03. mai 2016 · Commentaires fermés sur Dessine moi ou écris moi une prison.. · Catégories: Première

Lire un roman qui évoque la prison ne suffit pas pour s’en faire une idée précise; C’est pourquoi je vous propose de partager nos expériences de lectures et de présenter au groupe ce que vous avez découvert à partir de vos notes et de vos souvenirs de lectures.  A travers l’expérience de la privation de liberté, de nombreux détenus cherchent en réalité à se souvenir de ce qu’était leur vie avant, lorsqu’ils étaient à l’extérieur . Enquêtons ensemble sur les différents visages de l’univers carcéral et cherchons quelles images éclairent la liberté.

 Les prisons ne se ressemblent pas toutes mais toutes ont en commun de faire de nous des prisonniers privés de libertés. Dans la plupart des pays, le système carcéral est l’objet de nombreuses critiques et les témoignages sont, eux aussi fort nombreux pour souligner ses failles : couloir de la mort aux Etats-Unis, goulag en ex- URSS, camps de rééducation en Asie, cachots turcs ou prisons sous les ordres de la junte militaire au Chili ou en Colombie. Des douves où étaient enfermés les ennemis de la royauté aux cellules de haute sécurité qui abritent aujourd’hui les terroristes et les criminels les plus dangereux, les images ne manquent pas de se recouper; Des barreaux,  des menottes, des chaînes, de l’obscurité, du silence ou au contraire des cris de douleur qui résonnent la nuit, la solitude ou la promiscuité et le manque d’intimité, la méditation et la prise de conscience ou la rage la plus destructrice..comment dépeindre  et transmettre les images de l’emprisonnement.  Votre travail va consister à nous faire imaginer ce qu’est la liberté pour un prisonnier Votre écriture devra s’efforcer d’être poétique et d’utiliser les sonorités des mots, pas uniquement leurs sens. 

Rassemblez d’abord les mots clés qui évoquent pour vous l’emprisonnement et ensuite, imaginez entre eux des relations, des comparaisons; Inventez des images à partir de sensations et composez un poème qui fasse ressentir ce qu’est la liberté pour celui qui en est privé.

 La forme du poème  pourra s’inspirer  librement des techniques utilisées par Apollinaire, Verlaine, Baudelaire (versification stricte ou souple, présence de vers réguliers ou libres , strophes, assonances, allitérations, anaphores ): vous avez à votre disposition tout le matériel nécessaire pour rendre votre texte poétique. Du sonnet au rondeau, en passant par l’ode ou le poème en prose, toutes les formes sont autorisées

Pour vous aider, voici un poème intitulé  Prison fleurie 

Cherchez à dégager de ce poème les images liées à l’emprisonnement en les résumant ainsi: être prisonnier , c’est se sentir …alors qu’est-ce que se sentir libre ? 

cellule sans fenêtres

pluie battante

elle entend ses pensées

les voix du monde

dehors

elle imagine ses enfants

elle les berce

le zèle des hommes

les lois archaïques

l’ont violée

ont pillé son innocence

crime anaphorique

exaction

le temps passe emmuré

combien de jours encore

mesurant ses désirs

s’enivrant d’espoir

écachée par ces parois

elle croit

elle respire la vie

étreinte de désir

elle reviendra

libre sous les caresses du soleil

Sybille Rembard, Beauté Fractionnée, 2002

A vos idées..bonne poésie …

02. mai 2016 · Commentaires fermés sur Apollinaire en prison · Catégories: Première
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Décrypter une explication de texte à partir d’un site internet est un travail qui peut s’avérer efficace en complément d’un cours à  condition de bien garder en mémoire les consignes de l’épreuve orale de français au bac; L’exemple suivant vous propose de travailler à partir d’un site assez fréquentable : annabac et vous donne une illustration de l’adaptation nécessaire pour pouvoir tirer pleinement profit d’internet.

Le commentaire que vous allez  lire  provient du site annabac  : il est destiné aux élèves qui passent leur bac de français mais attention, ce site, comme beaucoup d’autres, ne  respecte pas toujours les contraintes de l’épreuve . Regardons ensemble comment se présente ce document et analysons le.

Introduction (tirée du site annabac)

Amorce : De Verlaine à la jeune Albertine Sarrazin, nombreux sont les poètes qui ont tiré de leur séjour en prison une force de création. ( à compléter..)

Présentation du texte : Guillaume Apollinaire, mis en cause dans une affaire de vol de statuettes au musée du Louvre, a été incarcéré pendant quelques jours à la prison de la Santé, à Paris, en 1911. Il communique les souvenirs de son incarcération dans le poème « À la Santé ».

Annonce du plan : Le texte peut d’abord être lu comme la chronique,?? d’un séjour en prison qui rend compte de l’état d’âme du poète. Mais il va au-delà et, derrière cette expérience douloureuse, dévoile le moi profond ?? du poète et sa conception de la poésie.

Les analyses du prof :

Tout d’abord l’introduction est mentionnée mais elle est incomplète car elle ne fournit aucune précision sur la date de publication du poème et sur sa place dans l’oeuvre d’Apollinaire ; si l’amorce est une bonne idée (je vous conseille une amorce de type historique ), elle est sommaire et très insuffisante pour l’oral du bac de français . Ce qu’il appellent ensuite la présentation du texte sera aisément remplacée par la situation du texte . Une introduction type à l’oral se décompose en 5 parties distinctes qui s’enchainent durant environ une minute: contexte historique (amorce), auteur , place du texte dans l’oeuvre de l’auteur , situation du passage  à l’intérieur du livre (pour les extraits) et idées principales à partir desquelles on dégage la problématique (à l’oral la réponse à la question posée). ON termine toujours une introduction par l’annonce de son plan d’étude et le plan répond toujours à la problématique donnée.

Voilà comment améliorer les éléments trouvés sur le site et les rendre conformes aux exigences de l’épreuve de français.

Introduction (du prof)

  De Verlaine à la jeune Albertine Sarrazin, nombreux sont les poètes qui ont tiré de leur séjour en prison une force de création. et qui ont utilisé cette expérience comme une matière artistique pour composer leurs poèmes ou leurs romans.: Guillaume Apollinaire,  poète plutôt avant-gardiste , fondateur d’une forme de modernité poétique , est mis en cause dans une affaire de vol de statuettes au musée du Louvre; à cette occasion, il est arrêté et  incarcéré pendant quelques jours à la prison de la Santé, à Paris, en 1911. Il communique les souvenirs de son emprisonnement  dans le poème « À la Santé » qui fait partie du recueil Alcools. On peut alors se demander quelle conception de l’univers carcéral émane de ce poème ? Dans un premier temps, nous étudierons les traces du séjour en prison avant de montrer comment la poésie traduit la douleur de l’expérience et la transforme.

