage d’un combattant ; la pièce de Giraudoux se présente comme une réflexion sur les causes de la guerre et tente de répondre à la question: pourquoi les hommes font- ils la guerre été pourquoi aiment-il cela ? Quant au roman de Pierre Lemaître, la guerre n’y occupe pas un rôle central ; elle est le déclencheur d’un drame humain, celui d’un jeune artiste qui ne parviendra pas à surmonter le handicap crée par sa blessure au visage. Le romancier y montre surtout les traumatismes engendrés par les mutilations des corps .

Le siècle des Lumières voit apparaître un renversement de l’opinion publique: siècle belliqueux, il amorce une réflexion sur la nécessité de certaines guerres ; Les philosophes, en effet, combattent la guerre en s’appuyant sur son caractère non nécessaire Ils accusent ,la plupart du temps, les Princes et les Puissants de se laisser emporter par leurs passions, leur orgueil et leur soif de pouvoir qui les conduisent à amorcer des conflits dans leurs seuls intérêts. Voltaire est l’un des premiers à développer une critique systématique de la guerre afin d’en démontrer , à la fois le caractère néfaste mais aussi l’absurdité véritable. Dans Candide, son héros s’est engagé dans l’armée uniquement pour gagner de l’argent car il n’a nulle part où aller et il se retrouve,enrôlé , face à la réalité d’une guerre atroce: un conflit destructeur entres abares et Bulgares; Voltaire dresse un tableau apocalyptique du massacre en accumulant les détails sordides : “les vieillards criblés de coups regardaient mourir leurs femmes égorgées, qui tenaient leurs enfants à leurs mamelles sanglantes . ” Le point de vue du personnage est d’abord utilisé pour décrire, sur un ton élogieux , la préparation des troupes et le cérémonial : “rien n’était si beau si leste si brillant et si bien ordonné que les deux armées” La dimension spectaculaire est ici mise en valeur mais très vite , le spectacle se transforme en massacre : ” les canons renversèrent à peu près  six mille hommes de chaque côté ” et Voltaire emploie l’oxymore “boucherie héroïque “ pour rendre compte de cette contradiction . De plus, il montre bien la réciprocité des destructions en précisant que les pertes subies dans chaque camp sont identiques ; Le héros décide alors de déserter et Voltaire le montre s’enfuyant “en marchant sur des membres palpitants ou à travers des ruines ” “hors du théâtre de la guerre ” . La critique des horreurs de la guerre se manifeste de différentes manières et on note que  la désertion de Candide est montrée comme un choix raisonnable : “ il prit le parti d’aller raisonner ailleurs des effets et des causes “ ; vue de l’extérieur, avant le déclenchement des hostilités, la guerre peut paraître admirable mais lorsqu’on se retrouve au front, à l’intérieur des combats, elle devient horrible.

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Louis Auguste Ferdinand  Destouches a choisi lui aussi de consacrer une partie de son roman à la description d’une guerre qu’il a lui même effectuée: la première Guerre Mondiale. Son héros Bardamu se retrouve aux premières lignes ,  dans le conflit tout comme son auteur qui choisit de s’engager dans l’armée à 18 ans devançant ainsi l’âge légal du service militaire obligatoire . Il montre l’horreur des assauts ,la lassitude des soldats et l’acharnement des officiers; Blessé , le héros est évacué et  effectue sa convalescence à Paris ; Il devient alors un adversaire acharné de la guerre et se fait traiter de lâche par sa fiancée. ” vous êtes répugnant comme un rat “lui lance cette dernière et elle se range derrière l’argument de la  nécessaire défense de la Patrie( l 9) . Bardamu persiste  dans son refus en prenant comme illustration l’oubli des morts  tombés sur le champ de bataille  “ils sont morts pour rien ces crétins” et “il n’y a que la vie qui compte “ajoute-t-il ‘ (ligne 16 ) .  Cette confrontation des points de vue se retrouve , sous une autre forme, dans la pièce de Giraudoux où deux camps s’affrontent avec des arguments puissants :.

