Au dix-huitième siècle, l’art des débats publics était fort prisé et il était d’usage de composer des discours en réponse à une question posée par une assemblée de savants regroupés en académie ; ces académies se sont développées en France sur le modèle de la Royal Society londonnienne ;leurs travaux de recherches s’adressent à la communauté scientifique internationale mais elles visent également un public plus large, composé “d’honnêtes hommes” cultivés . Pour se faire connaître, elles organisent des concours où elles soumettent à la discussion des thèmes d’actualité et des problèmes liés au développement des sciences. Rousseau gagne ainsi en 1750 le prix de morale décerné par l’Académie de Dijon en répondant à la question mise au concours : « Si le rétablissement des sciences et des arts a contribué à épurer les mœurs.»En France comme en Angleterre, les académies sont cependant interdites aux femmes. L’Italie fait exception. En sa qualité de scientifique, Madame Du Châtelet est élue et inscrite sur le registre des membres de l’Académie de la ville de Bologne, le 1er avril 1746. Jean-Jacques Rousseau écrira ainsi un de ses plus célèbres essais : son Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes” en réponse à l’académie de Dijon qui avait formulé ainsi sa question : quelle est l’origine de l’inégalité parmi les hommes, et si elle est autorisée par la loi naturelle ? » Choderlos de Laclos répond, à son tour ,en 1783 à la question posée par cette même l’académie de Dijon : ” Quels seraient les meilleurs moyens de perfectionner l’éducation des femmes ? ” Voilà une partie de sa réponse .Le premier mouvement du texte montre que les femmes pensent être les esclaves des hommes et le second mouvement les incite à se révolter contre cet état qui n’est pas leur état naturel;
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Situé dans la section Tableaux Parisiens des Fleurs du Mal , le poème Crépuscule du soir , décrit un Paris fantastique et nocturne , peuplé de créatures étranges. Baudelaire affectionne ces états intermédiaires , cet entre-deux , un moment suspendu entre la nuit et le jour, l’ombre et la lumière et dans ce crépuscule du soir , qui fait écho à celui du matin, il s’inspire des transformations du paysage au moment où la nuit tombe pour imaginer un univers inquiétant . Ce changement de luminosité semble entraîner de nombreuses modifications, à la fois de la vile, de l’atmosphère, du paysage et même des individus qui le composent . C’est cette mystérieuse alchimie que tente de saisir l’auteur des Fleurs du Mal ; Plus »

Disserter sur l’utilité de la poésie revient en fait à débattre autour de la notion même d’utilité ; En effet, les mots provocateurs de Théophile Gautier ” il n’y a de beau que ce qui est inutile ; Tout ce qui est utile est laid” tendent à opposer de manière gun peu caricaturale et provocatrice deux aspects de la poésie ; On comprend que si la poésie se fixe un but utilitaire, elle perd sa beauté et s’enlaidit à vouloir servir à quelque chose ; Gautier critique ainsi un certain usage de la poésie et les faiseurs de rimes qui critiquent la société dans leurs poèmes ou délivrent une morale ; Mais n’est ce pas oublier que dès l’Antiquité, Horace exigeait de la poésie qu’elle allie le plaisir à l’enseignement ; Sa devise qui a été adoptée par de nombreux poètes, au cours des siècles , docere placereque a été illustrée par les membres de la Pléiade, La Fontaine, Voltaire et Hugo. En effet, Du Bellay allie lyrisme personnel et poèmes engagés ; Hugo également .Une bonne idée consistait donc à partir du fait qu’on peut distinguer plusieurs types d’utilité : une dimension collective avec la poésie satirique ou morale ou la poésie épique qui chante la gloire d’un pays ou d’un héros et une dimension individuelle avec le lyrisme personnel qui peut accèder à une dimension universelle quand il célèbre l’amour, la mort ou le mal de vivre . De plus, on pouvait aboutir aux mêmes réflexions en se demandant à qui la poésie est -utile ? Les lecteurs partageront les sentiments et les émotions des poètes alors que les détracteurs de la poésie nieront toute forme d’utilité personnelle. En résumé, avant de démarrer à la recherche de vos illustrations, encore fallait -il s’interroger sur la notion d’utilité et en déterminer différents degrés. Ce qui est utile pour moi peut l’être moins pour un homme d’une autre époque ou quelqu’un qui ne lit pas .