Éléments d’analyse (lecture analytique)

1. La réalité carcérale

  • L’évocation du décor (« cellule », « les vitres », « la voûte », « murs tout nus », « chaise enchaînée », « prison »), des usages (se « mettre nu », un numéro : « le quinze de la / Onzième », la promenade « chaque matin », « les clefs », « le geôlier », « prisonnier »), des bruits intérieurs (un « pied » sur la voûte, la « fontaine », des « clés » qu’on fait « tinter », la chaise) et extérieurs (« bruits de la ville ») 3 sous- parties possibles

  • L’impression douloureuse d’un temps qui s’étire et de l’ennui est rendue par le vocabulaire, les exclamations, les sonorités féminines, les rimes intérieures, les liquides (« Que je m’ennuie », « Que lentement pass[ent] les heur[es] »). La monotonie est rendue par le présent d’habitude, l’expression « chaque matin », les répétitions (« passer » quatre fois, etc.).

2. Le rythme d’un journée 

La structure insolite en six parties, rythmée par des « blancs », donne une impression de construction cyclique (les parties I et VI suivent le même schéma), de recommencement mais, entre ces deux parties identiques, le poète n’est pas revenu au même point.

  • Le poème est à la fois la chronique du séjour (avec rappel de l’arrivée et de la fouille) et celle d’une journée (lever du jour : « le soleil filtre » ; promenade du « matin » ; ennui de la journée ; « le jour s’en va » ; le soir, la nuit suggérés par « une lampe »).

  • La progression dans le temps correspond à des variations d’état d’âme. Le poète passe de l’attention au monde extérieur dans les parties II et III (les éléments : « le soleil », « ses rayons », « le ciel » et la présence humaine : « quelqu’un qui frappe du pied », « dans la cellule d’à côté », « le geôlier ») à l’intériorisation (parties IV-V et 1re strophe de VI).

  • La réduction de l’espace à la cellule s’accompagne d’une angoisse croissante rendue par une question (v. 37-38), par le vocabulaire affectif péjoratif (« douleur », « désespoir ») et les mots de la négation (« pâles » [sans couleurs], « sans [larmes] », « [murs] nus », « hostile »). 

  • Les derniers vers marquent l’apaisement : le symbole de la « lampe » qui « brûle » (image du foyer), la « raison », personnifiée en créature féminine, qualifiée par des mots positifs (« belle » « Chère ») font de la cellule un espace préservé de l’intimité.

3. La présence du poète 

  • Variété et irrégularité de la métrique. La métrique introduit un élément de variété : diversité des strophes (distiques, quatrains, sizains…), des vers (octosyllabes, décasyllabes, alexandrins, mais aussi vers impairs, heptasyllabes). Le choix est toujours significatif : deux sizains massifs d’octosyllabes (strophe III) traduisent la pesanteur du temps.

  • Variété de l’énonciation. Apollinaire s’invente des interlocuteurs pour lutter contre la solitude, il « sonorise » sa cellule par des voix :

    • une « voix sinistre » s’adresse à lui à la 2e personne, l’appelant par son prénom (intimité) et le fait exister – c’est peut-être lui-même (cf. Verlaine « Le ciel est par-dessus le toit ») ;

    • il interpelle « [ses] années » passées, personnifiées en « jeunes filles » ;

    • puis il prie « Dieu », qu’il tutoie pour créer l’intimité ;

    • il se dédouble et parle à un autre lui-même, désigné par « tu » (v. 47) ;

    • enfin, il se confie à sa « raison », personnifiée elle aussi.

Figures de poète : transformation de l’expérienec biographique 

  • L’humour et l’auto-ironie des images. Les images sont cocasses : Apollinaire se présente comme un « Lazare » à l’envers, un ours de zoo, animal lourdaud ; les rayons du soleil sont des « pitres ». Elles sont aussi gracieuses (le cercle protecteur des « années » passées, « chantante ronde ») ou insolites, voire surréalistes (« Le ciel est bleu comme une chaîne »). Elles manifestent la distance que prend le poète par rapport à lui-même sur le ton de l’auto-ironie pour dédramatiser sa souf879.

  • L’inventivité d’Apollinaire apparaît dans la structure du poème, dans les mots inattendus (« vitement », reprise d’un adverbe oublié) et la suppression de la ponctuation, marque de modernité.

2. La vraie gravité d’une mise à nu

Mais, en contraste, le poète qui se dessine ici est bien l’Apollinaire d’Alcools, de « La chanson du mal-aimé », plein de gravité.

  • L’incarcération est une épreuve humiliante (« il a fallu me mettre nu »), mais aussi une remise en question de son identité (« Guillaume qu’es-tu devenu » ; « je ne me sens plus là/ Moi-même » ; le dédoublement se marque par le passage du « je » au « nous », v. 9, 23).

  • Un vrai « désespoir » causé par le passé douloureux qui resurgit et la présence implicite de la mort (référence à « Lazare » ; « sans horizon », « ciel hostile » ; la partie IV rappelle « Spleen » de Baudelaire).

  • Le portrait affectif que le poète fait de lui-même est celui que traduisent ses autres poèmes : tristesse pathétique (« mes yeux sans larmes », « ma pâleur », « ma chaise »), angoisse perpétuelle du temps qui passe (« Tu pleureras l’heure où tu pleures »).

  • Enfin, le lecteur retrouve les mêmes tendances poétiques :

    • les vers sont ses vrais compagnons (« mes lignes ») ;

    • il a gardé son goût du mélange poétique (dans les rythmes, les atmosphères variées : II, bout-rimé à la Musset ; III, chanson ; IV, prière ; V, élégie) 

      A vous maintenant de réutiliser ces différents éléments dans votre fiche sur ce texte .

17. avril 2016 · Commentaires fermés sur Verlaine en prison · Catégories: Première

Dans  l’œuvre de Verlaine,  son recueil Cellulairement  a été rédigé en captivité entre le 10 juillet 73 et le 16 janvier 1975. Verlaine qui vient de tirer sur son ami Arthur Rimbaud deux coups de feu est incarcéré pour délit d’homosexualité. 

. Un manuscrit de   67 feuillets est écrit  depuis sa cellule, un recueil  dans lequel le poète exprime ses rêves, ses fantasmes, son désespoir, ses frustrations, ses remords, ses espérances, ses évasions poétiques, ses fantaisies, ses théories, mais aussi l’irruption de la grâce à partir de l’été 1874. ” En effet , durant son séjour en prison, Verlaine s’est converti au catholicisme et a redécouvert la foi. 