Jean Giraudoux est un diplomate français qui, parmi les premiers, a pressenti les risques d’un nouveau conflit. En 1935, juste avant le déclenchement de la Guerre d’Espagne, prélude à la seconde guerre mondiale, Giraudoux mesure la montée des nationalismes et se sert d’un conflit légendaire, la guerre de Troie, pour mettre en scène une réflexion sur la  possibilité d’éviter la guerre. Il fait dialoguer bellicistes et pacifistes jusqu’à l’issue tragique : l’ouverture des portes de la guerre en dépit des efforts conjugués d’Hector, qui a rallié l’avis de son épouse Andromaque et d’Ulysse ,le négociateur envoyé par les Grecs. L’extrait que nous étudions se situe au début de la tragédie : Hector vient de rentrer victorieux d’une guerre éprouvante et découvre que son épouse attend leur premier enfant.  Cette dernière set farouchement opposée à une nouvelle guerre qui risquerait de coûter des vies mais son mari se moque de sa sollicitude maternelle en affirmant que le désir de faire la guerre l’emportera toujours “si toutes les mères coupent l’index droit de leur fils, les armées de l’univers se feront la guerre sans index.”( l 1) Andromaque se déclare prête à tuer son propre fils plutôt que de lui faire courir le risque de se faire tuer à la guerre ; ce qui peut paraître quelque peu excessif ..elle demande ensuite à son mari s’il aime la guerre et la réponse d’Hector est étrange :il définit d’abord la guerre par ses aspects négatifs “ce qui nous délivre du bonheur, de l’espoir, des êtres les plus chers. ” avant d’ajouter qu’il se sent invincible juste avant de combattre grâce à cette délégation que les Dieux  lui donnent . Leur discussion se clôt sur un nouveau paradoxe ; L’homme se sent à la fois un Dieu et moins qu’un homme et respecte la vie au moment où il s’apprête à l’ôter à d’autres hommes.

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Pierre Lemaître revisite à sa manière  les affrontements de 14/18 en inventant un point de départ tragique à sa fiction. Albert , l’un des deux héros du roman , constate , au cours d’un assaut  que deux des hommes du bataillon ont été abattus de deux balles dans le dos et il soupçonne alors son officier :le lieutenant Pradelle , de les avoir exécutés pour faire croire à des tirs allemands. Avec un certain cynisme, le romancier critique les officiers qui se croient des Dieux au moment du combat ; le lieutenant est qualifié de “Messie “; Le décor de la guerre ressemble à un décor “de fin du monde “. Les soldats sont présentés comme terrifiés ” des types hurlent comme des fous pour s’enivrer, pour se donner du courage.” Il sont armés d’une colère définitive et d’un désir de vengeance : ” même Albert terrorisé par l’idée de mourir, étriperait le premier venu ” . Les hommes ont le ventre noué, la gorge sèche et courent baissés, par réflexe d’offrir le moins de prise possible comme si l’on faisait tout le temps la guerre dans la crainte du ciel ” . Pierre Lemaître reprend la plupart des clichés sur la guerre des tranchées : la terre épaisse , la boue, la peur et la colère ; Il utilise un narrateur omniscient à la différence de Laurent Gaudé qui dans Cris, ne nous offre que les pensées de ses personnages sans jamais aucun commentaire .

22. janvier 2018 · Commentaires fermés sur Le quatrième mur : la découverte du massacre …des visions d’horreur · Catégories: Première · Tags: ,
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Photos de presse 

Le passage de la découverte du massacre perpétré dans les camps palestiniens de Sabra et Chatila est sans doute l’un des plus difficiles à lire à l’intérieur de ce roman ; le romancier nous dépeint  une réalité sans fard  et nous entraîne à la suite de son héros dans une  véritable plongée au sien de l’horreur; Il déploie un registre réaliste et pathétique et nous nous sentons véritablement touchés par cette description sans concession de la guerre et de la souffrance;

Rappelons tout d’abord les faits historiques tels qu’ils se sont déroulés en 1982…

Le 6 juin 1982, l’armée israélienne a envahi le Liban dans ce qu’elle a décrit comme étant des “représailles” pour la tentative d’assassinat sur l’Ambassadeur israélien à Londres.Le 18 juin 1982, Israel avait cerné les forces armées de l’Organisation de Libération de la Palestine (OLP) dans la partie occidentale de la capitale libanaise. Un cessez-le-feu a eu comme conséquence l’évacuation de l’OLP de Beyrouth le 1er septembre 1982.Le 11 septembre 1982, le ministre de la défense israélien, Ariel Sharon, a annoncé que “2.000 terroristes” étaient restés à l’intérieur des camps de réfugiés palestiniens .Le mercredi 15 septembre, le lendemain de l’assassinat du chef de la milice phalangiste alliée des Israéliens et président élu libanais, Bashir Gemayel, l’armée israélienne a occupé Beyrouth-Ouest, “encerclant et bouclant” les camps de Sabra et Chatila.

