07. mars 2016 · Commentaires fermés sur Stendhal, le plus milanais des écrivains français · Catégories: Première

L’Italie a commencé à fasciner les voyageurs dès l’Antiquité ; Au seizième siècle, Montaigne a écrit le récit de son voyage en Italie et cet exemple a été suivi par de nombreux écrivains voyageurs mais chaque époque a privilégié certains aspects de l’Italie et des villes comme Rome, Venise, Naples et Florence ont souvent été préférées par les touristes aux régions situées plus au Nord du pays.

Au
XVIIIe, le Siècle des Lumières, Rousseau célébrait le voyage pour
le voyage, glorifiant le plaisir physique de la marche et l’émotion
procuré
e
par la contemplation d’une nature majestueuse et sauvage. En ce
début du XIXe, la conception du voyage qui s’impose , c’est le
voyage comme dépaysement, la recherche de l’exotisme, de la
différence. Stendhal s’intéressera plus aux gens qu’aux objets
ou aux décors.
«Pour
peu que l’homme qui me répond soit emphatique et ridicule, je ne
pense plus qu’à me moquer de lui, et l’intérêt du paysage
s’évanouit pour toujours »
.
D’autre part, Stendhal sera le premier à raconter comme il se
promène : avec liberté, prenant et racontant les choses comme
elles lui viennent, et les abordant sous un angle subjectif, le
fameux « Je » cher à l’auteur des « souvenirs
d’égotisme ».
Il
compose un

récit de voyage personnel, c’est-à-dire incluant ses propres
sentiments et perceptions des choses, et leurs effets sur lui-même.
«Un
journal de voyage doit être plein de
sensations.
Car
 je
voyage non pour connaître […] mais pour me faire plaisir ».

Stendhal,
dans la retranscription de ses visites, veut avant tout être
«
nature»,
ce qui signifie raconter comme on se promène, de son point de vue
(texte à la première personne), au fur et à mesure que les choses
surviennent (récit chronologique), avec de nombreuses digressions .
Mais derrière cette nonchalance étudiée se profile une écoute
attentive de soi, permettant de fixer ses pensées et faire le point
sur ses sentiments. Le panorama réel est beaucoup moins important
que la perspective qu’en a le voyageur. « 
Je
ne prétends pas dire ce que
sont
les choses, je raconte la
sensation
qu’elles me firent
 ».
Avec Stendhal, le voyage n’est plus seulement une découverte du
monde, mais une expérience intime. Le voyageur est devenu le centre
du récit, en lieu et place du voyage. Stendhal peut être considéré
comme «l’inventeur» du guide touristique. Les
Promenades
dans Rome

(1829) furent écrites pour proposer des itinéraires, accompagner et
guider le voyageur dans s
es
visites.
Et
si Stendhal n’a pas inventé le
touriste,
la publication des
Mémoires
d’un touriste
,
popularise ce terme. Et c’est en 1841 qu’apparaît le mot
tourisme,
quand Thomas Cook ouvre en Angleterre la première agence de voyages.

Pour
quelles raisons Stendahl apprécie-t-il particulièrement Milan ? 


Tout d’abord, il y fit de nombreux séjours et finit même par s’y
installer durant une dizaines d’années.
Stendhal
apprécie énormément
les
manières de vivre
milanaiseset
se sent vraiment accepté, intégéré dans cette société milanaise
cultivée : il

confie le 20 Octobre 1816: «
Si
je ne pars pas d’ici dans trois jours, je ne ferai pas mon voyage
d’Italie ; non que je sois retenu par aucune aventure galante, mais
je commence à avoir quatre ou
cinq
loges où je suis reçu comme si l’on m’y voyait depuis dix ans
».
Il y rencontre tout le monde littéraire de Milan; Silvio Pellico
qu’il trouve alors «bien jeune» tout en reconnaissant que
«l’amour est divinement peint dans sa Francesca da Rimini», et
qu’il est un véritable espoir pour la littérature italienne.
Il
rencontrera également à Milan une femme qui sera le plus grand
amour de sa vie. Dans se souvenirs de Milan, i
l
fait part au lecteur des discussions qui se tenaient alors dans ces
loges
de
la Scala , théâtre où il es rendait presque chaque soir ,

et lui en rapporte les meilleur
es
anecdotes.

Durant
les journées, Stendhal se promène dans Milan, « ce qu’il y a
de plus agréable pour moi, à Milan, c’est de flâner
»,
visite les églises, va admirer la cène de Léonard De Vinci dans le
couvent delle Grazie ou se rend au musée de Brera où il contemple
le Mariage de la Vierge de Raphaël, les plâtres des statues de
Michel Ange et de Canova tout en dévoilant au lecteur ses principaux
itinéraires de promenade. Il aime ,la nuit, contempler longtemps le
Dôme «éclairé par une belle lune» et ne manque pas l’occasion
de rappeler que «c’est à Napoléon que l’on doit la façade
demi gothique et toutes les aiguilles du côté du midi, vers le
Palazzo Regio
».

Stendhal
livre ses idées et
règle
ses comptes ; ainsi, il fait l’apologie de Napoléon . En
revanche, il n’épargne ni Madame de Staël, ni Voltaire ni même
ses compatriotes, en parlant du gouverneur de Milan, le Comte Saurau,
il dit de ce dernier: «
C’est
un 
homme
de beaucoup d’instruction…il a ce tact fin pour les beaux -arts
que l’on ne trouve jamais chez l’homme de lettres français, à
commencer par Voltaire
» 

Finalement,
trois mois après son arrivée, en décembre 1816, Stendhal sera
contraint de quitter Milan et poursuivra son voyage
en
Italie : destination Rome et Florence.. Sur sa tombe, il voulut
faire graver cette épitaphe,
Stendhal
Milanese.
Deux
de ses romans les plus célèbres ont pour cadre l’Italie :
La
Chartreuse de Parme

et
Le
Rouge et le Noir.