 

La vie de Verlaine n’aura pas été un long fleuve tranquille: amoureux de sa cousine qui le rejette, il épouse ensuite la jeune Mathilde mais n’est guère heureux en ménage même après la naissance de leur fils;  Son penchant pour les jeunes hommes lui causera bien des ennuis notamment lorsqu’il deviendra enseignant. L’alcool devient très vite une compagne fidèle et ses excès déclenchent des accès de colère qui peuvent parfois aller jusqu’à la violence; Rimbaud fait alors irruption dans sa vie; Entre les deux hommes , une passion se déclenche et les consumera. Il suffit de lire les lettres enflammées de leur correspondance pour mesurer à quel point cette rencontre aura compté. Un soir, l’alcool aidant, c’est le drame et Verlaine va passer plusieurs années en prison à Mons, en Belgique.

 

08. avril 2016 · Commentaires fermés sur Géographie des prisons · Catégories: Première

A quoi ressemble vraiment la prison  dans nos têtes et dans la réalité? Qu’imagine-t-on derrière ce mot ? des barreaux, des grillages , des miradors et des hauts murs ? Pourtant toutes les prisons ne se ressemblent pas vraiment . Alors dessinons ensemble les contours de notre prison .  Quelles prisons abritez-vous dans vos cerveaux ? 

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Certaines prisons sont devenues célèbres comme Alacatraz près de San Francisco, la prison dont il était soi-disant impossible de s’évader et qui a vu passer des prisonniers aussi célèbres qu’Al Capone..autre prison et autres légendes,allez faire un tour du côté du  bagne de Cayenne où la France envoyait bon nombre de ses prisonniers les plus féroces; elle a récemment défrayé la chronique et on a même soupçonné les gardiens de ne pas respecter les droits des prisonniers.il faut dire que ce ne sont pas simplement des droits communs, mais beaucoup sont  des terroristes ; je veux parler des quartiers de haute sécurité de Guantanamo; et pas très loin de nous, à quelques dizaines de kilomètres, la prison de Fleury-Mérogis ou de Fresnes sont elles aussi traitement célèbres pour leur effrayante surpopulation. Combien existe-t-il de prisons en France ? quel est l’état du sytème carcéral ?  Si vous voulez en savoir plus sur les conditions de détention des prisonniers et les débats qui divisent les sociétés autour des modes d’incarcération, alors allez faire un tour sur le site carcéropolis et vous aussi , partez à la découverte des plus célèbres lieux de détention partout dans le monde.

www.carceropolis.fr/ Un questionnaire vous sera proposé  pour vérifier que vous êtes bien allé sur ce site.

25. mars 2016 · Commentaires fermés sur Echantillons de héros romantiques · Catégories: Première · Tags:
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La question de synthèse consistait à comparer quatre personnages issus de trois romans diférents : Fabrice Del Dongo le héros de La chartreuse de Parme de Stendhal ; Corinne et  Lord Oswlad Nelville, le couple vedette de Corinne ou l’Italie de Madame de Staël et enfin Concetta, la fille du prince Salina dans Le Guépard de Lampedusa

Fabrice n’est encore qu’un adolescent quand le roman commence et il s’apprête à se lancer dans l’aventure napoléonienne mais au mauvais moment. Concetta elle, est au soir de sa vie et en dresse un bilan extrêmement négatif ; demeurée seule, sans amour, célibataire , sa famille a perdu son prestige à cause de la révolution garibaldienne . Les deux héros romantiques sont donc du mauvais côté de l’Histoire.

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Si deux  des romans ont été écrits dans le premier tiers du dix-neuvième siècle, qui correspond à l’essor et à la diffusion des idéaux romantiques, leurs auteurs n’ont pas le même regard sur leurs personnages. Madame de Staël à travers le triomphe de Corinne et son portrait en majesté ,  fait le tableau de la femme parfaite admirée par tous , consciente de sa beauté mais qui se garde d’ en tirer trop d’orgueil : elle parvient à conserver une attitude noble et modeste (l 14); De même , elle est caractérisée par un savant mélange d’ éclat extraordinaire et de naturel . Ce mélange caractérise aussi le héros masculin du même roman : doté d’un ensemble de qualités  hors du commun : figure noble et belle, beaucoup d’esprit, un grand nom , une fortune indépendante ( l 2 et 3) , il  est cependant décrit comme ” timide envers la destinée” (l 25) .  Les deux héros sont donc dse personnages au caractère “mobile et passionné” Corinne fait preuve  en dépit des manifestations d’enthousiasme de la foule, d’un “sentiment de timidité qui se mêlait à sa joie. ” ( l 16) . La délicatesse des sentiments est peut être la marque commune de ces héros qui tentent de ne pas se laisser déborder par leur sensibilité.

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En effet, le héros romantique est souvent caractérisé par une forme de sensibilité exacerbée et beaucoup de larmes sont versées dans ces romans : Fabrice “répandit des larmes ” en faisant ses adieux à sa tante ; Lord Oswald souffre d’une grande tristesse et paraît inconsolable ; le chagrin a dévasté son être mais il semble, lui désormais, au delà des larmes : “quelque chose d’aride s’empara de son coeur ; il n’était plus le maître de verser des larmes quand il souffrait  ” ( l 37)

Cette attitude de refus de l’émotion se retrouve chez Concetta , héroïne tragique, qui au soir de sa vie contemple son existence et n ‘a plus  plus vraiment l’impression de faire partie des vivants  comme si quelque chose en elle était mort avec son passé : “en elle , le vide était complet”  lit-on ligne 17 mais on ressent toutefois une souffrance du personnage qui tente de se débarrasser totalement de ce qui la relie à son passé et à ses souvenirs douloureux.  La situation de ce personnage est bien particulière et la mort aisément perceptible dans cet épilogue.

 

Une  autre caractéristique du héros romantique demeure son aisance à se mouvoir dans un milieu marqué par la mélancolie : au château de Grianta règne une atmosphère de tristesse liée aux bouleversements que connait le pays et qui affecte la famille Del Dongo ; Lord Oswald quitte à regret son pays et va connaître la douleur de l’exil avant d’arriver en Italie et de rencontrer Corinne; le narrateur en commentant le triomphe de l’héroïne fait remarquer que le char de sa victoire “ne coûtait de larmes à personne “  Ce moemnt de bonheur semble bien excpetionnel comme le constate le narrateur :  “nul regret comme comme nulle crainte n’empêchait d’admirer les plus beaux dons de la nature.”  Quant à Concetta, elle vit dans les ruines de la splendeur passée de sa famille.