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L’armée israélienne a alors désarmé, dans la mesure où elle le pouvait, les milices anti-israéliennes à Beyrouth-Ouest, alors qu’elle a laissé ses armes aux milices phalangistes chrétiennes de Beyrouth.Le jeudi 16 septembre 1982 vers midi, une unité d’environ 150 Phalangistes armés (c’est ce que prétend Israël) est entrée dans le premier camp.Pendant les 40 heures suivantes, les membres de la milice phalangiste ont violé, tué et blessé un grand nombre de civils non-armés, dont la plupart étaient des enfants, des femmes et des personnes âgées à l’intérieur des camps encerclés et bouclés. L’estimation des victimes varie entre 700 (chiffre officiel des Israéliens) et 3.500.

Les journalistes qui ont couvert les reportages dans cette région du monde ont pu alors découvrir lorsqu’ils sont entrés dans les camps, des visions d’horreur et ce sont ces visions que s’efforce de reconstruire le romancier dans ce passage. Comment le romancier décrit-il cette scène d’horreur ? comment cette description est-elle organisée ? 

Le romancier utilise différents procédés pour dépeindre  cette vison : tout d’abord , il nous entraine dans le sillage d’un personnage et nous voyons à travers ses yeux; Ce procédé appelé focalisation interne facilite grandement l’identification par le lecteur au personnage et grandit l’illusion réaliste. 

Georges se déplace : c’est ce qu’on appelle une description en mouvement ou ambulatoire et nous le suivons pas à pas . Le texte est construit selon une organisation spatiale facilement repérable ; Nous avançons ainsi “plus loin” : nous pénétrons “à l’intérieur”  ( 5) de cet univers cauchemardesque ; J’ai vu , j’ai marché (1)  ; Les verbes de vision sont nombreux ainsi que les connecteurs spatio-temporels : dans un angle ( 15), là-bas (11) , partout des morts (19) . 

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Les camps palestiniens 

Le registre pathétique est particulièrement marqué dans cet extrait avec tout d’abord la mention des victimes : ce sont des vieux, des jeunes et même des enfants ; Nous avons ici une sorte de gradation de l’horreur . Le lecteur ne peut s’empêcher de prendre parti contre les miliciens et les exactions commises; Le romancier dénonce ici les massacres perpétrés par les combattants contre des civils sans défense.

La multitude des  petits détails réalistes contribue à renforcer cette dénonciation: la position des corps, les souffrances subies augmentent notre émotion; les cadavres sont présentés dans des positions humiliantes : sur le dos, bras ouverts, ” un bébé torse nu, en couches déchiquetées ( 29)  “un corps coupé en deux ” (10) ; les victimes sont montrées comme cueillies par la mort et aucun détail trivial ne nous est épargné : “la merde séchée , (18 )  les plaies béantes, les trainées de cervelle (21) 

De plus, la description est dramatisée par les réactions du personnage -témoin : Georges qui a bien du mal à ne pas se laisser déborder par l’émotion : “ je le redoutais, je le craignais ” ; ces deux verbes montrent son appréhension ; Profondément troublé par la scène, il semble marquer, malgré lui, un temps d’arrêt : “je me suis arrêté; j’étais sec” ; ( 32)  Aucune larme ne parvient à sortir de son corps : " le visage sans rien ” Tout es passe comme si Georges ne ressentait plus rien, comme si son coeur s’était vidé ; Il ose à peine respirer car selon lui “inspirer, c’était bouffer de la mort “ . Le lexique est ici imagé et le romancier recourt à la crudité de certaines expressions pour mieux peindre fidèlement ce qu’il voit : ” chairs et vêtements arrachés” (l 50) ; le narrateur peu à peu perd pied et semble se perdre au fond de la guerre ; il est guidé par des anges et échappe de peu à la mort mais cette dernière est déjà annoncée. 

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Un texte poignant qui révèle une description organisée visuellement autour du personnage de Georges et de la découverte de ces massacres qui , à l’époque, ont ému considérablement l’opinion publique; C’est cette émotion que tente de restituer le romancier en utilisant diner moyens lexicaux et stylistiques. 

22. janvier 2018 · Commentaires fermés sur Le quatrième mur : approche générale ..roman de guerre et roman sur la vie · Catégories: Première · Tags: , ,
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Le roman de Sorj Chalandon, Le quatrième mur porte un titre qui d’emblée précise l’un des thèmes majeurs du roman: la vie est-elle un songe ? quelle est la frontière qui sépare nos rêves de la réalité; En effet, le quatrième mur c’est celui qui au départ sépare les comédiens de la salle lors de la représentation théâtrale mais à la fin du récit, c’est celui qui “protège les vivants ” (p 326) et c’est celui que franchit le personnage principal, Georges au moment de choisir de mourir . Ce roman nous emporte , en compagnie de quelques personnages attachants comme Georges, son ami Samuel, son guide Marwan , au coeur d’une guerre terrible qui fait rage au Liban et en Palestine; le romancier nous montre jusqu’où la guerre emporte les hommes et comment elle les transforme : il est alors des régions d’où l’on ne revient jamais  ….