L’introduction devait donc poser clairement la question et montrer que le débat chez les poètes était déjà en cours depuis l’Antiquité. Ne citez pas forcément de noms dans vos introductions mais précisez toujours votre plan avant de passer une ligne : voici un exemple d’introduction
“le poème , cette hésitation prolongée entre le son et le sens” , comme le qualifia Paul Valéry, a-t-il une véritable utilité? Le poètes jouent-ils un rôle de premier plan à leur époque et face à l’histoire qui les juge ? Ces questions sont largement débattues depuis l’Antiquité et la naissance même de la poésie ; Platon, en effet, souhaitait bannir les poètes de la Cité car selon le philosophe grec, ils éloignent les hommes de la vérité en déformant le langage avec leur imagination ; Pourtant les poètes étaient considérés à l’image de leurs représentants Orphée et Apollon comme des messagers divins porteurs de paroles sacrées; A qui la poésie peut -elle être utile ? à un pays, à un homme, à son auteur ? et quand on évoque la notion d’utilité, ne peut-on y distinguer différents paliers comme l’utilité pratique , l’ usage qu’on peut faire de connaissances utiles , l’utilité morale ? Pour répondre à ces questions, nous étudierons dans un premier temps les poètes qui croient fortement à leur mission d’utilité publique avant d’aborder, dans un second temps ,le point de vue des artistes qui se montrent plus réservés sur la notion d’utilité de l’art; Dans un dernier temps nous verrons comment certains poètes ont su mêler à des époques différentes , au sein de leurs oeuvres, les deux courants .

Analyse de l’introduction : après avoir situé le débat, et interrogé la notion même d’utilité, le plan est composé de 3 parties : la thèse favorable à une forte utilité de la poésie, l’antithèse qui montre les réserves de certains poètes, leur désaccord et enfin la synthèse qui rassemble les oppositions et démontrent leur coexistence ; Une dissertation , en effet, dépasse les contradictions apparentes pour parvenir à une vue unifiée sur la question.
Si vous êtes convaincus que la poésie peut être parfois utile, alors commencez par le démontrer ; Ce sera votre thèse donc votre première partie. Dans un second temps, vous développerez une antithèse qui ne dira pas le contraire de ce que vous venez d’écrire mais qui nuancera vos propos et fera apparaitre à des avis divergents ou partagés sur l’utilité de la poésie.
Florilège de citations à répartir à propos de la poésie : entrainez-vous à les insérer au sein du plan
“je serai , sous le sac de cendres qui me couvre, la voix qui dit Malheur, la bouche qui dit Non” Hugo dans “Ultima Verba”, dernière partie de son recueil Les Contemplations
“un instrument au service d’idées pour émouvoir et rallier les lecteurs ” : Voltaire
“la poésie est un art de langage, un art de vivre , un instrument moral ” Eluard
le poète doit marcher devant les peuples comme une lumière Hugo ; il traite certains poètes de “chanteurs inutiles ” ;
le poète est un simple accompagnateur pour Baudelaire “compagnon de voyage ” dans l’Albatros.
le poète est un Multiplicateur de Progrès pour Rimbaud
la poésie est un “aboli bibelot d’inanité sonore ” Mallarmé
les résistants ont écrit des poèmes pour qu’on se souvienne des héros morts au combat “Strophes pour se souvenir ”
“sans le poète lombric et l’air qu’il lui apporte, le monde étoufferait sous les paroles mortes ” Rougeaud définit le poète comme un porteur d’oxygène qui renouvelle notre vision du monde
“luciole dans les noires broussailles de la cité ” Barbier : poète éclaireur moderne
“ma bouche sera la bouche des malheurs qui n’ont point de bouche, ma voix, la liberté de celles qui s’affaissent au cachot du désespoir ” Césaire voit le poète comme un porte-paroles des opprimés à rapprocher par exemple de la citation de V Hugo
“la poésie est une insurrection ” Pablo Neruda : vif appel à l’engagement lui qui s’est battu tout est vie contre la dictature militaire dans son pays
“Un poète n’est pas plus utile à l’ Etat qu’un bon joueur de quilles ” Malherbe doute de l’efficacité de la poésie sur le plan de la Nation

En résumé, il s’agissait de confronter dans votre démonstration, les témoignages des poètes favorables à une certaine utilité de la poésie peut être en les classant du plus engagé au moins engagé (pour amorcer la transition avec la seconde partie); ensuite de restreindre cette notion d’utilité collective à une dimension plus individuelle (le lyrisme personne en effet est souvent très utile pour le poète lui-même sur le plan individuel car celui lui permet d’exprimer ses sentiments, d’en prendre conscience et de les expulser, en quelque sorte, de son esprit ) ; Même la notion de jeu , de délassement peut avoir une certaine utilité mais beaucoup moins marquée que celle de porte-paroles du Peuple ou passeur de mémoire . Enfin, une dernière parti aurait pu prendre comme exemple, les poètes qui ont mêlé dans leur carrière et leur parcours poétique, différents aspects de la poésie (Hugo bien sûr, Eduard, Aragon, Char )
Exemple de plans : retenez les articulations logiques et mettez des illustrations pour chaque sous-partie; Soignez vos enchainements !