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Un dernier point qui permet de reconnaître le héros romantique, c’est la richesse de son imagination : Lord Nelville est le personnage qui semble le plus souffrir et , à plusieurs reprises, le texte souligne le rôle de son imagination dans son affliction: ” l’imagination y mêlait ses fantômes “ lit-on ligne 9 et à la ligne 32, on retrouve “la funeste imagination des âmes sensibles ” .  Sa solitude lui paraît insurmontable et il frémit souvent sous l’effet du chagrin. Sa peine contraste avec le bonheur de Corinne mais on retrouve sa sensiblité exacerbée lors de leur rencontre : ” ce beau ciel, ces romains ..et par dessus tout Corinne, électrisaient l’imagination d’Oswald.”  l 29.  Quant à Fabrice, chez ce jeune héros déterminé,  l’ action prend le pas sur l’imagination et le narrateur ne peut s’empêcher de se moquer de son personnage dont il considère les raisons de rejoindre Napoléon “bien plaisantes ” (l 39)

Même s’il n’appartient pas au courant romantique, Lampedusa reprend dans son roman paru au vingtième siècle des thèmes chers au romantisme comme la nostalgie du passé et les regrets d’une vie ratée mais ces thèmes définiront plutôt en France , la seconde génération romantique et ils sont moins exacerbés que dans les ouvrages qui introduiront en France, par l’intermédiaire de Madame de Staël , cette nouvelle forme de sensibilité et d’attention portée à l’expression des sentiments et à leur complexité. Au fur et à mesure que ces nouveaux personnages apparaissent , ils se diversifient et parfois, comme chez Stendhal, on entend une voix , celle du narrateur, qui se moque de leurs excès.

07. mars 2016 · Commentaires fermés sur Stendhal, le plus milanais des écrivains français · Catégories: Première

L’Italie a commencé à fasciner les voyageurs dès l’Antiquité ; Au seizième siècle, Montaigne a écrit le récit de son voyage en Italie et cet exemple a été suivi par de nombreux écrivains voyageurs mais chaque époque a privilégié certains aspects de l’Italie et des villes comme Rome, Venise, Naples et Florence ont souvent été préférées par les touristes aux régions situées plus au Nord du pays.

Au
XVIIIe, le Siècle des Lumières, Rousseau célébrait le voyage pour
le voyage, glorifiant le plaisir physique de la marche et l’émotion
procuré
e
par la contemplation d’une nature majestueuse et sauvage. En ce
début du XIXe, la conception du voyage qui s’impose , c’est le
voyage comme dépaysement, la recherche de l’exotisme, de la
différence. Stendhal s’intéressera plus aux gens qu’aux objets
ou aux décors.
«Pour
peu que l’homme qui me répond soit emphatique et ridicule, je ne
pense plus qu’à me moquer de lui, et l’intérêt du paysage
s’évanouit pour toujours »
.
D’autre part, Stendhal sera le premier à raconter comme il se
promène : avec liberté, prenant et racontant les choses comme
elles lui viennent, et les abordant sous un angle subjectif, le
fameux « Je » cher à l’auteur des « souvenirs
d’égotisme ».
Il
compose un

récit de voyage personnel, c’est-à-dire incluant ses propres
sentiments et perceptions des choses, et leurs effets sur lui-même.
«Un
journal de voyage doit être plein de
sensations.
Car
 je
voyage non pour connaître […] mais pour me faire plaisir ».

Stendhal,
dans la retranscription de ses visites, veut avant tout être
«
nature»,
ce qui signifie raconter comme on se promène, de son point de vue
(texte à la première personne), au fur et à mesure que les choses
surviennent (récit chronologique), avec de nombreuses digressions .
Mais derrière cette nonchalance étudiée se profile une écoute
attentive de soi, permettant de fixer ses pensées et faire le point
sur ses sentiments. Le panorama réel est beaucoup moins important
que la perspective qu’en a le voyageur. « 
Je
ne prétends pas dire ce que
sont
les choses, je raconte la
sensation
qu’elles me firent
 ».
Avec Stendhal, le voyage n’est plus seulement une découverte du
monde, mais une expérience intime. Le voyageur est devenu le centre
du récit, en lieu et place du voyage. Stendhal peut être considéré
comme «l’inventeur» du guide touristique. Les
Promenades
dans Rome

(1829) furent écrites pour proposer des itinéraires, accompagner et
guider le voyageur dans s
es
visites.
Et
si Stendhal n’a pas inventé le
touriste,
la publication des
Mémoires
d’un touriste
,
popularise ce terme. Et c’est en 1841 qu’apparaît le mot
tourisme,
quand Thomas Cook ouvre en Angleterre la première agence de voyages.

Pour
quelles raisons Stendahl apprécie-t-il particulièrement Milan ? 


Tout d’abord, il y fit de nombreux séjours et finit même par s’y
installer durant une dizaines d’années.
Stendhal
apprécie énormément
les
manières de vivre
milanaiseset
se sent vraiment accepté, intégéré dans cette société milanaise
cultivée : il

confie le 20 Octobre 1816: «
Si
je ne pars pas d’ici dans trois jours, je ne ferai pas mon voyage
d’Italie ; non que je sois retenu par aucune aventure galante, mais
je commence à avoir quatre ou
cinq
loges où je suis reçu comme si l’on m’y voyait depuis dix ans
».
Il y rencontre tout le monde littéraire de Milan; Silvio Pellico
qu’il trouve alors «bien jeune» tout en reconnaissant que
«l’amour est divinement peint dans sa Francesca da Rimini», et
qu’il est un véritable espoir pour la littérature italienne.
Il
rencontrera également à Milan une femme qui sera le plus grand
amour de sa vie. Dans se souvenirs de Milan, i
l
fait part au lecteur des discussions qui se tenaient alors dans ces
loges
de
la Scala , théâtre où il es rendait presque chaque soir ,

et lui en rapporte les meilleur
es
anecdotes.

Durant
les journées, Stendhal se promène dans Milan, « ce qu’il y a
de plus agréable pour moi, à Milan, c’est de flâner
»,
visite les églises, va admirer la cène de Léonard De Vinci dans le
couvent delle Grazie ou se rend au musée de Brera où il contemple
le Mariage de la Vierge de Raphaël, les plâtres des statues de
Michel Ange et de Canova tout en dévoilant au lecteur ses principaux
itinéraires de promenade. Il aime ,la nuit, contempler longtemps le
Dôme «éclairé par une belle lune» et ne manque pas l’occasion
de rappeler que «c’est à Napoléon que l’on doit la façade
demi gothique et toutes les aiguilles du côté du midi, vers le
Palazzo Regio
».

Stendhal
livre ses idées et
règle
ses comptes ; ainsi, il fait l’apologie de Napoléon . En
revanche, il n’épargne ni Madame de Staël, ni Voltaire ni même
ses compatriotes, en parlant du gouverneur de Milan, le Comte Saurau,
il dit de ce dernier: «
C’est
un 
homme
de beaucoup d’instruction…il a ce tact fin pour les beaux -arts
que l’on ne trouve jamais chez l’homme de lettres français, à
commencer par Voltaire
» 

Finalement,
trois mois après son arrivée, en décembre 1816, Stendhal sera
contraint de quitter Milan et poursuivra son voyage
en
Italie : destination Rome et Florence.. Sur sa tombe, il voulut
faire graver cette épitaphe,
Stendhal
Milanese.
Deux
de ses romans les plus célèbres ont pour cadre l’Italie :
La
Chartreuse de Parme

et
Le
Rouge et le Noir.