Le roman se présente le plus souvent  sous la forme d’un  récit chronologique : l’histoire de Georges le héros, sa rencontre avec Aurore sa femme, la naissance de sa fille, son projet de mise en scène d’Antigone à Beyrouth pour accomplir les dernières volontés d’un ami gravement malade et son arrivée au Liban , ses découvertes de la réalité de cette guerre , des massacres des camps palestiniens de Sabra et Chatila, de sa blessure, de son retour à Paris et de sa décision de repartir mourir à Tripoli. L’écrivain ménage néanmoins un certain effet en plaçant à l’ouverture du roman le chapitre de la mort du héros qu’il reprend et termine 300 pages plus loin ,au chapitre 24. Lorsqu’il reconstitue le parcours de Georges , l’auteur motive chaque évolution de son personnage , à la manière des écrivains réalistes: il lui confectionne un passé, organise des rencontres décisives dans sa vie et nous place au centre de ses pensées auxquelles il nous donne souvent accès. Le récit  des aventures de Georges constitue ,en quelque sorte, un roman d’initiation (Bildungsroman) mais le roman nosu permet aussi de nous interroger sur la place et le rôle de l’art dans le monde et notamment du théâtre; 

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En effet, le fil conducteur de l’intrigue, c’est avant tout le projet de mettre en scène la pièce de Jean Anouilh Antigone à Beyrouth même, au coeur des combats, avec des acteurs de chaque camp ennemi ; Sorj Chalandon revient à plusieurs reprise sur le projet de Anouilh, sur la réception de la pièce par les différents membres des communautés en présence et sur le sens même de cette tragédie; en tant que journaliste, le romancier décrit souvent les lieux dans lesquels ses personnages se déplacent avec beaucoup d’émotion et le registre patéhqtieu est présent dans de nombreux chapitres. Il sert sans doute à nous sensibiliser sur la tragédie qui es joue au Moyen-orient à cette époque ; l’action du roman se situe dans les années 80 et plus particulièrement en 1982, date de l’escalade de la violence au Liban et des représailles d’ Israël.

En plus de s’attacher à un parcours individuel, l’écrivain retrace des existences croisées qui dressent une sorte de panorama des idéologies qui se combattent en France à partir de Mai 68: de nombreux étudiants  voulaient changer le monde et pensaient que l’engagement politique était une voie possible sur le chemin de la transformation de la société. Georges va se retrouver à la croisée des chemins, et il devra choisir entre deux voies, deux directions , deux mondes.  La force de ce roman et son caractère atemporel vient des grandes questions existentielles qu’il soulève : jusqu’où l’homme est-il prêt à aller pour défendre ses idéaux et à quel prix ? 

Bonne lecture et n’oubliez pas de prendre des notes au fur et à mesure …aidez-vous des titres des chapitres, du diaporama de cours et résumez l’intrigue, étape par étape sur une fiche; Vous pouvez aussi relever des citations que vous trouvez particulièrement intéressantes.  

21. janvier 2018 · Commentaires fermés sur La cérémonie des adieux dans le quatrième mur . Le dernier départ de Georges. · Catégories: Première · Tags: ,
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Après son second retour de Beyrouth où il a été gravement blessé dans un bombardement israélien ,et sa découverte du massacre  du camp palestinien de Sabra et Chatila dans lequel Imane a trouvé la mort ,  Georges ne parvient pas à se réadapter  à sa vie d’avant la guerre : il cache à sa famille les morts , la guerre et devient dangereux pour lui et pour son entourage. Aurore se met à avoir peur de lui : il se nourrit uniquement de pain et de riz et se met à avoir des accès de colère ; une violence sourde le dévore de l’intérieur et il pense pouvoir mourir de colère. Après l’incident qui a lieu pour les 3 ans de Louise  où il agresse la marionnettiste ventriloque , il accepte d’être hospitalisé. Le printemps 1983 se passe : Georges tente de mettre la guerre à distance mais en juillet il reçoit une lettre de Marwan qui lui annonce la mort de Nakad et peu après Sam décède. Georges sait alors qu’il va lui falloir les rejoindre tous . Un dernier incident dans le parc où Louise fait tomber sa boule de glace et où il la bouscule et la blesse, finit par le décider à faire ses adieux ; A sa famille d’abord et à la vie ensuite. 