1 ;Les poètes : des guides ( des poètes qui sont utiles pour la collectivité )
a) éclairer le Peuple : Hugo
b) faire entendre des oppositions
c) accompagner les révolutions : Neruda, Rimbaud, les surréalistes
2, les poètes : des compagnons ( une poésie qui est surtout utile au poète lui-même )
a) partager des émotions (lyrisme personnel ): Baudelaire
b) partager une expérience esthétique ;
c) se consacrer à la Beauté uniquement : Parnasse, Gautier, Surréalisme (assure transition avec troisième partie )
3. les poètes qui croient aux pouvoirs des mots
a) Hugo : du mage romantique à l’ennemi de Napoléon
b) poètes résistants et amoureux
c) l’idéal classique : plaire et instruire La Fontaine et les fables ; utilité réelle ?

Erreurs fréquentes : la poésie peut être détachée de toute forme d’engagement politique: elle n’en demeure pas moins utile pour le poète car elle lui permet d’exprimer des émotions et des sentiments personnels qui peuvent toucher le lecteur ; l’utilité n’est pas uniquement liée à l’engagement politique
Il ne faut pas opposer abruptement poésie utile et à la ligne suivante décréter que toute poésie est inutile : soyez mesurés dans vos propos et indiquez que l’utilité de la poésie est une frontière mouvante et qu’il est bien difficile de quantifier l’utilité même de l’Art.
Les conclusions : elles ne doivent pas ouvrir de manière artificielle sur un courant littéraire ou une autre question . La seule ouverture intéressante consistait à passer du domaine poétique au domaine artistique et de se demander si la notion d’utilité était pertinente pour interroger le rôle d’une création artistique .

Une variante de ce sujet : le poète doit-il rester dans sa chambre , enfermé dans sa tour d’ivoire, séparé du monde par une vitre ou au contraire, doit-il descendre dans la rue ? Le débat cette fois va s’articuler autour de la notion de participation de l’artiste à des événement politiques ; son art doit -il être le reflet des préoccupations sociales et historiques ou l’artiste doit -il demeurer à l’écart des soubresauts du monde ? autrement dit cela revient à justifier l’engagement ou à dire que le véritable artiste tend à l’impartialité et demeure observateur du monde pour mieux pouvoir l’analyser . Entrainez-vous à faire un plan détaillé ….
La fuite du temps est un thème qui a inspiré de nombreux poètes depuis l’Antiquité; Pendant la période romantique, la fuite du temps apparaît sous différentes formes souvent associée à la vieillesse et à la perte de l’amour . Charles Baudelaire , dans son recueil Les Fleurs du Mal , paru en 1857,a consacré un certain nombre de pièces à cette thématique qu’il rapproche très souvent de son Spleen : cet état d’âme mélancolique et angoissé qui lui fait voir la vie en noir. Dans les sept quatrains d’alexandrins aux rimes croisées qui forment ce chant d’automne aux accents élégiaques ,comment le poète a-t-il choisi de représenter le temps , cet ennemi qui lui ronge la vie et se fortifie du sang que l’homme perd ? Plus »

Parmi les poèmes qui composent le recueil Les Fleurs du Mal, on distingue différents poèmes qui ont le même titre : Spleen. Quel est cet état étrange que caractérise longuement le poète et qui prend des allures de prison mentale ? Il s’agira dans le cadre de notre étude de l’univers carcéral en poésie, de décrypter les images de l’enfermement qui apparaissent dans la composition du poème baudelairien.