02. mars 2016 · Commentaires fermés sur Un commentaire de bac : les points à suivre · Catégories: Commentaires littéraires, Première · Tags:

Ce billet vous propose une forme de compte -rendu établi à partir de vos copies de bac blanc sur le théâtre : il s’agissait pour ceux qui ont choisi ce sujet , de faire le commentaire des scènes 16 à 19 de l’acte II du Mariage de Figaro , une comédie de Beaumarchais , écrite en 1784. 

Composer une introduction

En introduction, parlez du théâtre est certes une bonne idée mais inutile de remonter jusqu’à l’Antiquité  et de détailler chaque période de l’histoire du genre ; les connaissances doivent aider à l’identification des registres, du courant littéraire mais elles ne doivent pas se substituer à l’analyse précise et rigoureuse des scènes données à commenter ; la parenté avec Molière était bienvenue ainsi éventuellement que l’évocation de la critique sociale à travers la satire du Comte . Cependant les élèves qui ont cherché à voir une critique sociale dans ces extraits ont été amenés à forcer le texte et à déformer certaines interprétations ; ainsi Suzanne n’est pas insolent eparce qu’elle conteste l’autorité de la noblesse et envisage une révolution : l’insolence du valet est un motif traditionnel que Beaumarchais emprunte aux comédies de Molière te le but de ce conflit est de faire rire le spectateur

Attention : les règles du théâtre classique, comme l’indique leur nom, ont été définies à l’époque classique (Boileau en établit la théorie ne 1674) et ne s’appliquent que dans la tragédie (or, Beaumarchais écrit plutôt des comédies)

Musset est un auteur du dix-neuvième siècle donc il peut être rattaché au romantisme mais pas Beaumarchais , qui n’a pas connu la révolution française de 1789 ni la préface de Cromwell de Hugo, rédigée en 1827.

Un topos au théâtre est un motif qui est très souvent utilisé : la dispute amoureuse et le soupçon d’adultère sont des topoi (c’est un mot grec donc il a un pluriel en oi )

Ne pas oublier de décrire l’extrait et ce dès l’introduction : Le Comte , jaloux , fait une scène à son épouse qu’il pense surprendre en flagrant délit d’adultère mais lorsqu’il pousse la porte de son cabinet, (un cabinet désigne une petite pièce attenante à la chambre à coucher où les femmes rangeaient leurs bijoux , leurs accessoires de toilette et se changeaient ) ( c’est la femme de chambre de la Comtesse qui apparaît te se moque des soupçons du mari jaloux.

Le choix des axes d’étude : trop larges généralement

A proscrire absolument : quel message veut faire passer l’auteur 0/ 5

Quelle est l’originalité de cet extrait ? 0,5 /5 

Comment Beaumarchais renouvelle-t-il la comédie ? 2/5 : le problème avec cet axe d’étude c’est qu’il ne prend pas en compte la particularité de ces scènes : elles retranscrivent un retournement de situation au sein d’une scène de ménage dictée par la jalousie du Comte

Un peu passe-partout mais efficace  : quels sont les effets comiques de cette scène 3,5 /5

Par exemple , si vous choisissez d’étudier la dimension comique de cette scène, vous devez le faire en prenant en compte uniquement les éléments comiques qui participent à la mise ne scène du conflit et à sa résolution finale.

Il est parfois possible de se fonder sur ce qu’on nomme le mouvement du texte :

L’évolution du conflit : la colère du Comte et la peur de la Comtesse : une dimension tragique ; le retournement de situation opéré grâce à l’intervention de Suzanne et le triomphe de la Comtesse : le jaloux confus .

Certains élèves ont été particulièrement sensibles au mélange des genres et ont aperçu l’influence de la tragédie au début de cette scène ; en effet, les plus perspicaces ont noté la présence d’un champ lexical de la mort et ont montré à quel point la situation semble tragique pour la Comtesse, démasquée et coupable d’adultère ; le Comte furieux menace de tuer son amant ; néanmoins cette ambiance tragique ne va pas durer ; lorsque Suzanne fait son entrée en scène, le spectateur rit de soulagement ; la nature du rire est ici complexe car le public se sent, à la fois complice des deux femmes et se moque de la déconfiture du mari jaloux et repentant (alors même que sa jalousie est fondée ) Ce rire de toute puissance provoque une sorte de contentement du public qui rit aux côtés des deux femmes aux dépens du Comte abusé.

Attention également à ne pas réécrire vos questions de synthèse : le conflit est certes un élément central qui va servir de base à vos commentaires mais il ne faut pas se contenter d’en décrire superficiellement les procédés ; il faut en mesurer les effets sur le public et prendre conscience des enjeux des scènes .

L’étude des effets comiques pouvait reposer sur les types de comique : le comique de situation (incontournable avec l’apparition du personnage de Suzanne, l’effet de surprise, le retournement de situation ) ; le comique de geste exploite les nombreuses didascalies et le comique de langage ou de mots mentionne le vocabulaire injurieux ;

Le mélange des registres pouvait être évoqué au début de la scène avec l’irruption du Comte, sa colère et ses menaces de mort ; les plus observateurs ont noté qu’il parle d’un crime alors qu’il s’agit seulement d’une infidélité et qu’il réagit de manière excessive ; de même que les gestes de désespoir de la Comtesse peuvent faire l’objet de deux interprétations : elle est, soit terrifiée, soit Beaumarchais accentue le côté pathétique afin de déclencher un effet comique pour le spectateur ;

Quant au personnage de Suzanne, confidente dans la tragédie et femme de chambre dans la comédie, elle facilite le passage entre les deux univers avec sa raillerie et son aparté avec la Comtesse à laquelle elle vient de rendre un grand service ; les deux femmes , en effet, se liguent contre le Comte par solidarité féminine ; (Suzanne fiancée à Figaro et qui va se marier avec lui au début de la pièce, souffre de devoir supporter les avances que lui fait le Comte à l’insu de la Comtesse ;

De l’utilité des connaissances : bon nombre d’entre vous ont utilisé leur connaissance de l’auteur ou du genre de pièce pour composer le commentaire , c’est un très bon réflexe.à condition de ne pas déformer le texte de départ ;

Par exemple, vous savez que Beaumarchais a renouvelé le genre de la comédie : comment allez-vous pouvoir utiliser cette information ? En montrant notamment que les caractères varient au cours de la pièce ; en effet, Beaumarchais a étoffé les personnages du mari jaloux ou de la servante rusée et leur a attribué une épaisseur qui les fait ressembler à des personnages romanesques ; une partie du commentaire pourrait s’intituler : les changements des caractères des personnages

a) un Comte en mari jaloux qui devient un mari humilié et repentant

b) une femme apeurée qui reprend , peu à peu, le contrôle de la situation et en profite pour faire la leçon à son époux ;

Attention aussi au vocabulaire : le mot tragi-comédie que beaucoup emploient abusivement désigne une pièce à fin heureuse qui comporte des scènes tragiques ; L’exemple canonique est celui du Cid de Corneille : à la fin de la pièce, Chimène et Rodrigue se marient alors que Rodrigue est le meurtrier du père de Chimène. D’ailleurs les spectateurs ont souvent critiqué ce mélange des genres ; Pourtant, il va finir par s'imposer au théâtre et devenir de plus en plus fréquent à partir du drame romantique et avec le théâtre contemporain .