Quelle étape franchit ici le personnage de Georges et comment le romancier justifie-t-il sa décision de repartir à Beyrouth ? 

Le passage débute juste après l’évocation par le personnage de ses souvenirs amoureux avec Aurore : ils installaient symboliquement une bougie  sur un vieux chandelier qui était leur premier objet achat ensemble et ils l’emmènent partout avec eux; Ce soir là, la bougie s’est éteinte; Or, on sait que la flamme représente symboliquement la vie donc l’obscurité qui apparaît est annonciatrice de mort. 

 Quel sont les sentiments du personnage ?  Georges se présente à nous comme une sort d’enveloppe vide : “je ne

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ressentais rien ”  (l 1 ) et il précise ensuite : “ni tristesse ni amertume ” ; Ce qui peut paraître étonnant car Georgse bouillonne d’une colère intérieure qui est bien plus que de l’amertume mais ici il évoque plutôt les sentiments liés à sa décision de partir et de quitter sa famille.  L’énumération ” ni froid, ni chaud, ni faim, ni sommeil” tend à montrer qu’aucun de ses besoins essentiels n’a plus d’importance comme si la vie le quittait et cet assèchement du personnage se manifeste ensuite par l’image : “je n’entendais plus mon coeur ” à la fois symptôme de son arrêt du coeur et de la volonté de vivre qui le quitte progressivement. L’oxymorele tumulte que fait le silence ” montre que le personnage se vide peu à peu de ses pensées comme s’il se répartissait de son humanité. D’ailleurs mon coeur est juxtaposé avec mes pensées comme pour attester qu’il ne s’agit pas seulement d’une mort physique mais également d’une mort sur le plan moral; Gerges est comme mort pour le monde qui l’entoure ce qui peut se traduire par un retrait complet des marques sensorielles ; Au sens propre, il ne ressent plus aucune émotion. 

La fin du paragraphe évoque les causes de cette évolution tragique du personnage : sa fréquentation de  la guerre. L’auteur rend en effet ici  la guerre responsable de ces changements; d’abord  il emploie le verbe décimer (11)  qui littéralement signifie tuer un homme sur 10 et qui connote l’ampleur du massacre . Ensuite , Aurore est présentée comme “veuve ” alors que Georges est encore vivant : ce paradoxe révèle qu’il se considère déjà comme ne faisant plus partie des vivants. Ensuite la guerre est présentée comme une sorte de monstre qui dévore les hommes ; L’expression avoir faim l’animalise et indique la force de son désir ; La gradationme réclamait” m’exigeait avait vraiment faim de moi ”  (traduit ce besoin irrépressible que ressent le personnage de repartir sur la zone de guerre ) Pour terminer , le romancier montre une sorte de relation d’égal à égal en rappelant que Georges effraie désormais sa famille : la guerre est la seule à pouvoir le comprendre ” elle ,’avait pas perdre mes cris, de mes coups ni même du mon regard ” ;  En fait, la guerre semble offrir au personnage des conditions dans lesquelles il peut se laisser aller à déverser sa colère sa violence car les circonstances le justifient. Cette théorie selon laquelle le combat serait un exutoire à la violence existe depuis l’Antiquité; la guerre offre ainsi aux hommes un espace où il peuvent faire ressortir ce que Chalandon nomme “leur monstre intérieur “, tout simplement laisser libre cours à leurs pulsions meurtrières et à leurs bas instincts, toutes les émotions et les gestes qu’ils doivent réprimer tant bien que mal pour pouvoir vivre en société au milieu de autres hommes. L’homme dans la guerre se transforme et ici l romancier monter que son personnage a atteint une zone de non retour. 

La mise en scène du départ 

Le personnage a préparé son départ et effectué des opérations indispensables comme ” virer mon argent sur le compte de ma femme ” et “retirer du liquide ” mais il ne les prévient pas et les laisse partir le matin sans rien leur dire. Il évoque d’ailleurs ce que sera la première soirée sans lui au conditionnel “ce soir il y aurait pizza pour tout le monde ” comme s’il avait du mal à quitter cette scène, comme s’il faisait encore partie de la distribution; Dans l’expression “tout le monde ”  ( 19 ) on peut penser qu’il s’est inclus et qu’ils forment encore à ce moment là, en pensée, un trio. Chaque geste quotidien accompli par le personnage résonne  alors de manière symbolique …