Baudelaire invente une forme de désespoir radicalement nouveau, de mélancolie qui ne ressemble à aucune autre et qui est la source d’inspiration de sa poésie : le spleen.Le mot spleen a pour origine le mot anglais spleen (du grec ancien σπλήν : splēn) qui signifie « rate » ou « mauvaise humeur ». En effet les Grecs, dans le cadre de la théorie des humeurs, pensaient que la rate déversait un fluide noir dans le corps : la bile noire, responsable de la mélancolie.
Le plus souvent, on l’associe à une tristesse vague, dont on ne connaît pas les causes. Chez Baudelaire, le spleen devient une des composantes essentielles de l’angoisse d’exister. → En fait, Baudelaire donne exactement à son spleen le sens que la psychologie donnera ensuite à la dépression. Plus »
Le féminisme a débuté avec la prise de conscience du sort des femmes ,considérées souvent comme inférieures en droits notamment, à leurs homologues masculins . En écrivant, en manifestant, dans la rue ou dans des salons , elles ont cherché à faire valoir leurs arguments et elles ont combattu pour obtenir des droits qu’elles estiment légitimes . Chaque époque a imposé ses revendications et ses luttes et de nombreux hommes ont pris part, eux aussi, à la défense des droits des femmes. Les textes que vous trouverez en pièces jointes sont des témoignages des différentes phases de ces revendications ; Ils datent du siècle des Lumières mais également du dix-neuvième siècle et certains témoignages sont contemporains. Plus »
Commençons par rédiger une introduction en respectant les éléments obligatoires : contexte, auteur, oeuvre, extrait , problématique et annonce d’un plan .
C’est dans la seconde moitié du dix-neuvième siècle que se constitue le réalisme en réaction contre le romantisme qui accordait beaucoup d’importance à l’expression des sentiments . Les écrivains réalistes et notamment Maupassant, s’efforcent de donner l’illusion de la réalité dans leurs romans; Bel-Ami, roman qui paraît en 1880, retrace l’ascension d’un héros ambitieux sans scrupules, Georges Duroy , qui se sert de son pouvoir de séduction pour gravir les échelons de la société. L‘épilogue étale sa réussite et dépeint son mariage prestigieux avec Suzanne Walter, la fille de son patron . Comment l’écrivain présente-t-il ici le personnage ? Dans un premier temps, nous montrerons sa réussite sociale avant d’envisager sa réussite personnelle et pour terminer, nous montrerons la dimension critique de ce dénouement.
Tout d’abord, examinons dans quelle mesure ce mariage lui assure une réussite sociale . Bel-Ami est l’objet de regards envieux de la foule venue l’admirer en grand nombre : D’autres personnes se poussaient. La foule coulait devant lui comme un fleuve. Maupassant souligne au moyen de cette métaphore l’immensité de la foule et la cohue, sans doute, à la sortie de l’église. Ce public confère à l’événement un côté triomphal; Le tout Paris se presse pour admirer celui qui n’était qu’un inconnu quelques années plu tôt à son arrivée, désargenté, dans la Capitale. L’écrivain a donné à son protagoniste principal une réussite à la hauteur de ses ambitions. ” Il aperçut la foule amassée, une foule noire, bruissante ” : les trois adjectifs de la ligne 24 révèlent à la fois le grand nombre de spectateurs , leur élégance avec les costumes noir des hommes et le bruit ainsi que le mouvement qui se dégage de tous ces gens . L’écrivain souligne également qu’il est le point de mire de tous les regards : “venue là pour lui, pour lui Georges Duroy. ” La répétition ici de pour lui traduit une forme d’étonnement même du narrateur et introduit une distance ironique entre les sensations du personnage et le jugement porté sur lui par le narrateur. En effet, Georges est ébloui , à la fois par l’éclatant soleil , comme il est précisé ligne 30 , mais aussi par cette admiration dont il se grise à tel point qu’il se prend pour un roi : “Georges affolé de joie, se croyait un roi qu’un peuple venait acclamer “. On retrouve ici un paradoxe avec l’association de l’affolement et de la joie: Le héros perd , en quelque sorte, sa lucidité et se sent , littéralement, transporté par la joie . D’ailleurs, il en vient même à remercier Dieu alors qu’il n’est pas croyant, autre signe que sous l’effet de cette joie, il perd la tête : ” Il sentait sur sa peau courir de longs frissons, ces frissons froids que donnent les immenses bonheurs ” Bien qu’au centre des regards, Georges lui même ne voyait personne, (l 23 ) : Maupassant marque ici, au moyen de cette précision, son égoïsme et son narcissisme. Cette réussit sociale semble avoir un prolongement dans les rêves du personnage qui se voit déjà faire une carrière politique : au moins député et ensuite ministre; En effet, ses vues , au sens propre, comme au sens figuré, se portent sur le “Palais-Bourbon,” siège de la chambre des députés . Il lui sembla qu’il allait faire un bond peut nous faire penser que le narrateur remet en cause les rêves du personnage mais on peut également comprendre que son ascension est loin d’être terminée ; En effet, nous avons vu , dans le cadre du roman, que Georges est un personnage assez naïf et qu’il se fait berner par M Walter et son complot politique. Son avenir n’est peut être pas aussi reluisant qu’il l’imagine.Toutefois le roman se termine sur cette gloire. 