Les points à revoir

Le théâtre dans le théâtre : c’est une bonne idée d’évoquer la mise en abyme à condition d’en démontrer les effets comiques : Le Comte croit que la Comtesse joue la comédie alors qu’elle est sincèrement surprise ; ce n’est donc pas tout à fait une pièce dans la pièce mais une référence aux mensonges amoureux et à la duplicité des menteurs .

Suzon n’est pas un sobriquet péjoratif mais un diminutif affectueux que la Comtesse emploie dans l’intimité figurée ici par cet aparté entre les deux femmes. Suzanne détourne l’attention du Comte afin de permettre à sa maîtresse de reprendre ses esprits.

La position du spectateur : le paratexte vous informe que Chérubin s’est enfui n grâce à Suzanne mais dans la pièce, cet élément n’est pas à la disposition du public qui sera lui aussi surpris en même temps que le Comte.

La notion d’ironie : vous confondez parfois humour et ironie ; A quel moment de ces scènes peut -on vraiment parler d’ironie ? Lorsque Suzanne imite le Comte et reprend ses menaces de mort, on peut effectivement évoquer une forme d’ironie.

La Comtesse triomphe à la fin de la scène 19 et critique l’attitude de son époux : ce dernier lui fait remarquer la virulence de ses propos : « Ah Madame c’est sans ménagement » .

14. février 2016 · Commentaires fermés sur Vous avez demandé la Belle Hélène ..qui est-elle au juste ? · Catégories: Première · Tags:

Le personnage d’Hélène dans la pièce de Giraudoux La Guerre de Troie n’aura pas lieu , se présente sous différents aspects : froide et détachée de tout forme de sentiments, beauté fatale, inconstante en amour et volage, douée de capacités d’adaptation hors du commun, comment le dramaturge a t-il décidé d’incarner cette femme dont on a souvent pensé qu’elle était à l’origine de la guerre ?

Hélène
n’apparaît qu’à la scène 7
de
l’acte I, mais dès leurs premières répliques dans la scène 1,
Andromaque et Cassandre parlent d’elle et montrent qu’elle est
l’enjeu de la guerre et de la pièce, confirmant ainsi ce que savent
déjà les spectateurs informés qui connaissent L’Iliade.
Mais
Giraudoux va au-delà du récit homérique en utilisant pleinement
les ressources du théâtre : quel va être ce personnage, cette
femme si belle qu’elle a déclenché la guerre  ? Le spectateur attend
avec impatience de la voir enfin, et ce d’autant plus que jusqu’à
la scène 7,  tous en parlent abondamment.

Tous
les hommes, de l’adolescent (Troïlus) aux vieillards, en sont fous
et clament sa beauté (« Vive la beauté ! Vive Vénus ! »,
crient les vieillards, acte I, sc. 4). Cassandre explique : « Ils
ont imaginé que c’était Vénus qui nous donnait Hélène pour
récompenser Pâris de lui avoir décerné la pomme », et
prévient Hector : « Priam est fou d’Hélène. Il livrerait
plutôt ses filles. Et tous nos frères, et tous nos oncles, et
tous nos arrière-grands-oncles. »

Hélène
est l’objet de tous les fantasmes masculins : les hommes
l’idéalisent à tel point qu’ils font paradoxalement de cette
femme grecque l’incarnation de leur terre troyenne, leur Muse
patriotique ; en effet, selon le Géomètre, « depuis qu’Hélène
est ici, le paysage a pris son sens et sa fermeté » (acte I, sc.
6).
Les femmes la considèrent, sans doute avec une pointe de jalousie,  comme une courtisane : « elle
fait le chemin de ronde », s’exclame Hécube à l’acte I, scène
4, et Cassandre note dans la même scène : « Elle rajuste sa
sandale, debout, prenant bien soin de croiser haut la jambe. » Mais
leurs réserves, leur ironie et leur mépris ne font en définitive
que confirmer sa beauté, qu’amplifier l’attente du spectateur.

À
ce dernier en définitive de juger s’il y a quelque chose derrière
la beauté d’Hélène ou si ce n’est qu’une ravissante idiote,
conformément à l’adage « Sois belle et tais-toi ». Dans la
légende, Hélène est l’incarnation de la beauté de la femme
grecque ; elle se réduit par là à une fonction : la séduction.
Et, par bien des aspects, l’Hélène de Giraudoux est conforme à
ce modèle ; on pourrait même dire qu’elle s’y conforme
complaisamment.

Est-elle
intelligente ? Dans la scène 7, elle se soumet aux volontés de
Pâris, répète ce qu’il lui dit de dire sans réfléchir. «
J’adore obéir à Pâris », dit-elle à Hector, mais elle
n’hésite pas à se contredire et, alors qu’elle a repris, comme le
lui demandait Pâris, « Ménélas ? Je le hais », à la scène
8, elle dit à Hector : « Pourquoi le haïrais-je ? » Elle semble
ne pas penser par elle-même.
À l’acte I, scène 9, Hector
parle de « cette tête obtuse », et Ulysse, à l’acte II, scène
13, du « cerveau le plus étroit ». Elle se dit paresseuse à
l’acte I, scène 8, paraît insensible, indifférente aux autres,
et Pâris confesse à l’acte I, scène 4 : « Même au milieu de
mes bras, Hélène est loin de moi. » Superficielle, frivole,
infidèle : « Je n’aime pas beaucoup connaître non plus mes
propres sentiments » (acte II, sc. 8). 

 Hélène a connu de nombreux hommes :  « quelques-uns » avant Pâris, et Hector constate : «
Vous n’aimez pas Pâris… Vous aimez les hommes ». Oui, dit-elle,
« c’est agréable de les frotter… ». Pour elle, l’amour n’est
pas une exigence, une passion, il est un plaisir.

L’épisode
avec Troïlus, à l’acte II, scène 1, confirme ce besoin de
séduction, non sans une certaine cruauté. Elle joue avec ce
dernier, se joue de lui, le cajolant, le menaçant faussement,  le contraint à se
contredire (« Je ne veux rien… Je veux tout »). À Pâris qui
s’étonne dans la scène suivante : « Quel est ce baiser inédit
que tu me donnes, Hélène ! », elle lui répond, en présence
de Troïlus : « Le baiser destiné à Troïlus. » Quel que soit
le destin qui lui est réservé, elle est constante dans sa
volonté de plaisir, ce que confirme son apparition, embrassant
Troïlus, à la fin de la pièce.