20. janvier 2018 · Commentaires fermés sur La répétition inachevée : extrait n° 2 Le quatrième Mur · Catégories: Première · Tags: ,
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De retour  à Beyrouth pour continuer à diriger  le projet  de son ami mourant : faire jouer une représentation de la tragédie d’Anouilh, Antigone, avec des acteurs de chaque faction en guerre , Georges réunit pour la seconde fois sa troupe au centre culturel grec  dans le quartier Bir Hassan, le 4 juin 1982; Il a demandé à chaque acteur d’apporter un objet symbolique qui définit son personnage et il entend bien, au cours de leurs lectures, leur indiquer comment jouer au mieux leurs rôles et diriger la répétition. Les acteurs échangent leurs points de vue sur le sens de la pièce  et Georges leur rappelle les circonstances de sa création par le dramaturge français; Il en a eu l’idée après avoir lu une affiche de la gestapo qui présentait l’attentat d’un ouvrier français torturé et exécuté pour avoir  tiré sur le ministre du gouvernement de Vichy, Pierre Laval. Anouilh a alors pensé à Antigone et à son face à face avec Créon . Image voit en l’héroïne qu’elle incarne l’image de la rébellion et Charbel demande des précisions pour jouer le roi Créon. Georges le laisse libre d’en faire un salaud ou un héros . A ce moment là, un avion israélien bombarde la ville . C’est la panique …

Quel rôle joue ce passage dans le parcours et l’évolution du personnage de Georges ? quelles est sa fonction dramatique? symbolique ? comment la guerre  fait-elle irruption ici au coeur du théâtre et de la représentation ? Tout d’abord ce passage représente la véritable découverte de la guerre par Georges, leur premier véritable contact ; Le passage décrit d’abord les réactions des acteurs avant d’analyser ce que ressent Georges à ce moment précis ;

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La guerre  prend ici la forme de violentes explosions et se caractérise tout d’abord par un mouvement de panique : “ils hurlaient en arabe” : confrontés  au danger à la mort,  les hommes reviennent immédiatement à leurs langues natales. D’emblée le lecteur est plongé dans la mêlée par une successions de phrases courtes comme des notations des positions de chacun. Chaque prénom est associé à une position :  George est “allongé” Yevkinée “blottie ” contre lui et “sanglotait”. Madeleine “pleurait” et Nabil “priait à genoux”; Le roman dresse une sorte de tableau où les corps se dessinent et se transforment sous l’effet du bombardement. Après avoir saisi les positions des acteurs ” mains sur la tête” “ tenant son nez à deux mains ” “dos tourné à la fenêtre“mains offertes au ciel “ , l’écrivain va brusquement animer ce tableau en y associant des sensations auditives notamment, qui tentent de rendre compte du fracas des bombes et de la violence de ce qui est subi ici ; “juste le choc terrible, répété, le fracas immense, la violence brute, pure, l’acier en tout sens, le feu, la fumée, les sirènes réveillées les unes après les autres, les klaxons de voitures folles les hurlements de la rue, les explosions encore encore encore ” (  l 14 à 20 )  Sous la forme ici d’une longue énumération, le romancier transcrit les différents bruits qui se succèdent avec d’abord des adjectifs hyperboliques comme “immense ” ou “ terrible ” ; Ensuite en utilisant simplement la juxtaposition des différents sons comme s’ils se déclenchaient les uns à la suite des autres ou quasiment en même temps; l‘allitération en f avec fracas folles, feu, fumée fait presque entendre le souffle de l’explosion. Et la répétition de encore à la fin de la période semble justement la rendre infinie.

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Non seulement il nous fait entendre la guerre mais il tente de nous la faire visualiser avec les indications visuelles qui bouleversent nos repères habituels  comme “acier en tout sens “(16)  ; On peut imaginer ici à la fois les avions mais surtout les dégâts causés par les bombes au sol qui pulvérisent tous les objets qu’elles rencontrent 

Georges vit son premier véritable contact direct avec la guerre à laquelle jusque là, il a pourtant beaucoup pensé et il va pouvoir confronter les images qui étaient les siennes à ce qu’il est en train de vivre. “j’étais en guerre ” dit-il (l 12 ) Cette fois vraiment.”  Le passage ici se fait par cette formule: passage entre sa représentation de la guerre et son vécu sur le terrain .   Ce n’est pas exactement son baptême du feu car il  déjà eu une première approche de la guerre à Beyrouth en compagnie de Jospeh-Boutros durant une nuit. C’est d’abord son corps qui parle : ” Mon âme était entrée en collision avec le béton déchiré ” Cette image traduit l’idée d’un terrible choc contre quelque chose qui nous dépasse ; Les murs sont ici personnifiés avec l’adjectifs déchirés qu’on emploie plutôt pour des corps ( l 20) C’est comme si une partie de lui demeurerait à jamais dans cet endroit: comme s’il venait de perdre un morceau de lui  qui restera définitivement accroché  à Beyrouth. “ Ma peau, mes os, ma vie , violemment soudés à la villeL’énumération met sur le même plan le corps : l’enveloppe extérieure, et le squelette caché dessous  et le verbe souder marque ici la force de ce lien qui désormais l’unit à cette ville et à son peuple. En même temps le terme souder rappelle l’acier  utilisé comme métonymie pour illustrer la guerre.