A cette réussite sociale il faut ajouter , avec ce mariage, une forme de réussite personnelle . En effet, ce mariage prestigieux lui garantit une position sociale enviable et ne met pas un terme à ses désirs amoureux et à son appétit des femmes; Maupassant précise bien que sa relation avec Clotilde de Marelle va pouvoir continuer et le jour même de son mariage, au sein de l’église , il repense à sa liaison avec sa maîtresse ; L’évocation de leur intimité ” lui fit passer dans le sang le désir brusque de la reprendre” montre à quel point le héros est resté centré sur ses désirs égoïstes et on retrouve ici une forme de violence du personnage . Il semble faire peu de cas de sa jeune épouse dont on devine simplement l’ombre à ses côtés. On mesure donc une forme de critique des agissements de Georges et le roman qui s’ouvrait sur le regard admiratif des femmes croisées dans la rue sur le héros, se termine ici, avec l’évocation des cheveux de Madame de Marelle: “toujours défaits au sortir du lit ” La dernière image de Bel-Ami est bien celle d’un séducteur, d’un homme à femmes et l’auteur rappelle ainsi que sa réussite est justement fondée sur les sentiments qu’il parvient à déclencher chez les femmes.
Le héros a changé d’allure : alors qu’il défiait la foule en jouant des épaules comme pour se frayer un chemin dans la vie, désormais il paraît apaisé : “il allait lentement, d’un pas calme, la tête haute” ( l 21) . Il a une allure impériale mais continue à prendre la pose. Un peu plus loin, “il descendit avec lenteur” : il a l’allure d’un conquérant . Le cadre accompagne cette réussite : les spectateurs forment deux haies ( l 29) comme pour l’acclamer et le soleil semble rayonner rien que pour célébrer l’événement . C’est ici l’apogée de l’ascension du personnage: une réussite totalement amorale qui laisse penser qu’un arriviste peu scrupuleux peut parvenir à se faire un nom dans une société pervertie par l’ambition et l’argent . On retrouve l’objectif réaliste de l’auteur qui entend bien donner à la fiction le rôle d’un miroir de la société et de ses travers.
Toutefois , cet épisode consacre la défaite de certaines valeurs morales . ( à rédiger… )
En conclusion, cet épilogue marque doublement la réussite du héros; par son mariage avec Suzanne, il est introduit dans un cercle fermé , celui de la grande bourgeoisie d’affaires et son métier de rédacteur en chef à La Vie Française lui assure un certain pouvoir . Idolâtré par toutes les femmes qui croisent son chemin, il se sert d’elles , de leur argent comme Clotilde de Marelle , de leur talent aussi comme Madeleine et ensuite s’en débarrasse lorsqu’elle sont devenues inutiles ou qu’elles lui font de l’ombre . Seul son attachement pour Clotilde , peu exigeante, qui ne songe qu’à se divertir , le rend encore quelque peu attachant aux yeux du lecteur . Maupassant qualifiait son héros de gredin et avoir assuré sa réussite nous permet de mesurer le pessimisme de l’écrivain qui juge ainsi sévèrement la société de son époque, occupée à conspirer , à rechercher le pouvoir à des fins personnelles et à assouvir ses désirs au mépris des valeurs morales . Georges Duroy n’est pas un héros respectable mais plutôt un anti-héros qui incarne une ère nouvelle : celles des ambitieux cyniques et égoïstes.