Il
est impossible néanmoins de réduire l’Hélène de Giraudoux à
cette seule dimension de séduction. Elle est en effet beaucoup plus
complexe, voire ambiguë. Elle est avant tout l’instrument du
destin ; et sans doute le sait-elle : « Je laisse l’univers penser
à ma place », « Je n’y peux rien. (Cette obstination) n’est pas
la mienne. » Ulysse, à l’acte II, scène 13, nous confirme
qu’elle est l’incarnation de la fatalité : « Elle est une des
rares créatures que le destin met en circulation sur la terre pour
son usage personnel.  Ainsi sa soumission et son désir de séduire ne sont
pas de l’inconscience ou de l’inconstance, mais une forme de sagesse
: d’ailleurs, comme Cassandre, elle a un don. Pour elle le monde
n’existe que par des images : « Entre les objets et les êtres,
certains sont colorés pour moi. Ceux-là je les vois. Je crois en
eux. Je choisis (les événements) que je vois », dit-elle à
Hector dans la scène 9 de l’acte I. « Je ne lis pas l’avenir. Mais
dans cet avenir, je vois des scènes colorées, d’autres ternes.
Jusqu’ici, ce sont toujours les scènes colorées qui ont eu lieu.
» Ainsi, elle voit la bataille, la chute et l’incendie de Troie, la
mort de Pâris et d’Hector : Ah vous croyez que c’est Pâris ? »

En «
voyant », elle est aussi miroir de l’univers, avec lequel elle est
en harmonie. Hector s’étonne devant ses yeux : « Qu’elle est pure,
la lentille du monde », et se bornant à voir et à recevoir,
Hélène a accès à une vérité qui échappe aux autres.

Elle
accepte néanmoins de céder à la demande d’Hector et cela lui
confère une indéniable humanité. Elle va faire comme si elle
avait le choix et prendre le parti de la paix. Elle va soutenir
Hector (acte II, sc. 10 et 11) face à Ulysse. Elle montre même
une certaine sensibilité et ménage Hector en esquivant ses
questions : « Personne n’est infaillible. » À Cassandre, elle
avoue : « Je ne l’ai pas dit à Hector. Mais le cou de son fils est
illuminé (…) où bat l’artère. »

On
peut constater aussi qu’elle ne manque ni de sensibilité poétique
(témoin ce qu’elle dit de la mort de Pâris à l’acte I, scène
9 : « Je vois un morceau d’aurore qui roule dans la poussière »),
ni de sens de la repartie (« S’il suffit d’un couple parfait (…),
il y a toujours le vôtre, Andromaque 

 Hélène a compris, peut-être mieux
qu’Andromaque, que les guerres se nourrissent de symboles,
d’illusion, d’apparence et non de vérité. Mais ces qualités
humaines, elle les exerce avec distance. En amour, elle oppose sa
vérité à celle d’Andromaque : « Je suis commandée par lui,
aimantée par lui. L’aimantation, c’est aussi un amour, autant que
la promiscuité. » Elle refuse d’y verser « la jalousie, la
tendresse et l’inquiétude ». Et elle refuse aussi la pitié.
Hélène a une connaissance du malheur, mais une connaissance
lucide, comme d’une loi du monde. Elle évoque avec des détails
réalistes les malheurs qu’elle a côtoyés dans son enfance et
elle se dit solidaire des malheureux : « Tous ces malheureux, je les
sens mes égaux (…) Je les admets. » Cette
distance en fait un personnage scandaleux, mais doué d’une
indiscutable sagesse, une femme à la fois forte et fragile, froide
mais entière et disponible, « bloc de négation qui dit oui »
comme le dit Hector à l’acte I, scène 9, et finalement paisible
et pacifiste dans ses soumissions successives.


14. février 2016 · Commentaires fermés sur Un dénouement rocambolesque : la Guerre de Troie aura bien lieu ! · Catégories: Première · Tags:

La dernière scène d’une pièce comporte habituellement les éléments du dénouement de l’intrigue ; A la scène 14 de l’acte II, Giraudoux met donc un point final à sa pièce et le spectateur comprend que la guerre va avoir lieu ; Cassandre prononce les dernier mots : “Le poète troyen est mort (il s’agit ici de Démokos ) .<em>;la parole est au poète grec (et le spectateur peut penser qu’il s’agit d’ Homère qui va raconter la guerre de Troie dans l ‘Iliade , son légendaire poème épique . Les paroles de la prophétesse peuvent toutefois paraître énigmatiques et Giraudoux a choisi un final très riche en rebondissements de tous ordres; jugez plutôt..

Andromaque au début de la scène paraît désespérée et consciente que tous les efforts déployés par son camp pour lutter contre la guerre semblent vains; Ulysse est en train de remonter à bord et tout le monde retient son souffle jusqu’à ce qu’il soit enfin parvenu à destination. Hector semble lui confiant et suit pas à pas le trajet d’Ulysse  que le spectateur devine à travers les indications : “une minute encore” ..”il marche vite“..”le voilà déjà en face des fontaines ” 