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A ce moment là, le personnage  a une réaction paradoxale : il se met à sourire ( l 22) et il associe ce qu’il est en train de vivre à ses souvenirs récents ; Ses pensées sont traduites par l’anaphore du verbe pensais (l 23,24 27 ); L’écrivain superpose différentes images comme pour montrer que la guerre  réussit à s’infiltrer partout  et notamment rayonne de ce théâtre à  Beyrouth toute entière représentée par différents lieux symboliques  “ les snipers du Ring, de la tour Risk” ; La parenté des deux mots nous rappelle que même ennemis , ils sont touchés de la même manière ; La ville est remplie de tireurs qui sont “jetés sur les murs ” comme pour souligner la violence qui passe ici directement par les hommes en armes comme Joseph Boutros, le frère de Charbel qui se bat dans le camp chrétien ; Son arme est comparée à un “fusil d’enfant” et le bruit des coups de feu du snipper à “un couinement de souris grise ” (l 23 )  alors que quelques semaines auparavant les mêmes coups de feu  semblaient à Georges d’une violence follle ” et il déclarait qu’à ce moment là il n’avait jamais  vu la bataille d’aussi près.

Le personnage a donc franchi une étape supplémentaire dans son approche de la guerre et alors qu’au chapitre 10 lorsque Joseph-Boutros lui  avait ordonné de rester auprès de lui, il se sentait à ce moment là déjà “au profond de la guerre” et ressentait quelque chose d’à la fois “terrible et vertigineux ” (p 159) . Cette sensation va être décuplée lors de ce bombardement.  Car  jusque là le personnage conservait la conscience de ne pas être venu pour cela, pour la guerre  “ ce n’était pas le mandat que Sam m’avait confié “dit-il (p 159) . Avec l’épisode du bombardement, nous voyons le personange de Georges entrer de tout son être dans la guerre; Il ne peut plus demeurer spectateur des événements mais devient l'un des acteurs du conflit. Déjà lorsqu'il  avait passé la nuit avec le frère de Charbel, il avait été assailli par un sentiment de honte “j’ai eu honte ” et il secoue la tête pour chasser ce qu’elle contient car pour la première il a peur de lui-même; cette fois la honte demeure présente : l’expression “j’ai eu honte “revient trois fois en trois lignes ( 39 à 42 )et à chaque fois accompagnée par un sentiment paradoxal. 

Ce que ressent,en effet, Georges à cet instant peut encore paraître confus : un mélange de joie et d’horreur qui le fait à l fois se sentir en enfer et se sentir terriblement bien ; Que se passe-t-il en lui ? Son esprit voyage et repart à Paris porté par les bruits qui lui rappellent d’autres bruits  comme ceux qui célèbrent la victoire du 14 juillet et ceux de la nature “l’orage et la foudre ” l 29 qui sont qualifiés de “trop humains ”  comme pour montrer que ceux qu’il entend durant les explosions ne le sont plus. En réalité, c’est plutôt l’inverse car les bruits de l’orage et de la foudre ne sont pas humains alors que ce sont des hommes qui larguent les bombe qui détruisent d’autre hommes. 