Quel rapport entre l’alchimie, cette pratique qui peut s’apparenter à de la magie et qui transforme le plomb en or et l’alchimie poétique ? Tout d’abord le poète apparaît comme un magicien ; celui qui a le pouvoir de changer ce qu’il voit, de transformer la boue en or, le laid en beau , le Mal en Fleur .
L’alchimie est d’abord présente dans le recueil sous plusieurs formes
- avec le titre de certains poèmes comme Alchimie de la Douleur , par exemple, un sonnet de Spleen et Idéal . Le poète y révèle que la douleur règne sur son imagination et qu’elle le transforme en celui qui change “l’or en fer ” et le paradis en enfer” ; il se compare au “plus triste des alchimistes ” . L’alchimie à laquelle fait référence Baudelaire fonctionne donc ici à l’inverse de la magie . On peut parler d’une alchimie inversée .
- Le terme alchimie renvoie également au domaine de la magie et des sciences occultes et on trouve dans les FDM une série de références à des créatures fantastiques : l’alchimie est une sorte de trait d’union entre le monde visible et le monde invisible peuplé de créatures telles que les fantômes , les revenants, les spectres, le Diable et toutes ses incarnations et les figures féminines des sorcières et autres succubes . Le poète est celui qui est en relation avec ce monde fantastique qui peuple son imaginaire et qu’il s’emploie à faire renaître sous sa plume. Il est celui qui permet les Correspondances entre les mondes .
- L’alchimiste c’est surtout celui qui est capable d’opérer la transformation de ce qui est en quelque chose de nouveau, de différent et à ce titre , toute création poétique, artistique, peut s’apparenter , au sens large à une sorte d’alchimie car elle transforme ce qui est vil en ce qui est noble, et nous enchante en créant des associations sonores et verbales . La poésie transfigure le quotidien et nous met en relation avec les secrets du Monde : le poète est, à la fois celui qui comprend d’autres langages, celui des choses inanimées, de la Nature et des puissances invisibles et celui qui invente un langage magique, mystérieux , réservé à des initiés , une véritable “sorcellerie évocatoire “ ; Qui de la boue ou de l’or l’emporte dans Les Fleurs du Mal ? Plus »

Roman qui évoque des thèmes douloureux comme la mort d’un enfant et le choix pour les parents de faire don de ses organes , Réparer les vivants de Maylis de Kerangal aborde ces sujets de manière parfois poétique , souvent philosophique; Au delà de cette histoire tragique qui démarre par un fait divers terrible , cet accident de voiture dans lequel un adolescent de 17 ans fait une hémorragie cérébrale qui le plonge dans un état de mort encéphalique , la romancière dresse une galerie de portrait de personnages attachants et complexes qu’elle fait se croiser autour du corps de Simon Limbres . Nous sommes presque à la fin du récit: pendant que Virgilio le jeune chirurgien roule à toute allure avec le coeur de Simon qu’il vient de prélever dans son caisson étanche, Marianne, la mère du défunt, rentrée chez elle, pense à son fils mort.
Voyons comment ce passage est construit et quel regard la romancière élabore autour de ce personnage de la mère ..rappelons tout d’abord que les romanciers contemporains ne suivent pas précisément les codes de fabrication des personnages hérités des techniques réalistes (lire l’article du blog sur le réalisme) : en effet, ils construisent leurs personnages à partir de leurs voix et ne donnent qu très peu d’indications sur leur passé, leur identité, leur physique; Chaque personnage est saisi dans la vérité de l’instant comme une sorte d’instantané photographique et le roman se forme à partir de ces saisies partielles. On parle souvent de vision kaléidoscopique pour montrer que les romanciers juxtaposent des états sans chercher à créer une continuité d’ordre chronologique ou psychologique.
Annonce des axes de lecture : Marianne est un personnage qui se caractérise par le lien qu’elle a tissé avec Simon: c’est une mère frappée par la douleur d’avoir perdu ce fils qu’elle aimait : la romancière fabrique une dimension pathétique autour de ce personnage de mater dolorosa ce que nous verrons dans une première partie avant de démontrer que la romancière fabrique également un passage fantastique en évoquant d’abord la mystérieuse relation entre Marianne et Simon et ensuite en faisant disparaître le personnage au profit d’une sorte de rêve éveillé qui montre le coeur de Simon dans l’espace.