Trop angoissée, Andromaque a décidé de se boucher les oreilles pour ne plus rien entendre et elle n’entend donc pas Oiax arriver.Cet envoyé grec qui a pour mission de raccompagner Hélène à bord du navire grec va jouer un rôle prépondérant dans la suite des événements ; le plus dur semble donc fait et Cassandre entend bien calmer Oiax et lui faire entendre raison; Ce dernier est en effet “ivre” et son agitation pourrait avoir des conséquences dramatiques comme le pressent le spectateur 
Giraudoux intercale donc  des scènes de comédie à l’intérieur de son dénouement tragique : la première partie de ce vaudeville est constituée par le jeu entre Oiax , que Cassandre tente de neutraliser et “essaie par la force de l’éloigner” ,  Andromaque qui continue à se boucher les oreilles et Hector qui assiste à cette attaque sur Andromaque en se montrant de plus en plus menaçant (il lève son javelot)  ; la scène peut tourner au drame et Cassandre rappelle les enjeux de cette ultime phase des négociations : “Ulysse est déjà à mi-chemin ”  La référence humoristique à la double énonciation théâtrale rappelle aux spectateurs ce qui est en train de se jouer sous leurs yeux : A Oiax qui pense que des paroles “qu’on n’entend pas ” ne peuvent avoir de conséquences fâcheuses (en effet, Andromaque ne peut se sentir insultée car elle s’est bouché les oreilles ) , Cassandre rappelle , au contraire que ces paroles peuvent être très graves car Hector lui en est le témoin silencieux ; Oiax en rajoute dans le registre de la muflerie en embrassant de force Andromaque mais Cassandre finit par le maîtriser et il la suit “je viens je viens..Adieu”  La menace semble a priori s’éloigner .
Au moment où il s’apprête à quitter la scène , premier coup de théâtre, Demokos, le poète belliciste, fait irruption et s’indigne  avec virulence comme à son habitude, de la décision prise par Hector de rendre Hélène aux grecs; Sa véhémence le rend particulièrement menaçant car il appelle les Troyens “aux armes ” et s’apprête à entonner le “chant de guerre ” qu’il réserve à cette occasion tant attendue” Au moment où il crie à la trahison, Hector abaisse son javelot et le tue; ce qui constitue un fait pour le moins inattendu. Il peut alors affirmer à Andromaque “la guerre n’aura pas lieu Andromaque ” ; Cependant son épouse , qui a toujours les mains sur les oreilles , n’a pas entendu et elle contemple Démokos à terre, interloquée;
Le spectateur peut alors se dire qu’Hector a évité la guerre en devant un meurtrier et que l’assassinat de Démokos sert une noble cause : empêcher des centaines de morts ; Le dramaturge indique alors  même qu’un dénouement vient d’avoir lieu que  “le rideau qui avait commencé à tomber se lève peu à peu”  Que va t-il se passer ? 
Nouveau coup de théâtre : Démokos qu’on croyait mort alors qu’il n’est que blessé, lance, sur scène, une fausse accusation contre les Grecs en prétendant qu’il a été tué par Oiax ; en effet, s’il accuse Hector,  le véritable coupable, personne parmi les Troyens ne voudra déclencher un conflit contre les Grecs; Hector tente à son tour  de s’accuser du meurtre et dénonce le mensonge de Démokos mais il est trop tard : les Troyens ont tué Oiax hors scène comme le précise la réplique d’Abnéos. Cette fois la guerre paraît totalement inévitable car les Grecs vont avoir un prétexte en voulant venger la mort d’Oiax .
Hector a tout fait pour éviter un dénouement catastrophique et son sort paraît encore plus cruel car son dernier geste pour surseoir au caractère fatal de ce conflit, provoque , par des moyens détournés, le drame final.  Sa menace d’achever Démokos s’il ne revient pas sur ses accusations ne trouve aucun écho chez ce dernier qui, comble de l’ironie, le traite avec condescendance : “Mon cher Hector, mon bien cher Hector ” réplique-t-il avant de réitérer son mensonge. C’ est donc sans la moindre haine mais au contraire avec beaucoup de bienveillance que le poète troyen déclenche la guerre.
On peut alors supposer qu’Hector le tue ou qu’il finit par mourir comme le laisse entendre l’avant dernier réplique de Cassandre : “Il meurt, comme il a vécu, en coassant” . Ce verbe appliqué étymologiquement  aux cris des grenouilles désigne les paroles désagréables de quelqu’ un et fait allusion à la médisance de Démokox dont les paroles mensongères sont véritablement à l’origine du mettre d’Oiax. Hector ne peut alors que constater , à haut voix, en s’adressant à son épouse : ” Elle aura lieu ” , paroles qu’entend cette dernière; Pour matérialiser cette nouvelle guerre, Giraudoux précise que “les portes de la guerre s‘ouvrent lentement. Elles découvrent Hélène qui embrasse Troilus ” Comment devons nous comprendre ce baiser entre Hélène et le jeune frère de Paris ? Peut être pour bien montrer que la guerre n’a pas été déclenchée pour un amour  légendaire (qui ne semble pas très fort dans la pièce) mais pour des raisons liées au désir de l’homme de déclarer la guerre .
En multipliant les coups de théâtre qui animent le final , en se moquant des règles de bienséance de la tragédie classique (un mort juste blessé qui crie sur scène ) , en différant l’arrivée de la crise et en intercalant des scènes de vaudeville au milieu du drame, Giraudoux nous offre, au final, un dénouement surprenant par certains aspects même s’ il fallait bien s’ y attendre et  s’y résigner, en effet, la guerre finira par avoir lieu. 
07. février 2016 · Commentaires fermés sur Qu’est-ce que le théâtre ? · Catégories: Première

Vouloir définir la spécificité du théâtre est souvent chose difficile mais on peut toutefois dégager des pistes de réponse qui prennent en compte la notion de spectacle total ; interrogé par le poète Claude Bonnefoy, voilà la réponse donnée par Eugème Ionesco , un dramaturge qui a fait parti edu courant de l'Absurde et qui a composé ses pièces dans les années 50. 

CLAUDE
BONNEFOY: QU’EST-CE QUE LE THÉÂTRE?


EUGÈNE
IONESCO 

  1. Qu’est-ce que
    c’est le théâtre? Est-ce l’exposition d’un conflit? Peut-être.
    Mais le théâtre épique n’est pas spécialement l’exposition d’un
    conflit, et on veut aujourd’hui que le théâtre soit épique. Un
    conflit, est-ce cela le théâtre? Un match de football aussi est un
    conflit, est-ce du théâtre? C’est un spectacle, comme la corrida où
    il y a aussi conflit. Il peut tout aussi bien y avoir théâtre sans
    qu’il y ait conflit… Tout est possible au théâtre. On peut nous
    montrer quelque chose qui se passe sur scène, ou simplement
    quelqu’un qui avance sur le plateau, qui s’arrête et qui regarde. On
    peut montrer des changements de lumière, des éléments de décor,
    une silhouette, des animaux… On peut aussi montrer un plateau nu.
    Tout cela, malgré tout, c’est du théâtre. Le théâtre c’est ce
    qu’on nous montre sur une scène. Voilà la définition la plus
    simple, mais la moins injuste, la plus vague…mais qui risque
    difficilement d’être contredite. En somme, nous savons tous plus ou
    moins ce qu’est le théâtre, autrement nous ne pourrions en parler:
    peut-être pourrait-on le définir comme une architecture mouvante,
    une construction vivante, dynamique, d’antagonismes. Pour en revenir
    à ce que je fais, le théâtre c’est pour moi l’exposition de
    quelque chose d’assez rare, d’assez étrange, d’assez monstrueux.
    C’est quelque chose de terrible qui se révèle petit à petit à
    mesure que progresse non pas l’action, ou alors il faut mettre ce
    terme d’action entre parenthèses, mais une série d’événements ou
    l’états plus ou moins complexes. Le théâtre est une sorte de
    succession d’états et de situations allant vers une densification de
    plus en plus grande.

Ionesco tente , à tarder cette définition, de cerner les particularités du genre théâtral et parvient à la conclusion que le théâtre est une “construction vivante, dynamique d’antagonismes” Le conflit est donc amené à y jouer un rôle central, prépondérant.