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Son corps parle pour lui : “je mâchais mes joues, j’ouvrais la bouche en grand, je la claquais comme on déchire ” ;( 30)  Ce déchirement rappelle celui des murs autour de lui  et du béton (l 20 ) et les tireurs de la ville jetés contre les murs sont les échos des avions qui se jetaient sur Beyrouth( l 9 ) ; L’emploi des mêmes verbes pour désigner à la fois l’action des hommes et les conséquences de ces actions renforce le caractère doublement destructeur de la guerre : elle détruit à la fois les hommes qu’on combat et les homme qui combattent. Nul n’en ressort indemne : vivant ou mort . Le corp sue Georges est lui aussi en panique et comme transformé sous l’effet des sensations : “mon ventre était remonté, il était blotti dans ma gorge.” Et pour amplifier la confusion : “ma jambe lançait des cris de rage de dents “ L’image ici de la jambe blessée du personnage mise en relation avec des douleurs dentaires peut faire penser notamment aux représentations picturales cubistes de la guerre qui montrent les corps disloqués et comme enchevêtrés: Guernica de Picasso par exemple offre un saisissant tableau des massacres de la guerre d’Espagne avec des morceaux de corps mêlés qui suggèrent la barbarie . En même temps ces images  que le romancier emploie pour  décrire les conséquences physiques de la guerre sur les corps ont  été utilisées maintes fois dans les récits des guerres relatées notamment par les combattants : ces sensations violentes  que leurs ventres et leurs estomacs remontent sont la manifestation de leur peur et   provoquent de violentes nausées ; nausée dont est victime Nimer dans l’extrait : Nimer a vomi à la ligne 45 et cela ne surprend personne car tous ressentent les mêmes sensations physiques. Pourtant durant ces quelques secondes , chacun demeure concentré sur lui même : “Personne n’est allé à son secours. personne n’est venu au mien. ” Le parallélisme ici de la construction des deux phrases révèle, dans un premier temps, le temps de l’hébétement ” le tragique isolement des victimes. Cet hébétement est bien l’état qui laisse le personnage bouche ouverte, bouche bée, grande ouverte , c’est à dire sans que les mot puissent être utilisés, juste le silence  ou les hurlements.

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Mai d’où vient alors la joie féroce que ressent le personnage ? Il tente de préciser ce qu’est pour lui la guerre à ce moment précis : “un vacarme à briser les crânes, à écraser les yeux, à serrer les gorges jusqu’à  ce que l’air renonce . ” (39 ) On retrouve bien l’idée d’un mélange de sensations et de fonctions vitales endommagées avec l’ouïe qui est touchée(le sang dans les oreilles est fréquent après les explosions ), la vue (Georges sera blessé au yeux ) et la respiration qui devient impossible (gorge serrée) . En dépit de cette souffrance multiple , le personnage est labouré par une “joie féroce “(40 )  . On note d’abord l’emploi au sens figuré du verbe labourer qui signifie remué en profondeur jusqu’au tréfonds de son être et l‘alliance de mots  paradoxale : la joie est qualifiée de féroce alors qu’habituellement l’adjectif féroce qualifie plutôt la méchanceté ou la douleur ; On peut comprendre ici que féroce désigne peut être la dimension sauvage de cette joie incontrôlable qui, en même  temps qu’elle surgit , fait mal. Parce qu’il s’agit bien d’ effroi et cet état le fait se sentir terriblement bien ; une des explications possible et que le personnage  entre dans la tragédie où tout devient simple. Comment expliquer autrement cette transformation que par la sensation d’atteindre une dimension tragique celle qui fait que “toux ceux qui avaient à mourir sont morts ” comme le dit simplement  le Prologue à la fin d’Antigone. On peut ici faire le lien avec la pièce et la définition que le dramaturge propose de l’univers tragique. 

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A la manière de la tragédie d’Anouilh, le romancier emploie des formules présentations simples : “La guerre c’était ça ” ( 34 )  et il fait entrer Georges dans un univers de tragédie , celui que dépeint justement Anouilh : ” J’étais tragique, grisé de froid, de poudre, ,transi de douleur ” Le personnage ressemble ici à un héros tragique : il a entamé la métamorphose qui le conduira au dénouement où il deviendra cette fois totalement le héros de la tragédie en mourant de manière théâtrale. 

En conclusion, ce passage a une double fonction: tout d’abord il nous présente  la formation d’un lien ambigu et de  plus en plus étroit entre  le personnage de Georges qui entame ici une sorte de transformation tragique; ce passage nous montre également les différentes perceptions des stades de la guerre :la brutalité de l’attaque et des sensations qui semblent d’abord pétrifier les hommes, les transformant en statues de sel mais aussi  les étapes successives de la guerre avec les hurlements , la panique , le bruit et leurs conséquences immédiates ” le cri des hommes, le sang versé, les tombes..” pour finir par la douleur des vivants sous une forme métonymique avec “les larmes infinies qui suintent des villes ” et le  constat global des destructions : “les maisons détruites, les hordes apeurées ” (37) ; cette formule généralisante présente d’ailleurs les survivants comme des animaux redevenus sauvages et se rassemblant en troupeaux comme pour mieux se protéger . Quant à Georges il  a fait un pas de plus vers son destin de personnage tragique : la guerre a commencé à s’ emparer de lui et elle ne relâchera pas son étreinte mortelle.