1 Une image pathétique de la mère
Le cadre tout d’abord est important : il fait nuit et Marianne ne parvient pas à dormir il va être minuit : 23 h 50 exactement la précision de ce détail rend la scène d’autant plus vraisemblable ; la douleur est personnifiée et agit avec violence comme le montre le verbe défonce; il appartient à un registre de langue familier et peut s’employer pour désigner l’état d’une personne qui se drogue ; être défoncée, c’est perdre le contact avec la réalité et Marinent est comme dans un état second ; L’analogie avec la drogue se poursuit avec l’expression “c’est là qu’elle peut tenir “; Notons que dans certains cas et pour certaines pathologies, les médecins plongent des patients dont la douleur est trop forte en coma artificiel afin que leur cerveau ne puisse transmettre cette douleur .
L‘intervention du narrateur ou l’art de raconter : ce passage montre un narrateur à la fois témoin des faits mais qui semble ne pas tout savoir sur les personnages “on s’en doute ” peut être analysée de deux manières : dans une certaine mesure, cette intervention brise les codes de l’illusion réaliste dans la mesure où elle montre au lecteur la voix de celui qui écrit l’histoire (le narrateur ) et qui de ce fait est distinct du personnage ) ; mais d’un autre côté, cette intervention créée également une complicité avec le lecteur car ce on qui est mentionné, l’inclut lui aussi et le rend , en quelque sorte, partie prenante de l’histoire en train de s’écrire. Le point de vue du narrateur apparait également avec ‘on la voit qui se redresse” : le point de vue ici est bien celui d’un narrateur témoin de la scène mais qui se contenterait de la filmer sans forcément tout savoir .
C’est d’ailleurs le but des questions rhétoriques qui frappent le lecteur car elles introduisent à la fois une forme d’incertitude (le narrateur feint de ne pas savoir ce que pense le personnage donc il adopte un point de vue limité sur la scène ) mais en même temps il émet des hypothèses pour expliquer le sursaut Marianne : “se peut-il qu’elle ait capté l’instant où ..” “se peut-il qu’elle ait eu l’intuition ‘ ? ; ces hypothèses font naître la dimension fantastique du passage qui va ensuite être construite avec l’image du coeur de Simon, relique sacrée qui effectue un voyage dans l’espace . Ces mêmes questions métaphysiques reviendront à la fin du passage et Marainne finira par leur donner une réponse rassurante : “il est irréductible: c’est lui ; elle ressent un calme profond “ ; La mère peut repenser alors à son fils comme à un être qui ne peut se réduire à sa matière charnelle ” Le choix de l’adjectif “irréductible ” prouve que , bien qu’on ait côté au corps de Simon certains organes, il peut demeurer entier en présence dans l’esprit de sa mère . Les questions se transforment elles aussi en “cerceaux bouillants “ et vont ainsi se transformer les “linéaments magnétiques ” dans son imagination : ces linéaments vont maintenir les liens indestructibles qui la relient à son fils
2. Une liaison mère/fils fantastique : la connexion au delà de la mort ?
Le narrateur laisse entendre que ce qui relie ces deux personnages est de l’orde du surnaturel et il crée des images pour essayer de rendre concret et visible cette connexion. D’abord nous remarquons le verbe connecter et l’image des “linéaments magnétiques “ Le mot linéament s’emploie plutôt dans un contexte géologique ou géographique car il désigne les lignes qui marquent les accidents de surface des roches qui provient des mouvements dans l’écorce terrestre ; sur une carte, les linéaments désignent le relief des sols et dans le roman, on comprend que ce mot désigne des sortes de fils, un peu comme des arcs électriques qui traverseraient l’espace-temps pour maintenir le lien mère-fils; L’imagination de la romancière est nourrie ici des images des failles de l’ espace temps où les ondes électromagnétiques renvoient à une activité cérébrale ou simplement électrique; On peut aussi rapprocher ces linéaments du fonctionnement du cerveau et rappeler que ce sont des machines électriques qui maintiennent le corps de Simon en vie et qu’elles vont être débranchées ; la romancière veut nous faire percevoir que le cerveau de Marianne enregistre en fait , comme par intuition , ce qui est en train d’arriver à Simon. La relation mère-fils est qualifiée de proximité impalpable : avec l’allitération en p, on voit ici les liens se former avec espace, profondeur et temporel .La mère veut se raccorder , rester raccrochée à son fils et pénètre dans cet espace interdit qui forme comme une zone de veille ; La romancière veut sans doute ici évoquer par cet euphémisme “espace interdit ” les mystères de la mort ” et la “zone de veille” peut peut- être rappeler l’une des fonctions maternelles par excellence : celle qui consiste à veiller sur son enfant , à le protéger, à le rassurer. A noter que dans le roman, cette fonction maternelle est occupée , parmi le personnel soignantt, par Thomas Rémige qui va prendre , dans le milieu médical, le relais de la mère auprès de Simon; Il va le rassurer en lui passant le casque avec la musique choisie par Juliette, en lui récitant les noms de tous ceux qui pensent à lui, en prenant soin de son corps avec la toilette et le chant de la mort pour l’aider à franchir cette mystérieuse frontière entre le monde des vivants et celui des morts. Frontière qui justement s’efface dans les rêves ….
3. L’effacement du personnage au profit du rêve
A mi -chemin du rêve et de la réalité, la romancière va utiliser le personnage de Marianne pour être le point de départ d’un passage onirique du roman où elle imagine les pensées de la mère, ses rêves et le coeur de Simon qui vole. Cette sorte de rêverie métaphysique manifeste la croyance éternelle et ancestrale en une forme de vie après la mort , dans le souvenir de ceux qui ont aimé les défunts. La rêverie s’organise elle aussi à partir d’un cadre : cette nuit polaire qui forme un décor fantastique comme une apparition lumineuse, une sorte d’étoile filante qui illumine l’espace: ainsi pour préparer cette apparition, les nuages se “déchirant” , “le ciel opaque se dissolve” ; le coeur de Simon est comme l’étoile polaire : celle qui dans les légendes guide les hommes vers Dieu ou les met sur la bonne voie; par analogie et comme par glissement, le coeur se transforme en relique sacrée : (la relique était le reste d’un corps de saint qu’on adorait et qu’on venait prier : cela pouvait être une main , un morceau de squelette et bien évidemment le coeur qu’on conservait précieusement ) Ainsi à cette apparition de l’étoile dans le Ciel coïncide ce voyage du coeur dans son “caisson ” et le narrateur note que le plastique de la paroi “brille dans les faisceaux de lumière électrique ” ; Un lien est donc clairement établi entre les deux voyages, celui de l’étoile observée par la mère et celui du coeur de Simon transporté par Virgilio .
La vision du personnage dans l’appartement a donné naissance à ce voyage réel d’abord du coeur de son fils dans la voiture et ensuite à un voyage imaginaire et mythique qui nous plonge au Moyen-age à l’époque où on convoyait “les coeur des Princes ” dans les cités; Simon devient ainsi un personnage de légende lui aussi, à l’instar de ces souverains d’autrefois dont les dépouilles étaient vénérées et devant lesquels les gens se recueillaient “on se signait en silence pour regarder passer ce cortège extraordinaire” Le personnage de Simon obtient ainsi grâce à ces comparaisons une dimension sacrée
Attention j’ai coupé une partie de cette description du voyage médiéval dans vos passages dactylographiés…
La fin du passage nous ramène à Marianne et aux questions métaphysiques qu’elle se pose et que tous les lecteurs peuvent également partager : “que subsistera t-il dans cet éclatement de l’unité de son fils” : cette interrogation pose le problème des liens entre le corps et l’âme ; l’esprit est un et indivisible alors que le corps peut être morcelé ; Notre unité est avant tout spirituelle et n’est pas liée à notre enveloppe corporelle : du moins pour ceux qui croient à l’existence de l’âme ; pour certaines religions, âme et corps ne peuvent être séparés et donc les parents refusent les dons d’organes par peur de perdre l’ âme de leur enfant
En conclusion ,la romancière a donc imaginé pour ce passage important qu’au moment où on opère son fils mort pour lui prélever ses organes et les envoyer un peu partout en France,, Marianne , sa mère perçoit du fond de sa peine, une sorte de lien indestructible en pensée entre elle son fils et elle est soulagée de sentir sa présence irréductible ; le personnage de Simon acquiert ainsi une dimension sacrée, mythique en se transformant et en étant comparé aux souverains défunts des temps anciens .
L’irrémédiable : descente aux Enfers selon Charles Baudelaire